M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’efforcer d’organiser ma réponse en fonction des différentes questions qui ont été posées.
Je remercie le rapporteur général, Philippe Marini, Philippe Dallier et Aymeri de Montesquiou d’avoir salué la réactivité avec laquelle le Président de la République et le Gouvernement agissent face à cette crise qui appelle des mesures rapides.
Dans ces circonstances, malgré les différences de clivage, nous savons agir collectivement au service de nos concitoyens. La réponse que nous avons apportée ensemble à la crise financière est, de ce point de vue, exemplaire.
En revanche, le plan de relance de l’économie que nous sommes en train de mettre en œuvre, et ce pour partie dès ce collectif, fait ressortir davantage de divergences entre les groupes de votre assemblée.
Premièrement, nul ne conteste la nécessité d’accentuer l’effort d’investissement dans le contexte actuel.
La priorité affichée en faveur de l’investissement, qu’il soit réalisé directement par l’État ou par ses opérateurs, ou bien encore par les entreprises publiques, témoigne d’un choix clairement assumé.
L’investissement nous aide non seulement à faire repartir la machine économique, mais aussi à mieux préparer l’avenir et la compétitivité de nos entreprises pour demain, à la sortie de la crise. Pour reprendre l’expression de M. le rapporteur général, c’est de la « bonne dette ». (M. le rapporteur général sourit.) Cela me fait penser au baron Louis, qui parlait de « bonnes finances ».
Deuxièmement, l’accent mis sur l’investissement ne doit pas faire oublier l’effort considérable déjà réalisé en faveur de la demande et du soutien au pouvoir d’achat des Français.
Je souhaite répondre à Mme André et à Mme Beaufils : le Président de la République et le Gouvernement ne sont pas restés inactifs ! Qui peut dire que la politique de soutien du revenu est inexistante quand l’ensemble des transferts sociaux - retraites, famille, logement, chômage – va augmenter de 4,5 % en 2009 ? Ce sera presque trois points de plus que l’inflation.
Au-delà des chiffres, je citerai des mesures concrètes : la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, du minimum vieillesse cet automne ; la mise en place du revenu de solidarité active, le RSA, et son anticipation par le versement de la prime de solidarité active de 200 euros au printemps prochain ; le doublement du prêt à taux zéro, le PTZ, et l’aide au financement de 30 000 Pass fonciers pour soutenir les Français dans leur projet d’accession sociale.
Pourquoi toujours revenir sur la loi TEPA ? Qui peut aujourd’hui critiquer ces quatre lettres, initiales des mots : travail, emploi, pouvoir d’achat ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Personne ! (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.)
M. André Santini, secrétaire d'État. Il serait irresponsable de la remettre en cause alors que nous connaissons une crise sans précédent.
Madame André, nous avons eu plusieurs débats sur les heures supplémentaires. Ce sont 6 millions de salariés qui en bénéficient. Voilà une bonne mesure pour le pouvoir d’achat !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. André Santini, secrétaire d'État. Contrairement à ce que vous indiquez, madame la sénatrice, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, estime que la mesure a conduit à accroître le volume d’heures supplémentaires effectuées de 40 %.
Concernant le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunts, tous les observateurs reconnaissent que cette mesure, prise en 2007, est aujourd’hui bienvenue compte tenu de l’état du marché immobilier.
Pour le plan de relance et de soutien des finances publiques, j’aimerais répondre aux inquiétudes qui ont été exprimées, notamment par Christian Gaudin.
Ce plan de relance est à la mesure des enjeux de la crise…
Mme Nicole Bricq. Non !
M. André Santini, secrétaire d'État. … et - il n’y a malheureusement pas de surprise – sa traduction sera visible dans la dégradation du déficit que nous enregistrerons en 2009. Vous en avez eu, hier, un aperçu en votant définitivement la loi de finances pour 2009.
