sommaire
Présidence de Mme Michèle André
2. Candidatures à une commission mixte paritaire
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Bernard Frimat.
Suspension et reprise de la séance
4. Immigration et intégration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mmes Alima Boumediene-Thiery, Bariza Khiari, M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements identiques nos 148 de M. Bernard Frimat et 281 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 5 de la commission et sous-amendements nos 149 rectifié de M. Bernard Frimat et 522 de M. Michel Dreyfus-Schmidt ; amendements nos 282 et 283 de Mme Eliane Assassi. - MM. Pierre-Yves Collombat, Michel Billout, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Mme Bariza Khiari, MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Patrice Gélard, Charles Revet, Bernard Frimat. - Rejet des amendements nos 148, 281 et du sous-amendement no 149 rectifié ; adoption du sous-amendement no 522 et de l'amendement no 5 modifié, les amendements nos 282 et 283 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Mmes Alima Boumediene-Thiery, Monique Cerisier-ben Guiga, Bariza Khiari, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Louis Mermaz.
Amendements identiques nos 150 de M. Bernard Frimat et 284 de Mme Eliane Assassi ; amendements nos 6 rectifié à 9 de la commission, 129 rectifié et 130 rectifié bis de M. Christian Demuynck, repris par la commission, et 133 rectifié quinquies de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - M. Louis Mermaz, Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. le ministre délégué, Jacques Legendre, Mmes Bariza Khiari, Éliane Assassi, Monique Cerisier-ben Guiga MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Christian Cointat. - Rejet des amendements nos 150 et 284 ; adoption des amendements nos 6 rectifié à 9, 129 rectifié, 130 rectifié bis et 133 rectifié quinquies.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 4
Amendement no 108 rectifié de Mme Muguette Dini. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
Reprise de l'amendement no 108 rectifié bis par M. Michel Dreyfus-Schmidt. - M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.
Amendement no 507 rectifié quater de M. Hugues Portelli et sous-amendements nos 517, 523 rectifié bis de M. Bernard Frimat, 514 à 516 de Mme Muguette Dini et 524 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Jacques Pelletier, Bernard Frimat, Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Marie-France Beaufils, M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait des sous-amendements nos 514 à 516 ; rejet des sous-amendements nos 517 et 524 ; adoption du sous-amendement no 523 rectifié bis et de l'amendement no 507 rectifié quater modifié insérant un article additionnel.
Mmes Alima Boumediene-Thiery, Bariza Khiari, M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Amendements identiques nos 151 de M. Bernard Frimat et 285 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 10 de la commission ; amendements identiques nos 152 rectifié de M. Bernard Frimat et 483 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendement no 11 de la commission. - M. Charles Gautier, Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le ministre délégué.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
5. Questions d'actualité au Gouvernement
désindustrialisation de nevers
MM. René-Pierre Signé, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
MM. Yves Pozzo di Borgo, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
assurance chômage des intermittents
MM. Jack Ralite, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
circulation des armes dans les écoles
MM. Georges Othily, Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
MM. Josselin de Rohan, Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
hôpitaux publics en milieu rural
Mme Jacqueline Alquier, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
MM. Gérard César, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
MM. Richard Yung, Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
MM. Jean-Claude Carle, Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
traitement des déchets en guadeloupe
Mmes Lucette Michaux-Chevry, Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
6. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
7. Immigration et intégration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Amendements identiques nos 151 de M. Bernard Frimat et 285 de Mme Eliane Assassi ; amendement no 10 de la commission ; amendements identiques nos 152 rectifié de M. Bernard Frimat et 483 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendement no 11 de la commission (suite). - MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 151 et 285 ; adoption de l'amendement no 10 ; rejet des amendements nos 152 rectifié et 483 ; adoption de l'amendement no 11.
Adoption de l'article modifié.
Mme Bariza Khiari.
Amendement no 286 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendements nos 509 rectifié de M. Hugues Portelli et 153 de M. Bernard Frimat. - MM. Hugues Portelli, Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 153 ; adoption de l'amendement no 509 rectifié supprimant l'article.
