M. Dominique Braye. Et Dominique Voynet !

M. David Assouline. Elle n’est pas ministre !

M. Christian Cambon. Et Montebourg ! Donc, pas de leçons !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne faut pas avoir de position définitive sur ce sujet, bien que je conçoive très bien qu’on ait une position théorique.

Vous avez fait allusion, mon cher collègue, à ce qui s’est passé sous le gouvernement de Lionel Jospin. Cette jurisprudence avait abouti à la situation suivante : les maires n’étaient plus maires, mais premiers adjoints. Parfois, ils occupaient toujours leur bureau de maire, en attendant de quitter leur fonction de ministre. Franchement, dans ce cas, l’hypocrisie était encore plus grande !

Par conséquent, j’estime que nous n’avons pas à légiférer dans ce domaine. Ce sont les citoyens qui jugeront si un ministre, ou un parlementaire, continue à bien s’occuper de sa ville ou de son département.

Il est vrai que l’aggravation des charges entraînée par la décentralisation devrait inciter certains à ne pas cumuler plusieurs fonctions. Mais cela relève de la responsabilité de chacun.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Écoutez nos compatriotes ! Partout, ils n’ont que le mot de « cumulard » à la bouche !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas vrai !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ils critiquent les parlementaires, et plus encore les ministres, qui cumulent différents mandats, parce qu’ils ne croient pas au surhomme ! (Exclamations de plus en plus vives sur les travées de l’UMP.)

M. Christian Cambon. Allez le dire à M. Fabius, qui préside une communauté d’agglomération de 500 000 habitants !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues ! Écoutons les orateurs, lesquels doivent respecter, autant que possible, leur temps de parole, ce qui permettra au débat d’avancer. Ensuite, nous voterons. Il est donc inutile de s’enflammer ! En intervenant calmement et lucidement, les arguments porteront tout autant !

Veuillez poursuivre, madame Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Comme je le disais, nos compatriotes ne croient ni aux surhommes ni aux femmes supérieures capables de tout faire à la fois. Ils constatent simplement ce que nous avons observé lors de la dernière campagne pour les élections municipales, à savoir le grand vide des ministères. Il n’était pas possible, à cette période, pour un parlementaire, d’obtenir une réponse à un courrier ou à une question écrite ! Ce n’était là qu’un moment de crise. Hors ces circonstances, en l’absence du ministre plusieurs jours par semaine,…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est faux !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. …les responsabilités ministérielles sont laissées à des collaborateurs certes de qualité, mais qui ont besoin d’être dirigés et qui ne sont pas habilités à prendre des décisions engageant la responsabilité de l’État.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les ministres passent leur temps à Bruxelles !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela entraîne un lourd dysfonctionnement des ministères.

Il faut bien le reconnaître, si les ministres tiennent à conserver leur mandat local, c’est, comme le disent d’ailleurs tous nos compatriotes, pour assurer leur avenir politique lorsque l’intermède ministériel sera terminé.

Enfin, il y a réellement un conflit d’intérêt entre un mandat exécutif national et un mandat exécutif local. Les cumuls donnent lieu régulièrement à des choix aberrants concernant l’implantation, dans telle ou telle ville ou tel ou tel département, d’industries, d’administrations et de pôles de compétence ou d’influence, lorsqu’un ministre en exercice a confondu l’intérêt de l’État avec celui de sa ville ou de sa région, au détriment de l’intérêt de l’État. (M. Robert Badinter applaudit.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je m’étonne de la passion suscitée par ce débat, alors que cette question semble recueillir depuis quelques années – c’est du moins ce que j’avais cru comprendre – un consensus de plus en plus large au sein du débat public.

En effet, après que le gouvernement de Lionel Jospin a posé une règle de non-cumul pour les ministres en exercice, ce principe a perduré. Même le Président de la République actuel a souhaité…

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Non ! Il ne l’a jamais souhaité !

M. David Assouline. Certes, il ne l’a pas imposé, mais il a souhaité conserver cette pratique. Je me réfère sur ce point aux directives qu’il a adressées à son Premier ministre.

Il n’y a donc pas matière à intenter des procès aux uns et aux autres au cours du débat le plus passionné que nous ayons eu depuis le début de l’examen de ce texte.

Pourquoi ce sujet suscite-t-il un énervement aussi grand ? Selon moi, nous sommes en train de toucher à quelque chose qui est devenu limpide.

Cette question a en effet dégagé un véritable consensus, puisque le comité Balladur a voté à l’unanimité contre les cumuls.

Par ailleurs, ce sujet rentre totalement dans le cadre de ce que l’on peut nommer la « modernisation » de la Constitution. Il ne s’agit pas de clivage gauche-droite, il s’agit de constater que, la société ayant évolué, le rapport entre les citoyens et les élus a été profondément modifié. À ce propos, vous pouvez interroger tous ceux qui sont sur le terrain. Ils considèrent tous, de façon très claire, que les politiques cumulent.

Tout le monde a les yeux tournés vers nous, car seule la France connaît une telle situation. Nous serions bien inspirés d’adopter les pratiques quasiment unanimes des autres pays européens. Le cumul des mandats y est rigoureusement limité. Ces pays nous regardent comme une espèce de survivance incompréhensible et archaïque.

Il s’agit donc d’un sujet très concret, dont l’évocation pourrait donner l’occasion à Mme le garde des sceaux de se lever et d’annoncer un pas du Gouvernement vers l’opposition. Cependant, même sur ce point, on nous claque la porte au nez ! Et vous voudriez que l’on continue à croire qu’il existe une réelle volonté de modernisation et de démocratisation ?

Poursuivez ainsi le débat aujourd’hui et la semaine prochaine, en claquant toutes les portes, même si les problèmes soulevés sont évidents pour tout le monde ! Notre appréciation se forgera jour après jour !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. L’amendement n° 430 soulève plus particulièrement le problème du cumul des mandats s’agissant de la présidence d’un EPCI, un établissement public de coopération intercommunale. Il s’agit d’une question intéressante qui devra, de toute façon, être prise en considération à un moment donné.

Si le Parlement n’a pas le courage de s’attaquer au cumul des mandats, les électeurs ont, eux, une idée très précise de la situation. Je vous renvoie simplement, mes chers collègues, aux résultats des dernières élections régionales : un certain nombre de présidents de région, qui cumulaient un certain nombre de mandats, ont dû céder leur place. Il faut donc faire confiance aux électeurs.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question du cumul des mandats ne peut pas se traiter à coup d’invectives entre ceux qui ont eu souvent le pouvoir. Chaque famille politique au pouvoir a dû faire face aux cumuls, et ce à tous les niveaux. Ceux qui ont exercé le pouvoir moins longtemps ont bien sûr moins cumulé que ceux qui l’ont exercé plus longtemps !

Le problème est posé par les citoyens. Si le comité Balladur s’en est saisi, je crois savoir que le Président de la République avait lui aussi évoqué cette question dans la lettre de mission qu’il lui avait adressée.

Or, aujourd’hui, on assiste à quelque chose d’extraordinaire ! Chers collègues de la majorité, vous qui êtes d’ordinaire si soucieux de respecter les désirs du Président de la République et, éventuellement, de suivre les propositions du comité Balladur, vous refusez de toucher aux cumuls !

Je serais tentée de dire, même si c’est malheureux, qu’il faut laisser les citoyens exprimer leurs propres critiques. Au demeurant, je suis persuadée que cette situation aura, un jour ou l’autre, des conséquences fâcheuses. De plus, elle prive notre démocratie d’un renouvellement des élus et d’un élargissement de la classe politique tout à fait salutaire. Que celle-ci se perpétue de père en fils, cela commence à lasser nos concitoyens.

M. Dominique Braye. Pas si on est réélu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils jugeront.

En revanche, concernant le cumul d’une fonction ministérielle et d’une fonction locale, il faut dire non ! Comme vient de le dire Mme Cerisier-ben Guiga, un tel cumul engendre un conflit d’intérêt. La sagesse l’avait, me semble-t-il, emporté en la matière, et on devrait, au moins pour freiner ceux qui ne sont pas sages, inscrire ce principe comme une règle absolue.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Puisque j’ai été interpellée par certains, notamment par M.  Braye, je rappellerai que nous parlons du cumul des fonctions de ministre et d’élu ; il ne s’agit pas de n’importe quel cumul !

M. David Assouline. C’est en effet de cela que l’on parle !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je regrette, monsieur Gournac, Mme Voynet n’a pas cumulé lorsqu’elle était ministre ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Elle avait promis !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si vous le permettez, monsieur le président, j’aimerais terminer.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, vous pouvez terminer, à condition de ne pas interpeller directement et nominativement les sénateurs présents dans cet hémicycle.

M. Alain Gournac. Absolument !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je réponds tout simplement à ceux qui m’ont interpellée !

Je le répète, lorsqu’elle était ministre, Mme Voynet n’a pas cumulé et, si elle cumule aujourd'hui, c’est malheureusement parce qu’elle n’est pas dans l’illégalité.

M. Christian Cambon. Ah ! les beaux arguments !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si une loi interdisait le cumul, nous serions plus à l’aise ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Dominique Braye. Mme Voynet ne respecte pas son engagement, et celui-ci est plus fort que la loi !

Mme Alima Boumediene-Thiery. D’ailleurs, sur ces travées, vous êtes plusieurs à cumuler.

M. Dominique Braye. Elle n’a pas respecté ses engagements !

M. le président. Monsieur Braye, laissez l’orateur achever son intervention !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pour ma part, je n’ai jamais cumulé !

M. Christian Cambon. C’est peut-être parce que vous vous faites élire au scrutin de liste !

M. Dominique Braye. Moi, je suis pour le choix des citoyens !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle hauteur ! C’est incroyable ! Mais vous nous y avez habitués.

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, vous n’avez pas la parole !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne cessons de nous faire insulter ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est incroyable, nous ne pouvons plus nous exprimer dans cette instance ! Nous en avons tout de même le droit !

Je poursuis donc ! Il est regrettable que, sur ces travées, aujourd’hui, plusieurs personnes continuent de cumuler. En outre, certaines d’entre elles cumulent depuis trente ou quarante ans. Il serait peut-être bon de rappeler que le cumul dans le temps est également néfaste.

M. Christian Cambon. Présentez-vous et nous verrons si vous êtes élue !

M. Dominique Braye. Madame Boumediene-Thiery, ne soyez pas méchante avec certains de vos collègues !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je serai très bref. Le sujet des cumuls passionne, car tout en étant très sérieux, il peut aussi facilement conduire les uns et les autres à une certaine démagogie.

Bien que je ne sois pas d’accord avec lui sur ce point – ce qui est assez rare –, je respecte absolument la position de Robert Badinter, parce qu’il a toujours fait ce qu’il a dit et dit ce qu’il a fait.

M. Dominique Braye. Ce n’est pas comme Mme Voynet !

M. Michel Charasse. En revanche, ce qui est insupportable, et vous en avez les effets collatéraux en cet instant, ce sont les donneurs de leçons, …

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Michel Charasse. … qui ferraillent en permanence, ameutent l’opinion publique contre ceux qui exercent plusieurs mandats et se dépêchent de sauter sur tout ce qui passe ! Je les appelle des faux-culs ! (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 179 et 429.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils n’ont donc plus de majorité ?

M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 126
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 364.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 430.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 431.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 7, après l'article 8 ou avant l'article 9
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Article 8 (interruption de la discussion)

Article 8

M. le président. L’article 8 a été supprimé par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Article 8 (début)
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Discussion générale

5

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour un rappel au règlement.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 40, alinéa 1, de notre règlement, qui dispose : « Toute attaque personnelle, toute manifestation ou interruption troublant l’ordre sont interdites ».

Il est inadmissible que certains membres de notre Haute Assemblée puissent attaquer nommément l’un de nos collègues, en l’occurrence Dominique Voynet. De tels propos sont d’autant plus intolérables qu’ils ont été tenus en l’absence de l’intéressée, qui n’a donc pas pu y répondre.

Mes chers collègues, par ce comportement, vous avez pollué le débat fondamental sur la question du cumul entre la fonction de ministre et un mandat électif. Or cette question du cumul est chère au cœur des Français. Malheureusement, par vos interventions, vous transformez cet hémicycle en cour d’école, ce qui ne vous honore guère.

Monsieur le président, je souhaiterais qu’un tel incident ne se reproduise plus, ni au cours de ce débat ni ultérieurement. Si tel ne devait pas être le cas, je n’hésiterais pas à faire un nouveau rappel au règlement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Boumediene-Thiery.

Comme vous, je souhaite que nous veillions à faire preuve de courtoisie les uns envers les autres. Nous avons tous la même mission : servir le mieux possible notre pays. Je crois savoir que le président de séance a fait les observations qui s’imposaient à la suite de l’incident que vous venez de signaler.

Mes chers collègues, il ne sert à rien, pour le fond du débat, de crier et d’interrompre sans cesse les orateurs. Aussi, je vous demande de faire un effort ! Au surplus, une telle attitude ne donne pas une bonne image de notre institution. Je vous prie instamment de conserver à ce débat extrêmement important la qualité que certains se sont plu à lui reconnaître.

6

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 106, à la suite d’une erreur matérielle, j’ai été portée comme votant contre alors que je souhaitais voter pour.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue.

7

Article 8 (interruption de la discussion)
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Article 9

Modernisation des institutions de la Ve République

Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.

Dans la suite de l’examen des articles, nous en sommes parvenus à l’article 9.

Discussion générale
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Articles additionnels après l'article 9

Article 9

L'article 24 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 24. - Le Parlement vote la loi et contrôle l'action du Gouvernement. Il concourt à l'évaluation des politiques publiques.

« Il comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.

« Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct.

« Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population.

« Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. »

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.

M. Bernard Frimat. Je m’efforcerai, monsieur le président, de me conformer à votre demande et de faire en sorte que nos débats conservent la qualité qu’ils méritent.

Au cours de la discussion générale, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer l’article 9 du projet de loi constitutionnelle, qui prévoit une nouvelle rédaction pour l’article 24 de la Constitution.

Cet article est au cœur de nos préoccupations : il porte sur les missions du Parlement et définit le bicamérisme, auquel nous sommes attachés, comme l’a rappelé le président du groupe socialiste.

Nous sommes d’autant plus attachés au bicamérisme quand il respecte le suffrage universel exprimé lors des élections municipales, cantonales et régionales. Nous sommes dans l’expectative lorsque le suffrage universel s’exprime dans un sens et que la représentation du Sénat reste quasi indifférente aux modifications, et donc perd à chaque fois un peu plus en représentativité.

Monsieur le secrétaire d'État, nous nous étions réjouis que, dans l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, le Gouvernement pose clairement le problème à la suite du rapport du comité Balladur. Le Gouvernement a estimé qu’il était nécessaire de lever les contraintes que la décision du Conseil constitutionnel de 2000 faisait peser sur l’évolution du collège électoral du Sénat. Nous osons croire que l’état d’esprit du Gouvernement n’a pas changé. Si tel n’est pas le cas, qu’il ait l’amabilité de nous expliquer les raisons de son revirement.

Dans le rapport du comité Balladur figuraient les mots « en fonction ». Nous adhérons à cette formulation et c’est pourquoi nous avons déposé un amendement en ce sens. Mais cela paraît trop rigoureux pour certains. Et même l’expression « en tenant compte » est considérée comme une agression insupportable.

Pardonnez-moi de me répéter, mais il est difficile d’être représentant du peuple et d’avoir peur de son suffrage.

Ne caricaturez pas notre position !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et vous, ne caricaturez pas la nôtre !

M. Bernard Frimat. Nous n’avons jamais demandé que le Sénat soit élu de manière identique à l’Assemblée nationale. Nous sommes favorables au suffrage indirect. En revanche, tout en ayant à l’esprit l’article 3 de la Constitution, qui fait allusion à l’égalité du suffrage universel, nous demandons que l’on tienne compte de la réalité de nos collectivités territoriales. Aux termes de la Constitution, nous sommes non pas les représentants des territoires, mais des élus au suffrage universel indirect, et nous représentons le peuple.

Au moment de la discussion de différents amendements que nous avons déposés, nous aurons l’occasion de redire notre hostilité au blocage numérique de nos assemblées. Nous reviendrons également sur l’institution de députés représentant les Français de l’étranger.

Ce débat est important et il me semblait utile de rappeler la position du groupe socialiste.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons tous en mémoire le débat sur la proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs, qui a eu lieu au Sénat le 4 juin : par le vote d’une question préalable, la majorité a repoussé toute tentative de réforme du mode de scrutin sénatorial.

La majorité résiste à toutes les pressions, même les plus amicales, puisque le Président de la République a plusieurs fois indiqué son souhait de voir évoluer le mode de scrutin soit par un accroissement de la part de proportionnelle – c’était le sens de la lettre de mission qu’il a adressée au Premier ministre le 12 novembre dernier –, soit par l’amélioration de la représentation grâce à une modification du collège électoral, ce qui ressortait des propositions du comité Balladur.

On ne peut pas dire que vous suiviez toujours les préconisations du Président de la République. Dans le cas présent, vous vous y opposez totalement !

Ni l’une ni l’autre de ces propositions n’a été retenue. Pourtant, l’évolution était bien timide, puisque le comité Balladur s’est contenté d’indiquer que le Sénat devait assurer la représentation des collectivités territoriales « en fonction » de la population. Quelle révolution ! Même cela, vous ne le supportez pas. C’est ennuyeux, parce que cette attitude compromet la légitimité du Sénat.

Vous avez même poussé la provocation à vouloir inscrire dans la Constitution l’impossibilité, ad vitam æternam, de modifier le mode de scrutin. Finalement, la commission des lois y a renoncé pour en revenir à la situation antérieure qui, au fond, est à peu près identique.

Tout le monde – ou presque – évoque le manque de légitimité du Sénat. C’est grave, car cette seconde chambre dispose de pouvoirs particulièrement larges, dont le droit de veto en matière constitutionnelle et pour les lois organiques la concernant.

Chacun sait également que le Sénat dispose d’un pouvoir d’obstruction considérable lorsqu’une majorité de gauche est élue à l’Assemblée nationale ; on l’a constaté dans le passé. Car c’est bien là le problème : le Sénat est toujours à droite ; l’alternance n’y est donc pas possible.

M. Gérard Longuet. L’histoire dit le contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avant tout, le Sénat veut se perpétuer tel qu’il est, avec des pouvoirs importants, immuables, puisque, en 1969, la réforme qu’avait proposée le général de Gaulle a été rejetée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez voté contre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je connais l’histoire, monsieur le rapporteur ! Nous avons voté contre pour des raisons sur lesquelles je ne m’étendrai pas, car ce serait trop long. En tout cas, il s’agissait d’une tentative visant à asseoir la légitimité d’une seconde chambre dans un pays qui n’est pas fédéral.

Que représentent les sénateurs et les sénatrices, sinon la population des collectivités territoriales ? Vous n’avez jamais répondu à cette question. Le Sénat représente-t-il les propriétés, les édifices ? Le problème est réel !

Nous sommes le seul pays – à l’exception de la Chambre des Lords, qui tend à se démocratiser un peu – à confier autant de pouvoirs à une assemblée élue au suffrage indirect par un collège de 150 000 grands électeurs et où l’alternance est interdite.

Cette faille dans la démocratie pose problème. Nous avons déposé des amendements, mais il est urgent, par une loi organique, de bousculer amicalement notre assemblée !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Mon intervention porte sur la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, mesure à laquelle nous sommes bien entendu favorables. C’est l’aboutissement d’un long cheminement historique qui a commencé en 1945 et que je ne retracerai pas.

Il s’agit d’une mesure de justice pour les 2,5 millions de Français établis hors de France. Jusqu’à maintenant, ils avaient l’impression d’être considérés comme des demi-citoyens, de ne pas jouir d’une citoyenneté complète, alors que la citoyenneté française ne peut en aucun cas se diviser, que l’on vive en France ou à l’étranger.

Certains craignent que la représentation des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale soit une sorte de diminutio capitis pour le Sénat. Ce serait paradoxal ! Je n’imagine pas M. le président des lois demander que la Seine-et-Marne ne soit représentée qu’au Sénat, ce qui reviendrait d’ailleurs à élever la Seine-et-Marne. Cet argument ne me paraît pas très convaincant et il n’y a pas lieu, me semble-t-il, d’avoir des craintes sur ce sujet. J’ai évoqué ce point dans la discussion générale et nous y reviendrons plus loin dans la discussion des articles.

Monsieur le secrétaire d’État, certaines questions restent en suspens. Bien qu’elles ne soient pas directement liées au débat constitutionnel, leur réponse est de nature à apporter un éclairage important.

Ainsi en est-il du mode de scrutin pour l’élection des représentants des Français de l’étranger. Vous avez, à plusieurs reprises, exprimé l’idée d’un mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Or l’organisation d’un tel scrutin à travers le monde risque de soulever de nombreuses difficultés.

Une autre question tient au découpage, qui est lui aussi lié au mode de scrutin.

Enfin, il y a la question du numerus clausus. L’article 9 prévoit que le nombre des députés ne peut être supérieur à 577. Dès lors, on a l’impression que les douze sièges de députés des Français de l’étranger sont pris sur ceux des députés de la métropole. Il en résulte bien évidemment un certain ressentiment. C’est l’une des raisons pour lesquelles la disposition est mal acceptée à l’Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-nous confirmer qu’il s’agit bien de l’approche du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet que nous abordons a fait l’objet de si nombreux débats dans les médias depuis des semaines, voire des mois, que l’on voit mal quelle argumentation nouvelle pourrait être apportée.

Le Gouvernement considère qu’il est nécessaire d’avancer. Il faut faire des propositions qui restent, bien sûr, dans le cadre constitutionnel.

Nous soutenons, depuis le début, que les modes de scrutin pour l’élection des députés et des sénateurs ne doivent pas figurer dans la Constitution. Certes, cela provoque des réactions, mais il ne s’agit pas pour nous d’une vérité à géométrie variable.

On nous demande quel est le rôle des deux assemblées, quelle est la différence entre les deux chambres s’agissant du mode de scrutin et de la représentativité ?

Que ce soit au sein du Gouvernement ou dans les débats auxquels j’ai pu participer, je me suis toujours opposé à toute remise en question des pouvoirs des deux assemblées ou du partage des pouvoirs entre les deux assemblées.

Avant d’être élu au Sénat, j’étais député au Parlement européen, où j’avais été élu au suffrage universel direct au scrutin proportionnel. J’ai éprouvé une grande fierté à siéger au Sénat. J’avais le sentiment de participer, plus encore, à un vrai travail de proximité, pour tous les Français. Je ne me suis senti ni diminué ni différent selon que je siégeais au Parlement européen ou au Sénat.

Si nous voulons défendre un Parlement constitué de deux chambres, il faut que les pouvoirs de l’une et de l’autre soient respectés, valorisés, validés par la Constitution.

J’en viens au mode de scrutin. Certes, le comité Balladur mentionnait une élection « en fonction » de la population. Le Gouvernement a préféré la formulation : « en tenant compte » de la population.

Des débats ont eu lieu, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Je reconnais bien volontiers que l’élection se fait déjà « en tenant compte » de la population, même si certains considèrent que l’on n’en tient pas assez compte. Il est évident que le sénateur de Nanterre, ville de 90 000 habitants, n’est pas élu avec le même nombre de grands électeurs que le sénateur qui représente les villages d’une zone rurale.

Dans un premier temps, la commission des lois a voulu aller plus loin. Nous l’avons mise en garde, car, ce faisant, nous risquions de nous engager sur la voie de la définition d’un mode de scrutin, c’est-à-dire de contredire notre décision de ne pas inscrire les modes de scrutin dans la Constitution. La commission des lois, et j’en remercie vivement son président-rapporteur, y a renoncé au motif qu’il n’y avait pas eu de débats internes. Mais les débats internes ont eu lieu ! Je siégeais déjà au Sénat lorsque plusieurs sénateurs, dont certains sont présents – je pense notamment à Henri de Raincourt, Josselin de Rohan, Paul Girod, Michel Mercier, Jean Arthuis et, bien sûr, Jean-Jacques Hyest – ont présenté leur proposition de loi.

Il faut dépassionner la discussion ! Je comprends les différents points de vue. La position du Gouvernement est simple : pas de mode de scrutin dans la Constitution. Car si l’on entrait dans cette logique, il n’y aurait pas de raison de ne pas y mettre aussi le mode de scrutin de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi on ne fait référence ni au mode de scrutin, ni à la dose de proportionnelle que certains souhaitent introduire à l’Assemblée nationale, ni à la réforme du mode de scrutin au Sénat.

L’article 9 comprend des dispositions sur le Parlement en général, notamment sur les pouvoirs de contrôle et sur l’activité parlementaire.

Les rédactions de l’Assemblée nationale et de la commission des lois du Sénat ne sont pas exactement identiques, mais l’important est d’avancer. Le Gouvernement sera très ouvert, car, sur le fond, nous nous accordons à reconnaître que nous avons besoin d’un système à deux chambres qui fonctionne de manière équilibrée.

Est-ce que, demain, MM. de Raincourt, de Rohan, Paul Girod, Mercier, Arthuis et Hyest présenteront de nouveau leur proposition de loi ? C’est une autre question ! Il ne s’agit pas de la Constitution.

Je ne dis pas que le Gouvernement est fermé à tout, ni que la majorité sénatoriale est fermée à tout. Je dis simplement que nous ne devons pas nous tromper de débat. Dans l’immédiat, il nous appartient de faire avancer les pouvoirs des parlementaires. Oui, monsieur Bel, c’est bien de l’extension des pouvoirs du Parlement qu’il s’agit ! L’objet premier de la révision de la Constitution ne consiste pas à modifier la composition ou les modes de scrutin des deux assemblées. C’est un autre débat ! L’objet premier de la révision de la Constitution, c’est de transférer plus de pouvoirs au Parlement.