M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 168, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, les deux entreprises Harmer+Simmons, située à Lannion, et Saft Power Systems, implantée à Chambray-lès-Tours, appartiennent depuis le 25 janvier 2005 à un fonds d'investissement américain dénommé Ripplewood Holding. Ces deux entreprises sont consolidées sur la holding France Power Supply Systems.
L'entité Harmer+Simmons France, qui existe depuis 1992, n'a gardé sur le sol français que les activités recherche et développement, prototypage, mise au point, qualification et commercialisation. Depuis 2007, toute la production a été transférée à un sous-traitant américain, Solectron, localisé en Roumanie.
Les marchés servis par Harmer+Simmons sont à quelque 90 % les marchés de télécommunications, avec un client prépondérant à hauteur de 80 % du chiffre d'affaires, Alcatel-Lucent. Cette entreprise de Lannion obtient depuis dix ans des résultats intéressants.
Sur le site de Chambray-lès-Tours, que vous connaissez certainement, monsieur le secrétaire d'État, Saft Power Systems développe une part importante de fabrication dans le secteur des télécommunications et le secteur industriel, dans des proportions respectivement de quelque 35 % et 65 %.
Les dirigeants de ces deux entreprises ont annoncé conjointement, courant janvier et février, un plan de suppressions de neuf postes sur chacun des sites. Les élus du personnel ont alors décidé d'alerter la direction du travail afin de faire respecter le droit, à travers la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.
Il n'y a eu aucune ouverture de négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC, au sein du groupe, et les comités d'entreprise n'ont été ni informés ni consultés sur la stratégie de celui-ci. J'espère donc, monsieur le secrétaire d'État, que vous allez pouvoir oeuvrer en vue du respect de la loi, qui n'a pas été appliquée dans ce cas précis.
Les salariés considèrent que cette façon de procéder, en dehors des procédures légales et réglementaires, est la porte ouverte à la mise en place d'autres objectifs qui risquent de mettre en cause l'existence même de ces établissements. En effet, les élus du personnel m'ont fait part de la menace qui pèse sur l'activité recherche et développement industriel pour Saft Power Systems : sa suppression serait envisagée, et l'activité recherche et développement en matière de télécommunications serait transférée vers un site en Inde.
Le risque d'abandon des projets dans le secteur des énergies alternatives, comme cela a été le cas pour le projet SOLEDO dans le domaine du solaire, est également probable. Au lendemain du Grenelle de l'environnement, ces projets de suppression sont difficiles à comprendre.
Enfin, le groupe envisagerait la création aux États-Unis d'un service recherche et développement pour Harmer+Simmons.
Dans quelle mesure pourriez-vous intervenir, monsieur le secrétaire d'État, pour éviter le démantèlement de ces deux entreprises qui ont fait la preuve, jusqu'à ce jour, de leur efficacité ? Aucune raison économique ne peut en effet justifier leur transfert.
L'innovation industrielle et le dynamisme créateur dont vous vantez les performances méritent aujourd'hui une attention particulière. Comment comptez-vous les favoriser et quelle action envisagez-vous de mener afin de maintenir sur notre territoire ces deux entreprises de pointe, dont l'activité recherche et développement est la clef de voûte ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame le sénateur, vous appelez mon attention sur les menaces qui pèseraient sur les salariés de la société Saft Power Systems, localisée à Chambray-lès-Tours, en Indre-et-Loire, que je connais en effet, et la société Harmer+Simmons, implantée à Lannion, dans les Côtes-d'Armor. Vous indiquez que des plans de restructuration visant à transférer des activités aux États-Unis et probablement en Inde sont annoncés sur ces deux sites. Vous précisez que la société ne respecte pas, en l'occurrence, les articles L. 320-2 et L. 320-3 du code du travail et me demandez ce que nous comptons faire pour que la loi de programmation pour la cohésion sociale soit respectée et que soient maintenues les activités de recherche et développement ainsi que les activités industrielles de ces deux sociétés.
Les deux sociétés que vous mentionnez font partie du groupe Saft Power Systems Holding, spécialisé dans la fourniture de matériels d'énergie. Saft Power Systems Holding emploie environ 1 500 salariés dans le monde, dont 1 100 en Europe. Ce groupe est propriétaire en France de la SAS Harmer+Simmons, sous-traitant en téléphonie, qui emploie 160 salariés à Lannion, ainsi que de la SAS Saft Power Systems, qui emploie 230 salariés, à Chambray-lès-Tours, pour la fabrication d'équipements de distributions et de commandes de boîtes de vitesse.
