M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 321-1-1 du code de la route, il est inséré un article L. 321-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 321-1-2. - Tout propriétaire d'un véhicule mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 321-1-1 doit déclarer ce véhicule auprès de l'autorité administrative. Un numéro d'identification lui est délivré.
« Ces informations sont enregistrées, traitées et communiquées dans les conditions prévues aux articles L. 330-1 et L. 330-2.
« Chacun de ces véhicules doit être muni d'une plaque fixée en évidence et portant le numéro d'identification délivré. Dans des conditions définies par décret, la plaque peut être retirée au cours d'une manifestation sportive.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement tend à insérer un nouvel article L. 321-1-2 dans le code de la route.
Ainsi, tout propriétaire d'un véhicule non soumis à réception et dont la vitesse peut excéder vingt-cinq kilomètres par heure devra le déclarer auprès de l'autorité administrative qui lui délivrera un numéro d'identification. Le véhicule devra être muni d'une plaque portant le numéro d'identification et fixée en évidence.
Cette proposition d'identification obligatoire des véhicules non soumis à réception part du constat que les forces de l'ordre ont aujourd'hui des difficultés à appréhender les utilisateurs de ces engins sur la voie publique. La police et la gendarmerie sont en effet réticentes à les poursuivre en raison du risque d'accident. En outre, les véhicules des forces de l'ordre ne sont pas conçus pour s'engager sur des pelouses ou des terre-pleins.
Les cyclomoteurs, avant que leur immatriculation ne soit rendue obligatoire par le décret du 11 décembre 2003, posaient les mêmes difficultés aux forces de l'ordre. Leurs conducteurs bénéficiaient d'une immunité de fait.
Par analogie avec la procédure d'immatriculation, la commission propose donc de rendre obligatoire l'attribution d'un numéro d'identification à chaque engin, lequel numéro devra être visible. De la sorte, les forces de l'ordre pourront identifier à distance les véhicules contrevenants et retrouver par la suite le propriétaire. Le véhicule sera immobilisé, puis confisqué.
Cette solution présente également l'avantage de mieux tracer les engins acquis sur Internet, les propriétaires devant les déclarer.
Il reviendra à un décret en Conseil d'État d'en préciser les conditions d'application, comme c'est déjà le cas pour la procédure d'immatriculation des véhicules réceptionnés. Je pense que M. Mahéas trouvera ainsi satisfaction.
M. le président. Le sous-amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Compléter la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 3 pour l'article L. 321-1-2 du code de la route par les mots :
, qui doit être gravé sur une partie inamovible du véhicule
II. - Supprimer le deuxième alinéa du même texte.
III. - Rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du même texte :
Cette plaque peut être retirée dans le cadre d'une pratique sportive.
IV. - Compléter ce même texte par un alinéa ainsi rédigé :
« Les informations fournies lors de la déclaration peuvent faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions prévues par la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour défendre le sous-amendement n° 6 et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 3.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. L'amendement n° 3 permettra, avec la mise en place d'un numéro d'identification propre, à la fois de responsabiliser les propriétaires des engins par rapport à l'utilisation qui sera faite de ces derniers, d'assurer une traçabilité de l'ensemble des mini-motos, y compris de celles qui sont achetées sur Internet, et de faciliter les contrôles des forces de l'ordre, notamment en cas d'usage interdit sur la voie publique ou en dehors des terrains qui sont spécialement prévus à cet effet.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve de quelques précisions.
Tout d'abord, le numéro d'identification délivré par l'autorité administrative devra être gravé sur une partie inamovible du véhicule afin que sa présence soit permanente, évidente et lisible.
Ensuite, les conditions d'enregistrement, de traitement et de communication des informations liées à la délivrance du numéro d'identification des mini-motos devront être spécifiques, et donc définies en tant que telles par un décret en Conseil d'État, sous réserve de leur conformité à la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Enfin, le Gouvernement propose que la plaque reprenant le numéro d'immatriculation puisse également être retirée à l'occasion d'une pratique sportive et non pas seulement lors d'une manifestation sportive. Cette nuance est importante, car un sport ne se pratique pas uniquement dans le cadre de manifestations sportives.
Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 3.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 6 ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. À titre personnel, j'y suis très favorable.
En prévoyant de graver le numéro d'identification sur une partie inamovible du véhicule, le sous-amendement du Gouvernement complète utilement l'amendement de la commission. En fait, je n'ai qu'un regret, celui de ne pas y avoir pensé moi-même. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 6.
