M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Foucaud. Je conclus, monsieur le président.
Monsieur le ministre, l’heure est grave. Nous vous exhortons à tirer les leçons de vos échecs et à informer le peuple et ses représentants de la réalité de la situation. Démocratie et transparence seront les clés du redressement économique et social.
Tels sont les points qu’il était nécessaire, selon nous, de souligner. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en mon nom et en celui de M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, j’aimerais réagir aux remarques ou observations des différents orateurs qui se sont succédé et, le cas échéant, apporter des réponses à leurs interrogations.
Tout d’abord, je partage totalement votre analyse, monsieur le président de la commission des finances, sur les causes de la crise : des taux bas, une inflation du prix des actifs, des emprunts immobiliers à risque et une titrisation des créances couplée à une incapacité à établir leur traçabilité. En fait, on dilue le risque, mais cela ne le fait évidemment disparaître ; en revanche, il devient impossible à repérer !
Monsieur Arthuis, vous avez parfaitement rappelé quelle était notre priorité : nous devons éviter le risque systémique, tant il est vrai qu’un écroulement de la sphère financière provoquerait la faillite de l’ensemble du système économique. Pour cela, nous injectons des liquidités, nous garantissons la continuité et la solidité des banques françaises, nous coordonnons nos actions dans le cadre européen et nous cherchons à réformer l’ensemble des règles qui régissent la sphère financière à l’échelle internationale. Vous le voyez, le programme est à la fois très ambitieux et très concret.
Vous avez également évoqué le soutien ciblé à un certain nombre de secteurs qui en auraient véritablement besoin et qui seraient au cœur de l’activité économique française. En l’occurrence, le choix varie en fonction des situations nationales, notamment en Europe. Pour notre part, nous avons décidé de venir en aide aux PME et au secteur du logement. Il reste que, à ce stade, vous le savez, le Gouvernement ne ferme aucune porte. Toute autre attitude serait d’ailleurs irresponsable. Nous restons donc très vigilants et nous adapterons la réponse de l’État à l’évolution de la situation.
Quoi qu’il en soit, et vous avez raison de le rappeler, nous devons d’ores et déjà réfléchir aux causes de la crise actuelle, afin qu’un tel phénomène ne se reproduise plus.
Oui, les modes de rémunération peuvent être responsables de certaines dérives. Oui, il faut assurer la traçabilité des risques et superviser l’ensemble du système. De ce point de vue, force est de reconnaître que les agences de notation ont beaucoup péché !
Monsieur le président, vous avez également évoqué la comptabilité, domaine dans lequel vous êtes un expert (M. le président de la commission des finances sourit), et mentionné une instruction fiscale sur laquelle nous travaillons actuellement.
Au-delà de ces préoccupations de court terme, l’objectif du Gouvernement est bien d’apporter, comme vous l’y invitez, des réponses nationales et de permettre une coordination des solutions au niveau international. Sachez que, à cet égard, notre détermination est totale.
Je souscris également aux propos de M. le rapporteur général, Philippe Marini. La crise actuelle agit effectivement comme le révélateur d’un système financier qui est en train de s’effacer. Il est nécessaire d’accompagner ce phénomène si nous voulons éviter qu’il ne provoque des drames dans l’économie.
Il est vrai que la tâche est complexe, d’autant que nombre de certitudes ont explosé. Je pense notamment aux discours que certains tenaient autrefois sur la question des taux. (M. le rapporteur général acquiesce.) Comme vous l’avez indiqué, il est clair que les priorités sont aujourd'hui ailleurs.
Mais d’autres certitudes demeurent, à commencer par la nécessité d’assainir nos finances publiques. Cette obligation ne disparaît nullement, même si elle peut faire l’objet d’interprétations. Utilisons pleinement les possibilités offertes par le traité de Maastricht, en retenant notamment que des circonstances exceptionnelles – et si les circonstances actuelles ne sont pas « exceptionnelles », je me demande vraiment ce que sont des « circonstances exceptionnelles » ! – peuvent être invoquées. Pour autant, gardons à l’esprit que l’assainissement de nos finances publiques constitue une réponse durable au manque actuel de marges de manœuvre politique et économique de la France.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Éric Woerth, ministre. Si des adaptations s’imposent, nous les mettrons en œuvre, mais dans le respect de nos engagements européens.
