M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Lundi dernier s'est tenu à Berlin le huitième Conseil des ministres franco-allemand consacré à l'immigration et à l'intégration ; ce sont en effet des thèmes interdépendants.
Ce Conseil est un événement important par sa charge symbolique.
D'abord, parce qu'il manifeste la vitalité du couple franco-allemand, noyau historique de la construction européenne, même si les deux partenaires peuvent avoir des intérêts divergents sur telle ou telle grande affaire industrielle ou fiscale.
Ensuite et surtout, parce que cette convergence est bien faite pour montrer à l'opinion nationale qu'il n'y avait rien que de naturel et de nécessaire dans la création du département dont vous avez la charge, monsieur le ministre.
Vous avez tenté d'appeler à un pacte européen sur l'immigration lors de votre visite à Madrid, en octobre dernier. Vous avez également annoncé qu'il s'agissait de l'une des quatre priorités de la présidence française.
Au cours de la conférence de presse conjointe, le Président de la République a déclaré que nous allions avancer vers une politique d'immigration commune, et la Chancelière a annoncé que nous allions partager nos responsabilités dans la coopération avec les pays africains.
Ces orientations volontaristes s'inscrivent dans la perspective européenne ouverte à Tampere en Finlande, en 1999, et reprogrammée à la Haye en 2004. Nous savons bien, du reste, que les opinions publiques française et allemande sont sur la même ligne, ainsi que les opinions publiques espagnole, italienne, britannique... Cette proximité fut très parlante.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, par-delà les déclarations de principe, éclairer le Sénat sur les axes de réflexion et le programme du groupe de travail, dont la création vient d'être annoncée à Berlin ?
Peut-on compter sur des premiers résultats pour la présidence française ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Il existe un principe et une réalité concernant les flux migratoires en Europe.
Le principe, c'est que toute l'Europe est solidairement concernée par la question des flux migratoires.
La réalité, c'est que cinq pays en Europe concentrent 80 % de ces flux. Parmi ceux-là, à côté de l'Italie, de l'Espagne et de la Grande-Bretagne, il y a l'Allemagne et la France, qui ont des immigrations d'origine différente : l'Allemagne accueille environ 1,8 million de Turcs, alors que la France accueille 1,5 million d'Africains subsahariens.
À l'occasion de ce huitième Conseil des ministres franco-allemand, le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel ont souhaité aborder le plus concrètement possible toutes ces questions d'immigration et d'intégration.
Nous sommes d'accord sur un principe simple : il faut maîtriser l'immigration pour réussir l'intégration.
Faire entrer dans notre pays un grand nombre de migrants sans se donner les moyens de les accueillir, sans organiser leur intégration dans nos sociétés, conduirait inéluctablement à des déséquilibres affectant gravement la cohésion de nos communautés nationales.
Lors du prochain Conseil, qui se tiendra en France au printemps prochain, nous ferons le point sur un certain nombre de sujets.
Nous ferons le point sur le rapprochement de nos systèmes d'asile.
Nous ferons le point sur la mutualisation des moyens pour lutter contre les filières d'immigration clandestine. C'est un sujet préoccupant, en Allemagne comme en France.
Nous ferons le point sur l'utilisation commune des contrôles biométriques. Cette année, en France, soixante-deux consulats sont équipés ; ils le seront tous l'année prochaine. C'est donc sensiblement plus qu'en Allemagne.
Enfin, nous ferons le point sur l'harmonisation possible des règles de délivrance des visas de long séjour.
Tout cela permettra de progresser vers un pacte européen, que la France souhaite concrétiser lors de sa présidence, à compter du 1er juillet prochain.
Tous les ministres ici présents peuvent témoigner de la relation de confiance renforcée qui s'est nouée entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Elle a permis, avec le concours d'autres partenaires, de sortir l'Europe de l'ornière et de relancer un projet européen qui ne soit pas que des mots, que des slogans ou que des images, mais bien une réalité concrète. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
carte judiciaire
M. le président. La parole est à M. Bertrand Auban.
M. Bertrand Auban. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'est pas là...
M. Jacques Mahéas. On ne comprend pas pourquoi elle n'est pas là !
M. Bertrand Auban. Vous avez engagé, madame le ministre, une réforme de la carte judiciaire qui se traduit en ce moment par des visites, région par région, où tombent vos sentences de suppressions de juridictions.
