M. Bernard Vera. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Dans le diagnostic que nous avions formulé préalablement au G20 de Washington, nous avions bien indiqué que l’une des causes de la crise financière était le mode de rémunération pousse-au-crime…
M. Philippe Marini, rapporteur général. La tyrannie du court terme !
Mme Nicole Bricq. En effet, monsieur le rapporteur général !
… qui faisait prendre des risques au nom de l’entreprise, et ce finalement grâce l’aide publique,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avec l’argent des contribuables !
Mme Nicole Bricq. … et aux dépens du contribuable !
Si l’on veut qu’une régulation financière intervienne également pour les modes de rémunérations, nous devons la mettre en place dès à présent. Nous avons bien compris que vous n’y tenez pas, mais nous sommes en droit de la demander à l’occasion de la discussion d’un projet de loi de finances rectificative.
Si vous vous y opposez aujourd’hui, monsieur le rapporteur général, nous reviendrons à la charge et nous ne vous lâcherons pas, car nous ne voulons pas, si le pays revient à meilleure fortune, que tout recommence comme avant et que l’on passe purement et simplement l’éponge !
M. Bernard Vera. Exactement !
Mme Nicole Bricq. Nous allons donc représenter nos amendements, notamment le premier d’entre eux, qui vise à plafonner les rémunérations, car nous sommes le seul pays en Europe où les rémunérations les plus élevées atteignent 400 fois le SMIC. L’un de nos amendements prévoit un plafonnement égal à vingt fois le montant du SMIC. N’est-ce pas là une limite raisonnable ?
M. Bernard Vera. C’est bien !
Mme Nicole Bricq. Cette fois, nous aurons le temps de les défendre, et vous le temps de vous y opposer.
Les inégalités de revenus, qui ne sont plus à démontrer, sont à l’origine de la crise que nous vivons. Faisons en sorte que, à la sortie de cette crise terrible, tout ne recommence pas comme avant. C’est un élément des nouvelles régulations financières que nous appelons tous de nos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui le deuxième collectif budgétaire de l’année 2009 et la quatrième loi de finances en quatre mois, last but not least, comme disent nos amis d’outre-manche. (Exclamations amusées.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Attention à l’influence anglo-saxonne !
M. Jean-Jacques Jégou. C’était pour vous réveiller un peu, mes chers collègues, mais je constate que tout le monde suivait ! (Sourires.)
Ainsi, après un premier collectif instaurant un plan de soutien au système bancaire, un deuxième, consacré aux aides aux entreprises, et un troisième, voté en janvier dernier, faisant de l’investissement public une priorité, ce projet de loi de finances rectificative vise une série de mesures centrées principalement sur l’emploi et le pouvoir d’achat.
Il comprend trois types de mesures : l’abondement du fonds d’investissement social en faveur des chômeurs, le plan en faveur du secteur automobile et la suppression du versement des deux premiers tiers de l’impôt sur le revenu pour les contribuables de la première tranche et une partie de ceux de la deuxième tranche.
C’est aussi l’occasion pour le Gouvernement de réviser ses hypothèses macro-économiques et ses prévisions de croissance, prenant en compte la forte dégradation de la situation économique française. Je profite de l’occasion pour vous remercier, madame la ministre, monsieur le ministre, de l’effort de transparence et de sincérité devant la représentation nationale et les Français sur l’état très dégradé de nos comptes publics.
C’est aussi un moyen, j’en suis sûr, pour l’ensemble de nos concitoyens de mesurer la gravité de la situation financière du pays et d’amener l’ensemble des acteurs à se montrer plus vertueux dans la gestion de l’argent public.
La révision des prévisions de croissance nous fait prendre conscience chaque jour davantage de la profondeur de la crise que nous vivons. L’année 2009 sera, pour l’économie de notre pays, celle de la plus grave récession depuis 1945 et nul ne peut dire aujourd’hui à quelle échéance nous en sortirons.
Avec l’annonce, chaque jour, de nouveaux plans sociaux, de fermetures d’entreprises, d’augmentation rapide du chômage, le climat social est extrêmement tendu.
Les mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique contenues dans ce deuxième volet du plan de relance sont nécessaires. Personne ne saurait le contester.
