M. Bruno Sido, rapporteur. Quel anti-syndicaliste ! (Sourires.)
M. Gérard Le Cam. Le démembrement, aujourd'hui interdit dans le cadre des transmissions, devrait être autorisé de façon à accorder des terres aux cultures biologiques.
Cet objectif suppose aussi de respecter un temps indispensable de conversion des terres.
Il nécessite la mise en place immédiate, à tous les niveaux de l’enseignement agricole, initial et continu, de modules de formation à l’agriculture biologique.
Il appelle enfin des aides importantes pour assurer l’installation, la conversion, la transformation des produits, l’organisation de multiples circuits courts. Il faudrait également que ceux qui s’engagent dans cette voie aient l’assurance de pouvoir gagner décemment leur vie.
Cet objectif ambitieux est-il un pur affichage destiné à pouvoir dire ensuite qu’il y avait la volonté mais que la conjoncture, la formation, la concurrence étrangère, etc. n’ont pas permis de l’atteindre ?
Ou alors va-t-on définir des critères beaucoup moins exigeants que ceux qui sont actuellement en vigueur pour l’agriculture biologique, au regard de ce qui se passe chez nos voisins européens ?
Le texte du Grenelle II comporte la notion de « haute valeur environnementale ». Il pourrait, demain, se produire un rapprochement ou une confusion entre des produits réellement biologiques et ces produits dits à haute valeur environnementale. Permettez-moi de m’interroger sur ce point, sans préjuger les intentions du Gouvernement dans cette affaire.
Au-delà de toutes ces remarques, l’installation dans nos campagnes de familles agricoles en production biologique ou en reconversion pourrait être très positive, confortant la démographie agricole, qui a bien souffert au cours des dernières années, et le tissu humain de nos territoires. Ce type de production est moins exigeant en surface, il souffre de clichés, certes, mais il est porteur d’avenir et de développement ; c’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à favoriser un maillage dense d’exploitations en agriculture biologique sur l’ensemble du territoire en étudiant les modalités de soutiens spécifiques à l’installation et à la conversion.
Or, il existe déjà de nombreuses dispositions visant à favoriser un développement des territoires agricoles les plus fragiles ou les plus reculés – s’il reste encore des territoires isolés, avec tous les TGV que l’on veut construire… (Rires.) –, ainsi que l’installation ou la conversion à l’agriculture biologique.
Dès lors, cet amendement alourdit le texte sans enrichir le droit existant. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Les dispositions que nous avons actuellement pour développer l’agriculture biologique reposent sur une démarche volontaire. Il ne faut pas nier qu’une telle démarche est longue et lourde d’apprentissage. Nous ne disposons pas des outils qui nous permettraient de l’imposer uniformément sur l’ensemble du territoire.
Aussi, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 223 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Oui, madame la présidente.
Comme vous venez de le dire très justement, madame la secrétaire d'État, vous n’avez pas les outils nécessaires. Cela ne se fera pas dans les CDOA.
M. Gérard Le Cam. Les terres manqueront, y compris pour des jeunes qui ont la volonté de s’installer en agriculture biologique. Voilà ce qui va se passer ! Nous pouvons d’ores et déjà nous donner rendez-vous dans cinq ans !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Ce texte est le fruit de la négociation et du débat avec l’ensemble des acteurs, y compris la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, ou FNSEA. J’ai rencontré encore récemment M. Lemétayer, président de cette dernière : il est tout à fait d’accord, comme tout le monde, sur le principe du développement de l’agriculture biologique.
Quant à l’agriculture de haute valeur environnementale, elle figure dans les conclusions du Grenelle de l'environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Le texte fixe des objectifs, et j’y suis absolument favorable.
Cela dit, les agriculteurs âgés de plus de quarante ans qui ne sont pas formés vont avoir les plus grandes difficultés à se convertir brutalement à l’agriculture biologique. (Mme Jacqueline Panis s’exclame.) Ils font déjà beaucoup d’efforts pour adopter des méthodes culturales moins brutales.
Il importe par conséquent de former dès le départ les jeunes agriculteurs à l’agriculture biologique dans les écoles. Or nous manquons de formateurs et d’enseignants en la matière. Il va donc falloir fournir un effort financier significatif pour que les jeunes agriculteurs reçoivent la formation nécessaire dans nos écoles. On ne s’improvise pas agriculteur biologique : une longue formation est indispensable !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Je regrette les avis défavorables émis sur cet amendement. En effet, le maillage dense des exploitations et le soutien spécifique à l’installation m’amènent à dire que le développement d’une agriculture périurbaine dans des filières non traditionnelles est un enjeu réel.
