M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le rapporteur, si je me permets de vous interrompre, c’est parce que l’adoption de la motion que vous défendez aurait pour conséquence de stopper là nos délibérations, alors précisément que, au soutien de la question préalable, vous avancez des arguments dont certains, sans pour autant être recevables en l’état, mériteraient sans doute d’être débattus.
Je me permets donc de souligner la contradiction entre la méthode que vous utilisez – mettre fin à toute discussion – et le discours que vous tenez,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Dominique Braye. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Bel. …dans lequel vous avancez un certain nombre de pistes dont nous aurions pu discuter si nous avions examiné les articles de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur Bel, à mon sens, l’importance des réformes inscrites dans cette proposition de loi rend précisément tout à fait illusoire la possibilité d’en débattre avant d’aborder l’examen de la révision constitutionnelle, la semaine prochaine en commission des lois, puis, dans quinze jours, dans cet hémicycle.
M. Jean-Pierre Bel. Sauf pour le Sénat !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’avoue d’ailleurs avoir quelques difficultés à comprendre l’attitude qui est la vôtre, chers collègues de gauche, sur le vote de la révision constitutionnelle, que je ne qualifierai pas de « chantage », car le terme est sans doute excessif (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Dominique Braye. Ce n’est pas du chantage, c’est du sabotage !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. …mais qui consiste, en rejetant l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, à rejeter son article 9, ce qui ne ferait que conforter le « verrou » de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En d’autres termes, chers collègues, pour lever ce verrou, il vous faut voter la révision constitutionnelle !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ou l’amender !
M. Dominique Braye. Ils sont incohérents !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. D’aucuns proposent également d’envisager une désignation des sénateurs par plusieurs collèges électoraux, correspondant chacun à une catégorie de collectivités territoriales. Ainsi, certains sénateurs seraient élus au titre des communes, d’autres au titre des départements, d’autres encore au titre des régions.
Par ces quelques remarques, j’entendais simplement tenter de démontrer combien il est prématuré de débattre des articles de cette proposition de loi, à la veille d’une révision constitutionnelle d’envergure. À l’évidence, la réflexion mérite d’être poursuivie et largement approfondie sur un grand nombre des aspects essentiels de ce texte. Il me semble d’ailleurs que nous sommes, pour la plupart d’entre nous, prêts à entamer une discussion de fond sur l’élargissement du collège électoral sénatorial.
En attendant, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. Il ne s’agit nullement, à mon sens, de fermer brutalement la porte à la proposition de loi de nos collègues socialistes (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), …
M. Guy Fischer. Vous la claquez !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … mais simplement de prendre acte du fait qu’il est impossible de mener à bien une telle discussion avant l’adoption de la révision constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Du point de vue du Gouvernement, il n’apparaît pas opportun d’examiner une proposition de loi dont les dispositions ne sont manifestement pas constitutionnelles, comme le montre notamment la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
En outre, l’examen d’un tel texte semble également prématuré, dans la mesure où la discussion du projet de loi constitutionnelle qui interviendra ici même dans les prochains jours devrait permettre au Sénat de conduire une réflexion sereine et concertée, en particulier sur le mode d’élection des sénateurs.
Soucieux de l’efficacité et de la cohérence des débats de la Haute Assemblée, le Gouvernement soutient donc la motion tendant à opposer la question préalable présentée par M. le rapporteur au nom de la commission des lois.
Enfin, j’aimerais faire une petite remarque, tout à fait courtoise, à l’adresse de Mme Assassi s’agissant du découpage des circonscriptions en vue des élections législatives.
Madame la sénatrice, je vous le rappelle, il s’agit tout simplement d’appliquer la loi, comme elle aurait dû l’être depuis vingt-trois ans ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Et pour les régionales ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel vient encore de s’exprimer tout récemment sur ce sujet. Cela aurait notamment pu être fait par le gouvernement Jospin après le grand recensement de 1999.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ne reprochez donc pas au Gouvernement d’avoir le courage de procéder à cette opération : il ne s’agit, je le répète, que d’appliquer la loi ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. C’est du tripatouillage électoral !