M. Jean-Claude Peyronnet. Mon intervention a surtout pour objectif d'obtenir une explication de la part du Gouvernement.
Pourquoi faut-il absolument que les plaques d'immatriculation puissent être retirées dans le cadre d'une pratique sportive ? Sauf à considérer qu'elles entraveraient le fonctionnement du véhicule, je ne vois pas en quoi elles seront gênantes. Il serait d'ailleurs tout à fait possible, pour une manifestation sportive, de les masquer par de la publicité ou d'une autre manière.
En outre, si ces plaques doivent être retirées pour la pratique sportive, cela signifie qu'elles seront faciles à enlever. Or mieux vaudrait qu'il soit le plus difficile possible de les retirer !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le numéro d'identification sera gravé sur le véhicule. La plaque, quant à elle, reprendra ce numéro. L'idée est que cette dernière soit suffisamment visible par les forces de l'ordre.
Si le Gouvernement prévoit la possibilité de retirer cette plaque, c'est pour éviter qu'elle ne blesse éventuellement l'utilisateur ou ne le gêne dans le cadre de sa pratique sportive, que cette dernière soit ou non exercée à l'occasion d'une manifestation.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 6.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
L'amendement n° 4, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 321-4 du code de la route, sont insérés deux articles L. 321-5 et L. 321-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 321-5. - Les personnes physiques coupables des contraventions définies à l'article L. 321-1-1 encourent également la peine complémentaire de confiscation du véhicule qui a servi ou était destiné à commettre l'infraction.
« Art. L. 321-6. - Les personnes morales coupables des contraventions définies à l'article L. 321-1-1 encourent également la peine complémentaire mentionnée au 5° de l'article 131-16 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à compléter le dispositif en prévoyant la peine complémentaire de confiscation en cas de condamnation. Il serait en effet anormal qu'une personne puisse continuer éternellement à être en infraction.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable.
Cette peine était déjà prévue par le texte initial, mais la commission des lois l'insère à un meilleur endroit.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Nous émettrons un vote positif sur ce texte. Cependant, bien des questions n'ont pas été débattues et restent en suspens, comme celle des moyens de la police et de la gendarmerie en matière de contrôles.
Nous l'avons dit, de nombreux maires sont confrontés au problème des mini-motos, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain.
Mme Nicole Bricq. Et périurbain !
M. Jacques Mahéas. Lorsque leurs administrés les interpellent pour se plaindre de la pollution ou du bruit de ces engins, ce qui peut créer des difficultés relationnelles importantes entre habitants et pratiquants, il est absolument nécessaire que la police ou de la gendarmerie puisse intervenir efficacement. Or le dispositif mis en place par le sous-amendement, sur lequel je me suis d'ailleurs abstenu, ne va pas faciliter les choses.
Une plaque d'immatriculation est un élément utile, qui doit être visible. Elle permet aux forces de l'ordre de procéder à des contrôles à distance et de savoir immédiatement si l'utilisateur du véhicule est ou non « dans les clous », si vous me permettez l'expression, autrement dit s'il transgresse la loi en circulant en milieu urbain ou rural, alors qu'il n'en a pas le droit.
Je le répète, la tâche de nos policiers ou de nos gendarmes ne sera pas facilitée. Il aurait été préférable que ce numéro d'immatriculation reste totalement visible afin de pouvoir être identifié beaucoup plus facilement, d'autant que c'est pratiquement la seule utilité de sa mise en place. Certes, l'identification sera possible sur un terrain privé. Mais les gendarmes et les policiers n'y interviennent que pour répondre à une sollicitation particulière.
Mes chers collègues, il nous faut réfléchir à cette question, peut-être à l'occasion de la deuxième lecture, s'il y en a une. En effet, si l'on finit par s'apercevoir que nos gendarmes et nos policiers rencontrent des difficultés à cause de ces plaques facilement amovibles, il faudra revoir notre copie.
En dépit de cet élément, nous voterons la proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
7
Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales ainsi que la commission des finances ont proposé des candidatures pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Marc Juilhard et Jean-Jacques Jégou membres du Comité de surveillance de l'établissement de gestion du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
8
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
accès aux soins dans les territoires ruraux
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour deux minutes trente, pas plus !
M. René-Pierre Signé. Quelle fermeté !
M. Aymeri de Montesquiou. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Je souhaite l'inscrire dans le cadre de l'aménagement du territoire, et donc de l'égalité des chances.