M. Jacques Legendre, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Philippe Goujon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Amendement no 287 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendements nos 154 de M. Bernard Frimat, 12 de la commission, 143 rectifié ter de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, 156, 155 de M. Bernard Frimat, 484 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 135 rectifié ter de M. Jacques Legendre et 288 de Mme Eliane Assassi. - MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Bernard Frimat, Jean Desessard, Jacques Legendre, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le ministre délégué, le président de la commission, Hugues Portelli, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Monique Cerisier-ben Guiga, M. Christian Cointat. - Retrait des amendements nos 143 rectifié ter et 156 ; rejet des amendements nos 154 et 288 ; adoption des amendements nos 12 et 135 rectifié ter, les amendements nos 484 et 155 devenant sans objet.
8. Souhaits de bienvenue à deux délégations parlementaires de Chine et du Bénin
Mme la présidente, M. Jacques Legendre.
9. Immigration et intégration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Amendement no 13 de la commission. - MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. - Adoption.
Amendements identiques nos 289 de Mme Eliane Assassi et 503 rectifié de M. Hugues Portelli ; amendements nos 485 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 293 rectifié de Mme Eliane Assassi ; amendements identiques nos 290 de Mme Eliane Assassi et 486 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 291, 292 de Mme Eliane Assassi, 14 et 15 de la commission. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Hugues Portelli, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait des amendements nos 292, 14 et 15 ; adoption des amendements nos 289 et 503 rectifié, les autres amendements devenant sans objet.
Amendement no 294 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 8
Amendement no 295 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Amendements identiques nos 157 de M. Bernard Frimat et 296 de Mme Eliane Assassi. - M. Bernard Frimat, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements nos 158 de M. Bernard Frimat et 297 de Mme Eliane Assassi et 84 rectifié de M. Jean-René Lecerf. - M. Jean-Pierre Sueur, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Legendre, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 84 rectifié ; rejet des amendements nos 158 et 297.
Adoption de l'article.
Amendements nos 159 à 162 de M. Bernard Frimat, 298 à 303 de Mme Eliane Assassi, 16 à 20 de la commission et sous-amendement no 527 de M. Jean-Patrick Courtois ; amendements nos 113 rectifié, 114 rectifié bis de Mme Muguette Dini, 488 et 489 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Pierre-Yves Collombat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Payet, M. Richard Yung, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Hugues Portelli.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente, M. le ministre délégué, Mme Bariza Khiari, MM. Bernard Frimat, Jean-Pierre Sueur, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Alima Boumediene-Thiery, Anne-Marie Payet, M. le rapporteur, Mme Éliane Assassi, M. le président de la commission des lois. - Retrait de l'amendement no 113 rectifié ; rejet des amendements nos 159, 160, 298 à 300, 161, 162, 301, 488, 302, 303 et 489 ; adoption des amendements nos 16 à 19, 114 rectifié bis, du sous-amendement no 527 et de l'amendement no 20 modifié.
Adoption de l'article modifié.
Mme Bariza Khiari
Amendements nos 163 de M. Bernard Frimat et 21 de la commission. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre délégué, le président de la commission, Bernard Frimat. - Rejet de l'amendement no 163 ; adoption de l'amendement no 21.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
M. Jacques Legendre, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Monique Cerisier-ben Guiga, Bariza Khiari, Hélène Luc.
Amendements identiques nos 164 de M. Bernard Frimat, 304 de Mme Eliane Assassi et 513 rectifié bis de Mme Muguette Dini ; amendements nos 305 à 308 de Mme Eliane Assassi, 23 de la commission, 24 de la commission et sous-amendement n° 528 de M. Denis Badré, amendement n° 25 de la commission et sous-amendement n° 529 de M. Roger Karoutchi, amendements nos 26 et 27 de la commission, 106 rectifié bis de M. Jacques Pelletier et 81 rectifié bis de M. Hugues Portelli. - M. Pierre-Yves Collombat, Mme Éliane Assassi, MM. Denis Badré, le rapporteur, Jacques Pelletier, Mmes Bernadette Dupont, Josiane Mathon-Poinat, MM. Roger Karoutchi, le ministre délégué, Bernard Frimat, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Christian Cointat. - Retrait de l'amendement no 513 rectifié bis ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 164 et 304 ; rejet des amendements nos 305 à 308 ; adoption des amendements nos 23, 106 rectifié bis, 81 rectifié bis, du sous-amendement no 528 et de l'amendement no 24 modifié, du sous-amendement no 529 et de l'amendement no 25 modifié, et des amendements nos 26 et 27.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Transmission d'un projet de loi
11. Transmission d'une proposition de loi
12. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
13. Dépôt d'un rapport d'information
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
candidatures à UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.