Les responsables du groupe ont annoncé leur intention de supprimer neuf emplois au sein de chacun de leurs établissements de Chambray-lès-Tours et de Lannion dans le cadre d'une réorganisation. Compte tenu du fait que ce groupe emploie plus de 300 salariés en France, il était tenu, comme vous le sous-entendez avec raison dans votre question, d'engager des négociations sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC, avant le 18 janvier dernier.
C'est pourquoi, à la suite des réactions des représentants des salariés et du rappel à la loi adressé aux deux sociétés par l'Inspection du travail, le groupe Saft Power Systems Holding a renoncé pour l'instant à son projet de suppressions d'emplois - seuls deux emplois devraient être supprimés sur le site tourangeau - et a engagé des négociations afin de disposer d'interlocuteurs syndicaux, compétents en droit, pour négocier des accords s'appliquant aux deux sociétés. À l'issue de ce processus, qui devrait en principe se dérouler au cours du mois d'avril, la société engagera des négociations sur la GPEC.
Ce n'est donc qu'une fois le processus de dialogue social et les négociations sur la GPEC terminés que nous devrions avoir une vision plus précise des intentions du groupe en matière d'emploi.
Je peux vous assurer que les services de l'État, en particulier les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'Indre-et-Loire et des Côtes-d'Armor, suivent l'évolution des négociations en cours et porteront une attention spécifique à celles qui sont relatives à la GPEC, lorsque ces dernières seront engagées. De même, ils seront particulièrement attentifs à l'évolution générale de la société quant à sa situation économique et sociale.
Il nous faut donc encore attendre quelques semaines pour connaître précisément les intentions du groupe en matière d'emploi. Cette stricte application de la loi me paraît de bon augure pour la suite. C'est en tout cas ce que j'espère. Je tiens à vous assurer, madame le sénateur, que nous suivrons ce dossier de très près.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai bien noté les informations que vous venez d'apporter quant aux nouvelles négociations qui vont s'engager afin de prendre en compte les règles juridiques en vigueur en ce domaine. En revanche, vous n'avez absolument rien dit de la consultation sur la stratégie du groupe.
Les délégués du personnel considèrent que la première démarche envisagée de réduction des effectifs vise non pas simplement à traiter une question immédiate mais bien à engager un processus à plus long terme, qui risque de se traduire par une perte de l'activité recherche et développement. Or, c'est bien connu, lorsque l'on commence à s'attaquer à cette activité dans ce type de secteur, le reste part très vite également.
Je veux donc vous alerter à nouveau, monsieur le secrétaire d'État, sur le fait que nous n'avons absolument aucune certitude concernant la stratégie qui sera celle du groupe. Des mesures de reprise des activités aux États-Unis ont déjà été engagées, et les risques de déplacement vers l'Inde sont toujours présents. Nous n'avons aucune réponse à nos questions.
J'espère que vous veillerez à ce que les richesses produites par les salariés à Chambray-lès-Tours et à Lannion continuent à alimenter le développement de cette activité sur notre territoire et ne soient pas pillées.
devenir de l'usine ford aquitaine industrie
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 172, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'État, à l'automne 2005, j'avais interpellé ici-même le Gouvernement sur l'état de gravité de la situation de l'usine Ford Aquitaine Industrie. Votre prédécesseur, M. François Loos, m'avait répondu ceci : « la pérennité du site de Ford Aquitaine Industrie à Blanquefort ne nous semble menacée ni à court terme ni à moyen terme ». Hélas ! ce n'était pas une vision prémonitoire.
La fermeture programmée d'ici à 2010 du site de production de l'usine de transmissions automatiques de Ford Aquitaine Industrie à Blanquefort entraînera la suppression de 1 800 emplois. Au-delà de l'emploi, cette situation aura des conséquences sur tout un environnement économique et social : 15 000 emplois induits vont être touchés, et de nombreuses communes seront privées des retombées de la taxe professionnelle. Ainsi, si Ford fermait, le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle perdrait une ressource de 9 millions d'euros, ce qui entraînerait une perte sèche, notamment pour les communes défavorisées.
