M. le président. Nous allons tout d’abord débattre des effectifs de la fonction publique.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’État est-il un bon employeur ?
M. Adrien Gouteyron. C’est une bonne question !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Telle est la question à laquelle je tenterai de répondre au cours de cette intervention.
Je rappellerai tout d’abord quelques chiffres, qui situeront les ordres de grandeur.
La fonction publique représente 4,8 millions d'agents en équivalents temps plein, c'est-à-dire 21,3 % de l’emploi total dans ce pays. On compte près de 71 agents civils pour 1 000 habitants.
L’emploi public se répartit à hauteur de 49 % au titre de la fonction publique d’État, de 32 % au titre de la fonction publique territoriale et de 19% au titre de la fonction publique hospitalière.
Entre 1978 et 2008, c'est-à-dire en trente ans, la dépense de rémunération des personnels est passée de 12,5 % à 12,9 % du produit intérieur brut.
Qu’est-ce qu’un bon employeur ? À mon sens, c’est celui qui maîtrise sa masse salariale et qui, dans le même temps, utilise au mieux ses ressources humaines. J’articulerai mon propos autour de ces deux axes.
L’enjeu de long terme pour les finances publiques est essentiel. Vous le savez mieux que nous, monsieur le secrétaire d'État, le coût net actualisé d’un fonctionnaire pour l’État est estimé à 1 million d’euros. D’un point de vue financier, ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux pendant une législature équivaut à réduire l’endettement de notre pays de 150 milliards d’euros, soit 10 % de la dette.
Il est possible de présenter la situation autrement. Maîtriser la masse salariale, c’est maîtriser les effectifs de la fonction publique. Telle est la logique du plafond d’emplois. Dans le projet de loi de finances pour 2009, ce plafond s’établit à 2 123 417 équivalents temps plein.
L’année 2009 constitue une étape essentielle dans le processus de maîtrise des effectifs publics. Nombre d’entre nous ont déjà commenté, en bien ou en mal, cette réduction du plafond d’emplois de 30 600 équivalents temps plein.
Cet effort important est à mettre en perspective avec la forte augmentation de l’emploi public dans le passé. Sur dix ans, entre 1996 et 2006, l’emploi public total a progressé de 15 %, alors que, sur la même période, l’emploi salarié total augmentait de 12 %, soit trois points de plus, tous gouvernements confondus.
Pour parvenir à la maîtrise dont je parlais, il faut éviter les évasions, les points de fuite. Quels sont-ils ? J’ai évoqué récemment le risque d’une « agencisation » de l’État. Grâce à un certain nombre d’initiatives législatives, notamment un amendement de Michel Charasse adopté lors de la discussion d’un récent projet de loi de finances, et grâce à l’action du Gouvernement – acte doit vous en être donné, monsieur le secrétaire d'État –, pour la première fois, en 2009, le plafond des emplois englobe les opérateurs de l’État. C’est l’article 40, un bon chiffre aux yeux de la commission des finances ! (Sourires) Ainsi, les 265 759 équivalents temps plein qui sont au service des opérateurs de l’État sont compris dans le plafond des autorisations d’emplois voté par le Parlement.
Pour autant, nous ne sommes pas encore allés au bout de nos efforts et des progrès restent à réaliser. Ainsi, et cette remarque s’adresse à notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l’État », les personnels travaillant, par exemple, dans les centres culturels français à l’étranger, établissements dont l’utilité et l’intérêt ne sont pas contestables, ne sont pas inclus dans le plafond des emplois des opérateurs de l’État.
M. Adrien Gouteyron. En effet !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne doute pas que vous vous y emploierez, monsieur le secrétaire d'État ; nous le souhaitons.
À cette exception près, les opérateurs de l’État sont, pour la première fois, associés à la baisse des effectifs en 2009.
À la fin de la période 2009-2011, nous aboutirons vraisemblablement à une réduction de 1,5 %, voire de 2 % de l’effectif total de l’État : c’est à la fois beaucoup, car vous êtes bien placé pour savoir que cela ne se fait pas si facilement, monsieur le secrétaire d'État, et peu, en proportion du total.
