compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Décision du conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
3
Demandes d'autorisations de missions d'information
Mme la présidente. M. le président du Sénat a été saisi par les présidents des six commissions permanentes de demandes tendant à obtenir l'autorisation de désigner des missions d'information ayant pour objet de concourir à la mission de contrôle du Sénat.
Ces missions d'information pourraient se rendre dans les pays suivants :
- Pour la commission des affaires culturelles :
En Inde, pour y étudier l'organisation de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment dans le secteur des nouvelles technologies ;
Au Brésil, dans le cadre de la préparation de l'année de la France au Brésil ;
- Pour la commission des affaires économiques :
En Russie, en vue d'étudier les fondements du dynamisme actuel de l'économie de ce pays ainsi que les enjeux énergétiques qu'il recèle ;
Au Japon, afin d'analyser les atouts de la deuxième économie mondiale ;
- Pour la commission des affaires étrangères :
Dans quatre pays des Balkans et en Russie, pour étudier l'évolution politique de cette région ;
Au Liban, au Darfour, au Tchad et en République centrafricaine, déplacements nécessités par l'actualité internationale ;
À New York, pour se rendre à l'Assemblée générale de l'ONU ;
- Pour la commission des affaires sociales :
En Polynésie, afin d'étudier la situation sanitaire et sociale dans ce territoire ;
Au Royaume-Uni et en Irlande, afin d'analyser l'organisation des services de santé et la politique familiale dans ces pays ;
Aux Pays-Bas, pour y étudier, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la réforme du système d'assurance-maladie ;
- pour la commission des lois :
Au Canada, pour étudier les dispositifs d'évaluation de la dangerosité des délinquants et les conditions de la prise en charge des délinquants sexuels de ce pays ;
En Polynésie française, afin de préparer la réforme du régime communal de ce territoire ;
À Mayotte, pour anticiper une éventuelle demande d'évolution du statut de cette collectivité à l'issue des élections de son conseil général ;
En Europe et, le cas échéant, en Afrique, afin de préparer la présidence française de l'Union européenne ;
- et pour la commission des finances :
Au Brésil, pour y poursuivre l'étude des phénomènes de globalisation et, notamment, tenter de mieux appréhender ce pays en tant que puissance agricole de rang mondial.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
4
Loi de finances pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).
Santé
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après examen par l'Assemblée nationale, la mission ministérielle « Santé » rassemble près de 427,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 425,7 millions d'euros de crédits de paiement, répartis en trois programmes d'importance inégale.
Cette présentation des crédits doit toutefois être fortement relativisée, pour trois raisons : d'abord, la mission ne comprend pas les crédits de personnel ; ensuite, les dépenses fiscales qui lui sont rattachées, d'un montant de 1,39 milliard d'euros, représentent trois fois les crédits budgétaires ; enfin, la mission apparaît à certains égards comme une mission « annexe » du budget de la sécurité sociale.
Je présenterai maintenant quelques observations sur les différents programmes.
Au sein du programme « Santé publique et prévention », les subventions accordées aux opérateurs - l'Institut national du cancer, l'INCA ; l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES ; et le GIP Drogues alcool tabac info service, ou DATIS - représentent plus d'un quart des crédits.
À l'exception de l'INPES, les opérateurs voient les subventions qui leur sont attribuées diminuer par rapport à la dotation prévue en loi de finances pour 2007. Leurs effectifs devraient également décroître, tout particulièrement ceux de l'INCA, qui fait l'objet d'une « reprise en main ».
Je regrette toutefois que, de manière globale, aucune donnée figurant dans les bleus budgétaires ne permette de disposer d'une vision consolidée de la situation des opérateurs, et je souhaiterais, madame la ministre, que des améliorations puissent être apportées sur ce point.
La lutte contre le cancer demeure la principale dépense du programme, puisqu'elle devrait mobiliser 56,4 millions d'euros en 2008, hors subventions accordées à l'INCA. On note cependant une diminution des crédits consacrés à cette action, alors que les crédits destinés à la lutte contre le VIH/SIDA, les crédits en faveur de la santé mentale et de la prévention du suicide, et les crédits affectés à la lutte contre la maladie d'Alzheimer augmentent.