En même temps, il faut être très clair : ce n’est pas un chèque un blanc pour l’avenir. Les 26 milliards d’euros mobilisés dans ce plan servent à financer des mesures de trésorerie particulièrement cruciales pour les entreprises dans la conjoncture actuelle, mais ce sont des mesures temporaires.
Ce plan permet aussi de financer de l’investissement qui viendra soutenir la croissance potentielle de notre économie.
Enfin, la réalisation des gains de productivité de l’État, l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique demeurent nos objectifs : le plan n’affecte pas nos efforts structurels d’assainissement des finances publiques. Ainsi, le déficit public atteindrait 3,9 points de PIB en 2009, mais notre déficit resterait proche de 1 point de PIB en 2012 ; c’est là l’essentiel !
Monsieur de Montesquiou, vous avez proposé d’élaborer le budget sur une croissance zéro afin d’éviter de tomber dans des prévisions exagérément optimistes. Je ne crois pas que l’on puisse reprocher ce travers au Gouvernement.
Nous avons construit en septembre le projet de loi de finances pour 2009 sur la base d’une croissance prudente, à l’époque, de 1 % et sur l’hypothèse d’une élasticité unitaire des recettes fiscales. À la suite de l’évolution de la conjoncture des derniers mois, nous avons actualisé les prévisions de recettes fiscales et nous en avons tiré les conséquences dans le collectif que nous examinons aujourd’hui et dans la loi de finances pour 2009 qui a été votée définitivement hier soir.
En ce qui concerne la sincérité de la budgétisation en 2008 et 2009, j’aimerais, là encore, réagir aux interventions de Mmes André et Beaufils, mais aussi à la question posée par M. de Montesquiou.
Votre critique sur la sincérité de la budgétisation en 2008 et, dans le prolongement, en 2009, s’appuie notamment sur l’analyse que la Cour des comptes a reproduite dans son rapport, remis parallèlement au collectif.
Il y a notamment un vice dans le raisonnement qui consiste à comptabiliser dans le recensement des insuffisances de la loi de finances initiale les dettes de l’État constituées au titre des exercices antérieurs. Cette critique ne traduit pas la réalité des efforts engagés depuis l’an dernier par le Gouvernement. Je ne dis pas que tout est parfait – vous l’avez vous-même noté–, mais l’honnêteté oblige à dire que beaucoup a été fait.
Là où, par défaut d’ouverture de crédits, nous avions enregistré sur la seule année 2007 une dette record de 1,7 milliard d’euros vis-à-vis de la sécurité sociale, nous ouvrons dans le collectif, monsieur Vasselle, 0,8 milliard d’euros de crédits, sans compter les progrès accomplis dès la construction du projet de loi de finances pour 2008.
Les efforts ont été accentués dans le budget pluriannuel pour 2009-2011. La budgétisation du projet de loi de finances pour 2009 a donné lieu à une remise à niveau de plus de 1,1 milliard d’euros en faveur de dotations chroniquement sous-budgétisées. Nous continuerons à faire mieux.
Je remercie M. Vasselle d’avoir souligné le souci qui nous anime d’améliorer les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, en effectuant un réel effort sur la budgétisation des dotations versées à la sécurité sociale. Globalement, nous aurons stabilisé la dette État-sécurité sociale en 2008.
Mme Morin-Desailly et M. Retailleau ont évoqué la question de l’indexation de la redevance audiovisuelle.
Cette mesure, compte tenu des retards pris dans la discussion du projet de loi sur l’audiovisuel, est maintenant intégrée dans le présent collectif. Défendue depuis longtemps par certains d’entre vous, elle constituera une ressource additionnelle de 40 millions d’euros pour les organismes de l’audiovisuel.
Il importe de respecter un équilibre : nos concitoyens comprendraient que l’on indexe la redevance sur le coût de la vie, mais pas que l’on en augmente le taux.
Mme Morin-Desailly s’est intéressée aux sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, et je la remercie de ses propos. C’est effectivement un outil utile que le Gouvernement souhaite préserver et prolonger.
