M. le président. Le sous-amendement n° 52, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :

« illicite au sens de l'article L. 122-45 du code du travail »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Avec ce sous-amendement, nous voulons apporter une précision. Il est vrai que la rédaction proposée par Mme le rapporteur est issue d’une jurisprudence. Mais, outre le fait qu’insérer dans le présent texte une telle précision prête un peu à confusion, si l’on doit tenir compte de la jurisprudence, encore faut-il ne pas la tronquer. Or la jurisprudence qui fait conclure à la commission que toute situation inégalitaire n’est pas le résultat d’une discrimination, est bien plus précise puisqu’elle prévoit, si on la lit jusqu’au bout, que ce n’est pas une discrimination « illicite au sens de l’article L. 122-45 du code du travail ».

Par conséquent, il me semble que, si l’on omet cette partie de la jurisprudence, on sort cette dernière de son contexte et l’on ajoute à la confusion dans un texte qui, pourtant, traite de discriminations.

Que l’on fasse la différence entre des discriminations et des inégalités de traitement qui n’en seraient pas, je le conçois, mais, s’agissant d’un texte sur les discriminations, je ne vois pas la nécessité de rajouter cette précision si on sort la jurisprudence de son contexte et si on en omet une partie.

C’est pour donner à la jurisprudence tout son sens qu’il me semble important d’ajouter les mots : « illicite au sens de l’article L. 122-45 du code du travail », article qui traite effectivement de la discrimination au travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Parler en l’occurrence de discriminations illicites, madame David, c’est du même coup suggérer l’idée qu’il y aurait des discriminations licites…

En outre, il ne me semble pas judicieux d’ajouter cette précision, car elle n’apporte rien et ne change rien au fond de la question.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 3.

Il est vrai, comme le dit Mme le rapporteur, que les différences de traitement ne sont pas par principe illégales et qu’elles ne constituent donc pas par principe des discriminations. Néanmoins, nous ne sommes pas favorables à l’amendement n° 3, qui nous semble aller contre l’esprit des directives transposées.

En outre, cet amendement laisserait à penser que les différences de traitement entre salariés sont présumées légales, ce qui va à l’encontre de l’aménagement de la charge de la preuve prévu à l’article 4 du projet de loi.

Cet amendement va aussi à l’encontre des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2 du projet de loi, qui précise les conditions dans lesquelles une différence de traitement entre salariés est autorisée : il faut que la différence de traitement réponde à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée.

Nous pensons que l’amendement n° 3, qui ne reprend pas du tout ces conditions issues des directives européennes et qui porte sur un article relatif aux définitions, introduit de la confusion plus qu’il ne clarifie les choses.

Quant au sous-amendement n° 52, le Gouvernement y est également défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage l’avis de Mme la secrétaire d’État.

En effet, je ne vois pas quel avantage nous aurions à reprendre la jurisprudence ici : soit c’est une lapalissade, soit, ce qui me semble assez mal venu dans un texte comme celui que nous examinons, nous aurions l’air d’insister lourdement sur le fait qu’une différence de traitement entre les salariés ne constitue pas en elle-même une discrimination.

Dès lors, je crois, madame le rapporteur, que l’on pourrait fort bien se passer de l’amendement n° 3, qui, franchement, ne fait que brouiller les pistes !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, je tiens tout de même à vous rappeler qu’il s’agit en l’occurrence d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, que je relis : « Une différence de traitement entre les salariés d’une même entreprise ne constitue pas une discrimination au sens de l’article L. 122-45 du code du travail ».

Quoi qu’il en soit, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il me semble que le sous-amendement n° 52 n’est acceptable qu’à condition de supprimer le terme « illicite ».

En effet, écrire qu’une situation est « illicite au sens de l’article L. 122-45 du code du travail » sous-entend qu’elle peut être licite au sens d’un autre article, ce qui n’est pas acceptable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une erreur de notre part !

M. le président. Acceptez-vous la rectification proposée par M. le président de la commission des affaires sociales, madame David ?

Mme Annie David. Absolument, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet amendement par les mots :

« au sens de l'article L. 122-45 du code du travail »

Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ainsi rectifié ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 52 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3, modifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle constance dans les votes !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je regrette beaucoup que cet amendement n’ait pas été adopté. En effet, si, demain, une entreprise accorde, par exemple, une place de parking à un travailleur qui habite à vingt kilomètres de son lieu de travail, alors qu’elle en refuse une à celui qui travaille en face de l’usine, cela constituera une discrimination, puisqu’il y aura bien une différence de traitement entre salariés d’une même entreprise.

