Article 55
I. - Le I de l'article 20 de la présente loi s'applique à compter du 1er janvier 2009.
Le II du même article s'applique à compter du 1er janvier 2010. Toutefois, pour l'année 2009, les redevables de la taxe prévue au I du même article acquittent cette taxe par acomptes mensuels ou trimestriels versés lors du dépôt, au titre de la période considérée, de la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 du code général des impôts. Le montant de ces acomptes est égal, selon les obligations déclaratives des redevables, au douzième ou au quart de la fraction du montant des sommes mentionnées au II de l'article 302 bis KG du même code, versées en 2008 à chaque service de télévision excédant 11 millions d'euros, auquel est appliqué le taux de 3 %.
II. - Le I de l'article 21 de la présente loi s'applique à compter du 1er janvier 2009.
Le II du même article s'applique à compter du 1er janvier 2010. Toutefois, pour l'année 2009, les redevables de la taxe prévue au I du même article acquittent cette taxe par acomptes mensuels ou trimestriels versés lors du dépôt, au titre de la période considérée, de la déclaration mentionnée au 1 de l'article 287 du code général des impôts. Le montant de ces acomptes est égal, selon les obligations déclaratives des redevables, au douzième ou au quart des montants et sommes mentionnés au II de l'article 302 bis KH du même code, encaissés en 2008 excédant 5 millions d'euros, auxquels est appliqué le taux de 0,9 %.
M. le président. L’amendement n° 75, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
du 1er janvier 2009
par les mots :
de la publication de cette dernière
II. - Dans le premier alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
du 1er janvier 2009
par les mots :
de la publication de cette dernière
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Les taxes ne pouvant entrer en vigueur le 1er janvier, le Gouvernement a d’ores et déjà pris en compte, dans la loi de finances de 2009, le manque à gagner qui en découle. Cet amendement tend donc à prévoir que les taxes entreront en vigueur au moment de la publication de la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 76, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
I. - Dans la dernière phrase du second alinéa du I et la dernière phrase du second alinéa du II de cet article, après les mots :
déclaratives des redevables,
insérer les mots :
et sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l'article 1693 quinquies du même code,
II. - Après les mots :
versées en 2008 à chaque service de télévision
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du second alinéa du I de cet article :
; le montant de ces sommes est déterminé dans les conditions fixées au IV du même article.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Il s’agit là encore d’un amendement de coordination.
L’Assemblée nationale a modifié les taxes, mais a oublié d’en tirer les conséquences à cet article.
Par ailleurs, la coordination des procédures prévues aux articles 20 et 55 a été omise. Cet amendement tend donc à opérer toutes les coordinations nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 55, modifié.
(L’article 55 est adopté.)
Article 56
À l'exception des articles 20, 21 et 55, la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 56
M. le président. L’amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Virapoullé et Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
Après l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel contribue à la connaissance, à la valorisation et à la promotion de la France d'outre-mer dans tous ses aspects historiques, géographiques, culturels, économiques et sociaux.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 57
Dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de l'article 36 et de ses décrets d'application, et sur les éventuels obstacles au développement de services innovants qu'ils pourraient représenter.
M. le président. L’amendement n° 77, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
l'entrée en vigueur
par les mots :
la publication
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 57, modifié.
(L’article 57 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi ordinaire, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. La presse parlait ce matin de camouflets infligés par le Sénat au Gouvernement. Honnêtement, l’augmentation de quelques euros de la redevance, le maintien de la publicité sur RFO et l’élargissement de l’assiette de la redevance aux nouveaux modes de réception des programmes télévisés ne traduisent que de légers mouvements d’humeur – et de bon sens –, qui ne remettent pas en cause ce mauvais projet de loi et ne feront pas oublier l’inadmissible méthode employée à l’égard tant du Parlement que du conseil d’administration de France Télévisions.
Les acquis que l’opposition a construits ou permis –notamment l’inscription des droits des journalistes, la reconnaissance du rôle central de la redevance, le soutien aux télévisions locales pour le passage au numérique ou la suppression du mot « race » dans la rédaction de la loi de septembre 1986 – font sens, mais le véritable rendez-vous, chacun le sait, sera la commission mixte paritaire. Le Sénat doit rester ferme et fidèle à ses votes.
