M. Alain Milon, rapporteur pour avis. C'est votre interprétation !
M. François Autain. Il est vrai que les évaluations peuvent se révéler délicates lorsque les objectifs, comme c'est souvent le cas, ne sont ni clairs ni précis ; a contrario quand ils sont quantifiés, ils manquent de réalisme.
Pour conclure sur ce point, il manque un chef d'orchestre, une instance susceptible d'assurer la coordination et le suivi de tous ces plans, la détermination de leur contenu et de leurs objectifs, ainsi que la réalisation systématique d'une évaluation. Il va de soi que le budget de l'État, notamment à travers les crédits de la mission « Santé », doit prendre une part beaucoup plus importante dans leur financement, qui doit être transparent, notamment à l'égard de l'ONDAM.
De nombreux progrès doivent être réalisés pour faire en sorte que ces plans de santé deviennent des outils performants au service de la politique de santé publique.
J'en viendrai, pour terminer, à la Haute autorité de santé.
Tout d'abord, je regrette que l'examen de son budget ne s'effectue pas en même temps que celui des autres agences sanitaires, dont les missions sont très voisines.
Ensuite, je déplore le désengagement de l'État à l'égard d'une structure qui, pourtant, met en oeuvre des politiques publiques.
Cette situation est d'autant plus incompréhensible que vous venez - vous vous en souvenez certainement, mes chers collègues - d'élargir ses compétences dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, en lui demandant d'émettre des avis médico-économiques sur les stratégies de soin, de prescription et de prise en charge les plus efficientes.
On peut comprendre que la subvention n'ait été, en 2007, que de 1 million d'euros, compte tenu de l'existence d'un fonds de roulement pléthorique. Mais tel n'est pas le cas cette année, et il aurait fallu que la Haute autorité de santé retrouve le niveau de 2006, à savoir 9,6 millions d'euros. Or, en 2008, elle devra se satisfaire de 2,5 millions d'euros.
Non seulement vous mettez cette instance dans une situation financière inconfortable, mais vous l'affaiblissez, alors même qu'il faudrait la renforcer pour qu'elle relève un certain nombre de défis, parmi lesquels figure l'information des médecins.
Vous le savez, mes chers collègues, l'industrie pharmaceutique exerce aujourd'hui un quasi-monopole, soit directement soit indirectement, en matière d'information et de formation continue des médecins. Chaque année, elle y consacre 3 milliards d'euros, soit 25 000 euros par médecin, selon un rapport récent de l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales. Or la Haute autorité de santé ne dispose en tout et pour tout que de 1 million d'euros pour diffuser à ces mêmes médecins une information indépendante et objective, notamment sur le médicament. C'est dérisoire !
Cette situation très déséquilibrée n'est pas sans conséquences sur la sécurité sanitaire des Français et les dépenses d'assurance maladie.
Le Sénat avait adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement visant à confier à la Haute autorité de santé la mission de créer une base de données indépendantes sur le médicament. La commission mixte paritaire a dû renoncer à cette disposition devant le refus du Gouvernement de donner à cette instance les moyens de remplir cette mission.
Ce faisant, le Gouvernement rend un grand service à l'industrie du médicament, mais porte atteinte à la sécurité sanitaire des patients qui les consomment et lèse les assureurs qui les paient, tournant ainsi le dos aux principes sur lesquels repose toute politique de santé publique.
Dans ces conditions, vous comprendrez que le groupe CRC ne vote pas ce budget, madame le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que je l'ai dit rapidement lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, je réitère aujourd'hui mon attachement aux politiques de prévention, notamment aux politiques liées à l'éducation en matière alimentaire.
Je suis heureuse de constater que des enfants assistent ce matin, dans les tribunes, à nos débats, parce qu'ils vont être très intéressés par mes observations sur la prévention des risques en matière d'alimentation des enfants.
