Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant quelques semaines avant l’examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », ce débat thématique dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous donne l’occasion de passer en revue les grands problèmes de l’hôpital public et de l’hospitalisation en général. Je m’en réjouis car, il faut bien le dire, une certaine omerta semblait planer jusqu’ici sur les dépenses hospitalières, qui représentent pourtant près de 52% des dépenses de santé.
Le « touche pas à mon hôpital » faisant consensus, l’opacité financière a longtemps été de rigueur, la connivence employeur-employés de règle, d’autant que la note était payée par la sécurité sociale et les déficits comblés par une rallonge de l’État en fin d’année.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. On a un peu le sentiment que la maîtrise médicalisée et les bonnes pratiques, telles qu’on les diffuse dans le secteur ambulatoire, n’ont pas encore tout à fait trouvé leur place à l’hôpital.
Ce constat est sans doute sévère ; certains y verront une vision déformée et entachée d’une grande incompétence et d’une partialité manifeste. C’est pourtant celle de l’un de nos collègues du groupe qui, en tant que chirurgien, a exercé pendant près de 40 ans dans les hôpitaux publics. Depuis quelques années, un certain nombre de témoignages viennent d’ailleurs corroborer ces réflexions.
Une réforme de l’hôpital est urgente, nécessaire et réclamée pour stopper la dégradation sournoise d’un système qui fut parmi les meilleurs. Il vous faudra, madame la ministre, courage et ténacité pour lutter contre les lourdeurs et les inerties que vous ne manquerez pas de rencontrer.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Elle ne manque pas de courage !
Mme Anne-Marie Escoffier. Les problèmes à résoudre sont nombreux : problème d’organisation interne, problème de restructuration de la carte hospitalière, problème du personnel médical et, enfin, problème financier.
S’agissant tout d’abord de l’organisation interne, le témoignage que vient d’apporter le professeur Laurent Sedel dans son livre Chirurgien au bord de la crise de nerfs me paraît éclairant : « J’ai plaisir à rejoindre tous les matins aux aurores l’hôpital Lariboisière, même si je sais ce qui m’attend […] Je suis juste furieux contre toutes ces incohérences, toutes ces erreurs d’organisation, de production, aux conséquences dispendieuses, toutes ces incompétences qui écrivent des protocoles absurdes, des règles incompréhensibles, des lois inapplicables. »
M. Alain Vasselle, rapporteur. Condamnation sans appel !
Mme Anne-Marie Escoffier. Comment en est-on arrivé là ? Essentiellement par une mainmise technocratique sur l’organisation hospitalière ! La finalité primordiale, à savoir la qualité des soins dispensés aux malades, est passée au second plan des préoccupations, et cela depuis la réforme de 1970. Une avalanche de textes a en effet inondé les hôpitaux avec, comme conséquence, des créations de postes administratifs en grand nombre, nombre qu’il serait d’ailleurs intéressant de connaître pour la prochaine discussion. Il en résulte une paperasserie à tous les niveaux, du bureau des entrées à celui du directeur, de la salle de soins au bloc opératoire, de la pharmacie jusqu’à lingerie, madame la ministre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est une analyse intéressante !
Mme Anne-Marie Escoffier. Le personnel soignant et les médecins passent une grande partie de leur temps à remplir formulaires et statistiques, au détriment de l’accompagnement du malade.
Les lois sur le travail, notamment sur les 35 heures, le principe de précaution, l’organisation informatisée, les revendications acquises de telle ou telle catégorie – personnels soignants, techniciens, médecins anesthésistes ou urgentistes – ont finalement démantelé un système qui était peut-être obsolète, mais qui avait le mérite d’avoir porté pendant très longtemps l’hôpital public au « top ».
Cette déstructuration des services a entraîné une démotivation du personnel et une philosophie du chacun pour soi, les staffs ne discutant plus que de relations corporatives.
Mai 68 a fait disparaître le mandarinat médical ; malheureusement, celui-ci est réapparu sous d’autres formes plus pernicieuses.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Il faut donc reconnaître que la dualité de pilotage entre président du conseil d’administration et direction tourne souvent à la déresponsabilisation de l’un et de l’autre. La réforme prévue sera, de ce point de vue, intéressante à suivre.