Durant ces deux semaines de débat, je me suis un peu sentie comme une infirmière sur le front de la guerre de 14-18. Nous n’avons pas ménagé la charpie, nous avons posé des pansements, mais les blessures profondes qu’a subies l’audiovisuel public, par la faute d’un général autoritaire proche d’autres intérêts, laisseront des cicatrices durables, quand il ne s’agit pas d’amputations.
Par conséquent, je voterai contre ce texte. Je m’oppose, au nom des Verts, aux choix du Gouvernement. Je déplore les avis défavorables qu’ont donnés régulièrement les rapporteurs, dont je salue néanmoins le travail et le souci d’explication, à défaut de négociation, sur les principales dispositions de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, cette explication de vote vaudra aussi pour le projet de loi organique.
Grâce à la gauche, il y a eu un débat au Sénat.
Sous notre seule impulsion, il a pu être évité que le coup de force du 5 janvier ne réduise au silence notre pays s’agissant de l’avenir de l’audiovisuel public.
Sous notre seule impulsion, le débat qui s’est tenu au Sénat a révélé un sentiment de malaise, perceptible jusque dans les rangs de la majorité, devant la tentative du Président de la République d’affaiblir l’audiovisuel public et de s’assurer une mainmise oppressante sur les médias et l’information en général.
Nous avons relayé une inquiétude largement partagée quant à la place de notre assemblée dans le débat public, à la suite de la décision du Gouvernement d’ordonner à France Télévisions d’appliquer une disposition essentielle du projet de loi avant que le Sénat n’ait commencé à en débattre. Cela laissera des traces !
La majorité, quant à elle, a choisi le silence pour exprimer son malaise, laissant les sénateurs de l’opposition de gauche seuls face au Gouvernement, parfois amenés à soutenir des amendements de la commission.
Pour notre part, nous avons déposé près de 150 amendements ou sous-amendements, à seule fin d’améliorer les textes qui nous étaient soumis, en cohérence avec nos convictions, fortes et affirmées de longue date, notamment lorsque nous étions aux responsabilités, en faveur de l’indépendance, du pluralisme et de la liberté des médias, dont le principe, rappelons-le, a été inscrit sur notre initiative dans la Constitution, lors de sa dernière révision.
Il faut souligner que les rapporteurs ont toujours accepté de débattre de manière constructive de nos amendements et ont su aussi prendre des risques, au nom de leurs convictions, en s’opposant quelquefois au Gouvernement.
Notre pugnacité a permis que certains de nos amendements soient adoptés par le Sénat, souvent contre l’avis du Gouvernement.
Il en a été ainsi de dispositions visant à apporter des garanties légales importantes au respect de principes aussi essentiels que la liberté de travail des journalistes, l’autonomie des rédactions ou le financement majoritaire des chaînes publiques de radio et de télévision par le produit de la redevance. Surtout, nous avons obtenu le maintien de la publicité sur RFO.
Si la « petite loi » est validée en l’état par la commission mixte paritaire, qui se réunira dans les prochains jours, nous aurons obtenu, avec le soutien de la commission, plusieurs avancées.
Désormais, la loi de 1986 garantira que chacune des chaînes de France Télévisions diffusant des journaux télévisés sera dotée d’une rédaction propre, dirigée par un journaliste.
Les journalistes de l’ensemble des organismes de notre radio et de notre télévision publiques bénéficieront de la reconnaissance légale d’une disposition essentielle de la charte des devoirs professionnels des journalistes français de 1918, leur permettant de refuser toute sorte de pression, de protéger leurs sources et de faire jouer la clause de conscience.
Le produit de la redevance constituera la principale ressource financière de France Télévisions.
Le cahier des charges de France Télévisions prévoira les conditions de réalisation, par les chaînes de la télévision publique, de choix diversifiés d’investissement dans la production, dans le cadre d’instances collégiales.
La publicité sera maintenue sur RFO.
Enfin, lors du passage au numérique, les télévisions locales et associatives seront défendues et la situation des radios indépendantes sera prise en compte.
Des amendements déposés par notre groupe et soutenus par les rapporteurs ont aussi permis d’améliorer, sur des points importants, la rédaction de l’article 2 du projet de loi ordinaire, qui crée la société en charge de l’audiovisuel extérieur. Ainsi, le CSA ne sera pas placé en situation de concurrence avec l’ARCEP, et l’INA sera réintégré dans le champ des bénéficiaires du produit de la redevance.
