M. le président. L'amendement n° I-127, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1649 quater E du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les centres ont l'obligation de dématérialiser et de télétransmettre aux services fiscaux, selon la procédure prévue par le système de transfert des données fiscales et comptables, les attestations qu'ils délivrent à leurs adhérents, ainsi que les déclarations de résultats, leurs annexes et les autres documents les accompagnant. Ils doivent recevoir mandat de leurs adhérents pour transmettre les informations correspondant à leurs obligations déclaratives, selon des modalités définies par arrêté ministériel ».
L'amendement n° I-128, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1649 quater H du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les associations ont l'obligation de dématérialiser et de télétransmettre aux services fiscaux, selon la procédure prévue par le système de transfert des données fiscales et comptables, les attestations qu'elles délivrent à leurs adhérents, ainsi que les déclarations de résultats, leurs annexes et les autres documents les accompagnant. Elles doivent recevoir mandat de leurs adhérents pour transmettre les informations correspondant à leurs obligations déclaratives, selon des modalités définies par arrêté ministériel ».
La parole est à M. Marc Massion, pour défendre ces deux amendements.
M. Marc Massion. Les très petites entreprises, les TPE, dans leur immense majorité, ne sont pas en mesure de télétransmettre leurs déclarations fiscales, car elles ne disposent ni des outils informatiques ni des moyens humains pour ce faire.
Celles qui ont un expert-comptable peuvent lui confier mandat pour dématérialiser leurs déclarations et les télétransmettre aux services fiscaux. Mais les entreprises ne disposent pas toutes des services d'un expert-comptable. En outre, les cabinets comptables ne procèdent pas tous à la dématérialisation des liasses des entreprises clientes, membres des organisations de gestion agréées, les OGA.
Par conséquent, on constate dans les organismes agréés que, malgré leur augmentation, les déclarations télétransmises par les petites entreprises selon la procédure de transfert des données fiscales et comptables, ou TDFC, représentent en valeur absolue une part réduite du total des déclarations.
Or les OGA constituent un réseau maillant l'ensemble du territoire, qui dispose d'ores et déjà des moyens informatiques et humains permettant de réaliser la dématérialisation et la télétransmission des déclarations de leurs adhérents selon la procédure TDFC. Grâce à ce réseau, on peut escompter un accroissement très rapide du flux des déclarations dématérialisées vers l'administration fiscale.
Nous proposons donc d'obliger les OGA à dématérialiser directement ou indirectement, et selon la procédure TDFC, les déclarations de résultats, leurs annexes, et les autres documents pour le compte de leurs adhérents, ainsi que les attestations qu'elles délivrent.
Une telle opération peut concerner environ 750 000 contribuables, ce qui permettrait de générer, pour la collectivité, des économies en matière de saisie des données et de réduire la production de formulaires en papier de près de vingt millions de feuilles par an.
C'est pour toutes ces raisons que nous vous proposons l'amendement n° I-127, qui vise les centres de gestion agréés, et l'amendement n° I-128, qui s'applique aux associations de gestion agréées, également concernées.
J'ajoute que ces amendements, s'ils étaient adoptés par le Sénat, apporteraient un complément cohérent et tout à fait judicieux à ceux qui ont été votés par l'Assemblée nationale, et qui sont devenus les articles 2 bis et 2 ter du présent projet de loi.
Ce « corps de mesures », si l'on peut le qualifier ainsi, montrerait, par des mesures modestes, pratiques, techniques, que le législateur ne néglige aucun moyen pour aider les entreprises, même lorsqu'elles sont petites, voire toutes petites, à se moderniser et, ce faisant, à améliorer non seulement leur transparence et leur productivité, mais aussi la transparence et la productivité de l'économie française.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit des modalités d'intervention des organismes de gestion agréés et de la justification des avantages fiscaux qui en découlent.
Les amendements nos I-127 et I-128 s'inscrivent dans une démarche de civisme fiscal, bien conforme à la fonction d'assistance et de contrôle de la régularité, de la concordance des documents fiscaux avec les résultats et la comptabilité des adhérents des centres de gestion agréés.