Mon mari a été longtemps président de la sous-commission de l'agriculture et de l'alimentation du Conseil de l'Europe. C'est la raison pour laquelle je suis aussi particulièrement attachée à ces questions.
On creuse sa tombe avec sa fourchette. Notre alimentation est notre première médecine.
Dans bien des domaines, l'heure n'est plus ni aux colloques, ni aux rapports, ni aux études, ni même à une journée mondiale contre l'obésité infantile.
Madame la ministre, l'heure est définitivement à l'action, surtout si l'on considère qu'un milliard de personnes sont en surpoids sur la planète, dont 300 millions sont obèses, chiffre qu'il faut comparer aux 842 millions de personnes qui souffrent de malnutrition. Dans ce domaine, se posent évidemment des problèmes de société.
L'obésité est une pandémie, c'est aussi un facteur aggravant d'autres maladies.
Avec 12,4 % d'adultes obèses, auxquels s'ajoutent 29 % de personnes en surpoids, ce sont au total 41 % de Français adultes qui sont en surcharge pondérale. Ce fléau n'épargne pas les jeunes, puisque 1,5 million d'entre eux souffrent d'obésité.
Au-delà de l'image corporelle, l'obésité a des conséquences graves sur la santé : élévation des graisses dans le sang entraînant de nombreux problèmes cardiovasculaires, insuffisances respiratoires, diabètes, augmentation de la pression artérielle.
La probabilité d'attaque cérébrale est multipliée par deux dans le cas d'un indice de masse corporel supérieur à 30, et l'espérance de vie est réduite de dix ans.
Les pathologies liées à l'obésité entraînent des coûts considérables pour les individus et la collectivité. Madame la ministre, je veux insister sur les conséquences absolument dramatiques de l'obésité ; une politique de prévention massive pourrait, me semble-t-il, alléger l'ensemble de nos déficits.
La Commission européenne a estimé que les dépenses liées à l'obésité coûtent chaque année entre 75 milliards et 130 milliards d'euros à l'Europe des Quinze. Les personnes obèses dépensent en moyenne 27 % de plus en soins de ville et 39 % de plus en produits pharmaceutiques.
Faudra-t-il en arriver à prendre les mêmes mesures que le maire de Philadelphie, qui a engagé une croisade en la matière en lançant le programme « Comment perdre 76 kilos en 76 jours ? ».
Après avoir perdu quarante kilos, une habitante de cette ville confiait qu'elle n'avait plus besoin d'insuline, de bonbonne à oxygène ni de déambulateur. Au final, cette croisade massive a permis une réduction des coûts liés à l'obésité.
Par ailleurs, aux Etats-Unis encore, une étude a été menée dans une classe qui suivait un cours de sécurité routière, au milieu duquel on a passé des spots publicitaires pour une pizza. À l'heure du déjeuner, 85 % des enfants de cette classe se sont dirigés sans hésitation vers les pizzas, alors que le pourcentage a été inférieur à 10 % dans une autre classe qui n'avait pas été sensibilisée à cette publicité.
Madame la ministre, les enjeux en matière de prévention représentent près de 40 milliards d'euros. Comme on l'a dit à plusieurs reprises, il faut absolument former les médecins. Savez-vous que plus de la moitié des patients qui commencent un traitement anti-cholestérol n'ont jamais essayé au préalable de suivre un régime pauvre en graisses ? On commence par ingurgiter des médicaments avant de faire un effort !
Je dirai un mot sur les maladies cardiovasculaires.
Une étude finlandaise montre que le fait de réduire d'un gramme notre consommation de sel entraîne une chute de près de 75 % du nombre des maladies cardiovasculaires chez les personnes âgées de moins de soixante-cinq ans.
Dès 1998, notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt a alerté les autorités sur ce sujet, posant chaque année la même question sur les excès de sel dans l'alimentation industrielle. Il lui a été répondu que notre situation n'était pas différente de celle de nos voisins, et qu'il n'y avait pas de quoi s'alarmer. Que de temps perdu, mes chers collègues !