Il est donc urgent de redonner une âme, une finalité à la vie de service.
Les restructurations hospitalières constituent un autre sujet de préoccupation.
Définie en 1996, la politique de restructuration a mobilisé les ARH dans un premier temps, mais la dynamique initiale a été progressivement ralentie, voire interrompue. Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes s’est montrée pour le moins critique, sinon sévère, sur le bilan de cette politique.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est le moins que l’on puisse dire !
Mme Anne-Marie Escoffier. Le défaut de pédagogie et de communication, le manque de ligne directrice stable, les signaux contradictoires de l’administration centrale ou encore l’absence d’outil d’évaluation ont freiné les restructurations. Ces dernières ont sans doute également été freinées par la distribution d’enveloppes exceptionnelles en contrepartie d’engagements, non respectés, et par un souci, parfois contraire à la sécurité sanitaire, de maintenir des structures ou des services peu performants.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est un bon diagnostic !
Mme Anne-Marie Escoffier. Certaines ARH ont présenté des SROS réalistes, mais n’ont pas réussi à convaincre les établissements d’abandonner leur activité lorsque celle-ci n’était plus viable ; elles n’ont pas toujours pu résister aux pressions locales des associations et des élus. Pourtant, il faut le rappeler avec force, les réorganisations sont souvent justifiées. L’insuffisance de taille critique, que ce soit pour la chirurgie ou la maternité, est à la fois dangereuse pour les patients et coûteuse.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Eh oui !
Mme Anne-Marie Escoffier. Prenons l’exemple de la chirurgie : elle a profondément évolué non seulement depuis Aesculape, mais aussi au cours des dernières décennies. L’avènement des nanotechnologies, la performance des appareillages informatisés, les nouveaux matériaux ont véritablement transformé l’exercice de la chirurgie et éclaté celle-ci en de multiples spécialités, nécessitant une formation continue des praticiens.
La cœlio-chirurgie a révolutionné la chirurgie viscérale, la chirurgie endoscopique se pratique sur la plupart des organes. Toutes ces améliorations offrent au patient une qualité de soins toujours meilleure, mais elle suppose une optimisation des équipes et des équipements.
Un chirurgien isolé dans un petit hôpital se voit contraint de ne prendre en charge que les patients dont il peut maîtriser le traitement et de transférer les autres sur un centre plus à même de répondre à leur pathologie. Chacun de nous est en droit d’espérer la prise en charge la mieux adaptée. N’instaurons pas, sous prétexte d’aménagement du territoire ou d’activité économique de la cité, une chirurgie à deux vitesses !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. L’effort de restructuration doit donc être repris. Il doit faciliter le rapprochement des établissements publics et privés. Il ne peut se limiter à une fusion ou à des regroupements de nature administrative, mais doit se traduire par une réorganisation des activités fondées sur un projet médical de territoire.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est le rapport Larcher !
Mme Anne-Marie Escoffier. L’entrée de grands groupes financiers dans le capital des établissements a souvent conduit ceux-ci à devoir faire passer la rentabilité financière avant l’offre équitable de soins. L’intervention de financements publics doit être subordonnée à une exigence de permanence des soins.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bien sûr !
Mme Anne-Marie Escoffier. Un autre problème concerne le statut des médecins hospitaliers. Celui-ci doit être revu dans sa globalité, sauf à menacer l’hôpital de ne plus être le lieu d’excellence capable de lutter avec le privé.
La concurrence est certes nécessaire, mais aujourd’hui, à l’exception de quelques grands services, la distorsion financière vient à bout des meilleurs serviteurs de l’hôpital public. Le système du secteur privé à l’intérieur de l’hôpital est de gestion difficile, menant à des abus manifestes que la presse à sensation a vite fait d’exploiter.
Bien sûr, ces réflexions peuvent paraître exagérées, empreintes de pessimisme, d’une nostalgie d’un passé révolu, mais, madame le ministre, le mal est là ! Renforcer le pilotage, améliorer la pertinence du recours à l’hôpital, structurer l’offre de soins à l’échelon des territoires, rendre plus attrayants les carrières et les statuts, dynamiser la recherche : tels doivent être les axes d’une future réforme de l’hôpital.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Beau programme !