Dès lors que l'organisme de gestion agréé effectue une intervention professionnelle, qui ne se limite pas à un simple coup de tampon ou à l'enregistrement d'adhésions a posteriori, et qu'il fait oeuvre utile, la commission estime que l'avantage accordé aux entreprises adhérentes est justifié.
Il convient de rappeler que l'obligation de télédéclaration existe déjà pour les entreprises en matière de TVA. En effet, lorsque le chiffre d'affaires qu'elles ont réalisé au cours de l'exercice précédent excède 760 000 euros hors taxes, elles doivent souscrire leur déclaration de TVA et de taxes assimilées par voie électronique - c'est la télédéclaration - et payer obligatoirement ces taxes par télérèglement.
Une telle obligation est tout à fait concevable pour les centres de gestion agréés.
Par conséquent, sous réserve de la faisabilité technique de cette proposition - et M. le ministre ne manquera sans doute pas de répondre à cette question -, la commission a une approche tout à fait bienveillante à l'égard de ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos I-127 et I-128. Ils vont dans le bon sens, car l'incitation aux téléprocédures constitue un de ses axes prioritaires.
Il paraît naturel que les organismes de gestion agréés soient soumis à l'obligation de télétransmission des déclarations de leurs clients.
J'ajoute que les modalités pratiques, que les amendements prévoient de fixer par arrêté ministériel, ne soulèvent aucune difficulté technique.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 2 bis.
Je mets aux voix l'amendement n° I-128.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, avant l'article 2 bis.
Article 2 bis
I. - L'article 1649 quater F du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au début du dernier alinéa, le mot : « seuls » est supprimé ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Peuvent également adhérer à ces associations agréées tous les contribuables qui disposent de revenus non professionnels imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, soumis au régime de la déclaration contrôlée de droit ou sur option, et qui auront souscrit un engagement d'amélioration de la connaissance des revenus, selon un modèle fixé par arrêté ministériel. »
II. - Le premier alinéa de l'article 371 B de l'annexe II du même code est complété par les mots : « ainsi que tous les contribuables qui disposent de revenus non professionnels imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, soumis au régime simplifié d'imposition selon le bénéfice réel ou le régime normal d'imposition selon le bénéfice réel ». - (Adopté.)
Article 2 ter
À titre exceptionnel, le délai d'adhésion à un centre de gestion agréé ou à une association agréée visés aux articles 1649quater C à 1649 quater H du code général des impôts est reporté, pour les exercices clos en 2007, jusqu'au 31 janvier 2008.
En cas d'adhésion respectant cette condition de délai, les revenus de l'exercice clos en 2007 ne subissent pas la majoration prévue au 7 de l'article 158 du même code.
M. le président. L'amendement n° I-1, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 2 ter est inacceptable aux yeux de la commission.
En effet, il autoriserait les adhésions « rétrospectives » aux organismes de gestion agréés, ce qui contreviendrait au principe de prévention fiscale.
Une adhésion en janvier 2008 ouvrant droit à l'avantage fiscal, alors même qu'aucune des obligations correspondantes n'auraient été respectées par l'adhérent pendant l'année 2007, ferait perdre tout son sens au dispositif. Ce serait une pure fiction. La promotion du « civisme fiscal » suppose, en effet, que l'organisme de gestion agréé ait pu exercer sa mission d'assistance et de surveillance des engagements pris par l'adhérent.
L'adhésion avec effet rétroactif ne saurait avoir pour seul objectif l'attribution automatique d'un avantage fiscal.
Monsieur le ministre, si nous votions cette disposition, nous encouragerions un « abus de droit légal », qui serait tout à fait inacceptable et que le Conseil constitutionnel pourrait parfaitement relever.