Cet effort est malgré tout sans précédent. Il ne pourrait pas être réalisé sans contreparties en termes de rémunération.
Vous vous souvenez du principe qu’a énoncé le Président de la République et que le Gouvernement met en œuvre, à savoir la réaffectation aux fonctionnaires des économies induites, à hauteur d’au moins 50 %. Il s’agit d’un « retour catégoriel » sous une forme indiciaire ou indemnitaire.
Au terme de trois années, cette politique représentera près de 1,7 milliard d’euros ainsi redéployés. Une telle somme permettra aux ministères de dynamiser leur politique salariale. En outre, une enveloppe de 192 millions d’euros par an est inscrite pour accompagner les restructurations.
Grâce à la mise en place de cette nouvelle politique, les agents bénéficient d’une réelle visibilité sur l’évolution des rémunérations, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Pour la première fois, à l’occasion de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, l’évolution du point de la fonction publique a été débattue très en amont. Il est prévu notamment en 2009 une garantie individuelle de pouvoir d’achat exceptionnelle, visant à couvrir le pic d’inflation de 2008. Un dispositif similaire de garantie individuelle est annoncé pour la période allant jusqu’à 2011.
Au total, le Gouvernement devrait réussir la quasi-stabilisation en valeur de la masse salariale de l’État. Cette dernière passerait de 85,8 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2008 à 86,6 milliards d’euros en 2011, soit une progression moyenne de 0,3 % par an.
Par ailleurs, nous savons bien que la « bombe financière » des pensions, si je puis m’exprimer ainsi, explose. Les dépenses dans ce domaine progressent inéluctablement de 2 milliards d’euros par an sur cette même période 2009-2011.
Mes chers collègues, j’en arrive au second axe de mon propos : un bon employeur est celui qui utilise au mieux ses ressources humaines.
Il faut en finir avec la politique du chiffre. La politique des effectifs, purement quantitative, n’est pas suffisante. Elle ne doit en tout cas pas être menée au détriment d’une politique de ressources humaines et d’une rémunération attractive et dynamique. Cela suppose de prendre en considération trois éléments : le mérite des agents, la carrière des fonctionnaires et la mobilité de ces derniers.
Les effectifs sont vieillissants, nous le savons. Entre 1992 et 2006, l’âge moyen des agents de la fonction publique est passé de 42 ans à près de 44 ans. Au sein des ministères, près d’un agent sur trois était âgé de plus de 50 ans en 2006, soit une augmentation de l’âge des agents de l’ordre de dix années depuis 1992. Le nombre de pensions civiles nouvelles a atteint en 2007 un nouveau record, avec près de 65 000 nouvelles entrées.
Par rapport à ces contraintes, la mobilité des agents est encore insuffisante : entre 2005 et 2006, seuls 4,4 % des titulaires de la fonction publique ont connu un changement de département ; 1 % d’entre eux seulement ont changé de ministère. La réforme de l’État passe nécessairement par des fonctions plus transversales, nous le savons, et donc par les fusions de corps, le dépassement des corps et des chapelles ministérielles, si j’ose dire. La mobilité vers le secteur privé ne doit plus être un tabou. Des primes d’incitation au départ se justifient pleinement, par exemple lorsqu’une compétence est complètement externalisée ou lorsque l’informatisation d’un processus administratif conduit de manière rapide à une réduction de la dimension d’un service, et je sais que le président de la commission des finances est particulièrement attaché à cela.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, le mode de rémunération des agents doit faire l’objet d’une révolution. Je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous travaillez sur ce sujet et que, de ce point de vue, vous êtes un vrai révolutionnaire ! (Sourires.)
Le « point fonction publique » est un système de rémunération à la fois coûteux et désuet, qui décourage l’initiative.
La solution consiste sans doute à rémunérer davantage les agents au résultat individuel ou collectif. Mais cette question est extrêmement délicate. Il faut bien peser le pour et le contre, trouver le juste équilibre, faire preuve de psychologie et arriver à des solutions au terme d’un processus de concertation suffisant.