Guidés par la seule préoccupation que soient donnés au service public de l’audiovisuel les moyens d’offrir aux Français un bouquet de chaînes de qualité sur tous les supports de réception de la radio et de la télévision, dans le prolongement de la loi Trautmann-Tasca du 1er août 2000, les sénateurs socialistes ont approuvé un certain nombre de propositions de la commission, tendant à une meilleure représentation de la diversité de la société française dans les programmes et, surtout, après six longues années de stagnation en valeur du montant de la redevance, à l’optimisation du produit de ce que l’on appellera désormais la contribution au financement du service public de l’audiovisuel, par l’élargissement de son assiette, l’indexation de sa progression sur l’inflation et l’arrondissement de son montant à l’euro supérieur. Enfin, a été attribuée au CSA la mission de proposer des mesures de revalorisation cohérentes avec les besoins de financement réels des organismes de l’audiovisuel public.
Ces dispositions auront une incidence non négligeable sur le financement de notre télévision et de notre radio publiques. Nous regrettons néanmoins vivement que la majorité, avec le soutien de la commission, malheureusement, ait refusé d’exonérer de redevance les bénéficiaires du RSA, tout en maintenant l’exonération pour les résidences secondaires.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Quelle mauvaise foi !
M. David Assouline. C’est à ce type de vote que nos concitoyens reconnaîtront que la droite reste la droite !
Cependant, ces diverses dispositions ne suffiront pas à répondre aux besoins de France Télévisions, qui connaît depuis de nombreuses années un sous-financement structurel.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. J’en termine, monsieur le président.
Cet affaiblissement sans précédent de notre télévision publique est le seul fait d’une décision complètement arbitraire du chef de l’État, motivée par la volonté de faire de nouveaux cadeaux aux opérateurs privés de télévision dominant déjà le marché de la publicité, TF1 en tête. Ainsi, la filiale du groupe Bouygues captera, en 2009, la majeure partie des 250 millions d’euros de recettes publicitaires que ne percevra plus France Télévisions.
Certes, un amendement adopté par le Sénat tend à augmenter légèrement la redevance, à hauteur de deux euros, ce qui représente 40 millions d’euros supplémentaires pour le service public de l’audiovisuel. Nous avons voté en faveur de cette disposition, car nous sommes convaincus que le meilleur moyen d’assurer l’indépendance, dans la durée, de nos médias publics consiste à leur allouer une ressource publique, pérenne, garantie et suffisante.
Ces quelques avancées, que la commission mixte paritaire ne devra pas remettre en cause sur ordre de l’Élysée, ne peuvent cependant cacher le recul fondamental que constitue ce texte, même dans sa version actuelle. Le jour venu, après l’alternance, nous devrons garantir l’indépendance des médias, piliers de la démocratie dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Ce texte est très grave, nous n’avons cessé de le souligner au fil de nos interventions, et pourtant il va être adopté.
Son examen a commencé avec l’humiliation de notre assemblée, qui a été amenée à discuter d’une disposition, à savoir la suppression de la publicité sur le service public, déjà entrée en vigueur.
Avec la nomination des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République, nous assistons à un « bougé » constitutionnel grave, qui, lui, est bien historique.
Cette loi restera comme une loi de division. C’est tout le paradoxe de l’examen de ce texte, où se mêlent et s’entrechoquent des aspirations et des intérêts qui peuvent devenir divergents, où chacun, au final, lutte pour éviter le pire.
La politique menée par Nicolas Sarkozy exacerbe les contradictions, et ce projet de loi en a été une flagrante démonstration. Cela est vrai dans le monde de la culture et de la création, mais aussi, un peu plus chaque jour, dans toute notre société. L’objet même de ce texte représente une dérive.
Nous avons tout de même, à force de batailler, obtenu quelques avancées : une augmentation de la redevance et son inscription dans le projet de loi comme principale source de financement de l’audiovisuel public, l’encadrement de la procédure de révocation des présidents de l’audiovisuel public, le rétablissement de la publicité sur RFO et celui du financement de l’INA.
En vérité, il fallait et il faut toujours une loi sur le public et le privé, car le problème est d’envergure, tant la télévision est imbriquée avec la société.
Il nous faut maintenant lutter avec opiniâtreté aux côtés des personnels pour sauvegarder l’emploi, et porter une appréciation générale allant bien au-delà du refus de ce projet de loi. Compte tenu de la place de la télévision dans notre société, il nous faut travailler à ce que cette loi ne remette pas en cause son fonctionnement.
Alain Minc, dans Le Média-Choc, livre publié en 1993, reprenait la question de la régulation audiovisuelle pour inviter à « un remède de cheval, version droite ». Il ne s’agissait pas, pour lui, de poursuivre les privatisations, après celle de TF1. Non, « l’exemple vient une fois de plus du monde anglo-saxon, de la Grande-Bretagne, où Margaret Thatcher a essayé de redessiner le paysage audiovisuel dans une optique plus brutalement libérale ». Cette réforme « repose sur plusieurs volets : une diffusion privée et plurielle ; un secteur public producteur et fonctionnant comme une agence d’achat d’heures de diffusion ; une instance de régulation toute-puissante ».
Dans cette conception, « c’est la nature des ressources, budgétaire ou publicitaire, qui fixe la vocation de la chaîne ». Ainsi, « la télévision ne connaîtrait-elle qu’une seule entreprise publique, en amont des chaînes ? Alimentée par la redevance, cette agence agirait de la manière suivante : elle produirait – ou plutôt commanderait – des émissions que la logique naturelle du marché ignorerait. […] À l’État resteraient le rôle d’actionnaire de l’agence, puisqu’il la financerait, et donc le pouvoir de nomination de ses dirigeants. »
Comme le montre ce texte, Alain Minc semble favorable à une sorte d’agence nationale de diffusion de la télévision. On pense alors à l’agence nationale de recherche défendue par Mme Pécresse. Le reste, les laboratoires de recherche, la création à la télévision, en prennent un coup.
L’influence américaine prévaut dans le Conseil pour la création artistique que vient de créer Nicolas Sarkozy. À écouter le Président de la République, il faudrait que les crédits de la culture aillent à l’excellence, comme pour la recherche. C’est dire que ce Conseil de la création artistique va faire la nique au ministère de la culture, bien que lui-même se transforme avec les oukases de la révision générale des politiques publiques.
Je sais, madame la ministre, que vous avez récusé les propos d’un de vos prédécesseurs, M. Aillagon, pour qui la question de la suppression du ministère de la culture peut se poser. Pourtant, ce projet loi s’inscrit totalement dans une telle démarche. On peut alors comprendre pourquoi le Président de la République veut nommer le président de France Télévisions, puisqu’il sera président du Conseil pour la création artistique.
Tout cela relève de la stratégie sarkozyste de faire en tout lieu, et de tout, des entreprises, avec des performances, des obligations de résultat, alors que celles et ceux qui en sont les vrais acteurs sont gravement malmenés.
Dans le même temps, cette stratégie fait la promotion du privé, qui a des droits quasiment sans borne.
Nous avons la certitude que ce projet de loi est étatiste et affairiste. Nous voterons franchement et avec conviction contre ce texte, qui est dangereux pour notre démocratie.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Nous voilà parvenus au terme de nos débats : force est de constater que la Haute Assemblée aura été plus que jamais maltraitée par le pouvoir en place.
Ce pouvoir a vidé nos discussions d’une partie de leur substance, avec un projet de loi lui-même en partie vidé de son contenu du fait de la mise en œuvre de la suppression partielle de la publicité dès le 5 janvier dernier.
Cela n’augure rien de bon sur les relations futures entre notre assemblée et le Gouvernement. Je regrette à cet égard que de nombreux parlementaires de la majorité se soient réfugiés dans l’absentéisme et le mutisme.
J’en viens au fond du texte. Ce soir, je m’adresse particulièrement à vous, madame la ministre. Je connais bien les difficultés de votre charge et je veux dire ici ma conviction intacte que l’audiovisuel public assume dans notre société une responsabilité majeure et irremplaçable en matière de création et de pluralisme. Or, cette responsabilité me paraît menacée, amputée par ce texte.
Ce débat n’aura pas réussi à nous rassurer – c’est un euphémisme – sur les conséquences de votre réforme. Le Sénat est certes parvenu à poser quelques garde-fous, souvent contre l’avis du Gouvernement, mais, fondamentalement, la philosophie et l’économie du texte n’ont pas varié : vous n’y avez rien changé au cours du débat. Et quand bien même l’eussiez-vous voulu, sans doute ne l’eussiez-vous pas pu, la volonté du Président de la République ayant désormais, semble-t-il, force de loi !