Je souhaiterais toutefois disposer d'une vision consolidée des moyens mis en oeuvre par l'État et l'assurance maladie en ce domaine. L'instauration dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 d'une nouvelle franchise, qui devrait permettre de réaliser une économie de 850 millions d'euros, a pour objet d'accroître les financements en faveur de la lutte contre la maladie d'Alzheimer, du développement des soins palliatifs et de la lutte contre le cancer. Je souhaite donc, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions sur l'ensemble des financements destinés à ces actions : l'économie ainsi obtenue servira-t-elle effectivement à la lutte contre ces trois fléaux ?
À propos du programme « Offre de soins et qualité du système de soins », deux constats de fond s'imposent : d'une part, les crédits affectés à ce programme sont minimes par rapport aux dépenses incombant à l'assurance maladie ; d'autre part, les marges de manoeuvre du ministère apparaissent réduites pour ce qui concerne près de la moitié des crédits du programme, qui correspondent à la formation des médecins.
À terme, c'est la structure même de ce programme qui est en cause, comme l'a relevé un récent rapport du Comité interministériel d'audit des programmes ; nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure lors de l'examen de l'amendement que j'ai déposé au nom de la commission des finances.
Toujours à propos de ce programme « Offre de soins et qualité du système de soins », je formulerai deux observations plus ciblées.
D'une part, l'année 2008 s'annonce difficile pour la Haute autorité de santé, dont la subvention est maintenue à un niveau bas : 2,5 millions d'euros. Cela peut se révéler problématique dans la mesure où son fonds de roulement devrait être ramené à 13,3 millions d'euros à la fin de 2007. Or ses charges et ses effectifs ont connu une forte croissance, et l'article 29 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prévoit une extension de ses compétences.
Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions sur la situation de la Haute autorité de santé. Envisagez-vous, le cas échéant, de compléter sa dotation par voie de fongibilité en cours d'année ?
D'autre part, je voudrais souligner la très forte croissance des effectifs des opérateurs de ce même programme « Offre de soins et qualité du système de soins », car elle mérite qu'on y prête attention. En effet, les opérateurs ne sauraient s'exempter des contraintes que l'État lui-même s'impose en consentant un effort pour parvenir à la maîtrise de ses effectifs. J'insiste, madame la ministre, pour que l'on suive attentivement cet aspect, car le risque existe d'un démembrement de ce programme en faveurs d'opérateurs qui ne semblent guère concernés par l'impératif actuel de maîtrise.
Concernant le programme « Drogue et toxicomanie », ma principale observation portera sur le positionnement délicat de ce programme au sein de la mission « Santé », comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner au cours des années passées. Le transfert des crédits du groupement d'intérêt public DATIS vers le programme « Santé publique et prévention » et la diminution globale des crédits du programme « Drogue et toxicomanie » conduisent à s'interroger sur la nécessité de maintenir un programme d'une si faible ampleur, dédié à une structure particulière. Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous nous fassiez part de votre analyse sur ce point.
Je voudrais enfin interpeller les services de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, la justification au premier euro n'étant pas satisfaisante, c'est le moins que l'on puisse dire : elle est même parfois erronée. Je n'en ai pas tiré les conséquences, car des explications complémentaires m'ont été fournies, mais il est impératif qu'à l'avenir les crédits soient mieux justifiés.
Sous réserve de ces remarques et de l'adoption de l'amendement qu'elle présente, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'approuver les crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après la présentation très complète des grands équilibres de la mission « Santé » que vient de faire notre collègue de la commission des finances, je limiterai mon propos à trois sujets qui ont plus particulièrement attiré l'attention de la commission des affaires sociales à l'occasion de l'examen du présent projet de budget.
En premier lieu, il est clair que 2008 sera une année de transition. En effet, la majorité des plans de santé publique mis en place en application de la loi du 9 mars 2004 sont parvenus à leur terme ou arriveront à échéance dans les prochains mois. Au demeurant, nous souhaitons qu'ils fassent chacun l'objet d'une évaluation approfondie avant que de nouveaux projets ne soient engagés.