Telle est la raison pour laquelle la commission souhaite la suppression de cet article, introduit de façon malencontreuse par l'Assemblée nationale, à la suite de l'adoption d'un amendement dont l'auteur est un député appartenant au même groupe que notre collègue Marc Massion. Cela prouve qu'il y a une grande différence d'approche entre nos deux assemblées, d'où le bien-fondé du bicamérisme !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est ennuyeux ! (Sourires.)
M. Éric Woerth, ministre. C'est un exercice assez difficile à réaliser ! (Nouveaux sourires.)
L'article 2 ter introduit par l'Assemblée nationale ne vaut que pour une période intermédiaire, qui est instaurée pour tenir compte des modifications liées à l'impôt lui-même, désormais calculé sur une base de 125 % au lieu de 100 %.
Il est difficile pour le contribuable de comprendre le mécanisme un peu compliqué selon lequel la base de calcul de son impôt se trouverait tout à coup majorée de 25 %.
Cet article vise à lui donner la possibilité, dès la première année où il serait imposable sur la base de 125 %, d'adhérer à un organisme de gestion agréé afin de pouvoir revenir à la base de 100 %.
Comme les choses n'étaient pas très simples en termes de dates, l'Assemblée nationale a décidé d'étendre la période au cours de laquelle le contribuable pourra prendre la décision de s'inscrire dans un organisme de gestion agréé. Mais cette possibilité ne lui sera donnée qu'une seule fois ; elle ne vaudra pas pour les années suivantes. La prolongation du délai d'adhésion jusqu'au 31 janvier 2008 est accordée à titre exceptionnel pour les exercices clos en 2007.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, je réponds à votre inquiétude : la demande de dépôt doit obligatoirement conduire à des déclarations rectificatives si des problèmes se font jour dans la comptabilité. Ce dispositif ne contrevient donc pas au principe de prévention fiscale sur lequel il est fondé.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le rapporteur général.
Le délai exceptionnel qui est accordé pour adhérer à un centre ou à une association de gestion ne sera pas reconduit. Il n'a d'autre fin que de permettre aux entreprises qui n'en sont pas encore membres d'échapper à une taxation sur la base de 125 % de leurs revenus, mécanisme qu'elles auraient sans doute bien du mal à comprendre. Elles ne manqueraient pas alors d'interroger chacun d'entre vous dans son département.
Cette disposition est souple et n'entraîne aucun risque particulier sur le plan fiscal.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, ce débat est récurrent depuis la révision du barème de l'impôt sur le revenu et la suppression de l'abattement de 20 %.
Les centres et associations de gestion ont été créés au cours des années soixante-dix.
M. Michel Charasse. En contrepartie des 20 % !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Jusqu'alors, l'abattement de 20 % était consenti aux seuls salariés, au motif que, étant déclarés à l'administration par l'employeur, leurs revenus bénéficiaient d'une présomption irréfragable de sincérité.
A contrario, on considérait comme fraudeurs à hauteur de 20 % de leurs revenus tous ceux qui n'étaient pas salariés- les travailleurs indépendants, les agriculteurs, les membres des professions libérales, les commerçants, les industriels, etc. Naturellement, leurs représentants ont revendiqué pour eux le bénéfice de cet abattement. C'est ainsi qu'il a fallu créer un mécanisme visant à attester la sincérité de leurs comptes et qu'ont été créés les centres et associations de gestion.
Dans un pays d'inspiration libérale, qui répugne à la paperasserie et à « l'hyperadministration », on a inventé un système « para-administratif » dans le seul but de délivrer un certificat de vertu permettant de bénéficier d'un abattement de 20 %.
Vient la grande réforme du barème de l'impôt sur le revenu, adoptée dans la loi de finances pour 2006, aux termes de laquelle est supprimé l'abattement de 20 %. Formidable réforme ! Mais que doit-il alors advenir des contribuables ne bénéficiant pas de cet abattement ? C'est très simple : pour un revenu déclaré de 100, on considère que celui-ci est en réalité de 125. C'est extraordinaire !