Jusqu’à présent, 51 % de l’encadrement supérieur de l’État – à peine plus de la moitié – était concerné par le dispositif de rémunération à la performance. On doit pouvoir faire mieux et étendre ce dispositif à l’ensemble des cadres de la fonction publique. N’oublions pas les équipes, car c’est la culture d’équipe qui permet de progresser au sein de l’administration et de ses différents opérateurs. Le mérite est individuel ; la performance est souvent collective. Reste à trouver le système adéquat…
M. Adrien Gouteyron. Ambitieux !
M. Philippe Marini, rapporteur général. …pour que le niveau de performance atteint se répercute suffisamment sur la rémunération.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments de réflexion dont je souhaitais vous faire part à l’occasion de ce débat thématique.
Les gains de productivité dans l’administration peuvent et doivent exister. Ils seront d’autant plus importants que les réductions d’effectifs seront fortes : il doit donc y avoir un lien vertueux entre la baisse du nombre de fonctionnaires et l’amélioration de la gestion des ressources humaines. Nous pouvons en être convaincus.
Mais, monsieur le secrétaire d'État, s’il est relativement simple d’énoncer de telles mesures, il est beaucoup plus complexe de les mettre en œuvre. C’est la rude tache à laquelle vous vous êtes attelé. Le Sénat vous adresse naturellement ses encouragements et vous témoigne toute sa confiance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme chaque année à la même époque, nous nous retrouvons pour examiner le format de la fonction publique d’État prévu pour le prochain exercice budgétaire.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur général, l’État s’est engagé depuis quelques années dans une politique de réduction de ses effectifs. Si, vers la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années deux mille, l’effectif des agents de l’État a crû annuellement de 0,5 %, le reflux amorcé en 2003 s’est fortement accentué au cours du dernier exercice.
Cette évolution n’est pas seulement due à un comportement vertueux de l’État, monsieur le rapporteur général : une part de cette décélération résulte, en effet, de la mise en œuvre de la décentralisation dans le cadre de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, des transferts de personnels de l’éducation nationale et des directions départementales de l’équipement opérés à partir de 2005.
Le mouvement n’est d’ailleurs pas achevé puisque près de 90 000 agents titulaires et non titulaires doivent rejoindre le personnel local en 2009 et en 2010. Ce sera notamment le cas l’année prochaine des personnels techniciens, ouvriers et de service, les fameux TOS.
Soit dit en passant, ces flux nous conduisent à relativiser l’augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale, cadre d’accueil de ces transferts. Les collectivités territoriales sont encore trop souvent à tort stigmatisées sur ce point.
Revenant à la politique de l’État employeur, je relève que si, en nombre d’équivalents temps plein travaillé, les effectifs ont diminué de 993 voilà cinq ans, puis de 9 865 en 2006, 30 627 équivalents temps plein travaillé seront supprimés en 2009.
Corrélativement, la décrue des recrutements externes s’est fortement accentuée pour s’établir à 39 172 personnes en 2006 contre 67 050 en 2002.
Parallèlement, les générations du baby-boom qui ont profité des recrutements massifs organisés par l’État quittent progressivement la vie active. Ce mouvement va se poursuivre, entraînant durant quelques années encore un volume élevé de réductions des effectifs.
Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, adopté par la Haute Assemblée le 6 novembre dernier, comme l’a rappelé M. le rapporteur général, prévoit d’ailleurs un effort amplifié en 2010 et en 2011 grâce aux gains de productivité que l’État espère dégager par les réformes identifiées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP.
Cet effort permettrait d’atteindre l’objectif annoncé du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Notons que l’effort consenti en 2009 s’en approche puisque le taux de suppression atteint 44 % du nombre des postes quittés par les nouveaux retraités. Ce point me tient particulièrement à cœur et je souscris aux propos tenus tout à l’heure par M. le rapporteur général.
Si la maîtrise de l’emploi public me paraît être un objectif inéluctable au regard des contraintes budgétaires et tout simplement de la bonne gestion des deniers publics, elle ne peut, à mes yeux, consister en un simple impératif comptable.