Il ne faut pas oublier non plus que nous débattons de ce collectif budgétaire à la veille de la tenue du G20. Les opinions publiques attendent beaucoup de ce sommet, qui doit refonder le système économique et financier international et apporter des réponses à la crise mondiale.
Tout le monde a désormais conscience qu’il faut revoir un certain nombre de règles de fonctionnement du système capitaliste financier qui s’est écroulé sous nos yeux. Les grandes puissances économiques doivent donner des signes tangibles dans le domaine de la relance et de la croissance économique pour reconstruire la confiance entre les acteurs.
La coopération internationale doit primer pour trouver un accord sur de nouvelles règles, pour instaurer une nouvelle gouvernance de notre système financier en l’assainissant, notamment en traitant l’ensemble des actifs toxiques des banques et en luttant contre les paradis fiscaux qui empêchent toute régulation efficace, pour revoir le fonctionnement des agences de notation, enfin, pour faire évoluer les nouvelles normes comptables IFRS – International Financial Reporting Standards – qui ont été responsables, à mon avis, d’une bonne partie de la crise.
Nous espérons que les décisions seront à la hauteur des enjeux. Les mesures devront être, comme l’a dit le président Obama, « audacieuses, ambitieuses et coordonnées » afin d’enrayer la crise économique mondiale.
Le présent projet de loi de finances rectificative enregistre l’aggravation de nos déficits et de la dette. Je salue les efforts réalisés par Éric Woerth, qui fait partie de ceux qui ont pleinement conscience de la nécessité et de l’urgence pour notre pays d’assainir durablement la situation des comptes publics de l’État.
Je tiens à le rappeler, même en période de crise économique, où la tendance naturelle des pouvoirs publics peut être de laisser filer les déficits, maîtriser notre niveau de dépense et d’endettement public est une obligation.
Cependant, alors que nous affirmons inlassablement, année après année et auprès de tous les gouvernements, la nécessité d’équilibrer nos comptes publics et de réduire la dette et les déficits, nous mesurons – nous payons, devrais-je dire –toutes les conséquences de nos faiblesses collectives.
Lors de la précédente loi de finances rectificative, qui a été adoptée voilà un peu moins de deux mois, j’estimais qu’une situation moins dégradée de nos finances publiques nous aurait garanti des marges d’intervention plus grandes, donc plus efficaces, en matière d’investissements publics et de relance de l’économie.
En effet, le plan de relance français, bien qu’allant dans le bon sens en accordant la priorité à l’investissement, est modeste au regard de ceux de nos partenaires européens et américains.
Nous ne pouvons que le regretter compte tenu de la dégradation de nos comptes publics : avec une croissance de moins 3 % en 2009, voire pire, la France, contrairement à plusieurs de ses partenaires européens qui ont équilibré leurs comptes, ne dispose plus de marges de manœuvre budgétaires.
Le déficit public atteindra, selon le Gouvernement, près de 104 milliards d’euros, soit 5,6 % du PIB, voire 6,6 % si l’on suit les estimations faites par M. le rapporteur général.
Conséquence de la baisse de la masse salariale, monsieur le ministre, le déficit de la sécurité sociale atteindra, quant à lui, 18 milliards d’euros en 2009. La dette publique grimpera à plus de 75 points de PIB en 2009.
Les estimations de notre commission des finances ne sont pas « réjouissantes » : la perspective de voir nos déficits descendre en dessous de 3 % du PIB s’éloigne alors que la dette publique pourrait atteindre, en 2012, plus de 90 points de PIB, selon le scénario central.
Cette situation handicape notre pays et l’empêche de préparer l’avenir en investissant dans la recherche et l’innovation, pourtant indispensables pour créer des richesses, ce dont nous ne sommes plus capables aujourd’hui, et c’est là tout le problème.
Le développement, ou plutôt le « redéveloppement », du système productif français est primordial si nous voulons assurer un avenir quelconque à l’économie de notre pays.
Certes, nous espérons tous que la croissance repartira le plus vite possible, mais nous n’avons aujourd’hui aucune certitude à ce sujet.
Certains parlent, imprudemment selon moi, d’une reprise de l’activité en 2010. Ayons le courage d’avouer que personne n’en sait rien. Aucun économiste ne peut prétendre aujourd’hui que la croissance redémarrera l’année prochaine.
Il sera donc extrêmement difficile de réduire nos déficits d’ici à 2012, contrairement aux engagements qui avaient été pris par le Gouvernement.
