M. Bernard Saugey, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Jacques Mahéas ayant excellemment parlé des dispositions du projet de loi, je m’attarderai sur les perspectives et vous poserai de nouvelles questions, monsieur le secrétaire d'État. Cependant, elles resteront comme toujours…
M. Jean-Pierre Sueur. … non pas entre nous, car le débat est public, et j’espère que vous allez nous honorer de réponses publiques, mais dans les limites du raisonnable.
Les représentants des magistrats et des personnels de la chambre régionale des comptes de la région Centre que j’ai reçus, – mes collègues ont fait de même dans leur région – m’ont exprimé leurs inquiétudes face à l’avenir.
La révision générale des politiques publiques, la RGPP, est devenue une sorte de « concept omnibus » : quand vous posez des questions, on vous répond « RGPP » ; quand vous demandez des réponses, on vous répond encore « RGPP ». Or, vous comprenez bien, monsieur le secrétaire d'État, que ce sigle ne saurait suffire à satisfaire nos légitimes interrogations.
Je vous demande donc tout simplement quelles sont les intentions du Gouvernement quant au devenir des chambres régionales des comptes.
Permettez-moi de citer une lettre que m’ont adressée les représentants des magistrats et personnels de la chambre régionale des comptes de la région Centre.
« Le 5 novembre 2007, à l’occasion du bicentenaire de la Cour des comptes, le Président de la République a demandé au Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Seguin, de rédiger un rapport fixant les axes d’une réforme des juridictions financières. Ce rapport a été remis au Président de la République le 6 février 2008. Il n’a fait l’objet d’aucune concertation malgré l’importance qu’il revêt tant pour les citoyens ou les élus, notamment locaux, que les personnels concernés.
« Pour ce que l’on en sait puisqu’il n’a pas été rendu public et sur la base des seules informations que le Premier président a laissé transparaître à l’occasion de ses interventions, ce rapport s’inscrit dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. » Ce rapport préconiserait – j’emploie le conditionnel, monsieur le secrétaire d'État – « notamment le regroupement à un niveau interrégional des chambres des comptes », ce qui irait « à contre-courant du mouvement de décentralisation engagé en 1982 et amplifié en 2004. »
D’ailleurs, faisant preuve d’une grande faculté de mémoire, M. Dosière a fait également observer que, lorsqu’il avait été question de la création des chambres régionales des comptes, M. Philippe Séguin, qui était, à l’époque, député, n’avait pas manifesté sur ce sujet un enthousiasme communicatif et qu’il y était même opposé. (M. le secrétaire d'État sourit.)
Chacun peut évoluer ! Pour moi, la création des chambres régionales des comptes, due en particulier à Gaston Defferre, est une innovation importante.
Il était somme toute normal que la décentralisation s’accompagne de la création de telles institutions, qui sont devenues, au niveau de chaque région, le pendant naturel de la Cour des comptes. Comme tous les élus locaux, j’ai d’ailleurs moi-même eu l’occasion de répondre très longuement aux multiples questionnaires et interrogations de la chambre régionale des comptes de ma région et de prendre connaissance des rapports qu’elle a publiés. Il m’est même arrivé d’en faire une lecture publique devant diverses assemblées.
Chacun s’accorde à louer le travail extrêmement précieux effectué par ces juridictions financières, qui permet une plus grande rigueur dans la gestion des fonds publics.
Monsieur le secrétaire d'État, outre mon interrogation sur la commune de Saint-Martin, j’aurai d’autres questions très précises à vous poser.
Premièrement, le Gouvernement a-t-il l’intention d’accroître les compétences des chambres régionales des comptes et de leur confier de nouvelles missions ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Si oui, lesquelles ? Plus particulièrement, dans l’hypothèse où vous instaureriez des procédures de certification, avez-vous l’intention de les confier aux chambres régionales des comptes ou à d’autres instances ? En outre, les chambres régionales des comptes se verront-elles attribuer de nouvelles missions relatives à l’évaluation des politiques nationales ou à l’extension des responsabilités des élus ?