Votre réforme installe durablement France Télévisions dans la précarité et dans la dépendance financière.
Nous ne pensions pas parvenir, à l’occasion de l’examen de ce texte par le Sénat, à vous faire changer de philosophie ; nous pouvions cependant attendre au moins que vous ne confirmiez pas l’erreur que vous avez commise en imposant à l’entreprise France Télévisions la suppression totale de la publicité pour la fin 2011, alors même que personne ne peut dire dans cette enceinte quelles auront été les conséquences financières de la suppression partielle de la publicité, comment et dans quelle proportion le transfert de publicité se sera réalisé et, plus grave, si France Télévisions aura la capacité de gérer en un même temps les deux bouleversements majeurs que seront la suppression totale de la publicité et le passage au tout numérique.
Sur tous ces sujets, il reste plus de questions que nous n’avons de réponses, et ce n’est pas acceptable.
Le débat aura globalement fait la démonstration de l’impréparation, voire de l’irresponsabilité de grands pans de cette réforme pour France Télévisions et pour l’ensemble du secteur audiovisuel, privé et public.
En ce qui concerne le financement, le texte sortira de notre assemblée avec un léger mieux, permis par l’indexation du montant de la redevance sur l’inflation et par le léger coup de pouce qui aura été voté, à l’unanimité moins quatre voix, coup de pouce rendu indispensable par la volonté présidentielle de priver la télévision publique des ressources de la publicité.
Mais nous redoutons votre volonté de revenir sur ce vote à l’occasion de la commission mixte paritaire. J’appelle solennellement les sénateurs de l’UMP à ne pas y céder, à ne pas se dédire.
L’encadrement de la révocation des présidents de chaîne et le maintien de la publicité sur RFO sont deux autres progrès qu’auront permis nos débats.
Madame la ministre, ces quelques garde-fous ont chaque fois été votés contre l’avis du Gouvernement, ce qui témoigne de votre refus de voir le texte amendé, enrichi. Tel est pourtant bien le sens du travail parlementaire.
Globalement, ce texte confirme nos inquiétudes pour France Télévisions, Radio-France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, notamment quant à leur capacité de relever les défis à venir.
De votre fait, ces entreprises publiques affronteront avec des semelles de plomb les mutations technologiques et culturelles, ainsi que la concurrence.
Ce projet de loi rompt l’équilibre recherché depuis des décennies entre service public et secteur privé, au profit de ce dernier.
Le passage à l’entreprise unique n’est pas assorti d’un mode d’emploi clair. La définition et les spécificités des missions des différentes antennes du groupe ne relèvent plus de la loi, ce qui ne peut qu’accroître nos suspicions sur l’évolution du périmètre de France Télévisions.
Nos interrogations demeurent fortes sur la façon dont seront traitées les relations sociales dans l’entreprise au cours de la période intérimaire.
Enfin, madame la ministre, je ne peux pas clore mon propos sans évoquer la reprise en main de l’audiovisuel public par le pouvoir politique. Les garde-fous que vous présentez comme des garanties d’indépendance sont en réalité des faux-nez.
Vous doublez la dépendance financière d’une dépendance politique, avec la nomination des présidents de chaîne par le Président de la République, en conseil des ministres.
Vous n’avez cessé de parer votre projet de loi des vertus de la modernité. La modernité appelait à libérer le service public de la publicité, peut être, mais, plus encore, des dépendances financières et politiques. Votre projet de loi a fait un tout autre choix, celui de renforcer ces dépendances, de les institutionnaliser, de placer l’audiovisuel public dans une situation d’obligé du pouvoir. C’est pourquoi nous le rejetons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Je tiens en cet instant, comme je l’ai fait lors de la discussion générale, à condamner l’affront qu’a fait le Gouvernement au Sénat en mettant en pratique une partie de cette loi avant son examen par la Haute Assemblée. Ce n’est pas une bonne méthode et cela n’honore pas ceux qui en sont à l’origine.
J’ai indiqué dans la discussion générale que notre groupe n’était pas prêt à voter le texte dans la rédaction qui nous était présentée. Certes, des amendements ont été adoptés, mais ils ne nous ont pas vraiment convaincus. Ainsi en est-il de l’opportunité de piocher 450 millions d’euros dans le budget, de la création de deux taxes. Nous ne voterons donc pas ce projet de loi.
Cependant, madame la ministre, nous considérons que cette discussion a été marquée par deux faits politiques majeurs.
Le premier tient à l’affirmation continue que la redevance est la garantie de l’indépendance du service public de l’audiovisuel. Le Sénat a résisté. Il s’est exprimé de façon claire, comme il l’avait fait lors de la discussion du projet de loi de finances.
Le second fait, tout aussi fort, est que le Sénat, dans son immense majorité, a voulu contrebalancer l’unilatéralité de la nomination des présidents de chaîne en décidant que lesdits présidents ne pourraient être révoqués qu’à la majorité des trois cinquièmes des membres du conseil d’administration. Il s’agit d’un signe important, d’un acte démocratique fort.
Au-delà de l’expression d’intérêts ou de corporatismes, au-delà même de la volonté de certains d’examiner dans le détail les conséquences de ces décisions, qui sont sans nul doute importantes, ces deux faits majeurs pour la démocratie font que le RDSE, dans sa très grande majorité, s’abstiendra sur ce texte.
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Voilà bientôt deux semaines que nous discutons dans cet hémicycle du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Cette discussion s’inscrit dans le prolongement du travail constant de la commission des affaires culturelles sur les questions de l’audiovisuel, sous la présidence de M. Legendre, avec Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, et, auparavant, sous l’impulsion de MM. Valade et de Broissia, à qui il a souvent été fait référence au cours de ce débat.
La commission des affaires culturelles, compte tenu de l’acquis accumulé depuis des années, était parfaitement préparée à animer ce débat, et elle l’a d’ailleurs démontré avec éclat.
Je remercie donc chaleureusement tous les membres de cette commission, en particulier son président et ses rapporteurs, ainsi que M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Mes remerciements s’adressent aussi à vous, madame le ministre. Participer très activement, comme vous l’avez fait, à un débat de cette densité, de cette ampleur est une tâche très exigeante. Je tiens à saluer votre pugnacité et votre esprit d’ouverture, qui vous honore. Notre groupe y a été très sensible.
La parole des uns et des autres a été respectée. Chacun a pu développer ses idées, son point de vue.
Je regrette néanmoins le caractère excessif, voire déplacé, de certains propos. Développer durant des jours et des jours un projet politique qui se nourrit d’un antisarkozysme primaire est la preuve d’arguments un peu justes ! Lancer en permanence des attaques, parfois dures – c’est la vie – mais parfois aussi presque désobligeantes à l’égard du Président de la République relève d’une dérive de la démocratie à laquelle nous refusons de participer, quel que soit le Président de la République.
Ce texte est porteur d’un grand projet culturel qui a été initié voilà un an par le Président de la République.
Ce projet comporte de réelles ambitions, mais il pose aussi de vraies questions. Dans un paysage audiovisuel qui évolue à très vive allure, quel service public voulons-nous ? Quelles valeurs souhaitons-nous que la télévision publique transmette ? Quelle identité entendons-nous lui donner ? Quelle place voulons-nous que le service public de la télévision consacre à la création, à la culture, à l’information, à la transmission des savoirs ?
Comme ce débat l’a amplement démontré, nous avons l’ambition de permettre à notre service public, qui se singularise du reste du paysage audiovisuel, de se concentrer sur ses missions : informer, cultiver, divertir, permettre des moments d’échanges et de rassemblement dans chaque foyer.
Trois questions phares ont jalonné nos journées et nos nuits.
Premièrement, comment recentrer la télévision publique sur sa vocation ? Nous considérons, quant à nous, que la libérer des contraintes qu’impose la course à l’audimat y contribuera.
Deuxièmement, comment assurer à la télévision publique un financement pérenne qui lui permettra de remplir efficacement ses missions ? L’engagement d’assurer ce financement est inscrit dans le projet de loi et dans la loi de finances ; ce ne sont pas des propos en l’air. Le Sénat a adopté un certain nombre de mesures : l’augmentation de la redevance et l’instauration de deux nouvelles taxes, l’une sur la publicité, l’autre sur les fournisseurs d’accès à internet.
Comment pourrions-nous imaginer que l’une des ambitions de ce texte, comme je l’ai entendu, serait d’assécher financièrement petit à petit le service public de l’audiovisuel pour le brader ensuite à quelques personnalités du monde de l’économie ?