Sur le mécénat des entreprises individuelles, le Gouvernement aurait préféré que l’on s’en tienne à son texte, très favorable, mais je comprends votre point de vue, et le Gouvernement s’y ralliera.
Monsieur Retailleau, sur le numérique, qui vous est cher, le Gouvernement partage votre préoccupation. Nous sommes parvenus à un bon équilibre avec la création d’un droit de communication sur les opérateurs internet. Les propos de M. le rapporteur général me semblent présager une discussion féconde et peut-être une issue heureuse s’agissant de l’amendement de la commission.
Monsieur Dallier, j’ai bien noté que vous étiez favorable à l’article 6 du projet de loi de finances rectificative sur la création du compte de commerce pour la gestion des quotas de CO2. C’est en effet une mesure très importante, qui s’inscrit pleinement dans la lignée de l’accord, historique, sur le paquet « énergie-climat » du dernier Conseil européen. Je soutiendrai votre appel au rapporteur général pour qu’il modifie – éventuellement (M. le rapporteur général sourit) – sa position lorsque le débat nous donnera l’occasion de revenir sur cette question.
Je vous remercie aussi du soutien que vous et votre groupe apportez à la solution proposée par le Gouvernement pour mettre un terme à la situation juridiquement instable du traitement des cartes d’identité et passeports, solution dont les communes pourront aussi être bénéficiaires.
Enfin, monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre participation à ce débat. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°155.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n° 134, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, face à la crise économique qui s’approfondit et dont les caractères sont chaque jour de plus en plus marqués, que faut-il faire ? À notre sens, c’est en répondant à cette question, simple et complexe à la fois, que le présent collectif budgétaire aurait dû être conçu.
Comme cela a été rappelé lors de la discussion générale, ce projet de loi est pratiquement un texte de circonstance, une forme d’exercice obligé. Il est en effet « coincé » entre le collectif d’octobre, qui comprenait le dispositif à 360 milliards d’euros de sauvetage de la rentabilité de nos établissements bancaires, et le collectif de janvier, qui comportera, nous dit-on, une part importante du « plan de relance » annoncé par le Président de la République.
Nous serions donc en face d’une simple décision modificative, soldant les comptes de l’exercice 2008 tels que la situation économique les a modifiés au regard de ce qui était prévu. Mais alors, pourquoi ce texte quasi ordinaire, appartenant au rituel parlementaire de fin d’année civile, est-il passé de 64 articles initialement à 117 ?
Que contient donc ce projet de loi de finances rectificative qui montre que l’ordre des priorités en période de crise ne doit pas être le même pour tout le monde ?
On pourrait commencer par l’article 7, qui nous ramène au débat de la loi TEPA puisqu’il enregistre l’échec relatif du recours aux heures supplémentaires défiscalisées que l’article 1er de cette loi visait à encourager.
Donc, il y aurait 1 milliard d’euros de ressources disponibles, au seul motif que le nombre d’heures supplémentaires déclarées par les entreprises serait inférieur aux prévisions d’au moins 20 % !
Il est vrai que, ces temps-ci, on parle plutôt de chômage partiel que d’heures supplémentaires dans les grandes entreprises. En tout cas, il est sûr que les effets de la loi TEPA sont réduits d’autant pour ce qui concerne les salariés. Pourtant, que ne nous avait-on pas dit sur la réhabilitation du travail et sur la nécessité d’accroître la durée de travail des salariés de ce pays !
La vérité, comme nous l’avons vu dans le collectif de 2007 et depuis, c’est que les seules dispositions de la loi TEPA qui ont trouvé pleinement à s’appliquer sont celles qui sont relatives à la réforme des donations et celles qui permettent aux contribuables de l’ISF de payer moins d’impôt !
Dans ce climat général, vous reconnaissez avec l’article 7 que c’est non pas le travail qui a le plus bénéficié de la loi TEPA, mais bien plutôt la rente et le capital.
Comme la discussion à l’Assemblée nationale l’a montré, le Gouvernement a modifié le contenu du projet de loi en y intégrant quelques-unes des dispositions du plan de relance, en tout cas celles qui présentent a priori un caractère fiscal assez marqué.
