compte rendu intégral
Présidence de M. Philippe Richert
vice-président
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 26 juin 2008, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui déclare conforme à la Constitution la résolution actualisant le règlement du Sénat afin d’intégrer les sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dans les effectifs des commissions permanentes.
Acte est donné de cette décision.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets, et à la suite du compte rendu de la présente séance.
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Dépôt de rapports en application de lois
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, le rapport pour 2007 sur les opérations de la Banque de France, la politique monétaire et ses perspectives, établi en application de l’article L. 143-1 du code monétaire et financier.
M. le président du Sénat a également reçu de M. Luc Machard, président de la Commission de la sécurité des consommateurs, le rapport d’activité pour 2007 de cette commission, établi en application de l’article L. 224-5 du code de la consommation.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Le premier sera transmis à la commission des finances, et le second, à la commission des affaires économiques. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l’organisation de nos travaux.
Le 23 juin dernier, le Premier ministre lançait officiellement une campagne médiatique du Gouvernement en direction de nos concitoyens sur la question du pouvoir d’achat. Il faut dire que le désamour des Français à l’égard du Président de la République et leur insatisfaction face à une vie de plus en plus chère commençaient à peser lourd. Il vous fallait agir ; c’est chose faite !
Ces encarts publicitaires seront diffusés à hauteur de 1 630 diffusions, pour la modique somme de 4,63 millions d’euros. Cela fait cher la propagande d’État ! En effet, sous ses apparences de publicité, ressemblant d’ailleurs beaucoup à celle d’une grande enseigne commerciale ayant largement inspiré ce projet de loi, il s’agit d’une manœuvre politicienne visant à montrer que le Gouvernement est sensibilisé au sujet. Comment passer sous silence cette dépense astronomique pour ne rien dire, si ce n’est pour constater que la situation se dégrade ?
C’est à croire que ce n’est pas le gouvernement de M. François Fillon qui a fait adopter, en moins d’un an, pas moins de trois lois censées augmenter le pouvoir d’achat dont, visiblement, aucune n’a été efficace : preuve en est le débat sur le projet de loi qui nous occupe aujourd’hui et un autre, à venir, sur les revenus du travail !
Le Gouvernement se dit impatient, comme le seraient les Français. Mais si les Français les plus riches sont satisfaits de la politique que vous menez, les Français les plus modestes, eux, ne sont pas seulement impatients, ils sont mécontents ! Ils sont mécontents des 15 milliards d’euros accordés aux plus riches l’été dernier (Protestations sur les travées de l’UMP.), …
M. Philippe Marini. C’est faux ! C’est une légende !
M. le président. Ma chère collègue, veuillez en venir au fait, car j’ai beaucoup de mal à établir le lien entre vos propos et le règlement du Sénat !
Mme Isabelle Debré. Exactement !
Mme Odette Terrade. … mécontents en apprenant qu’on va vider leurs poches, une fois encore, en supprimant la prise en charge intégrale des affections de longue durée, mécontents de constater que le Gouvernement s’est toujours refusé à prendre les seules mesures favorables au pouvoir d’achat que les collègues de mon groupe ont défendues devant la commission des affaires sociales, à savoir l’augmentation des salaires, des retraites et des allocations de solidarité !
Vous vous dites impatients. C’est à croire que M. Fillon et ses ministres ne sont pour rien dans la politique de notre pays. Ces spots les transforment en simples témoins d’une politique dont ils ne seraient pas responsables !
Mais vous ne vous défausserez pas de votre propre responsabilité ! Ce sont bien vos politiques qui plongent les citoyens dans la misère et la précarité. C’est bien le dogme du libéralisme tout puissant, que vous défendez, qui contraint les salariés de notre pays à travailler pour des salaires de misère, alors même que le revenu des employeurs français se classe parmi les premiers d’Europe.
En ce sens, votre publicité est mensongère, tout comme l’a été la campagne présidentielle d’un certain Nicolas Sarkozy qui disait vouloir aider la France qui se lève tôt !