M. le président. Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisi d’une demande écrite, présentée par M. Jean-Pierre Bel, tendant à faire vérifier le quorum par le bureau du Sénat. Je vous en donne lecture :
« Monsieur le président, compte tenu de l’importance de la proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs, je vous demande, en application de l’alinéa 2 bis de l’article 51 du règlement du Sénat, de réunir le bureau du Sénat afin de vérifier le quorum de notre assemblée. »
Je rappelle que, aux termes de l’alinéa 2 bis de l’article 51 du règlement du Sénat, « le bureau ne peut être appelé à faire la constatation du nombre des présents que sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».
Il va donc être procédé à l’appel nominal.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L’appel nominal a lieu. - Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Yannick Bodin, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Pierre-Yves Collombat, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Frimat, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Odette Herviaux, Bariza Khiari, M. Serge Lagauche, Mme Raymonde Le Texier, MM. André Lejeune, Jean-Luc Mélenchon, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Daniel Reiner, Jean-Pierre Sueur, François Fortassin, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, MM. Guy Fischer, Robert Bret, Mme Josiane Mathon-Poinat et M. Jean-François Voguet.)
M. Jean-Luc Mélenchon. On vérifie plus sérieusement la présence des signataires que le quorum !
M. le président. La présence de trente signataires ayant été constatée, le bureau va se réunir, conformément à l’article 51 du règlement.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
M. le président. Mes chers collègues, le bureau du Sénat s’est réuni afin de vérifier si les conditions exigées par l’article 51 du règlement étaient réunies.
À la majorité, le bureau a déclaré que le Sénat était en nombre pour procéder au vote. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n’est pas vrai !
M. le président. Il va donc être procédé au vote sur la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je voudrais mettre en exergue, pour l’édification de notre assemblée, les conditions dans lesquelles le quorum a été vérifié, ce qui permet la poursuite de la délibération.
Le président du Sénat nous a indiqué que l’article 51 du règlement permet au bureau d’établir souverainement …
M. Dominique Braye. D’apprécier !
M. Jean-Luc Mélenchon. … que le quorum est atteint.
Cependant, si le bureau est souverain, cela ne le rend pas extralucide et ne lui confère pas la faculté de dénombrer à travers les murs les présents et les absents dans l’hémicycle ! (Sourires.)
C’est pourtant grâce à cette méthode qu’il a été procédé souverainement à la vérification du quorum ! Personne ne peut croire que nos excellents collègues membres du bureau, ayant à leur tête le président du Sénat lui-même, aient décidé souverainement que le quorum était atteint s’il ne l’était pas, mais ils n’ont pu fonder leur décision que sur un moyen surnaturel, car aucun autre ne nous a été indiqué !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bravo !
M. Dominique Braye. Bravo, monsieur le président !
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans ces conditions, je ne crois pas que cette décision grandisse beaucoup notre assemblée, surtout ceux qui l’ont prise ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Bret. Pourquoi ont-ils besoin d’un scrutin public, dans ce cas ?
M. le président. J’indique que, aux termes de l’article 51 du règlement auquel j’ai fait référence, « le vote est valable, quel que soit le nombre des votants, …
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous aggravez votre cas ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. …si, avant l’ouverture du scrutin, le bureau n’a pas été appelé à constater le nombre des présents ou si, ayant été appelé à faire ou ayant fait cette constatation, il a déclaré que le Sénat était en nombre pour voter ».
Je précise que, le bureau s’étant réuni, une majorité s’est dégagée en faveur d’une telle déclaration. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Par ailleurs, je signale que tous les groupes comptaient des absents lors de cette réunion !
M. Jean-Luc Mélenchon. Diversion !
M. le président. Je prie donc ceux qui voudraient nous donner des leçons de faire d’abord régner un peu de discipline chez eux ! Je les en remercie par avance ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En nous présentant une motion tendant à opposer la question préalable, la majorité refuse le débat.
Toutes les arguties ne pourront nous convaincre du contraire, car il est clair que le Gouvernement et la majorité refusent d’examiner, dans le cadre de la réforme constitutionnelle en cours, la question de la représentativité du Parlement. Ne soyons pas dupes !