Un plan, le plan Alzheimer, est toutefois prioritaire puisqu'un deuxième volet verra le jour dès l'année prochaine. L'objectif est de proposer au plus vite aux 900 000 malades et à leurs familles des solutions de prise en charge adaptées, mais aussi d'améliorer la prévention et le dépistage de la maladie chez les « seniors ». À l'occasion de la Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer, le 21 septembre dernier, les grandes lignes en ont été dévoilées par le professeur Joël Ménard, président de la commission installée par le Président de la République pour dégager les axes d'action prioritaires sur cette question. Son contenu plus précis sera connu dès la fin de cette année 2007.
En 2008, le budget de l'État y contribuera pour 3,4 millions d'euros, soit deux fois plus que sa participation totale au plan précédent. Toutefois, comme pour tous les autres plans de santé publique, c'est à l'assurance maladie qu'il reviendra d'en financer l'essentiel, grâce en particulier, cette année, aux franchises médicales mises en place dans la loi de financement de la sécurité sociale que nous venons d'adopter.
L'association France Alzheimer estime à 12 milliards d'euros les besoins en matière de recherche, de prévention, de dépistage et de prise en charge. Or les franchises ne devraient rapporter que 850 millions d'euros par an et, à participation constante, la dotation de l'État ne s'élèvera qu'à une quinzaine de millions d'euros pour la durée du plan. Est-il prévu, madame la ministre, de mobiliser d'autres sources de financement, et à quelle hauteur ?
En deuxième lieu, je voudrais évoquer les mesures mises en oeuvre pour lutter contre la tuberculose. Nous sommes nombreux à nous inquiéter des conséquences du décret du 17 juillet 2007, qui a levé l'obligation vaccinale par le BCG alors que le risque infectieux est aujourd'hui préoccupant chez les publics les plus précaires, migrants et personnes sans domicile au premier chef, ainsi que dans certaines régions, notamment en Île-de-France et dans les Bouches-du-Rhône. Notre collègue Paul Blanc, qui a travaillé sur cette question dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, l'OPEPS, était d'ailleurs favorable à une obligation vaccinale ciblée.
À notre vive satisfaction, vous avez lancé, madame la ministre, un programme de lutte contre la tuberculose pour la période 2007-2011. Pouvez-vous nous en préciser le contenu et détailler les mesures qui pourront être prises dans les zones et pour les publics touchés par la recrudescence de cette maladie ?
En troisième lieu, enfin, j'aborderai le rôle de la MILDT, qui s'affirme cette année comme le pilote interministériel de la lutte contre la drogue et la toxicomanie et non plus comme un acteur sanitaire parmi d'autres de cette politique.
Deux opérations budgétaires concomitantes concourent à ce recentrage. Premièrement, les subventions aux associations seront versées par le ministère de la santé : de fait, ces associations interviennent le plus souvent pour des actions de prévention et de prise en charge, qui relèvent de la politique sanitaire. Deuxièmement, DATIS - le groupement d'intérêt public interministériel de téléphonie créé en 1990 pour conseiller et prévenir les consommations de produits psychoactifs et orienter les usagers vers une prise en charge adaptée - sera rattaché au ministère de la santé via l'INPES, qui gère déjà les autres opérateurs de téléphonie sanitaire et sociale.
Sur l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a d'ailleurs transféré de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » vers les services généraux du Premier ministre 4,5 millions d'euros correspondant aux emplois de la MILDT.
Dans la mesure où la MILDT n'engage plus directement de crédits pour des actions relevant du domaine sanitaire, le présent budget prévoit une diminution massive des crédits destinés à l'expérimentation. Il ne restera donc que 500 000 euros en 2008 pour tester de nouveaux modes de prévention, de prise en charge sanitaire et sociale et de contrôle de l'application pour le compte des ministères concernés. En 2008, les programmes expérimentaux financés par cette action concerneront la prévention dans les entreprises et la mise en oeuvre d'actions dans les zones urbaines sensibles et dans les prisons.