Monsieur le ministre, imaginons que ces contribuables fassent l'objet d'un redressement fiscal à la suite d'un contrôle. Pourront-ils pour autant prétendre y échapper au motif que leur impôt a été calculé sur une assiette correspondant à 125 % de leurs revenus ? Cette situation est ubuesque.
Je comprends le malaise des centres et des associations de gestion, qui craignent de ne pouvoir conserver leur activité si cet avantage fiscal est supprimé. Mais de deux choses l'une : soit ils créent réellement de la valeur ajoutée, et leur avenir n'est pas menacé, soit leur existence ne se justifie que pour des raisons fiscales, et alors c'est presque caricatural.
L'imposition sur 125 % de leurs revenus de ceux qui ne font pas appel aux centres et aux associations de gestion est une caricature de notre droit fiscal. Certes, monsieur le ministre, vous demandez que, dorénavant, tous y recourent, en nous expliquant que, dans ce cas, ils verront leurs coûts allégés et leur compétitivité améliorée. C'est incontestable et c'est la raison pour laquelle vous prévoyez d'octroyer le délai supplémentaire visé à l'article 2 ter.
Mais, comme vous l'a dit M. le rapporteur général, si ces centres ou ces associations de gestion sont des instruments de sincérité, cela implique qu'ils usent de procédures et de modes de vérification en temps réel et non a posteriori. Aussi, je comprends mal que vous souteniez la position adoptée par l'Assemblée nationale, car elle contrevient à l'idée que nous nous faisons de la sincérité des procédures fiscales.
Par conséquent, monsieur le ministre, et j'y insiste avec force et conviction, l'amendement de la commission se justifie parfaitement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je ne m'exprimerai pas avec autant de talent que vous, monsieur le président de la commission. (Sourires.)
Je n'ai pas d'opinion particulière sur les centres de gestion agréés ni sur leur histoire. Je constate néanmoins qu'ils obtiennent des résultats, à moins que ceux-ci ne soient biaisés.
Permettez-moi de vous citer les quelques chiffres suivants, qui portent sur l'année 2005.
Près de 17 % des adhérents à un centre ou à une association de gestion ayant fait l'objet d'un contrôle ont reçu un avis d'absence de rectification, contre 13 % de ceux qui n'en étaient pas adhérents ; les droits rappelés se montaient en moyenne à 26 000 euros pour les adhérents, contre 55 000 euros pour les non-adhérents ; 21 dossiers d'adhérents ont fait l'objet d'une proposition de poursuites correctionnelles, contre 360 dossiers de non-adhérents ; enfin, 14 % des adhérents contrôlés se sont vu appliquer une majoration pour manquement délibéré, contre 19 % des non-adhérents contrôlés.
Ces chiffres prouvent l'utilité des centres et des associations de gestion. Un autre système aurait peut-être été possible, mais le fait est qu'ils existent et qu'ils permettent à ceux qui y ont recours de présenter une comptabilité plus claire, plus sûre et plus solide ; et d'effectuer des déclarations fiscales plus justes et plus sincères.
M. Philippe Marini, rapporteur général. A posteriori !
M. Éric Woerth, ministre. Certes, monsieur le rapporteur général, mais le débat porte sur les centres de gestion eux-mêmes.
Il s'en trouve dans chacun de vos départements et 7 000 emplois en dépendent. Je le répète, ils contribuent à la sincérité de la comptabilité de ceux dont ce n'est ni le métier ni la priorité et assument un rôle parfois en parallèle avec les experts-comptables.
L'Assemblée nationale, avec l'assentiment du Gouvernement, a considéré que, depuis l'intégration au barème de l'abattement de 20 %, il était avantageux pour les professionnels qui en avaient la possibilité de recourir à un centre ou à une association de gestion. Ils y trouvent leur intérêt, puisqu'ils peuvent conserver le bénéfice de cet abattement de 20 %, autant que l'État y trouve lui aussi son intérêt dans la mesure où le recouvrement des impôts s'en trouve facilité.