J’ai ainsi reçu plusieurs demandes, dans mon village, émanant de jeunes qui ne sont pas issus de familles agricoles. Ce sont donc des néo-ruraux, qui n’ont pas d’exploitation à reprendre et ne disposent pas de capital, mais seraient prêts à se lancer dans l’agriculture biologique en raison de l’existence de débouchés proches et d’une filière courte à forte valeur ajoutée. Il est donc dommage de ne pas donner une véritable impulsion.
Je rappelle que, pour commencer une activité agricole, il faut du capital. Faciliter l’installation des jeunes en périphérie répondrait à une réelle demande.
Mme la présidente. L'amendement n° 747, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, après les mots :
l'année 2009
insérer les mots :
et une partie des crédits européens issus du premier pilier de la politique agricole commune sera redéployée
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Le texte prévoit des crédits d’impôt pour développer l’agriculture biologique. Certes, c’est une bonne chose, mais, pour en avoir discuté avec des exploitants passés de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique, je voudrais insister ici sur plusieurs aspects qui me paraissent très importants.
Tout d’abord, il est très difficile de passer ne serait-ce que de l’agriculture intégrée à l’agriculture biologique. Le saut technique d’une démarche dans laquelle on essaie d’économiser au maximum les intrants à une agriculture excluant tout intrant de synthèse est coûteux et risqué.
D’un point de vue économique, le surcoût pouvant être important, le passage de l’agriculture intégrée, déjà très intéressante, à l’agriculture biologique se caractérise par une forme de désavantage comparatif. L’agriculteur rencontre tout à coup de graves difficultés financières.
Sur le plan technique, l’agriculture biologique est plus difficile à maîtriser.
En tout cas, il faut être capable de provoquer un véritable déclic.
Je voudrais rappeler que les agriculteurs, quels qu’ils soient, sont des acteurs économiques. Ils sont donc sensibles au signal des prix mais aussi à celui des aides. Mon amendement procède de ce constat.
Aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, nous disposons effectivement de marges de manœuvre financières considérables pour procéder à ce saut, et ce sans dépenser davantage. Quelles sont ces marges ? Il s’agit de ce que l’on appelle le premier pilier de la PAC, la politique agricole commune, qui représente 9 milliards d’euros. Or, à l’heure actuelle, les critères de distribution de cette manne ne tiennent aucun compte de l’objectif de transformation de l’agriculture retenu par le Grenelle. J’oserai presque qualifier d’erratique la distribution de cette somme.
Pour ceux qui, n’étant pas agriculteurs, ne connaissent pas ce dossier, je rappellerai que, depuis 2006, les aides sont distribuées en France selon le principe des droits à paiement unique, calculés sur des références. Très concrètement, chaque parcelle dispose d’un droit à prime calculé sur le montant des primes perçues entre 2000 et 2003. Par conséquent, une parcelle consacrée au cours de cette période à des cultures légumières ou arboricoles ne donnera pas droit à un seul euro. Une parcelle voisine sur laquelle on cultivait de l’herbe donnera en revanche droit à 60 euros. Enfin, une parcelle de maïs donnera droit à 490 euros !
Ce dispositif doit perdurer jusqu’à la prochaine réforme de la PAC.
J’affirme que l’argent ainsi distribué ne permet pas d’atteindre les objectifs du Grenelle. Nous pourrions donc prélever une partie des sommes allouées au titre de ce premier pilier non seulement pour atteindre nos objectifs mais aussi pour « relégitimer », si j’ose dire, ces aides.
Nos concitoyens ne comprennent effectivement pas pourquoi les cultures autrefois en herbe bénéficient de 60 euros de soutien et les parcelles autrefois en maïs de 490 euros. Certes, cela s’explique techniquement,…
M. Charles Revet. Même pas !
M. Jacques Muller. … mais cet état de fait n’est pas compréhensible aujourd’hui.
Je vous propose donc de redéployer une partie – le pourcentage serait à définir ensuite par décret – des crédits du premier pilier pour développer l’agriculture biologique, faute de quoi ce développement ne se fera pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Madame la présidente, je veux vous rassurer : je ne participerai pas à l’enlisement du débat ! J’ai déjà prié M. Muller de ne pas nous donner des leçons toute la nuit. De temps en temps, il nous parle en enseignant. D’autres fois, il nous donne des leçons comme s’il était lui-même agriculteur et qu’il connaissait absolument tout de l’agriculture. Je le regrette, mais il y a bien des choses qu’il ne sait pas !
Pour ma part, je ne lui donnerai pas de leçon. Je répondrai seulement du point de vue législatif à la question qu’il pose, et je m’en tiendrai là.