Parce que nous venons de refuser le principe qu’une différence de traitement ne constitue pas en elle-même une discrimination, toute différence de traitement sera bel et bien une discrimination, ce qui est tout à fait dommage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement purement déclaratif ne me paraissait pas nécessaire, mes chers collègues, même s’il ne manquait pas d’intérêt. La jurisprudence de la Cour de cassation en la matière est ancienne et constante.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais il s’agit d’une directive européenne et la Cour de cassation devra s’y conformer !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations
Article 3

Article 2

Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité :

1° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services ;

2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, la religion ou les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle est interdite en matière d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle.

Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ;

3° Toute discrimination directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité.

Ce principe ne fait pas obstacle aux mesures prises en faveur des femmes pour ces mêmes motifs ;

4° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est interdite en matière d'accès aux biens et services et de fourniture de biens et services.

Ce principe ne fait pas obstacle :

- à ce que soient faites des différences selon le sexe lorsque la fourniture de biens et services exclusivement ou essentiellement destinés aux personnes de sexe masculin ou de sexe féminin est justifiée par un but légitime et que les moyens de parvenir à ce but sont nécessaires et appropriés ;

- au calcul des primes et à l'attribution des prestations d'assurance dans les conditions prévues par l'article L. 111-7 du code des assurances ;

- à l'organisation d'enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe.

Le contenu des médias et de la publicité n'est pas considéré comme un accès aux biens et services ni comme une fourniture de biens et services à la disposition du public au sens du 4° du présent article.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 37, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I.  - Rédiger comme suit le 1°de cet article :

1° Toute discrimination directe ou indirecte opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, est interdite en matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services ou de fourniture des biens et services, d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, d'accès à l'emploi, d'emploi, de formation professionnelle et de travail, y compris de travail indépendant ou non salarié, ainsi que de conditions de travail et de promotion professionnelle ;

II. - Supprimer le 2°de cet article.

La parole est à Mme David.

Mme Annie David. Avec l’examen de l’article 2, nous entrons au cœur des récriminations de la Commission européenne, qui considère que les transpositions par la France ont été insuffisamment ou incorrectement opérées.

Par ailleurs, cet article soulève, selon moi, le plus grand nombre d’interrogations.

En effet, il a pour vocation de transposer dans notre droit les définitions des discriminations interdites, discriminations fondées sur des critères bien particuliers ; pour être franche, je dois dire que je regrette la rédaction qui a été retenue par le Gouvernement pour cette transcription, car elle s’éloigne considérablement de l’esprit de la directive.

Plutôt que d’ériger une interdiction générale de discrimination fondée sur une définition large et complète des actes et pratiques discriminatoires, le Gouvernement a préféré une rédaction en quatre sections, chacune d’elle répondant à un grief formulé par la Commission. Pourquoi ce choix, puisqu’il porte en lui des différences en termes de droit d’accès en fonction des différences des personnes ?

Ainsi, une personne appartenant à une ethnie bien définie aurait accès à la santé ou à l’éducation, alors qu’une personne handicapée, ou à l’orientation sexuelle particulière, n’y aurait pas accès ?

C’est bien de cette façon qu’est rédigé l’article 2 ; c’est en tout cas ainsi que je le comprends !

Cet article est, en quelque sorte, la quintessence des défauts de ce texte, qui se caractérise par son caractère hautement administratif et qui, au surplus, hiérarchise les discriminations !

Cette rédaction en quatre sections ne répondra pas de manière satisfaisante aux attentes des personnes victimes de discriminations ; elle pourrait même accroître leurs difficultés. En réalité, elle ne satisfait que le Gouvernement et traduit son désir d’en finir rapidement avec ce projet de loi, et ce d’autant plus, de l’aveu même de Mme Valérie Létard devant notre commission, que le Gouvernement veut prendre la présidence de l’Union européenne en ayant soldé ce passif.

Si l’on peut se féliciter de la bonne prise en compte des discriminations d’ordre ethnique ou national en matière d’accès à la protection sociale, à la santé, aux avantages sociaux, en matière d’éducation, d’accès aux biens et services, de fourniture de biens et services, en revanche on ne peut que regretter la moindre prise en compte des autres formes de discrimination. J’ai évoqué le handicap ou l’orientation sexuelle, mais je pense aussi aux discriminations commises à raison de l’âge ou de la religion, qui ne sont pas mentionnées au 1 du présent article.

C’est faire de la réalité vécue par nos concitoyens une véritable abstraction et méconnaître la réalité. Dans les faits, combien de couples homosexuels se voient refuser la location d’un appartement parce qu’ils ont opté pour une sexualité ne correspondant pas nécessairement à ce qui est considéré communément comme la norme ?

De très nombreuses associations se sont émues de cette situation ; je le sais pour les avoir rencontrées. D’ailleurs l’inter- LGBT – Lesbian, Gay, Bisexual and Transgendered People, adapté en français en « Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres » – a notamment demandé à Mme Valérie Létard de mettre fin à cette hiérarchisation qui fait reculer très loin dans le temps le combat pour les droits.