Convenez qu'il soit difficile d'expliquer aux professionnels qui ne recourent pas à un centre ou à une association de gestion que, à la suite de l'intégration dans le barème des 20 % d'abattement, leur impôt est calculé sur une assiette égale à 125 % de leurs revenus déclarés ! C'est pourquoi nous avons considéré qu'il était plus juste de laisser jusqu'au 31 janvier 2008 à ceux qui le souhaitaient la possibilité d'adhérer, même de manière rétroactive, à un centre ou à une association de gestion, dès lors que leur comptabilité est sincère ou, à défaut, dès lors qu'elle a fait l'objet d'une rectification.
Cet assouplissement ponctuel permettra d'éviter à ces professionnels d'être taxé sur la base de 125 % de leurs revenus, ce qu'ils ont parfois bien du mal à comprendre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'enjeu n'est certes pas important, mais ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, qu'on va nous demander chaque année la même chose ? (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Mais si ! Il se trouvera toujours des non-adhérents qui demanderont de payer une cotisation pour réduire leur base imposable de 25 % !
Ce système est quand même très étrange : le seul fait, pour un professionnel, de s'acquitter d'une cotisation auprès d'un organisme professionnel privé lui permet de réduire de 25 % son assiette fiscale. On peut l'admettre dans la mesure où l'adhésion à un centre agréé implique une gestion plus transparente et des dossiers mieux tenus. En revanche, je serais très surpris que l'adhésion a posteriori à un centre de gestion conduise celui-ci à revenir sur un exercice comptable clos précédemment.
Encore une fois, l'enjeu n'est pas central. Il n'existe pas de désaccord politique fort entre nous ; c'est simplement une question de cohérence. C'est pourquoi la commission croit en son amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. En effet, ce sujet n'est pas majeur sur le plan politique. Si tel n'était pas le cas, nous n'aurions pas de désaccord.
Les niches ne sont pas les seules à avoir une durée de vie déterminée ; c'est aussi le cas des ministres. (Sourires.) Si le Président de la République me prête vie, je prends l'engagement de ne pas vous soumettre une nouvelle fois, l'année prochaine, la mesure visée au présent article. Présentement, elle se justifie parce que nous en sommes à la première année d'application de la réforme de l'impôt sur le revenu.
M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour explication de vote.
M. Marc Massion. Il faut relativiser la portée de cet article 2 ter, qui a pour seul objet d'accorder, exceptionnellement cette année, aux entreprises qui le souhaitent un délai supplémentaire de un mois pour adhérer à un centre agréé, soit jusqu'au 31 janvier 2008.
Cette mesure, dont le coût budgétaire est nul, n'est ni choquante ni révoltante. C'est pourquoi j'y suis favorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je partage l'avis de mon ami Marc Massion. En réalité, cette disposition est l'une de ces scories qui nous permettent d'évacuer les petites imperfections qui se sont glissées dans la réforme de l'impôt sur le revenu en 2006.
Nos collègues se rappelleront que, lors de l'examen de la loi TEPA, nous avons dû voter en catastrophe un amendement pour adapter les modalités de dégrèvement de la taxe d'habitation aux nouvelles règles de l'impôt, ce qui avait été oublié en 2006.
Il est évident que la présente mesure est la conséquence de la réforme de l'impôt sur le revenu et qu'elle est ponctuelle et limitée à cette année. Elle a été oubliée elle aussi lors de la réforme de l'impôt sur le revenu, alors qu'elle aurait dû figurer dès cette époque dans la loi. Cet article 2 ter est donc une sage correction.
Je dirai amicalement à M. le rapporteur général, que j'écoute toujours avec beaucoup d'attention, et en commission et en séance, qu'en matière d'horreurs on a fait souvent bien pire et d'une façon assez répétitive !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas une raison pour se permettre de petites horreurs ! (Sourires.)
M. Michel Charasse. Je pense, par exemple, à l'exonération des droits de succession en Corse, qu'on a prolongée d'année en année ! (Exclamations.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela remonte à 1799 !