Depuis le début de l'année, les organisations syndicales ont imaginé diverses formes d'actions de communication afin de sensibiliser la population des communes girondines aux conséquences dramatiques de la fermeture du site, pourtant particulièrement bien noté. L'organisation de forums avec les élus, le blocage du site avec paralysie de la production et les « opérations escargot » sur la rocade bordelaise constituent autant d'exemples illustrant la farouche et bien compréhensible détermination des salariés, qui ne peuvent se résoudre à la fermeture de ce site et à l'indifférence des dirigeants de Ford quant à l'élaboration de solutions alternatives.
La nomination récente d'un médiateur a contraint la direction à ouvrir des négociations salariales portant notamment sur le fameux contrat de garantie, c'est-à-dire l'indemnité minimale susceptible d'être versée aux salariés contraints de quitter l'usine.
Demain, 26 mars, M. John Fleming, PDG de Ford Europe, doit recevoir à Cologne une délégation de l'Intersyndicale. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, le désespoir et l'attente des salariés : ils ont du mal à admettre que la direction de leur entreprise soit prête à prendre en charge les 700 millions d'euros du plan de fermeture alors que l'investissement massif dans un nouveau produit serait d'un moindre coût.
Les syndicats ont travaillé et ont avancé des propositions alternatives illustrées par la proposition de création d'un pôle de recherche pour les véhicules hybrides essence-électrique. Il s'agit d'éviter une véritable catastrophe économique et sociale pour l'Aquitaine.
Si des investissements ne sont pas décidés très rapidement, les risques en matière d'emploi et de fermeture de cette entreprise seront encore plus grands. Or, les pistes de diversification sont aujourd'hui extrêmement faibles. Ainsi, une hypothèse reposant sur la construction d'éoliennes ne représente que de 100 à 200 emplois ; c'est dire que nous sommes loin du compte !
Monsieur le secrétaire d'État, qu'entend faire le Gouvernement pour mettre Ford face à ses responsabilités ? Avez-vous l'intention de prévoir un dispositif spécifique tant pour Blanquefort que pour l'ensemble de la Gironde en vue de répondre aux divers sinistres tels que Ford Aquitaine Industries, Solectron et First Metal ? Le département de la Gironde, malheureusement en voie de désindustrialisation, a besoin d'une politique ambitieuse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, la perspective de fermeture du site de Ford Aquitaine suscite l'inquiétude légitime des salariés et de l'ensemble des acteurs locaux, et appelle une mobilisation forte des pouvoirs publics à laquelle, sachez-le, le Gouvernement est disposé.
La mise en place, sous l'égide du préfet, d'un groupe de travail technique animé par la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, la DRIRE, rassemblant les représentants de Ford, des salariés et des partenaires locaux, a constitué une première étape, laquelle a toutefois montré ses limites.
Le 5 février dernier, Mme Christine Lagarde a réuni le PDG de Ford Europe et les principaux élus du bassin pour faire le point. Au cours de cette réunion, elle a demandé à Ford de se mobiliser pour trouver des solutions permettant à l'usine de conserver des activités dans le domaine automobile et de s'impliquer dans la recherche de solutions de diversification susceptibles de s'implanter et de se développer sur le site.
Elle a également souhaité que Ford désigne, au sein de la direction du groupe, un représentant de haut niveau qui puisse examiner avec l'ensemble des parties les différentes perspectives envisageables pour assurer l'avenir du site.
Au terme de cet entretien, le PDG de Ford Europe a confirmé que le groupe s'investirait très activement dans la recherche d'une solution acceptable. Il a confié à M. Kevin Benett, directeur au sein de Ford Europe, la mission d'être son représentant pour ce dossier.
Pour sa part, Mme Christine Lagarde a chargé M. Emmanuel Caquot, ingénieur général des télécommunications, chef de service à la direction générale des entreprises, d'assurer le rôle de chef de file des services de l'État. Elle a demandé à ses services de s'impliquer très activement dans ce dossier, sous la coordination de M. Emmanuel Caquot.
Ainsi, l'Agence française des investissements internationaux, l'AFII, se mobilise actuellement afin de contribuer à susciter tant l'intérêt des acteurs de la filière automobile que des offres de leur part. Dans le même temps, les services du ministère déploient tous leurs efforts pour faire émerger des solutions de diversification et pour participer à l'analyse de ces dernières.