Si la commission des affaires sociales est favorable au repositionnement de la MILDT, elle s'inquiète néanmoins de constater que ses capacités d'expérimentation sont réduites presque à néant. En effet, certains projets innovants concernent non pas la prévention et la prise en charge sanitaire, mais la lutte contre le trafic ou l'amélioration de l'application de la loi, dont la direction générale de la santé ne se préoccupe pas. Qu'en sera-t-il de ces actions, madame la ministre ?
Sous réserve de ces quelques remarques et interrogations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Enfin, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » ayant été excellemment présentés par nos rapporteurs, je me permettrai simplement de saluer, compte tenu de la faiblesse des marges de manoeuvre budgétaires pour 2008, le maintien des crédits de cette mission à leur niveau de 2007.
Vous nous proposez, madame la ministre, un budget de continuité, un budget qui permettra à l'État de poursuivre les actions qu'il mène en faveur de la prévention et de la prise en charge des pathologies, de la gestion de l'offre de soins tout en dégageant les marges de manoeuvre nécessaires au financement des nouveaux besoins et des actions prioritaires, comme le nouveau plan Alzheimer, qui vient, dramatiquement mais naturellement, s'adosser au plan cancer lancé par le président Jacques Chirac et repris par le président Nicolas Sarkozy.
La maladie d'Alzheimer est un désastre, que malheureusement nous sommes nombreux à connaître. C'est un désastre pour le patient, qui, tel un vaisseau fantôme, s'avance vers la fin, coupé de sa famille, coupé du lien charnel et intellectuel avec les êtres qui lui sont chers.
C'est donc un drame personnel, un drame familial, un drame de société. Nous savons aujourd'hui les uns et les autres que ce drame sera de plus en plus fréquent et qu'il prendra une dimension de plus en plus importante dans l'économie de santé de notre pays.
On parle de « pathologie du monde moderne ». Qui peut le dire ? On parle de maladie que l'homme porterait dans ses gênes. Qui peut le dire ?
La maladie d'Alzheimer, associée à la longévité, touche aujourd'hui en France 860 000 personnes. Chaque année, ce sont 225 000 nouveaux cas qui se déclarent, engendrant beaucoup de souffrance et de détresse, tant pour la personne qui est atteinte par la maladie que pour son entourage. Le nombre de malades pourrait passer à 1,3 million en 2020 et à 2,1 millions en 2040, selon un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, l'OPEPS. Qui sait ?
Dans les années à venir, les coûts humains et financiers de la maladie d'Alzheimer, nous en sommes sûrs, continueront à devenir exponentiels, ils sont d'ores et déjà élevés tant pour les familles que pour la société, sans parler, bien évidemment, de l'investissement incroyable que représente l'accompagnement d'un malade par sa famille, par son conjoint, par la personne qui a décidé de se mettre à son service.
La lutte contre cette maladie doit donc être abordée avec détermination et l'on ne peut qu'approuver l'initiative du Président de la République de lancer un ambitieux plan de lutte contre la maladie d'Alzheimer et d'en faire une priorité politique.
Favoriser la recherche médicale, parvenir à une détection précoce de la maladie et obtenir une meilleure prise en charge des patients, tels seront les objectifs de ce plan.
La commission chargée de l'élaboration des propositions à partir desquelles seront définies les orientations de ce plan, a rendu son rapport au Président de la République, il y a quelques semaines. Il comprend dix objectifs, vingt-huit recommandations, quarante-huit mesures et constitue un vaste éventail de remèdes concrets à tous les niveaux - recherche, soin, accompagnement - qui devrait nourrir parfaitement le futur plan.
L'année 2008 verra donc la mise en oeuvre de ce plan, qui s'élèvera, vous l'avez annoncé, madame la ministre, à 3,2 millions d'euros, auxquels s'ajouteront les crédits dégagés par l'assurance maladie. Le Président de la République a annoncé qu'il définira l'engagement financier total du plan sur les cinq ans à venir avant la fin du mois de décembre. Avez-vous, madame la ministre, quelques informations à nous fournir sur cette annonce ?
En matière de financement, je tiens à insister sur le fait que les efforts devront être constants pour arriver à des résultats positifs : à titre d'exemple, la commission a évalué à une cinquantaine de millions d'euros les besoins supplémentaires pour la recherche.