Deuxièmement, au regard des compétences actuelles ou futures des chambres régionales des comptes, est-il normal que l’effectif global des magistrats et des personnels de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes soit resté constant et n’ait pas évolué depuis 1983 ? En effet, on dénombre aujourd'hui 320 magistrats et 1 100 personnels au total, comme il y a vingt-cinq ans.
M. Bernard Saugey, rapporteur. Les gouvernements socialistes ont leur responsabilité !
M. Jean-Pierre Sueur. Comme tous les autres qui se sont succédé, monsieur le rapporteur ! Du reste, M. le secrétaire d'État représente indissociablement le Gouvernement et la République.
M. Bernard Saugey, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. Alors que les missions des juridictions financières ont déjà beaucoup augmenté et qu’elles sont susceptibles de croître encore, cette stagnation des effectifs ne peut que nous préoccuper. J’observe d’ailleurs que mon collègue René Garrec, ici présent, suit ce dossier avec beaucoup d’attention, et je l’en remercie.
Monsieur le secrétaire d'État, dans un tel contexte, est-il pertinent d’envisager le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ? Est-il possible, est-il justifié de réduire encore non seulement les moyens, mais aussi le nombre des chambres régionales des comptes, comme cela a pu être évoqué ?
Je le rappelle, le budget des administrations publiques locales, des collectivités et des autres organismes publics locaux atteint aujourd'hui celui de l’État, soit près de 300 milliards d’euros. L'investissement public local, déjà plus important que celui de l’État, continue de s’accroître. À l’évidence, restreindre le contrôle de telles masses financières serait inadapté, alors même que nos concitoyens exigent plus de transparence dans la gestion des deniers publics et que les enjeux en la matière tendent à se déplacer vers le niveau local.
Il serait bon à mes yeux de maintenir une chambre régionale des comptes par région, et ce pour des raisons de proximité. Je vous invite d’ailleurs tous à vous rendre dans l’une de ces juridictions : vous pourrez y constater que le nombre de dossiers à étudier et de contrôles à effectuer est considérable, puisqu’ils concernent tout à la fois les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les établissements publics, les hôpitaux, les organismes de logement social, ainsi qu’un certain nombre d’associations.
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous garantir que le Gouvernement a précisément l’intention de maintenir une chambre régionale des comptes dans chaque région, et, par la même occasion, démentir les assertions et les mauvaises intentions prêtées aux uns et aux autres ? Comme vous le savez, une parole claire du Gouvernement, surtout au Sénat,…
M. Jean-Pierre Sueur. …permettrait de nous prémunir contre ce type de rumeurs qui peuvent courir ici ou là.
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Pouvez-vous donc nous garantir que le Gouvernement entend maintenir ce réseau des chambres régionales des comptes dans son intégralité et même renforcer ses moyens, eu égard aux nouvelles missions qui lui seraient confiées ?
Voilà, monsieur le secrétaire d'État, des questions simples et précises. J’espère que vous allez nous répondre avec la clarté et la transparence qui caractérisent toujours les bons ministres et les bons gouvernements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à renouveler mes remerciements au rapporteur, M. Bernard Saugey, pour le travail accompli par la commission des lois et pour les propos qu’il a bien voulu tenir tout à l’heure. Je salue également l’intervention des quatre autres orateurs, MM. de Richemont, Mahéas, Sueur et Vera.
Monsieur le rapporteur, votre contribution à ce texte nous permet de répondre aux attentes exprimées dans de récents arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, contestant le caractère équitable pour le justiciable des procédures juridictionnelles actuelles et critiquant leur longueur excessive. Je le souligne, ce souhait a d’ailleurs été relayé auprès de nous dans un récent courrier, en date du 27 mai dernier, émanant de la sous-direction des droits de l’homme, laquelle a elle-même été sollicitée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe. Cela prouve que, dans ce domaine, le Gouvernement fait l’objet de certaines pressions, très naturelles d’ailleurs, pour accélérer l’adoption du texte.