Nous devons donc tous, encore plus aujourd’hui qu’hier, demeurer attentifs à la maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, toutes les dépenses nouvelles doivent être gagées et il n’est pas possible de financer par le déficit la dette et les réductions d’impôt.
Je le dis, madame la ministre, monsieur le ministre, car l’annonce récente de la réduction du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % sur la restauration est, pour nos finances publiques, inquiétante.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances et M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou. Nous ne sommes pas assez nombreux à le dénoncer. Tout le monde le pense, mais personne ne veut le dire.
Je souhaitais m’exprimer sur ce point aujourd'hui, car cette promesse multi-présidentielle, puisqu’elle date du Président Chirac, coûterait près de 3 milliards d’euros au budget de l’État, et encore, à condition de revenir sur les mesures transitoires, dont personne ne parle plus, d’aide à la création d’emplois et des exonérations de charges sociales dans l’hôtellerie et la restauration !
Surtout, cette mesure, si elle est concrétisée, devra se faire en obtenant des contreparties, notamment en matière d’embauches et de baisse des prix pour les consommateurs. Autant vous le dire, madame la ministre, monsieur le ministre, je n’y crois pas !
Dans le même ordre d’idées, j’aurais pu évoquer les mesures en faveur de l’outre-mer ; faute de temps, je ne le ferai pas.
Madame la ministre, monsieur le ministre, avec les plans de relance, vous avez trouvé une distinction astucieuse, qui se veut rassurante car elle atténue l’ampleur de notre déficit.
Vous nous expliquez, avec beaucoup de pédagogie, que le déficit de crise, à hauteur d’environ 60 milliards d’euros, est lié aux effets de la crise sur les rentrées fiscales et aux mesures de soutien à l’économie comprises dans les plans de relance, et qu’il se résorbera par nature à la fin de l’année 2010.
Le déficit structurel, quant à lui, qui s’élève à environ 40 milliards d’euros, subsistera puisque, malheureusement, les différents gouvernements ne réussissent pas à le réduire depuis de trop nombreuses années.
Cette distinction est habile et j’aimerais bien vous suivre. Mais je ne suis pas sûr qu’elle corresponde totalement à la réalité, notamment parce qu’il est difficile de croire à l’étanchéité parfaite entre les dépenses de crise et les dépenses courantes.
En outre, ces dépenses, bien que liées à la crise, viennent alourdir le déficit et la dette. D’ailleurs, sommes-nous sûrs que, parmi les mesures prévues dans ce projet de loi, certaines dépenses de crise ne basculeront pas dans le déficit « courant » ?
Je voudrais, à ce moment de mon intervention, aborder deux questions qui sont au centre du débat public ces dernières semaines : le bouclier fiscal et les rémunérations des dirigeants d’entreprise. Ces deux questions monopolisent l’attention de l’opinion publique : je veux en dire deux mots.
Le bouclier fiscal, puisqu’il a dominé le débat à l’Assemblée nationale et que nous risquons d’en discuter ici, qu’on le veuille ou non est devenu aujourd'hui le symbole de l’injustice sociale.
Là encore, au regard de cette polémique, je pense que le Gouvernement aurait été bien inspiré de suivre la commission des finances, en novembre dernier, …
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est bien vrai !
M. Jean-Jacques Jégou. … lorsque son président, Jean Arthuis, appuyé par plusieurs de ses membres, proposait de supprimer le bouclier fiscal en adoptant ce qu’il est désormais convenu d’appeler le «triptyque ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Jacques Jégou. La vraie question lorsqu’on traite du bouclier fiscal est de savoir si l’impôt est équitable et économiquement efficace.
Le bouclier fiscal a été créé pour respecter le principe juste d’après lequel nul ne doit payer plus de 50 % de ses revenus en impôts. Il avait d’ailleurs été mis en place par Dominique de Villepin pour limiter les effets contre-productifs de l’impôt sur la fortune.
Pour plusieurs raisons, notamment parce que c’est le revenu net qui est pris en compte, ce dispositif est devenu, pour paraphraser le président de la commission des finances, une « offense à la justice fiscale », tant son application produit des injustices choquantes, comme l’ont révélé certains exemples récents.