Cela est d’ailleurs en contradiction avec les propositions du comité Balladur, qui avait envisagé un réexamen de la représentativité du Parlement et l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les élections à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Ces éléments de réflexion figuraient dans le rapport du comité Balladur, et vous refusez, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, d’en discuter.
Concernant le Sénat, vous arguez du fait que, à l’heure actuelle, dans la mesure où il n’y a encore eu aucune modification de la Constitution, la proposition de loi de nos collègues n’est pas constitutionnelle, eu égard à la décision rendue en 2000 par le Conseil constitutionnel, qui a interprété de façon plaisante pour la majorité la règle selon laquelle le Sénat doit être désigné essentiellement par des élus.
Quoi qu’il en soit, nous allons précisément débattre d’une révision constitutionnelle dont le Gouvernement se plaît à dire qu’elle est la plus importante depuis 1958.
Or ce projet de réforme de la Constitution, outre qu’il comporte de nombreux points très critiquables, que nous aborderons en temps voulu, pèche lourdement par l’absence de propositions destinées à rapprocher les citoyens de leurs institutions et de leurs représentants, donc de réelle avancée démocratique pour le peuple. C’est sans doute la raison pour laquelle vous n’envisagez même pas de soumettre cette réforme à un référendum.
Dans le cadre de cette révision constitutionnelle, la question de la représentativité du Parlement, c'est-à-dire des modes d’élection, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, est omise de façon particulièrement notable.
De ce point de vue, le Sénat est caricatural. Aucune démocratie au monde ne peut se satisfaire qu’une assemblée législative soit toujours située du même côté de l’échiquier politique, quelle que soit la majorité dans le pays !
Vous entretenez sur ce point un faux débat : le Sénat, pour garder en quelque sorte sa raison d’être, doit être élu par les représentants des collectivités locales, et non directement, par voie de conséquence, par les citoyens ! Or qu’est-ce qu’un territoire en dehors de la population qui y vit ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Un sénateur de l’UMP. C’est la Tchétchénie, par exemple !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment, en effet, légitimer une assemblée généraliste qui ne soit pas représentative de la population ? Votre raisonnement est pernicieux ! De surcroît, vous voulez l’inscrire dans la Constitution pour empêcher toute évolution démocratique du Sénat. À la limite, on pourrait considérer que chacune des 36 000 communes de France est un grand électeur, ce qui met en évidence l’absurdité de ce genre de raisonnement !
Nous ne sommes pas un pays fédéral. On ne peut donc établir un parallèle entre le Sénat français et, par exemple, le Sénat américain. Par conséquent, comment pouvez-vous justifier que la représentativité des collectivités territoriales ne corresponde pas au chiffre de leur population ?
Votre refus de débattre est grave. Il est d’ailleurs révélateur du véritable objectif que vous visez au travers de la révision de la Constitution que vous proposez, à savoir ancrer durablement une présidentialisation de notre régime, avec un Président de la République chef de l’exécutif, non responsable, et chef d’une majorité toute puissante. Telle est la réalité !
Tout cela est masqué par des aménagements cosmétiques de la vie parlementaire …
M. Jacques Valade. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … qui n’apportent aucun pouvoir supplémentaire au Parlement et n’engendrent pas une meilleure adéquation entre le Parlement et le peuple, ce qui est tout de même l’objectif à atteindre en démocratie !
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne proposez rien que la gauche puisse accepter, rien qui corresponde à une évolution démocratique !
Aussi voterons-nous bien entendu contre cette motion de procédure, laquelle, en cette période de révision de la Constitution, n’honore pas la représentation parlementaire, qui est le pouvoir constituant en l’absence de consultation du peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après les excellents propos tenus par mes amis Jean-Pierre Bel, Bernard Frimat et Pierre Mauroy, ainsi que par Mmes Éliane Assassi et Nicole Borvo Cohen-Seat, je ne vois pas vraiment pour quelles raisons la majorité persiste à refuser l’idée même d’un débat.
M. Christian Cointat. Que fait-on aujourd'hui ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas exposé un seul argument qui puisse nous convaincre que, sur un tel sujet, il est inutile de débattre.