M. Michel Charasse. Cette horreur, scandaleuse au regard de l'équité, ne gêne personne !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela dure depuis deux siècles. À quoi bon...
M. Michel Charasse. Et les choeurs de la « chorale d'Ajaccio » présents en séance n'ont pas manqué alors de soutenir la mesure !
Par conséquent, je souhaite qu'on ne tombe pas dans la mesquinerie en chicanant, comme le disait Marc Massion, pour un mois. Mais si le Gouvernement devait représenter cette mesure l'année prochaine, nous saurions lui rappeler que, une fois l'erreur rectifiée, on n'en parle plus !
Si les intéressés avaient été membres de centres de gestion agréés, on aurait appelé leur attention à temps sur ce problème et l'on n'aurait pas à y revenir aujourd'hui. D'où l'utilité d'adhérer à un centre de gestion pour bien connaître la législation.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. L'année dernière, lors de l'examen des crédits de la mission « Développement et régulation économiques », nous avions abordé ce sujet exactement dans les mêmes termes. On nous avait alors affirmé que ce problème nous était soumis pour la dernière fois et qu'il serait réglé l'année suivante.
J'ai l'impression d'entendre exactement les mêmes propos aujourd'hui : on nous dit qu'il faut encore attendre une année avant de reparler de la question Je suis un peu gêné lorsque l'on nous explique, chaque année, que cette proposition est intéressante et sérieuse et que le problème sera réglé prochainement. Prochainement, c'est aujourd'hui, et, semble-t-il, il n'est toujours pas résolu !
M. le président. En conséquence, l'article 2 ter est supprimé.
Article additionnel après l'article 2 ter
M. le président. L'amendement n° I-154, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 2 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans l'article 80 quinquies du code général des impôts, après les mots : « alloués aux victimes d'accidents du travail », sont insérés les mots : « qui ne bénéficient pas du maintien de la totalité de leur salaire par l'employeur en vertu d'un contrat individuel ou collectif de travail, des usages ou de sa propre initiative, ».
II. - Dans le 8° de l'article 81 du code général des impôts, avant les mots : « les indemnités temporaires », sont insérés les mots : « Sous réserve des dispositions de l'article 80 quinquies, ».
La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. L'objet de cet amendement est de soumettre à l'impôt sur le revenu les indemnités journalières versées aux victimes d'accidents du travail suivant les règles applicables aux traitements et salaires, à l'instar des autres indemnités journalières.
Il s'agit d'une mesure d'équité fiscale, mais aussi d'amélioration de l'équilibre des finances publiques. Je rappelle que cette disposition a déjà été adoptée par le Sénat voilà deux ans, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, mais qu'elle a été supprimée en commission mixte paritaire.
Il convient de préciser que cet amendement ne vise que les indemnités journalières versées aux accidentés du travail. Il ne concerne pas les indemnités journalières allouées aux personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, qui resteront exonérées de l'impôt. Il ne concerne pas non plus les prestations et rentes viagères versées aux victimes d'accidents de travail. Enfin, il ne s'applique que lorsque le salaire de la personne affectée est maintenu à 100 %.
Autrement dit, cet amendement ne concerne en rien les victimes de maladies professionnelles.
En outre, il faut noter que les salariés des collectivités territoriales sont déjà assujettis à la fiscalisation de leurs indemnités journalières. Le vote de cet amendement permettrait donc de mettre fin à une injustice fiscale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission remercie les auteurs de cet amendement et renouvelle l'avis favorable qu'elle a déjà émis à son sujet à plusieurs reprises.