Du fait de la complexité de notre système fiscal, que le bouclier n’a fait qu’accroître, ce dernier est devenu un amplificateur des défiscalisations et des opérations d’optimisation fiscale.
C’est pourquoi nous pensons que la solution proposée par la commission des finances de supprimer le bouclier fiscal, tout en abrogeant l’impôt sur la fortune, dont chacun connaît les effets contre-productifs sur notre économie, et d’instituer un nouveau taux marginal de 45 % de l’impôt sur le revenu est la plus à même de répondre aux impératifs de justice sociale et d’attractivité pour nos entreprises.
Nous avons déjà commencé sur cette voie lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 en plafonnant les niches fiscales. Monsieur le ministre, aujourd'hui, avec la crise, c’est nettement insuffisant. Vous devrez nécessairement traiter cette question à l’occasion du projet de loi de finances pour 2010, notamment dans le cadre de la réflexion sur notre système fiscal, en ayant à l’esprit plusieurs principes : attractivité du territoire, équité et efficacité fiscales, proportionnalité et progressivité de l’impôt.
Nous ne pouvons que déplorer la faiblesse de nos recettes fiscales, cause directe de notre déficit. Or cette situation n’est pas étrangère au fait que le produit de l’impôt sur le revenu – 50 milliards d’euros – est très faible par rapport à l’ensemble de nos ressources, voire ridicule si on le rapproche de celui de grands pays comparables à la France.
Il est vrai que les gouvernements n’ont cessé de multiplier les niches et les incitations fiscales, réduisant de fait le produit de l’impôt sur le revenu. Il faut profiter de cette crise pour mettre à plat notre fiscalité, car, on le sait, de toute façon, ce n’est jamais le moment !
Je veux dire un mot, enfin, sur les rémunérations excessives des dirigeants d’entreprise. Personne ne peut ignorer l’émotion suscitée par les annonces en cascade de dirigeants d’entreprise qui partent avec des bonus, actions, stock-options ou golden parachutes de plusieurs millions d’euros, alors qu’au même moment sont annoncés des fermetures d’entreprises, des licenciements ou du chômage partiel, que ces entreprises ont été aidées financièrement par l’État et que quelques dirigeants ont failli dans la gestion de leur entreprise.
Nous ne pouvons qu’être favorables à tout type de dispositif qui aurait pour objet la moralisation des pratiques de rémunération variable dans un contexte de crise. Comme l’écrivait un des pères du libéralisme, Adam Smith, pour que le marché fonctionne, l’entrepreneur doit modérer « ses pulsions d’avidité et d’accaparement ».
Il faut aller plus loin et véritablement moraliser le capitalisme, car les évolutions récentes du système l’ont dénaturé.
La question des rémunérations excessives peut être rattachée à une évolution du capitalisme, devenu un système où, finalement, ceux qui prennent les décisions ne sont pas ceux qui en supportent les risques.
Les actionnaires, les managers ou les administrateurs s’investissent dans l’entreprise pour faire carrière et, en général, pour faire fortune le plus rapidement possible, justement en s’attribuant des rémunérations excessives, sans tenir compte de l’intérêt de l’entreprise. Ils restent quelques années dans une entreprise, puis vont dans une autre.
Ces personnes ne sont pas attachées à l’entreprise et leur intérêt ne coïncide donc pas avec celui de cette dernière. Le pire, c’est qu’ils ne sont même pas responsables des décisions stratégiques.
La deuxième évolution, qui a dénaturé le système capitaliste, et qui est d’ailleurs une des raisons de la crise actuelle, est la préférence pour le présent et le court terme.
Cette préférence pour le présent ou l’instant a rendu quasiment impossible les investissements à long terme, alors qu’il ne devrait pas être possible de diriger une entreprise sans avoir en perspective l’avenir.
C’est, à mon avis, en réfléchissant à ces deux questions que nous pourrons refonder le système capitaliste.
Si j’ai émis quelques réserves sur certains aspects de ce collectif budgétaire au regard de leurs conséquences sur nos finances publiques, nous ne pouvons nous opposer aux différentes mesures en faveur du pouvoir d’achat et de soutien à l’activité économique qui nous sont proposées ici. C’est la raison pour laquelle une large majorité de notre groupe approuvera ce collectif budgétaire.