Quant aux affections de longue durée, qui sont remboursées à 100 % par l'assurance maladie, elles nous donnent des indications sur leur coût actuel et futur, et une bonne part d'entre elles pourraient être évitées si des mesures de prévention étaient mises en place.
Le coût des affections de longue durée, ALD, est de 38 milliards d'euros. Cela représente cinq fois le déficit annuel de la sécurité sociale en 2005, 13 % des recettes de l'État, le montant annuel des intérêts de la dette de l'État et 60 % du budget de l'éducation nationale !
Madame la ministre, il est temps de se saisir sérieusement de ce problème ! Il est indispensable de dépasser le cadre strictement médical et de concentrer nos efforts sur la prévention de l'obésité infantile.
Des informations à caractère sanitaire défilent sous les messages publicitaires relatifs aux produits alimentaires : « Pour votre santé, évitez de mangez trop gras, trop sucré, trop salé » ou « Pour votre santé, bougez plus ». Elles sont absolument insuffisantes au regard du contenu du message publicitaire : par exemple, la tartine de Nutella, si fascinante et irrésistible, ou encore la pizza dont le parfum semble crever l'écran ! La forme du message publicitaire est extrêmement importante et il reste nombre de mesures à prendre sur les points de prévention. Je pense notamment à l'obésité infantile.
Certes, ce n'est pas si simple. J'écoutais l'allusion de notre collègue Bernard Murat au coût des fruits et légumes. Pourtant, le bilan coût-avantage d'une vraie politique de prévention en matière de risques et de sécurité alimentaire est évident et prouvé ; de nombreux rapports l'attestent.
Madame la ministre, vous avez une vraie croisade à mener sur ce thème. Nous sommes tous prêts à y travailler et nous serons tous à vos côtés. Si, grâce à la prévention, nous parvenons à réduire le déficit budgétaire d'environ 38 milliards d'euros - c'est, semble-t-il, le chiffre avancé par l'OCDE -, la tâche de notre valeureux président de la commission des finances du Sénat sera facilitée !
Madame la ministre, les membres du groupe du RDSE et moi-même voterons votre budget. Toutefois, nous avons tous à travailler sur ces problèmes d'obésité qui sont extrêmement importants. Cette action marquera, je crois, votre ministère.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le temps qui m'est imparti est court ; j'adopterai donc un style télégraphique !
Tout d'abord, nous ne pouvons que déplorer la faiblesse de vos crédits. Par rapport à l'année dernière, leur augmentation est dérisoire. Ils avaient augmenté un peu plus l'an dernier, mais c'était pour financer le plan de mobilisation nationale contre le cancer, qui arrive à échéance.
D'autres plans sont en cours. Le président de la République a lancé un plan national pour la prise en charge de la maladie d'Alzheimer, qualifié de « Grande cause nationale ». Je ne reprendrai pas les propos très justes de notre collègue Bernard Murat, qui, comme chaque année d'ailleurs, évoque sa bonne ville de Brive-la-Gaillarde et même son marché rendu célèbre par Georges Brassens. (Sourires.) Fort de ce précédent UMP, je me permettrai d'évoquer également tout à l'heure des questions locales.
Le désengagement de l'État en matière de santé publique est patent, et cela d'autant plus que les financements proviennent de l'assurance maladie. D'abord, crise après crise, on exonère de charges salariales telle ou telle catégorie - en dernier lieu les pêcheurs -, ce qui réduit encore les recettes de l'assurance maladie. Ensuite, l'État rembourse mal sa dette constante à l'égard de l'assurance maladie, en tout cas pas complètement. Enfin - il fallait oser y penser ! -, on fait appel au financement des patients eux-mêmes. C'est le bouquet !
J'en viens au financement du plan Psychiatrie et santé mentale.