La recherche devra retenir toute notre attention. Comme le soulignait le Président de la République, lors de la Journée mondiale de lutte contre la maladie d'Alzheimer, « sans test diagnostic validé, sans traitement, il n'y a pas d'arrêt possible de l'évolution de maladie ».
Avant de trouver les remèdes, il faut que les chercheurs comprennent le concept et les mécanismes de cette maladie. Or, aujourd'hui, la recherche française est dispersée et insuffisante : elle devra bénéficier d'un effort sans précédent.
Les chercheurs savent d'ailleurs pertinemment que rien de sérieux ne se fera sans une coopération sinon mondiale, du moins européenne : à ce titre, la perspective de l'inscription de la lutte contre la maladie d'Alzheimer comme priorité de l'Union européenne lors de la présidence française en 2008 me semble être une très bonne chose.
Dans l'immédiat, et parce qu'il existe une période inhérente à tout essai thérapeutique qui ne nous permet pas d'envisager de réelles avancées concrètes avant 2020, les patients sont là avec leur famille.
Il y a urgence à améliorer leur prise en charge. En la matière, le rôle du médecin traitant est essentiel : médecin de proximité, il connaît le patient dans son environnement et peut le suivre dans la durée. Il est le mieux placé pour faire disparaître les diagnostics tardifs, repérer les personnes qui peuvent avoir une maladie débutante.
Le dépistage précoce reste l'une des pistes thérapeutiques les plus efficaces. Pourtant, seulement la moitié des malades font l'objet d'un diagnostic correct.
Il est vrai que le difficile problème du bien-fondé de l'annonce précoce de la maladie peut être posé.
Tant qu'il n'y a pas de diagnostic, il n'y a pas de prise en charge et bien que les médicaments aujourd'hui disponibles ne sont que modérément actifs, ils permettent tout de même, nous le savons tous, une atténuation des conséquences de la maladie.
Il me semble d'ailleurs que les médicaments « anti-Alzheimer » ne sont prescrits que par les neurologues et les psychiatres. Peut-être pourrait-on donner aux généralistes la qualité de « primo-prescripteurs », contre l'engagement d'une courte formation par exemple, ce qui permettrait aux malades d'être traités immédiatement.
Ainsi, il faudra nécessairement penser à la formation des généralistes, car l'action du médecin traitant en faveur de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer doit être mieux organisée. Sa rémunération doit aussi être adaptée, car il s'agit de consultations longues : l'idée de la mise en place d'un « forfait Alzheimer » mérite, me semble-t-il, notre attention. Et la revalorisation de l'attractivité des métiers en lien avec la maladie doit être assurément traitée ; je pense en particulier aux médecins des zones rurales.
Je dirai un dernier mot sur l'accompagnement des familles, « l'aide aux aidants » étant l'un des aspects essentiels de la prise en charge de la maladie.
Outre les mesures visant à aider le maintien à domicile du malade qui nécessite d'aménager les logements, il faudra apporter une palette diversifiée de structures de répit pour les proches souvent totalement exténués et désemparés. Les familles peuvent avoir besoin d'être épaulées et doivent pouvoir « souffler » pendant quelques jours lorsqu'elles ont décidé de prendre elles-mêmes en charge le malade.
Jusqu'à l'accueil en établissement spécialisé lorsque ce dernier s'impose, il y a des situations où il n'est plus possible - nous en avons tous des exemples autour de nous -de demeurer au domicile. La commission a pointé les immenses difficultés à faire entrer les patients dans ces institutions, étant donné leur nombre insuffisant, avec de surcroît d'énormes écarts interrégionaux.
Il faut développer de nouvelles structures d'accueil, tout en poursuivant l'adaptation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, à la prise en charge des malades atteints de cette maladie et en assurant la formation des personnels soignants.
Il ne faut pas oublier que la maladie d'Alzheimer est la principale cause de dépendance des personnes âgées en France. À cet égard, il a été annoncé la création d'une cinquième branche de la protection sociale qui aura pour vocation de financer la prise en charge de la perte d'autonomie, qu'il s'agisse des personnes âgées ou des personnes handicapées. Peut-être êtes-vous en mesure sur ce dossier précis, madame la ministre, de nous indiquer les éléments qui guideront le Gouvernement dans la définition des contours de cet ambitieux projet, souvent annoncé.