Autant de verdicts élaborés dans le secret des bureaux de la place Vendôme, sans la moindre vraie concertation. Vous refusez d'écouter et même de recevoir les élus ; je fais partie de ces malchanceux. Vous négligez les avis des chefs de cours et ceux des autorités préfectorales, en particulier dans le cas de la Haute-Garonne. Et, surtout, vous ne tenez pas compte des réalités des territoires, que vous condamnez sans entendre leur défense.
Cette prétendue réforme se limite à une succession de voyages ministériels après lesquels la justice de proximité ne repousse pas.
La hache que vous maniez est trop grosse, au point que même les élus de la majorité ne se sont pas privés de manifester leur colère.
Il est tout de même rare de voir un gouvernement à ce point indifférent aux élus de la nation ! En Haute-Garonne, tous les parlementaires, le président du conseil régional, le président du conseil général et l'immense majorité des maires vous ont répété leur refus argumenté de voir disparaître le TGI et le tribunal de commerce de Saint-Gaudens, ainsi que le tribunal d'instance de Villefranche-de-Lauragais.
En effet, la réalité géographique, la croissance démographique et le développement de tous les territoires de la Haute-Garonne commandaient le renforcement de la justice locale et non son démantèlement.
Ne comptez pas sur nous, madame le ministre, pour cautionner votre entreprise de « déménagement du territoire » !
Le véritable problème de la justice en France, c'est celui du manque de moyens humains, matériels et budgétaires, au point que notre pays se trouve condamné régulièrement par les instances européennes en raison de retards de traitement inadmissibles. Or ce sont justement des tribunaux de proximité, où les délais sont plus courts, que vous supprimez !
M. Alain Gournac. Non ! Les délais y sont plus longs !
M. Bertrand Auban. Nous avons déjà connu bien des attaques contre le service public, qu'il s'agisse des petits hôpitaux, des lignes de transport, des bureaux de poste, des trésoreries, des commissariats et gendarmeries ou des succursales de la Banque de France, ainsi que contre l'égalité des droits entre les citoyens. Voilà que vous vous attaquez à présent à un autre pilier des missions régaliennes de l'État, à savoir le service public de la justice ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Et la gauche, qu'est-ce qu'elle a fait ?
M. Bertrand Auban. Avez-vous le moindre souci de la vie quotidienne des justiciables dans nos territoires ? Saint-Gaudens se trouve à 100 kilomètres de Toulouse et à 150 kilomètres des justiciables du sud du département !
M. Alain Vasselle. La question !
M. Bertrand Auban. Au bas mot, il faut deux heures ou deux heures trente de trajet routier pour avoir accès à la justice !
À l'heure du Grenelle de l'environnement, voilà une décision pertinente ! (La question ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Auban, ou je devrai vous interrompre !
M. Bertrand Auban. Je n'ai pas dépassé le temps de parole qui m'était imparti, monsieur le président !
Qui pourra payer le carburant et sacrifier le temps nécessaire pour se voir rendre justice dans une juridiction toulousaine terriblement surchargée ?
Depuis la révision de 1958, la France compte quasiment vingt millions d'habitants en plus : à qui veut-on faire croire que la suppression de tribunaux rendra la justice plus efficace et plus proche ? (La question ! la question ! sur les travées de l'UMP.) Un peu de tolérance, mes chers collègues ! Je dis tout haut ce que vous pensez tout bas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Il est vraiment temps de conclure, monsieur Auban !
M. Bertrand Auban. Je termine !
La justice aurait mérité un projet ambitieux, développé à partir d'une réflexion sur l'organisation judiciaire.
M. Josselin de Rohan. Et Mme Guigou, qu'est-ce qu'elle a fait ?
M. Bertrand Auban. Madame le ministre, au nom de mes collègues du groupe socialiste, je vous demande de mettre un terme à cette réforme engagée en dépit du bon sens (Exclamations sur les travées de l'UMP) et de consacrer le temps indispensable à une véritable réflexion et à un débat parlementaire, sur la base d'un constat objectif de la situation de la justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Vous avez parlé trois minutes trente-huit secondes, monsieur Auban !
Mme Rachida Dati,...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Elle n'est pas là !
M. le président. ... garde des sceaux, ministre de la justice, étant retenue à l'Assemblée nationale pour défendre son budget, je donne la parole à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser Mme Rachida Dati, qui se trouve retenue à l'Assemblée nationale pour présenter le budget du ministère dont elle a la charge. Elle aurait aimé vous répondre, mais je tenterai de le faire à sa place.
Monsieur Auban, votre présentation est légèrement caricaturale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Légèrement...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au contraire, elle est tout à fait exacte !
M. Éric Woerth, ministre. Très sincèrement, la méthode suivie par Rachida Dati est faite aussi bien de concertation (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.), et je vous le prouverai, que de décisions, car voilà trop longtemps que l'on ne décide pas, en France, dans le domaine de la justice.
Je vous renverrai simplement aux conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur Outreau,...
M. Jean-Pierre Michel. Cela n'a rien à voir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel rapport avec la réforme de la carte judiciaire ?
M. Éric Woerth, ministre. ... une affaire dont il faut bien tirer les conséquences, même si ce n'est pas facile, et c'est précisément l'objectif de Mme le garde des sceaux et du Gouvernement.
Les Français souhaitent une justice rapide, efficace, lisible et équitablement présente sur l'ensemble de notre territoire. Or il existe aujourd'hui 1200 juridictions réparties sur 800 sites, et la carte judiciaire est la même qu'en 1958, alors que le pays a changé. Nous devions réagir, et Mme le garde des sceaux s'y emploie.
La concertation a eu lieu (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), et elle se poursuit !
Voilà plus de quatre mois, le 27 juin dernier, Mme le garde des sceaux a installé le comité consultatif de la carte judiciaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui ne s'est jamais réuni !
M. Éric Woerth, ministre. Elle a demandé à l'ensemble des préfets et des personnalités concernées de lui faire remonter, ainsi qu'à ses services, des propositions sur les spécificités territoriales, ce qui a été fait. Elle a tenu compte de toutes ces remarques, et se rend elle-même sur le terrain, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle n'y va plus !
M. Éric Woerth, ministre. ... dans chaque région, afin d'expliquer la réforme et d'écouter l'ensemble des parlementaires, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition.
M. Jean-Marc Todeschini. Pour tenter de les cajoler !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les sénateurs UMP aussi défendent leurs tribunaux !
M. Éric Woerth, ministre. Il y a donc bien concertation, monsieur le sénateur, et les vingt-cinq schémas d'organisation qui ont été arrêtés ont tous été présentés et soumis au débat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Ce n'est que par le regroupement et la mutualisation des moyens que nous obtiendrons une justice plus rapide, plus efficace, mais aussi plus juste pour tous des Français, car elle sera délivrée partout dans les mêmes conditions.
Telles étaient d'ailleurs les conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur Outreau.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'a rien à voir !
M. Éric Woerth, ministre. S'agissant des quatre départements qui concernent la cour d'appel de Toulouse, ils conserveront cinq tribunaux de grande instance et neuf tribunaux d'instance.
Le tribunal d'instance de Saint-Gaudens, quant à lui, sera renforcé : il aura la possibilité, en 2010, de continuer à accueillir le contentieux familial qui relève aujourd'hui du tribunal de grande instance. La présence de la justice en Haute-Garonne restera donc forte, à la hauteur des besoins de ce département.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. Éric Woerth, ministre. Enfin, de façon générale, monsieur Auban, les réseaux des services publics doivent être adaptés, comme toute organisation. Nous nous efforçons de les faire vivre, dans le respect de tous les territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
taux réduit de tva dans le secteur de la restauration
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Marc Laménie. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
À l'issue de la réunion des ministres des finances de l'Union européenne, qui s'est tenue avant-hier, la Commission européenne a annoncé la présentation, pour l'année 2008, d'un projet de directive relative à l'application des taux réduits de TVA. Ceux-ci porteraient sur les produits les plus respectueux de l'environnement, ce dont nous nous félicitons, mais aussi sur les services à haute intensité de main-d'oeuvre, dont fait partie la restauration.
Comme chacun le sait, la réduction des taux de TVA dans le domaine de la restauration, promise dès 2002, est attendue depuis fort longtemps par les professionnels et par les Français. Cette mesure a fait l'objet de nombreuses négociations et démarches, au plus haut niveau de l'État, mais celles-ci se sont heurtées jusqu'à présent aux réticences de certains États membres de l'Union européenne.
Le secteur de l'hôtellerie, des cafés et des restaurants compte aujourd'hui près de 850 000 salariés, pour un chiffre d'affaires de plus de 50 milliards d'euros. La perspective d'une réduction du taux de TVA permettrait le développement économique de ce secteur fortement créateur d'emplois.
C'est pourquoi nous nous félicitons de la relance de ces négociations au sein de la Commission européenne, et ce à la veille de la présidence française de l'Union Européenne, qui débutera en juillet 2008.
Madame la ministre, en évitant l'écueil des effets d'annonces et des promesses que nous ne pourrions tenir, pouvez-vous nous éclairer sur les perspectives et le calendrier de ces négociations ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Très bonne question !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le sénateur, vous le savez, le Président de la République a souhaité que nous recherchions, par tous les moyens possibles, un accord avec nos partenaires européens afin d'obtenir un taux réduit de TVA dans le secteur des services à forte intensité de main-d'oeuvre, notamment celui que nos amis belges appellent HORECA, c'est-à-dire les hôtels, les restaurants et les cafés.
Si nous sommes nombreux au sein de l'Union européenne à chercher un tel accord, c'est parce que nous savons que c'est dans ces secteurs d'activité à forte intensité de main-d'oeuvre que nous créerons des emplois.
S'y ajoute une raison d'équité : aujourd'hui, onze pays européens sur vingt-sept pratiquent déjà des taux réduits de TVA dans le secteur des cafés, hôtels et restaurants, notamment.
Enfin, en vertu du principe de subsidiarité, cette mesure ne remettrait pas en cause le marché intérieur, ni la libre concurrence, tout simplement parce qu'il n'existe pas de substituabilité entre un restaurant situé au fin fond de l'Allemagne et un autre qui se trouve dans les Ardennes, par exemple.
Pour toutes ces raisons, il est parfaitement légitime que nous soyons autorisés à faire varier les taux de TVA et, en particulier, à appliquer un taux réduit dans ce secteur d'activité.
Monsieur Laménie, vous avez raison : il ne faut pas jouer d'effets d'annonce dans ce domaine. Voilà longtemps que nous discutons de cette question ! Ce que j'ai obtenu à Bruxelles, mardi dernier, c'est que le calendrier soit resserré, c'est-à-dire que la Commission européenne présente pendant l'année 2008, et non en 2010, comme c'était initialement prévu, son projet de directive, afin, notamment, que celui-ci soit discuté sous la présidence française, pendant la deuxième moitié de l'année 2008.
J'espère vivement que nous parviendrons à un accord sur la question du taux réduit de TVA. D'ailleurs, avec nos amis britanniques, nous avons également demandé à la Commission d'examiner l'hypothèse d'un taux réduit sur les produits qui sont parfaitement respectueux de l'environnement et compatibles avec notre objectif de développement durable.
Sur cette question, comme sur celle des services à forte intensité de main-d'oeuvre, je souhaite vivement que nous parvenions à un accord avec ceux de nos partenaires qui, aujourd'hui, restent hostiles au principe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
fièvre catarrhale
M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Richemont. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, et j'y associe mon collègue Alain Vasselle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous y mettez donc à deux !
M. Henri de Richemont. La situation des filières ovine et bovine dans notre pays est extrêmement préoccupante.
Depuis quatre mois, nos éleveurs subissent la progression de la fièvre catarrhale ovine, appelée aussi maladie de la langue bleue, qui affecte gravement leur cheptel, provoquant des fièvres, et même des décès, pour environ 10 % des ovins et 1 à 2 % des bovins infectés.
Or voilà qu'après le sérotype 8, venu du nord de l'Europe, nous sommes désormais concernés par le sérotype 1, qui a été identifié dans le Pays basque espagnol et qui touche les départements de ma région, mais pas seulement.
Même si le froid qui règne actuellement tue les moucherons qui servent de vecteurs à cette maladie, il n'en reste pas moins que la jonction des deux sérotypes menace le territoire français. En outre, la maladie est désormais durablement installée en Europe.
Des mesures ont été prises par le Gouvernement afin d'indemniser les éleveurs. Ces derniers, qu'ils exercent à titre principal ou secondaire, emploient du personnel.
Monsieur le ministre, quelles dispositions comptez-vous adopter au niveau national ou promouvoir à l'échelon européen afin de juguler de façon pérenne cette épizootie ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, une grande partie de notre territoire est en effet touchée aujourd'hui par la fièvre catarrhale ovine : soixante départements sont concernés et neuf mille cas de maladie ont été détectés.
Le virus du sérotype 8 est arrivé du nord, alors qu'on pouvait attendre qu'il remonte du sud, depuis l'Afrique ; il faut sans doute en tirer des leçons.
Les réponses à ce problème sont d'abord nationales, et passent par des mesures de précaution et de prévention complexes. Nous avons déjà limité les mouvements d'animaux et simplifié les zones de protection.
J'ai mis en place les premières mesures d'indemnisation des éleveurs que vous avez évoquées, monsieur le sénateur, à hauteur de 13,5 millions d'euros, et je viens de lancer pour la vaccination un appel d'offres, dont nous n'avons pas encore les résultats, pour 33 millions de doses.
Je souhaite rendre hommage à tous ceux qui agissent, avec beaucoup de responsabilité, face à cette maladie animale, qui perturbe notre économie agricole, car ce n'est pas une tâche facile. Je pense, en particulier, aux services de l'État, aux vétérinaires libéraux, aux éleveurs, aux professionnels et aux laboratoires.
Il existe également une réponse de l'Union européenne, que j'ai d'ailleurs été l'un des tout premiers à solliciter voilà plusieurs mois. Nous avons besoin d'une stratégie européenne de vaccination, et la Commission y travaille.
Enfin, je veux rendre hommage à la Commission européenne, qui, dans des délais inhabituellement brefs, a mis en place un protocole sanitaire pour nous permettre de régler la question très importante de l'exportation des broutards ; cela concerne un million d'animaux. Un protocole rend donc désormais possibles ces échanges d'animaux.
Telles sont les réponses que je suis en mesure de vous apporter aujourd'hui, monsieur le sénateur. De cette situation, nous pouvons tirer deux leçons.
La première, c'est que nous devons bâtir un bouclier sanitaire européen. Tous ces agents pathogènes émergents qui touchent les végétaux, les animaux et les humains arrivent n'importe où, n'importe comment : c'est la mondialisation des risques.
La seconde, c'est que nous avons besoin d'outils pour gérer ces risques, qu'ils soient économiques, climatiques ou sanitaires. Or ils nous font aujourd'hui défaut.
Je tiens à vous dire, monsieur le sénateur, que ces deux questions seront au coeur des propositions françaises lors des débats sur la nouvelle politique européenne agricole qui s'ouvriront bientôt. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
4
souhaits de bienvenue à une délégation du Bénin
M. le président. J'ai le plaisir de saluer une délégation venant du Bénin conduite par M. Issa Démonlé Moko, ministre de la décentralisation, de la gouvernance locale, de l'administration et de l'aménagement du territoire.
Cette délégation se trouve en France à l'invitation de notre collègue Mme Colette Mélot, sénatrice de la Seine-et-Marne, dans le cadre d'une coopération décentralisée entre Melun, où elle est le premier adjoint au maire, et Ouidah au Bénin.
Je forme des voeux pour que cette visite resserre les liens entre nos deux pays, régulièrement entretenus par le groupe interparlementaire d'amitié France-Afrique de l'Ouest du Sénat, présidé par M. Jacques Legendre, et dont notre collègue M. Bernard Piras est président délégué pour le Bénin.
Avec le bureau du Sénat, qui a chargé une délégation de suivre les questions de coopération décentralisée, je tiens à rappeler l'attachement institutionnel du Sénat au développement des actions de coopération internationale menées par nos collectivités et groupements avec des collectivités publiques, notamment d'Afrique.
Je souhaite, au nom du Sénat tout entier et en mon nom personnel, la cordiale bienvenue à nos invités du Bénin. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de plusieurs sénateurs appelés à siéger au sein d'organismes extraparlementaires.
La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose les candidatures de :
- M. François Fortassin pour siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;
- MM. Marcel Deneux et Daniel Reiner pour siéger respectivement comme membre titulaire et membre suppléant au sein du Conseil national des transports.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
6
Financement de la sécurité sociale pour 2008
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles de la quatrième partie, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 33.
Articles additionnels après l'article 33 (suite)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 126 est présenté par MM. Cazeau et Godefroy, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Domeizel, Mmes Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 333 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du Titre V du Livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans un délai de trois ans suivant leur démission, il est interdit aux médecins, odontologistes et pharmaciens mentionnés au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique régis par les dispositions de la section I du chapitre II du Titre V du Livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique (partie réglementaire) d'ouvrir un cabinet privé ou d'exercer une activité rémunérée dans un établissement de santé privé à but lucratif, un laboratoire privé d'analyses de biologie médicale ou une officine de pharmacie située dans le territoire de santé.
« Les modalités d'application de cet article sont réglées par voie réglementaire. »
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 126.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement tend à introduire une clause de non-concurrence au profit de l'hôpital.
Il s'agit en effet de protéger les établissements publics de la concurrence déloyale qu'ils subissent à l'occasion de la démission de praticiens hospitaliers à temps plein qui choisissent d'aller exercer dans des cliniques privées. Dans un contexte de pénurie médicale, ces dernières sollicitent les praticiens hospitaliers en leur proposant des rémunérations beaucoup plus élevées que celles qu'ils perçoivent à l'hôpital.
La démission d'un praticien hospitalier a pour effet d'amputer les hôpitaux d'une partie de leur activité sans qu'ils puissent le plus souvent recruter un autre praticien dans un délai rapide et alors qu'ils sont néanmoins obligés de continuer à rémunérer l'ensemble des personnels qui étaient attachés à cette activité. Le préjudice subi, tant en termes d'offre de soins que d'un point de vue financier - je pense à la tarification à l'activité, la T2A -, est très important.
Ces situations de démission de praticiens hospitaliers au profit de structures concurrentes sont d'autant plus choquantes que les établissements privés qui les recrutent sont, eux, protégées par des clauses de non-concurrence.
Rappelons également que la notion d'interdiction de concurrence existe dans le code de déontologie pour les médecins remplaçants. L'article 86 du code de déontologie médicale prévoit en effet qu'un étudiant ou un médecin qui a remplacé l'un de ses confrères pendant une période de trois mois ne peut entrer en concurrence directe avec ce médecin pendant une période de deux ans.
C'est la raison pour laquelle il est proposé d'instaurer, en cas de démission de praticiens hospitaliers à temps plein, une clause de non-concurrence limitée dans le temps, trois ans, et dans l'espace, le territoire de santé.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 333.
M. François Autain. Il a été fort bien défendu par ma collègue Raymonde Le Texier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Les amendements que viennent de défendre nos collègues visent à imposer une clause de non-concurrence aux médecins, aux odontologistes et aux pharmaciens souhaitant quitter l'exercice hospitalier pour l'exercice libéral.
La question ne nous paraît pas dénuée de fondement et mérite effectivement d'être débattue. Cependant, il conviendrait sans doute de revoir le délai de trois ans, qui nous paraît quelque peu excessif.
Nous souhaitons entendre Mme le ministre sur ces amendements.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. Les amendements identiques nos 126 et 333 viennent se heurter aux principes constitutionnels de liberté d'entreprendre et de liberté du travail. Je rappelle, à cet égard, la position du Conseil d'État qui, en 2005, avait jugé que l'hôpital public avait non pas de clientèle propre, mais une mission de service public. La notion de concurrence déloyale ne peut donc s'appliquer.
L'instauration d'une clause de non-concurrence pour les seuls praticiens hospitaliers à plein temps a pour conséquence de restreindre leur possibilité d'installation libérale ou d'exercice en établissement privé à but lucratif. Une telle mesure est discriminatoire à leur égard, les praticiens hospitaliers à temps partiel étant, quant à eux, quotidiennement en situation de double intérêt - exercice hospitalier couplé à un exercice libéral -, souvent sur le même territoire.
Une telle clause va, de surcroît, à l'encontre de l'unification des statuts des praticiens hospitaliers à temps plein et à temps partiel.
Cette mesure est enfin susceptible, et ce n'est pas le moindre de ses inconvénients, de freiner le recrutement de praticiens hospitaliers et risque d'être contreproductive.
Par ailleurs, la Cour de cassation admet, certes, les clauses de non-concurrence pour les salariés de droit privé, mais dans des conditions restrictives.
Je comprends vos préoccupations, mais la démographie médicale et les missions de l'hôpital sont deux questions majeures. La première va faire l'objet d'états généraux. La seconde est au coeur des travaux de la commission présidée par M. Larcher, auxquels j'assistais ce matin même.
Sur la base des constats et des propositions qui seront faites, le Gouvernement arrêtera une position au premier semestre de l'année prochaine.
Voilà quel est l'état juridique de la question. Je ne suis donc pas favorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Madame la ministre, je regrette infiniment que ce qui est applicable au secteur privé ne le soit pas à l'hôpital public. De ce fait, l'hôpital public se trouve placé dans une situation inégale par rapport à celle qu'occupent les établissements privés.
Je souhaiterais que la législation évolue sur ce point. J'estime qu'il n'est pas normal qu'un médecin, un odontologiste ou un pharmacien qui exercent à l'hôpital puissent immédiatement s'installer à côté. Il y a là, me semble-t-il, une concurrence déloyale qui est sanctionnée dans tous les contrats de droit privé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 126 et 333.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)