L’amendement n° 747 anticipe sur les discussions actuellement en cours au niveau national pour décider de la mise en œuvre du bilan de santé de la PAC, et notamment du recours au produit de la modulation et de l’article 68.
Il s’agit, au surplus, d’une « mécanique » juridique et financière ne relevant pas d’un texte d’orientation comme le Grenelle.
L’essentiel est en effet que les crédits consacrés à l’agriculture biologique soient en augmentation, ce qui est le cas au vu des prévisions de la dernière loi de finances et du présent texte.
La commission demande donc à M. Muller de retirer l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Je souscris complètement au principe de la mobilisation du premier pilier pour soutenir l’agriculture biologique. Michel Barnier, qui conduit actuellement les négociations, partage pleinement cette vision des choses.
Cela étant, en plein débat sur le bilan de santé de la PAC et la renégociation de celle-ci, il est prématuré d’inscrire ces objectifs dans la loi. Sachez toutefois que nous sommes bien dans les mêmes dispositions que vous.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Je n’entends pas donner de leçons, mais, alors que les cours se sont effondrés – on avait pourtant répété qu’ils avaient augmenté –, ne faisons pas l’impasse complète sur le problème du revenu des agriculteurs, qui, comme vous le savez, a largement diminué cette année. Vouloir un transfert du premier pilier vers le deuxième pilier, c’est tout simplement se moquer du monde agricole !
Mme la présidente. Monsieur Muller, l'amendement n° 747 est-il maintenu ?
M. Jacques Muller. J’avais prévu, madame la présidente, de retirer mon amendement, mais je constate ici un désaccord manifeste entre le point de vue de M. le rapporteur et celui de Mme la secrétaire d’État.
Aujourd’hui, la question est non pas de faire basculer tout le premier pilier vers le deuxième mais de mobiliser une partie du premier pilier au service d’objectifs environnementaux ou même de l’installation des jeunes. Il n’est pas question ici de donner des leçons, il s’agit de répondre à une attente de la société !
Cela dit, il est certain que le premier pilier se caractérise par le versement d’une aide à l’hectare, suivant des modalités dont nous avons vu qu’elles ne sont guère rationnelles et, surtout, sans modulation, sans limite, de manière linéaire. Une redistribution du premier pilier imposera donc aux plus grandes exploitations de France de partager avec d’autres les aides perçues, pour que toutes atteignent les objectifs environnementaux.
M. Charles Revet. Si les agriculteurs vous entendaient, ils éclateraient de rire ! Ce que vous proposez est de la folie !
M. Jacques Muller. Pour qu’une position claire soit arrêtée sur ce sujet, je maintiens cet amendement, que j’avais pourtant prévu de retirer.
M. Bruno Sido, rapporteur. De toute façon, on ne le votera pas !
M. Jacques Muller. Admettons-nous le principe d’un partage du premier pilier ou continuons-nous comme jusqu’à présent ?
Mme la présidente. L'amendement n° 473, présenté par MM. Guillaume, Raoul et Courteau, Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Ries et Teston, Mmes Bourzai et Blandin, MM. Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise, Patient, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans la dernière phrase du cinquième alinéa (a) de cet article, après le mot :
favoriser
insérer les mots :
à la fois
II. - Compléter le même alinéa par les mots :
et le recours à des produits biologiques, ainsi qu'à des produits « à faible impact environnemental », eu égard à leurs conditions de production et de distribution, pour l'approvisionnement en restauration collective
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Cet amendement vise à satisfaire les souhaits exprimés par M. le rapporteur au cours d’une précédente intervention.
Pourquoi ne souhaitais-je pas, tout à l’heure, que les produits saisonniers à faible impact environnemental figurent dans l’alinéa a) ? Je pensais qu’il convenait d’éviter d’adresser un tel signal et qu’il fallait encourager l’agriculture biologique.
L’amendement n° 473 vise à développer la filière et à inciter les entreprises à suivre cette direction. Comme nous le savons très bien – Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur l’ont rappelé –, nous sommes aujourd’hui incapables d’approvisionner la restauration collective en produits biologiques. Par ailleurs, nous avons besoin d’une éducation au « manger mieux », au « manger sain » et à une alimentation suivant le rythme des saisons. C’est pourquoi cet amendement a pour objet d’élargir le bénéfice du crédit d’impôt non seulement à la conversion mais aussi au recours aux produits biologiques et aux produits à faible impact environnemental.
Une telle disposition adresserait, me semble-t-il, un signe très fort à l’ensemble d’une filière qui souffre, aux entreprises, ainsi qu’aux producteurs désireux de passer à l’agriculture biologique.