Par exemple, quelle que soit la conjoncture économique, il me semble absolument nécessaire de lutter contre les déficits structurels, ce qui suppose, au-delà du débat sur les recettes, de maîtriser nos dépenses publiques. Cette problématique sera sans doute au cœur du débat que nous aurons dans quelques semaines.
Monsieur le rapporteur général, vous avez effectivement été l’un des premiers à nous alerter, à fort juste titre, sur la question des agences de notation. Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, celles-ci ont beaucoup péché.
Il nous faudra également repenser les règles prudentielles et comptables. Vous m’avez interrogé sur le calendrier. Les conclusions du Conseil Écofin ont été très claires : la Commission européenne doit adopter avant la fin du mois un texte sur les règles comptables applicables aux banques. Ce nouveau dispositif, qui visera à clarifier la situation et à permettre une meilleure classification des actifs, devrait entrer en vigueur d’ici à la fin de l’année.
Monsieur du Luart, vous avez justement insisté sur la nécessité de « garder le cap ». Je souscris à cet objectif, à condition qu’il ne nous conduise pas à faire preuve d’autisme et à négliger les réalités conjoncturelles. À mon sens, la manière la plus judicieuse de « garder le cap » est de s’adapter à la tendance de fond. Aujourd’hui, nous luttons de toutes nos forces contre la crise, sur le plan national comme sur le plan international, tout en tenant bon sur l’assainissement de nos finances publiques. Le Président de la République et le Premier ministre n’ont d’ailleurs pas dit autre chose.
Comme vous l’avez souligné, les éventuelles prises de participation dans les établissements bancaires ne représentent pas de coût budgétaire. Il est utile de le rappeler, car, d’article de journal en article de journal, de débat télévisé en débat télévisé, nos concitoyens finissent par se demander comment l’on va payer tout cela. Or, lorsque l’État investit un milliard d’euros dans Dexia – pour sa part, la Caisse des dépôts et consignations a mobilisé deux milliards d’euros –, il s’agit évidemment de prendre une participation dans un établissement financier, selon une vision patrimoniale. Il y aura bien un déboursement, mais il s’effectuera au niveau de la structure ad hoc que j’ai mentionnée précédemment et il sera financé par emprunt. En tout cas, cet argent sert à acheter des titres Dexia : il y a donc bien un actif en regard de l’emprunt. De même que la vente d’un actif ou d'une participation n'est pas une recette budgétaire, une prise de participation n'est pas une dépense budgétaire.
Les aides ciblées aux PME et au secteur du logement ne sont pas, non plus, des dépenses d’ordre budgétaire : il s’agit simplement de mobiliser une trésorerie. Et cette trésorerie n’était pas dormante ou cachée, c’était une trésorerie normale des établissements, selon un fonctionnement normal dans une économie normale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr ! Tout est normal ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Éric Woerth, ministre. Dès lors que notre économie est confrontée à des risques tels que ceux que nous constatons aujourd'hui, il est naturel de mobiliser cette trésorerie et de l’activer ; c’est ce que nous faisons.
En outre, monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur les réformes à venir dans le secteur financier. Comme vous l’avez souligné, l’idée du Gouvernement est bien de refonder la régulation du secteur financier. J’ai déjà parlé des agences de notation, qu’il faudra enregistrer, contrôler et superviser, ainsi que des règles prudentielles dans le domaine bancaire, qui sont liées à une meilleure gestion des risques relatifs aux liquidités et des mécanismes de titrisation. Sur tous ces sujets, une directive européenne sera adoptée d’ici à la fin de l’année.