Je me félicite de la relance, sous la médiation du directeur départemental du travail, du dialogue social entre les dirigeants de l'usine et les représentants des organisations syndicales.
En effet, nous veillerons à ce que le groupe Ford respecte les engagements pris au début du mois de février, engagements qui trouvent une première concrétisation dans la présence régulière de M. Benett sur le site et dans la décision de Ford de faire appel au cabinet Oneida, spécialisé dans la réindustrialisation des sites. Mme Christine Lagarde présidera le 17 avril prochain le prochain comité de pilotage afin de s'assurer par elle-même de l'avancement du dossier.
J'ai eu, voilà quelques instants, M. Emmanuel Caquot au téléphone. Il m'a indiqué que M. Benett serait reçu aujourd'hui même à Bercy.
Les services de la direction générale de l'industrie comme le cabinet du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ont l'intention de continuer à entretenir des discussions très serrées avec la personnalité désignée par le président de Ford Europe pour le représenter.
Loin de dire que les choses sont simples, je comprends et je partage tout à fait votre émotion, votre inquiétude et votre implication dans ce dossier.
Les pouvoirs publics - je peux vous l'assurer - joueront leur rôle, comme ils ont commencé à le faire. Ils continueront durant toute cette période à se mobiliser activement sur ce dossier pour tenter de trouver des solutions de diversification qui manquent malheureusement aujourd'hui encore.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Je ne doute pas de votre volonté en la matière, mais vous comprenez, je pense, les inquiétudes, la détresse, voire la colère des salariés de Ford.
Depuis 2002, les collectivités locales, le maire de Blanquefort, le président de la communauté urbaine, Vincent Feltesse, le président du conseil régional, Alain Rousset, le maire de Bordeaux, Alain Juppé, et moi-même n'avons de cesse d'interpeller l'État et ses représentants quant à l'épée de Damoclès qui plane sur cette entreprise.
Beaucoup de temps a été perdu ! C'est, vous le comprenez, une véritable catastrophe humaine et économique pour la Gironde.
J'espère donc que des solutions pourront être trouvées très prochainement.
situation dans les établissements pénitentiaires pour mineurs
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, auteur de la question n° 167, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Demontès. Madame la ministre, notre pays compte cinq établissements pénitentiaires pour mineurs, ou EPM, dans lesquels se trouvent 170 des quelque 800 mineurs actuellement incarcérés. Avec la nouvelle loi pénitentiaire, trois nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs devraient voir le jour, dont celui de Porcheville qui ouvrira ses portes le 20 avril prochain.
Or, un événement dramatique est survenu voilà quelques semaines : un jeune homme âgé de seize ans, incarcéré à l'EPM de Meyzieu, dans le Rhône, a mis fin à ses jours ; il avait déjà tenté de se suicider quelque temps auparavant.
Face à ce drame, vous avez déclaré ceci, madame la ministre : « Cela ne remet pas en cause ces établissements. » Parlant ainsi, vous vous placez dans la droite ligne de vos prédécesseurs qui, tout comme vous, ont vanté la création de ces établissements.
Aux dires de votre majorité, les EPM, dotés d'un nombre important de personnels éducatifs et pénitentiaires, offrant des activités permanentes et obligatoires, disposant de locaux modernes et d'une organisation de vie collective calquée sur celle qui se mène dans les foyers éducatifs, devaient quasiment faire oublier aux jeunes la réalité de leur incarcération. Or, il n'en est rien.
Différentes alertes vous ont été adressées par les personnels de ces établissements. Elles concernent, d'abord, les manques d'effectifs en personnels, tant en personnel pénitentiaire qu'en personnel de la protection judiciaire de la jeunesse, ensuite, l'écart constaté entre, d'une part, vos discours et ceux de vos prédécesseurs et, d'autre part, la réalité à laquelle les personnels sont confrontés au quotidien, enfin, les ambiguïtés ou les paradoxes qu'il serait temps de prendre en compte.
Contrairement aux dires de votre prédécesseur, M. Pascal Clément, les EPM ne sont pas des lycées entourés de murs. Non, les EPM ne sont ni des foyers ni de simples classes de lycées entourés de murs ! Loin d'être des lieux a priori adaptés aux nouvelles formes de délinquance, ce sont des lieux d'enfermement, des prisons pour mineurs, avec tout ce que cela peut produire ou amplifier dans le comportement de ces derniers.