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame le ministre, votre tâche est immense, mais vous avez le courage de vous y atteler. Agissez avec fermeté, avec le bon sens que l’on vous connaît, en n’oubliant jamais que, malgré toutes les avancées techniques, la médecine n’est toujours pas une science, mais demeure un art. (Vifs applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cette fois encore, le Sénat ne m’a pas déçue ! (Sourires.)
Le débat a été extraordinairement riche en observations, en critiques, en propositions, que je prends toutes de manière positive afin de progresser sur la question centrale de l’accès à des soins de qualité dans notre pays.
Je m’efforcerai de répondre de la façon la plus exhaustive possible aux questions des différents intervenants, parce qu’elles le méritent.
MM. Vasselle et Jégou m’ont interrogée très précisément sur de nombreux points techniques, tels que la gestion prévisionnelle des métiers, des emplois et des compétences, la GPEEC, la comptabilité analytique et la fiabilité des comptes, le répertoire partagé des professionnels de santé, le RPPS, la convergence tarifaire, le redressement financier des établissements, les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, les MIGAC, ou les systèmes d’information.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N’en jetez plus ! (Sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense que vous attendez de moi que j’apporte des réponses précises à toutes vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Guy Fischer. Nous n’en attendons pas moins !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes même venus pour cela ! (Nouveaux sourires.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En ce qui concerne tout d’abord la gestion du risque à l’hôpital, monsieur Vasselle, elle regroupe les actions visant à améliorer les modes de recours aux soins des patients et les pratiques des professionnels soignants. Elle a aussi pour objet de faire respecter les dispositions réglementaires et conventionnelles relatives à l’exercice des professions de santé.
La gestion du risque constitue la pierre angulaire de la réforme promue par la CNAMTS depuis 2004. Fort des résultats encourageants obtenus pour la médecine de ville, grâce à la forte mobilisation du réseau de l’assurance maladie, le Gouvernement étendra cette démarche à l’hôpital, afin d’améliorer son efficience.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Dans le cadre de la contractualisation prévue avec les agences régionales de santé pour la gestion du risque, les CPAM pourront ainsi élargir leur action à l’hôpital, conformément à votre souhait, monsieur le rapporteur.
M. Guy Fischer. Ça va saigner !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est pour le bien des malades, monsieur Fischer ! Seriez-vous contre l’amélioration de la qualité des soins ?
M. Guy Fischer. Je n’ai pas dit cela !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. le rapporteur a également évoqué la gestion prévisionnelle des métiers, des emplois et des compétences.
L’activité hospitalière nécessite avant tout la mobilisation de moyens humains et de compétences. Dans une période de forte mutation du secteur hospitalier, due, notamment, à de nombreux départs à la retraite, la GPEEC est donc déterminante pour anticiper les évolutions.
Je donnerai maintenant quelques indications sur les actions entreprises dans ce domaine.
À l’échelon national, a été créé, en 2002, l’Observatoire national des emplois et des métiers de la fonction publique hospitalière, l’ONEMFPH. Celui-ci a réalisé un répertoire des métiers hospitaliers, dont la version 2, qui sera diffusée à la fin de 2008, constitue un outil précieux permettant une réelle approche d’une fonction publique des métiers.
Pour les professions de santé a été institué, en 2003, l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, l’ONDPS. Il a pour mission de rassembler et d’analyser les données relatives à la démographie de ces professions.
À cet égard, il est essentiel que nous disposions d’informations précises sur le calendrier des départs à la retraite pour assurer le renouvellement des personnels et garantir la continuité des soins. Je suis tout à fait d’accord sur ce point avec M. le rapporteur.
Dans cette perspective, des échanges suivis et précis d’informations ont été organisés avec la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC, afin que le ministère chargé de la santé puisse disposer de statistiques fiables.
Ces données sont utilisées pour définir les quotas d’entrées dans les instituts de formation, s’agissant des professions paramédicales, par exemple dans les instituts de formation en soins infirmiers, les IFSI, ou le numerus clausus pour les études médicales.
Elles sont déclinées, à l’échelon régional, au travers des schémas régionaux de formation sanitaire arrêtés par les conseils régionaux, puisqu’il s’agit d’une compétence décentralisée, et par l’Observatoire national de la démographie des professions de santé pour les professions médicales.