Face aux problèmes récurrents en matière de santé mentale évoqués tout à l'heure par mon collègue François Autain, on a entrepris en 2004 d'élaborer ce plan pour 2005-2008. Aujourd'hui, les crédits consacrés à la santé mentale et à la prévention du suicide, qui sont en augmentation, atteignent 6 millions d'euros. Mais, là encore, la part de l'État est marginale ; la majorité du financement provient d'autres sources, notamment de l'ONDAM médicosocial, de l'ONDAM hospitalier et du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP.
J'évoque cette question, car je préside le conseil d'administration d'une association qui emploie environ 1 700 personnes, dont le nombre de patients en file active est de l'ordre de 9 000 et qui, depuis le 1er janvier dernier, à la demande de la tutelle, donc de vous, madame la ministre, est engagée dans une délégation de gestion d'établissements de santé publique à un organisme à but non lucratif.
Ainsi, en plus de la Haute-Saône, où nous dispensions déjà la psychiatrie à titre exclusif, sont concernés maintenant le Territoire de Belfort et le Pays de Montbéliard, puisque cette activité a été transférée du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard à notre association.
Pour exercer cette mission qui nous a été confiée, nous nous heurtons à un certain nombre de freins. Je n'en citerai que deux.
Le premier est la différence de statuts entre les personnels du secteur privé non lucratif et ceux du secteur public. Il faut à tout prix opérer un rapprochement, notamment dans le mode de rémunération, entre ces différentes catégories de personnels médicaux publics, privés, non lucratifs ou privés libéraux.
Alors que c'est une exigence, le 16 novembre dernier, ici même, vous avez donné un mauvais signal en vous opposant à un amendement qui visait à corriger l'écart de plus de 4 % entre les charges sociales du secteur privé non lucratif et celles de la fonction publique hospitalière, et cela malgré les engagements de votre prédécesseur. Il est vrai que nous étions alors sous un autre régime et que, depuis, tout a changé : c'est la rupture, y compris dans les engagements de l'État !
Les moyens financiers sont, bien sûr, le second frein à l'exercice de ces missions. Ils restent très inférieurs aux besoins, malgré les propos encourageants que vous avez tenus le 9 octobre 2007 à l'occasion de la Quatrième journée européenne de la dépression. Vous avez alors fait un peu le point sur l'accomplissement et la fin du plan Psychiatrie et santé mentale
S'agissant de l'association que je préside, la délégation de service public de gestion comprenait la reconstruction totale des établissements psychiatriques du Territoire de Belfort et du Pays de Montbéliard, en plus de la construction d'autres établissements. Aujourd'hui, malgré les annonces faites et, bien que je ne veuille pas trop l'impliquer, les promesses du directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation, ARH, je constate que le compte n'y est pas, et même pas du tout !
Par conséquent, je profite de l'occasion pour vous le dire, madame la ministre, je compte sur vous pour rétablir les comptes et nous permettre d'assurer les missions qui nous ont été confiées. Je ne doute pas que vous prêterez une oreille attentive à mes propos.
Je conclurai sur une note plus optimiste, madame la ministre. Je vous connais bien et je ne voudrais pas terminer mon intervention sur des propos un peu durs !
Vous êtes le ministre de la santé et accessoirement celui de la jeunesse et des sports. Vous rôle ne se limite pas aux chiffres et à l'argent. Vous devez mener une certaine politique et impliquez les différents acteurs de la santé publique, notamment en matière de prévention et de consommation.
La note optimiste concerne les usagers, donc les patients citoyens, qui veulent justement être mieux impliqués dans notre système de santé. Je l'ai vérifié récemment lors d'une énième conférence de santé organisée par un grand laboratoire pharmaceutique - n'en déplaise à François Autain ! - et un organisme de sondage. Sur un panel assez représentatif de citoyens, nous avons entendu des réflexions encourageantes.
Ils souhaitent être mieux informés, notamment sur les coûts, qu'ils comprennent mal ou qu'ils ne comprennent pas.
Ils souhaitent une politique de prévention plus développée, gratuite.