Je n'ai pu faire autrement que de vous interpeller sur ce sujet : l'attente de nos concitoyens touchés par cette maladie est grande, à la mesure de l'espoir suscité par les perspectives du plan de lutte annoncé.
Je profiterai des quelques minutes qui me restent pour vous demander quelles sont les orientations de l'action que vous ne manquerez pas de mener contre le développement de l'obésité en France. Il s'agit là encore d'une question qui me tient particulièrement à coeur, car l'obésité connaît, en effet, un taux de croissance annuel alarmant de 5,7 %. Si toutes les populations sont touchées, ce sont les personnes les plus jeunes et les plus précaires qui sont les plus exposées.
Le Sénat a, par l'intermédiaire de la commission des affaires sociales, demandé l'organisation en janvier prochain d'un débat sur cette question et sur les moyens d'enrayer la progression inquiétante de ce fléau. Je ne manquerai pas d'y participer ayant, il y a quelque temps, déjà déposé une proposition de loi tendant à réduire le prix des fruits et des légumes en instituant un taux de TVA réduit à 2,1 % afin de stimuler leur consommation.
Dans les restaurants scolaires de ma ville, Brive-la-Gaillarde, je fais en sorte que les enfants puissent manger tous les jours des fruits frais, et je suis abasourdi de voir sur le marché de Brive-la-Gaillarde que le prix d'une pomme est hors de portée des bourses normales des ménages.
Si cette proposition est certainement difficile à mettre en oeuvre, j'en conviens, du fait notamment de l'existence d'une disposition européenne dite « clause de gel », peut-être existe-t-il un moyen de réduire le prix de ces aliments dans la perspective de promouvoir une alimentation saine, dont l'une des composantes est, bien entendu, la consommation régulière de fruits et de légumes frais.
Je reviendrai sur l'adoption par le Sénat, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'une disposition instaurant une taxe sur les boissons sucrées qui n'a finalement pas été retenue, simplement pour souligner que je partage la position de notre rapporteur Alain Vasselle, en estimant - bien que je sois, en tant que maire de Brive-la-Gaillarde, le maire d'une ville pilote et exemplaire dans l'exécution du programme national nutrition santé 2001-2005 et 2006-2010 - que l'instauration d'une politique plus percutante en la matière serait nécessaire.
Madame la ministre, pour toutes ces raisons et toutes celles que je n'ai pu développer, je voterai, ainsi que les membres du groupe UMP, les crédits de la mission « Santé ».
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé », plusieurs intervenants l'ont dit avant moi, stagnent alors qu'en 2006 et 2007 ils avaient augmenté respectivement de 10 % et 7,5 %.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. C'est pour cela que vous aviez voté contre !
M. François Autain. Cette stagnation apparente est, en fait, une régression si l'on intègre l'inflation de 2 % prévue en 2008 par l'OCDE. Cette stagnation ne résulte pas d'une diminution des besoins en santé publique, bien au contraire, mais elle traduit une pénurie de financement public consécutive aux cadeaux fiscaux faits cet été aux Français les plus riches.
Le Gouvernement doit réduire les dépenses jugées à tort improductives, parmi lesquelles figurent évidemment les dépenses de santé, mais aussi les dépenses d'éducation et plus généralement toute dépense à caractère social.
Je limiterai mon propos à l'examen des plans de santé publique et des crédits de la Haute autorité de santé.
Au cours de la période écoulée, la politique de santé publique des gouvernements successifs s'est traduite par l'annonce souvent très médiatisée et la mise en oeuvre d'une multiplicité de plans de santé.
En juin 2005, lors de l'examen de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, j'avais proposé un amendement visant à faire figurer, dans une annexe à la loi de financement de la sécurité sociale, les plans de santé en cours d'application, ainsi que les modalités financières de leur mise en oeuvre.
Je n'avais pas alors été suivi par le rapporteur. On peut le regretter, car il n'existe pas aujourd'hui de document qui fasse la synthèse de ces plans, retrace leur évolution, leurs conditions d'application, leur financement et présente une évaluation des résultats de ceux qui sont arrivés à leur terme. Compte tenu des informations, souvent lacunaires et dispersées, dont nous disposons, il est difficile de mesurer leur incidence sur la santé publique.