En particulier, l’article 18 quater, qui vise à mettre en œuvre une forme de « super Robien », conduit à l’ouverture d’une réduction d’impôt sur le revenu de 75 000 euros à répartir sur neuf ans, avec 15 000 euros la première année et 7 500 euros les huit suivantes. À qui s’adresse donc ce dispositif, dont le coût estimé pour 2009 se situerait aux alentours de 675 millions d’euros, c’est-à-dire juste 70 millions de plus que ce que le budget de la mission « Ville et logement » va consacrer à la construction de logements locatifs sociaux ?
Rien n’assure que les locataires des logements construits sous ce régime seront nécessairement les personnes les plus en difficulté en matière de logement. Il semble bien, en effet, que ce sont les mêmes locataires que ceux qui sont logés dans les logements « Robien » qui sont visés.
En clair, alors que le « Robien » comme le « Borloo », sont d’ores et déjà saturés, on met en place un dispositif de même nature et d’un coût particulièrement élevé pour les finances publiques.
Ce ne sont donc pas les sans-abri qui seront logés dans ces logements !
En revanche, il est évident que le produit fiscal ainsi proposé s’adresse de manière prioritaire aux ménages les plus aisés, pour certains touchés par les pertes boursières enregistrées récemment.
Qui, en effet, paie 15 000 euros d’impôt sur le revenu ? Tout simplement des contribuables déclarant un revenu imposable proche de 67 650 euros annuels, c’est-à-dire de plus de 6 200 euros mensuels de revenu net. Nous nous sommes reportés aux statistiques de la Direction générale des finances publiques : cette situation de revenus concerne environ 2 % des contribuables de l’impôt sur le revenu.
Par conséquent, ce n’est pas une solution au problème du logement qui se détermine avec cet élément du « plan de relance » ; c’est une solution immédiate au problème du rendement de l’épargne des ménages les plus favorisés que l’on conçoit ainsi.
De fait, le dispositif mis en place à l’article 18 quater vise, ni plus ni moins, qu’à continuer de développer l’optimisation fiscale en lieu et place du soutien direct à l’activité économique, d’autant que, comme le souligne le rapport général, nombreux seront les spécialistes du placement à conseiller utilement les « épargnants » dans l’utilisation de leurs disponibilités.
On va donc donner un coup de pouce supplémentaire aux spécialistes de la dépense fiscale, aux experts en montages financiers et immobiliers à fort rendement, et la mesure aura d’autant plus de portée et de pertinence que le contribuable « investisseur » pourra engager jusqu’au plafond de 300 000 euros.
Quant aux petits épargnants, ils pourront toujours trouver leur bonheur dans la souscription de parts de sociétés civiles de placement immobilier.
Malgré les précautions énoncées dans le rapport général, les vendeurs de logements sur plan ont donc encore de beaux jours devant eux !
Comme si ce très gros coup de pouce à l’investissement immobilier ne suffisait pas, on ajoute une mesure pour les donations et les successions, en l’occurrence sur les transmissions de parts de groupement foncier agricole ou de baux ruraux. Encore une disposition qui n’a été aucunement expertisée, dont le coût n’est pas chiffré et qui ne s’applique qu’à un nombre réduit de contribuables.
De la même manière, l’une des mesures fortes du collectif est la nouvelle mise en cause de la taxe professionnelle par l’instauration d’un dispositif d’exonération des nouveaux investissements. Voici encore un dispositif qui va priver les collectivités locales de ressources fiscales importantes, sans qu’il soit clairement établi que des mesures analogues aient eu le moindre impact sur la situation économique.
Le plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle ne semble pas, par exemple, empêcher l’annonce de plans sociaux massifs, non plus que la réduction de l’utilisation des capacités de production que l’on observe ces temps derniers.
L’outil de la dépense fiscale, ici encore sollicité, n’est pas un bon outil pour la relance de l’activité économique.