Monsieur Vera, sur cette thématique précise, comme sur d’autres, paraît-il, vous prétendez que nous nous alignons à l’excès sur les demandes européennes. En la matière, reconnaissez-le, il est tout de même dans l’intérêt de la justice et des justiciables d’agir ainsi, et nous n’allons pas, me semble-t-il, au-delà de ce qu’il est nécessaire pour tous.
Monsieur de Richemont, je partage naturellement votre constat sur la nécessité d’adopter ce texte, qui assurera une amélioration sensible du bon fonctionnement des juridictions financières grâce au raccourcissement et à la simplification des procédures, avec l’objectif de rendre ces dernières plus sûres pour les justiciables.
Pour autant – et j’en viens aux interrogations exprimées par MM. Sueur et Mahéas –, cette réforme des missions juridictionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes n’est qu’un préliminaire à la réforme d’ensemble des juridictions financières, annoncée par le Président de la République.
Monsieur Sueur, l’exercice que le Président de la République a demandé aux juridictions financières de conduire ne s’inscrit pas dans le cadre de la RGPP, même s’il va de soi que la Cour ne saurait se désolidariser de l’objectif général visé, à savoir une meilleure utilisation des fonds publics.
Par ailleurs, je vous le dis d’emblée, la réforme plus large sur laquelle vous vous interrogez fait toujours l’objet d’une concertation. Elle ne viendra donc en discussion au Parlement que d’ici six à huit mois, pas avant. Dès lors, il est un peu tôt pour parler d’un texte qui n’en est encore qu’au stade de la concertation.
Le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, a en effet reçu mandat du Président de la République pour lancer une concertation interne, au sein des juridictions financières, afin de réfléchir à la réforme envisagée, sur la base de certaines orientations retenues. Au terme de la concertation, le Premier président fera des propositions que le Gouvernement pourra éventuellement reprendre dans le texte qu’il présentera au Parlement. Je le répète, il est un peu tôt pour vous en dévoiler le contenu exact, alors que la concertation n’est pas terminée et que le Premier président n’a pas fait connaître ses propositions.
En tout état de cause, les trois orientations retenues sont clairement précisées.
Il s’agit, premièrement, de la certification des comptes des collectivités territoriales, lorsque son principe sera décidé. Elle sera alors opérée sous la responsabilité de la Cour des comptes.
Il s’agit, deuxièmement, de la transformation de la Cour de discipline budgétaire et financière en instance d’appel pour les décisions prises par les juridictions financières concernant la responsabilité des gestionnaires. Une concertation interministérielle sera menée pour traiter de l’opportunité d’un élargissement du champ des justiciables et d’une extension des incriminations.
Il s’agit, troisièmement, de l’adaptation de l’organisation de l’ensemble des juridictions financières, pour prendre en charge les nouvelles missions et assurer la fonction d’évaluation.
M. Jacques Mahéas. En quoi consiste cette adaptation ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Je ne suis pas en mesure de vous donner de réponses précises, puisque la concertation n’est pas terminée. Cette adaptation suppose simplement une coopération plus étroite entre la Cour et les chambres régionales, afin de conduire conjointement des évaluations de politiques publiques dans des délais raccourcis.
Telle est la teneur des orientations fixées au départ. Nous attendons naturellement que le Premier président nous précise sa vision des choses, une fois la concertation achevée. Il reviendra ensuite au Gouvernement d’élaborer un texte de loi.
Par conséquent, il est malheureusement beaucoup trop tôt pour pouvoir vous donner des réponses sur certaines de vos interrogations. Cela n’aurait pas de sens puisque nous ne connaissons pas l’issue de la concertation et les propositions du Premier président.
Au demeurant, cette réforme n’est en aucun cas l’expression d’une cure d’austérité imposée aux juridictions financières. Encore une fois, je peux vous assurer que, pour l’instant, les propositions de M. Philippe Séguin en la matière ne sont ni établies ni figées, et qu’il appartiendra ensuite au Gouvernement de décider de l’orientation qu’il souhaite prendre.