Ainsi, comment ne pas évoquer la déjà trop longue liste d'incidents qui vont des insultes aux actes de violence, en passant par les tentatives d'incendie et les évasions ?
Cette réalité, dégradée par des moyens et des effectifs notoirement insuffisants, a découragé nombre de personnels. Certains ont déjà démissionné, d'autres souhaitent être mutés.
Bien évidemment, nous sommes convaincus que chaque acte de délinquance doit recevoir une réponse adaptée et proportionnée, qui ne peut être la systématisation de l'enfermement. La prison - c'est bien ainsi qu'il convient d'appeler les EPM - ne saurait constituer la seule réponse éducative à donner à des adolescents qui, lorsqu'ils commettent des actes de délinquance, se mettent eux-mêmes en danger, comme ils peuvent mettre en danger chacun d'entre nous.
La prison, nous le savons tous, est une réponse tragiquement inadaptée pour les mineurs. Elle ne permet pas à elle seule la mise en oeuvre de mesures éducatives. De plus, l'enfermement peut accentuer de manière dramatique les troubles du comportement et ne constitue en aucun cas un remède efficace contre la récidive.
Forte de ce constat et considérant que tout détenu est voué à retrouver la société des femmes et des hommes libres, je vous demande quelles dispositions vous comptez prendre pour qu'une véritable réflexion sur les EPM, leur finalité, leur fonctionnement et leur devenir soit rapidement menée.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, le suicide d'un adolescent de seize ans est un drame qui ne laisse personne indifférent. C'est la raison pour laquelle je me suis rendue à Meyzieu dès le lendemain, 9 février, où j'ai immédiatement convenu de mesures d'accompagnement des jeunes détenus de l'établissement avec l'aide de psychologues. C'est la première mesure que j'ai prise.
Comme vous le savez, cet établissement, ouvert depuis juin 2007, doit apporter une réponse adaptée à un certain type de délinquance. Les établissements pour mineurs, conçus pour accueillir jusqu'à soixante jeunes de treize à dix-huit ans, sont organisés en pôles éducatifs, sportifs et de santé et en unités d'hébergement de petite taille pour favoriser la vie en collectivité.
Le concept des EPM respecte les préconisations des règles pénitentiaires européennes adoptées par la France en janvier 2006. Les EPM répondent au principe de séparation stricte des adultes et des mineurs détenus. Ils permettent une véritable priorité de l'éducatif dans la prise en charge de ses mineurs.
Dans ce contexte, les jeunes détenus sont encadrés par une équipe pluridisciplinaire, spécialement formée, composée de personnels de l'administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la santé.
En plein régime, chaque établissement s'appuiera sur une équipe de 120 personnes.
L'emploi du temps des jeunes détenus est personnalisé pour tenir compte de leurs besoins et de leurs difficultés particulières. Ils suivent chaque semaine des heures d'enseignement général et technique, ainsi que des activités socioculturelles et sportives.
Après ce drame, il est indispensable de prendre le recul nécessaire, d'échanger avec les différents acteurs dans un climat apaisé et de soutenir l'ensemble des personnels de l'établissement.
Je ne souhaite pas remettre en cause, comme vous l'avez dit, madame le sénateur, les nouvelles structures, non plus que le travail considérable accompli par les intervenants.
La situation des personnels a été prise en compte.
Dès ce mois de mars, six éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ont intégré ces structures, lesquelles seront renforcées en avril par l'arrivée de personnels pénitentiaires.
Au niveau central, la direction de l'administration pénitentiaire et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse ont mis en place un dispositif d'appui et de conseil pour suivre l'ouverture des structures et pour proposer les ajustements nécessaires afin d'optimiser la prise en charge des mineurs détenus.
Je pense que ce dispositif sera à même de pallier les difficultés qui ont pu se présenter.
Enfin, je vous assure que je suis personnellement les enquêtes judiciaires et administratives en cours qui doivent déterminer les circonstances du décès de ce jeune détenu.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Il faut bien sûr savoir prendre du recul par rapport à ce type de drame.
Au-delà, l'ouverture des EPM doit se faire progressivement et de manière à permettre aux différents acteurs de travailler ensemble. À cet égard, l'une des difficultés rencontrées actuellement par ces établissements me paraît tenir à une nouveauté, à savoir la collaboration obligatoire entre les personnels de l'administration pénitentiaire et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse.
