Mme Marie-France Beaufils. Sur la forme, la commission a eu raison de déposer ces amendements, qui permettront d’éviter le recours aux fameuses ordonnances. Sur le fond, cependant, l’évolution actuelle du droit des affaires continue de poser problème. Aussi ne voterons-nous pas cet amendement n° 241 rectifié bis.
J’espère surtout que votre décision de ce soir, mes chers collègues, vous conduira à regarder d’un autre œil certains textes de loi concernant d’autres sujets, et à reconsidérer la façon dont sont traités des jeunes qui ont connu, pendant une période de leur vie, des moments difficiles, mais à qui on offre pas les mêmes possibilités de redresser leur situation.
Mmes Odette Terrade et Brigitte Gonthier-Maurin. La deuxième chance !
Mme Marie-France Beaufils. La deuxième chance, ils ne l’obtiennent pas obligatoirement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
Article 19
I. – Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions relevant du domaine de la loi relatives à la sauvegarde et au traitement des difficultés des entreprises nécessaires pour :
a) Inciter à recourir à la procédure de conciliation en clarifiant et précisant son régime et en améliorant son encadrement ;
b) Rendre la procédure de sauvegarde plus attractive, notamment en assouplissant les conditions de son ouverture et en étendant les prérogatives du débiteur, et améliorer les conditions de réorganisation de l'entreprise afin de favoriser le traitement anticipé des difficultés des entreprises ;
c) Améliorer les règles de composition et de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d'obligataires dans le cours des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ;
d) Aménager et clarifier certaines règles du redressement judiciaire, afin d'en améliorer l'efficacité et coordonner celles-ci avec les modifications apportées à la procédure de sauvegarde ;
e) Préciser et compléter les règles régissant la liquidation judiciaire pour en améliorer le fonctionnement ainsi que le droit des créanciers munis de sûretés et favoriser le recours au régime de la liquidation simplifiée en allégeant sa mise en œuvre et en instituant des cas de recours obligatoire à ce régime ;
f) Favoriser le recours aux cessions d'entreprise dans la liquidation judiciaire et sécuriser celles-ci ainsi que les cessions d'actifs ;
g) Adapter le régime des contrats en cours aux spécificités de chaque procédure collective ;
h) Simplifier le régime des créances nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective et réduire la diversité des règles applicables ;
i) Accroître l'efficacité des sûretés, notamment de la fiducie, en cas de procédure collective ;
j) Préciser, actualiser et renforcer la cohérence du régime des sanctions pécuniaires, professionnelles et pénales en cas de procédure collective ;
k) Améliorer et clarifier le régime procédural du livre VI du code de commerce ;
l) Renforcer le rôle du ministère public et accroître ses facultés de recours ;
m) Parfaire la coordination entre elles des dispositions du livre VI du même code et la cohérence de celles-ci avec les dispositions du livre VIII du même code, procéder aux clarifications rédactionnelles nécessaires et élargir la possibilité de désigner des personnes non inscrites sur la liste des administrateurs ou des mandataires judiciaires ;
n) Actualiser les dispositions du livre VI du même code en assurant leur coordination avec les dispositions législatives qui lui sont liées en matière de saisie immobilière et de sûretés ;
2° Les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour :
a) Favoriser le recours à la fiducie en allongeant la durée maximale du transfert dans le patrimoine fiduciaire, en sécurisant pour les bénéficiaires de la fiducie l'usage ou la jouissance par le constituant des biens ou droits transférés, en clarifiant le régime de l'opposabilité aux tiers des cessions de créances, en aménageant les conditions de remplacement du fiduciaire et en précisant les conditions dans lesquelles la fiducie prend fin ;
b) Renforcer l'efficacité du gage sans dépossession pour le créancier ;
c) Étendre à la procédure de sauvegarde la remise des pénalités et des frais de poursuite prévue en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.
II. – Le projet de loi portant ratification de l'ordonnance prévue au I est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 357 est présenté par M. Yung, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Raoul, Repentin, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 500 est présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 357.
M. Richard Yung. Il est un peu lassant de reprendre toujours les mêmes arguments sur l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances… (Sourires.) Je vais néanmoins essayer de varier un peu les plaisirs, et je ne reviendrai donc pas sur les arguments que mes collègues et moi-même avons eu l’occasion de développer précédemment.
L’article 19 a pour objet d’autoriser le Gouvernement à modifier la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, loi importante, qui va dans le bon sens et dont le dispositif contribue à résoudre diverses difficultés.
Au bout de trois ans d’application, il est certainement nécessaire d’améliorer le dispositif sur certains points.
Cependant, le Sénat avait réalisé en 2005 un important travail législatif, puisque trois de ses commissions avaient été saisies au fond et que quelque 400 amendements avaient été déposés. Aujourd’hui, nous estimons que le compte n’y est pas.
J’en veux pour preuve que le projet d’ordonnance qui a été rendu public ne compte pas moins de 153 articles : on ne saurait croire qu’ils ne visent qu’à de petites corrections ! Nous pensons donc que la réforme de cette loi importante aurait mérité un véritable débat, sur la base d’un vrai bilan de son application, et qu’il aurait peut-être fallu attendre un peu plus de trois ans pour y procéder.
Par conséquent, nous ne sommes pas très favorables à la méthode que le Gouvernement utilise : nous ne voulons pas accorder de blanc-seing, car nous souhaitons que les améliorations qu’il faut apporter à la loi de 2005 donnent lieu à une discussion sur le fond.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 500.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous dénoncions, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions de la Ve République, la manière excessive dont l’exécutif recourt aux ordonnances depuis 2002.
Ce constat est d’ailleurs partagé par le Sénat, qui, dans une note de synthèse de son service des études juridiques en date du 2 février 2007, relève une accélération du recours aux ordonnances dans la dernière période quinquennale, soit de 2002 à 2006 : durant cette période, « le nombre de lois contenant des mesures d’habilitation dépasse celui enregistré pour les vingt années 1984-2003 ».
Le présent projet de loi ne vient pas inverser cette tendance, comme cela a déjà été observé, puisqu’il ne comporte pas moins de sept articles habilitant le Gouvernement à recourir aux ordonnances. Nous avons d’ailleurs dénoncé ce fait lors de l’examen de l’article 18, et nous ne pouvons que le dénoncer de nouveau à propos de l’article 19.
En effet, celui-ci habilite le Gouvernement à modifier, par voie d’ordonnance, les règles relatives aux difficultés des entreprises, à la fiducie et au gage sans dépossession.
Selon les rapporteurs, « l’application quotidienne des dispositions de la loi de sauvegarde des entreprises a montré la nécessité d’apporter des ajustements ponctuels au texte adopté en 2005, proposés par certains travaux parlementaires ».
Un avant-projet d’ordonnance ne comprenant pas moins de 153 articles a été présenté par le Gouvernement aux principaux acteurs concernés. Cette simple information suffit-elle à justifier que le Parlement ne puisse pas examiner le projet de révision de la loi de juillet 2005 ? Les rapporteurs évoquent un « toilettage » : avec 153 articles, nous en sommes loin !
Nous trouvons par conséquent normal que le Parlement soit saisi de cette réforme et puisse en débattre. Ne serait-ce pas là le commencement de la revalorisation des pouvoirs du Parlement, que le Gouvernement invoque sans arrêt pour tenter de faire adopter sa révision de la Constitution ? L’occasion lui est aujourd’hui donnée de prouver aux parlementaires qu’il peut modifier son mode de gouvernement : qu’il cesse de recourir aux ordonnances !
Quant à nous, parlementaires, nous avons les moyens de ne plus être dessaisis de notre pouvoir de faire la loi : n’adoptons pas les articles habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance !
M. le président. L'amendement n° 244, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dixième alinéa (i) du 1° du I de cet article :
i) Accroître l'efficacité des sûretés, notamment de la fiducie et du gage sans dépossession, en liquidation judiciaire et adapter les effets de ces sûretés aux objectifs des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ;
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. L’amendement n° 244 vise au toilettage du dispositif de la loi de 2005 concernant les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. Les mesures présentées, fussent-elles nombreuses, portent sur des lourdeurs de procédure et sur diverses dispositions qui méritent d’être améliorées, dans le respect de l’esprit ayant inspiré ce texte, qui fut discuté tout à fait classiquement devant le Parlement.
Il s’agit plus précisément, par cet amendement, d’ajouter que, comme en matière de fiducie, l’ordonnance modifiant les règles s’appliquant aux procédures collectives devra à la fois renforcer l’efficacité du gage sans dépossession, en cas de liquidation judiciaire, et, en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, adapter ses effets dans le respect des procédures, afin d’éviter les incompatibilités.
M. le président. L'amendement n° 242 rectifié, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le 1° du I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
o) Permettre aux personnes exerçant une activité artisanale, dispensées d'immatriculation au répertoire des métiers, de bénéficier des procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ;
p) Étendre à la procédure de sauvegarde la remise des pénalités et des frais de poursuite prévue en cas de redressement ou de liquidation judiciaires.
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Il s’agit d’habiliter le Gouvernement à étendre le champ d’application des procédures de sauvegarde aux artisans non immatriculés tels qu’ils ont été définis dans les articles précédents.
M. le président. L'amendement n° 243, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Supprimer le 2° du I de cet article.
II. – En conséquence, remplacer les deux premiers alinéas du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
I. – Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi relatives aux difficultés des entreprises nécessaires pour :
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur.
M. Laurent Béteille, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’habilitation concernant la fiducie lorsque n’est pas en cause son articulation avec les règles applicables aux procédures collectives, conformément aux dispositions que nous avons déjà adoptées.
Par ailleurs, la commission spéciale souhaite inscrire dans le projet de loi le gage sans dépossession, par le biais d’un article additionnel qu’elle proposera d’insérer après l’article 19 quater.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 357 et 500 ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. En toute logique, monsieur le président, il est défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. De la même manière que M. le rapporteur, étant favorable aux amendements présentés par la commission – sous réserve d’une légère clarification pour l’un d’entre eux –, je suis défavorable aux amendements de suppression de l’article nos 357 et 500.
Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 244, au travers duquel est posé le principe de la différenciation de l’effet des sûretés en fonction de la procédure collective suivie.
Toutefois, il me semble que sa rédaction actuelle risquerait d’ouvrir la voie à une interprétation restrictive qui n’est pas souhaitable. En effet, la formule : « adapter les effets de ces sûretés aux objectifs des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire » semble créer une hiérarchie des priorités, la sûreté ne devant en aucun cas contrarier le cours de la procédure collective de sauvegarde ou de redressement.
Je vous suggérerais donc simplement, monsieur le rapporteur, de supprimer les mots : « objectifs des », de façon à écarter toute interprétation restrictive.
M. Laurent Béteille, rapporteur. J’accepte volontiers votre suggestion, madame la ministre, qui permettra en outre d’alléger le texte.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 244 rectifié, présenté par M. Béteille, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dixième alinéa (i) du 1° du I de cet article :
i) Accroître l'efficacité des sûretés, notamment de la fiducie et du gage sans dépossession, en liquidation judiciaire et adapter les effets de ces sûretés aux procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire ;
Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement n° 242 rectifié, qui tend à étendre le champ de l’habilitation afin que l’auto-entrepreneur puisse également bénéficier de nos propositions.
Il est enfin favorable à l’amendement de coordination n° 243, dont l’objet est de modifier le champ de l’habilitation pour tenir compte des dispositions directement intégrées dans la loi.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 357 et 500.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article additionnel après l'article 19
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 628 est présenté par M. Longuet.
L'amendement n° 757 est présenté par MM. Trucy, Mortemousque, Barraux, Houel, J. Gautier, Cambon et Dériot et Mme Mélot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 141-6 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Un décret fixe la durée maximale pendant laquelle les informations relatives à la situation des dirigeants et des entrepreneurs peuvent être communiquées à des tiers. »
La parole est à M. Gérard Longuet, pour présenter l’amendement n° 628.
M. Gérard Longuet. Cet amendement vise à fixer par décret la durée maximale pendant laquelle la Banque de France peut donner des informations concernant les difficultés des dirigeants et des entrepreneurs ayant eu à en connaître.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour présenter l’amendement n° 757.
M. Jacques Gautier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 628 et 757.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19.
Article 19 bis
I. - Le troisième alinéa de l'article L. 611-7 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Des cessions de rang de privilège ou d'hypothèque ou l'abandon de ces sûretés peuvent être consenties dans les mêmes conditions. »
II. - Après le premier alinéa de l'article L. 626-26 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 626-6 est applicable. »
M. le président. L'amendement n° 504, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le troisième alinéa de l'article L. 611-7 du code de commerce est supprimé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 19 bis renforce les possibilités, pour les créanciers publics, de remettre des dettes ou d’abandonner des privilèges au cours de la conciliation et en cas de modification substantielle du plan de sauvegarde ou de redressement.
La loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises donnait déjà la possibilité aux administrations financières, aux organismes de sécurité sociale, aux institutions gérant le régime d’assurance chômage de consentir des remises de dettes lorsque leur débiteur fait l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
L’article 19 bis tend à aller plus loin encore.
Ainsi, son premier paragraphe prévoit que les mêmes organismes pourront consentir des cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou l’abandon de ces sûretés au cours de la procédure de conciliation, afin de favoriser l’adoption d’un accord susceptible de mettre fin aux difficultés du débiteur.
Le second paragraphe de l’article 19 bis prévoit, quant à lui, que ces créanciers publics peuvent remettre des dettes ou aménager les sûretés y afférant dans l’hypothèse où le plan de sauvegarde ou de redressement fait l’objet d’une modification substantielle.
Comme en 2005, ces différentes dispositions nous posent problème. En effet, les créanciers publics sont en général toujours remboursés en premier. Or, avec l’accumulation de ces possibilités de remise de dettes ou de cession de rang de privilège, il est demandé aux administrations de faire de plus en plus de sacrifices en renonçant à leurs créances. N’oublions pas que, dans la nouvelle procédure de sauvegarde, les créanciers privés sont pourtant particulièrement privilégiés.
Décidément, nous avons bien du mal à vous suivre : le déficit public reste élevé d’année en année, et pourtant vous poursuivez votre politique d’exonérations de charges au profit des entreprises, assortie de remises de dettes toujours plus importantes au détriment des créanciers publics, et donc des comptes publics.
Créanciers publics et créanciers privés ne sont pas dans la même situation : alors que les établissements financiers, par exemple, ont vocation à financer l’activité privée lucrative et à en assumer les risques, les créanciers publics n’ont pas cette vocation.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 19 bis, tout en proposant d’abroger le troisième alinéa de l’article L. 611-7 du code de commerce.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission n’est pas favorable à la suppression de cette disposition. Il nous semble effectivement souhaitable que, dans certaines conditions, les créanciers publics puissent consentir à certains aménagements, voire à certains abandons de créances, si cela peut permettre de sauver une entreprise en difficulté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet résolument le même avis défavorable, parce que ce sont bien souvent les créanciers publics qui sont à l’origine des débuts de procédure collective. Il est donc d’autant plus important qu’ils puissent être eux aussi en mesure, dans le cadre de procédures de conciliation, de consentir, sous réserve de retour à meilleure fortune, des reports ou des abandons de créances et de recourir aux autres mécanismes disponibles pour permettre à l’entreprise de retrouver le chemin de la création de valeur et du maintien de l’emploi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 19 bis.
(L'article 19 bis est adopté.)
Article 19 ter
I. - L'article L. 643-11 du code de commerce est applicable aux situations en cours, résultant d'une procédure de liquidation de biens dont les opérations ont été closes antérieurement au jour de l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. Toutefois, les sommes perçues par les créanciers leur restent acquises.
II. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 653-11 du même code est applicable à l'interdiction prévue à l'article L. 625-8 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 précitée, lorsque cette interdiction a été prononcée dans le cours d'une procédure close avant la date de cette entrée en vigueur.
M. le président. L'amendement n° 515, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 19 ter modifie les conditions de l’application dans le temps des règles relatives à la reprise des poursuites individuelles des créanciers et au relèvement des interdictions de gérer dans le cadre d’une procédure collective.
Tout d’abord, la loi de sauvegarde des entreprises de 2005 prévoyait, par exception, l’application de ses dispositions aux procédures en cours relevant, d’une part, de l’article L. 643-11 du code de commerce, qui détermine les conditions de reprise des actions individuelles des créanciers, après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, et, d’autre part, de l’article L. 653-11 du même code.
Ce dernier prévoit qu’une personne ayant fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle ou d’une interdiction de diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, peut demander au tribunal de la relever en tout ou partie de ces déchéances et interdictions, ainsi que de l’incapacité d’exercer une fonction publique élective, si elle a apporté une contribution suffisante au paiement du passif.
Or, ces deux articles L. 643-11 et L. 653-11 n’ont été applicables qu’aux procédures en cours et n’ont pas pu s’appliquer aux personnes soumises à des liquidations de biens clôturées avant le 1er janvier 2006 et aux personnes ayant fait l’objet des sanctions professionnelles en vertu d’une procédure close avant cette même date.
Le présent article prévoit donc, d’une part, de rendre l’article L. 643-11 applicable aux situations en cours résultant d’une procédure de liquidation de biens dont les opérations ont été closes avant le 1er janvier 2006, et, d’autre part, de permettre aux personnes ayant fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer à l’occasion d’une procédure close avant la date d’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde de pouvoir être relevées de ces sanctions.
Ce dispositif s’inscrit à peu près dans la même logique que celle qui motivait l’article 18 du projet de loi : il s’agit, une fois encore, de faciliter le « rebond » du chef d’entreprise, comme le dit si bien le rapporteur pour avis de l’Assemblée nationale.
Ce chef d’entreprise, qui a pourtant fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle ou d’une interdiction de gérer, doit pouvoir être relevé de ces sanctions alors que la procédure le concernant était close au 1er janvier 2006.
Le Gouvernement, par la voix de sa majorité, bien sûr, propose donc de rendre la loi rétroactive dans le dessein de donner une seconde chance à une personne ayant fait preuve d’une certaine incompétence dans la gestion de son entreprise. Les salariés qui auraient été licenciés en cas de faillite ou à la suite d’une erreur de gestion pourront-ils, eux aussi, bénéficier d’une seconde chance et réintégrer leur entreprise ? Il semblerait, étrangement, que non…
Les termes employés sont importants. Encore une fois, il est question ici d’alléger la « rigueur » des mesures prononcées à l’encontre de personnes qui ont pourtant été sanctionnées et qui ont interdiction de diriger, de gérer, d’administrer une entreprise.
Il est toujours étonnant de constater avec quelle ardeur le Gouvernement encourage l’effacement du passif et du passé pour les uns, de préférence les chefs d’entreprise, tout en le refusant pour les autres, comme le relevait déjà tout à l’heure Mme Beaufils.
Par conséquent, nous proposons la suppression de l’article 19 ter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Béteille, rapporteur. Comme tout à l’heure, la commission n’est pas favorable à cette suppression. Il nous paraît utile de régler un problème de disparité entre différentes situations concernant les dirigeants d’entreprise.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?