L’État s’est engagé dans une démarche ambitieuse d’évaluation des missions et du format de ses administrations pour en adapter l’architecture à ses nouvelles compétences et pour prendre en compte l’évolution des méthodes de travail. Le Gouvernement espère ainsi obtenir des gains de productivité tout en améliorant la qualité du service : quel beau défi ! Il n’est pas douteux qu’un tel processus d’ensemble était nécessaire au regard tout à la fois des effets de la décentralisation, des évolutions technologiques et des attentes des administrés.
Cependant, l’impératif comptable de la baisse des effectifs ne saurait se résumer à son seul aspect quantitatif. Il importe de procéder dans chaque administration à la meilleure répartition des suppressions de postes au regard des missions assurées pour maintenir, à tout le moins, le niveau de service public.
Remarquons également que cette révision portera essentiellement sur les services territoriaux de l’État, qui réunissent environ 95 % des effectifs des agents de ce dernier. Les services déconcentrés sont d’ailleurs en cours de réorganisation. Il ne conviendrait pas que la modernisation de l’État se traduise par sa moindre présence dans les territoires. Monsieur le secrétaire d'État, vous savez à quel point les sénateurs sont attachés à cela. Il importe, au contraire, que l’État réaffirme sa place et soit ainsi le garant de l’équité et de la cohésion nationale. La vitalité et l’adhésion à la République le commandent, surtout en ces temps où les repères sont parfois troublés.
Je voudrais être sûre, monsieur le secrétaire d'État, qu’il s’agit bien là du principe qui préside au choix de la répartition des suppressions de postes.
À titre d’exemple, dans le projet de budget pour 2009 du ministère de l’éducation nationale, 13 500 équivalents temps plein travaillé seront supprimés, et je veux, en cet instant, soulever la question des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Ponctuellement, à la demande des enseignants, ces réseaux sont appelés à fournir une aide spécialisée à des élèves souffrant de problèmes d’apprentissage et de comportement.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Ils interviennent sur l’ensemble du territoire, dans l’école de l’élève et pendant le temps scolaire. Cela évite à l’enfant de se sentir mis à part.
Monsieur le secrétaire d'État, je voulais évoquer cette question, car les élus que nous sommes reçoivent de très nombreux courriers à ce sujet.
En 2009, il est prévu d’affecter environ un tiers de ces maîtres particuliers dans des écoles connaissant des cas d’échecs scolaires. Cette sédentarisation va à l’encontre de ce qui fait la richesse même des RASED, c’est-à-dire un maillage territorial éducatif s’adaptant aux besoins des enfants. Les établissements « à problèmes » dans lesquels ces enseignants vont être en priorité affectés – c’est ce que M. le ministre de l’éducation nationale a laissé entendre lors des questions d’actualité au Gouvernement du 13 novembre dernier – ne regroupent pas tous les enfants en difficulté. À titre d’exemple, dans mon département, le Loir-et-Cher, 3 550 élèves sont actuellement aidés par les RASED. Si les enseignants en question sont regroupés sur un ou deux établissements, nombre d’enfants, notamment ceux des écoles rurales, ne seront plus aidés. Or les enfants en difficulté n’habitent pas seulement dans les quartiers sensibles urbains. Certains sont scolarisés en milieu rural ! Ne confondons donc pas les établissements à problème, qui sont une réalité et qui ont besoin très d’être accompagnés, et les enfants rencontrant des difficultés scolaires.
M. le ministre de l’éducation nationale justifie cette réforme par la mise en place du soutien scolaire, mais il s'agit là d’un dispositif différent !
M. Jacques Mahéas. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Les RASED enseignent à des enfants qui se trouvent en grande difficulté scolaire, en raison de graves problèmes – presque des handicaps – psychologiques et sociaux.
Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous faire partager ma préoccupation car, à travers la qualité de l’action de l’État, c’est la cohésion nationale qui se trouve en jeu.