M. Thierry Repentin. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Comme je le rappelais tout à l’heure, diluer le premier pilier de la PAC dans le deuxième réduirait le revenu déjà très faible des agriculteurs. Encore faut-il être soi-même agriculteur pour le savoir, Monsieur Muller ! Ce n’est effectivement pas dans cet hémicycle que vous l’apprendrez.
Il faut trouver d’autres ressources pour développer l’agriculture biologique. Cependant, le dispositif proposé par M. Guillaume diluerait le bénéfice du crédit d’impôts alloué à l’agriculture biologique au profit de la production à faible impact environnemental, qui était contestée par ailleurs voilà quelques instants. Or celle-ci ne fait pour l’instant l’objet d’aucune définition permettant d’en déterminer le périmètre.
En outre, à enveloppe constante, cela reviendrait à réduire le financement des exploitations d’agriculture biologique.
Par conséquent, la commission vous demande, monsieur Guillaume, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le crédit d’impôt auquel fait référence l’article 28 concerne effectivement les exploitations qui se convertissent à l’agriculture biologique. Il a d’ailleurs été doublé pour 2009.
En revanche, il n’est prévu aucun crédit d’impôt pour développer le recours à des produits biologiques ou à des produits de saison dans la restauration collective.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Guillaume, l’amendement n° 473 est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. J’avoue éprouver quelques difficultés à comprendre la logique du raisonnement tant de M. le rapporteur que de Mme la secrétaire d’État, compte tenu notamment du fait que j’ai retiré tout à l’heure un amendement pour que la formule « produits saisonniers à faible impact environnemental » puisse être conservée.
En outre, nous constatons tous que la restauration collective – dans les établissements d’enseignement ou dans le secteur public en général – connaît des difficultés d’approvisionnement en produits biologiques, que la filière n’est pas assez organisée et que les entreprises ne sont pas performantes. Il serait donc intéressant d’instaurer une mesure incitative.
Contrairement à ce qu’objectent certains, cela ne réduirait pas le crédit d’impôt, qui va effectivement être doublé en 2009. Certes, il devra être réparti entre des bénéficiaires plus nombreux, mais cela ne se traduira pas par une diminution.
Si nous souhaitons atteindre les objectifs du Grenelle – tout à l’heure, nous avons d’ailleurs adopté un amendement quant à l’objectif de 6 % de surface agricole utile en agriculture biologique en 2012 et 20 % en 2020 –, nous devons mettre en place des dispositifs incitatifs pour l’ensemble de la filière. À défaut, nous n’y arriverons pas. En tant que praticiens, nous le savons tous.
Si nous voulons aider au développement et à l’organisation de la filière, nous devons instaurer des aides incitatives pour le démarrage.
Je maintiens donc mon amendement, non sans m’interroger sur les arguments avancés par M. le rapporteur et par Mme la secrétaire d’État, que je ne comprends pas parfaitement.
Mme la présidente. L'amendement n° 225, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa (a) de cet article par une phrase ainsi rédigée :
La France s'attache à promouvoir au niveau européen le principe d'une harmonisation des cahiers des charges de l'agriculture biologique, et demande à l'Union européenne de revoir en ce sens le règlement européen (CE) n° 834/2007 du conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et ses règlements d'application.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le 2 juillet 2008, le conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne a adopté le principal règlement d'application du règlement européen du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques.
Ce règlement conduit à un nivellement par le bas des critères nécessaires au respect du cahier des charges de l'agriculture biologique sous signe officiel européen et la possibilité de dérogations nouvelles pour les différents États.
Cela conduira à une concurrence accrue entre les producteurs des différents pays, induisant des effets d'aubaine et de moins-disant sur les marchés de produits biologiques communautaires et remettant en cause les objectifs de développement de la filière de production biologique française.
Le nouveau dispositif risque également de favoriser les importations, afin d'atteindre les objectifs fixés notamment dans la restauration collective d'État.
Comme vous le voyez, cet amendement concerne le nivellement par le bas des critères du « bio » en Europe, sujet que j’évoquais tout à l’heure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L’objet de cet amendement est parfaitement recevable.
En effet, il n’est pas normal que les produits sous signe d’agriculture biologique ne répondent pas aux mêmes contraintes selon le pays de l’Union européenne dans lequel on se trouve.
Cependant, le nouveau règlement européen sur l’agriculture biologique prévoit justement une harmonisation des pratiques et de l’étiquetage des produits issus de l’agriculture biologique pour l’ensemble des pays de l’Union européenne.
De plus, et afin de démarquer et de valoriser les producteurs français s’engageant dans un degré encore plus élevé de contraintes en agriculture biologique, la Fédération nationale d’agriculture biologique, ou FNAB, étudie la possibilité de créer un identifiant pour le « bio » français qui pourrait être accolé au logo européen, sous réserve qu’il soit accepté par les instances communautaires compétentes.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement, même s’il est pertinent. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
J’ajoute que le nouveau règlement, datant du mois de juillet 2007, est entré en vigueur seulement au mois de janvier 2009. Attendons donc de connaître les résultats de l’entrée en vigueur de ce dispositif, qui vise précisément à une harmonisation des règles.
Mme la présidente. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 225 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
D’ailleurs, les propos de M. le rapporteur le montrent bien : le « bio » français est plus exigeant que ses homologues européens.
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est vrai !
M. Gérard Le Cam. Et c’est justement pour éviter d’éventuels écueils que cet amendement de bon sens a été déposé.
Mme la présidente. L'amendement n° 421, présenté par Mme Herviaux, M. Guillaume, Mme Blandin, MM. Repentin, Teston, Ries, Raoul, Raoult, Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa (a) de cet article par une phrase ainsi rédigée :
L'État soutiendra toutes les initiatives, particulièrement celles des collectivités locales, en matière de restauration collective en leur permettant d'intégrer les productions sous signe « agriculture biologique » comme critères d'attribution des appels d'offre ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de structurer une véritable filière d’agriculture biologique.
Cela implique d’agir non seulement sur l’offre, mais également sur la demande, comme le prévoyaient déjà les engagements nos 120 et 121 du Grenelle.
Le développement de l’offre pour répondre aux attentes et pour favoriser d’autres méthodes de culture est en bonne voie. L’objectif de réserver 20 % de la surface agricole utile cultivée à l’agriculture biologique est d’autant plus nécessaire que la France accuse un grand retard vis-à-vis de ses voisins européens en la matière.
Le plan « Agriculture biologique : horizon 2012 » est également un outil utile. Il donne la priorité d’accès au Fonds d’intervention stratégique des industries agroalimentaires et renforce l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, ou Agence Bio, qui sera dotée d’un fonds de structuration des filières de 3 millions d’euros par an pour la période 2009-2011, comme cela a été prévu par la loi de finances pour 2009.
Mais il est également fondamental que l’État assume ses responsabilités dans le développement des débouchés de l’agriculture biologique.
Malgré quelques timides engagements, comme celui du ministère de l’agriculture et de la pêche, qui « montrera l’exemple, notamment en proposant dans les restaurants collectifs de toutes ses implantations des produits issus de l’agriculture biologique », ou la réorientation de la restauration collective des services de l’État prévue par le texte, le compte n’y est pas.
À ce titre, l’un des résultats du cinquième baromètre « bio » proposé par l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique est éloquent. Selon cette étude, 78% des parents dont les enfants n’ont pas encore pu manger « bio » dans un restaurant scolaire souhaiteraient qu’une telle possibilité soit offerte.
Il est donc de notre responsabilité d’afficher cette orientation comme une priorité dans ce projet de loi, à travers la restauration collective, qui dépend très largement des collectivités locales. L’objectif est d’offrir d’importants débouchés aux acteurs de l’agriculture biologique, afin de leur permettre de consolider un modèle économique original
Mais si nous soutenons l’agriculture biologique comme l’une des composantes de notre appareil productif, nous avons également pour devoir de permettre aux collectivités locales de pouvoir choisir librement leurs orientations en matière de restauration collective.
Tels sont les deux objets de cet amendement. Je le répète, il s’agit simplement de traduire dans la loi l’engagement n° 120 du Grenelle de l’environnement, qui prévoit de « passer progressivement à 20 % de produits biologiques en 2012, dans les commandes de la restauration collective publique », grâce à la généralisation à toute la restauration collective des contrats d’approvisionnement pluriannuels et à la modification du guide des contrats publics de restauration collective.
L’État doit donc envoyer dès maintenant un message clair en direction des collectivités locales, qui ont la charge d’organiser la restauration collective des établissements scolaires, pour leur donner les moyens de proposer régulièrement ou systématiquement des repas « bio », en réservant leurs appels d’offre aux acteurs de l’agriculture biologique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Il est déjà possible aux collectivités, notamment territoriales, d’intégrer les productions en agriculture biologique comme critères d’attribution des appels d’offre pour la restauration collective.
De plus, la promotion de l’agriculture biologique dans la restauration collective publique fait l’objet du cinquième alinéa de l’article 28.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.