Seize plans de santé ont été décidés entre janvier 2001 et mars 2002 par M. Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la santé d'un gouvernement de gauche. Son successeur, M. Jean-François Mattei, a été plus modeste, se contentant apparemment des cinq plans stratégiques nationaux contenus dans la loi relative à la politique de santé publique promulguée en août 2004, qui arrivent d'ailleurs à échéance l'année prochaine.
Quant à M. Douste-Blazy, il a présenté, en un an, pas moins de quinze plans, sans égaler toutefois le record de M. Bernard Kouchner.
Depuis, cette fièvre planificatrice est, je le reconnais, un peu retombée. Désormais, on se contente le plus souvent de prolonger les plans qui arrivent à échéance. Certes, quelques nouveaux plans sont encore créés, mais leur nombre est moindre.
Le suivi de ces plans pose de nombreux problèmes, en ce qui concerne tant leur financement, leur faisabilité, leurs objectifs que leurs résultats.
Leur financement est souvent confus, entouré d'un flou budgétaire préjudiciable à leur efficacité. De plus, certains plans se recouvrent partiellement.
Ainsi, le plan cancer, dont les crédits s'élèveront à 3,2 millions d'euros en 2008, financera une partie des actions menées par le plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool au titre du financement des associations de lutte contre le tabac et l'alcoolisme.
Les sources de financement sont multiples. À titre d'exemple, je citerai le plan stratégique psychiatrie et santé mentale, dont le financement relève de l'ONDAM hospitalier, de l'ONDAM médico-social, de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et de la mission « Santé ».
La participation financière de la mission « Santé » à tous ces plans n'est pas systématique ; son niveau, très variable, mais généralement très bas, est établi sans aucune règle. Ainsi, elle est de 17 % pour le plan psychiatrie et santé mentale, de 12 % pour le plan douleur, mais seulement de 1 % pour le plan pour l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques créé en avril 2007.
L'articulation de tous ces plans avec l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, n'est pas évidente. C'est pourtant un vrai sujet qui n'a jamais été abordé de front. Leur impact n'est jamais pris en considération, ni avant ni pendant leur mise en oeuvre.
Les dépenses d'assurance maladie qui leur sont liées font partie intégrante de l'ONDAM, sans qu'il soit possible de les identifier en leur dédiant, par exemple, une sous-enveloppe.
Un ONDAM croissant de 2 %, voire de 1,5 % par an, dans l'hypothèse la plus basse, comme le prévoit la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, peut-il prendre en compte l'augmentation du volume des soins entraînée par la mise en oeuvre de ces plans ? L'État ne doit-il pas en tirer les conséquences et prendre une part plus importante dans leur financement, dès lors qu'il les considère comme une priorité de santé publique ?
Le Gouvernement, en lançant ces plans, fait souvent l'impasse sur leurs répercussions potentielles sur différents acteurs du système de santé, tels que les agences sanitaires ou la direction générale de la santé, posant ainsi clairement la question de leur faisabilité. De même, l'anticipation des évolutions organisationnelles nécessaires à l'application de certains plans fait défaut.
Ainsi, en 2005, le lancement du plan santé au travail a correspondu à une diminution de 87 % du nombre de postes d'internes en médecine du travail.
On pourrait en dire autant du plan périnatalité engagé l'année où l'on réduisait de moitié le nombre de postes offerts aux internes en pédiatrie.
L'évaluation de ces plans n'est pas explicitement prévue, et c'est sans doute la raison pour laquelle elle est rarement pratiquée.
Ni le plan cancer ni le plan Alzheimer n'ont fait l'objet d'évaluations. Pourtant, un second plan Alzheimer est sur les rails.
En revanche, sans que l'on sache vraiment pourquoi, le plan national santé environnement a fait l'objet d'une évaluation. Monsieur le rapporteur pour avis, vous indiquez que l'état d'avancement de 60 % des actions du plan était conforme aux prévisions. En réalité, cela signifie qu'il n'est pas du tout conforme aux prévisions !