J’ai bien noté que vous privilégiez une logique de gestion prévisionnelle des effectifs. J’espère donc ardemment que tous les ministères s’attacheront à supprimer des postes là où ils auront pu découvrir des gisements de productivité ou identifier une mauvaise allocation des ressources, mais qu’ils ne sacrifieront pas ce qui est primordial, c'est-à-dire l’éducation. En effet, l’école, c’est l’essentiel de la République !
J’en viens, à présent, à l’autre question qui me préoccupe, c'est-à-dire celle des parcours professionnels des personnels.
Vous avez mis en place, à juste titre, un dispositif législatif et réglementaire destiné à favoriser la mobilité des fonctionnaires, ce qui était d'ailleurs la conséquence incontournable des restructurations en cours.
En effet, je rappellerai que la mobilité concernait, au 31 décembre 2006, à peine 5 % des titulaires, essentiellement des fonctionnaires de catégories A+ et A.
Les statistiques nous enseignent que la mobilité géographique et la mobilité catégorielle concernent surtout les hommes, sous une réserve tenant à l’âge des intéressés : la première est plus fréquente chez les jeunes, la seconde est plutôt exercée par les agents âgés de 30 à 49 ans. La situation familiale peut encore constituer un obstacle à la mobilité géographique des femmes.
Le Gouvernement a tout d’abord fait le choix d’assouplissements statutaires. Tel est l’objet du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels, présenté comme la « boîte à outils » de la RGPP.
Vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'État, de regretter que ce texte, adopté par le Sénat le 29 avril dernier, après déclaration d’urgence, n’ait toujours pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, car ses dispositions sont nécessaires et doivent être précisées par un volet réglementaire consistant.
Votre réforme s’accompagne d’un volet financier, qui devrait faciliter les reconversions de fonctionnaires touchés par la réorganisation des administrations et encourager ceux-ci à quitter la fonction publique, puisque les départs en retraite ne suffiront pas, à eux seuls, à réaliser les ajustements prévus dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Plusieurs décrets du 17 avril 2008 ont donc créé diverses indemnités, dites « de départ volontaire », « de restructuration » ou « de mobilité », complétées par une allocation à la mobilité du conjoint qui perdrait son emploi. Ces indemnités sont précisées au cas par cas par arrêté ministériel.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous m’indiquer comment ces aides financières ont été accueillies par les intéressés, et combien parmi eux en ont déjà bénéficié ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. –MM. Jean-Jacques Jégou et Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.)
M. le président. Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est prévu au maximum pour trente-cinq minutes.
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, tiendrons-nous les promesses de la révision générale des politiques publiques ?
M. Jacques Mahéas. J’espère bien que non !
M. Aymeri de Montesquiou. Nous devrons faire mieux encore !
M. Adrien Gouteyron. Jamais, depuis les années où Michel Rocard, alors Premier ministre, avait lancé une réforme de l’État qui, elle, a avorté, un gouvernement n’avait affiché de telles ambitions …
M. Jacques Mahéas. Parlez plutôt de récession !
M. Adrien Gouteyron. … pour « redéfinir les périmètres des politiques publiques et les adapter aux exigences de la société ».
Au cœur de ce chantier majeur se trouve la fonction publique. Pour beaucoup d’agents, la RGPP n’est que la modalité particulière de coupes claires dans les effectifs. Elle est perçue comme une politique de réduction des moyens, alors qu’elle est – ou doit être –, plus fondamentalement, un changement de méthode de travail, une adaptation de l’administration aux besoins de notre temps.
La RGPP heurte souvent la « tradition administrative à la française », qui se caractérise par une sorte de conservatisme dont les ministres – parfois, monsieur le secrétaire d'État – et les parlementaires – souvent, mes chers collègues – se font les porte-parole.
Sans doute les fonctionnaires n’ont-ils pas été associés aux premières décisions, conçues dans un trop grand secret, mais ils ne peuvent rester les spectateurs des résolutions arrêtées. Gouvernement, Parlement, administration : il faut que chacun adhère à la réforme ! La RGPP ne se fera pas sans les fonctionnaires.
L’enjeu est connu : il s’agit de passer d’une politique d’effectifs à une politique de compétences ; disant cela, je me réfère aux propos de M. le rapporteur général, dont j’ai écouté avec attention l’intervention.