L'accès aux soins est, en milieu rural, un problème de plus en plus préoccupant.
M. René-Pierre Signé. C'est vrai !
M. Aymeri de Montesquiou. En effet, le nombre de médecins généralistes exerçant dans les zones rurales ne cesse de diminuer. Isolés, de moins en moins nombreux, les médecins ruraux doivent faire face à une charge croissante de travail. Beaucoup d'entre eux décident, pour cette raison, de prendre leur retraite sans que de nouveaux médecins viennent les remplacer.
Cette pénurie médicale pénalise les populations rurales, plus particulièrement les personnes âgées, qui ne peuvent pas se déplacer facilement.
La désertification médicale remet également en cause la sécurité sanitaire et allonge les délais de consultation, de diagnostic et de traitement.
Enfin, la difficulté à trouver un médecin de famille, quand elle s'ajoute à l'absence de commerces et de services publics, ne peut que dissuader des ménages de venir s'installer dans nos zones rurales.
Le respect du libre exercice de la médecine n'interdit pas à l'État de mettre en oeuvre des mesures incitatives visant à garantir le maintien d'un nombre suffisant de médecins en zone rurale.
C'est pourquoi, madame la ministre, il me semble que le moment est venu, dans les zones de revitalisation rurale, d'étendre aux médecins qui reprennent un cabinet existant les exonérations fiscales dont bénéficient déjà, dans ces zones, les médecins qui s'y établissent pour la première fois.
Par ailleurs, les maisons de santé, qui sont des structures associant localement plusieurs professionnels de santé, permettent de remédier à l'isolement et à la surcharge de travail des médecins ruraux. Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles mesures vous entendez prendre afin d'encourager la création et le développement de ces maisons de santé, particulièrement dans les zones de revitalisation rurale ?
D'une manière plus générale, pourriez-vous nous exposer les grandes lignes de votre action pour lutter contre la désertification médicale en milieu rural ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur de Montesquiou, je fais totalement mien le diagnostic que vous posez sur la désertification sanitaire de nombreuses zones rurales, ajoutant que cette désertification touche également des zones périurbaines.
Si nous ne faisons rien, cette crise de la démographie médicale ne fera que s'amplifier. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de prendre la question à bras-le-corps. Un certain nombre de mesures sont d'ores et déjà mises en oeuvre, d'autres se traduiront par des dispositions du futur projet de loi de modernisation de l'organisation de la santé, que le Parlement examinera à l'automne.
Pour préparer ce texte, j'ai réuni des états généraux de l'organisation de la santé. Pendant cinq mois, des professionnels de santé, des médecins, des pharmaciens, des membres de professions paramédicales se sont retrouvés avec des associations de malades et des élus territoriaux afin d'envisager des solutions.
Nous nous sommes également appuyés sur l'excellent rapport de votre collègue M. Juilhard (Manifestations d'approbation sur les travées de l'UMP)...
M. Charles Revet. Un travail remarquable !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et sur le très riche débat qui s'est tenu au Sénat au moment de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, débat qui ouvert de nombreuses pistes.
M. Charles Revet. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il faut améliorer les conditions de travail des professionnels médicaux.
La première piste est celle de la création de maisons de santé pluridisciplinaires au sein desquelles les professionnels exerceraient en mode libéral. Cela permettrait d'améliorer la coopération entre les professionnels de santé, de libérer du temps médical grâce au partage des tâches et des compétences.
Nous avons parallèlement à mettre en oeuvre des mesures de régulation entre les zones « sous-denses » et les zones « sur-denses ». Cet aspect relève de la négociation conventionnelle qui va s'ouvrir dans quelques semaines entre les syndicats de médecins et le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie.
Vous m'avez posé, monsieur le sénateur, une question très précise sur les exonérations fiscales dans les zones de revitalisation rurale.
Quand nous interrogeons les médecins, nous nous apercevons que ce n'est pas un problème financier qui les éloigne de ces zones, où les revenus qu'ils peuvent attendre de leur activité sont égaux, voire parfois supérieurs à ceux qu'ils pourraient escompter s'ils exerçaient dans une zone à plus forte densité.
Ce qui les éloigne des zones de revitalisation rurale, en vérité, c'est la crainte de l'isolement et d'une moindre qualité des conditions de l'exercice médical.
C'est cette donnée que nous devrons prendre en compte lors de la présentation du futur projet de loi de modernisation de l'organisation de la santé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. On ne récupère pas la TVA sur la construction des maisons de santé !
Plusieurs sénateurs UMP. Il est revenu !
M. le président. Nous saluons très cordialement notre collègue René-Pierre Signé, que nous nous réjouissons de retrouver parmi nous en bonne santé ! (Sourires et applaudissements.)
révision générale des politiques publiques
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 12 décembre dernier, a été présenté le premier volet de la révision générale des politiques publiques, comportant quatre-vingts propositions et faisant suite à une série d'audits réalisés dès juillet 2007 conjointement par des fonctionnaires et consultants privés dans tous les secteurs de dépenses de l'État.
Face à l'impérieuse nécessité de réduire les dépenses publiques, M. Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a établi un programme quinquennal qui prévoit le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, une répartition plus cohérente de l'organisation de l'État sur le territoire et une gestion de l'État plus efficace.
Le chantier de la réforme de l'État est déjà engagé depuis quelques années et il commence à produire des résultats, notamment grâce aux efforts de rationalisation rendus possibles par la LOLF, qui a également engendré un changement de mentalité dans les ministères et les administrations : désormais, le mérite ne s'y mesure plus à l'octroi de rallonges budgétaires, mais au contraire aux économies réalisées.
Ce changement de mentalité est d'autant plus indispensable que la France est le dernier pays à n'avoir pas réformé sa fonction publique. Le gouvernement socialiste espagnol de M. Zapatero, pour ne citer que lui, a réformé la sienne.
Le projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires présenté hier en conseil des ministres participe aussi de ce vaste chantier de réforme de l'État et des mentalités.
La faible croissance en Europe, l'importance des déficits publics, l'obligation de respecter les critères de convergence européens font de la réforme de l'État une nécessité qui devrait faire l'objet d'un consensus plus que d'un choix politique partisan. Si l'opposition était au pouvoir, elle n'aurait d'autre choix que de réformer, elle aussi !
Dès 2001, un rapport d'information du Sénat montrait que la réforme de l'État avait donné lieu à un consensus relativement large dans les pays où elle avait été entreprise.
Vendredi dernier, le Président de la République a présidé le deuxième conseil de modernisation des politiques publiques, au cours duquel a été annoncée une batterie de mesures qui devraient permettre d'économiser 7 milliards d'euros d'ici à 2011.
Cependant, cela n'est pas encore suffisant. Éric Woerth a lui-même affirmé lundi dernier qu'il fallait trouver 10 milliards d'euros par an pour parvenir à l'équilibre des finances publiques d'ici à 2012.
Ma question est la suivante : comment le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre cet ambitieux programme de réformes afin d'atteindre les objectifs visés ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, les décisions annoncées vendredi dernier par le Président de la République en matière de réforme de l'État sont historiques.
Évidemment, nous allons les mettre en oeuvre dans la plus large concertation avec les partenaires sociaux, les fonctionnaires et, bien sûr, les parlementaires.
Mme Catherine Tasca. Comme d'habitude !
M. André Santini, secrétaire d'État. Le Gouvernement est tout particulièrement attentif à l'association des assemblées. Au demeurant, le rapporteur général du Sénat participe activement au travail de la révision générale des politiques publiques et, avant même ce conseil de modernisation des politiques publiques, Éric Woerth a écrit au président de votre commission des finances pour lui proposer de venir présenter les orientations de réforme et d'en débattre devant le Sénat.
Ces réformes, mesdames, messieurs les sénateurs, représentent 7 milliards d'euros d'économies d'ici à 2011, dont 3 milliards sur les dépenses d'intervention et 4 milliards grâce au non-remplacement des départs à la retraite.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel sera le coût social de tout cela ?
M. André Santini, secrétaire d'État. Notre objectif est clairement d'être au rendez-vous que le Premier ministre nous a fixé : l'équilibre des comptes publics en 2012, sans recours à la solution de facilité qui consiste à accroître les prélèvements.
Pour cela, il faut que l'ensemble de la dépense publique - État, collectivités locales et sécurité sociale - progresse désormais de 1 % en euros constants, alors qu'elle croît de 2 % depuis des décennies.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr ! Supprimons tout !
M. André Santini, secrétaire d'État. Cela représente une économie de 10 milliards d'euros par an.
Compte tenu de la progression des charges d'intérêt et des pensions ainsi que des prélèvements sur recettes, si l'on veut regagner quelques marges de manoeuvre pour des politiques nouvelles, il nous faut obtenir 5 milliards d'euros d'économies par an sur le budget de l'État.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En faisant des économies sur le dos des pauvres ! Vous avez accordé 15 milliards d'euros aux plus riches !