Vous l’avez également indiqué, nous devons nous intéresser aux normes comptables. Comme je l’ai annoncé, nous allons mettre en chantier au niveau international la fair value, c'est-à-dire le mark-to-market, qui est devenu quelque chose d’extraordinairement célèbre ces dernières semaines.
À court terme, nous modifierons les règles comptables européennes d’ici à la fin du mois, afin qu’elles puissent s’appliquer dès la fin du troisième trimestre, conformément aux conclusions du Conseil Écofin d’hier.
Monsieur Collin, vous avez émis plusieurs idées auxquelles je suis très sensible. Nous devons effectivement repenser le cadre financier issu des accords de Bretton Woods. Le Président de la République l’a lui-même indiqué, mais ce n’est pas facile. Comme vous le savez, les enjeux ne sont pas seulement économiques. En réalité, nous sommes au cœur d’un débat diplomatique et il est clair que, pour qu’il soit tranché, nous devons attendre la clarification de la situation politique aux États-Unis. Mais je suis convaincu que nous réussirons à refonder les règles régissant le système financier international. Le Président de la République insistera très fortement sur le sujet, et j’espère qu’il sera soutenu par l’ensemble des pays européens.
Vous avez également prôné des initiatives européennes fortes. Je vous rejoins totalement. À cet égard, quelles que soient nos options politiques, nous devons tous être fiers que la France préside l’Union européenne. C’est une chance ! En effet, notre pays a la capacité de prendre de telles initiatives et d’entraîner nos partenaires. Pour être efficaces, les actions doivent être coordonnées – nous ne pouvons naturellement pas entrer dans chaque système bancaire –, et nous travaillons aujourd'hui en ce sens. J’imagine que de nouvelles initiatives seront bientôt prises.
Par ailleurs, je partage vos réflexions sur l’éthique.
En revanche, je suis nettement plus réservé quant à vos affirmations sur un prétendu « démantèlement du service public ». En effet, je ne crois pas du tout que la France soit en train de démanteler le service public. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. À peine !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous le modernisons !
M. Jean-Louis Carrère. Non ! Vous le réduisez !
M. Éric Woerth, ministre. Je sais bien que l’expression « démanteler le service public » est devenue quasiment figée ! À croire que les termes doivent être nécessairement accolés… (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Plus sérieusement, monsieur le sénateur, il ne me paraît pas utile de « réhabiliter » le service public, pour la simple et bonne raison qu’il n’est nullement dégradé.
M. Guy Fischer. Il vaut mieux entendre ça que d’être sourd !
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement souhaite simplement qu’il y ait en France un service public puissant et actif, mais dont le coût ne soit pas disproportionné par rapport à son efficacité.
Monsieur Collin, vous avez conclu en déclarant qu’il ne fallait pas être « résigné ». Mais je suis bien d'accord avec vous ! D’ailleurs, je ne crois pas que Nicolas Sarkozy ou François Fillon soient « résignés ».
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas vraiment leur genre !
M. Éric Woerth, ministre. C’est exactement le contraire. Il en va de même pour notre majorité, ainsi – j’en suis certain – que pour l’opposition.
Monsieur Chevènement, il n’y aucune contradiction entre les actions que nous menons pour éviter les faillites bancaires et notre volonté d’assainir nos finances publiques.
Au contraire, notre politique est très cohérente. D’un côté, nous devons éviter ces faillites, car – vous le savez mieux que quiconque – les banques irriguent l’ensemble de l’économie. D’un autre côté, nous ne devons affaiblir ni notre message ni notre action sur les finances publiques. En effet, une aggravation de la situation économique aurait également des conséquences fâcheuses sur notre situation budgétaire : on imagine mal des finances publiques saines dans une économie qui ne le serait pas ! Par conséquent, ces deux volets de notre politique sont complémentaires.