J'ai bien entendu, madame la ministre, vos propos sur l'extrême importance de cet accompagnement. Néanmoins, je voudrais insister aussi sur le problème budgétaire auquel est confrontée la protection judiciaire de la jeunesse du fait de la diminution de 30 % des crédits éducatifs. Or, comment mettre en oeuvre le volet éducatif sans les moyens nécessaires ?
Peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler plus tard, mais je voudrais dès aujourd'hui attirer votre attention sur les dangers des vases communicants : il ne faudrait pas que les moyens supplémentaires consacrés à ces établissements viennent en déduction des moyens finançant les autres objectifs de la protection judiciaire de la jeunesse, tout particulièrement la prévention de la délinquance par un suivi et un accompagnement des jeunes.
accueil des personnes en situation de handicap en foyer d'accueil médicalisé
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 160, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, ma question porte sur l'accueil des personnes en situation de handicap en foyer d'accueil médicalisé.
Le décret du 17 mars 2004 relatif à la définition et à l'organisation de l'accueil temporaire des personnes handicapées et des personnes âgées dans certains établissements et services sociaux et médicosociaux prévoit un accueil temporaire limité à quatre-vingt-dix jours par an.
Cependant, les familles demandent parfois à dépasser ce contingent de quatre-vingt-dix jours, sans pour autant souhaiter un placement à temps complet.
Par ailleurs, à ma connaissance, le décret mentionné a été abrogé, ce qui crée une situation de vide réglementaire.
Je souhaiterais donc savoir, d'une part, si un nouveau décret va être signé, d'autre part, s'il serait possible d'assouplir, au bénéfice des personnes atteintes de handicap et de leurs familles, les conditions de l'accueil à temps partiel et d'augmenter le contingent de quatre-vingt-dix jours par an.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord d'excuser l'absence de Mme Létard, en déplacement avec le Président de la République.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, comme vous, particulièrement attaché au développement de l'accueil temporaire, aussi bien pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées.
Cette possibilité offerte aux familles constitue un élément important du dispositif développé en faveur des aidants familiaux. Elle illustre parfaitement le fait que la solidarité nationale peut et doit s'articuler avec la solidarité familiale.
L'accueil temporaire répond à une demande fortement relayée par les associations lors des travaux de préparation puis de mise en oeuvre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, dite loi « handicap ».
Ce type d'accueil permet en effet de donner des temps de répit, indispensables pour permettre au reste de la famille de retrouver son équilibre et de reprendre des forces pour mieux accompagner leur proche vulnérable, bref de « souffler ».
C'est aussi un outil précieux de prévention de la maltraitance, qui peut malheureusement intervenir quand une famille arrive au bord de l'épuisement.
Vous vous interrogez sur l'abrogation du décret du 17 mars 2004 qui précisait le régime et les modalités de cet accueil temporaire.
Ce décret a été effectivement abrogé, mais ses dispositions ont été codifiées dans le code de l'action sociale et des familles. Le contenu de ces dernières n'a donc pas du tout été altéré.
Je voudrais vous rassurer sur un autre point : le contingent de quatre-vingt-dix jours prévu par le régime de l'accueil temporaire est en réalité conçu pour offrir un maximum de souplesse aux familles. Le contingent peut en effet se répartir sur toute l'année, selon le choix de la famille. C'est une forme de « droit de tirage », qui évite aux familles d'être tenues par un planning rigide, totalement défini à l'avance. Cette solution leur permet notamment de bénéficier d'un accueil d'urgence en cas de nécessité.
Vous le constatez, monsieur le sénateur, le Gouvernement s'est particulièrement engagé sur ce sujet ; cet engagement se traduit de façon très concrète en 2008 puisqu'une enveloppe de 9 millions d'euros a été consacrée à la poursuite du développement de l'offre de places dans ce secteur.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Me voilà donc rassuré s'agissant de la codification. Mais, madame la ministre, si j'ai bien compris, rien n'a changé s'agissant du contingent. Or, certaines familles - je le signale dans la mesure où des réflexions pourraient encore avoir cours - souhaiteraient vivement une augmentation du contingent, tout en conservant, bien sûr, la souplesse actuelle en ce qui concerne la répartition sur l'année de ce dernier.