Jean-Jacques Jégou, Christian Gaudin et les membres du groupe UC-UDF ont opportunément mis l'accent sur une anomalie et, en même temps, sur les conditions de la mesure, puisque, si j'ai bien compris leur démarche, les garanties que comporte le dispositif sont importantes : premièrement, l'exonération d'impôt sur le revenu est maintenue pour les victimes d'accidents du travail qui subissent une perte de salaire ; deuxièmement, le dispositif ne concerne pas les prestations et rentes viagères versées aux victimes d'accidents du travail, qui resteront exonérées d'impôt sur le revenu en application du 8° de l'article 81 du code général des impôts ; troisièmement, comme l'a dit Christian Gaudin, le dispositif ne concerne pas les indemnités journalières allouées aux personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, lesquelles resteront exonérées d'impôt sur le revenu en application de l'article 80 quinquies du code général des impôts.
La commission renouvelle donc son avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Décidément, monsieur le président, je ne vais pas être très populaire au Sénat, puisque je m'oppose à cet amendement, pour plusieurs raisons, même si j'en perçois la logique. Il conviendrait d'y réfléchir de façon plus approfondie.
D'une part, ces dispositions vont toucher, socialement, des personnes qui sont déjà dans une situation difficile. Je ne suis pas certain que ce soit une très bonne idée. De plus, j'estime que, si l'on voulait aller au bout de cette logique, il faudrait nécessairement y associer, en amont, les associations de défense des accidentés du travail et les partenaires sociaux. On ne peut pas agir ainsi, même au détour d'une séance budgétaire.
D'autre part, cet amendement pose un problème d'égalité entre les accidentés du travail qui sont en arrêt maladie et ceux qui sont en longue maladie. Les uns et les autres ne seraient plus soumis au même régime fiscal.
Par ailleurs, à partir du moment où il est précisé, dans cet amendement, que l'imposition ne s'applique que lorsque la personne perçoit la totalité de son salaire, nous allons être confrontés à d'extraordinaires effets d'aubaine. En effet, d'un côté, celui qui touchera 95 % de son salaire ne sera pas imposé, tandis que, de l'autre, celui qui le percevra en totalité sera imposé sur ses indemnités journalières.
Donc, je ne ferme pas cette piste, qui est intéressante, qui se justifie par des raisons d'équité et sur laquelle il faut travailler. Les indemnités journalières répondent à une situation à un moment donné ; elles peuvent donc être considérées comme un revenu. La réduction éventuelle du salaire ne peut inciter personne à être victime d'un accident du travail. Il n'existe donc aucun processus d'incitation ; nous sommes dans un monde à part, si je puis dire.
Mais, dans le même temps, il faut bien mesurer ce que l'on fait dans ce domaine, et je considère votre amendement, monsieur le sénateur, comme un amendement d'appel. J'aimerais donc que vous le retiriez. Cette question devrait, je le répète, être examinée à fond avec les partenaires sociaux et les associations de défense des accidentés du travail.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Étant signataire de cet amendement, je suis sensible aux arguments que vous avez développés, monsieur le ministre.
Je considère, comme vous, que c'est un amendement d'appel. Nous souhaitions attirer l'attention du Gouvernement sur cette situation, qui avait déjà fait l'objet d'un vote devant le Sénat voilà deux ans ; à cet égard il faut saluer le courage de notre collègue Jean-Jacques Jégou, qui n'est pas suspect de se prêter à un acte quelque peu démagogique.
M. le ministre invite les partenaires sociaux à assumer la responsabilité d'une réforme. En effet, le dialogue préalable est absolument nécessaire. Dans ces conditions, peut-être notre collègue Christian Gaudin pourrait-il retirer cet amendement. Il est trop beau pour être sacrifié éventuellement par un vote négatif ! Il faut le garder en réserve et se donner comme objectif, d'ici à l'année prochaine, d'avoir fait évoluer les mentalités et d'avoir trouvé la rédaction qui respecte le principe d'équité républicaine.
M. le président. Monsieur Gaudin, l'amendement n° I-154 est-il maintenu ?
M. Christian Gaudin. Monsieur le ministre, je prends acte de votre engagement, au nom du Gouvernement, de lancer la réflexion sur le sujet, de façon à faire avancer les choses.
Dans ces conditions, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° I-154 est retiré.