M. Dominique Braye. Nous voulons un vrai débat ! Pas une discussion précipitée !
M. le président. Seul M. Sueur a la parole !
M. Jean-Pierre Sueur. Alors que nous avons du mal à débattre, nous voilà derechef en butte aux invectives de ceux qui croient qu’il suffit de crier pour se faire comprendre ; ils se font entendre, mais ne sont pas écoutés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Pour notre part, nous pensons qu’il faut envisager les choses de manière rationnelle.
Ainsi, dans notre proposition de loi, nous évoquons la représentation des départements et des régions. Chacun mesure le rôle que jouent aujourd’hui ces collectivités. Est-il raisonnable que, dans le corps électoral qui désigne les sénateurs, elles pèsent très peu, ne représentant qu’un très faible pourcentage des électeurs ? Que n’a-t-on pourtant entendu à cette tribune sur le rôle considérable des départements et des régions ? Certains ont cru pouvoir arguer qu’augmenter leur représentation allait porter tort aux communes !
En réalité, il s’agit de trouver un bon équilibre. C’est exactement ce que proposent Jean-Pierre Bel et les membres de notre groupe.
Nous avons en outre entendu des réactions, d'ailleurs bien piètres et confuses, s’agissant des inégalités dans la prise en compte de la population. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut prendre en compte les territoires, mais il faut aussi prendre en compte les populations, sinon il n’y a plus de démocratie.
À cet égard, j’ai entendu quelques arguties qui, très franchement, ne sont nullement convaincantes ; vous le savez vous-même, tout comme nous, monsieur le secrétaire d'État, mais vous refusez la vérité. Nous, nous la disons ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. C’est votre vérité !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous savez tous que cela ne peut continuer ainsi.
M. Jean-René Lecerf nous dit qu’avant de débattre de ce sujet, on pourrait en évoquer bien d’autres, en particulier le découpage cantonal,…
Mme Éliane Assassi. Ah oui !
M. Jean-Pierre Sueur. … les communes associées et leur représentation, l’intercommunalité. Oui, on peut parler de tout, mais qui prétendra qu’il faut d’abord traiter le sujet des communes associées pour pouvoir ensuite examiner de manière rationnelle la question du corps électoral des sénateurs ?
En réalité, beaucoup l’ont souligné, certaines menaces se font sentir, que nous redoutons ; je veux parler de l’adverbe « essentiellement » que M. Karoutchi a employé, notamment hier, devant la commission des lois.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet !
M. Jean-Pierre Sueur. L’idée semble être de verrouiller davantage encore les choses, de « constitutionnaliser » le fait que la majorité ne pourra jamais changer au Sénat. En disant qu’il faudra « essentiellement » qu’il y ait des élus au sein du corps électoral, l’on se prive, sauf à réviser la Constitution, de la représentation équitable des populations.
Enfin, comment ne pas être sensible aux paroles toutes simples du Premier ministre Pierre Mauroy, selon lesquelles il n’y a pas de démocratie sans alternance ? L’alternance est une chance, une respiration dans une République, dans une démocratie normalement pleine et entière.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas notre faute s’il n’y a pas d’alternance !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous refusez l’alternance, et cela est contraire aux principes républicains ! C’est pourquoi vous êtes gênés et ne voulez pas en parler. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Mais soyez-en sûrs : la force de la République, de la démocratie, de la citoyenneté finira par s’imposer, ici comme partout ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UMP.
M. Claude Domeizel. Parce que le quorum n’est pas atteint ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. C’est ce que nous allons voir, un peu de patience !
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Il y avait donc bien le quorum ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l’adoption | 198 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Robert Bret. Applaudissements honteux !
M. le président. En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
5
Effectifs des commissions permanentes
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
Ordre du jour réservé
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution, présentée par M. Jean-Jacques Hyest, tendant à actualiser le règlement du Sénat afin d’intégrer les sénateurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin dans les effectifs des commissions permanentes (nos 345, 359).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous avons été saisis d’une proposition de résolution, déposée par le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qui vise à corriger une anomalie de notre règlement intérieur.
En effet, si notre règlement intérieur a prévu l’évolution du nombre des membres de nos commissions permanentes jusqu’en 2014, il n’a pas prévu que cette année seront élus deux sénateurs supplémentaires, représentant Saint-Barthélemy et Saint-Martin, qui devront donc siéger au sein de l’une des commissions permanentes.