Il n’est donc pas question de lâcher du lest sur les finances publiques. Des efforts d’adaptation s’imposent et nous ne pouvons pas, me semble-t-il, faire autrement. Concrètement, si nous étions confrontés à un véritable credit crunch, selon une expression qui est aujourd'hui quasiment passée dans le langage courant, les conséquences sur nos finances publiques seraient absolument dramatiques, tant il est vrai que notre situation économique, l’état de nos finances publiques et la santé du système financier sont étroitement imbriqués. Par conséquent, c’est ce qu’il nous faut absolument éviter.
Au passage, permettez-moi de vous rappeler un chiffre. La vente de la prise de participation de l’État dans Alstom a rapporté une plus-value de 2 milliards d’euros. Vous en conviendrez, il s’agit d’une bonne affaire. Ainsi, et contrairement à ce que je lis parfois, des prises de participation dans des établissements financiers connaissant une crise temporaire, mais ayant une véritable solidité intrinsèque, peuvent se révéler très positives pour le contribuable.
Monsieur le sénateur, l’Europe n’est pas condamnée à l’impuissance. Au contraire, elle est désormais tenue de se montrer plus active et de faire preuve de plus de coordination. Ses membres doivent discuter davantage et prendre plus de décisions communes.
Pour résister à cette crise, il faut une capacité financière très importante. Nous avons donc, à l’évidence, besoin de l’Europe. Nous ne pouvons pas laisser les États-Unis, qui sont à l’origine de la crise, gérer seuls la sortie de crise. L’Europe doit s’exprimer et régir la sortie de crise.
Nous avons d’ores et déjà mis en œuvre certaines des idées que vous avez énoncées. Je suis beaucoup plus circonspect sur le recours au grand emprunt européen, qui ne me paraît pas être une solution. Un grand emprunt européen, c’est d’abord et avant tout un emprunt !
Au demeurant, les États ne rencontrent pas de problème de liquidités ; ils sont même les seuls, actuellement, à être en mesure de se refinancer. Il existe en revanche un problème d’accès aux liquidités pour les entreprises, et c’est celui-là qu’il faut régler.
Monsieur Adnot, je vous adresse mes félicitations : vous avez réussi à parler du fonds de compensation pour la TVA dans ce débat portant sur la crise financière. Il fallait le faire ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Il l’a fait !
M. Éric Woerth, ministre. Je connais votre attachement à ce sujet, et nous aurons l’occasion d’y revenir. Je tiens néanmoins à vous rassurer immédiatement : nous n’avons pas l’intention, cette année ou l’année prochaine, de réformer le FCTVA ; nous avons l’intention d’en discuter, ce qui n’est pas la même chose. Discuter n’est pas réformer. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. On sait ce que cela veut dire !
M. Éric Woerth, ministre. Mais je suis d’accord vous : il faut toujours discuter avant de réformer.
Monsieur François Marc, vous avez évoqué, parmi d’autres propositions, la transparence des rémunérations. J’imagine que, sur ce sujet, nous sommes en phase.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
M. Jean-Louis Carrère. Vos amis du MEDEF, fournisseurs de yachts et de jets !
M. Éric Woerth, ministre. Comme Xavier Bertrand l’a clairement affirmé, les conseils d’administration doivent mettre en application les décisions qui ont été prises par les partenaires sociaux, notamment par le MEDEF ; sinon, la loi interviendra.
L’emprunt européen est représenté par les interventions de la Banque européenne d’investissement. Lorsque la BEI décide d’accorder 30 milliards d’euros de prêts aux PME européennes, il s’agit en réalité de la mobilisation des finances européennes.
Vous avez évoqué les paradis fiscaux. D’ici à la fin du mois - le 21 octobre prochain, me semble-t-il –, avec le ministre allemand des finances, nous réunirons les pays de l’OCDE pour essayer de relancer la lutte contre les paradis fiscaux au niveau politique…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça va chauffer !
M. Éric Woerth, ministre. …et de reclasser certains territoires qui étaient sortis, dans des conditions à mon avis douteuses, de la liste officielle des paradis fiscaux.