C’est pourquoi, par décence et par respect envers tous nos concitoyens qui souffrent du manque de pouvoir d’achat, le groupe communiste républicain et citoyen demande au Gouvernement de supprimer la diffusion de ces publicités. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Madame Terrade, j’ai eu beaucoup de mal à comprendre en quoi le règlement du Sénat était concerné par votre déclaration.
Mme Isabelle Debré. Moi aussi !
Mme Odette Terrade. Nous parlons aujourd’hui du pouvoir d’achat !
M. le président. Nous allons entamer la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie qui vous permettra, à vous-même et à votre groupe, de vous exprimer sur l’économie et sur la façon dont le Gouvernement gère cette dernière.
Mme Odette Terrade. Croyez bien que nous ne manquerons pas de le faire !
M. le président. Cela dit, je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue !
5
Modernisation de l’économie
Discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie (nos 398 et 413).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, croissance et plein emploi : c’est pour atteindre ces deux objectifs, en réformant profondément la France, qu’une large majorité de nos concitoyens a élu Nicolas Sarkozy Président de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Ils s’en mordent les doigts !
Mme Christine Lagarde, ministre. Sous l’autorité du Premier ministre, le Gouvernement se consacre à cette tâche de tous les instants et, madame Terrade, il sait prendre ses responsabilités, comme nous vous le démontrerons au fil des débats ! Beaucoup de travail a déjà été accompli : la France est en mouvement. Même le Fonds monétaire international le reconnaît, commençant par ces mots sa déclaration de fin de missions au titre de l’article IV de ses statuts : « France is on the move », ou « la France est en mouvement ». Et je suis heureuse de le dire devant les enfants qui, des tribunes du Sénat, assistent en ce moment à nos travaux !
De grands chantiers sont encore devant nous pour les années à venir. Aujourd’hui, le projet de loi de modernisation de l’économie, sur lequel nous travaillons ensemble depuis plus de dix mois, engage d’importantes réformes de structure et consolide le socle de notre stratégie économique.
Comme l’Allemagne dans les années 2000, comme les États-Unis dans les années 1990, comme l’Espagne dans les années 1980, la France entreprend aujourd’hui de moderniser son économie. Il était temps…
M. Jean Desessard. Il n’y a que vous à le penser !
Mme Christine Lagarde, ministre. En effet, dans un monde en croissance perpétuelle, où tous les pays bougent, ne pas avancer, c’est prendre le risque de reculer. Ainsi, toujours selon le FMI, la France était encore dixième dans le monde en 1985 en termes de PIB par habitant ; vingt ans plus tard, elle est seulement vingt et unième. Est-ce à dire qu’elle a reculé ? Pas nécessairement, mais d’autres, entre-temps, ont pris la peine d’avancer.
Nous connaissons tous la volonté, l’énergie, les talents de nos concitoyens, ce « génie français » qui a si souvent étonné le monde. Ce potentiel, il faut maintenant en faire une réalité économique, car nous voulons donner à la France et aux Français le visage heureux d’une « nouvelle croissance », pour reprendre l’expression du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
L’été dernier, nous avons pris des mesures d’urgence pour le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat. Elles ont commencé à porter leurs fruits, si j’en crois le chiffre des créations d’emplois – un chiffre record, inégalé, avec 352 000 créations nettes d’emplois pendant l’année 2007 –, la baisse continue du taux de chômage – elle devrait se poursuivre cette année – ou la progression régulière des heures supplémentaires depuis sept mois, utilisées en avril 2008 par 55 % des entreprises qui mensualisent le paiement de leurs cotisations de sécurité sociale.
Certes, il ne s’agit pas de nier la réalité : le contexte international est difficile, mais pas tragique. Il n’est plus question, comme voilà quelques mois, de stagflation ou de récession aux États-Unis : le FMI, encore lui, vient de réviser sa prévision de croissance à plus de 1 % pour ce pays.
Notre économie résiste bien. J’aimerais vous rappeler trois bonnes nouvelles, alors que nous sommes si souvent inondés de mauvaises nouvelles, sélectionnées de manière habile par les uns ou les autres. Ces trois bonnes nouvelles ne fournissent pas une preuve absolue du succès de nos politiques, mais elles constituent trois signes supplémentaires qui ne peuvent que nous encourager dans notre volonté de poursuivre plus avant les réformes voulues par le Président de la République.
Première bonne nouvelle, le nombre de créations d’emplois salariés des secteurs marchand et non marchand au premier trimestre 2008 a été sensiblement revu à la hausse voilà une dizaine de jours, ce qui porte le nombre total de créations d’emplois à plus de 70 000 pour ce trimestre et confirme la tendance observée aux troisième et quatrième trimestres de 2007.
Deuxième bonne nouvelle, apprise la semaine dernière, la consommation de produits manufacturés par les ménages a augmenté de 2 % au mois de mai.
Troisième bonne nouvelle, le crédit aux entreprises demeure très dynamique. Sur les douze derniers mois, il augmente de 15,5 % en avril, après une hausse de 15,4 % en mars. Les établissements bancaires continuent ainsi à prêter aux petites et moyennes entreprises, alors que nous craignions tant un resserrement des conditions du crédit.
Timidement, le cercle vertueux de l’activité et de la consommation s’est mis en marche. Naturellement, nous ne saurions nous satisfaire de ces seuls résultats. La politique économique a toute sa place quand des vents contraires se lèvent : elle doit faire en sorte que, quand le vent de la croissance soufflera de manière un peu plus soutenue, grâce à une conjoncture internationale que nous espérons plus favorable, notre vaisseau national soit prêt à prendre le vent afin d’améliorer la situation de nos concitoyens.
Tel est exactement le sens de ce projet de loi de modernisation de l’économie. Il répond à la lettre de mission que m’ont adressée le Président de la République et le Premier ministre, demandant de lever « les contraintes qui empêchent certains secteurs économiques de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ». Ce projet contient des mesures de fond, structurelles, courageuses – nous le verrons au cours du débat à venir – mais relativement peu coûteuses : selon nos dernières estimations, ce texte, après son passage à l’Assemblée nationale, engage 450 millions d’euros de dépenses annuelles.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission spéciale. On va essayer de réduire un peu cette somme !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il vise deux objectifs essentiels, plus d’entreprises et plus de concurrence, pour trois résultats concrets, à savoir plus de croissance, plus d’emplois et plus de pouvoir d’achat.
Plus d’entreprises, plus de concurrence : tels sont nos objectifs. Avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec les secrétaires d’État qui sont à mes côtés, Luc Chatel, Hervé Novelli et Éric Besson, nous sommes déterminés à faire souffler un peu plus de liberté sur notre économie.
La liberté est une idée qui a été souvent défendue au sein de cette Haute Assemblée, à droite comme à gauche : je sais que je peux vous faire confiance, mesdames, messieurs les sénateurs, pour donner à ce texte la portée qu’il mérite !
Plus de concurrence et moins de blocages, cela signifie aussi moins de surcoûts pesant in fine sur le consommateur. Pouvons-nous en particulier accepter que notre système de distribution soit organisé de telle manière que les yaourts, les boissons gazeuses ou les pâtes à tartiner, pour ne prendre que quelques exemples, coûtent plus cher à un Français qu’à un Allemand, un Espagnol ou un Néerlandais ? Je ne le pense pas.
Mme Nicole Bricq. Les pâtes à tartiner, c’est mauvais pour la santé !
Mme Christine Lagarde, ministre. Notre projet de loi s’articule autour de trois principes : la croissance, la liberté et l’équilibre. Il ne saurait y avoir de croissance durable sans la liberté pour chacun de créer et d’entreprendre, et il n’y a pas de liberté acceptable sans un minimum de régulation permettant d’établir l’équilibre entre les droits et les devoirs des différents acteurs de l’économie.
L’équilibre, il se situe entre le titre II, consacré à la concurrence et à l’occasion duquel des efforts seront demandés aux uns et aux autres, et le titre Ier, dédié aux entreprises et prévoyant de nouveaux moyens pour avancer.
Il se situe également au sein de chacun des titres, entre liberté de négociation et transparence, entre une implantation plus aisée et le renforcement de l’autorité de la concurrence.
Il se situe enfin entre les titres III et IV consacrés à l’attractivité et au financement de l’économie et permettant d’assurer l’équilibre des différentes forces économiques, sur le plan tant international que territorial.
Moderniser l’économie, ce qu’il vous appartiendra de décider au sein de la Haute Assemblée, ce sera tout simplement, en un sens, rendre l’économie à ceux qui la font.
L’ambition qui nous mobilise tous depuis plus de dix mois autour de ce projet de loi s’incarne en quatre temps.
Il y eut le premier temps, celui des experts. Il y eut le deuxième temps, celui du débat, et vous avez su prouver que la coproduction se concilie fort bien avec le bicamérisme. Je tiens ici à remercier profondément Gérard Larcher d’avoir su mener nos discussions avec tant d’énergie, d’habileté et de bonne humeur.
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
Mme Christine Lagarde, ministre. J’espère que la bonne humeur sera toujours au rendez-vous !
Il y a maintenant le troisième temps, celui de la décision : après l’examen de 1 600 amendements, deux semaines de débats et huit nuits passées dans l’hémicycle, les députés ont finalement voté ce projet de loi à une très large majorité, puisque ce dernier a remporté 323 voix. Ils l’ont considérablement enrichi, le nombre d’articles ayant presque triplé ! Cela rend d’autant plus nécessaire votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, car je suis persuadée, contrairement à l’adage, que le mieux peut être l’ami du bien !
Mme Isabelle Debré. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je compte sur la sagesse et la rigueur auxquelles vous nous avez habitués pour améliorer autant que possible ce texte au service de la croissance, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Mme Isabelle Debré. Comptez sur nous !
Mme Christine Lagarde, ministre. Sachez, en tout état de cause, que le Gouvernement est très sensible au fait qu’une commission spéciale réunissant des sensibilités et des spécialités variées ait été créée pour l’occasion, et qu’elle ait travaillé à un rythme soutenu en menant 93 auditions depuis le 26 mars dernier. Je sais quelle énergie les trois rapporteurs, Laurent Béteille, Elisabeth Lamure et Philippe Marini, ont consacré à l’examen de ce projet de loi, et je les en remercie. Cela va nous permettre non seulement d’améliorer notre texte, mais aussi d’accélérer son application : je sais que vous proposez d’intégrer directement certains projets d’ordonnance sous la forme d’amendements, en ce qui concerne notamment l’Autorité de la concurrence, la fiducie ou la réforme des incapacités commerciales.
Après le temps des experts, le temps de la préparation et le temps de la décision, viendra, demain, celui de la mise en œuvre, ou de la « postproduction », pour reprendre l’expression employée par les députés, avec le sens de la formule qui les caractérise, au moment du Festival de Cannes.
Pour que la future loi de modernisation de l’économie rencontre véritablement l’écho qu’elle mérite et produise tous ses effets sur le terrain, je souhaite, d’une part, que l’ensemble de nos services publient la totalité des décrets avant la fin de l’année 2008. Je sais, comme tous ceux d’entre vous qui ont participé à l’exercice, que la tâche sera lourde, et je lance ici un défi à nos administrations !
D’autre part, je m’engage à ce que des instances de suivi, où tous les parlementaires pourront trouver leur place, soient créées afin que les dispositions que vous aurez adoptées soient effectivement appliquées sur le terrain et que nous puissions ensemble, en toute loyauté, mesurer les effets de ce texte.
Je pourrais résumer notre projet en quelques chiffres : trente mesures fondamentales, au moins 0,3 % de croissance par an – l’effet sur celle-ci du statut de l’auto-entrepreneur a, me semble-t-il, été considérablement sous-estimé –,…
M. Daniel Raoul. C’est un aveu ?
Mme Christine Lagarde, ministre. … soit approximativement 6 milliards d’euros de plus en croissance permanente à partir de 2009, et ce sur les cinq prochaines années, enfin, 50 000 emplois supplémentaires pour un investissement initial de 450 millions d’euros.
Après vous avoir rapidement présenté sous forme de propos introductif notre démarche, qui fut aussi la vôtre, et le bilan en termes d’investissement et de retour escompté sur investissement, j’aimerais m’arrêter à présent sur les quatre grands titres de notre projet de loi, qui correspondent à quatre principes : encourager les entrepreneurs, relancer la concurrence, renforcer l’attractivité de notre économie et améliorer son financement.
Le titre Ier « Mobiliser les entrepreneurs », qui sera défendu avec talent par Hervé Novelli, concerne toutes les étapes de la vie de l’entrepreneur, depuis la création de l’entreprise jusqu’à sa transmission en passant par toutes les étapes de son fonctionnement.
Cinq mesures phares sont prévues pour la création d’entreprise, dont le statut de l’auto-entrepreneur, qui constitue une véritable nouveauté dans la qualification juridique de l’activité. De nombreuses entreprises ont été créées depuis le début de l’année et un véritable record a été atteint en 2007. Nous espérons poursuivre et amplifier ce mouvement, qui répond à une véritable demande sociale, et je sais que vous contribuerez à simplifier encore cet élan pour l’entreprise, en permettant un certain nombre de simplifications, notamment lors de la création de ces entreprises.
Le texte instaure, vous le verrez, un régime fiscal particulièrement incitatif, puisque chaque entrepreneur pourra s’acquitter en une seule fois de ses impôts et cotisations sociales aux taux fixes de 13 % et 23 %, selon qu’il s’agit d’une activité de commerce ou d’une activité de service.
Sans doute avez-vous reçu un cadeau de la part d’Hervé Novelli, le « kit de l’auto-entrepreneur », et peut-être l’avez-vous examiné avec curiosité ? (Exclamations.)
M. Jean Desessard. Je ne l’ai pas reçu !
Mme Isabelle Debré. Il devait être réservé aux rapporteurs !
Mme Nicole Bricq. Nous avons eu une mallette avec une cravate ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Nous n’avons pas reçu de cadeau !
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser Mme la ministre s’exprimer !
Mme Christine Lagarde, ministre. …soyez assurés qu’Hervé Novelli se fera un plaisir de vous en remettre un, et vous pourrez ainsi constater la simplicité des conditions d’installation et de fonctionnement d’un auto-entrepreneur.
Lorsque la version définitive de ce texte aura été votée, ce « kit de l’auto-entrepreneur » sera beaucoup plus largement diffusé auprès du grand public afin que tous ceux qui souhaitent s’installer à leur compte puissent le faire plus facilement.
L’Assemblée nationale a enrichi ce texte en relevant le seuil de la micro-entreprise à 80 000 euros pour les activités commerciales et à 32 000 euros pour les activités de service.
Je me réjouis également de constater que la commission des lois du Sénat a imaginé de nouvelles mesures de simplification, et je suis certaine que ce statut de l’auto-entrepreneur correspondra à une véritable nouveauté, un peu comme la loi de 1901 avait en son temps constitué un tremplin pour les activités des associations.
La deuxième mesure vise à renforcer la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur, en protégeant les actifs immobiliers qui ne sont pas consacrés à son activité professionnelle.
La troisième mesure tend à faciliter l’utilisation du local d’habitation comme local professionnel. Hervé Novelli et moi-même comptons sur le Sénat pour faire preuve de créativité et d’audace en la matière.
La quatrième mesure consiste à créer un cadre fiscal favorable aux sociétés en amorçage, en permettant à l’entrepreneur d’imputer d’éventuelles pertes sur son impôt sur le revenu.
La cinquième mesure, enfin, est la réforme du système des sanctions commerciales, la décision sur l’incapacité étant laissée à l’appréciation du juge, au cas par cas ; il ne faut en effet pas sanctionner systématiquement celui qui aura purgé une peine en lui déniant la faculté de créer une nouvelle entreprise.
Après les mesures visant la création d’entreprise, j’examinerai l’amélioration du fonctionnement de celle-ci.
À cet égard, nous envisageons tout d’abord la réduction des délais de paiement ; ces derniers sont en effet supérieurs de dix jours à la moyenne européenne et placent la France largement en retard par rapport au reste des pays membres de l’Union. Le minimum serait de réduire ces délais à soixante jours, et des accords complémentaires sectoriels pourront intervenir pour aller encore plus loin dans ce sens.
La deuxième mesure importante est la prolongation jusqu’au 1er juillet 2010 du tarif réglementé transitoire d’ajustement au marché pour l’électricité, permettant une transition souple vers des régimes…
M. Jean Desessard. Moins souples !
Mme Christine Lagarde, ministre. … plus élevés de tarification, ainsi que l’élimination des conséquences financières brutales à l’occasion du passage des seuils de dix et de vingt salariés.
La troisième catégorie de mesures est essentiellement d’ordre fiscal et concerne la reprise et la transmission d’entreprises. Les droits de mutation à titre onéreux des cessions de droits et des mutations de fonds de commerce seront abaissés de 5 % à 3 %. De plus, les cessions entre membres d’une même famille ou entre un employeur et ses salariés seront totalement exonérées de droits de mutation à titre onéreux jusqu’à 300 000 euros. L’Assemblée nationale a transformé ce seuil en abattement, ce qui rend le dispositif plus progressif et donc plus juste.
Le titre II, qui concerne la mobilisation de la concurrence comme nouveau levier de croissance, sera défendu avec non moins de talent par Luc Chatel.
M. Jean Desessard. Avec un cadeau ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Les cadeaux, ce seront les Français qui les recevront, car ce titre a véritablement pour objet de rétablir les conditions d’une concurrence saine et effective, dont chacun pourra sentir les effets !
Cette concurrence est le moyen le plus naturel et le plus sain d’agir sur les prix, dans une économie de marché, par opposition à une économie administrée. Renforcer la concurrence suppose de trouver un équilibre entre l’assouplissement des conditions de négociation des prix et l’augmentation du nombre d’acteurs présents sur le marché, et de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. C’est ce point d’équilibre que j’évoquais tout à l’heure entre les différents comportements des acteurs présents sur le marché.
J’espère que cet équilibre pourra être conservé. L’enjeu sera de ménager tout à la fois la liberté d’établissement et de fonctionnement des commerçants, petits ou grands, et la régulation nécessaire à l’équilibre du tissu commercial dans notre pays.
Côté liberté, nous proposons, à l’article 27, de supprimer le critère de densité commerciale par zone de chalandise, qui est contraire à l’article 14 de la directive européenne « services », et de relever le seuil d’autorisation des surfaces commerciales de 300 à 1 000 mètres carrés, tout en maintenant pour les autres une procédure d’autorisation collégiale, dans laquelle le rôle des élus se trouvera considérablement renforcé par rapport à la composition actuelle des commissions départementales d’équipement commercial, les CDEC. En effet, les élus détiendront la majorité des sièges au sein des commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC, qui viendront remplacer les CDEC.
Il n’est en effet pas normal qu’aujourd’hui les quatre premières enseignes de distribution détiennent plus de la moitié des parts de marché. Ce que nous voulons à travers cette mesure, c’est donner le choix au consommateur entre différents modes de distribution et parmi des opérateurs en plus grand nombre, pour lui permettre d’acheter les produits de son choix où il veut, à l’endroit où ils sont les moins chers, et pour inciter les distributeurs à baisser leurs prix. Dans la guerre des prix, le consommateur, on le sait bien, est finalement le grand gagnant.
L’Assemblée nationale a voté cette disposition et ouvert la possibilité pour les maires des communes de moins de 15 000 habitants de saisir la commission départementale d’aménagement commercial pour les projets compris entre 300 et 1 000 mètres carrés, afin de mieux tenir compte des spécificités locales.
Nous avons également établi, aux articles 21 et 22 du texte, le principe de libre négociation des prix entre producteurs et fournisseurs, en mettant fin au système désuet des marges arrière, auquel Luc Chatel s’était déjà attaqué dans un texte précédent.
En consacrant ces pratiques, nous rejoignons ainsi les pays les plus développés autour de nous parmi lesquels figurent l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, ou le Royaume-Uni. Luc Chatel, qui connaît mieux que moi ce sujet, pourra vous en donner la liste complète.
Pour autant, nous devons continuer à assurer la loyauté des négociations de prix. C’est dans ces conditions que les députés ont exigé que la convention annuelle reprenne bien l’ensemble des obligations qui auront été convenues dans le cadre de la négociation tarifaire. Il s’agit donc non pas d’un chèque en blanc donné aux négociateurs des centrales d’achat, mais bien d’un rapport contractuel équilibré dans le cadre duquel, une fois par an, l’ensemble des prestations sont précisément décrites pour être ensuite déclinées de manière systématique à l’occasion des facturations.
L’augmentation de 20 % du FISAC, le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, permettra aux petits commerçants de trouver le ressort nécessaire pour affronter cette nouvelle concurrence et pour exercer à de meilleures conditions financières le droit de préemption.
En outre, l’article 24 prévoit d’autoriser tous les commerçants, petits et grands, à pratiquer deux semaines complémentaires de soldes par an, à des dates qu’ils voudront bien choisir, dans un esprit de liberté.
Parallèlement, nous réduisons d’une semaine les deux périodes officielles de soldes : chacun s’accorde en effet à considérer que la dernière semaine est de trop, peu de produits restant à la vente et les amateurs de soldes en ayant déjà bien profité. Les commerçants pourront ainsi pratiquer deux semaines de soldes « flottantes ».
Côté régulation, le texte tend à proposer, à l’article 23, la création d’une Autorité de la concurrence aux compétences élargies. Nous le savons, il ne sert à rien d’édicter des lois en faveur de la concurrence si elles ne sont pas pleinement respectées et si une autorité forte, munie tout à la fois de pouvoirs d’enquête et de sanctions, n’est pas là pour pouvoir s’en assurer.
L’Assemblée nationale a souhaité aller plus loin, afin que soient mieux surveillés les trois principaux dysfonctionnements du marché. Nous ne laisserons en effet pas la loi du plus fort s’installer dans les négociations, et le législateur a parfaitement vocation à intervenir pour mieux réguler ce jeu de la concurrence.
Tout d’abord, les abus de situation dominante, qui ont pour conséquence de faire augmenter les prix sans raison, pourront être dénoncés par les maires devant l’Autorité de la concurrence, laquelle sera en droit, quand les premières sanctions n’auront pas été suivies d’effet, de prononcer des mesures structurelles allant jusqu’à la cession du magasin concerné.
Ensuite, les pratiques commerciales déloyales à l’égard des consommateurs seront plus fermement sanctionnées, notamment en reprenant dans le code de la consommation, conformément aux exigences européennes, la liste des trente et une pratiques qui doivent être considérées comme déloyales en toutes circonstances.
Enfin, les clauses abusives pourront être plus facilement combattues, grâce à l’institution d’un double régime de clauses abusives, à savoir une liste des clauses « grises », celles qui sont présumées abusives, et des clauses « noires », celles qui sont considérées, quelles que soient les circonstances et de manière irréfragable, comme abusives.
De plus, les députés ont souhaité que les maires disposent d’un véritable droit de préemption renforcé sur certaines zones commerciales. Le Gouvernement s’est également engagé à intégrer les règles de l’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme. Monsieur le président de la commission spéciale, je vous indique que nous sommes très ouverts aux propositions que le Sénat pourra émettre en ce sens.
Le titre III est relatif au renforcement de l’attractivité de notre économie, laquelle tient à un ensemble de facteurs, au premier rang desquels figure la fluidité de la communication des produits, des services, de la finance et, bien évidemment, de l’information.
Renforcer l’attractivité du territoire, cela suppose d’abord de moderniser ce dernier. La France est connue pour son avant-gardisme en matière technologique, notamment dans le domaine de l’information. Pour le téléphone comme pour le minitel, la France a toujours été aux avant-postes.
Aujourd’hui, avec Éric Besson et Luc Chatel, nous voulons gagner le pari du très haut débit en étendant l’usage de la fibre optique : je souhaite que, en 2012, au moins 4 millions de ménages puissent bénéficier notamment de la télévision haute définition, de la téléassistance à domicile pour les personnes âgées, de l’e-enseignement, du web 2.0. Éric Besson et Luc Chatel vous décriront en détail les bienfaits que nous pouvons attendre de l’implantation sur notre territoire du très haut débit. Sachez en tout cas que ce dernier est vecteur d’une croissance nouvelle et meilleure.
Notre projet de loi généralise donc le pré-câblage des immeubles neufs et facilite le raccordement des immeubles existants, en incitant les opérateurs à prendre à leurs frais le coût du câblage et en réalisant dans les immeubles un réseau unique de fibre optique ouvert à tous les opérateurs.
Toutefois, il ne sert à rien d’avoir accès au très haut débit quand on n’a pas les moyens de s’offrir ce qui est devenu une nécessité dans notre société, à savoir un téléphone mobile. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a voté l’instauration d’un tarif social pour ce type de produit, comme cela existe déjà dans les domaines de l’électricité et du gaz : c’est une véritable innovation ! Nous réunirons les différents opérateurs, dont beaucoup nous ont déjà témoigné leur bonne volonté, afin d’aboutir avec eux à une convention précise en termes de tarifs et de niveau de service, et de leur permettre d’utiliser un label « offre sociale ».
Être attractif, c’est non seulement pouvoir faire circuler l’information, mais aussi attirer sur notre territoire des talents et des financements. Aux articles 31 et 32, nous prévoyons, d’une part, d’assouplir le régime des impatriés, en étendant ce statut à tous les recrutements directs de salariés à l’étranger, et, d’autre part, de faciliter la délivrance d’un titre de résident pour les cadres étrangers de haut niveau qui apportent une contribution particulière à l’économie française.
Les députés ont complété très logiquement cette mesure par une exemption de certaines cotisations d’assurance vieillesse pour les salariés étrangers qui viennent en France dans le cadre d’une mobilité temporaire et adhèrent chez eux à des régimes de retraite, leur relation avec la France n’étant pas couverte par une convention de sécurité sociale.
À l’article 37, nous mettons en place des fonds de dotation qui permettront d’attirer des financements privés pour des missions d’intérêt général, telles que celles qui sont assurées par les laboratoires de recherche, les hôpitaux, les bibliothèques ou les musées. Nous espérons que ces fonds connaîtront le même succès que les fondations pour les universités. Depuis que la loi sur l’autonomie des universités a été votée, la fondation de la Toulouse school of economics – c’est ainsi qu’elle se dénomme, pour rivaliser avec la London school of economics and political science – a ainsi pu lever 33 millions d’euros de fonds : c’est la preuve qu’il existe de la part des entreprises, y compris des entreprises françaises, une véritable volonté de mettre de l’argent au service de l’intérêt général, notamment au service de l’économie telle qu’elle est brillamment enseignée par l’université de Toulouse.
Le titre IV, qui est le dernier, a pour but d’améliorer le financement de l’économie, ce qui nécessite la mobilisation de deux circuits : le circuit interne, pour mieux gérer l’épargne disponible, et le circuit international, pour attirer des capitaux.
S’agissant du circuit interne – c’est l’objet des articles 39 et 40 –, nous proposons de généraliser à toutes les banques la possibilité de distribuer le livret A, qui devrait donc être disponible dans 40 000 agences bancaires au lieu de 22 000 aujourd’hui. En effet, peut-on continuer à tolérer que le produit d’épargne privilégié, et même plébiscité, par nos concitoyens ne soit disponible que dans trois grandes enseignes, aussi excellentes fussent-elles ?
Désormais, chacun pourra ouvrir un compte d’épargne défiscalisé dans sa banque, aux mêmes termes et conditions que ceux qui sont applicables aujourd'hui. Je n’ai pas l’intention de faire un quelconque cadeau aux banques à cette occasion. La renégociation de la commission actuellement versée aux trois établissements, qui va être diminuée pratiquement de moitié, permettra d’augmenter le financement mis à la disposition du logement social.