Nous sommes convaincus que, en cette période de crise, il faut surtout redonner confiance à notre pays si l’on veut éviter que 2009 ne soit l’année d’une crise sociale majeure. Pour cela, il faut cesser de dresser les Français les uns contre les autres.
Mais, au moment où notre pays s’enfonce dans la crise, il me semble aussi essentiel de préparer la sortie de crise. C’est pourquoi le groupe centriste est attaché à ce que le Gouvernement tienne la dépense en cette période difficile, gage toutes les dépenses nouvelles et refuse la facilité de la dérive budgétaire dans les années qui viennent. Nous y serons particulièrement vigilants. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 22 janvier dernier, ici même, j’indiquais au nom de mon groupe : « Nous nous sommes déjà largement exprimés sur ce texte, rappelant la fonction de rattrapage, d’habillage et de maquillage de ce plan. Malgré tout, comme nous sommes respectueux du dialogue républicain, nous ne rappellerons pas trop longuement, au terme de la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2009, sous quels auspices les discours du début de législature avaient placé le devenir des comptes publics !
« Tout au plus pourrions-nous nous demander, en ce 22 janvier 2009, ce que devient le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont la commission mixte paritaire ne s’est toujours pas réunie.
« Au terme de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2009, du collectif de décembre 2008 et, bien sûr, du présent texte, le déficit budgétaire pour 2009 est passé, par le biais de quelques amendements de dernière minute du Gouvernement, de 49,2 milliards d’euros à 86,3 milliards d’euros ! Comment ne pas être sidérés de constater que le soutien à la consommation populaire n’explique qu’à hauteur des 200 misérables millions d’euros de la prime qui sera versée le 1er avril aux allocataires du RSA cette explosion en plusieurs temps du déficit ?
« Il faut donc croire, mes chers collègues, que le creusement du déficit a d’autres raisons.
« La première, c’est l’insuffisance des recettes fiscales nettes, qui s’explique par diverses mesures fiscales incitatives n’ayant aucune incidence sur la croissance. En effet, rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que nous échapperons à la récession.
« La seconde, c’est le recours abusif à la dépense fiscale pour permettre que les fameuses réformes du Gouvernement atteignent leur objectif, c’est-à-dire alléger l’impôt des plus riches et des plus grandes entreprises. »
Vous ne m’en voudrez pas, mes chers collègues, d’avoir procédé, à l’occasion de la discussion générale de ce collectif de printemps, à une longue citation de ce que j’avais dit lors de la conclusion des débats, il y a un peu plus de deux mois, sur le collectif d’hiver.
Une semaine plus tard, mon collège Bernard Vera, au nom du groupe CRC-SPG, indiquait, en présentation des conclusions de la commission mixte paritaire, que le collectif qui venait d’être adopté en appellerait sans doute d’autres. Pour reprendre une expression du langage populaire, ça n’a pas loupé !
Il a, en effet, suffi d’une nouvelle poussée de fièvre sociale – le collectif de janvier a été débattu avant les deux grandes journées d’action interprofessionnelle du 29 janvier et du 19 mars derniers –, de la révélation du scandale permanent de la rémunération des principaux chefs d’entreprise de notre pays et de leurs stock-options et autres, et surtout d’une nouvelle détérioration de la situation économique pour que nous soyons en présence de ce collectif.
Permettez-moi, à ce propos, de pointer dès maintenant un fait.
Face à l’impatience et à la réprobation manifestées par l’opinion publique devant le scandale de la rémunération des chefs d’entreprise, le Gouvernement vient de publier un décret encadrant la pratique des bonus et autres stock-options, décret qui ne fait que changer les choses au minimum et dont l’encre n’aurait sans doute pas coulé sans la mobilisation de l’opinion publique et l’initiative de parlementaires comme ceux de mon groupe, ainsi que nous l’avons vu la semaine dernière !
Pour l’heure, le Gouvernement vient de renoncer, avec ce collectif, à la prévision de croissance qui était encore affichée fort timidement dans le collectif de janvier dernier.
Nous en sommes désormais à un cadrage macroéconomique, serti d’une récession à hauteur de 1,5 % du PIB, soit le pire ralentissement connu par notre pays depuis l’après-guerre ! D’autant que, selon les hypothèses retenues tant par les économistes que par l’INSEE, la récession risque fort d’être encore plus importante et de friser les 3 points de PIB !