J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
3
RAPPEL AU RÈGLEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Madame la présidente, les sénateurs présents sont visiblement plus nombreux sur les travées de gauche que sur celles de droite. Il est évident que la majorité va demander des scrutins publics à répétition, ce qui nous fera perdre du temps.
Nous vous demandons donc une suspension de séance d'une quinzaine de minutes, afin de permettre aux membres de la majorité, s'ils le veulent bien, de rejoindre l'hémicycle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils n'arrivent pas à se lever !
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. L'essentiel, madame, c'est que nous soyons là, vous et moi !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, nous pouvons commencer la présentation des six amendements puisqu'ils sont en discussion commune.
Je pense que ceux d'entre nous qui n'ont pas encore rejoint l'hémicycle auront ainsi la possibilité de le faire en temps utile. (M. Charles Revet approuve.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, je vais me permettre d'appuyer la demande de Michel Dreyfus-Schmidt.
Autant commencer le débat dans de bonnes conditions ! Nous voulons respecter le bon déroulement du débat parlementaire.
Comment nos collègues de l'UMP pourront-ils prendre une position réfléchie et sereine s'ils n'assistent pas à la présentation des amendements ?
M. Dominique Mortemousque. On s'en rappellera pour eux !
M. Bernard Frimat. Ils doivent pouvoir se prononcer sur nos amendements en connaissance de cause, même si jamais ils étaient amenés à les rejeter !
Nos collègues ont peut-être un réveil difficile, mais on peut le comprendre, car ils ont probablement regardé le match d'hier soir qui a été rediffusé assez tard !
Madame la présidente, je vous demande donc de nous accorder une suspension de séance.
Mme la présidente. Pour permettre à nos collègues retardataires de rejoindre l'hémicycle, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Immigration et intégration
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3.
Je rappelle que l'article 1er a été réservé jusqu'après l'article 12.
Article 3
Dans la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 311-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-8. - La carte de séjour temporaire, à l'exception de la carte portant la mention «salarié» et de celle portant la mention «travailleur temporaire», et la carte de séjour «compétences et talents» sont retirées si leur titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour leur délivrance. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'indiquerai d'emblée que les dispositions de cet article sont à mon sens injustifiées.
La plupart des titres de séjour sont délivrés pour une durée d'un an, et l'examen du respect des conditions de renouvellement de ce type de titres s'effectue donc régulièrement tous les ans. Par conséquent, tous les ans, les services préfectoraux ont l'occasion de juger du respect des conditions d'éligibilité de tel ou tel migrant à un titre de séjour.
Le champ d'application de ce dispositif va s'étendre, puisque le projet de loi prévoit de généraliser, en quelque sorte, les titres de séjour d'un an.
Dans ces conditions, il n'est nul besoin d'instaurer un retrait obligatoire des cartes de séjour visées, si ce n'est pour mettre en place un statut « jetable » du travailleur migrant. Celui-ci, si l'article 3 est adopté, sera complètement à la merci de son employeur, qui pourra profiter de cette situation en toute tranquillité et le « jeter » une fois qu'il ne servira plus, sans risquer un recours. L'intéressé n'aura plus alors qu'une seule solution, quitter le territoire.