Par ailleurs, monsieur Sueur, j’ai toujours beaucoup de plaisir à débattre avec cet archéologue biblique de l’Assemblée nationale qu’est René Dosière ! (M. le rapporteur s’esclaffe.) Ses références parfois très anciennes – en l’occurrence, elles remontent à vingt-cinq ans – sont le fruit d’un travail de recherche et d’une grande mémoire.
Pour ma part – je le dis en toute franchise –, je n’ai pas le souvenir de ce qu’a fait Philippe Séguin lorsqu’il était député, puis président de l’Assemblée nationale. À l’époque, je n’étais moi-même, au Sénat, qu’un modeste collaborateur.
Sur cette affaire de Saint-Martin, je le reconnais, il faut tirer les choses au clair. Je vais donc faire procéder aux vérifications nécessaires et je vous enverrai, à vous-même et à M. Dosière, une réponse plus complète par écrit.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Pour le moment, je peux simplement vous apporter les précisions suivantes : le comptable a été muté, ce qui est bien le moins ; le trésorier-payeur général n’a pu faire nommer un remplaçant dans un délai suffisamment raisonnable pour rendre les comptes ; la possibilité offerte par les décrets de 2007 sur la nomination des commis d’office résoudra la difficulté pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er A
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° Dans la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 112-2, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près une chambre régionale des comptes » ;
2° Dans l’article L. 212-10, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
3° Dans la première phrase de l’article L. 212-12, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
4° Dans l’article L. 212-14, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
5° Dans les premier alinéa et seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 212-15, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public » ;
6° Dans l’article L. 241-2-1, les mots : « commissaire du Gouvernement d’ » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
7° Dans les premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 252-13, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public près une chambre » ;
8° Dans la première phrase de l’article L. 252-17, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
9° Dans les premier alinéa et seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 256-1, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public » ;
10° Dans l’article L. 262-24, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
11° Dans la première phrase de l’article L. 262-26, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
12° Dans l’article L. 262-43-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
13° Dans l’article L. 262-45-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
14° Dans l’article L. 262-56, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public » ;
15° Dans l’article L. 272-24, les mots : « commissaires du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentants du ministère public » ;
16° Dans la première phrase de l’article L. 272-26, les mots : « de commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « du ministère public » ;
17° Dans le deuxième alinéa de l’article L. 272-41-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
18° Dans l’article L. 272-43-1, les mots : « commissaire du Gouvernement de » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public près » ;
19° Dans l’article L. 272-54, les mots : « commissaire du Gouvernement » sont remplacés par les mots : « représentant du ministère public ».
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L’article 1er A est adopté.)
Article 1er
Le second alinéa de l’article L. 111-1 du même code est ainsi rédigé :
« Elle statue sur les appels formés contre les décisions juridictionnelles rendues par les chambres régionales et territoriales des comptes. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Cambon et Pillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 111-7 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas, au titre des cotisations qu’ils peuvent être autorisés à percevoir, aux organismes professionnels dont la loi a consacré l’indépendance. »
La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article L. 111-7 du code des juridictions financières définit le champ de compétence de la Cour des comptes de façon ambiguë, en faisant référence à une notion de « cotisations légalement obligatoires » qui n’a pas été définie par le Parlement lors des débats entourant l’adoption de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
C’est donc en réalité la Cour des comptes qui a décidé seule de l’interprétation à donner de cette notion, et cette interprétation a suscité des difficultés, notamment à propos des ordres professionnels, comme ceux des avocats.
Le Gouvernement a interrogé le Conseil d’État en sa formation consultative, lequel a rendu, le 8 mars 2007, un avis pour le moins embarrassé. Celui-ci, après avoir fait observer que les travaux parlementaires sont muets sur la question, avance que les conseils des ordres des avocats devraient entrer dans le champ du contrôle, car ils ont été habilités par la loi à lever dans un intérêt public des cotisations légalement obligatoires au sens et pour l’application de l’article L. 111-7 du code des juridictions financières.