Il est difficile de trouver rédaction plus maladroite ! Il aurait été plus sage et plus simple de préciser au sein d’un même article l’ensemble des motifs discriminants. Le Gouvernement aurait pu, pour ce faire, combiner l’ensemble des motifs visés dans les directives européennes dont il est question aujourd’hui et ceux qui sont contenus dans l’article 225-1 du code pénal.

C’est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement qui a pour objet de remédier à l’inacceptable hiérarchisation des discriminations et des souffrances qu’induit la rédaction actuelle de l’article 2.

J’espère sincèrement que cette mesure de sagesse sera reconnue à sa juste valeur. Rappelons tout de même les raisons pour lesquelles nous légiférons aujourd’hui, au premier rang desquelles notre volonté commune de donner à tous nos concitoyens, hommes et femmes, les outils juridiques nécessaires à la pleine reconnaissance de leurs droits.

L’égalité est l’un de ces droits : il serait temps de passer de l’incantation à la réalisation, ce que vous ne manquerez pas de faire, chers collègues, en votant cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le 1° et le troisième alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

ou une race

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le 1° de cet article, remplacer les mots :

ou une race

par les mots :

sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, le handicap, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses,

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. La rédaction de cet alinéa a pour effet de créer une différence de traitement entre les discriminations selon les motifs qui fondent celles-ci. Il s'agit d'une transposition a minima de la directive 2000/43/CE, qui autorise les États membres à maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe de l'égalité de traitement.

En outre, cette disposition va à l'encontre de la volonté du législateur français, qui a constamment aligné le traitement de toutes les discriminations, sans créer de hiérarchie entre ces dernières.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. - Dans le 1° de cet article, après le mot:

race

insérer les mots :

le handicap ou l'état de santé

II. - Dans le premier alinéa 2° de cet article, après le mot :

handicap,

insérer les mots :

l'état de santé,

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Il s'agit en quelque sorte d’un amendement de repli, au cas où l’amendement n° 37 ne serait pas adopté.

Pourtant, cet amendement a toute son importance, car il vise à inscrire au 1° et au 2° de l'article 2 du projet de loi, qui énonce les discriminations interdites, des références explicites aux notions de handicap et d'état de santé.

Certes, ces mentions ne figurent pas expressément dans les directives ; toutefois, mes chers collègues, si vous faites parfois le choix d’une transposition partielle des textes européens, il me semble logique que vous puissiez inscrire dans le droit français des éléments plus favorables. Je crois d’ailleurs que la formulation de la Commission européenne ne laisse aucun doute en la matière – je l’ai citée tout à l'heure et je n’y reviendrai pas.

Vous avez donc toute latitude pour intervenir dans un sens plus favorable, ce qui serait justement le cas, me semble-t-il, si vous prohibiez la discrimination en raison de l’état de santé ou du handicap des personnes.

Je ne reprendrai pas notre débat de cet après-midi, lors de l’examen du projet de loi relatif à la journée de solidarité, qui portait sur les conditions de vie des personnes handicapées et atteintes de maladies invalidantes ; mais, tout de même, il serait grand temps de rendre à ces dernières toute la dignité à laquelle elles ont droit !

Il nous appartient de faire en sorte qu’à la misère – rappelons-le : ces personnes perçoivent une allocation de 624 euros par mois – ne s’ajoute pas la souffrance. Il nous appartient de faire en sorte qu’à la discrimination causée par la maladie ou le handicap, qui excluent, ne s’ajoute pas une discrimination socialement constituée. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 37, 16, 15 et 38 ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Nous constatons que l’Europe n’en finit pas de légiférer sur les discriminations et, bien entendu, nous pouvons imaginer que, dans très peu de temps, une nouvelle directive sera adoptée sur ce sujet ! (Sourires.)

Mes chers collègues, les remarques que vous avez formulées sont intéressantes, et il serait important de les faire connaître aux négociateurs des prochains textes européens, afin qu’ils puissent les prendre en compte.

Il me semble donc préférable d’attendre la prochaine directive et d’essayer d’y intégrer toutes les dispositions que vous avez proposées aujourd'hui, dont nous pouvons approuver le principe, mais qu’il n’est pas opportun, me semble-t-il, de faire figurer dans le présent texte.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 37.

Madame David, il n’existe actuellement aucune directive communautaire tendant à interdire les discriminations fondées sur les motifs que vous évoquez, en dehors du champ de l’emploi. Le gouvernement français, qui assurera bientôt la présidence du Conseil de l’Union européenne, est prêt à travailler dans le cadre communautaire afin de compléter la législation existante. Il soutiendra les initiatives que la Commission pourrait prendre en ce sens et recherchera, avec ses partenaires européens, la formulation la plus adéquate pour de nouveaux principes, sur la base des études d’impact qui sont nécessaires et dont nous ne disposons pas à ce jour.