Les services de « Pôle emploi », malgré l’usage de l’ensemble des mesures dilatoires permettant de réduire le nombre des chômeurs inscrits, ont tout de même enregistré en février 79 900 inscriptions de plus, c’est-à-dire, tout de même, près de 3 000 chômeurs supplémentaires tous les jours !
Encore heureux qu’existe dans notre pays un code du travail, qui protège un minimum les salariés, et que le recours au chômage partiel est une réponse d’attente devant le ralentissement de l’activité. À défaut, nous connaîtrions probablement une hémorragie d’emplois encore plus spectaculaire !
Le Président « du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat » est devenu, et son Gouvernement avec lui, celui du chômage partiel, du chômage total pour un nombre toujours croissant d’exclus, et de la stagnation du revenu pour le plus grand nombre !
Je comprends que, dans vos interventions, vous ne cessiez de dire qu’il ne faut pas opposer les uns et les autres : à la lumière de ce qui s’est passé dans la rue le 29 janvier et le 19 mars derniers, il est clair que vous craignez une plus grande mobilisation !
Le bilan de la loi TEPA, cette loi trompeusement destinée au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, est sans équivoque !
Le nombre d’heures supplémentaires n’a pas connu de progression spectaculaire et les gains de pouvoir d’achat des salariés ont été faibles, se limitant, la plupart du temps, aux deux euros de cotisations sociales « gagnés » sur les heures payées au SMIC, mais peu au-delà.
Les seules mesures qui ont connu un certain succès, et cela ne nous étonne pas, sont celles qui ont amputé le produit de l’ISF, qu’il s’agisse de l’abattement sur l’habitation principale ou de l’incitation à investir dans le capital des PME !
C’est aussi le bouclier fiscal qui va, bientôt, devenir la marque infâme d’un Gouvernement qui s’entête à conserver un dispositif ne profitant véritablement qu’à une poignée de contribuables, bien loin de l’intérêt général, qui pourtant devrait être, dans notre pays, la source unique de la loi, y compris de la loi fiscale !
C’est enfin l’ensemble du dispositif destiné à alléger les droits de mutation sur successions et, surtout, sur donations qui a favorisé l’exemption fiscale de patrimoines particulièrement importants et une optimisation qui a contribué au creusement des déficits !
Les résultats pervers de la loi TEPA sont connus : effet d’aubaine pour les entreprises en matière d’heures supplémentaires, liquidation d’emplois intérimaires ou en CDD par arbitrage en faveur de ces heures supplémentaires.
Ceux qui, voilà plus d’un an, ont fait des heures défiscalisées Sarkozy sont, aujourd’hui, soit au chômage partiel, soit licenciés et je rappellerai à l’intention de M. le rapporteur général que les salariés de l’usine Continental, qui avaient accepté – il le fallait ! – de travailler quarante heures par semaine se sont vu ramenés à 35 heures avant d’être finalement licenciés.
Si je cite cet exemple, monsieur le rapporteur général, c’est parce que certains parlementaires votent, « en haut », des textes contraires aux discours qu’ils tiennent, « en bas » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis-je vous interrompre, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de l’orateur.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur Foucaud.
Le cas de l’usine Continental, sur lequel j’ai, hélas ! souvent l’occasion de m’exprimer ces temps-ci, est très spécifique. Il est lié au mode de management de l’entreprise et à l’OPA hostile dont elle a fait l’objet. Il est irrationnel de vouloir tirer des leçons générales de cette situation particulière, notamment en ce qui concerne le régime des heures supplémentaires.
Dois-je rappeler qu’en 2007, lorsqu’a été organisé un référendum d’entreprise, on a mis en balance, dans la même formule, les quarante heures et la pérennité du site jusqu’en 2012 ? On peut comprendre dès lors que des amalgames soient faits.
Il n’en demeure pas moins que la situation de l’entreprise Continental est très particulière. Et, comme l’a dit très justement le secrétaire d’État, M. Luc Chatel, s’il y a eu trahison, c’est bien dans ce cas très particulier.
Mon cher collègue, il n’y a aucune contradiction entre les principes et les valeurs que je défends ici, en qualité de parlementaire, et les principes et les valeurs qui inspirent mon action comme maire et président d’agglomération. Je vous prie de bien vouloir en prendre acte.