Ils considèrent que le médecin traitant doit être l'interlocuteur principal dans cette politique de prévention. Beaucoup reste à faire, madame la ministre, pour inciter notamment les médecins libéraux de ville à s'impliquer plus qu'ils ne le font dans ces actions qui me paraissent fondamentales et qui, d'ailleurs, si elles sont bien menées, contribueront ensuite à diminuer le coût des soins ; ce n'est pas notre excellent rapporteur, médecin lui-même, qui me contredira !
Ces patients souhaitent que leurs associations soient mieux représentées. Elles sont, certes, encore un peu balbutiantes, mais elles méritent d'être confortées dans les différents conseils d'administration des établissements publics ou privés.
Tout cela me paraît encourageant, car cette implication et cette responsabilisation devraient faire évoluer notre système de santé vers un optimum, en quelque sorte, entre, d'une part, la qualité des soins et, d'autre part, le meilleur coût possible.
Voilà, madame la ministre, les quelques éléments que je souhaitais vous livrer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention a pour objet de vous alerter sur le manque de moyens dédiés à la politique liée au handicap et à la périnatalité, alors que, lors de la dernière session, nous avons voté des lois allant dans le sens d'un plus grand investissement de l'État dans ces domaines.
Dans le titre II, l'article 4 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit notamment que « l'État, les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale mettent en oeuvre des politiques de prévention, de réduction et de compensation des handicaps et les moyens nécessaires à leur réalisation qui visent à créer les conditions collectives de limitation des causes du handicap ».
Certes, dans la mission « Santé » du projet de loi de finances, l'action n° 04 « Qualité de la vie et handicaps » s'attache à réduire les risques de survenance d'un handicap et à en limiter les conséquences. Mais elle reste l'action la moins bien dotée du programme, avec 3,5 millions d'euros, dont 2 millions d'euros pour les pathologies de l'enfance et de la périnatalité.
Songez qu'il n'existe entre ces crédits et ceux qui sont consacrés à l'organisation des élections de l'ordre national des infirmiers qu'une différence de 500 000 euros, le budget alloué pour l'organisation de ces élections étant 1,5 million d'euros ! De plus, sur ces 2 millions d'euros, 1,8 million d'euros est affecté à la périnatalité. Convenez avec moi que la part allouée au handicap n'est pas importante !
Dès lors, on peut se demander comment l'État compte assumer les engagements qui pèsent sur lui depuis l'adoption de la loi de 2005. D'ailleurs, dans son rapport d'information sur l'application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, M. Paul Blanc fait d'un bilan contrasté !
Nous avons voté la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, qui recentrait les solutions liées aux problèmes de maltraitance et aux problèmes de santé rencontrés par les enfants dans une politique de périnatalité forte environnant la femme, cela pour éviter les dysfonctionnements du lien parental, notamment pendant le temps de la maternité. L'article 1er du titre IV prévoit un certain nombre d'actions nécessaires pour encourager cette politique.
Madame la ministre, je vous rappelle que 1,7 % d'enfants naissent avec un handicap physique et 1,7 % d'enfants sont en situation de rupture du lien familial, rupture bien souvent liée à une dysharmonie du lien parental due au temps de la naissance.
Or 1,8 million d'euros, ce n'est pas une somme à la hauteur d'une telle politique ! Comparez avec la mesure forte que nous avons récemment votée sur votre initiative, à l'occasion du l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, pour limiter les risques liés aux IVG chirurgicales en facilitant les IVG médicamenteuses !
De surcroît, dans ce jeu de poupées russes, sur ces 1,8 million d'euros, ce sont en fait 1,3 million d'euros qui reviennent aux services déconcentrés, notamment pour le fonctionnement des commissions régionales de la naissance.
Je regrette, madame la ministre, que l'on néglige le véritable enjeu que constitue une politique de périnatalité ambitieuse ; peut-être n'y a-t-il pas une prise de conscience collective de l'importance de ce moment matriciel que représente la naissance dans la construction de l'enfant et la relation avec ses parents.