Sous bien des législatures, les gouvernements ont préféré une politique du chiffre, qui affiche la création de postes supplémentaires, à une véritable gestion des ressources humaines, qui se préoccupe d’optimiser les compétences et de proposer un authentique déroulement de carrière à nos fonctionnaires. Et je ne craindrai pas d’en prendre pour exemple l’éducation nationale, que j’ai connue quelque peu.
M. Jean-Pierre Fourcade. Et même beaucoup !
M. Adrien Gouteyron. J’affirme que, trop longtemps, tous autant que nous sommes, nous avons considéré qu’augmenter les postes d’enseignant permettait de résoudre les problèmes de l’éducation nationale. Or les résultats montrent qu’il n’en est rien ; ce n’est donc pas la solution, ou en tout cas elle ne peut suffire à elle seule.
Tout à l'heure, M. le rapporteur général a souligné, et ce constat m’a frappé, qu’en dix ans l’emploi public avait progressé bien davantage que l’emploi privé, l’écart entre les deux étant de trois points, ce qui est tout de même considérable !
J’en viens à la gestion des personnels. La France a inventé ou laisser se créer une institution symbolique de la fonction publique, dont nous ne pouvons pas être fiers : le placard. (Sourires.)
Laissez-moi citer, puisque j’ai l’honneur de rapporter devant le Sénat les crédits de la mission extérieure de l’État, le cas du Quai d’Orsay. On me dit qu’il existerait dans ce noble ministère une sorte de « couloir de la mort », pour les diplomates sans perspectives. (Nouveaux sourires.)
Mme Nathalie Goulet. C’est le Quai des brumes !
M. Adrien Gouteyron. Il s’agit là d’une singulière manière de récompenser et de motiver des agents dont la vocation est le service de l’intérêt général et le dévouement à notre pays !
Il faut désormais proposer à la fonction publique une gestion des ressources humaines qui soit à la hauteur des attentes et digne d’un pays comme le nôtre. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)
Tel est l’objet du projet de loi relatif à la mobilité, qui est en cours d’examen devant le Parlement.
Monsieur le secrétaire d'État, il faut décloisonner les carrières entre les ministères – tout à l'heure, M. le rapporteur général indiquait que seulement 1 % des fonctionnaires changeaient de ministère chaque année, ce qui est dérisoire –, oser les passerelles entre secteur public et secteur privé, et permettre à la diversité d’accéder aux emplois d’autorité.
Je livrerai un témoignage, qui est personnel. Ma famille compte une femme professeur des écoles – institutrice, comme l’on disait naguère – dont les propos m’ont frappé. Elle m’a en effet affirmé ceci : « Je ne me vois pas terminer ma carrière dans ces fonctions-là, qui sont lourdes, pénibles » – elle enseigne en ZEP, c'est-à-dire en zone d’éducation prioritaire, ce qui n’est pas facile – « et je souhaite évidemment avoir d’autres perspectives pour faire évoluer ma carrière ».
Ce témoignage me semble assez représentatif de ce qu’éprouvent nombre de nos fonctionnaires, en particulier nos enseignants, puisque je me suis permis de les citer plus particulièrement.
Il est aussi nécessaire de créer le fonds de modernisation annoncé par le Président de la République dans son intervention du 4 avril 2008 sur la fonction publique, qui aurait vocation à accompagner les réformes en cours en prévoyant des contreparties, notamment en matière sociale.
La réussite de la RGPP reposera en effet sur notre capacité à mobiliser les fonctionnaires, et le pouvoir politique n’obtiendra celle-ci que si l’État devient un bien meilleur employeur qu’il ne l’est aujourd’hui.
Chez les hauts fonctionnaires, nous ne discernons pas toujours l’implication nécessaire dans cette réforme, alors que nous sommes en droit de leur demander le meilleur d’eux-mêmes.
Laissez-moi vous dire, mes chers collègues, qu’on a pu murmurer qu’à l’étranger certains ambassadeurs auraient saisi les autorités auprès desquelles ils sont accrédités des « risques » que la RGPP faisait peser sur leur ambassade…