Je conviens volontiers, monsieur le rapporteur, que les outils de pilotage qui ont été mis en œuvre sont perfectibles. De surcroît, il convient de ne pas ignorer les facteurs humains, qui rendent parfois difficilement conciliables le lieu de formation et celui de l’exercice professionnel.
Localement, le ministère de la santé accompagne les établissements de santé dans la mise en œuvre de leur politique de GPEEC. Il est en effet urgent que l’application des principes qui gouvernent cette dernière se traduise par une inflexion des pratiques de gestion, inflexion qui peut apparaître encore trop limitée aujourd’hui.
Je souhaite, à cet instant, appeler votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les initiatives exemplaires prises en la matière par deux établissements.
D’une part, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP, a couplé la cartographie de ses effectifs par métiers avec son nouveau système d’information « ressources humaines », qui sera refondé le 1er janvier 2009.
D’autre part, le groupement de coopération sanitaire-systèmes d’information de santé de Champagne-Ardenne, le GCS-SISCA, a proposé, via l’agence régionale de l’hospitalisation, de mettre en place des outils de gestion des métiers et des compétences. Ils seront mis à disposition des cinquante et un établissements de santé privés, publics et PSPH – participant au service public hospitalier – de cette région.
J’entends que ce type d’initiatives soit systématisé. C’est pourquoi je demanderai aux directeurs d’ARH de s’engager dans une démarche d’incitation forte par le biais des contrats d’objectifs et de moyens.
Je ne m’étonne guère que M. le rapporteur et M. Jégou m’aient tous deux interrogée sur la comptabilité analytique et la fiabilité des comptes !
À la suite de la mise en œuvre de la T2A, de la réforme budgétaire et comptable et de la nouvelle gouvernance hospitalière, la comptabilité analytique est devenue un indispensable outil d’aide à la décision.
Il existe différents instruments de comptabilité analytique.
Le retraitement comptable, qui constitue le premier niveau, permet de répartir les charges entre les différentes activités.
La base de comptabilité analytique gérée – je ne résiste pas au plaisir de vous le signaler, mesdames, messieurs les sénateurs – par le CHU d’Angers et pilotée par le groupe pour l’amélioration de la comptabilité analytique hospitalière, le GACAH, pour le compte de 130 établissements, sert d’outil de comparaison pour l’ensemble de ceux-ci.
Enfin, signalons la méthodologie commune de l’étude nationale de coûts.
Afin d’optimiser le pilotage interne des établissements, la mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers, la MEAH, a développé et diffusé, en particulier par internet, deux outils particulièrement efficients pour la comparaison des coûts des pôles d’activités.
Les systèmes d’information étant essentiels au développement de la comptabilité analytique, le Groupement pour la modernisation du système d’information hospitalier, le GMSIH, a recensé les systèmes d’information décisionnels et publié sur son site internet un « kit de base des tableaux de bord pour les établissements de santé ».
Par le regroupement de la MEAH et du GMSIH au sein de la future agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, l’ANAP, dont, je l’espère, vous approuverez la création au cours de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement entend amplifier les actions entreprises pour le développement des outils d’aide à la gestion hospitalière. Cela répond à vos préoccupations, monsieur Jégou !
M. Alain Vasselle, rapporteur. J’espère que nous allons enfin progresser !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La fiabilité des comptes des établissements publics de santé est bien entendu une préoccupation majeure du Gouvernement.
Une première étape a été franchie avec la réforme du régime budgétaire et comptable de 2006, dont l’objectif était de responsabiliser les acteurs hospitaliers et de garantir la sincérité des écritures comptables.
Cette étape, quoique indispensable, n’est pas suffisante. C’est pourquoi, s’appuyant sur les observations de la Cour des comptes, mes services, ceux de mon collègue Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, ainsi que les hôpitaux, travaillent à améliorer encore la qualité comptable. À mes yeux, cela constitue un préalable à la certification des comptes des établissements, que vous proposez d’instaurer par l’amendement que vous avez déposé à l’article 40 bis, monsieur le rapporteur. Votre préoccupation rejoint tout à fait celle du Gouvernement, puisque la certification des comptes des hôpitaux est prévue dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
En outre, monsieur Vasselle, vous m’avez interrogée, avec l’acuité que l’on vous connaît, sur le retard pris dans le suivi des prescriptions hospitalières exécutées en ville.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela dure !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les actions entreprises depuis le vote de la dernière loi de financement de la sécurité sociale ont permis, monsieur le rapporteur, des avancées significatives en la matière.
Le déploiement complet du dispositif interviendra au cours de l’année 2009.
Le 1er janvier prochain, la majorité des professionnels de santé exerçant en ville et en établissement seront en possession de leur numéro du répertoire partagé des professionnels de santé, le RPPS, et les textes juridiques seront publiés au Journal officiel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le 1er mars 2009, la majeure partie des systèmes d’information des régimes obligatoires d’assurance maladie seront à même de prendre en compte les numéros RPPS, et les logiciels des professionnels de santé libéraux seront prêts à être déployés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et les médecins hospitaliers ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le 1er mai 2009, les logiciels des transporteurs seront prêts pour un déploiement à la fin de l’année.
Enfin, entre juillet et décembre 2009, les systèmes d’information des établissements de santé seront en mesure de traiter les données assorties de numéros RPPS.
La difficulté la plus importante réside dans le déploiement des logiciels chez les professionnels de santé libéraux, qu’il faudra convaincre de passer à la version 1.40 Sesam Vitale. À titre d’exemple, les pharmaciens, dont 25 % des prescriptions exécutées sont hospitalières, sont équipés à hauteur de 3 %...
En conclusion, le dispositif de suivi des prescriptions hospitalières exécutées en ville ne pourra être mis en place de manière totalement fiable qu’à partir du 1er janvier 2010, avec la majeure partie des établissements de santé et un nombre significatif de professionnels de santé libéraux – entre 40 % et 80 % d’entre eux, selon les professions. En 2009, l’assurance maladie dressera un premier bilan du contrôle des flux et des formulaires, à partir duquel l’organisation du dispositif de sanctions sera élaborée en vue d’une mise en œuvre à compter du 1er janvier 2010.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, l’année 2009 sera donc très riche et très utile s’agissant d’un thème qui vous tient particulièrement à cœur.
Une salve de questions, posées notamment, avec des tonalités différentes, par Mme Payet et MM. Daudigny et Milon, a porté sur la convergence tarifaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, peut-être vous souviendrez-vous que vous aviez inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 le principe de la convergence des tarifs entre les établissements des secteurs public et privé d’ici à 2012.
Certains se plaignent que ce dossier n’avance pas et demandent à être éclairés sur les intentions du Gouvernement en la matière.
Il était prévu, dans la loi, que la convergence tarifaire devait être obtenue « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par ces tarifs ». Contrairement à ce qui est trop souvent avancé, mesdames, messieurs les sénateurs, « convergence des tarifs » ne signifie donc pas « identité des tarifs ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il faut la transparence, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a précisé que « ce processus de convergence est orienté vers les tarifs des établissements » du secteur privé.
Un tableau récapitulatif des travaux très importants qui ont été réalisés l’an passé dans ce domaine en association avec les fédérations hospitalières a été reproduit dans un rapport qui, je l’espère, vous a été communiqué, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. François Autain. Non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il a pourtant été adressé à la commission des affaires sociales du Sénat, je m’en suis assurée. La commission homologue de l’Assemblée nationale en disposait d’ailleurs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission a eu copie du rapport adressé au président du Sénat !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous le ferai parvenir avant la fin de la discussion, monsieur Autain. Je ne doute pas que vous saurez l’apprécier ! (Un exemplaire du rapport est remis à M. François Autain.)
Vous voilà pourvu d’une saine lecture, monsieur le sénateur ! Cela étant, il ne doit pas s’agir d’un traitement de faveur : tous les membres de la Haute Assemblée, en particulier ceux qui siègent sur les travées de la majorité, doivent pouvoir disposer de ce document ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Ces travaux sont éclairés par un rapport rendu en 2006 par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, dans le cadre d’une mission d’appui. Ce rapport relevait un écart facial moyen des tarifs de 41 % en 2005, les tarifs du privé étant inférieurs à ceux du public dans cette proportion. Cet écart a été ramené à 37 % en 2008, à la suite des campagnes tarifaires successives. La convergence a donc commencé, mais elle reste bien modeste.
Il convient de préciser que ces écarts ont été calculés sur la base de la structure d’activité du secteur public. Si l’on prend comme base l’activité du secteur privé, dont le périmètre est plus restreint, l’écart tarifaire facial était de 29 % en 2006 et est de l’ordre de 25 % en 2008.
Enfin, si l’on retient comme base l’ensemble des activités du secteur public et du secteur privé, l’écart s’établit à 36 % pour 2006 et à 33 % pour 2008.
Le calcul de l’écart facial des tarifs est donc très dépendant du périmètre de l’activité sur lequel on se fonde pour l’évaluation.
Les résultats d’autres travaux seront utilisés pour la campagne tarifaire de 2009. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet dans mon propos liminaire.
Ainsi, des travaux relatifs à l’étude des coûts à méthodologie commune sur les deux secteurs viennent d’être réalisés. Cette étude permet de répondre à deux objectifs essentiels.
Il s’agit, d’une part, d’établir, pour chaque secteur, des coûts complets moyens par groupe homogène de malades, ou GHM, et, d’autre part, d’analyser des écarts inter et intrasectoriels afin de constituer, pour les pouvoirs publics, un outil d’aide à la décision dans le dispositif de financement des établissements de santé, plus particulièrement dans la perspective de la convergence.
Des travaux permettant de quantifier des facteurs explicatifs des écarts de coûts entre les secteurs ont également été conduits. Dans cette optique, trois chantiers importants ont été ouverts.
Le premier concerne la prise en compte de la sévérité des pathologies. On constate que les établissements bénéficient du même financement pour une pathologie donnée, quelle que soit la lourdeur du cas. La nouvelle classification des prestations – la version dite « V 11 » – permettra, pour chaque pathologie, d’identifier quatre niveaux de sévérité et d’associer à chacun de ces niveaux un tarif différent, le niveau 1 correspondant à la prise en charge d’un patient sans comorbidité associée.
Le deuxième chantier a trait à la prise en charge de la précarité. C’est un sujet qui nous tient tous à cœur. La prise en charge des malades en situation de précarité nécessite la mobilisation de moyens plus lourds et se révèle plus longue et plus coûteuse. J’ai donc décidé de faire évoluer le modèle T2A : les financements accordés au titre de la précarité ne seront attribués qu’aux seuls établissements qui accueillent ces patients. La part de financement au titre de la précarité sera, pour l’essentiel, retirée des tarifs publics, afin d’être réallouée aux seuls établissements concernés.
Enfin, le troisième chantier concerne l’étude de l’impact sur les coûts de la permanence des soins hospitalière, la PDSH. On m’a d’ailleurs posé plusieurs questions à ce sujet. Les travaux portent dans un premier temps sur l’évaluation des permanences sur place et des astreintes à domicile réalisées par les médecins et couvrant la période de la permanence des soins. Une deuxième phase d’étude est prévue afin d’évaluer, d’une part, le coût de la disponibilité des unités de soins spécialisées et des plateaux techniques, et, d’autre part, les coûts des personnels non médicaux. Par ailleurs, la prise en charge des internes accueillis dans certains établissements de santé est assurée à la fois par les tarifs et par la dotation des MIGAC.
Bien entendu, les résultats de tous ces travaux vont être utilisés pour les prochaines campagnes tarifaires, ce qui entraînera un certain nombre de conséquences pour la campagne de 2009. Ainsi, quatre facteurs auront une incidence sur les tarifs des établissements de santé : la prise en compte de l’étude nationale des coûts ; la mise en œuvre de la V 11 ; la prise en compte de la précarité ; la prise en compte d’éléments de la permanence des soins hospitalière.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’année 2009 sera également une année riche au regard de la convergence tarifaire. Le travail accompli est très important, celui qui reste à faire l’est également. Je suis tout à fait déterminée à avancer sur cette question complexe, avec la volonté de rendre plus objective la détermination des financements. Tout cela permettra d’améliorer l’efficience du secteur hospitalier et l’allocation des ressources, dans un souci de justice.
MM. Vasselle et Jégou m’ont interrogée sur ma détermination à assurer le redressement des établissements dont le budget est en déficit, notamment des CHU.