Nous en avons déjà discuté avec les autorités américaines, car nous ne pouvons rien faire sans une intervention très puissante sur le plan international. Nous avons l’intention de relancer, une fois le nouveau président élu et l’administration désignée, le combat politique contre les paradis fiscaux.
Au sujet de la supervision du secteur financier, vous incriminez le trop grand nombre d’autorités de contrôle ; nous sommes d’accord avec vous. Sur le plan français, nous avions d'ailleurs envisagé de rapprocher un certain nombre d’autorités dans la loi de modernisation de l’économie ; nous le ferons.
Vous avez évoqué, après François Hollande à la tribune de l’Assemblée nationale cet après-midi,…
M. Jean-Louis Carrère. Ils ne sont pas comme vous, ils sont capables d’avoir des idées !
M. Éric Woerth, ministre. …les fonds de garantie des prêts. Mais de tels fonds existent déjà ! Le fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété, qui permettait de garantir environ 20 % des emprunteurs, va être accessible très prochainement à 60 % des emprunteurs, c'est-à-dire à une large majorité de ceux-ci.
Monsieur Jégou, comme vous le soulignez, il convient de revenir sur l’actuelle logique de profits à court terme, qui a dévoyé le système, puisque le métier des banques est évidemment de financer du moyen et du long terme, ou plutôt de transformer du financement de court terme en financement de long terme.
J’ai bien noté vos interrogations sur le système prudentiel et comptable du mark-to-market Ce système va changer. Les règles mises en place par « Bâle II » peuvent être extraordinairement efficaces si elles sont bien employées. Nous devrons veiller à ce qu’elles ne soient pas trop laxistes lorsque nous sommes en haut de cycle ni trop strictes lorsque nous sommes en bas de cycle, afin qu’elles n’aient pas pour effet d’amplifier les difficultés.
La réponse coordonnée que vous souhaitez est bien évidemment portée par l’Écofin. En cas d’intervention publique, nous mettrons en place la doctrine du changement de management que vous avez évoquée.
Monsieur Foucaud, nous ne sommes d’accord sur rien,…
Mme Annie David. Étonnant !
M. Éric Woerth, ministre. …hormis peut-être sur la nécessité de moraliser le capitalisme financier, clairement affirmée par le Président de la République. L’ensemble de votre intervention suscite de ma part quelques hésitations, mais c’est normal puisque nous ne partageons pas les mêmes opinions politiques.
Pour notre part, nous assumons nos références, tout comme l’accélération de nos réformes. Vous, vous êtes dans la dénonciation plutôt que dans la proposition. Ce sont pourtant bien des propositions que les circonstances actuelles réclament ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque auteur de question dispose de deux minutes et demie, de même que le membre du Gouvernement qui lui répond.
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement a pris des mesures immédiates en matière de logement social et d’accès des PME au crédit. Je l’en félicite, car ces mesures ont permis d’éviter un certain nombre de ruptures qui auraient été préjudiciables à l’ensemble de l’économie.
J’ai cependant été très étonné, monsieur le ministre, que vous n’évoquiez à aucun moment le problème du financement des grandes collectivités territoriales. La plupart d’entre elles – régions, départements, communautés urbaines, grandes villes – utilisent soit des billets de trésorerie soit des lignes de trésorerie consenties dans le cadre de contrats annuels par des banques, au premier rang desquelles figure Dexia.
Depuis quelques jours, certains directeurs financiers de ces collectivités sont informés par un appel téléphonique ou un courriel que leur ligne de trésorerie est suspendue ou annulée, selon les cas. Certains interlocuteurs habiles leur conseillent de ne pas utiliser la ligne de trésorerie affectée à tel ou tel établissement dans les jours qui viennent.
Si nous ne retrouvons pas un peu de liquidité interbancaire – et c’est bien de là que vient le blocage actuel, malgré les mesures annoncées par les banques centrales et les efforts engagés par le Gouvernement –, un certain nombre de collectivités territoriales vont devoir trouver d’autres ressources et, par conséquent, soit emprunter à terme dans des conditions difficiles, soit envisager pour 2009 une forte augmentation de leurs impôts. C’est en ce sens que je crois pouvoir interpréter l’annonce, par la Ville de Paris, d’une augmentation de 9 % de l’ensemble des taux de sa fiscalité.