Il me semble que la recherche d'emploi pourrait tout à fait figurer au nombre des critères ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour. Indiquons que, à l'heure actuelle, le préfet « peut » retirer le titre de séjour dans les circonstances visées, mais qu'il n'est pas tenu de le faire. Souvent, il prend en considération la situation de l'immigrant, notamment sa recherche d'un emploi et ses ressources.
De surcroît, la mise en oeuvre des dispositions présentées entérinera une dépendance tout à fait inacceptable du migrant à l'égard de la personne à laquelle est lié son droit au séjour, que ce soit son employeur ou son conjoint. La situation du migrant sera ainsi extrêmement précarisée.
Dans les faits, ces dispositions concerneront beaucoup moins de personnes que l'on ne tente de nous le faire croire. Cela montre bien, une fois de plus, que ce projet de loi a un seul objet : l'affichage, le marketing politique.
Enfin, je souligne qu'il est ici recouru à une notion juridique inadaptée. En droit administratif, c'est la notion de retrait qui est liée à la fraude ou au trouble à l'ordre public, tandis que celle de non-renouvellement se rattache à la notion de fin de droits. Ainsi, le fondement même de cet article est complètement erroné.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Tout d'abord, je voudrais dire à quel point je me réjouis que nous ayons pu trouver hier un compromis acceptable par tous à propos de l'amendement de M. Pelletier.
En ce qui concerne l'article 3, la rédaction présentée, modifiée par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, est on ne peut plus simple : « La carte de séjour temporaire, à l'exception de la carte portant la mention " salarié " et de celle portant la mention " travailleur temporaire ", et la carte de séjour " compétences et talents " sont retirées si leur titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour leur délivrance. »
Sur ce point, la discussion à l'Assemblée nationale a été édifiante. Cette disposition a été envisagée sous l'angle d'une stigmatisation de l'immigration, celle-ci étant systématiquement criminalisée et l'immigrant étant toujours suspect de détournement de procédure.
On délivre des titres de séjour temporaires à des personnes qui s'installent en France pour différentes raisons. Le fait que leur situation puisse changer est déjà pris en compte, à travers, précisément, le caractère temporaire de ces titres de séjour. La situation des personnes concernées est donc réévaluée régulièrement, cet examen conditionnant le renouvellement éventuel du titre de séjour.
À l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est déclaré favorable à ce que la carte de séjour ne soit pas retirée aux salariés en cas de rupture de leur contrat de travail. Je m'en réjouis, évidemment, mais c'est là un bien petit progrès ! Ce que nous demandons, c'est la suppression du dispositif de l'article 3.
Comme je l'ai dit, la situation d'un étranger est déjà réévaluée à échéances fixes, à l'occasion des demandes de renouvellement du titre de séjour. Celui qui ne remplit plus les conditions exigées voit alors sa demande rejetée, mais la date de l'éventuelle remise en cause de son droit au séjour est parfaitement prévisible, ce qui est très différent de ce que prévoit l'article 3. L'étranger concerné n'est pas « mis à l'écart » du jour au lendemain.
Un étranger présent sur notre sol a des droits et des devoirs : vous le répétez sans cesse, monsieur le ministre, mais ce projet de loi tend à réduire toujours plus les premiers. Cela ne sera pas au bénéfice de la France, qui va désormais avoir l'image d'un pays fermé et peu accueillant, d'un pays où il faut tricher pour avoir le droit d'y vivre. Tout ce que vous obtiendrez, avec cette mesure, c'est la précarisation de la situation de bon nombre d'étrangers et le gonflement des effectifs des immigrants illégaux.
Nous ne vous suivrons pas dans cette démarche, et le groupe socialiste demandera donc la suppression de l'article 3.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. À l'appui de ce que viennent de dire mes collègues, je voudrais évoquer le cas, que nous connaissons tous, de ces étrangers ayant épousé une Française ou un Français et qui deviennent jetables par la seule volonté de leur conjoint, lorsque celui-ci décide de demander le divorce.
Il suffit que le divorce soit demandé - et non pas prononcé -, pour que l'intéressé, parce qu'il ne remplit plus les conditions exigées, parce que la vie commune avec son conjoint français est rompue, puisse être reconduit dans son pays. