Médias
Je mets aux voix les crédits de la mission : « Médias » figurant à l'état B.
État B
(En euros)
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Médias |
500 946 683 |
500 946 683 |
Presse |
272 212 721 |
272 212 721 |
Chaîne française d'information internationale |
69 542 118 |
69 542 118 |
Audiovisuel extérieur |
159 191 844 |
159 191 844 |
(Ces crédits sont adoptés.)
Compte de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission : « Compte de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public » figurant à l'état D.
ÉTAT D
(En euros)
Mission |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Avances à l'audiovisuel public |
2 790 362 000 |
2 790 362 000 |
Télévision (ligne supprimée) |
||
Radio (ligne supprimée) |
||
Patrimoine audiovisuel (ligne supprimée) |
||
France Télévisions (ligne nouvelle) |
1 918 990 000 |
1 918 990 000 |
ARTE - France (ligne nouvelle) |
214 328 000 |
214 328 000 |
Radio France (ligne nouvelle) |
518 872 000 |
518 872 000 |
Radio France internationale (ligne nouvelle) |
57 717 000 |
57 717 000 |
Institut national de l'audiovisuel (ligne nouvelle) |
80 455 000 |
80 455 000 |
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. J'appelle en discussion les articles 63 à 65, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission : « Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public ».
Avances à l'audiovisuel public
Article 63
Mme la présidente. L'article 63 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 64
Dans le d du 2° de l'article 1605 ter du code général des impôts, après le mot : « État », sont insérés les mots : « ainsi que par les centres de formation des apprentis ». - (Adopté.)
Article 65
Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après les mots : « contrats d'objectifs et de moyens », sont insérés les mots : « ainsi que les éventuels avenants à ces contrats ». - (Adopté.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des crédits des missions « Médias » et « Compte de concours financiers : avances à l'audiovisuel public ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Culture
Compte d'affectation spéciale : Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits relatifs aux missions « Culture » et « Compte d'affectation spéciale : Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La mission « Culture » recueille 1 % des crédits de paiement de l'État - à ne pas confondre avec le mythique 1 % du PNB ! - et 1,2 % des autorisations d'engagement, soit 2,69 milliards et 2,76 milliards d'euros. S'y ajoutent les fonds de concours pour l'équivalent de 5,8 % des crédits de paiement, et les dépenses fiscales pour 10,6 % - chiffre qui a tendance à augmenter, ainsi que nous le montre la mesure proposée dans le présent projet de loi de finances pour le Centre des monuments nationaux.
L'inscription des fonds de concours, saluée l'an dernier comme un progrès, est marquée cette année par une évolution impressionnante - de 1,07 % à 5,8 % des crédits de paiement - sans que les raisons du phénomène soient éclairées par les réponses au questionnaire budgétaire. Il en va de même des dépenses fiscales dont l'accroissement, frappant dans le programme 175 « Patrimoines », finit par suggérer des questions indiscrètes.
Si les dépenses fiscales sont plus efficaces que les financements budgétaires, faudrait-il réduire ces derniers ? En matière de monuments historiques notamment, si l'on ne parvient pas à fixer les modalités et le financement de la sauvegarde et de l'entretien desdits monuments, et si les besoins ne sont pas évalués sur des bases objectives dictées par une politique claire et définie, ne seront-ils pas invoqués sans fin, au gré de multiples et passionnés intervenants ?
C'est pourquoi, mes chers collègues, votre commission des finances a suscité le vote d'un amendement, en première partie, demandant la transmission au Parlement d'un rapport sur l'état sanitaire du patrimoine monumental.
Le nombre d'emplois, mesurés en équivalents temps plein travaillé, ETPT, à savoir 11 542, diminue de près de 2 000 par rapport à l'année 2006, en raison, pour l'essentiel, d'un transfert à la Bibliothèque nationale de France, la BNF. Il est à noter que les emplois à plein temps rémunérés par les opérateurs passent de 11 650 à plus de 17 000. Il se confirme donc que la « force de frappe » culturelle du ministère réside pour l'essentiel dans les grands établissements, et non plus dans l'administration centrale.
Comment le ministre pourra-t-il imposer ses vues à ces grands féodaux que sont les responsables de la BNF, du Louvre, de l'Opéra, voire de la Cité des sciences ? Deux inspections générales, celle des finances et celle de l'administration des affaires culturelles, ainsi que votre commission des finances tenteront de répondre à cette question au début de l'année prochaine.
Mais c'est aussi à l'intérieur du ministère lui-même que se pose un problème de cohérence. L'architecture « lolfienne » est claire. Il y a trois programmes : « Conservation du patrimoine », « Création » et « Diffusion ». Ce sont là, de toute évidence, les axes majeurs de toute politique culturelle.
Mais l'organisation interne du ministère de la culture, qui résulte de l'histoire, n'est pas calquée sur ce découpage des crédits. La compétence des directeurs de programme est donc quelquefois assez peu claire, et la responsabilité des gestionnaires de ces programmes risque de s'en trouver diluée.
C'est ainsi que le directeur de l'architecture et du patrimoine, responsable du programme 175, doit arbitrer la répartition des crédits entre sa propre direction et la direction des musées de France, la direction des archives de France, la direction du livre et de la lecture, et la délégation générale à la langue française et aux langues de France.
Quant au directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, il est obligé d'arbitrer entre ses propres crédits et ceux d'autres directions, dont la direction du livre qui est l'une de ses victimes potentielles.
Pour l'heure, le ministère de la culture a nommé auprès des responsables de programme, des secrétaires généraux de programme, chargés de les aider à en assurer le pilotage et la coordination. Votre rapporteur spécial était assez sceptique sur cette réforme, mais il lui est apparu, lors d'un déplacement à la direction régionale des affaires culturelles - DRAC - de Picardie le 13 novembre dernier, que les services déconcentrés s'en félicitaient. Dont acte !
Le récent décret du 24 novembre modifiant un décret relatif à l'organisation et aux missions de l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication a créé un poste de secrétaire général, qui a pour adjoint le directeur de l'administration centrale. Les attributions éminentes de ce haut fonctionnaire ont laissé quelque peu rêveur votre rapporteur spécial, qui pensait aux longues et lointaines années où il avait été directeur de cabinet de plusieurs ministres. L'histoire jugera !
S'agissant de l'évaluation de la performance, on peut souhaiter qu'elle relève plus clairement de la responsabilité de la rue de Valois. Cette dernière doit, sur la base des objectifs et des indicateurs de performance présentés au Parlement, rendre compte des choix politiques et des choix de gestion.
Les modalités d'intervention du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dans la définition des instruments de performance doivent donc correspondre à une nécessité technique et ne devraient pas concerner la définition des priorités d'action et des moyens qui est l'apanage du ministère de la culture. En d'autres termes, il ne faudrait pas que la discussion sur les indicateurs de performance soit un lever de rideau sur la discussion budgétaire.
MM. Robert Del Picchia Louis de Broissia. Très bien !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Le programme 175 « Patrimoines » est prioritaire cette année avec 46,56 % des crédits de paiement, contre 44,9 % en 2006. Après application du schéma du déversement analytique, les crédits progressent de 18 %. Les fonds de concours ont été multipliés par 5,5 entre 2006 et 2007 pour atteindre 151,85 millions d'euros.
L'explication probable est la suivante : les modalités de rattachement de la nouvelle ressource fiscale attribuée au Centre des monuments nationaux par l'article 30 de la loi de finances, soit 25 % des droits de mutation à titre onéreux, ressource pérenne de 70 millions d'euros doublée la première année - 140 millions d'euros en tout.
Est-ce à dire que ces crédits seront alloués « au redémarrage des nombreux chantiers ralentis ou arrêtés en 2006, notamment sur les monuments appartenant à l'État » comme on lit dans les annonces officielles ? Lors de sa mission de contrôle dans la DRAC de Picardie, votre rapporteur spécial a constaté qu'en fait les crédits « hors grands projets », c'est-à-dire appartenant aux collectivités locales - par exemple les cathédrales de Senlis, Laon et Noyon - ou aux propriétaires privés, diminuent de 18,5 % dans le BOP, le budget opérationnel de programme.
En fait, comme pour les 100 millions d'euros attribués à l'EMOC, l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, sur des fonds de privatisation en 2006, on restera, je le crains, dans le cercle des grands projets, surtout parisiens, les crédits alloués aux monuments nationaux étant fléchés.
Le Centre des monuments nationaux se voit en outre doté d'un nouveau rôle de maître d'ouvrage, alors que l'État dispose déjà de l'EMOC et du Service national des travaux, sans même parler des DRAC. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point.
Votre rapporteur a noté avec intérêt l'inscription d'une subvention de 9 millions d'euros pour l'INRAP, l'Institut national des recherches archéologique, en crédits de paiement et en autorisations d'engagement pour 2007. Il avait soumis au Sénat, en 2006, l'adoption d'une telle subvention, d'un montant de 10,5 millions d'euros, et il lui avait été répondu que l'amélioration rapide de la situation financière de l'INRAP la rendait inutile. Reste néanmoins qu'il a fallu, au cours de l'année 2006, le doter de 7,5 millions d'euros pour lui permette de rembourser une partie de l'avance du Trésor : un rendu pour un prêté, en quelque sorte...
À nos collègues qui s'irritent, à juste titre, des difficultés rencontrées par nos communes avec l'INRAP, il est rappelé que notre commission des finances a établi en 2005 un rapport qui n'a pas perdu toute actualité. Entre autres mesures - on pourrait presque dire objurgations -, il est rappelé la nécessité de rationaliser la politique d'archéologie préventive, ce qui peut aller jusqu'au rationnement des diagnostics et donc des fouilles.
Le 12 mai 2006, le ministre s'est engagé devant le Sénat à présider le Conseil national de la recherche archéologique, afin de définir une politique nationale en la matière. J'apprends que cela commence à être fait à partir de la réunion d'hier : j'en suis heureux. On s'étonne tout de même que l'INRAP ne figure pas sur la liste des opérateurs du programme 175, incomplet d'ailleurs.
Le programme « Création » a bénéficié de 793,69 millions d'Euros en autorisations d'engagement et de 800,57 millions d'euros en crédits de paiement, avec 1,79 million d'euros de fonds de concours et 200,2 millions d'euros de dépenses fiscales. Sur les 4696 ETPT qui oeuvrent dans ce programme, le ministère n'en utilise directement que 23 %. Les crédits d'intervention du programme 131 en faveur du spectacle vivant représentent 53 % des crédits totaux de la présente action. Ils sont éparpillés dans les DRAC, ce qui correspond à la nature des choses, même si le contrôle en est rendu difficile.
Le problème qui demeure est, malgré tous les efforts déployés par le ministre, celui des intermittents du spectacle. J'allais commencer à parler du fonds spécifique et du fonds de solidarité et de professionnalisation. Je laisse au président Valade le soin d'aborder cette question à l'occasion de la présentation de son amendement.
Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est essentiel pour l'éducation artistique et les actions en faveur des publics spécifiques. Il regroupe désormais les crédits du Centre national du cinéma, le CNC. Après application du schéma du déversement analytique, les crédits atteignent 569,7 millions d'euros, soit 7 % de plus qu'en 2006. Les effectifs représentent 7233 ETPT ; ce programme regroupe en effet la quasi-totalité des dépenses de personnel des services déconcentrés des DRAC. La décision a été prise d'y rattacher les SDAP, les services départementaux de l'architecture et du patrimoine. Nous l'avions longuement demandé dans nos rapports. Je suis heureux que cela ait été pris en compte.
Le rapport s'interroge sur le financement du plan « école d'architecture » - quatre en Île-de- France, deux en province - qui passe par le compte d'affectation spéciale de gestion du patrimoine immobilier de l'État. Les crédits issus des cessions immobilières, prévus pour 20 millions d'euros, seront-ils suffisants ?
Enfin, le compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » bénéficie de 529,669 millions d'euros, soit 2 % de plus que l'an dernier. En recettes, il reprend les différentes taxes perçues sur les industries cinématographiques et audiovisuelles et en dépenses, les différentes aides à ce secteur.
Les dépenses fiscales associées à ce compte spécial sont de 150 millions d'euros, soit 28 % des crédits de paiement. On y retrouve l'aide aux sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA. Le rapport de votre commission porte un regard favorable sur l'action de ces sociétés pour les tournages en France. Ce n'est pas l'avis de tous !
S'agissant du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, le ministre vient de nous annoncer une majoration de la contribution des nouvelles technologies au compte de soutien, notamment la télévision mobile personnelle et les fournisseurs d'accès à Internet. Une négociation est en cours au CNC. Formons des voeux pour qu'elle aboutisse au plus tôt et au mieux. (Applaudissements au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2007 que je présente au nom de la commission des affaires culturelles traduit un effort incontestable du Gouvernement en faveur d'un domaine qui a toujours eu les faveurs du Sénat, à savoir le patrimoine.
Le niveau global des moyens financiers qui lui sont consacrés est d'autant plus important qu'aux crédits budgétaires proprement dits s'ajoutera, pour la première fois, une recette affectée d'origine fiscale, qui sera reversée en quasi-totalité au programme « Patrimoines ».
Je tiens à souligner cet effort tout en soulevant un problème de nomenclature qui rend difficile le contrôle parlementaire. En effet, chaque année, le périmètre des différents programmes évolue et les documents de la LOLF ne permettent pas, contrairement aux bons vieux « bleus » sur lesquels nous avons travaillé pendant des années, de faire des comparaisons pertinentes d'une année sur l'autre. C'est une remarque pro forma mais elle est importante : nous sommes aussi ici pour examiner, au nom du contrôle que le Parlement est tenu d'exercer, la politique du Gouvernement de manière précise.
Ne disposant que de cinq minutes, ce qui est fort court - c'est en quelque sorte le lit de Procuste de l'Antiquité ! - je m'en tiendrai à deux remarques qui portent sur les deux aspects, à mes yeux, essentiels de ce budget.
J'évoquerai tout d'abord le patrimoine monumental.
Le Sénat s'était ému en début d'année de la crise sans précédent que traversait depuis trois ans le patrimoine, crise qui s'était traduite, je le rappelle, par l'interruption de 400 à 500 chantiers et l'ajournement de nombreuses opérations nouvelles.
La mission d'information que le Sénat avait mise en place, dont mon collègue Philippe Richert était le président et moi-même le rapporteur, avait lancé un cri d'alarme. Je suis heureux de constater que le présent projet de budget tient le plus grand compte des remarques que la commission avait faites et que plusieurs des propositions qu'elle avait formulées dans son rapport entreront en application dans un délai dont je salue la brièveté, c'est-à-dire dès le prochain exercice budgétaire.
Le niveau global des enveloppes financières qui seront consacrées au patrimoine monumental constitue pour nous un premier motif de satisfaction. La mission d'information avait estimé que les besoins dans ce domaine étaient de l'ordre de 350 millions à 400 millions d'euros par an. En 2007, les crédits budgétaires consacrés au patrimoine monumental s'élèveront à 220 millions d'euros et le montant de la recette affectée, prélevée sur les droits de mutation perçus par l'État, sera de 140 millions d'euros, soit au total 360 millions d'euros. Ces crédits devraient permettre le redémarrage des chantiers. J'indique d'ailleurs qu'un certain nombre d'entre eux ont d'ores et déjà repris.
J'en viens à notre second motif de satisfaction et, à cet égard, mes remerciements iront au rapporteur spécial de la commission des finances. La mission d'information avait recommandé l'extension à la conservation et à l'entretien de monuments privés des dispositions fiscales relatives au mécénat. Là aussi nous avons été entendus. Un amendement déposé par notre collègue Yann Gaillard et qui a été adopté par le Sénat permet d'étendre dès l'année prochaine le bénéfice de ces dispositions au patrimoine privé, dans des conditions précises et rigoureuses, ce qui se comprend s'agissant d'argent public. Puissent toutes nos autres recommandations connaître une issue aussi favorable et, surtout, aussi rapide !
Sur ce point, je formulerai deux interrogations, monsieur le ministre.
Tout d'abord, je constate que les recettes affectées iront, puisqu'elles transiteront par le Centre des monuments nationaux, aux monuments de l'État. Cela permettra-t-il un redéploiement des crédits budgétaires, et notamment de compléter les crédits d'intervention déconcentrés dans les DRAC ? Je rappelle que ces crédits sont destinés aux monuments n'appartenant pas à l'État, qu'ils soient la propriété des collectivités locales ou qu'ils soient privés. Dans le projet de loi de finances pour 2007, ces crédits ne s'élèvent qu'à 101 millions d'euros, contre 124 millions d'euros l'an dernier. Un effort supplémentaire s'impose donc.
Ensuite, ma seconde interrogation concerne les modalités de la réforme du Centre des monuments nationaux, qui, en contrepartie de la recette affectée, se voit attribuer, par le projet de loi de finances, une responsabilité nouvelle en matière de maîtrise d'ouvrage.
La commission des affaires culturelles du Sénat a estimé qu'il convenait de ne pas multiplier les acteurs de la maîtrise d'ouvrage. En effet, sans même parler de l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, et du Service national des travaux, le SNT, les services de la conservation régionale des monuments historiques des DRAC, dont il convient de saluer le travail remarquable, conviennent à merveille. La mission d'information s'est d'ailleurs rendue en Bretagne, où elle a été impressionnée par leur travail.
Il nous est donc apparu qu'il n'était pas souhaitable que le Centre des monuments nationaux soit doté de moyens techniques qui, à l'évidence, feraient doublon avec ceux des DRAC. Des conventions de maîtrise d'ouvrage entre le Centre des monuments nationaux et les DRAC seraient une formule tout à fait convenable.
J'en ai terminé s'agissant du patrimoine. J'y ai consacré l'essentiel de mon intervention parce qu'il constitue, me semble-t-il, le trait majeur de ce projet de budget.
J'évoquerai maintenant l'éducation artistique et culturelle.
Je me réjouis de l'effort qui est fait dans ce domaine essentiel en termes d'intégration sociale et d'égalité des chances. Le Sénat sera très vigilant s'agissant de la mise en oeuvre du plan de relance de l'éducation artistique et culturelle que vous avez engagé conjointement avec le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et qui est une initiative fort heureuse.
Vous avez su, monsieur le ministre, rétablir la confiance de toutes celles et de tous ceux qui sont attachés au patrimoine ou qui travaillent dans ce domaine. Au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat, je tenais à vous en remercier. Si je le fais avec une certaine solennité, c'est parce que ce projet de budget présente un caractère exceptionnel.
Pour conclure, j'indique que la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis.
M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce qui me concerne, je vous présenterai le programme « Création », dont les crédits s'établissent à 906 millions d'euros, soit une augmentation de 2,1 %, à périmètre constant. Il représente 38 % des interventions de la mission « Culture ».
Ce programme comporte quatre actions et ses crédits sont consacrés pour 70 % au spectacle vivant, pour 20,5 % au livre et à la lecture, pour 5,5 % aux arts plastiques et, enfin, pour 4 % aux industries culturelles, dans les domaines du livre, du disque, du multimédia et du cinéma.
Je relève que certains indicateurs ont été utilement ajoutés, afin, par exemple, de mieux évaluer la part des structures subventionnées ayant signé une convention avec l'État. À cet égard, je me félicite des efforts effectués pour généraliser les conventions, mais je m'étonne que cette pratique ne soit pas encore généralisée.
Les établissements publics nationaux du spectacle vivant verront leurs moyens en fonctionnement et en investissement augmenter de 9,3 millions d'euros ; 48 % des crédits du spectacle vivant leur seront consacrés. Les moyens d'intervention du ministère, qui s'établissent à 336 millions d'euros, bénéficieront de 8,8 millions d'euros de mesures nouvelles. Par ailleurs, le ministère consacrera 27 millions d'euros aux projets d'investissement.
Enfin, les crédits consacrés au livre et à la lecture s'élèveront à 33,8 millions d'euros en crédits de paiement.
Grâce à la réforme prévue de l'assiette de la taxe sur la reprographie, le Centre national du livre devrait bénéficier de 14 millions d'euros supplémentaires, dont 10 millions d'euros sont destinés au financement du projet de bibliothèque numérique européenne, projet nécessaire si nous voulons préserver la diversité culturelle.
Vous avez récemment annoncé, monsieur le ministre, un plan d'action et de développement en faveur de l'art contemporain, prévoyant notamment la création de nouvelles structures sur le territoire et le transfert de la propriété d'oeuvres du Fonds national d'art contemporain à douze musées de région qui les conservaient. Nous nous félicitons de ces décisions, qui s'inscrivent dans l'esprit de la décentralisation et qui visent à réduire la fracture culturelle entre Paris et la province.
Les mesures allant dans le sens d'une réaffirmation de la présence d'oeuvres d'art dans l'espace public sont également les bienvenues.
Enfin, nous nous réjouissons du plan d'action en faveur de l'éducation artistique et culturelle à l'école et du fait que cette dernière ait été inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences, en espérant cependant que ce plan sera plus appliqué que le précédent.
En ce qui concerne le soutien au secteur musical, la Commission européenne a autorisé la France à mettre en place un crédit d'impôt visant à soutenir la diversité musicale et l'emploi dans le secteur de la production phonographique. Le coût de cette mesure est évalué à 10 millions d'euros.
La réforme de la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles semble cependant susciter certaines réticences parmi les professionnels, notamment dans le milieu de la danse. Pouvez-vous les rassurer, monsieur le ministre ?
Je relève qu'un certain nombre des audits de modernisation de l'État concernent le programme « Création ». Parmi eux, je m'intéresse tout particulièrement à celui qui est consacré aux modalités d'attribution et de suivi des crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant. Je sais que la procédure en est au stade des réponses du ministère aux conclusions du rapport. Toutefois, compte tenu de l'importance du sujet, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous exposiez votre analyse de la situation dans ce domaine.
S'agissant des efforts engagés pour professionnaliser l'entrée dans les métiers du spectacle, la réforme des formations me semble aller dans le bon sens. Toutefois, je m'inquiète de la multiplication des formations non labellisées par l'État, qui attirent de plus en plus de jeunes vers des filières n'offrant pas nécessairement de réels débouchés professionnels. L'articulation entre la formation et l'insertion professionnelle est indispensable.
Par ailleurs, je me réjouis des efforts en matière de structuration du secteur, de mutualisation et de développement de réseaux. Ils doivent en effet être fortement encouragés, notamment pour tenter de compenser la pression à la hausse des coûts qui pourrait résulter de la consolidation de l'emploi. À cet égard, je m'interroge sur le risque d'une augmentation du prix de vente des billets de spectacles, tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Comment éviter une telle évolution, monsieur le ministre ?
D'autre part, j'avoue m'être interrogé sur le caractère vertueux du protocole du 18 avril 2006, mais je relève qu'un certain nombre d'ajustements devraient permettre de réduire le déficit des annexes VIII et X pour l'avenir. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?
Le mardi 5 décembre dernier, vous avez précisé devant la commission des affaires culturelles l'articulation entre ce futur protocole et le Fonds permanent de professionnalisation et de solidarité, mis en place par l'État afin d'assurer la complémentarité entre solidarité interprofessionnelle et solidarité nationale.
Vous avez également fait le point sur les négociations des conventions collectives et exposé l'action du Gouvernement pour mieux structurer l'emploi culturel et artistique. Nous saluons cette action, que M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, et vous-même conduisez dans ce domaine.
Cette politique de soutien à l'emploi culturel et artistique doit aussi s'inscrire dans le cadre plus général d'un renforcement de l'attractivité culturelle. Il est évident que l'ensemble des moyens publics consacrés à l'organisation d'événements, à la création d'équipements culturels ou à la restauration de monuments contribuent au renforcement de l'attractivité de notre pays.
Pour autant, je relève que cet aspect de notre politique culturelle a été longtemps méconnu et donc sous-estimé. Par conséquent, je me réjouis de la récente reconnaissance de la place essentielle du secteur culturel et de la création artistique dans la vie économique et sociale de notre pays et, plus largement, de l'Europe.
Je pense notamment qu'il est nécessaire de développer une pédagogie du spectacle afin d'attirer de nouveaux publics. À cet égard, l'exemple des Folles journées de Nantes est éclairant. Il serait également utile de mettre en réseau, à l'échelon local, tous les acteurs culturels et touristiques. Je relève d'ailleurs que la création d'établissements publics de coopération culturelle peut favoriser cette mise en réseau.
Le 14 juin dernier, vous aviez organisé, monsieur le ministre, un séminaire sur l'attractivité culturelle, auquel la commission des affaires culturelles a participé. Nous aimerions connaître les suites qui lui ont été données.
Je me réjouis que la Commission européenne ait, pour la première fois, commandé une étude sur l'économie de la culture en Europe, ce qui témoigne d'une prise de conscience récente de l'importance de ce secteur. Cette étude montre que la culture « tire » le développement économique, l'innovation et la cohésion sociale. Elle contribue notamment fortement au développement des nouvelles technologies, qui dépendent en grande partie de l'existence de contenus attractifs.
Toutes ces réflexions contribuent à éloigner le secteur culturel de la tentation - que l'on observe parfois - d'un relatif isolement, en le positionnant dans le paysage économique général. Soyons vigilants pour qu'il n'y perde pas son âme, car l'équilibre est difficile.
En conclusion, je vous indique que la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2007.
J'en viens au programme « Industries cinématographiques ».
En 2005, la concomitance de la surabondance de l'offre de films - 240 films ont été agréés, ce qui constitue un nouveau record - et de la diminution de la fréquentation en salles a exacerbé les problèmes liés à l'encombrement des salles et à la difficulté pour un certain nombre de films de trouver leur public, faute d'une exposition suffisante.
Différents facteurs expliquent cette évolution, dont l'accroissement considérable du nombre de copies de films, la répartition irrégulière des sorties en salle au cours de l'année ou, selon certains, les conditions de financement des films.
À la suite d'une mission qui lui a été confiée par le Centre national de la cinématographie, M. Jean-Pierre Leclerc a formulé de nombreuses recommandations afin de remédier à cette situation. Les propositions pourraient être les suivantes : maîtriser le nombre de films, réguler le nombre de copies, améliorer le calendrier de sortie des films, revoir le statut des salles et des films « art et essai », améliorer les conditions de programmation des films en salles, limiter les effets de la concentration verticale par rapport aux chaînes de télévision, revoir la chronologie des médias, ainsi que renforcer la coopération et organiser la concertation entre les professionnels.
Je me réjouis de la mise à plat de l'importante question des conditions de sortie des films en salles. Il appartient aux professionnels de réfléchir à toutes ces propositions, car l'urgence est avérée.
Tant cette mission que d'autres travaux récents conduisent à s'interroger sur une éventuelle réforme des dispositifs de financement du cinéma.
En effet, il me paraît souhaitable qu'une étude approfondie des mécanismes de soutien au cinéma soit effectuée afin, si nécessaire, de renforcer l'efficacité, dans le respect des objectifs qui leur sont assignés. Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, j'ai pris acte de votre engagement, voilà quelques semaines au Sénat, de présenter une proposition de nature à renforcer les ressources du compte de soutien géré par le CNC, notamment par le biais d'une contribution des nouveaux fournisseurs de contenus, à savoir l'Internet à haut débit et la téléphonie mobile.
Cela me conduit à vous présenter la première section du compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », qui correspond au programme 711 consacré aux industries cinématographiques, dont j'ai la charge. Pour 2007, ce programme devrait bénéficier de 269,8 millions d'euros.
Je rappelle que nous disposons d'outils fiscaux comme les sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, et le crédit d'impôt cinéma, institué en 2004, dont le caractère incitatif n'est plus à démontrer. La tendance à la relocalisation des dépenses de tournage se confirme.
S'agissant des objectifs et des indicateurs de performance du programme, je note quelques modifications par rapport à l'an dernier. Je m'interroge cependant sur la suppression des trois indicateurs portant respectivement sur les films « art et essai », sur l'incidence de l'implication des collectivités territoriales dans le financement du cinéma et sur l'évaluation des conséquences des aides financières au secteur de la vidéo. Ces questions ne sont-elles pas pourtant essentielles ?
Je relève que l'apparition du secteur de la vidéo à la demande pose la question de l'insertion de ce nouveau mode d'exploitation des films dans la chronologie des médias.
S'agissant de la lutte contre le déchargement illégal de films et pour le respect du droit d'auteur, une récente initiative de la Commission européenne m'inquiète. Elle semble vouloir supprimer la rémunération pour copie privée et la remplacer par une généralisation des mesures techniques de protection.
Cette initiative a suscité de vives réactions de la part des professionnels, tant Français qu'Européens, qui se sont rassemblés au sein du collectif « Culture d'abord ! » pour dénoncer cette menace sur le droit d'auteur.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur la situation dans ce domaine ?
La réflexion sur la révolution numérique a beaucoup avancé depuis l'an dernier. La réalité elle-même a évolué, confirmant l'urgence de décisions, tant à l'échelon national qu'à l'échelon européen.
L'excellent rapport remis en septembre dernier par M. Daniel Goudineau a mis en lumière les profonds bouleversements que le développement de la projection numérique va entraîner pour l'ensemble de la filière cinématographique. L'accompagnement de ces mutations soulève des questions de régulation publique et appelle une adaptation du soutien financier géré par le CNC.
La distribution est bien entendu directement concernée par l'émergence de la technologie numérique appliquée au cinéma, ce secteur réalisant les économies les plus spectaculaires avec le développement de la diffusion numérique des films. Pour autant, le modèle économique reste à identifier pour que les économies réalisées puissent être partagées par l'ensemble de la chaîne de production et de diffusion des films. L'objectif est que l'économie globale réalisée profite au cinéma et que les moyens dégagés soient réinvestis dans le secteur, quels que soient les acteurs prenant en charge le financement de l'investissement initial.
Il convient de créer les conditions pour que la pénétration du numérique dans la distribution des films permette une meilleure diffusion des films en France, notamment des films indépendants ou destinés aux circuits d'art et essai.
S'il est évident que l'émergence du cinéma numérique offre les moyens de « rebattre les cartes » entre les différentes catégories d'acteurs, elle pourrait cependant entamer gravement la liberté de certains - les exploitants - et, si l'on n'y prenait garde, nuire à la diffusion des films français.
Je souhaite à la fois que la France réfléchisse aux modalités d'une régulation et que la Commission européenne favorise la transition harmonieuse vers le numérique, afin d'assurer que les films européens dans leur diversité continuent d'être proposés aux publics. Le programme Média 2007-2013 pourrait y contribuer.
Enfin, je tiens à insister sur l'enjeu de la diversité culturelle, à la suite de l'adoption de la loi du 5 juillet 2006, qui a autorisé la France à adhérer à la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Cette convention conforte les politiques culturelles française et européenne. Je m'inquiète, cependant, du souhait de la Commission européenne de revoir l'ensemble des systèmes d'aides au cinéma en 2007. Nous estimons que cet examen doit être effectué à l'aune de la Convention de l'UNESCO et avec l'objectif de favoriser la diversité culturelle dans le domaine du cinéma, en Europe et dans le monde.
Je conclurai en vous indiquant que la commission des affaires culturelles s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits du programme 711 consacré aux industries cinématographiques de la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ». (Applaudissements.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.
Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, comme vous l'avez souligné devant la commission des affaires culturelles, le budget de la mission « Culture » pour 2007 est en hausse. En dépit d'un certain nombre de questions et de quelques réserves que je formulerai tout à l'heure, le groupe UC-UDF votera ce budget parce qu'il poursuit les efforts impulsés ces dernières années, notamment en faveur des patrimoines et, surtout, parce qu'il contient des dispositions importantes pour sortir de la crise du patrimoine architectural et en faveur du livre et de la lecture.
S'agissant du patrimoine monumental, nous saluons l'effort important consenti cette année par le Gouvernement, alors que ce secteur connaît depuis trois ans une crise de financement sans précédent.
Ainsi, le budget global consacré au patrimoine atteint, grâce aux 140 millions d'euros, un niveau proche de celui qui est nécessaire pour répondre aux immenses besoins en matière de restauration des monuments.
On peut également se féliciter de la disposition proposée par la commission des finances et votée par notre assemblée, qui vise à étendre aux dons bénéficiant à la restauration, à l'entretien et à la conservation des monuments privés le bénéfice de la réduction d'impôt pour mécénat. Cette proposition de notre mission d'information sur le patrimoine architectural va dans le sens de la diversification des financements qu'il faut désormais encourager par des mesures fiscales incitatives.
Il ne reste plus qu'à espérer que l'augmentation des crédits profitera également aux chantiers des collectivités territoriales, engagées avec l'État dans des projets de restauration et de sauvegarde financièrement lourds, mais indispensables. C'est ainsi que les petites villes-centres, Rouen et Avignon, pour ne citer que deux exemples, dotées d'un patrimoine très riche, ont des difficultés pour faire face à tous ces chantiers.
Nos inquiétudes sont légitimes. En effet, lorsque le Premier ministre a annoncé en septembre des crédits supplémentaires pour le patrimoine, ces derniers ont été affectés, dans ma région, uniquement à un monument d'État. Je m'en réjouis, mais je pense que les monuments des villes méritent tout autant d'être pris en compte.
Ce sentiment est d'ailleurs confirmé par nos collègues rapporteurs, qui montrent bien que l'affectation des 100 millions d'euros issus l'année dernière des recettes de privatisation l'a été au seul bénéfice des monuments historiques d'État, souvent parisiens.
Notre crainte est donc que cela ne se fasse au détriment du patrimoine local puisque cette recette exceptionnelle sera affectée au Centre des monuments nationaux, alors que le ministre s'était engagé à ce que « les chantiers des collectivités territoriales et des propriétaires privés bénéficient pleinement de cet abondement, grâce aux redéploiements qu'il permettra ». Pouvez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre ?
Cette année, on note un effort particulier dans le domaine du livre et de la lecture, secteur essentiel de la connaissance. Les bibliothèques sont non pas des temples du savoir, mais des outils culturels de proximité, des lieux d'autoformation, des lieux de partage et de mutualisation des connaissances.
Cette progression des crédits est nécessaire, car les équipements sont encore insuffisants, surtout dans les zones rurales - à ce propos, où en est le programme des ruches ? - ou dans les quartiers en difficulté, et la modernisation liée aux nouvelles technologies, à l'informatisation et à la numérisation induit des coûts importants.
C'est pourquoi nous nous réjouissons de la réforme de la taxe affectée au Centre national du livre, qui verra ses ressources augmenter de 15 millions d'euros. Ils permettront de renforcer le secteur économique du livre et de l'édition, et de financer le projet de bibliothèque numérique européenne, indispensable pour faire face à l'initiative de Google.
Cette augmentation permettra aussi d'aider les secteurs qui en ont le plus besoin : le soutien aux bibliothèques territoriales, le financement des équipements structurants afin de développer l'offre de lecture et l'aide aux acteurs de la chaîne du livre les plus fragiles, notamment les éditeurs et les libraires indépendants.
Ces points positifs et significatifs ainsi que les efforts budgétaires du Gouvernement ne peuvent cependant cacher les difficultés que connaît le secteur culturel, qui vit, à mon sens, une crise structurelle de ses financements. Peut-être est-ce notamment parce que l'État a consacré un budget croissant, tant en investissement qu'en fonctionnement, aux grands établissements nationaux.
Chaque année, on se félicite de la création d'un nouvel établissement - Cité de l'architecture, Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, futur Centre européen d'art contemporain de l'Île Seguin - dont les charges pèseront ensuite sur le budget du ministère, réduisant progressivement d'autant les capacités d'action propres de celui-ci. Cette politique peut avoir pour conséquence de maintenir des inégalités sur notre territoire, une moindre part du budget étant accordée aux établissements en région.
Autre problème majeur, alors que la décentralisation devrait être un moyen d'optimiser les financements des collectivités territoriales et ceux de l'État afin d'amplifier une dynamique, elle la fige, parce qu'elle est inachevée, et se traduit souvent par une complexité politico-administrative sclérosante.
La décentralisation culturelle doit être organisée pour être réussie : il faut savoir qui fait quoi, comment et avec qui. Les collectivités se sont particulièrement investies dans les politiques culturelles. Cela ne veut pas dire pour autant que l'État n'a plus sa partition à jouer, car il reste un puissant levier pour mener des actions culturelles et participer à l'aménagement du territoire. Encore faut-il définir les rôles de chacun, la place de l'État, ses compétences, celles des collectivités et, surtout, leur articulation entre elles.
En cela, la décentralisation doit être l'occasion de réfléchir aux évolutions des missions du ministère et des services déconcentrés, qui sont indispensables pour s'adapter aux nouveaux objectifs. La transition que nous vivons exige plus que jamais que le ministère d'André Malraux s'affranchisse du simple rôle de gestion pour devenir un ministère de mission. Nous réclamons non pas plus d'État, mais mieux d'État !
Il faut dire aussi que les vingt régions socialistes n'ont pas aidé à la décentralisation, bien au contraire.
M. Bernard Murat. C'est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly. En effet, elles n'ont même pas été une force d'impulsion et de proposition en termes d'aménagement du territoire.
Ainsi, en Haute-Normandie, le conseil régional refuse de financer le projet de médiathèque à vocation régionale, impulsé par la ville et soutenu par la direction du livre et de la lecture, et qui est pourtant attendu depuis trente ans !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est scandaleux !
Mme Catherine Morin-Desailly. Je ne citerai que deux exemples de cette décentralisation inachevée dans le domaine des établissements d'enseignement supérieur.
Alors que les crédits alloués à l'enseignement pour les Conservatoires nationaux de région et les Écoles nationales de musique ont été confiés, par la loi d'août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, aux régions et aux départements pour prendre effet au 31 décembre prochain, les villes, qui portent à bout de bras ces établissements, ne sont pas sûres que les crédits que l'État transférera à l'euro près aux régions et aux départements reviendront auxdits établissements.
Cela étant, les schémas départementaux ne sont toujours pas prêts et la mise en oeuvre de la loi est retardée.
La décentralisation est aussi incomplète pour les écoles régionales des Beaux-Arts, établissements d'enseignement supérieur, actuellement à la charge des villes, qui doivent elles aussi, au même titre que les écoles nationales, s'intégrer à l'espace européen en s'adaptant au cursus licence-master-doctorat, LMD.
Certes, monsieur le ministre, vous prévoyez des moyens confortés pour les écoles d'art en région, en actualisant de 5 % leurs crédits de fonctionnement, sans que l'on sache cependant comment ils seront répartis entre les différentes écoles d'art d'une même région. Si nous notons ce geste avec satisfaction, nous nous interrogeons pourtant, car il ne saurait résoudre durablement la question du financement de ces écoles, qui ont besoin d'une véritable réforme pour envisager leur avenir.
Concernant le spectacle vivant et la question de l'intermittence, le projet de budget dote le Fonds permanent de professionnalisation et de solidarité, créé le 12 mai 2006 par le Gouvernement, d'une somme de 5,11 millions d'euros. Venant en complément du protocole d'accord du 18 avril, il prend acte de la non-résolution de la crise de l'intermittence. Il accompagne la politique de l'emploi culturel mise en place par le Gouvernement. Comment s'articulera le Fonds avec le futur protocole ? Où en est sa signature ? Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des renseignements ?
Si nous saluons vos efforts, nous continuons à penser que seule une loi d'orientation sur le spectacle vivant traitant globalement de l'architecture de l'emploi artistique permettrait de sortir de cette crise, qui nuit à la vitalité culturelle de notre pays depuis maintenant trois ans.
Il faut soutenir la création, mais il faut aussi travailler à la diffusion. Pour accroître le nombre de spectacles, pourquoi ne pas expérimenter la constitution de fonds de diffusion dans lesquels les régions pourraient s'impliquer aux côtés de l'État pour soutenir la mise de réseau de salles de spectacles diverses, mais aussi des structures plus simples - écoles, maison des jeunes... ? Les artistes et techniciens du spectacle auraient ainsi plus d'heures de travail et auraient, du coup, moins recours à l'assurance chômage. Sans renoncer au statut de l'intermittence, cette solution aurait l'avantage d'offrir aux artistes des possibilités de se produire et de se confronter aux publics tout en élargissant l'offre et la création.
Ma dernière remarque concerne les célébrations nationales qui honorent les grands personnages de notre patrimoine culturel. Cette année, dans le budget, La Fayette, Buffon, Vauban sont cités. Pourriez-vous m'expliquer, monsieur le ministre, ce qui préside aux choix ?
Si je fais cette remarque, avant que d'autres me rejoignent, notamment d'éminents membres de l'Institut d'ici à quelques jours, c'est parce que nous avons été particulièrement déçus que Pierre Corneille, l'un des plus grands auteurs dramatiques français, « l'inventeur du théâtre pour l'éternité » selon François Regnault, n'ait pas été honoré au niveau national en 2006, année du 400è anniversaire de sa naissance ? Qui ne se souvient de Gérard Philippe dans le « Cid » mis en scène par Jean Vilar à Avignon ?
La contemporanéité de Corneille est une évidence si l'on regarde les grandes passions et les grands sentiments qui traversent son oeuvre. La presse, encore très récemment, s'est émue de cet oubli et soulignait que si « Rouen sa ville natale l'avait célébré dignement », l'auteur de l'alexandrin aurait mérité un meilleur traitement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'entrer dans le détail de ce projet de budget 2007 pour la culture, j'évoquerai brièvement deux études publiées récemment et dont les conclusions me semblent devoir être rapprochées l'une de l'autre.
Tout d'abord, la Commission européenne a récemment rendus publics les résultats d'une étude, commandée sur son initiative, consacrée à l'économie de la culture en Europe. Illustrant une prise de conscience salutaire des autorités européennes sur l'importance de l'économie de la culture, cette étude nous enseigne notamment qu'au sein de l'Union européenne le chiffre d'affaires du secteur culturel et de la création était, en 2003, de 654 milliards d'euros. À titre de comparaison, le secteur industriel enregistrait en 2001 un chiffre d'affaires de 271 milliards d'euros et celui qui était généré par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, NTIC, s'élevait en 2003 à 541 milliards d'euros.
Étayés par des chiffres très précis en termes de croissance et d'emplois créés, ces résultats, d'une part, montrent, comment la culture au sens large joue un effet de levier sur le développement économique et social en Europe et, d'autre part, souligne l'interdépendance croissante entre le secteur culturel et celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Un sondage, publié le 1er décembre dernier dans un grand quotidien national, portant sur la place de la politique culturelle et les priorités des Français en la matière, montre, par ailleurs, que, pour 46 % des personnes interrogées, l'accès de tous à la culture et aux équipements culturels est la première des priorités.
Nous sommes donc confrontés à deux logiques qui tendent à s'opposer et qui, pourtant, ne le devraient pas. D'un côté, le secteur culturel et de la création qui, fort des innovations technologiques qui le traversent, est en pleine croissance et, de l'autre, la manière dont est vécue cette mutation du secteur culturel par nos concitoyens qui insistent sur la nécessité d'élargir au maximum le champ d'accès à la culture.
Comment combiner les formidables innovations technologiques qui frappent les industries culturelles avec les aspirations bien légitimes de nos concitoyens à un accès plus large à toutes les formes de cultures ? C'est, à mon sens, le défi politique culturel majeur auquel nous avons d'ores et déjà été confrontés ces derniers mois.
Au cours de l'année 2006, cette problématique a, en effet, été soulevée à deux reprises au moins devant le Parlement, et n'a malheureusement pu, à aucun moment, être traitée de manière satisfaisante.
La loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information, dite loi DADVSI, était d'abord l'occasion de créer les conditions d'une offre culturelle sur Internet qui soit diverse, attractive et respectueuse des droits des créateurs. Mais, comme en atteste la décision du Conseil constitutionnel intervenue cet été, votre dispositif de contraventions pour les internautes téléchargeant ou mettant à disposition des oeuvres sans aucune autorisation, et donc sans aucune rémunération pour les ayants droit, a été invalidé et le texte promulgué demeure tout aussi répressif, et donc tout aussi inapplicable, que dans sa version initiale.
La convergence numérique et sa compatibilité avec le pluralisme et la démocratisation culturels furent également au centre de nos débats lors de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Mais, là encore, monsieur le ministre, malgré les réelles améliorations obtenues par notre assemblée, vous avez, avec l'octroi de la chaîne « bonus », cédé aux sirènes des opérateurs privés historiques et ainsi sacrifié la diversité des expressions culturelles à la télévision française sur l'autel du profit et de la rentabilité.
S'agissant du projet de budget pour 2007 et de sa capacité à relever les grands défis que je viens d'évoquer, à savoir l'accès pour tous à la culture, et à toutes les formes de culture, je crains qu'il ne suscite également la déception.
Tout d'abord, une politique culturelle qui visait de tels objectifs se devrait de favoriser la construction d'établissements culturels à caractère national sur l'ensemble du territoire : il en va de l'égalité de tous devant l'offre culturelle. Or le ministère de la culture poursuit ou lance de grandes opérations qui, à l'exception du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille, sont toutes situées à Paris ou en région parisienne. (M. le ministre marque sa désapprobation.)
Ainsi, le musée du quai Branly a récemment été inauguré ; en 2005, a été annoncée la création du nouveau centre des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine ; la réalisation de la bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art sur le site Richelieu de la BNF vient d'être confirmée ; enfin, le ministère de la culture vient d'annoncer la création d'un centre européen de création contemporaine sur l'île Seguin à Boulogne-Billancourt, à la place du projet avorté de la fondation Pinault.
Il ne s'agit pas pour nous de contester l'opportunité de telles opérations, qui, disons-le clairement, sont pleinement justifiées, notamment au regard de l'attractivité culturelle de notre pays. Ces opérations seront de plus réalisées sur plusieurs années, ce qui permettra un relatif étalement de la dépense.
Le véritable problème, outre la concentration géographique de ces opérations, est que, dès lors que le budget du ministère de la culture n'augmente pas, ou n'augmente que peu, de tels investissements vont inévitablement peser sur les autres interventions de l'État, lequel sera obligé de se désengager de beaucoup d'autres actions.
Ce mouvement se perçoit d'ailleurs clairement dans les choix budgétaires de 2007 : les crédits destinés aux actions en région ainsi qu'au soutien des initiatives des collectivités territoriales ont tendance à stagner ou à baisser.
J'en veux pour preuve les crédits des musées. Si les moyens destinés aux musées nationaux sont maintenus, et même parfois augmentés, les dépenses d'intervention destinées aux actions en région enregistrent une chute vertigineuse de 30 % par rapport à 2006.
En faisant passer ses autorisations d'engagement de 24 millions à 18 millions d'euros, l'État se replie donc dans un domaine qui est pourtant majeur pour garantir l'égal accès de tous à toutes les formes de culture. Cette baisse de 6 millions d'euros affectera en effet le soutien aux expositions, les subventions pour les travaux de construction ou de rénovation menées dans les musées des collectivités territoriales et les crédits déconcentrés des DRAC pour financer des actions dans les musées territoriaux.
Ce désengagement de l'État est tout aussi manifeste dans la répartition des crédits de l'action « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » du programme « Création ».
Comme je l'ai indiqué il y a quelques instants en ma qualité de rapporteur pour avis, l'intervention globale du ministère de la culture en faveur du spectacle vivant s'élèvera pour 2007 à 782,8 millions d'euros et représentera ainsi 33 % de son budget. Mais, là encore, la répartition des crédits n'est pas satisfaisante pour permettre à tous d'accéder à toutes les formes de culture.
Les établissements publics nationaux bénéficieront d'une hausse de crédits de 11 millions d'euros pour leur fonctionnement, alors que les moyens de la totalité des autres établissements répartis sur l'ensemble du territoire n'enregistrent qu'une hausse de 3,8 millions d'euros, soit, hors subventions d'investissement, une augmentation de 1,2 %, bien inférieure à l'inflation, dont le taux estimé se situe entre 1,8 et 2 %.
Les centres dramatiques nationaux, les centres chorégraphiques nationaux, les orchestres, les scènes nationales, les compagnies de théâtre et de danse, les groupes de musique, bref, l'ensemble des artistes et des créateurs subventionnés par votre ministère et qui n'ont pas la chance d'avoir intégré un établissement public national sont donc mis à la marge, alors même que ce sont eux qui assurent le dynamisme du spectacle vivant en France.
La situation des intermittents du spectacle, artistes et techniciens, n'est pas plus rassurante.
Un certain nombre d'avancées ont pu être obtenues dans le cadre de l'accord du 18 avril 2006, notamment en ce qui concerne la nouvelle possibilité de comptabiliser le nombre d'heures travaillées sur une période pouvant s'étaler au-delà de la période de dix mois ou dix mois et demi mise en place par le protocole d'accord du 26 juin 2003.
Mais, monsieur le ministre, tous les rapports parlementaires rédigés sur ce sujet sont unanimes : le protocole d'accord du 26 juin 2003 n'a en rien permis d'endiguer le déficit des annexes 8 et 10 de la convention UNEDIC.
Les chiffres sont éloquents. Le nombre d'allocataires indemnisés dans le cadre de ces annexes 8 et 10 a chuté de 105 600 en 2003 à 99 367 en 2005. Pourtant, la hausse du déficit de ces annexes n'a en rien été enrayée. Bien au contraire, ce déficit a crû sur la même période, passant de 887 millions à 973 millions d'euros.
Alors, oui, le fonds de professionnalisation et de solidarité dont vous proposez la création est un instrument intéressant pour accompagner les intermittents du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel qui se seraient « égarés » dans leur parcours professionnel. Mais, pour tous les autres qui s'accrochent à la passion du spectacle et du rêve, il n'est rien d'autre qu'un instrument destiné à faire passer la pilule que vous faites avaler à ceux dont la seule maladie est de ne pas pouvoir suffisamment travailler pour accéder aux allocations chômage. D'ailleurs, la pilule ne passe pas, et les intermittents étaient de nouveau dans la rue mercredi dernier.
Ce que nous vous demandons, monsieur le ministre, est simple.
Vous avez incité les partenaires sociaux à élaborer d'ici à la fin de 2006 huit conventions collectives destinées à circonscrire le champ de l'intermittence ; vous encouragez la mutualisation des moyens et des réflexions sur l'organisation du travail ; vous entendez établir un lien étroit entre les subventions publiques et l'emploi pérenne ; vous oeuvrez pour l'amélioration de la diffusion des spectacles en encourageant la mise en réseau des structures ; le crédit d'impôt que vous avez mis en place pour la relocalisation des tournages sur le territoire français a porté ses fruits et permis une augmentation significative des tournages réalisés en France, ce qui signifie qu'autant d'emplois supplémentaires ont été pourvus.
Nous pensons, monsieur le ministre, que toutes ces mesures sont positives pour stabiliser les emplois culturels et ainsi faire chuter à terme le déficit colossal des annexes 8 et 10.
Aussi, poursuivez vos efforts dans ce sens, mais ne donnez pas votre agrément à ce nouveau protocole visant à faire porter le chapeau à quelques dizaines de milliers d'intermittents qui sont le creuset de la création culturelle en France !
Pourquoi, enfin, ne pas avoir accepté le débat lorsque, le 12 octobre dernier, l'Assemblée nationale examinait la proposition de loi élaborée par le comité de suivi ?
Élargir le champ d'accès à toutes les formes de culture, c'est par ailleurs promouvoir l'éducation artistique, de l'école à l'université, en formant puis en aiguisant l'esprit critique vis-à-vis de l'image, du son et des arts plastiques.
Vous avez certes inscrit dans votre budget 500 000 euros supplémentaires pour financer le plan de relance pour les enseignements artistiques, mais cela semble bien peu au regard des coupes claires qui ont entaillé depuis quatre exercices successifs les crédits destinés aux classes à projet artistique et culturel mises en place à la rentrée de 2001 dans le cadre du plan Tasca-Lang.
Élargir le champ d'accès à la culture et à toutes les formes de culture, c'est enfin encourager les actions en faveur des publics les plus en difficulté, en partenariat avec les politiques culturelles territoriales.
C'est précisément l'objet des actions 4 et 5 du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui doivent notamment permettre de financer les politiques culturelles à destination des publics handicapés, des personnes incarcérées, des enfants scolarisés en ZEP, ou encore en faveur des jeunes pris en charge dans le cadre d'activités organisées par des associations de lutte contre l'exclusion.
Autant dire l'importance, au regard de la paix sociale, des crédits affectés à ces actions budgétaires. Pourtant, la déception est de mise puisque ces actions voient globalement leurs crédits s'effondrer de 20 %.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, votre projet de budget pour la culture en 2007, le dernier de cette législature, ne crée pas les conditions d'un accès élargi à toutes les cultures et ne reflète pas, à l'intérieur du pays, les efforts que vous avez menés à l'international pour promouvoir la diversité des expressions culturelles.
Quelle que soit votre bonne volonté, c'est la culture qui subit prioritairement les contrecoups de la politique économique et sociale désastreuse menée par ce gouvernement depuis cinq ans.
En conséquence, le groupe socialiste du Sénat votera contre les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens du ministère de la culture progressent de 7,8 % cette année.
Il faut saluer la continuité des efforts du Gouvernement, et même leur accentuation : entre 2004 et 2007, le budget de la culture a augmenté de 600 millions d'euros, tandis que nos prédécesseurs ne l'avaient accru entre 1997 et 2002 que de la moitié de cette somme.
Ces moyens croissants permettent de mener une politique culturelle ambitieuse, tournée vers l'aide aux artistes et favorisant l'accès de tous à la culture.
Les monuments historiques sont la première priorité du budget. Cet effort particulier avait été annoncé par le Premier ministre, Dominique de Villepin, à Amiens, à la veille des Journées du patrimoine.
En 2007, plus de 380 millions d'euros seront consacrés à la restauration et à l'entretien du patrimoine monumental.
Je tiens à saluer le rapport remarquable de notre ami Philippe Nachbar sur l'entretien et la sauvegarde du patrimoine architectural, remis à la commission des affaires culturelles dans le cadre de la mission d'information présidée par Philippe Richert.
Ce rapport contient plusieurs propositions tendant à sortir de la crise récente qui s'est traduite par l'arrêt d'un nombre important de chantiers de restauration - 200 en 2005, 300 en 2006 - et par le report de la plupart des nouveaux projets.
Il y est notamment suggéré d'étendre à la conservation et à l'entretien des monuments historiques privés ouverts au public les dispositions fiscales relatives au mécénat. En effet, la conservation et l'entretien des monuments privés représentent une charge de plus en plus lourde pour les propriétaires privés, et, compte tenu des limites du financement public, il convient de rechercher de nouvelles sources de financement.
Je me réjouis que cette disposition ait été adoptée dans le cadre de la première partie de la loi de finances, ce qui encouragera le versement de dons à la Fondation du patrimoine ou à des associations agréées. Il sera important, monsieur le ministre, de faire en sorte que les mécènes potentiels soient informés de l'ensemble des avantages que la loi leur propose.
Il faut préserver et embellir le patrimoine historique de notre pays, non seulement pour sa valeur esthétique et historique, mais aussi parce qu'il permet à des artisans d'exercer leur métier et qu'il contribue à l'attractivité de notre pays.
L'année 2006 a été riche, qui a vu notamment l'ouverture du musée du quai Branly et la réouverture du musée des Arts décoratifs.
Les objectifs pour 2007 sont tout aussi remarquables, avec la relance de 160 chantiers et la poursuite de grands projets : le schéma directeur de Versailles, la rénovation des façades du Grand Palais et la restauration du quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France.
Les travaux concernent également de nombreux musées, notamment le musée d'Orsay et le Louvre. La Cité de l'architecture et du patrimoine ouvrira l'année prochaine. Quant au lancement du futur centre européen de création contemporaine dans l'île Seguin, pour un million d'euros, il sera un événement majeur pour la production artistique française.
Paris et la région parisienne, parce qu'ils sont riches en monuments historiques, captent une grande partie des crédits, mais je tiens à souligner que la province n'est pas oubliée. Je citerai, par exemple, le chantier du Musée des civilisations à Marseille ou, dans le domaine du spectacle vivant, l'auditorium de Bordeaux et celui d'Aix-en-Provence.
La deuxième priorité du projet de budget, qui me tient particulièrement à coeur, porte sur le livre et la lecture.
Le secteur du livre représente la troisième industrie culturelle en France, avec un chiffre d'affaires d'environ 3 milliards d'euros pour l'édition, mais ce secteur se trouve aujourd'hui fragilisé du fait des mutations des pratiques de lecture et des effets de la révolution numérique.
Malgré cela, monsieur le ministre, lors de la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde, deuxième manifestation nationale après le Salon de Paris, plus de 130 000 visiteurs ont contribué à une augmentation des ventes de 20 % par rapport à l'année précédente.
C'est pourquoi je me réjouis de ce que le Gouvernement ait défini une nouvelle politique du livre qui vise à la fois à accompagner ce secteur dans ses mutations par des aides renforcées et à anticiper les évolutions en modernisant l'action publique.
En particulier, la réforme élargissant la redevance sur la reprographie aux imprimantes et télécopieurs permettra de dégager 30 millions d'euros, contre 20 millions d'euros précédemment, ce qui contribuera à renforcer le soutien au secteur du livre.
Je souhaiterais aussi évoquer le projet de bibliothèque numérique européenne, qui bénéficiera en 2007 de 10 millions d'euros.
Ce projet a réellement pris corps à la suite de la décision de Google de numériser des millions de livres en vue « d'organiser l'information du monde ».
Lancée par le Président de la République, Jacques Chirac, lors de l'ouverture des rencontres pour l'Europe de la culture, le 2 mai 2005, la création de la bibliothèque numérique européenne est un grand projet d'avenir, car il est clair que demain, avec l'avancée des nouvelles technologies, la consultation à distance des oeuvres détenues par des bibliothèques sera appelée à se développer.
Une étroite collaboration va être mise en place entre les bibliothèques nationales de l'Union européenne, et l'on imagine l'ampleur de la tâche.
En France, il existe depuis 1997 une bibliothèque numérique créée par la Bibliothèque nationale de France : Gallica.
Gallica compte aujourd'hui 80 000 ouvrages et connaît une fréquentation croissante, avec plus d'un million de documents consultés chaque mois.
Dans la perspective de la bibliothèque numérique européenne, Gallica compte enrichir son offre d'ouvrages numérisés, au rythme de plus de 100 000 ouvrages supplémentaires chaque année, à partir de 2007. La France fait donc, là aussi, preuve de dynamisme et joue un rôle moteur dans le projet.
La Commission européenne estime que deux millions de livres, films, photographies, manuscrits et autres oeuvres culturelles seront accessibles via la bibliothèque numérique européenne d'ici à 2008. Ce chiffre atteindra au moins six millions en 2010, mais il devrait être encore beaucoup plus élevé toutefois puisque chaque bibliothèque, archive ou musée d'Europe sera alors, a priori, en mesure de relier ses ressources numériques à la bibliothèque numérique européenne.
Nous vous faisons toute confiance, monsieur le ministre, pour imposer le respect scrupuleux de la propriété intellectuelle et des droits d'auteur dans la mise en oeuvre de ce projet.
Par ailleurs, dans la mesure où la bibliothèque numérique européenne s'inscrit dans un contexte fortement concurrentiel, elle devra faire face à une situation marquée par la course à la mise en ligne de contenus de qualité.
Le sujet est complexe et le processus décisionnel européen prend du temps : il est donc souhaitable que la France prenne rapidement position et puisse proposer un modèle de plate-forme commune.
Je voudrais à présent évoquer la question de l'enseignement.
À la différence de ce qui se fait dans d'autres pays industrialisés, en France, l'histoire de l'art n'est pas enseignée dans le cadre de la scolarité obligatoire. Une option est seulement ouverte au lycée. Or il me semble que l'enseignement de l'histoire de l'art conditionne en partie l'accès du plus grand nombre à notre héritage culturel. Je voudrais connaître votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre.
Je terminerai mon propos en évoquant en quelques mots le spectacle vivant, troisième priorité de ce budget.
Monsieur le ministre, je vous félicite de votre engagement en faveur du spectacle vivant et de votre détermination à résoudre la crise née de la réforme du régime de l'intermittence.
Ce sont 5 millions d'euros qui seront affectés au fonds de professionnalisation et de solidarité, comme le prévoyait le protocole d'accord de 2006.
Il est souhaitable que la signature des accords entre partenaires sociaux intervienne rapidement et que ces accords permettent de construire un système pérenne, adapté aux spécificités des métiers des artistes et techniciens du spectacle, tout en garantissant l'amélioration de la situation financière du régime.
La crise qui est née de la réforme du régime de l'intermittence a révélé la fragilité du secteur du spectacle vivant, alors que celui-ci est un rouage essentiel de notre engagement pour la création et la diversité culturelle, comme de l'animation de tous les villages et cités de notre pays.
Les crédits alloués au spectacle vivant auront augmenté de 17 % entre 2002 et 2007, leur hausse étant de 3 % pour l'année prochaine.
Près de la moitié des crédits sont affectés aux salles, comme la Comédie-Française, qui va bénéficier de nouvelles salles de répétition. Je citerai également le chantier très attendu du grand auditorium de la Ville de Paris, qui représente un coût de 3,15 millions d'euros.
Quant aux dépenses de personnel, leur diminution de plus de 7 % traduit les efforts significatifs du ministère en faveur d'une meilleure gestion de ses effectifs.
Ce projet de budget traduit une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir. Bien évidemment, notre groupe apportera son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux pages de journaux en disent long sur la situation culturelle française, de plus en plus vidée de ses fondements essentiels.
Dans presque tous les quotidiens, on peut lire ce message de Vivendi : « Le divertissement est un besoin vital comme boire, manger, dormir ».
L'autre page figure dans Le Monde du 30 novembre, sous ce titre : « Henri-Claude Cousseau, coupable d'art contemporain ».
Henri-Claude Cousseau, directeur de l'École nationale supérieure des Beaux-arts de Paris, est mis en examen pour une exposition jugée attentatoire à l'innocence des enfants au musée d'art contemporain de Bordeaux, qu'il dirigeait il y a six ans.
Ainsi, en France, en 2006, Vivendi définit la politique culturelle, avec l'encouragement de l'État, qui lui fait des cadeaux dans le cadre du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, comme étant, avec Canal +, l'un des trois opérateurs audiovisuels historiques, comme étant, avec Canal +-TPS, l'un des nouveaux entrants de la TNT et comme étant, avec SFR, autre filiale de Vivendi, l'un des trois grands opérateurs de télécommunications.
Là, l'Etat s'empresse !
Ainsi, en France, en 2006, un grand serviteur de l'art, dont les expositions ont fait date - citons Antonin Artaud, l'Avant-garde russe et Dieux et Mortels - subit une atteinte grave aux libertés conquises de l'art, des artistes et des oeuvres.
La solidarité se déploie : déjà 3 000 signatures ont été recueillies. Une réunion publique de représentants de toutes les disciplines artistiques se prépare. Cependant, l'Etat n'intervient pas, il attend la décision de justice.
Là, l'Etat se tait !
M. Jack Ralite. Eh bien, vous le déclarerez !
M. Jack Ralite. Je vais donc parler des questions de fond, du sens de l'art et de ses étranges rapports avec ses « regardeurs », auditeurs ou lecteurs et avec ses interprètes.
Les premiers, quand ils sont du peuple et pauvres, sont évoqués avec compassion, mais traités comme s'ils étaient de trop dans la société et presque priés de se faire oublier.
Les seconds, quand ils sont débutants, sans succès de grand commerce, quand ils sont intermittents, voient leur statut de précaire précarisé jusqu'à être supprimé et remplacé par du vide. Cela s'appelle un licenciement, même s'il y a une indemnité.
Georges Bataille disait : « Dans la mesure où l'homme admet la morale utilitaire, on peut dire que le ciel se referme sur lui. Il méconnaît la poésie, la gloire, le soleil à ses yeux n'est qu'une source de calories. » Avec cette philosophie, le budget de la culture a froid !
Je prendrai deux exemples liés à mes fonctions au sein des conseils d'administration du théâtre national de la Colline et de « Monum », autre nom du Centre des monuments nationaux. J'aime y travailler et y rencontrer des femmes et des hommes, artistes, fonctionnaires, syndicalistes ou personnalités, auprès desquels souvent « je me rallonge ».
Mercredi 29 novembre, au théâtre de la Colline, et vendredi 1er décembre, à l'hôtel de Sully où je me trouvais pour Monum, deux choses m'ont frappé cependant.
Parlons d'abord de la Colline. Les 5 % que la LOLF impose de réserver sur le budget 2007, donc de ne pas dépenser, le ministère, en accord avec Bercy, autorise la Colline, comme les autres établissements, à les prendre sur les fonds de roulement, avec un butoir équivalant à un tiers de ces fonds. C'est une commodité suicidaire, derrière son apparente générosité.
En effet, en 2009, si cette situation perdure, les fonds de roulement n'existeront plus. Qui, alors, sera le « tiers payant » ? Les collectivités locales ? Elles n'en peuvent plus, accablées qu'elles sont par les surcharges que leur impose l'État. Les spectateurs ? Quid des plus modestes ? Le privé ? Il refusera un mécénat pour tous.
Reste la « diminution des coûts artistiques », selon une expression employée lors de la réunion du conseil d'administration du théâtre, c'est-à-dire la mise en cause du coeur de métier.
Dans les institutions culturelles la seule variable d'ajustement serait l'art et les artistes, comme dans l'entreprise, le salarié.
Qui plus est, cette procédure généralisée constitue un hold-up de l'Etat sur les fonds de roulement des institutions culturelles. D'ailleurs, monsieur le ministre, n'avez-vous pas été interrogé à ce propos par les directeurs ou présidents de la Bibliothèque nationale de France, de la Cité des sciences et de l'industrie, de l'Opéra national de Paris, du musée d'Orsay, du musée du Louvre, du musée du quai Branly, de la Cité de la musique, du Centre Pompidou et de la Réunion des musées nationaux ?
J'en viens à Monum. Le conseil d'administration a adopté son budget et nous avons reçu une information sur le développement de Monum.
Sur ce dernier point, je voudrais évoquer ce qui s'est passé ici même, à deux heures quinze, dans la nuit du 27 au 28 novembre, quand est venu en discussion l'article 30 du projet de loi de finances pour 2007, qui vise à organiser les finances et la maîtrise d'ouvrage de Monum. Un amendement du rapporteur général tendait à supprimer cet article au motif que, au sein des services centraux et déconcentrés du ministère de la culture, trois structures exerceraient en pratique la maîtrise d'ouvrage et que les 70 millions d'euros supplémentaires pour Monum ne serviraient qu'aux monuments nationaux.
Le ministre délégué au budget répondit que, pour la maîtrise d'ouvrage, Monum deviendrait bientôt l'unique intervenant. S'agissant du financement, il déclara que, depuis 2002, 1,8 milliard d'euros avaient été consacrés aux monuments historiques, ajoutant : « C'est beaucoup d'argent ! »
Si vous lisez le rapport de la mission d'information sur le patrimoine de la commission des affaires culturelles, vous verrez que, avec ce « beaucoup d'argent », en 2005, quatre-vingts chantiers ont été interrompus et cent soixante-dix autres, différés. En 2006, ce sont trois cents chantiers qui ont été interrompus, ce qui a entraîné la perte de 700 emplois, la diminution du nombre des apprentis ainsi que la mise en danger de nombre d'entreprises d'art et de leur savoir-faire.
Il faut expliquer le sens du vote intervenu à deux heures quinze du matin : en un instant, les lois fondatrices de 1913 et 1914 sur les monuments historiques ont été abandonnées !
Une ordonnance avait été prise le 23 septembre 2005, un projet de loi de ratification déposé le 9 décembre 2005. Nous sommes le 8 décembre 2006 : le projet de loi n'a toujours pas été examiné et la question a été réglée sans vrai débat.
Que craignait le Gouvernement ?
Je sais ce qui le gênait : le rapport de MM. Richert et Nachbar, qui vous a conduit à commencer de corriger le tir, critique, dans ses pages 39 à 43, la nouvelle trajectoire. Je citerai trois phrases du rapport :
« La nouvelle recette affectée à Monum ne garantit ni sa durabilité, ni la stabilité de son montant, ni la stabilité du montant global des crédits des monuments historiques. »
« Le ministère privilégie les monuments d'Etat. »
« Les crédits d'intervention transitant par les DRAC pour les monuments n'appartenant pas à l'Etat baissent de 18,5 % entre 2006 et 2007 ».
Lorsque je lis ces lignes, je pense intensément à l'aventure désastreuse de l'archéologie préventive, dont le ministère prévoit le financement par des collectivités locales qui n'en peuvent plus et un privé qui veut tout... pour faire le moins possible.
Ces deux expériences montrent les limites et les détours du projet de budget pour 2007. Et je précise que le Premier ministre, en 2006, a alloué aux monuments historiques, au régime sec depuis 2002, 100 millions d'euros provenant de la privatisation des autoroutes. Cette somme n'ayant pu être, bien sûr, inscrite dans le budget de 2006, elle majore d'autant les crédits pour 2007, lesquels comptabilisent également 140 millions de fonds de concours qui, en toute orthodoxie budgétaire, ne devraient pas figurer dans les bases. C'est ainsi que les crédits des monuments historiques pour 2007 connaissent une progression outrancièrement gonflée.
Avec cette tromperie, et d'autres, le budget du ministère de la culture pour 2007 ne croît pas de 7,8 % à périmètre constant comme on nous le dit, mais seulement de 2,7 %. Le taux d'inflation étant de 2 %, ce budget, en réalité, stagne.
Cette stagnation a des conséquences sur les crédits de l'architecture, par exemple, qui diminuent de 23 %, sur ceux d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques, qui diminuent de 19 %, ou sur ceux des actions spécifiques pour les publics et politiques, qui diminuent de 20 %. Les crédits du spectacle vivant, quant à eux, n'évoluent pas.
Non, le budget de la culture pour 2007 n'est pas au niveau des besoins. Il ne se présente pas avec la limpidité que la LOLF annonçait.
Si une bifurcation n'est pas prise, ce budget fragilisera l'autorité du ministère de la culture et amoindrira l'efficacité de son administration, qui connaît déjà un réel désenchantement.
Pis encore, ce budget porte comme les prémices d'une remise en cause de l'existence même du ministère, et l'on sait bien que certains y pensent, tel Nicolas Sarkozy. Nous dirigeons-nous vers un ministère dont la mission se limiterait, à terme, au contrôle et à la sécurité culturels ?
Certes, il y a des réalisations et des projets d'envergure, comme le musée du quai Branly ou le projet de grande salle de concert à la Villette.
Nous savons toutefois que le premier doit son existence à la volonté présidentielle - mais pourquoi pas ? - et que le second est une conquête qui résulte de la haute conviction d'un homme, Pierre Boulez, et des équipes de la Cité de la musique qui, des années durant, ne baissèrent jamais l'archet.
L'État a perdu tout élan. Alors que tout réclame une responsabilité publique et sociale dans le domaine de la culture, une responsabilité qui vaille aussi bien pour le secteur public que pour le secteur privé, l'Etat encourage le secteur privé, privatise des domaines publics et laisse ce qui reste du secteur public à ses difficultés.
L'État abandonne aussi la banlieue. J'ai dit les plaintes qui émanaient des grands équipements nationaux. En banlieue, où les efforts locaux sont substantiels et visent à soutenir de multiples projets, petits, moyens ou grands, on ne se plaint pas : on porte plainte !
Je me limiterai à mentionner Aubervilliers, où je vis. Tous les fronts culturels y sont tenus, et tous, à l'origine, ont été créés sans aide de l'Etat. Voyons, par exemple, ce qu'il en est pour deux d'entre eux.
Le conservatoire national de région, le CNR, d'Aubervilliers-La Courneuve accueille 1 600 élèves, provenant notamment de milieux populaires. Cet établissement assure avec qualité, courage et succès les fonctions légales d'une telle structure. Il innove et se déploie dans les écoles.
L'Etat, qui a décidé de ne plus subventionner, en 2008, les conservatoires nationaux - oui, nationaux ! - ne finance que 13,5 % du budget du CNR d'Aubervilliers-La Courneuve, qui s'élève à 3,5 millions d'euros. Et, pour l'année 2007, l'Etat retire déjà 25 000 euros ! Ce conservatoire a cinquante ans...
Le Théâtre de la Commune, que Didier Bezace anime avec imagination et talent, est fortement engagé dans un partage artistique avec le public populaire. Quand les deux salles fonctionnent ensemble, c'est une véritable ruche.
Cette belle vitalité demande de nouveaux moyens pour poursuivre l'exploitation des spectacles, jouer régulièrement dans les deux salles, assurer des rencontres dans les quartiers avec des formations légères. L'État couvre 61,54 % du fonctionnement du théâtre, la ville 18,69 % et le conseil général 17,78 %.
L'effort de l'Etat est réel, mais la marge artistique du théâtre est bloquée : il faut lui donner un élan significatif. Ce théâtre a quarante ans...
Réfléchissez-y bien : si l'on considère le revenu moyen par foyer fiscal en 2005, Aubervilliers est au 1 298e rang et La Courneuve au 1 299e des 1 300 communes que compte la région parisienne ! Il faut le vivre et le dire !
Le 24 janvier, lors d'une convention de l'UMP sur la culture, M. Sarkozy déclarait que le monde des artistes en avait assez des bonnes paroles et demandait des actes. Sans commentaire.
Encore qu'il y ait comme un grondement sourd des intermittents qui, mercredi dernier, a éclaté dans les rues de diverses villes de France, dont Paris, où 5 000 personnes ont manifesté avec une grande dignité face à la décomposition organisée de leur statut.
C'est que le débat du 12 octobre qui les concernait à l'Assemblée nationale a été dramatique pour eux ! Le président du groupe UMP a osé demander la vérification du quorum, ce qui n'était ni plus ni moins qu'une discrimination puisqu'il avait ignoré cette procédure une heure auparavant sur un autre sujet !
Et pour créer quoi ? Un quorum des artistes de demain ? La fonction artistique aurait-elle maintenant des frontières, devrait-elle être confinée à l'intérieur d'un mur ? Le MEDEF en a été rageusement le premier maçon ! Et vous voudriez aujourd'hui le cimenter par un amendement de dernière minute !
En conclusion, je voudrais évoquer la journée « La culture est-elle un enjeu politique ? », qui s'est déroulée le 1er décembre à la Cinémathèque française sur l'initiative d'ARTE, de France Culture et de Radio France. Je retiens les propos d'Antonio Tabucchi : « La culture, bien sûr, est un enjeu politique ; d'ailleurs, en Italie, la politique a mangé la culture ». Il égrena alors un étonnant chapelet des méfaits et forfaits constatés dans certaines affaires mêlant le médiatique et le politique, sous la houlette de Berlusconi.
En France, la situation semble différente, mais l'est-elle tellement ? Revenons aux deux pages de journaux que j'ai évoquées au début. La publicité de Vivendi, comme les cerveaux disponibles de TF1, c'est du berlusconisme ! Et laisser sans solidarité effective un homme de l'art, ses deux collaboratrices et vingt-cinq plasticiens de réputation internationale, c'est aussi du berlusconisme !
Puisque l'Italie fait réfléchir, laissons à Dario Fo le dernier mot : « Lorsqu'un enfant naît, ses parents s'empressent de le faire rire en lui faisant des grimaces. Pourquoi ? Parce qu'au moment où il rit cela signifie que l'intelligence est née, il a su distinguer le vrai du faux, le réel de l'imaginaire, la grimace de la menace, il a su voir au-delà du masque. Le rire libère l'homme de la peur. Alors, rions. » (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Tropeano
M. Robert Tropeano. Permettez-moi, d'abord, monsieur le ministre, de regretter l'affichage peu réaliste qui apparaît dans le « bleu » budgétaire. La présentation des chiffres cache, en fait, la teneur réelle de ce que vous nous proposez.
En effet, contrairement à la hausse de 7,8 % présentée lors de votre conférence de presse, la réalité des chiffres est malheureusement bien différente.
Vous annoncez ainsi une progression budgétaire flatteuse en cette fin de législature. Pour ce faire, vous avez intégré les crédits destinés à financer la dotation générale de décentralisation des bibliothèques, qui se voient transférés sur la mission « Intérieur », soit 163 millions d'euros en 2006. Or, compte tenu de ce transfert de crédits, le changement de périmètre budgétaire n'est pas pris en compte dans votre présentation budgétaire ! Je doute, monsieur le ministre, qu'il s'agisse là d'une erreur de votre part !
Pas assez satisfait de la hausse ainsi obtenue, vous n'avez pas hésité à introduire également des ressources extra-budgétaires dans le calcul des crédits affectés à la mission « Culture ». Je pense non seulement aux 140 millions d'euros affectés aux monuments historiques de l'État et financés par le prélèvement opéré sur le produit des droits de mutation à titre onéreux, mais aussi aux 15 millions d'euros de crédits extra- budgétaires alloués au Centre national du livre et financés, cette fois, par l'élargissement de l'assiette de la redevance sur la reprographie par imprimantes et télécopieurs.
Suite à ces réajustements, et par une formule mathématique très simple d'additions et de soustractions, l'on obtient le véritable montant des crédits budgétaires destinés à la mission « Culture », à savoir 2 818,386 millions d'euros. Par rapport aux 2 802,73 millions d'euros de 2006, la hausse n'est donc plus que de 0,5 % en euros courants, soit une baisse des moyens de l'ordre de 1,3 %, si l'on tient compte de l'inflation.
En ce qui concerne le programme « Patrimoine », il est exact qu'une hausse de 12 % des crédits de paiement est prévue en 2007, mais elle doit être estimée au regard des baisses importantes enregistrées les précédentes années et qui sont d'une importance telle que le « rattrapage » de 2007 restera insuffisant par rapport aux crédits perdus précédemment.
Quant à l'action « Patrimoine monumental et archéologique », les moyens octroyés sont une fois de plus sacrifiés, puisque, au cours des six derniers exercices budgétaires, la situation de ces deux secteurs est devenue dramatique avec une enveloppe budgétaire qui a diminué de plus de la moitié, passant de 538 millions d'euros en 2002 à 249 millions d'euros en 2007.
Par ailleurs, les DRAC, faute de visibilité quant à leur potentiel budgétaire annuel, compte tenu des lois de finances rectificatives, sont nombreuses à avoir utilisé l'ensemble de leur enveloppe dès les six premiers mois de l'année. Pour mener correctement leurs missions, leurs moyens devraient donc être doublés.
Le premier secteur touché par ces graves déficits budgétaires est celui des monuments historiques. En juillet dernier, le Groupement des monuments historiques, le GMH - dont on ne peut contester ni la compétence ni le sérieux - a dénombré quelque trois cents chantiers suspendus faute de moyens, ce qui représente près du tiers du nombre de chantiers annuels.
Le bilan de l'arrêt de ces travaux est clair : 700 emplois ont dû être supprimés, le nombre d'apprentis à la rentrée 2005 a été divisé par deux, sans parler des entreprises qui ont été contraintes de déposer le bilan.
Sans faire de catastrophisme, comment ne pas légitimement craindre, dans ces secteurs, la disparition à court terme de savoir-faire spécifiques ? Dès lors, la conclusion est simple : la situation du patrimoine français est de plus en plus précaire, avec deux tiers des crédits budgétaires absorbés par seulement un tiers des monuments historiques que sont les édifices classés.
J'en viens au programme « Création », dont nous devons déplorer la baisse générale des crédits pour l'ensemble des actions. Hormis le spectacle vivant, dont les crédits stagnent en euros courants, les trois autres actions - arts plastiques, livre et lecture, industries culturelles - voient leurs dotations d'intervention diminuer.
Le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, sans parler de la crise de l'intermittence qui dure depuis bientôt quatre ans, va tout simplement compliquer la situation, ce qui est en contradiction avec la politique ambitieuse que vous défendez.
En effet, force est de constater l'indigence de la politique de soutien au spectacle vivant. Alors que vous annoncez que ce secteur a fait l'objet « d'un engagement déterminé depuis 2002 », ses crédits étant en augmentation de 14 %, la prise en compte de l'inflation de 12 % sur la même période fait retomber la hausse à 2 % !
Les dépenses d'intervention de l'action « Spectacle vivant » enregistrent donc une hausse inférieure à l'inflation. Cela est inquiétant pour le spectacle vivant, dont la situation va encore se dégrader. Les institutions culturelles, tout comme les compagnies et les jeunes groupes de création, verront en fait le soutien de l'État se réduire eu égard à leurs charges et à leurs besoins de développement.
L'exemple des quarante-quatre théâtres parisiens auxquels le ministère de la culture n'a pas versé les subventions promises pour l'entretien et la restauration des salles nous le rappelle : pour 2005 et 2006, ce sont 700 000 euros qui ont fait défaut, ce qui a malmené l'économie fragile d'un secteur déjà assez peu aidé.
Quant aux dépenses d'investissement consacrées aux aides aux collectivités territoriales pour les constructions d'équipement, telles que les zéniths, les Salons des métiers et activités de la création, les SMAC, les auditoriums ou encore les théâtres, elles diminuent de façon notable, et ce pour la deuxième année consécutive, entraînant la suppression des aides aux nouveaux équipements en région au profit de grandes opérations parisiennes.
Nous savons que ce sont les collectivités qui apportent la majeure partie du financement du spectacle vivant. Le tableau de « répartition du financement entre le ministère de la culture et les collectivités territoriales » confirme, d'ailleurs, que la diminution de la participation de l'État se prolongera en 2007. L'État ainsi, sans le dire, se désengage, laissant aux collectivités territoriales l'essentiel de la charge. Pour le spectacle vivant, les crédits, en deux ans, auront connu une baisse de près de 50 % !
J'en viens, monsieur le ministre, au problème des intermittents du spectacle, qui reste entier, malgré la signature du protocole d'accord du 18 avril 2006, non encore ratifié, et la mise en place du Fonds de professionnalisation et de solidarité à laquelle vous avez procédé
En effet, depuis plus de trois ans, à cause de l'agrément gouvernemental donné à l'accord du 26 juin 2003, la situation des intermittents est devenue très précaire. Le déficit de l'assurance chômage, principal argument pour légitimer la réforme, a, dans les faits, augmenté.
Cet échec, s'agissant de l'endiguement de ce déficit, se double du développement d'inégalités criantes et d'effets pervers, pourtant dénoncés par la majorité des parlementaires. À cet égard, le protocole du mois d'avril 2006 reflète le mépris affiché pour tout le travail d'expertise mené depuis trois ans, tant par le comité de suivi que par la mission d'information sur les métiers artistiques, ainsi que pour les propositions de loi déposées par 472 parlementaires, visant à relancer la procédure pour fixer le cadre de nouvelles négociations, sans se substituer aux partenaires sociaux, mais qui, le 12 octobre dernier, ont encore été rejetées, sur ordre du Gouvernement, par le biais d'artifices parlementaires.
Nous nous dirigeons ainsi vers un abandon progressif du régime particulier des artistes et des techniciens, abandon qui risque de remettre en cause le statut de salarié de nombreux travailleurs du secteur culturel et de mettre un terme à la solidarité interprofessionnelle, traditionnellement de mise dans ce secteur.
M. Robert Tropeano. Enfin, pour ce qui est du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », le dossier de presse du ministère annonce une hausse des crédits qui lui sont alloués. Il s'agit là, une fois de plus, d'une présentation en trompe-l'oeil, destinée à cacher une baisse des crédits du ministère pour le développement culturel, baisse d'autant plus remarquable qu'elle est continue depuis 2002.
En prenant en compte le changement de périmètre en 2007 et en isolant les fonctions de soutien et les dépenses de personnel de l'administration centrale ou des DRAC, les crédits d'intervention de ce programme diminuent de 6 millions d'euros, soit une baisse de 4,8 % en euros constants.
Ce programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » concerne l'ensemble des politiques éducatives et pédagogiques menées par le ministère de la culture ; cette baisse récurrente des crédits est, donc, extrêmement préoccupante. Force est de constater que la politique budgétaire gouvernementale s'inscrit en totale rupture avec l'objectif consistant à permettre au plus grand nombre d'accéder aux pratiques culturelles et artistiques.
Les grandes manifestations événementielles telles que l'exposition « Rue », présentée récemment au Grand Palais, constituent une politique d'affichage laissant penser que l'État apporte son soutien en la matière.
Concernant l'action d'aide à l'éducation artistique, les crédits destinés aux classes à projet artistique et culturel sont sans cesse en baisse depuis quatre exercices, comme en témoignent certains avertissements figurant sur les dossiers de candidatures des académies qui, « compte tenu de la restriction des crédits budgétaires, ne peuvent garantir le nombre de projets effectivement validés » !
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons, monsieur le ministre, voter le budget de la mission « Culture » que vous soumettez à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, je voudrais faire un certain nombre d'observations et poser quelques questions concernant le patrimoine, bien sûr, mais aussi l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP.
Tout le monde se félicite aujourd'hui de la sortie de la crise, mais certaines questions demeurent, que vous connaissez d'ailleurs bien. Je les rappelle pour mémoire : alors que l'on multiplie par deux le prélèvement de 70 millions d'euros - pourquoi pas ? - pour parvenir à un budget convenable de l'ordre de 350 millions d'euros, on repousse évidemment à l'année prochaine la date à laquelle ce niveau convenable pourra être atteint. Ce problème, qui a d'ailleurs été soulevé dans l'excellent rapport du Sénat, perdure donc.
Mais pourquoi est-on tombé dans cette crise infernale ? Il convient tout de même, me semble-t-il, de tirer les leçons de cette histoire assez déplorable, qui a fait beaucoup de dégâts !
Certes, monsieur le ministre, vous vous êtes battu, comme beaucoup d'autres, pour tenter de trouver une issue. On a fini par y parvenir et, aujourd'hui, nous assistons à un concert de louanges : certains n'hésitent pas à dire qu'ils sont vraiment extraordinaires ! Mais qui a créé la crise ? Elle n'est pas venue comme cela ! Elle était le fruit d'erreurs dont vous êtes d'ailleurs la première victime, monsieur le ministre, car Bercy ne vous a pas particulièrement aidé dans cette affaire.
Il serait donc nécessaire, selon moi, de réfléchir sur ces événements qui sont quand même très pénibles à vivre, pour tout le monde, sur le terrain.
Quant aux fonctionnaires, notamment ceux des DRAC, qui subissent, vous le savez, des pressions de la part des collectivités locales, leur situation est assez intolérable.
Je me suis également beaucoup interrogé, comme d'autres, sur la question de la maîtrise d'ouvrage.
Pourquoi, en effet, ne s'appuyer sur le Centre des monuments nationaux ? Mais comment va-t-on gérer la maîtrise d'ouvrage ? Il s'agit là d'un problème qui revient très souvent.
Dans la configuration actuelle, les reports étant impossibles, tout retard en matière de maîtrise d'ouvrage, en particulier de l'État, conduira à des annulations de crédits - je parle sous le contrôle de personnes qui sont plus compétentes que moi en la matière.
J'ai des doutes quant à la possibilité de trouver des maîtres d'ouvrage d'un simple claquement de doigt ! En effet, il s'agit d'un métier très difficile, dans un domaine où, en outre, il faut disposer de délais importants et diligenter des études approfondies. Mais je n'insiste pas davantage sur ce sujet, monsieur le ministre, je me contente de soulever le problème, qui a préoccupé la commission des affaires culturelles.
À propos de patrimoine, je tiens à vous interroger, une nouvelle fois, sur les espaces protégés, c'est-à-dire sur les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine et les abords des monuments historiques.
Les crédits affectés à la protection du patrimoine sont désormais déconcentrés et fléchés, et vous nous avez dit soutenir cette politique. Toutefois, ces crédits sont aussi fongibles,...
M. Yves Dauge.... et, une fois parvenus aux gestionnaires, sur le terrain, ils pourront être consacrés à un autre usage, d'autant que la pression des élus locaux sera forte. Puisque vous semblez contester mon analyse, je serais ravi que vous m'éclairiez sur ce point, monsieur le ministre.
Quel est le montant des crédits alloués aux espaces protégés, aux secteurs sauvegardés, aux zones de protection du patrimoine et au traitement des abords des monuments historiques ? Comment seront-ils distribués ? De quelles sommes les DRAC disposeront-elles ?
En effet, si nous constatons que les maires sont très nombreux à demander la création de secteurs sauvegardés, l'identification des crédits destinés à ces derniers est difficile, autant, sinon plus, qu'elle l'était pour les monuments historiques ces dernières années. Monsieur le ministre, vous devez vous expliquer sur ce sujet et répondre clairement à l'éternelle question de la lisibilité des crédits, que nous vous avons déjà posée cent fois. En effet, je suis désolé d'y revenir, la confusion reste grande quant à l'affichage des crédits destinés aux espaces protégés.
Par ailleurs, je le répète, nous attendons toujours le décret qui doit être pris sur cette question, et qui nous est promis depuis trois ans.
Certes, vous n'y êtes pour rien, monsieur le ministre. Vos services ne sont pas en cause, et la faute est imputable à d'autres administrations. Toutefois, trois ans, c'est long ! Vous me direz que certaines lois n'ont jamais été suivies de leurs décrets d'application, et que nous pouvons donc continuer à espérer. Il n'en reste pas moins qu'une attente de trois ans finit par agacer beaucoup de monde, soyez-en assuré ! La gestion des secteurs sauvegardés constitue tout de même une grande politique ; dès lors, comment expliquer un tel retard ?
J'aborderai à présent les problèmes de l'INRAP et de l'archéologie préventive, un sujet qui est très régulièrement évoqué ici.
En fait, nous sommes confrontés à une équation qui n'est toujours pas résolue.
La demande d'interventions archéologiques, tout d'abord, connaît une montée en puissance considérable. Bien sûr, on pourrait estimer que trop de mesures de prévention sont prescrites par l'INRAP. C'est évidemment un débat que nous pourrions avoir un jour, mais le sujet mériterait de longues discussions et la définition d'une stratégie claire. Il est possible que, dans certaines régions, trop de mesures préventives aient été prescrites, mais nous ne pouvons régler ce problème, qui est lié à un équilibre global entre l'offre et la demande, me semble-t-il, en nous contentant d'affirmer qu'il suffit que l'INRAP prescrive moins ! D'ailleurs, je ne crois pas que telle soit votre position, monsieur le ministre.
Le problème de l'augmentation du nombre des mesures décidées par l'INRAP est lié à l'essor considérable du secteur du bâtiment et à la multiplication des lotissements.
Monsieur le ministre, la dernière fois que nous en avons parlé dans cet hémicycle, vous avez regretté, comme moi, que ces fameux lotissements soient exemptés de la redevance d'archéologie préventive. Pourtant, depuis lors, il ne s'est rien passé !
J'avais donné l'exemple de ma région, le Centre, où 500 lotissements sont exemptés, et j'avais ajouté que, malheureusement, il s'agissait pour une large part d'opérations qui enlaidissent les périphéries de nos villes et qui sont liées à des développements urbains contestables.
Si ces lotissements ne sont pas taxés, c'est parce qu'on n'a pas le courage de débattre avec les lotisseurs. Pour ma part, j'ai souvent discuté avec eux. Ce sont des gens très raisonnables et qui sont tout à fait prêts à payer la redevance. Mais on les a exemptés, et cela est franchement inadmissible !
Monsieur le ministre, vous défendez l'emploi et répétez, à juste titre, qu'il s'agit d'une priorité. Or, avec l'INRAP, dont les effectifs ne parviennent pas à répondre à la demande qui leur est adressée, vous disposez d'un potentiel d'emplois considérable. Tous les chiffres le disent et tout le monde le sait !
Pour financer ces emplois, il suffirait, précisément, d'augmenter le produit de la redevance en supprimant les exemptions, même si, je le sais, la collecte de la redevance d'archéologie est loin d'être optimale. J'ai vu les chiffres de l'inspection générale des finances, qui avait prévu une recette de 79 millions d'euros en 2005 ; or elle n'a été que de 63 millions d'euros. Et, pour 2007, on me dit que l'on ne parviendra sans doute pas à encaisser cette somme. Si l'on me dit que l'on y arrivera finalement, je veux bien le croire : nous ferons les comptes le jour où ceux-ci seront disponibles ! Mais cette évolution reste tout de même très inquiétante.
En tout cas, monsieur le ministre, vous avez été obligé de verser à l'INRAP 9 millions d'euros, qui s'ajoutent à bien des abondements antérieurs, mais qui ne serviront guère qu'à rembourser une partie des 23 millions ou 24 millions d'euros de dettes dont l'institut ne parvient pas à s'acquitter !
L'histoire des difficultés de l'INRAP est ancienne, et je ne nie pas que des erreurs aient été commises à l'origine, mais au fur et à mesure que le temps passe, ce problème n'est pas réglé. Il est profondément attristant de constater qu'un dossier qui est finalement technique et relativement facile à traiter n'avance pas. On sait tout de même mettre au point une redevance, il y a des fiscalistes pour cela ! Nous avons peut-être hésité pendant un certain temps, mais à présent, nous touchons presque au but.
En outre, il convient de donner aux DRAC et aux DDE les moyens nécessaires pour recouvrer le produit de la redevance, car trop d'opérations de construction passent encore entre les mailles du filet. Et de grâce, supprimons les exemptions dont bénéficient ceux qui n'ont aucune raison d'échapper à la redevance ! Tout cela permettra d'équilibrer les budgets de l'archéologie préventive et de créer des emplois !
Par ailleurs, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir commencé à réduire la précarité à l'INRAP, comme on me l'a signalé. L'institut comptait 23 % d'emplois précaires, ce qui posait tout de même un problème, et vous vous êtes engagé, m'a-t-on dit, à transformer 400 de ces emplois en CDI. Pouvez-vous m'indiquer combien d'emplois exactement seront concernés ?
Monsieur le ministre, vous devez nous donner des chiffres précis et vous efforcer de clarifier la lancinante question des effectifs de l'INRAP, qui revient chaque année et qui nous empoisonne, car l'archéologie préventive est une grande cause, que d'ailleurs vous défendez, j'en suis convaincu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le rapporteur spécial, comme vous l'avez rappelé, les moyens du ministère de la culture progressent à périmètre constant de 7,8 % cette année, avec les nouvelles taxes affectées. Il s'agit d'un effort considérable, qui n'avait jamais été atteint en termes de progression et de niveau, et qui porte le budget du ministère à 3,2 milliards d'euros. Il s'agit aussi d'un effort pérenne.
Ces crédits sont-ils suffisants pour que, sur le territoire national, dans toute sa diversité, en métropole comme outre-mer, nous puissions accompagner ou susciter tous les projets nécessaires ? Certainement pas ! Toutefois, je crois que nous avons franchi une étape essentielle.
Depuis 2002, le budget de la culture n'a cessé de croître, et cette augmentation s'est accélérée depuis 2004.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais de nouveau citer des chiffres qui fâchent, mais qui reflètent la réalité : entre 1997 et 2002, les moyens de la culture ont progressé de 300 millions d'euros ; entre 2002 et 2007 - en vérité entre 2004 et 2007 -, ils se seront accrus de près de 600 millions d'euros. C'est dire si le slogan du prétendu désengagement de l'État, que j'entends parfois proférer ici ou là, ne se traduit ni dans les chiffres ni dans l'action !
Ce qui est vrai, en revanche, c'est que de nouveaux problèmes se posent à nous et que l'égalité entre les territoires n'est pas encore une réalité, même si nous avons accompli des efforts considérables en ce domaine.
Il n'empêche que des opérations nouvelles ont été lancées cette année, parmi lesquelles on peut citer le Centre national du costume de scène et de la scénographie de Moulins, le Centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence. S'y ajoutent de nombreuses autres réalisations qui irriguent le territoire national, pour peu qu'elles puissent s'appuyer sur une initiative locale.
Certes, nous avons des catégories entières d'interventions nouvelles à développer, qui ne se traduisent d'ailleurs pas nécessairement par des efforts d'ordre budgétaire, et Mme Catherine Morin-Desailly a eu raison tout à l'heure de souligner que tous les lieux consacrés à la culture, quels qu'ils soient, devaient être placés en réseau.
Je n'accepte pas l'idée que la salle principale d'un espace culturel n'accueille, pendant de nombreuses semaines, aucun spectacle, comme cela arrive. Or un tel problème n'est pas budgétaire : il est lié à la capacité des institutions à s'ouvrir et à accueillir tous les publics et toutes les structures artistiques, y compris les plus fragiles.
Les réalités budgétaires ne conditionnent qu'une partie des actions que nous devons développer. Un budget constitue un signal et un moyen. Il permet évidemment d'agir, mais nombre d'interventions sont possibles, qui ont des conséquences très concrètes sur la vie et l'emploi des artistes et des techniciens dans notre pays, et qui ne reposent pas exclusivement sur des moyens budgétaires.
Parce qu'il engage et prépare l'avenir, aux côtés des collectivités territoriales et de tous les acteurs des politiques culturelles, le ministère de la culture consacre 20 % de ses crédits à l'investissement, et vous noterez que, cette année, les dépenses de fonctionnement de l'administration sont stabilisées.
Il me sera difficile, dans le temps qui m'est imparti, de revenir sur tous les aspects de ce budget. Je ne veux pas mobiliser trop longtemps l'attention du Sénat, et je tiens donc à répondre surtout à vos principales questions, mesdames, messieurs les sénateurs.
Naturellement, je pourrai expliciter par écrit d'autres points plus techniques, et j'ai déjà évoqué, à l'occasion de l'examen des crédits d'une autre mission, les questions qui ressortissaient au soutien à la production audiovisuelle cinématographique.
Monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur l'organisation du ministère de la culture et de la communication. J'ai souhaité qu'un poste de secrétaire général y soit créé, car mon expérience m'a convaincu que les actions du ministère étaient insuffisamment coordonnées et ses services excessivement cloisonnés. C'était du reste un sentiment partagé par la commission des finances de la Haute Assemblée. De nombreux dossiers remontent à moi pour être arbitrés, alors même qu'ils ne devraient pas relever du niveau politique. C'est pourquoi une secrétaire générale a été nommée lors du dernier conseil des ministres.
De la même manière, j'ai tenu à réformer la DMDTS, la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, considérant qu'il était important, à travers cette grande direction de l'administration centrale, de mettre l'accent sur un certain nombre de missions transversales.
Lorsque j'ai pris la responsabilité de ce ministère, la question économique et sociale ne faisait l'objet que d'une faible organisation au sein de la DMDTS, malgré la compétence extrême de certains fonctionnaires. Il était donc nécessaire de conforter certaines responsabilités transversales, mais aussi de faire en sorte que le monde de la danse, le monde du théâtre, le monde de la musique, le monde des arts de la rue, du cirque, entre autres formes d'expression artistique, puissent disposer d'interlocuteurs bien identifiés.
J'ai souhaité que les représentants de chacune des grandes disciplines artistiques puissent trouver dans cette grande direction de l'administration centrale qu'est la DMDTS des interlocuteurs, en m'inspirant de l'organisation mise en place dans les DRAC, comme d'ailleurs dans mon cabinet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai entendu certains d'entre vous évoquer les inquiétudes nourries à ce sujet dans l'univers de la danse, et je tiens à vous rassurer : la nomination d'un directeur délégué à la danse constitue une grande innovation. De même, seront désignés des directeurs délégués chargés respectivement de la musique et du théâtre.
Entre évolution, révolution et accompagnement des réflexions stratégiques engagées dans ce domaine, la mise en oeuvre de la LOLF suscite de nouveaux partages des responsabilités au sein de l'administration. Elle nécessite donc de la pédagogie et du temps. Surtout, l'ensemble des acteurs concernés doivent s'approprier cette réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis fier de diriger un ministère qui a été pionnier en matière d'expérimentation et d'application de la LOLF. À ceux qui voudraient - mais ce n'est le cas de personne parmi vous, bien entendu - faire apparaître le ministère de la culture comme une administration poussiéreuse et décalée par rapport aux réalités du moment et à l'impératif de modernisation de l'État, je suis fier de répondre que l'ensemble de mes services ont été ponctuels au rendez-vous de la mise en oeuvre de cette réforme souhaitée.
À cet égard, je veux le souligner, mon ministère, en regroupant délibérément ses actions et ses services au sein de trois programmes, selon une analyse stratégique, centrée sur de grands coeurs de métiers pérennes plutôt que sur les organisations en place, a fait le choix, ambitieux et courageux, de se projeter dans l'avenir, en s'inscrivant exactement dans la logique de la LOLF, que je sais chère à la Haute Assemblée, et en particulier à sa commission des finances. De ce point de vue, nous constituons un ministère pilote. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous tirerons ensemble les enseignements de ces choix, car je suis très attentif à vos remarques.
Dans le même esprit, je veux aussi défendre le fait que la diversité est, au sein de ministère, à la fois une réalité et un impératif, tant il est vrai que les domaines n'ont rien à voir les uns avec les autres. Du monde de l'archéologie préventive - secteur dans lequel, monsieur Dauge, 350 postes deviendront « permanents » afin d'être préservés de toute précarité - jusqu'aux arts de la rue, de l'éducation artistique jusqu'à l'architecture, des restaurateurs d'oeuvres d'art jusqu'aux conservateurs de musées, la diversité des responsabilités et des métiers au sein du ministère est extrême. Pour autant, il fallait une organisation cohérente, conforme aux principes que vous avez souhaité faire prévaloir. C'est aujourd'hui chose faite !
S'agissant de l'application pratique de la nouvelle organisation budgétaire de l'État, je partage totalement la réflexion du rapporteur spécial sur l'inadéquation du mode de calcul de la mise en réserve pour les opérateurs. L'organisation du ministère, qui repose, selon le principe de la « déconcentration fonctionnelle », sur 77 opérateurs de l'État, dont 72 établissements publics, implique que la masse salariale de celui-ci se trouve répartie autant sur le titre 3 que sur le titre 2 du budget. Cette situation sera renforcée par notre politique de responsabilisation des gestionnaires, ce qui répond fidèlement à l'esprit vertueux de la LOLF.
Il est paradoxal que la masse salariale de la Bibliothèque nationale de France ait été mise en réserve à hauteur de 0,1 % en 2006, lorsque les agents étaient payés directement par le ministère, alors qu'elle serait mise en réserve à hauteur de 5 % en 2007, dès lors que les emplois sont transférés à l'établissement.
Dès 2006, le ministère a pris en compte la rigidité des subventions pour charge de service public, qui financent in fine des dépenses de personnel, en demandant la levée du gel pour cette part de subvention.
Cette demande a été réitérée auprès du ministère des finances dès le mois de septembre 2006 pour l'année 2007. Je ne doute pas que cette solution, qui vise uniquement l'égalité de traitement pour toutes les dépenses de masse salariale, prévaudra, d'autant que je sais pouvoir compter sur votre soutien, monsieur le rapporteur spécial. Je vous fais part de cette réflexion en espérant que, si vous la partagez, la commission des finances la relaiera.
La mise en réserve de 5 % pose donc des difficultés sérieuses aux établissements publics du ministère. Au demeurant, je le dis très clairement : la mise en réserve du premier euro de mon ministère est pour moi un problème. En 2006, j'ai obtenu - sans le claironner - le dégel de la quasi-totalité des crédits du ministère. J'agirai pour qu'il en soit de même en 2007.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Très bien !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque nous sommes en fin d'année, heure des bilans en même temps que des voeux, laissez-moi vous dire que la culture est non seulement une mission essentielle de l'État, mais aussi l'un des facteurs clés de l'attractivité de notre pays et de nos territoires, et que je souhaite la voir occuper une place importante dans les débats qui s'engageront au cours de l'année 2007.
Vous pouvez compter sur ma détermination pour répondre aux accusations injustes et, avec ma famille et mes amis politiques, formuler toutes les propositions qui se révéleront nécessaires pour que, grâce à la culture, l'attractivité de notre pays franchisse une étape supplémentaire.
Même si je ne partage pas l'ensemble de leurs conclusions, Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet l'ont admirablement démontré dans le rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel qu'ils ont remis au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : aujourd'hui, la vraie richesse n'est pas concrète, elle est abstraite. Au capital matériel a succédé, dans les critères essentiels de dynamisme économique, mais aussi culturel et social, le capital immatériel, qui est celui des idées, de la connaissance et du savoir. La vraie richesse d'un pays, ce sont ses hommes et ses femmes, leurs talents et leur créativité, leurs projets. La culture est au coeur de ce rayonnement. Elle est le véhicule de la fierté.
J'ai souvent parlé de l'alliance nécessaire entre l'immatériel et le matériel, entre la liberté de l'esprit, la création - que précède parfois un travail très studieux -, et l'aspect matériel qui a trait à l'emploi.
La France dispose, dans ce domaine, d'atouts très solides : le dynamisme du spectacle vivant, la richesse de son patrimoine, l'offre culturelle abondante, l'accueil d'artistes, de professionnels et d'étudiants dans les institutions culturelles françaises, des manifestations au rayonnement mondial, comme le Festival de Cannes, mais aussi les quelque mille festivals qui animent l'ensemble de notre territoire... Tout cela renforce la fascination qu'exerce de façon plus générale notre pays sur les artistes et les créateurs du monde entier. Tout cela assoit notre attractivité culturelle, à juste titre mise en lumière dans l'avis de la commission des affaires culturelles.
J'ai du reste plaisir à souligner, cher Jacques Valade, que la commission que vous présidez s'est beaucoup impliquée dans les travaux que nous avons entrepris sur ce thème majeur et mobilisateur.
Je me réjouis de constater qu'un certain nombre de novations inaugurent en quelque sorte une tradition.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Qui envisagerait que l'exposition « la Force de l'art » que nous avons créée cette année pour mettre en valeur tous les artistes qui travaillent dans notre pays - pas uniquement ceux qui ont la nationalité française - n'ait pas une prochaine édition ? Celle-ci est d'ores et déjà décidée. Ainsi, cette manifestation fait désormais partie de notre paysage culturel, elle est un nouvel élément d'attractivité, apparaissant comme l'un des grands rendez-vous nécessaires au rayonnement de notre pays.
Il revient à chacun de lancer des initiatives et de les inscrire dans cette stratégie d'attractivité.
Ces atouts exceptionnels que possède la France, nous devons mieux les valoriser, mieux les diffuser, mieux les encourager. Gardons-nous de nous endormir jamais si nous voulons que notre pays reste la première destination touristique mondiale. Rappelons que près de deux fois plus de touristes viennent visiter notre pays qu'il n'y en a pour visiter les États-Unis.
Nous avons intérêt à prolonger avec passion et avec méthode cette stratégie de rayonnement pour notre pays.
Tel est aussi l'objet des dépenses fiscales sur lesquelles la commission des finances s'interroge légitimement. Elles portent leurs fruits, notamment en matière de relocalisation des tournages en France, mais aussi en matière de patrimoine.
Parce que l'impact de la culture ne se limite pas à ce que l'on appelle d'ordinaire les « retombées » sur l'économie, mais parce qu'elle porte en elle-même cette force de rayonnement, de créativité, d'entraînement de l'ensemble de l'économie et de la société, le vieux débat consistant à opposer la culture, qui relèverait d'une vie de l'âme pure et désintéressée, et l'économie, est totalement dépassé aujourd'hui. Le Sénat, au premier chef sa commission des affaires culturelles, en est pleinement conscient.
En tenant ces propos, je vois déjà celles et ceux qui n'hésiteront pas à me caricaturer et clameront que je veux « marchandiser » la culture, que je cherche à la livrer aux lois obscures de l'économie, du grand capital ou de je ne sais quel internationalisme périmé. Eh bien, que ceux-là sachent qu'il n'y a pas de plus ardent défenseur de la culture que moi. Parler d'économie, parler d'emploi, parler d'impact pour l'activité culturelle, n'est en aucune manière vouloir faire de la culture une marchandise comme une autre.
L'emploi culturel représente en France près de 470 000 actifs, soit 2 % des emplois totaux. Certes, comparaison n'est pas raison, mais cette part équivaut à celle du commerce de l'automobile et représente deux fois la part du secteur des assurances.
Plus de la moitié de ces actifs travaillent dans les industries culturelles. Encore cette estimation ne tient-elle pas compte des emplois indirects du secteur du tourisme et de l'hôtellerie, ni de celui des industries du luxe, dont certains métiers sont éminemment et évidemment artistiques. Par exemple, le Palais des festivals de Cannes estime que les activités induites par sa programmation représentent à près 1 milliard d'euros et 16 000 emplois.
C'est fort de cette conviction que, depuis ma prise de fonction, je mène aussi une politique de l'emploi culturel. Le rapport de la commission des affaires culturelles l'a souligné.
Comme je l'ai affirmé mardi devant la commission, s'agissant de ce qu'il est convenu d'appeler la « crise des intermittents du spectacle » et de ce que, pour ma part, je nomme la « politique de soutien à l'emploi des artistes et des techniciens du cinéma, de l'audiovisuel et du spectacle vivant », une page est en train de se tourner ; j'espère qu'elle le sera définitivement.
Les efforts considérables engagés depuis plus de trois ans par le Gouvernement, avec le soutien du Parlement, en particulier celui de la Haute Assemblée - je tiens à en remercier tout spécialement M. Jacques Valade ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles, à quelque groupe qu'ils appartiennent - ont conforté le travail effectué par les partenaires sociaux, tant au niveau du secteur qu'à l'échelon confédéral, par les experts et le comité de suivi.
Ces efforts sont en train de porter leurs fruits : un nouveau protocole est sur le point d'être signé par plusieurs confédérations de salariés. Dès lors qu'un nouveau système d'assurance chômage est en place, conformément à l'engagement du Premier ministre, l'intervention de l'État, grâce au Fonds de professionnalisation et de solidarité, vient renforcer la protection assurée par le régime d'assurance chômage et s'articule avec lui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, afin d'assurer aux artistes et aux techniciens la meilleure information possible, pour que tous puissent bénéficier de ces mesures, je vous demande instamment, dans vos commentaires, dans vos critiques ou dans vos analyses - que vous pouvez évidemment faire en toute liberté - de ne pas mentionner uniquement les dispositions retenues par les partenaires sociaux à l'échelon interprofessionnel, mais de souligner également l'engagement de l'État, lequel s'articule avec la solidarité interprofessionnelle et la rend acceptable.
Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, si demain les partenaires sociaux signent l'accord interprofessionnel complété par l'État, la condition des 507 heures de travail accomplies sur douze mois sera garantie aux artistes et aux techniciens ; la prise en compte de 120 heures d'éducation artistique, parmi ces 507 heures, leur sera assurée, comme le sera la prise en compte des congés de maternité et des congés maladies pour les maladies remboursées à 100 % par la sécurité sociale.
En outre, une nouvelle allocation de fin de droits, calculée et renforcée en fonction de l'ancienneté est créée. Ainsi, un artiste ou un technicien justifiant d'une quinzaine d'années d'ancienneté pourra en bénéficier six fois.
Ce régime, qui répondra concrètement à la situation des artistes et des techniciens, est inédit !
Si je m'exprime avec autant de passion depuis cette tribune, c'est pour qu'à l'extérieur personne n'ignore cette information et que chacun puisse en bénéficier.
Croyez-vous un seul instant que le Gouvernement, qui est parvenu à ce résultat grâce à votre collaboration et au travail que vous avez notamment mené dans le comité de suivi, va tout à coup se défausser de ses responsabilités et considérer que la situation des artistes et des techniciens n'a pas d'importance ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, le système que nous avons mis en place n'enlève rien à la difficulté du métier artistique. Par définition, dans les secteurs les plus fragiles, la vie d'artiste ou de technicien du spectacle est éminemment âpre. Ce n'est pas parce qu'aura été mis en place un système d'assurance chômage favorable ou que l'emploi sera renforcé par des mesures de crédit d'impôt et par le soutien à l'activité que l'artiste ne connaîtra plus la précarité. Rien ne l'empêchera. La précarité constitue d'ailleurs - nos concitoyens doivent s'en persuader - l'essence même de la vie d'artiste : c'est ce qui en fait aussi la beauté. Mais c'est pourquoi l'ensemble de la nation doit se porter solidaire pour protéger les artistes et faire en sorte qu'ils aient des conditions de vie décentes, normales.
Sans préjuger la conclusion imminente des négociations en cours, la structuration de l'emploi par les conventions collectives est bien engagée. C'est très important. Bien sûr, des problèmes demeurent. La première convention collective en passe d'être signée concerne la production audiovisuelle : elle portera des avancées tout à fait considérables. Toutes les autres suivront.
Aux donneurs de leçons, je demanderai : qui a enclenché les négociations entre les partenaires sociaux ? Sous les gouvernements précédents, le ministre de la culture, le ministre du travail ou le ministre des affaires sociales avaient-ils essayé d'impulser les négociations ? Si nous avons été confrontés à cette situation difficile, c'est parce que d'autres, avant nous, n'avaient pas assumé leur part de travail !
Je dis cela sans acrimonie, mais il faut reconnaître qu'il s'agit d'une tâche complexe. Nous engageons une dynamique que devra poursuivre le gouvernement qui aura la responsabilité des affaires de ce pays à partir du mois de mai prochain, quel qu'il soit.
Pour le Gouvernement comme pour les partenaires sociaux, c'est l'occasion de confirmer la spécificité de la conception française du statut des artistes du spectacle. Selon cette conception, ce sont des salariés, ce qui leur confère le droit à toutes les protections afférentes - droits sociaux et syndicaux, rémunération, protection contre le chômage, prévoyance, santé, congés payés - prévues par le droit du travail et la négociation collective.
C'est le socle de la sécurisation des parcours professionnels que le système pérenne de soutien à l'emploi des artistes et techniciens du spectacle a l'ambition de construire. Tels sont les éléments de ce système en cours d'élaboration, qui, je l'espère, verra le jour rapidement.
À l'heure où je vous parle, le système transitoire dont nous sortons aujourd'hui a été abondé à hauteur de 198 millions d'euros par le budget de l'État, non pas sur les crédits du ministère de la culture mais sur ceux du ministère des affaires sociales, pour faire en sorte que la situation des artistes et des techniciens soit la plus équitable possible.
S'agissant de la danse, puisque la question m'a été posée, je précise que les crédits qui y sont consacrés sont ceux qui ont connu la plus forte progression au sein du spectacle vivant.
Les compagnies aidées ont vu leur nombre tripler depuis 2002.
Les crédits des centres chorégraphiques nationaux ont augmenté de 120 % dans la même période, et je suis fier d'avoir ouvert en 2006 deux centres chorégraphiques nationaux, celui d'Aix-en-Provence et celui de Rillieux-la-Pape.
L'audit de modernisation sur le spectacle vivant, auquel vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur pour avis, sera publié en même temps que d'autres audits, à la diligence du ministère des finances, dans la deuxième quinzaine du mois de décembre.
Le patrimoine est aussi un atout essentiel de l'attractivité de la France. C'est pourquoi j'en ai fait une priorité du projet de budget que je vous soumets, et je sais que vous y êtes sensibles.
Comme vous, je me réjouis que les monuments historiques de l'État puissent bénéficier d'un financement stable grâce à l'affectation d'une partie du produit de la taxe sur les droits de mutation. L'affectation de ce financement au Centre des monuments nationaux impose cependant que celui-ci soit le maître d'ouvrage des opérations de restauration financées par ce biais, et c'est pour cela que nous vous avons proposé de modifier, parallèlement, les statuts de cet établissement public, afin de lui donner les compétences nécessaires pour devenir un opérateur de l'État.
Le Centre des monuments nationaux va donc, dans les mois qui viennent, se réorganiser et s'adapter pour pouvoir exercer ses nouvelles missions. En attendant qu'il en ait les moyens, ce sont les services des DRAC qui continueront d'assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux programmés pour 2007 qui seront lancés sur ces crédits. Il est évidemment essentiel que le programme de relance des travaux annoncés ne soit pas compromis du fait de cette réforme de l'organisation de la maîtrise d'ouvrage. Il n'y a pas de fongibilité : les crédits ont été individualisés, région par région, à l'euro près. Il n'y aucune déconcentration des responsabilités. Les sommes ont été déléguées d'une manière parfaitement précise. La réouverture d'un certain nombre de chantiers a, de ce fait, pu être annoncée.
Pour exercer ces missions nouvelles, le Centre des monuments nationaux devra, progressivement, constituer des équipes de maîtrise d'ouvrage, en accord et en symbiose avec les DRAC.
Mais je veillerai à ce que les DRAC et les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les SDAP, restent dotés d'effectifs suffisants pour continuer à assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux qu'ils ont engagés jusqu'à leur achèvement, ainsi que pour prendre en charge l'assistance à maîtrise d'ouvrage pour les collectivités locales et les personnes privées qui n'auraient pas les moyens ou les compétences nécessaires pour mener à bien elles-mêmes l'ensemble des tâches liées à la maîtrise d'ouvrage des travaux.
Je sais que cette question est sensible. Je soutiens avec force et fierté que ces fonctionnaires de l'État ont d'éminentes qualités et des compétences professionnelles remarquables. Je n'ai en aucune manière l'intention de déstabiliser l'exercice de leurs responsabilités.
J'ai bien pris en considération l'inquiétude des maires face à la perspective d'une telle responsabilité. Je tiens cependant à dire que, sans attendre la réforme entreprise par l'ordonnance du 8 septembre 2005, bien des collectivités locales et personnes privées assurent elles-mêmes la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration, à la satisfaction générale.
Ainsi que vous pouvez le constater, il y a non pas superposition d'opérateurs, mais bien basculement de la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments historiques, soit vers leurs propriétaires, collectivités locales ou personnes privées, soit vers le Centre des monuments nationaux, qui deviendra un grand opérateur de I'État. Les services déconcentrés développeront ainsi leurs missions de conseil et de contrôle scientifique.
La commission des affaires culturelles s'inquiète également du maintien des crédits affectés aux monuments historiques privés et collectivités territoriales, et je souhaite la rassurer.
L'affectation d'une partie d'un produit fiscal au Centre des monuments nationaux, établissement public dont la mission statutaire est de gérer des monuments de l'État, a pour conséquence que ces crédits ne peuvent être utilisés qu'au bénéfice d'un programme de travaux sur les monuments de l'État.
Vous avez constaté, entre la loi de finances de 2006 et le projet de budget qui vous est soumis, une baisse des crédits de paiement du titre VI de l'action 1 du programme « Patrimoine », destiné à financer les subventions pour travaux de monuments n'appartenant pas à l'État, qui passe de 110 millions d'euros à 83 millions d'euros en crédits de paiement d'investissement. L'enveloppe pour 2007 est cependant plus élevée que la programmation effective des DRAC élaborée en début d'année 2006, qui ne s'élevait qu'à 67 millions d'euros en subventions pour travaux sur les monuments n'appartenant pas à l'État. Ces crédits avaient été, en réalité, surestimés lors de l'élaboration du projet de loi de finances.
Cette diminution entre les deux documents budgétaires, plus apparente que réelle, ne doit pas se traduire par un relâchement de l'effort de l'État en faveur du patrimoine des collectivités locales et des propriétaires privés.
Nous savons très bien que le patrimoine rural, notamment, a des besoins considérables, que, lorsqu'il ne s'agit pas de propriétés classées au titre des monuments historiques, l'État intervient très peu, voire pas du tout, et que l'action des régions ou des conseils généraux est, de surcroît, très inégale sur le territoire national. Il y a là un champ immense pour d'éventuelles interventions nouvelles. Les débats ultérieurs permettront peut-être d'ouvrir des perspectives dans ce domaine.
Je tiens à saluer, à ce sujet, l'adoption par le Sénat, en première partie du projet de loi de finances, d'un article additionnel permettant l'extension du dispositif fiscal du mécénat aux dons effectués en faveur de la restauration du patrimoine privé, dispositif que j'avais souhaité et auquel les services tant du ministère de la culture que du ministère des finances ont largement collaboré. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir permis cette importante avancée, attendue, qui met fin à un certain nombre d'injustices.
Cette disposition nouvelle permettra à des associations telles que la Demeure historique ou Vieilles Maisons françaises de recevoir des dons d'entreprises et de particuliers et de les redistribuer au profit de propriétaires privés de monuments protégés pour les aider à financer des travaux de restauration. La Fondation du patrimoine fera bien entendu également partie des organismes qui pourront recevoir et répartir les dons éligibles au dispositif fiscal du mécénat, et je me réjouis que ces moyens nouveaux lui permettent de développer son action en faveur de la valorisation du patrimoine.
Ce financement spécifique ne sera accordé qu'en contrepartie de l'engagement du propriétaire à fournir un effort particulier pour faciliter l'accès du public à son monument. On songe ici à toutes les pistes qui s'ouvrent ainsi en matière de développement de l'éducation artistique, car tout doit être fait pour inciter les plus jeunes de nos concitoyens, notamment, à se rendre de plus en plus dans les monuments historiques privés de notre pays.
Les dépenses fiscales recensées dans la mission « Culture » sont au nombre de vingt-quatre, pour un coût global évalué à 272 millions d'euros.
Votre assemblée est consciente que certaines exonérations sont indispensables au maintien de notre patrimoine national. À titre d'exemple, je veux citer l'exonération des mutations à titre gratuit ou onéreux portant sur les oeuvres d'art de haute valeur artistique ou historique dont le propriétaire fait don à l'État, l'exonération des mutations à titre gratuit portant sur les monuments historiques classés ou inscrits, et, enfin, l'exonération de TVA sur les objets d'art, de collection et d'antiquités importés par les établissements agréés par le ministre chargé de la culture.
Ces dépenses ont un coût peu élevé - faut-il s'en plaindre ? - mais surtout, elles ont beaucoup de répercussions, grâce à un puissant effet de levier.
Sur ce même sujet, et pour vous dire à quel point je suis sensible à la pertinence de nos modes d'action, j'ai introduit, conformément aux préconisations de parlementaires, des indicateurs relatifs à la performance de deux dépenses fiscales en matière de patrimoine : restauration des monuments historiques et acquisition de trésors nationaux.
Je rejoins également le point de vue de la commission quant à la nécessité d'évaluer plus finement, en collaboration avec les services du ministère des finances, les produits des dépenses fiscales rattachés au programme « Patrimoine ».
Dans ce domaine comme dans celui des indicateurs de performance, des progrès sont, bien sûr, possibles, mais ils restent conditionnés par nos outils, donc par les moyens que l'État accepte de consacrer à l'adaptation des systèmes d'information à la LOLF. Cela demandera du temps, de l'énergie et des ressources financières, mais sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je reste convaincu de la nécessité d'avoir, à terme, des procédures de gestion parfaitement en phase avec ce qu'exige la LOLF, dans un souci de transparence et d'efficacité vis-à-vis du Parlement.
La forte hausse des montants des fonds de concours - sujet sur lequel vous m'avez aussi interrogé, monsieur le rapporteur spécial - est liée à la taxe affectée au CMN. Sur les 140 millions d'euros qui lui sont versés, 130 millions d'euros seront reversés au ministère par voie de fonds de concours. S'ajoutent à ce montant les fonds de concours classiques, à hauteur de 18,5 millions d'euros en crédits de paiement. Ce montant est en baisse par rapport à 2006, car le mouvement de transfert de maîtrise d'ouvrage aux propriétaires privés se poursuit.
S'agissant des 130 millions d'euros du fonds de concours en provenance du CMN, une liste d'opérations très précises a été établie pour préciser l'emploi de ce fonds. Les outils de pilotage de gestion du ministère ont même été adaptés pour pouvoir suivre, ainsi que je vous l'avais annoncé, monsieur le rapporteur spécial, opération par opération, la consommation de ces crédits.
En revanche, s'agissant des fonds de concours des propriétaires privés pour la restauration de leurs monuments historiques, ce sont des centaines d'opérations qui sont concernées. Il est donc difficile de retracer, dans le détail, dans le projet annuel de performance, leur destination. De plus, ces fonds de concours sont amenés à disparaître progressivement du fait du transfert de maîtrise d'ouvrage aux propriétaires privés.
J'ajoute que la présentation détaillée de la provenance des fonds de concours figure dans l'annexe « jaune » du projet de loi de finances concernant les fonds de concours.
Dans cet autre secteur clé de l'éveil au patrimoine qu'est celui des musées, je tiens à le souligner, le taux d'autofinancement est très positif : il s'élevait à 43 % selon les prévisions pour 2006 et atteindra 44 % selon les prévisions pour 2007. L'objectif retenu pour 2010 est de 48 %.
Vous dites que les crédits consacrés aux musées en région ont diminué. Or, si l'on ajoute aux 18 millions d'euros que vous avez cités les 15 millions d'euros consacrés à ce grand projet qu'est le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille, et les 4 millions d'euros en autorisations d'engagement pour le musée Adrien Dubouché à Limoges, je note une augmentation significative. Je rappelle que, par le passé, les investissements destinés aux musées nationaux ont essentiellement concerné des projets parisiens.
Les droits d'entrée, y compris les prestations annexes tels que les audioguides et les visites conférences, même si l'accès gratuit au musée pour les jeunes de moins de dix-huit ans et pour les personnes les plus défavorisés est préservé, sont à l'origine des recettes propres les plus importantes, compte tenu des hausses de fréquentation constatées ces dernières années : 115 millions d'euros en 2005 pour les musées nationaux, la RMN, le musée des Arts décoratifs et le Centre Georges Pompidou.
Le mécénat, les dons et legs représentent également une part croissante des recettes, surtout celles des grands établissements, et sont souvent affectés par les mécènes eux-mêmes à des expositions, des acquisitions, des restaurations d'oeuvres, des réaménagements de salles muséographiques. Hors travaux et acquisitions, ce poste a représenté 24 millions d'euros en 2005 pour les musées nationaux.
Les autres recettes propres - locations d'espaces, concessions domaniales, édition, produits dérivés, ventes de bronze de Rodin, actions éducatives, prestations de services, produits financiers - ont atteint 128 millions d'euros en 2005. Ces chiffres démontrent l'activité et le dynamisme d'un certain nombre d'opérateurs de l'État.
En matière d'archéologie, mon ministère s'attache à poursuivre la définition d'une politique nationale que votre assemblée, particulièrement la commission des finances, appelle à juste titre de ses voeux, en s'appuyant sur l'expertise et les avis du Conseil national de la recherche archéologique, qui vient d'être réuni hier.
Cette politique d'ensemble concerne essentiellement les grandes orientations de la recherche, puisque c'est sur le terrain, au niveau régional, qu'elle prend toute sa consistance en s'appuyant sur les particularités locales historiques, géographiques ou sociales. Le Conseil s'attache, entre autres, à renforcer la motivation scientifique des prescriptions archéologiques dans le cadre de l'archéologie préventive par une définition régionale des grandes questions scientifiques auxquelles se trouve confrontée aujourd'hui la recherche, mais aussi à renforcer le partenariat entre les différentes institutions qui travaillent en archéologie - CNRS, universités, collectivités territoriales -, tant dans la définition des priorités de la recherche que dans la diffusion et la publication de ses résultats.
Je constate avec plaisir que les collectivités territoriales s'investissent de plus en plus, à côté de l'État, dans la prise en charge de leur patrimoine archéologique, ainsi qu'en témoignent les nombreuses demandes d'agrément au titre d'opérateur en archéologie préventive de services archéologiques de collectivités instruites par le Conseil national. L'émergence de ces nouveaux opérateurs, qui assurent un nombre croissant d'interventions de terrain dans le cadre de l'archéologie préventive, permettra, à terme, de réduire les coûts et les délais liés à la sauvegarde du patrimoine archéologique dans la réalisation des aménagements essentiels au développement de notre pays.
Enfin, les efforts conjoints de mes services, des services du ministère chargé de l'équipement et des services du Trésor dans la perception de la redevance d'archéologie préventive permettent d'assurer, désormais, un financement satisfaisant du dispositif : alors que le rendement total de la redevance s'est établi à 32 millions d'euros en 2005, il devrait atteindre environ 63 millions d'euros en 2006. Pour la première fois de sa jeune histoire, l'Institut national de recherches en archéologie préventive terminera l'année sans qu'il soit nécessaire de lui affecter de subvention d'équilibre. Monsieur le rapporteur spécial appréciera ! Pour ma part, j'en suis extrêmement heureux car cela m'épargnera d'avoir à procéder, au sein de l'enveloppe, à des redéploiements toujours chirurgicaux...
L'éducation artistique et culturelle constitue un autre axe fort de ce budget et de la politique culturelle menée par ce gouvernement. J'ai noté vos interrogations au sujet des garanties du plan de relance que j'ai mis en place, avec mon collègue en charge de l'éducation nationale.
J'entends placer mon action dans la durée, sur ce sujet particulièrement important pour notre avenir. Régularité, patience et ténacité sont donc les trois vertus sous le signe desquels je me suis efforcé de placer mon action au sein du ministère de la culture sur ce dossier.
La circulaire interministérielle du 3 janvier 2005 impose, pour la première fois dans l'histoire, que toute structure artistique et culturelle subventionnée par le ministère de la culture et de la communication ait l'obligation de mener une action éducative. Dans cet esprit, je viens de signer mardi dernier une convention d'objectifs conjointement avec le ministère de l'éducation nationale et l'Ordre des architectes, pour créer un lien fort et durable entre un certain nombre de collèges situés dans des zones difficiles et des architectes spécialement formés, pour permettre à l'ensemble des enfants de ces collèges de découvrir, à travers l'architecture, leur environnement urbain et ses principaux repères culturels.
Cette initiative a vocation à être étendue à un nombre grandissant d'établissements dans toute la France, et ce dans tous les domaines artistiques, ce qui est tout à fait essentiel : sont ainsi concernés le patrimoine, les archives, les centres d'art et les FRAC, et, bien entendu, les structures de diffusion du spectacle vivant, réalisant une généralisation de ce type de « jumelage » et de « croisement ».
En résumé, mon objectif majeur est que tout lieu scolaire bénéficie d'un partenariat culturel et que toute institution culturelle ait vocation à remplir une mission pédagogique.
Depuis mon arrivée au ministère, j'ai veillé à la croissance régulière des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle. Je tiens d'ailleurs à remercier le Sénat de son soutien en la matière. Ces crédits passeront ainsi en 2007 de 39 millions d'euros à 39,5 millions d'euros, grâce à une mesure nouvelle de 500 000 euros. En outre, l'État garantit l'intégration de 120 heures d'éducation artistique dans le cadre des 507 heures d'activité des artistes et techniciens, ce qui doit permettre de développer un certain nombre d'initiatives au titre de l'éducation artistique.
L'éducation artistique et culturelle pour tous est désormais inscrite dans le socle commun des connaissances que l'école doit transmettre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aurais pu développer beaucoup d'autres points, mais le temps m'est compté. Je répondrai donc individuellement et par écrit à vos autres interrogations.
Puisque Corneille a été cité, je rappelle que cet auteur magnifique a fait l'objet de toute une série de célébrations : très bientôt encore, des manifestations sont prévues à l'Académie française et dans la plupart des grands théâtres subventionnés par l'État. Je terminerai donc en citant un extrait du Cid : « Et le combat cessa faute de combattants ». Soyez-en assurés, pour défendre la culture, vous pouvez compter sur l'éternité de ma combativité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur le banc des commissions.)
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !