M. le président. L’amendement n° 68 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf et Béteille, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après le deuxième alinéa de l’article 11 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un million d’électeurs inscrits sur les listes électorales. La régularité de l’initiative, qui prend la forme d’une proposition de loi, est contrôlée par le Conseil constitutionnel dans des conditions fixées par une loi organique. Si la proposition n’a pas fait l’objet d’un projet ou une proposition de loi adopté par les deux assemblées dans les six mois qui suivent sa validation par le Conseil constitutionnel, elle est soumise au référendum par le Président de la République. La proposition soumise au référendum est approuvée si la majorité des électeurs inscrits a participé au scrutin et si la majorité des suffrages exprimés a été atteinte. »
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. À la demande d’Hugues Portelli, je défendrai cet amendement qu’il a rédigé.
Notre collègue partait d’un quadruple constat portant sur l’utilisation très limitée du référendum sous la Ve République.
Tout d’abord, cette procédure a été limitée dans son domaine. En cinquante ans, un seul véritable référendum constituant a été organisé en application de l’article 89 et, dans le domaine législatif, on ne relève qu’un référendum tous les six ans environ.
Ensuite, la maîtrise de cette procédure appartient au chef de l’État de A jusqu’à Z. Son usage peut également être biaisé par une dérive plébiscitaire qui peut être volontaire – lorsque le chef de l’État a engagé son destin sur le succès ou l’échec du référendum – ou involontaire – puisque l’électorat répond fréquemment à une question différente de la question posée…
M. Alain Gournac. Voilà !
M. Jean-René Lecerf. … ou, plus vraisemblablement, en fonction de la confiance qu’il accorde ou qu’il n’accorde plus à l’auteur de la question.
Un autre biais peut être introduit par ce qu’Hugues Portelli appelle les référendums « post-constituants », comme ceux de 1992 ou 2005, qui ont placé le constituant en porte-à-faux. On sait bien que la révision constitutionnelle votée en 2005 n’a pas pu trouver d’application en raison de l’expression de la volonté du peuple français.
Les référendums peuvent également avoir pour but d’aller à l’encontre de jurisprudences du Conseil constitutionnel ; ce fut le cas, par exemple, du référendum sur la Nouvelle-Calédonie, en 1988.
Enfin, les référendums peuvent être inutiles. Hugues Portelli en donne deux exemples : d’une part, les référendums prévus par la révision de 2005 s’avèrent impraticables parce qu’ils nous obligeraient à voter sur l’adhésion à l’Union européenne d’États comme la Suisse ou la Norvège ; d’autre part, les dispositions introduites par la révision de 1995, sur l’extension des cas d’usage du référendum de l’article 11, n’ont pas été mises en œuvre jusqu’à présent, alors que les occasions ne manquaient pas !
Notre collègue Portelli estime donc que la réforme qui nous est proposée aujourd’hui est un trompe-l’œil : elle instaure un faux référendum d’initiative populaire – réservé en fait aux seuls grands partis parlementaires – qui risque de ne jamais être utilisé, car le texte qui nous est soumis prévoit l’examen de la proposition par les deux assemblées parlementaires. Que signifie « examen » ? Faudra-t-il que la proposition soit inscrite à l’ordre du jour ou suffira-t-il qu’une assemblée décide qu’une commission se charge d’y jeter un coup d’œil ?
C’est la raison pour laquelle Hugues Portelli et les cosignataires de cet amendement proposent un authentique référendum d’initiative populaire. Leur formule paraît résister à toute objection doctrinale, l’article 3 de la Constitution prévoyant que la souveraineté nationale « appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Elle échappe également à toute objection politique, puisque l’argument du populisme qui lui est parfois opposé peut également être invoqué à l’encontre des dispositions actuellement en vigueur, en raison de la dérive plébiscitaire que j’évoquais à l’instant.
Ce référendum d’initiative populaire offre également une solution de rechange à l’initiative des pouvoirs publics : lorsque le référendum répond à une initiative du Président de la République, l’électeur peut être tenté de répondre en fonction de la confiance portée au Président et non en fonction de la question posée ; avec le référendum d’initiative populaire tel que nous le proposons, il sera obligé de répondre à la question posée puisque l’initiative viendra directement du corps électoral.
Par ailleurs, ce référendum permet de faire obstacle au référendum automatique, dangereux et inutile, prévu par l’article 88-5 de la Constitution et permettrait, le cas échéant, de se prononcer sur l’entrée dans l’Union européenne de quelque État que ce soit.
Enfin, les dispositions que nous défendons prévoient un double verrouillage, quant à l’objet du référendum – l’initiative est contrôlée par le Conseil constitutionnel et l’article 11 exclut déjà tout référendum dans le domaine des libertés fondamentales ainsi que sur le rétablissement de la peine de mort – et quant à la procédure – le Conseil constitutionnel exerce un contrôle a priori et un quorum est exigé. En effet, le résultat du référendum ne peut être validé que si une majorité des électeurs inscrits a participé au scrutin.
Tels sont les éléments que souhaitait développer Hugues Portelli, qui vous prie d’excuser son absence, car il pensait que l’examen de cet amendement interviendrait plus tôt dans la matinée.
M. le président. L’amendement n° 98, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L’article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. »
3° Au dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement de la commission des lois entérine le dispositif adopté par l’Assemblée nationale sur le référendum que je qualifierais d’« initiative parlementaire appuyée par un certain nombre de citoyens ». C’est là la principale différence avec le dispositif que suggère notre excellent collègue Portelli, qui connaît très bien le référendum à l’italienne.
Nous avons amélioré la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Nous souhaitons en effet préciser que la loi organique prévue pour fixer les modalités du contrôle de l’initiative populaire par le Conseil constitutionnel fixe également les conditions de présentation de cette initiative. On pourrait, par exemple, prévoir qu’une telle initiative ne peut être présentée dans l’année précédant une élection présidentielle.
Je rappelle également qu’on ne peut pas proposer un référendum dans un autre domaine que celui qui est prévu par l’article 11 de la Constitution. On évoque parfois l’éventualité d’un référendum sur le rétablissement de la peine de mort : c’est totalement impossible ! D’abord, parce que la Constitution l’exclut désormais, ensuite parce que nous sommes tenus par des conventions internationales. Face à une proposition de référendum de cette nature, le Conseil constitutionnel, statuant a priori, ne pourrait que rendre une décision négative.
Nous prévoyons également de valider les modifications adoptées par l’Assemblée nationale à l’article 11 de la Constitution, mais en les regroupant au sein de l’article 3 bis du projet de loi.
Cet amendement reprend donc le dispositif de l’article 3 ter, qui étend le champ des référendums législatifs aux réformes relatives à la politique environnementale de la Nation, et celui de l’article 3 quater, qui effectue une coordination.
En conséquence, nous proposerons de supprimer ces deux articles.
M. le président. Mes chers collègues, à cette heure, nous allons interrompre nos travaux.
Je vous rappelle que l’article 13 sera appelé en priorité à la reprise de la séance. Ce n’est qu’ensuite que nous poursuivrons la discussion de l’article 3 bis.
Mise au point au sujet d’un vote
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, à l’occasion du vote de l’amendement n° 420 présenté par notre groupe sur le droit de vote et l’éligibilité des étrangers aux élections locales, notre collègue Pierre-Yves Collombat a été porté comme ayant voté pour, alors qu’il souhaitait voter contre. Je vous remercie donc, monsieur le président, de bien vouloir faire procéder à cette rectification.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.
6
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Jégou membre du comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
7
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire bulgare
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d’une délégation de parlementaires bulgares, membres du groupe d’amitié Bulgarie-France, reçue conjointement en France par le groupe interparlementaire d’amitié de l’Assemblée nationale et par celui du Sénat présidé par notre collègue M. Jean-François Picheral.
Cette visite confirme les excellentes relations existant entre nos parlements, et particulièrement avec le Sénat français. Je forme des vœux pour qu’elle contribue au renforcement des liens d’amitié qui unissent notre pays à un pays membre de l’Union européenne et de la francophonie. Soyez les bienvenus ! (M. le ministre de la défense, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
8
Modernisation des institutions de la Ve République
Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.
Organisation de la discussion des articles
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je souhaiterais un éclaircissement sur l’organisation de nos travaux.
M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a proposé hier au Sénat l’examen par priorité, d’une part, de l’article 13 cet après-midi et, d’autre part, de l’article 11 et des amendements portant articles additionnels après l’article 11 ce soir, après la suspension de séance.
L’ordre de nos travaux a donc été modifié pour permettre au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique d’être présent ce soir pour la discussion des amendements financiers portant sur l’article 11. Cette démarche me semble saine : si nous pouvons faciliter l’organisation du travail des ministres, nous n’avons aucune raison de nous y opposer.
Je voudrais cependant faire remarquer que le président de la commission des lois avait proposé, au vu du nombre important d’amendements déposés, d’examiner l’article 11 par divisions, proposition qui avait recueilli l’assentiment de tous les groupes politiques.
Je souhaiterais donc obtenir des précisions quant au dérouleur de séance qui nous a été distribué. Je ne doute pas que le service de la séance ait fait remarquablement son travail, comme à son habitude.
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. Michel Charasse. Les socialistes ont toujours défendu les travailleurs !
M. Bernard Frimat. J’aimerais néanmoins m’assurer que seuls les amendements financiers, et non l’ensemble des amendements, déposés sur l’article 11 et nécessitant la présence de M. Éric Woerth seront examinés ce soir, et que le déroulement normal de l’examen des articles reprendra ensuite.
Autant il me semble sain de faciliter l’organisation du travail des ministres, autant il me paraît logique d’examiner le texte dans sa continuité afin d’éviter des allers et retours entre les articles, ce qui serait le cas si nous discutions de l’ensemble de l’article 11 avant les articles précédents.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, afin de répondre aux préoccupations légitimes qui portent sur l’examen groupé des amendements relatifs aux mêmes domaines, je voudrais apporter des précisions quant à la demande de priorité que j’ai formulée hier.
Le Gouvernement souhaite que les amendements portant articles additionnels après l’article 14 puissent être examinés avant l’article 11, et que, au sein de l’article 11, puissent être appelés prioritairement les amendements qui portent tous sur des questions financières et budgétaires : il s’agit des amendements nos 302 rectifié, 312 rectifié, 451, 301 rectifié, 447, 388 rectifié bis, 18 rectifié bis, 190, 449, 108 rectifié, 85, 309 rectifié, 277 rectifié, 401, 19 rectifié bis et 380 rectifié bis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. C’est bien ce dont nous étions convenus, mais il était bon d’indiquer précisément les numéros des amendements qui seront examinés par priorité. En effet, à la lecture du dérouleur de séance, on aurait pu croire que tous les amendements portant sur l’article 11 seraient examinés ce soir. Nous reprendrons ensuite l’ordre normal de discussion du texte.
M. le président. Mes chers collègues, un nouveau dérouleur de séance tenant compte des précisions apportées par M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement va vous être distribué.
Je vous rappelle que, dans la suite de la discussion des articles, nous avons décidé d’examiner par priorité l’article 13.
Article 13 (priorité)
L'article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l'étranger dans les trois jours. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.
« Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. En cas de refus du Sénat, le Gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur la prolongation de l'intervention.
« Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante. »
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, sur l'article.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, je souhaite vivement que cet article 13 contribue à figer dans le marbre de notre Constitution une véritable avancée en matière de droits du Parlement.
Depuis très longtemps, les parlementaires socialistes se sont élevés contre le véritable ostracisme dans lequel une certaine pratique de la Constitution de la Ve République place le Parlement dès qu’il s’agit de politique étrangère et de politique de défense.
J’ai en tête les propositions de loi déposées, notamment à l’Assemblée nationale, depuis 1999 et malheureusement abandonnées en chemin, qui étaient destinées à instaurer un contrôle parlementaire sur les opérations extérieures et sur les accords de défense.
Aujourd’hui, la donne est en train de changer. Un relatif consensus semble se dessiner. Il serait donc possible de briser au moins un coin du « domaine réservé ». Nous nous en réjouissons, mais nous ne souhaitons pas nous arrêter en si bon chemin : d’autres débats sur la politique étrangère et la politique de défense nous donneront l’occasion de vous proposer de nouvelles avancées législatives pour en finir avec ce domaine réservé si funeste à la vie politique nationale.
Nous voulons que ce projet de loi constitutionnelle apporte des changements significatifs au rôle du Parlement en matière de politique étrangère, ainsi que sur les questions de défense et de sécurité.
Il faut procéder à l’aggiornamento de nos politiques et de nos institutions qui sont, d’une part, trop marquées par les conséquences de la guerre froide et par les fantômes des confrontations disparues, et, d’autre part, caractérisées par une certaine méfiance, qui n’a pas lieu d’être, à l’égard du Parlement et des parlementaires.
Ainsi, nous avons été agréablement surpris d’entendre le Président de la République expliquer, le 17 juin 2008, qu’il a proposé « dans la révision constitutionnelle qui est en cours d’examen, d’associer de façon transparente le Parlement aux décisions sur les opérations extérieures ».
Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous invite à prêter attention aux termes qu’il a utilisés. Nous ne sommes plus là dans l’information, dans la communication, dans les messages adressés au Parlement. Nous devons être associés aux décisions. Nous répondons : « Chiche ! ». Nos amendements vont dans cette direction ; si vous suivez les vœux du Président, vous ne pouvez que les adopter.
Revenons donc à cet article 13 qui, sous sa forme actuelle, est perfectible.
L’article 13 tend à assurer un droit à « l’information » du Parlement. C’est bien, mais c’est peu. Nous demandons qu’un vote puisse suivre l’information et le débat sur l’intervention des forces armées à l’extérieur. J’y reviendrai au moment de la discussion de l’amendement n° 457.
Il est nécessaire aussi de réunir le Parlement en session extraordinaire si les circonstances l’exigent. On ne peut pas envisager que, en cas de crise grave nécessitant l’envoi des troupes, le Parlement n’ait pas l’occasion de s’exprimer parce qu’il n’est pas en session.
Lors de la guerre du Golfe, en 1991, le Parlement avait été convoqué en session extraordinaire et, après la lecture du message du Président de la République, il s’était prononcé par un vote, organisé selon les modalités propres à chaque chambre, sur une déclaration de politique générale relative à la participation de la France à ce conflit.
Par ailleurs, l’article 13 prévoit que « lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement ». C’est bien, mais nous souhaitons une précision supplémentaire : au-delà des quatre premiers mois, la poursuite des opérations doit également être régulièrement autorisée par le Parlement. Je reviendrai sur ce point dans quelques instants en présentant un amendement.
Je souhaite insister sur un autre point très important : il s’agit de la nécessaire information du Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire.
Le 28 février dernier, le Président de la République, lors de son intervention devant le Parlement sud-africain, a affirmé que les accords de défense entre la France et les pays africains seraient intégralement publiés.
Puis, voilà quelques jours, à l’occasion de sa présentation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, il est allé encore plus loin, en affirmant ceci : « J’ai décidé de rendre publics tous nos accords de défense. » Il a bien dit : « tous nos accords ». Aussi, nous prenons acte de cette promesse et allons lui donner – une fois n’est pas coutume – la possibilité de la tenir.
En effet, il nous semble opportun d’inscrire ce souhait présidentiel de transparence dans la Constitution, en permettant au Gouvernement de tenir le Parlement informé du contenu de tous les accords de défense et de coopération militaire. Bien entendu, cela n’interdit pas de prendre ensuite toutes les précautions nécessaires pour que l’information du Parlement se déroule dans des conditions respectueuses du principe de confidentialité. Là encore, je reviendrai sur le sujet en défendant un amendement.
M. le président. Je suis saisi de seize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 193 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 35. - Toute intervention des forces armées à l'extérieur du territoire de la République est autorisée par le Parlement, au besoin après convocation d'une session extraordinaire. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, cet amendement vise à donner au Parlement un réel pouvoir de décision pour toute intervention de nos forces armées à l’étranger.
Comme nous le savons, selon la Constitution de la Ve République, et en vertu de dispositions qui datent de la guerre froide, nos assemblées ne sauraient être concernées par de telles opérations, puisque le Parlement n’est amené à se prononcer qu’en cas de déclaration de guerre.
Si le sujet n’était pas aussi grave, l’idée de déclarer officiellement la guerre dans des conflits d’une complexité sans commune mesure avec ceux d’hier pourrait certainement prêter à sourire. Mais cette disposition obsolète crée une situation dans laquelle la décision finale d’envoi de nos troupes est du seul ressort du Président de la République, en sa qualité de chef des armées.
En vertu d’une telle pratique, qui tient d’ailleurs plus – il faut le souligner – de la coutume que de nos institutions proprement dites, les affaires étrangères et la défense constituent le « domaine réservé » du Président de la République. Cela ne correspond plus aux réalités et aux exigences de notre époque.
Nous souhaitons donc que le Parlement soit amené à se prononcer, par un débat suivi d’un vote, sur l’opportunité d’une intervention à l’étranger et qu’il autorise le Gouvernement à la mener. Pourquoi se limiter à solliciter l’autorisation du Parlement seulement quatre mois après le début d’une intervention ?
C’est d’ailleurs ce que demande, sans fixer le délai, un groupe d’officiers généraux et supérieurs des trois armées qui critique le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale dans Le Figaro d’aujourd'hui. Ces officiers regrettent notamment l’opacité des choix d’intervention, « ne donnant lieu à aucun débat, notamment parlementaire ».
Monsieur le ministre, c’est donc au nom de la France, et forte de l’adhésion des représentants du peuple, que la décision doit être prise.
Certes, il faut s’entendre sur le terme « intervention ». Il ne s’agit pas que le Parlement se prononce sur tous les types d’interventions, notamment les opérations humanitaires, celles qui auraient un caractère d’extrême urgence, comme la protection de nos ressortissants, celles qui nécessitent confidentialité et rapidité pour être efficaces ou encore celles qui entrent dans le cadre d’exercices à l’étranger. Nous excluons également les interventions d’urgence décidées en application de l’article 51 de la Charte des Nations unies, relatif à l’invasion d’un pays.
En revanche, lorsqu’il s’agit de l’envoi de militaires en corps constitués à des fins opérationnelles, qui peuvent donc comprendre des combats dans des situations politiques souvent complexes et dans un cadre international avec un mandat, nous pensons que les élus du peuple doivent prendre leurs responsabilités et se prononcer.
Vous prévoyez de consulter le Parlement au bout de six mois. N’est-il pas préférable de l’avoir associé à la décision initiale, plutôt que de le placer devant le fait accompli ?
Vous l’aurez compris, alors que l’Assemblée nationale a réduit à quatre mois le délai au terme duquel le Parlement autorise la prolongation d’une intervention de nos forces armées à l’étranger, nous souhaitons, pour notre part, que la représentation nationale soit associée dès le départ à la prise de décision.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 110 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 139 est présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa de cet article :
Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 110.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il existe une incertitude sur le point de départ du délai de trois jours mentionné à l’article 13.
Ce délai commence-t-il au moment où la décision d’intervenir est prise ? Mais, comme l’avait observé le chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin, lors de son audition par la commission, le processus de décision complexe, qui peut impliquer des autorités nationales et internationales, ne permet pas toujours d’arrêter précisément la date à laquelle la décision est prise.
S’agit-il de la date de début de l’intervention ? Dans la mesure où celle-ci peut être connue avec précision, votre commission vous propose de la prendre pour référence comme point de départ du délai de trois jours, tout en permettant que l’information puisse être donnée plus tôt si le Gouvernement le juge possible.
Ainsi, le Parlement serait informé au plus tard trois jours après le début de l’intervention.