Mme Catherine Dolto écrivait : « Les suites de couches [...] sont des enjeux de santé publique capitaux. Les professionnels le savent, personne n'en parle. Quant aux hommes politiques, ils s'en moquent. » Mme Marie-Claire Lamunière ajoute : « C'est la non-intervention et l'inattention aux problèmes, aux fragilités qui s'expriment qui sont dangereuses pour l'enfant et pour ses parents. »
Madame la ministre, compte tenu de mes remarques sur le handicap et la périnatalité, je ne prendrai pas part au vote sur ces crédits.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » ne sont pas sans intérêt, loin de là, mais il faut reconnaître qu'ils ne reflètent que très partiellement l'effort de l'État en faveur de la santé.
En fait, la majeure partie des crédits retracés dans cette mission constitue le levier de divers financements qui sont principalement pris en charge par la sécurité sociale. Les budgets se succédant, on doit constater que le périmètre des crédits de cette mission ne cesse de se réduire, l'État se désengageant chaque année un peu plus « au profit » de l'assurance maladie, voire, désormais, sur le dos des patients, nouveauté bien malvenue, qui, en faisant payer les malades pour les malades, remet en cause les principes fondateurs de notre système. Je pense bien évidemment aux franchises, dont nous avons déjà longuement discuté dans cet hémicycle.
Cette année, c'est dans le programme « Offre de soins et qualité du système de soins » que l'on observe un nouveau désengagement. En effet, l'action « Accessibilité de l'offre de soins » est supprimée, faute de crédits pour financer la Conférence nationale des réseaux, la CNR, et les actions de développement de la télémédecine dans les régions.
Les contrats de plan État-régions étant arrivés à échéance et les réseaux de télémédecine étant maintenant implantés, le financement de leur fonctionnement est désormais à la charge de l'assurance maladie. Cette situation n'est pas sans poser certains problèmes, notamment pour ce qui concerne les réseaux de soins, dont la pérennité n'est pas assurée.
Cela étant dit, je concentrerai mon intervention sur la question de la prévention.
C'est quasiment une lapalissade, mais il est toujours important de le rappeler : investir aujourd'hui dans la prévention, c'est faire des économies demain. La prévention devrait donc être la pierre angulaire de notre système de santé, mais force est de constater, au vu des montants financiers en jeu, que tel n'est pas le cas. Je rappelle que notre pays consacre 152 milliards d'euros au remboursement des soins, contre seulement 290 millions d'euros à la prévention. Le développement de la prévention reste donc un enjeu majeur pour le devenir de notre système de soins.
À première vue, les crédits du programme « Santé publique et prévention » semblent stagner. En réalité, cette situation est due au transfert vers ce programme des crédits alloués au système d'écoute téléphonique DATIS - drogue, alcool, tabac et infos-service -, auparavant rattachés au programme « Drogue et toxicomanie ». À périmètre constant, les crédits consacrés à la prévention sont donc en baisse, ce qui se traduit par une diminution des dotations en faveur des actions de ce programme, à l'exception des dispositifs regroupés au sein de l'action n° 4, « Qualité de la vie et handicaps », qui passent de 7 millions à 10 millions d'euros.
Concernant les opérateurs, il est inadmissible que leur financement soit systématiquement sous-estimé, car c'est le cas depuis plusieurs années. Il est particulièrement inquiétant que certaines de ces instances, comme la Haute autorité de santé, connaissent des problèmes de trésorerie. Quant aux observatoires régionaux de santé publique, qui guident l'élaboration des plans régionaux de santé publique, ils subissent une baisse de 12 % de leurs crédits, au moment où vous affichez, à juste titre, madame la ministre, votre volonté de régionalisation.
De son côté, l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, va perdre la subvention de 7,5 millions d'euros qui lui était allouée dans le cadre de la mission « Sécurité sanitaire », alors qu'elle aura le même rôle à assumer. Par ailleurs, cet institut n'a reçu aucun versement au titre de la taxe sur les publicités ni aucune information sur son montant prévisible, ce qui ne facilite pas sa gestion.