M. André Santini, secrétaire d'État. Nous avons trouvé 7 milliards d'euros sur trois ans. Nous sommes donc à la moitié du chemin.
Pour l'État, cela représentera une stabilité de ses dépenses en euros constants sur les trois budgets à venir.
C'est donc un véritable défi, qui nécessite d'assumer des décisions parfois reportées depuis longtemps, mais les travaux précis de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, sur chaque politique publique montrent que c'est possible.
C'est un rendez-vous de rupture avec l'accumulation continue de nos dettes. C'est un rendez-vous de justice à l'égard des plus faibles, qui ont tout à perdre de l'affaiblissement d'un État impécunieux,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les 15 milliards d'euros de bouclier fiscal, c'est une mesure de justice pour les plus faibles ? Ça prête à rire !
Mme Raymonde Le Texier. Non, c'est votre talent !
M. Louis Mermaz. Votre talent d'orateur !
Mme Raymonde Le Texier. Qui sait si bien lire son papier ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. André Santini, secrétaire d'État. C'est un rendez-vous moral à l'égard de nos enfants, qui devront payer nos dettes.
Un État plus efficace et plus économe, ce sont des ménages plus confiants et moins prélevés. C'est une économie plus compétitive où les citoyens ont l'assurance que chaque euro public sera dépensé au mieux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
réforme de l'état
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le Président de la République le déplore : les caisses de l'État sont vides. Le ministre du budget en rajoute en précisant qu'elles sont plus que vides !
M. Alain Gournac. À cause de vous !
M. Jacques Mahéas. Il aurait pu ajouter : « Nous les avons vidées ! » (Exclamations sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. En faveur des riches !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui : 15 milliards d'euros !
M. Jacques Mahéas. La cigale devra-t-elle se transformer en fourmi ?
Les indicateurs économiques sont tous dans le rouge : croissance en berne, déficit public et dette publique à la hausse,...
M. Alain Gournac. Chômage en baisse !
M. Jacques Mahéas. ... moral des ménages au plus bas depuis que l'INSEE a commencé à le mesurer, en 1987. Il y a de quoi, quand le SMIC et les retraites évoluent deux fois moins vite que l'inflation ! De plus, hier, ils apprennent l'augmentation du prix du gaz et la suppression des tarifs sociaux de la SNCF : billets familles nombreuses, tarifs étudiant. À quand la suppression des billets congés payés ?
Votre langue fourche sur le mot « rigueur », que vous préférez maquiller sous diverses appellations, la plus récente étant la RGPP !
Dans les faits, vous appliquez deux méthodes.
D'une part, vous transférez de nouvelles missions aux collectivités territoriales sans leur allouer les moyens financiers pour les exercer.
M. Charles Revet. C'est vous qui l'avez fait !
M. Jacques Mahéas. D'autre part, la fonction publique est traitée comme une variable d'ajustement de vos errances budgétaires, avec pour maîtres mots : licenciements déguisés, intérim, pécule de départ...
Vendredi dernier, le Président de la République a annoncé, pour 2009, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Vous avez désorganisé la justice de proximité, vous fermez des classes et des services hospitaliers, vous externalisez, vous privatisez, vous taillez à la serpe dans les effectifs de la fonction publique...
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Jacques Mahéas. Le cas de l'éducation nationale est particulièrement préoccupant : 16 000 postes seront supprimés l'an prochain. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attention, le mammouth va vous tomber dessus !
M. Jacques Mahéas. Je constate les dégâts dans ma ville de Neuilly-sur-Marne.
M. Christian Cambon. Il y a encore des élections ?
M. Jacques Mahéas. Chaque jour - obsession communicante oblige, mais sans consultation du Parlement -, nous apprenons par la presse de nouvelles coupes claires qui déstabilisent notre économie et diminuent le pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires.
M. Michel Houel. Ce n'est pas vrai !
M. Jacques Mahéas. Vous avez pourtant une source d'économies évidente : supprimez donc le paquet fiscal (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées), devenu un boulet fiscal avec ses 15 milliards d'euros annuels !
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Charles Revet. Il n'y a pas de question !
M. Jacques Mahéas. Et ne nous rabâchez pas ses bienfaits supposés sur les heures supplémentaires - « Le premier bilan est négatif », titre Le Monde ! -, sur les successions moyennes et modestes - qui étaient déjà exonérées -...