En conséquence, monsieur le ministre, ma question est simple : dans l’hypothèse où des lignes de trésorerie seraient suspendues ou annulées, quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre, en accord avec le Comité des finances locales, pour pallier cette difficulté de fonctionnement ? Nombre de collectivités pratiquent en effet la « trésorerie zéro », interviennent moins sur le marché financier et cherchent à se conformer, comme vous nous y encouragez, aux critères de Maastricht en matière de déficit public en pourcentage du PIB.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelles solutions nous proposerez-vous ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Fourcade, je ne puis vous apporter une réponse complète sur ce point.
Les collectivités territoriales ne se trouvent pas à l’abri dans une île qui serait totalement exonérée des difficultés financières de ce bas monde !
Nous avons commencé par recapitaliser l’un des principaux financeurs des collectivités, la banque Dexia, avec les gouvernements des États concernés.
M. Guy Fischer. Nationalisez !
M. Éric Woerth, ministre. Des réunions sont toujours en cours afin que cette banque soit bien stabilisée et qu’elle puisse assumer ses engagements.
Les collectivités doivent pouvoir lever des emprunts au fur et à mesure de l’état de leur trésorerie et de l’avancement des investissements. Il importe évidemment d’éviter une rupture de financement pour les collectivités. Cela vaut également pour l’ensemble des banques françaises. Je sais que des informations se propagent, au sein des grandes collectivités en particulier, s'agissant des emprunts importants. Il n’existe pas aujourd'hui de risque notoire.
La plupart des collectivités ont emprunté à des grandes banques françaises. Je ne pense pas que celles-ci rencontrent de telles difficultés, d’autant que la Banque centrale européenne va réinjecter beaucoup de liquidités et assouplir très sensiblement ses règles. Ces décisions sont prises dans des délais très rapides.
La Banque centrale européenne a pris la décision d’ouvrir des lignes de crédits aux banques européennes en garantissant à taux fixe, en renonçant à tout contingentement sur les demandes des banques, en faisant en sorte que les crédits accordés aujourd'hui aux banques au jour le jour, comme M. Philippe Marini l’a souligné, le soient dorénavant à moyen et à long terme, de trois mois à trente-six mois, si mes souvenirs sont exacts.
Ces décisions vont donner beaucoup de souplesse au système, qui manque cruellement de liquidités. Les collectivités locales viennent évidemment s’intégrer dans ce dispositif d’ensemble. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la tempête qui balaie un monde financier désormais sans rivages a plongé dans l’angoisse les économies et les épargnants de tous pays.
On ne peut que souligner la réactivité du Président de la République, que ce soit au niveau international, dans le cadre de l’Organisation des Nations unies, du G4 européen ou auprès des partenaires de l’Union européenne, ou au niveau national, par le soutien aux entreprises, à l’immobilier, et par les garanties données aux épargnants.
Au-delà de tous les clivages politiques, ces décisions admises globalement par tous constituent une forme d’union nationale.
Malgré le peu de critiques sur ces initiatives, il serait stérilisant de demander à l’opposition de ne pas jouer son rôle de proposition et de ne pas se prononcer sur les mesures indispensables que le Gouvernement doit mettre en place afin qu’une telle catastrophe financière, qui va affecter notre économie réelle, ne se reproduise plus.
Cette crise devrait être pour vous, monsieur le ministre, l’occasion de redéfinir les relations entre les banques et l’économie réelle.
Comment comptez-vous renforcer les règles de clarté et de transparence sur les marchés, seules à même de prévenir la constitution de créances douteuses ? Entendez-vous demander un relèvement des seuils des fonds propres des banques pour asseoir leur solvabilité ?