Pour autant, il ne fait pas précisément référence aux obstacles juridiques qui viennent d’être précédemment évoqués. Il invite donc le Parlement à confirmer ou infirmer dans les plus brefs délais l’interprétation « littérale qu’appelle le texte ».
Il lui apparaît en effet que certains ordres devraient être soustraits au contrôle de la Cour des comptes, notamment en raison de la spécificité de leur fonctionnement et de leurs missions.
Les ordres des avocats relèvent de cette catégorie, car le contrôle se heurte aux exigences découlant des principes d’indépendance de l’avocat et de la profession d’avocat, de secret professionnel et d’autonomie des conseils de l’ordre, notamment pour l’administration des barreaux et l’accomplissement de leurs missions ordinales d’intérêt public.
Par ailleurs, le législateur a prévu que les décisions des conseils des ordres sont traditionnellement sous le contrôle de la seule autorité judiciaire.
Il convient donc de sortir rapidement d’une situation juridique ambiguë et donc préjudiciable, en précisant que les ordres dont l’indépendance a été expressément garantie n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 111-7 du code des juridictions financières.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Je souhaite vous faire part de trois réflexions.
Premièrement, comme l’a reconnu le Conseil d’État, la Cour des comptes a actuellement le droit d’effectuer un contrôle sur les finances des conseils de l’ordre des avocats, ce contrôle étant distinct de celui qu’exerce l’autorité judiciaire sur leurs décisions.
Deuxièmement, la commission des finances du Sénat a récemment demandé à la Cour des comptes de réaliser un contrôle sur la mise en œuvre des crédits des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA. La Cour des comptes et le rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » jugent nécessaire d’étendre ce contrôle aux barreaux en raison des étroites relations financières entretenues par ces derniers avec les CARPA.
Ces contrôles sont en cours, mon cher collègue ! Il pourrait donc sembler malvenu que le Sénat les remette en cause.
En revanche – et ce sera mon troisième point –, il importe de rappeler à la Cour des comptes, comme l’a fait le Conseil d’État, qu’elle doit effectivement veiller, d’une part, à respecter les exigences découlant des principes d’indépendance de l’avocat, de secret professionnel et d’autonomie des conseils de l’ordre et, d’autre part, à ne pas empiéter sur la compétence exclusive reconnue à l’autorité judiciaire en matière de contrôle des décisions des conseils de l’ordre. Quelques précautions doivent donc être prises au moment où ces contrôles sont effectués.
Sous le bénéfice de ces explications, la commission des lois demande le retrait de l’amendement n° 19 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, je crains de devoir m’aligner sur la position de M. le rapporteur.
Vous avez cité l’avis du Conseil d’État du 8 mars 2007. Or il ne saurait être question, au travers de ce texte, d’exonérer d’un tel contrôle de gestion un ordre professionnel au nom de l’indépendance de l’exercice individuel de sa profession par chaque membre, au moment où le principe de séparation des pouvoirs ne fait plus obstacle à ce que la Cour des comptes exerce un contrôle dans des conditions précisément définies.
Je constate d’ailleurs que la Cour des comptes a engagé depuis plusieurs mois une procédure de contrôle de quatorze barreaux. À notre connaissance, ces contrôles se sont déroulés sans incident ni plainte qui alléguerait une atteinte portée par les rapporteurs soit au secret des dossiers traités, soit à l’indépendance de l’exercice de leur profession. Il ne convient pas, dans ces conditions, de modifier l’équilibre du texte.
Par conséquent, je vous demanderai, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Cambon, l’amendement n° 19 rectifié est-il maintenu ?
M. Christian Cambon. Il était à mon avis important de rappeler, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi, quelles précautions doit prendre la Cour des comptes lors de l’examen des comptes des ordres des avocats. Toutefois, au bénéfice des précisions apportées par M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié est retiré.