M. Alain Gournac. La question !
M. Jacques Mahéas. ... ou sur le crédit d'impôt sur l'acquisition de logements, logements devenus inaccessibles !
M. le président. Monsieur Mahéas, si vous ne posez pas votre question, je vais devoir vous couper la parole !
M. Jacques Mahéas. Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous cette politique à courte vue, cette politique de sape, qui affaiblit le périmètre de l'État et sacrifie les services publics sur l'autel d'une rigueur qui ne dit pas son nom ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur Mahéas, je ne prétends pas remplacer M. le Premier ministre, mais vous gagnerez en poids ce que vous perdrez en finesse ! (Rires.)
Vous nous avez questionnés sur la RGPP ; cela a peut-être fait sourire les lecteurs de Vidocq ici présents, qui ont dû penser aux « renseignements généraux de la préfecture de police », alors qu'il s'agit - voilà le secret dévoilé - de la « révision générale des politiques publiques ». (Sourires.)
La RGPP est l'inverse d'un plan de rationnement, monsieur le sénateur. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La méthode Coué ne marche pas toujours !
M. Robert Hue. Premier prix de l'humour !
M. André Santini, secrétaire d'État. Les services publics auront bien les moyens de fonctionner, d'investir, de se réformer, d'améliorer le service aux citoyens. Il existait, dans les politiques publiques, des anomalies qui auraient dû être corrigées depuis longtemps ; ce que vous n'avez pas fait, ce gouvernement le fait enfin !
M. Jean-Claude Carle. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes au pouvoir depuis cinq ans !
M. Jean-Marc Todeschini. Qu'a fait M. Raffarin ?
M. René-Pierre Signé. Hypocrites !
M. André Santini, secrétaire d'État. C'est votre minute culturelle, apprenez à vous instruire ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Instruisez-vous vous-même !
M. André Santini, secrétaire d'État. Je citerai deux exemples.
Premièrement, estimez-vous normal que quelques grandes entreprises bénéficient de près de 85 % des aides à l'innovation alors qu'elles ne représentent que 35 % de la recherche et du développement privés ?
M. Charles Revet. Très bien !
M. André Santini, secrétaire d'État. Nous ne le croyons pas et nous allons donc réorienter ces aides vers les PME innovantes.
Mme Raymonde Le Texier. Hors sujet !
M. André Santini, secrétaire d'État. Deuxièmement, estimez-vous normal que les plus diplômés aient deux fois plus accès à la formation professionnelle que les titulaires d'un CAP ou d'un BEP ?
Mme Annie David. C'est pour cela que vous réformez le BEP !
M. André Santini, secrétaire d'État. Nous pensons, au contraire, qu'il faut réorienter le dispositif en faveur de l'emploi. Nous allons y travailler avec les régions et avec les partenaires sociaux.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous faites payer les régions !
M. André Santini, secrétaire d'État. Nous corrigeons les inégalités. Nous utilisons mieux les deniers publics au profit de ceux qui en ont le plus besoin. Voilà ce que nous faisons !
M. David Assouline. Pas de diversion !
Mme Annie David. Vous n'y croyez pas vous-même !
M. André Santini, secrétaire d'État. Vous évoquiez, monsieur le sénateur, l'évolution du nombre des fonctionnaires. Avec la RGPP, on remplacera un départ à la retraite sur deux. Ce n'est pas l'objectif de la démarche, c'est la conséquence des réformes qu'elle rend possibles.
M. Jean-Marc Todeschini. Quelle finesse, en effet !
M. André Santini, secrétaire d'État. Cela va nous permettre, sans augmenter les impôts, d'arrêter de transférer à nos enfants les factures de nos dépenses courantes.
M. David Assouline. Encore un argument plein de finesse !
M. André Santini, secrétaire d'État. Cette réduction d'effectifs est possible, Bercy en donne l'exemple.
Vous avez aussi parlé de l'abrogation du paquet fiscal. Une fois de plus, vous n'avez pas compris que nous voulions rompre ...
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, il faut conclure !
M. André Santini, secrétaire d'État. ...avec cette facilité à laquelle vous avez si souvent recouru, le plan de rigueur, l'équilibre par la hausse des prélèvements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. C'est écrit à la une du Monde !
M. André Santini, secrétaire d'État. Ce que vous proposez en demandant l'abrogation de la loi TEPA, c'est de reprendre 183 euros chaque mois à chaque salarié au SMIC qui fait quatre heures supplémentaires. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)