Présidant le Conseil des ministres des finances, Mme Lagarde va-t-elle proposer des règles bancaires européennes ?
Certains souhaitent un assouplissement des critères de Maastricht. Alors que les entreprises et les citoyens vont devoir faire des sacrifices, l’État peut-il s’affranchir d’un effort voté ? De plus, un tel assouplissement rééquilibrerait-il les comptes publics, corrigerait-il le dysfonctionnement de la sphère publique ?
La France, présidente de l’Union, se doit d’être encore plus exemplaire. Quelle est la position du Gouvernement sur un assouplissement éventuel ? Par-dessus tout, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous rétablir la confiance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur de Montesquiou, vous m’avez posé beaucoup de questions !
Je voudrais tout d’abord indiquer que les banques ont répondu à la demande des gouvernements, formulée à Nice en début d’année, de faire un point sur l’état de leur bilan. Les banques, notamment les banques françaises, ont ainsi passé leurs engagements au crible et constitué les provisions nécessaires. Nous pouvons donc considérer qu’une situation de transparence a ainsi été établie Nous verrons au fil du temps quelle est la situation exacte de ces établissements financiers.
Quoi qu’il en soit, je pense que les banques françaises ont accompli un effort très important de transparence. En effet, le rétablissement de la confiance implique évidemment de la transparence, comme nombre d’intervenants l’ont du reste souligné à la tribune. En fait, l’économie, c’est d’abord et tout bonnement de la confiance entre les acteurs ; sinon rien ne circule.
Au-delà du court terme, comme vous l’avez indiqué, un nouveau système de régulation doit voir le jour. Le Président de la République l’a appelé de ses vœux dans son discours de Toulon. D’autres responsables européens ont tenu le même langage. Ce nouveau système de régulation devra essentiellement viser à ce que ce qui se passe aujourd’hui ne se reproduise pas. Il nous faut donc tirer tous les enseignements de cette crise.
Concrètement, la régulation nouvelle doit éviter la constitution de bulles spéculatives – nous en avons connu un certain nombre –, mieux permettre de prévenir les crises et ne pas les aggraver lorsqu’elles surviennent.
Christine Lagarde proposera à nos partenaires européens, dans le cadre du Conseil Écofin, de mettre en place de nouvelles règles d’ici à la fin de l’année afin, notamment, de répondre à deux problèmes majeurs : celui des produits sophistiqués – il s’agit de remédier au manque de traçabilité de la qualité des créances lié à la titrisation – et celui des liquidités, qui aboutit aujourd’hui à une crise financière qui se transmet à l’économie réelle.
Nous devons aussi revoir le rôle des superviseurs, qui doivent jouer un rôle de régulateur en cas d’emballement du crédit. La crise a précisément été provoquée par un tel emballement, mais cette même crise fait qu’il n’y a aujourd'hui plus de crédit, ce qui est éminemment dommageable.
En ce qui concerne les critères de Maastricht, la position du Gouvernement est claire et a été rappelée à plusieurs reprises par le Premier ministre. Vous le savez, en cas de circonstances exceptionnelles, le traité prévoit la faculté de s’affranchir de la règle. Cela ne veut pas dire que nous le ferons. La volonté du Gouvernement, tout comme celle du ministre du budget que je suis, est de ne rien s’interdire, car l’immobilité est terriblement coûteuse dans ce type de situation.
Nous devons donc être mobiles et capables de nous ajuster à tout moment, mais pas au détriment des finances publiques françaises. Nous l’avons fait pour les PME, nous l’avons fait pour le logement et nous pourrons le faire pour d’autres secteurs. S’il faut imaginer d’autres solutions, nous ne manquerons pas de les explorer. En tout cas, l’essentiel, c’est de maîtriser la dépense publique.
Je ne sais pas ce que seraient demain les recettes si l’économie devait stagner durant un an. Comment savoir comment va évoluer l’économie dans les mois qui viennent ? En revanche, nous savons de quoi seront faites les dépenses et c’est sur elles que doit porter notre effort. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)