Comme l’a souligné Mme le rapporteur, jusqu’à l’intervention d’une éventuelle directive, les discriminations de toute nature demeurent interdites en France en application de l’article 1er de la Constitution.

S'agissant des amendements nos 16, 15 et 38, le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 37.

Mme Annie David. Madame la secrétaire d'État, je prends acte de votre déclaration : pendant que la France présidera l’Union européenne, le Gouvernement s’engage à étudier toute modification ou amélioration du droit qui irait dans le sens de nos propositions d’aujourd'hui, c'est-à-dire de la reconnaissance des discriminations dont nous avons fait état.

Nous veillerons à vous rappeler votre engagement à la fin de la présidence française, si aucune directive sur cette question n’a vu le jour d’ici là.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 2° de cet article, après le mot :

précédent

insérer les mots :

dans les conditions prévues par les articles L. 122-45-3, L. 122-45-4 et L. 123-1 du code du travail

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet amendement vise à maintenir des dispositions plus favorables à la protection du principe d'égalité de traitement, conformément à l'article 8 de la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

L'article L. 122-45-3 précise les différences de traitement légitime fondées sur l'âge, l'article L. 122-45-4 celles qui sont établies sur le handicap et l'état de santé et l'article L. 123-1 celles qui reposent sur le sexe.

Toute nouvelle ouverture à d'autres différences de traitement, notamment si celles-ci devaient être fondées sur l’un des motifs visés à l'alinéa précédent, et qui ne seraient ni l'âge, ni l'état de santé, ni le handicap ou le sexe, abaisserait le niveau de protection contre la discrimination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement tend à restreindre excessivement le champ des dérogations prévues en matière d’interdiction des discriminations, qui sont bien encadrées par les trois conditions cumulatives prévues par le présent texte, à savoir l’exigence professionnelle et déterminante, l’objectif légitime et l’exigence proportionnée. Nous considérons donc qu’il n’y a pas lieu d’inscrire cette disposition dans le projet de loi.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :

ou de la maternité

par les mots :

, de la maternité ou de la paternité

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Le 3° de l’article 2 prévoit que toute discrimination « directe ou indirecte est interdite en raison de la grossesse ou de la maternité, y compris du congé de maternité ».

Cette rédaction va de soi en ce qui concerne les femmes qui bénéficient d’une distorsion de protection totalement justifiée par l’état de grossesse et la protection post-natale.

Toutefois, comme vous le savez, mes chers collègues, notre droit, grâce à une initiative prise par le gouvernement de Lionel Jospin, alors que Ségolène Royal était ministre déléguée à la famille, à l’enfance et aux personnes handicapées, inclut désormais un congé de paternité, également applicable en cas d’adoption.

Il est donc nécessaire que cette protection destinée plus spécifiquement aux pères soit inscrite dans le présent projet de loi, ce qui est tout à fait possible, dans la mesure où – faut-il le rappeler ? – la directive n’interdit pas que les dispositions plus favorables soient préservées dans les législations nationales. Contrairement aux propos qui ont pu être tenus, cette disposition ne créerait aucun problème juridique, car les droits spécifiques de la femme se trouveraient totalement garantis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Nous comprenons la préoccupation des auteurs de cet amendement, qui vise à étendre la protection contre les discriminations aux hommes bénéficiant d’un congé de paternité. Et ce souci n’est pas ridicule car, nous le savons, des pressions sont exercées sur les hommes pour qu’ils ne prennent pas leurs congés de paternité. Même si la logique de la transposition commandait de prendre en compte prioritairement la situation des femmes placées en congé de maternité, la commission a donné, à l'unanimité, un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, dont la rédaction est source de difficulté car elle laisse entendre que la paternité doit être mise sur le même plan que la maternité, par exemple en matière de congés familiaux.

Les directives transposées ont clairement posé le principe d’une asymétrie entre les principes de non-discrimination qui sont fixés en raison de la maternité et ceux qui sont établis à cause de la paternité. Si nous revenions sur cette distorsion, nous affaiblirions le principe posé par les directives, selon lequel des mesures de faveur peuvent être adoptées en raison de la maternité.

En effet, les directives n’ont pas tant pour objet d’autoriser les gouvernements à traiter les mères plus favorablement que les autres femmes que de leur permettre de traiter les mères plus favorablement que les pères.

En transposant ces directives, nous ne pouvons aller à l’encontre de cette volonté, sous peine de nous exposer à de nouvelles procédures d’infraction.

Par ailleurs, je souligne que les discriminations dont les pères pourraient être victimes sur leur lieu de travail, par exemple pour avoir pris un congé de paternité, sont interdites en vertu de l’article L. 122-45 du code du travail, qui proscrit toute discrimination en raison de la situation de famille.