Les associations constituent un autre acteur important de la prévention, mais leur situation est de plus en plus précaire. En effet, chacun de nous connaît, dans son département, des associations qui ont vu régresser le soutien financier dont elles bénéficient ; chacun a pu observer que, malgré les aides des collectivités locales, le désengagement de l'État était de plus en plus important, contraignant certaines structures à restreindre leurs actions, voire à licencier.
Dès lors, comment ne pas s'interroger, par exemple, sur le devenir du tissu associatif qui oeuvre dans le champ de la prévention de la toxicomanie quand les crédits qui lui sont alloués chutent de 26 % ?
À cet égard, nous ne pouvons que nous inquiéter du financement des différents plans de santé publique, qui ne bénéficient, dans ce budget, que d'un saupoudrage de crédits. Pour plusieurs d'entre eux, les dotations sont d'ailleurs à la baisse, et ce pour la deuxième année consécutive. Je pense notamment au plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool, dont les crédits diminuent de 4,7 %, et au programme national nutrition-santé, dont nous avons déjà beaucoup parlé, pour lequel les dotations baissent de 0,7 %. Incontestablement, il y a une contradiction entre les actes et les discours, entre les objectifs affichés et les moyens alloués.
Pourtant, vous le savez, madame la ministre, l'obésité gagne du terrain chaque année au sein de la population française, en particulier chez les enfants. Ils sont déjà 1,5 million à être concernés ! Il est urgent de stopper cette progression en prenant un ensemble de mesures fortes. À mon avis, ces dernières devraient au moins inclure la taxation des aliments déséquilibrés sur le plan nutritionnel. Nous avons d'ailleurs proposé une telle disposition lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, mais, pour l'instant, vous l'avez refusée. (Mme la ministre fait un geste de dénégation.)
J'ai bien dit : pour l'instant. Je m'efforce d'être objectif, madame la ministre !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pas vraiment ! Si vous faisiez, de votre côté, un petit effort, nous pourrions peut-être parvenir à un rapprochement sur cette politique-là. Sur le reste, on verra ! (Nouveaux sourires.)
Nous avions voté, je le rappelle, l'amendement déposé par notre rapporteur, Alain Vasselle, concernant la taxation des boissons sucrées. Malheureusement, en fin de parcours, il n'a pas été retenu !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je l'espère bien !
Je souhaite également insister sur l'encadrement, à travers une législation plus contraignante, de la publicité en faveur de ces aliments ainsi que sur l'amélioration de la qualité de la restauration scolaire.
Au milieu des émissions pour enfants, que ce soit sur les chaînes généralistes ou sur les chaînes spécialisées, on voit des publicités qui vont véritablement à l'encontre de l'intérêt des enfants puisqu'elles les incitent à consommer des produits qui sont totalement dépourvus des qualités nutritionnelles dont les parent les messages diffusés. Il y a là un problème qui mérite qu'on s'y attarde.
Concernant toujours la publicité à la télévision, il est un autre point dont on parle trop peu : l'augmentation systématique du niveau sonore lors des passages publicitaires. Il est évident que c'est un moyen de retenir l'attention des téléspectateurs, notamment des enfants. Il est urgent, selon moi, de légiférer aussi sur cette question.
Malheureusement, il est très difficile, pour le moment, de se faire entendre sur ces sujets.
En ce qui concerne le programme de lutte contre les addictions, on doit regretter non seulement le retrait de l'État d'une politique de santé publique dont le financement est assumé par l'assurance maladie, mais aussi le manque de lisibilité des moyens consacrés à la lutte contre l'alcoolisme et l'éparpillement des financements. Aussi bien les deux griefs émis par la Cour des comptes dans son rapport de février 2007 sont-ils toujours d'actualité : la faible lisibilité d'une politique qui a tendance à être englobée dans une approche plus large du traitement des pratiques addictives, d'une part, la difficulté à en retracer les financements, d'autre part.