Le coût théorique de la mesure prévue par l’article 18 se situerait aux alentours de 1 200 millions d’euros en année pleine. Une telle somme est de peu de portée au regard du produit intérieur brut marchand et donc sur la situation réelle des entreprises, mais elle est d’un poids important pour les finances publiques puisqu’elle majore de plus de deux points le déficit de l’État. Et pour quel résultat ?
On peut d’autant plus légitimement s’interroger qu’aucune disposition ne nous prémunit contre des investissements qui consisteraient à substituer du capital matériel à des emplois.
Ce dispositif est un moyen de plus de « miner » le débat sur la taxe professionnelle et il pourrait aussi se révéler être un outil de financement des suppressions d’emploi et de cette exténuante recherche de la rentabilité du capital que mènent les grands groupes capitalistes.
Alléger aujourd’hui la taxe professionnelle, c’est conduire encore et toujours les comptes publics dans l’ornière des mesures fiscales coûteuses et inefficaces.
Bien entendu, puisqu’il s’agit d’un collectif budgétaire, le projet de loi comporte également des mesures sur l’affectation des crédits publics et intègre donc de nombreuses annulations des montants votés lors de la loi de finances initiale. C’est ainsi que plusieurs dizaines de millions d’euros sont encore distraits des crédits de la mission « Ville et logement », avec une chute de 130 millions d’euros des crédits pour le programme « Rénovation urbaine » et de 170 millions d’euros pour le programme « Développement et amélioration de l’offre de logement ».
De même, pendant que les suicides se font de plus en plus fréquents dans nos établissements pénitentiaires, plus de 65 millions d’euros de crédits du ministère de la justice sont supprimés au titre de l’annulation de la réserve de précaution, réserve de précaution qui, de manière générale, est d’ailleurs complètement annulée au sein des différentes missions budgétaires. De fait, quand nous votons une loi de finances, nous votons de manière systématique la mise en réserve de crédits qui, dans tous les cas, ne seront pas ordonnancés.
Je ne reviendrai pas sur le contenu des ouvertures de crédits, faisant en général bonne place aux insuffisances manifestes de crédits de paiement en loi de finances initiale.
Pour conclure, au sein des mesures contenues dans ce collectif, fort éloigné des besoins de la population de notre pays, j’évoquerai le système mis en place pour Dexia.
Conformément aux dispositions du collectif budgétaire d’octobre, que notre groupe a eu raison de rejeter, la garantie de l’État est appelée à jouer sur une partie des engagements de la banque franco-belge, confrontée à des difficultés importantes.
Tout laisse à penser que cette garantie aura probablement un coût particulièrement élevé. Il est en effet question d’un engagement proche de 4,7 milliards d’euros si Dexia enregistre une perte significative sur les actifs qu’elle sera amenée à céder dans le cadre de son plan de redressement.
Une telle mesure montre avec éclat ce que signifie le plan de sauvetage du secteur financier qu’on nous a fait voter à la hâte en début de session parlementaire.
L’État n’aurait pas 300 millions d’euros à affecter au logement social, mais il aurait seize fois plus de ressources à consacrer à la préservation d’une banque dont la privatisation a manifestement constitué un échec coûteux pour les finances publiques.
Il est de plus à craindre que Dexia ne cherche à se refaire une santé sur le dos des collectivités locales, en majorant de manière sensible sa marge financière, tirant en cela parti de la réduction du taux directeur de la BCE.
Dans tous les cas, ce sont les Françaises et les Français, contribuables locaux ou nationaux, qui seront victimes de ces procédures.
Pour l’ensemble de ces motifs, nous ne pouvons évidemment que vous proposer l’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable à l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2008. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a consacré déjà beaucoup de temps et de travail à la préparation de cette discussion. Elle s’est efforcée d’approfondir à la fois les initiatives du Gouvernement et, déjà, celles de nos nombreux collègues, y compris ceux du groupe CRC-SPG, qui ont déposé des amendements. Il serait dommage que ce travail ait été effectué en pure perte. Or si nous votions la motion qui est présentée, nous ne pourrions pas donner suite à nos réflexions et à nos propositions.
Au demeurant, la commission a elle-même déposé un certain nombre d’amendements pour améliorer le texte, pour concrétiser diverses propositions, pour défendre, le cas échéant, les collectivités locales qui ont besoin de l’être. Ainsi – et je m’en tiendrai à cet exemple –, s’agissant de la question des papiers d’identité, les positions que nous allons mettre au point ne seront pas forcément indulgentes pour l’État, monsieur le secrétaire d'État !
En conséquence, renoncer à examiner le texte serait regrettable, car ce serait frustrer à la fois nos collaborateurs, les membres de la commission, un très grand nombre de sénateurs, en même temps que contraire aux intérêts légitimes que nous nous apprêtons à défendre.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne pouvons pas suivre le groupe CRC-SPG et nous appelons au rejet de la motion.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. André Santini, secrétaire d'État. J’émettrai un avis conforme à celui de la commission, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait grand cas du plan annoncé le 4 décembre à Douai par le Président de la République pour justifier le dérapage du déficit budgétaire, qui, consolidé avec le déficit de la sécurité sociale, pourrait, du fait des pertes de recettes, approcher 5 % de la production intérieure brute en 2009. Autant le dire, nous ne nous réjouissons pas de ces chiffres.
Toutefois, malgré l’appréciation laudative que vous en avez faite, nous contestons la faculté de ce plan à relancer l’activité à court terme et à préparer l’avenir, et ce pour trois raisons.
Premièrement, la mécanique du crédit continue de se dérégler. Les banques n’ont pas nettoyé leur bilan, et chaque semaine apporte de mauvaises nouvelles sur les créances douteuses qu’elles possèdent. Le plan de relance ne suffira pas à enrayer les difficultés de paiement. Nous l’avions dit quand nous avons débattu du plan d’urgence, lors de l’examen du premier collectif budgétaire pour 2008 : en ne s’impliquant pas dans les banques qu’il décide d’aider soit par recapitalisation directe, soit par une présence dans le conseil d’administration, l’État se prive de toute possibilité d’action.
Deuxièmement, la baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne se révèle impuissante à pallier l’enrayement du crédit.
Enfin, troisièmement, le plan présenté le 4 décembre dernier est trop modeste s’agissant de la demande et peu utilement orienté. Il ne prend pas la mesure d’une récession qui sera autrement plus sévère que celle de 1993.
Le Président de la République et le Gouvernement font le pari risqué d’une récession courte, et de faible ampleur. Il aurait fallu que ce plan soit plus équilibré, notamment en utilisant l’arme fiscale en faveur des ménages les plus modestes. Mais, par idéologie, vous ne renoncez à aucune des mesures fiscales improductives prises en 2007.
Quant aux dispositions dont vous avez loué l’efficacité à la tribune et qui seraient favorables aux investissements au travers des avances de trésorerie de l’État, ces sommes auraient dû, de toute façon, être versées en 2009.
S’agissant des 11,5 milliards d’euros affectés aux programmes d’investissement public gelés jusqu’à présent, ils ne peuvent être assimilés à une relance pour 2009 ; tout au plus limiteraient-ils les chutes de l’activité en 2010 et 2011.
En fait, ce collectif budgétaire ne passera pas l’année 2008. Le vrai rendez-vous ne sera pas forcément le premier collectif de 2009, que le ministre des comptes publics présentera demain matin au conseil des ministres ; il pourrait bien être suivi d’un autre.
Si l’on ajoute à cela l’insincérité des comptes, mise en relief par la Cour des comptes dans son rapport préalable à ce projet de loi de finances rectificative, la motion présentée par nos collègues du groupe CRC-SPG n’est pas infondée. Nous souhaitons cependant défendre nos amendements, et nous voulons in fine vous dire tout le mal que nous pensons de ce collectif budgétaire pour 2008. Donc, nous nous abstiendrons.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 155, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)