La proposition de résolution prévoit simplement d’augmenter le nombre des membres des commissions permanentes, afin de tenir compte de l’arrivée de ces deux nouveaux sénateurs. Naturellement, cela n’anticipe en rien sur les conséquences de l’éventuelle révision constitutionnelle, qui nous amènera à revoir le règlement intérieur dans son ensemble.
Cela étant, il faut que, dès le mois d’octobre, les nouveaux sénateurs puissent siéger dans une commission permanente. Dès lors, les effectifs de la commission des finances et de la commission des lois, actuellement de quarante-cinq membres, passeraient à quarante-huit membres en 2008 et à quarante-neuf membres en 2011.
Les effectifs des autres commissions connaîtront l’évolution prévue par notre règlement en application de la loi organique du 30 juillet 2003 et atteindront donc, en 2011, cinquante-sept membres pour la commission des affaires culturelles, la commission des affaires étrangères et la commission des affaires sociales, et soixante-dix-huit membres pour la commission des affaires économiques.
Cette proposition de résolution, qui n’a donné lieu au dépôt d’aucun amendement, a simplement pour objet de tenir compte de l’arrivée parmi nous de deux nouveaux sénateurs et de permettre leur intégration dans l’une des six commissions permanentes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Avec cette proposition de résolution, c’est une nouvelle fois le débat sur la représentativité du Sénat qui est ouvert.
Le Parlement est actuellement saisi d’un projet de révision constitutionnelle qui aborde de trop loin la question de la représentativité du Sénat, puisqu’il est seulement demandé, au travers de son article 9, que la composition du Sénat tienne compte de la population des collectivités territoriales dont il assure la représentation.
La discussion sur ce point n’a pas eu lieu puisque, comme nous l’avons vu voilà un instant encore, la majorité sénatoriale ne veut pas entendre parler d’une évolution de la seconde chambre, se satisfaisant d’un mode de scrutin antidémocratique et d’une représentation inégalitaire des territoires.
La caricature est patente. Vous rejetez, sans discussion des articles, une proposition de loi visant à élargir le collège électoral et à démocratiser l’élection sénatoriale mais, dans la foulée, vous organisez la présence dans les instances du Sénat, en l’occurrence au sein des commissions, du futur sénateur de Saint-Martin et du futur sénateur de Saint-Barthélemy.
Or la création de ces deux sièges n’avait qu’un objectif : assurer à la majorité sénatoriale un petit « coussin » supplémentaire de deux sièges, en cas de poussée à gauche lors des deux prochains renouvellements sénatoriaux. La représentation des territoires n’est qu’un alibi qui ne tient guère la route.
L’article 3 de la Constitution imposant l’égalité des citoyens devant le suffrage est violé par l’existence de tels sièges parlementaires. Une certaine idée de la démocratie peut-elle tolérer qu’un sénateur de Saint-Barthélemy soit élu par dix voix provenant d’un corps électoral comptant dix-neuf membres ? Est-il acceptable qu’un sénateur de Saint-Martin soit élu par dix voix issues d’un corps électoral composé de vingt-trois membres ?
Vous me direz que cette situation existe déjà à Wallis-et-Futuna et que les douze sénateurs représentant les Français de l’étranger sont désignés par un collège de cent cinquante électeurs, membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas le sujet !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Une situation déjà inacceptable ne saurait justifier, pour autant, la création d’une nouvelle situation tout aussi inacceptable !
Comble du cynisme, volontaire ou non, vous réservez à l’un de ces sénateurs une place à la commission des finances. C’est assez curieux, lorsque l’on connaît le caractère de paradis fiscal des deux collectivités territoriales de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Les nouveaux sièges au sein des commissions ne sont pas créés pour ces sénateurs-là !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous estimons, pour notre part, que la répartition des sièges du Sénat doit être revue en profondeur et selon une nouvelle clé permettant une représentation juste et équitable en fonction de la population. Représenter un territoire n’est pas une fin en soi et la démocratie ne peut être foulée aux pieds pour satisfaire une exigence répondant à des arrière-pensées politiciennes.
Nous voterons donc contre cette proposition de résolution.
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est n’importe quoi !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.