Pour ce qui est plus particulièrement de l'alcoolisme, n'allons surtout pas croire que le problème est derrière nous ! Il est malheureusement encore d'actualité, et je sais que vous en êtes consciente, madame la ministre. (Mme la ministre approuve.) Nous devons continuer de lutter contre l'alcoolisme en milieu professionnel et familial.
Je pense également à l'alcoolisme des jeunes : un phénomène que nous observons tous, hélas, en tant qu'élus locaux et qui exige des efforts importants.
M. Jean-Pierre Godefroy. Par ailleurs, à la veille du Téléthon, comment ne pas être inquiet quant à l'avenir du plan maladies rares ? L'AFM, l'association française contre les myopathies, se dit très préoccupée de l'attitude du Gouvernement.
Non seulement l'instauration des franchises aura une incidence sur toutes les personnes atteintes d'une affection de longue durée, mais la recherche sur les maladies rares, après que celles-ci ont été reconnues comme une priorité de santé publique par la loi du 9 août 2004, se trouve absorbée et se transforme, dans le cadre des prochains appels d'offres de l'Agence nationale de la recherche, en recherche sur les mécanismes physiopathologiques des maladies rares et des maladies fréquentes. Dans le même temps, le programme hospitalier de recherche clinique dédié aux maladies rares a été amputé de 50 % de ses financements.
Nos craintes portent donc sur le désengagement de l'État sur ce front de la recherche et sur la dilution de cette spécificité dans une problématique sanitaire plus globale, ce qui risque, à terme, de mener à la disparition pure et simple de cet axe de recherche. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous dire ce qu'il en sera exactement de la pérennité de l'action de l'État dans ce domaine ?
Avant de conclure, madame la ministre, je tiens à aborder un dernier thème, très important à mes yeux.
Lors de l'examen du budget de 2007, nous avions fait remarquer à votre prédécesseur l'insuffisance des moyens alloués pour la mise en place effective du plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008. Il nous semblait en effet que les 5,6 millions d'euros prévus étaient largement insuffisants pour répondre aux besoins ; et ce ne sont pas les crédits de 2008, 0,6 million d'euros, qui permettront de remédier à cette situation !
À ce sujet, quand comptez-vous présenter au Parlement le projet de loi relatif à l'hospitalisation sans consentement que nous avait promis par M. Xavier Bertrand ? Vous n'ignorez pas que certains articles de la loi relative à la prévention de la délinquance consacrés à cette question avaient provoqué ici de vifs débats.
Il existe, nous le savons, depuis le début de l'année 2007, un avant-projet de loi qui recueille un consensus parmi les professionnels concernés. Une fois de plus, et je le regrette, nous aborderons cette question sous l'angle judiciaire et répressif puisque ce projet de loi sera présenté par Mme le garde des sceaux. Une grande loi de santé publique est nécessaire sur ce sujet ; elle est attendue avec impatience tout autant par les professionnels de santé que par les malades et leurs familles, ainsi que par les élus locaux.
En conclusion, je suis au regret de constater que les moyens consacrés à la mission « Santé » et au programme « Santé publique et prévention » ne suffisent pas. La prévention est une politique globale qui requiert des moyens : les 430 millions d'euros inscrits dans ce budget ne sont pas à la hauteur des défis que nous avons à relever, notamment pour faire face aux inégalités sociales en matière de santé qui sont, chez nous, parmi les plus fortes d'Europe, puisque l'espérance de vie d'un ouvrier est, en France, réduite de cinq à six ans par rapport à celle d'un cadre. Et les franchises médicales que vous avez instaurées ne feront qu'aggraver ces inégalités puisqu'elles vont à rebours de toute logique de prévention en introduisant un critère financier supplémentaire dans le recours aux soins.
Pour toutes ces raisons, nous voterons donc contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)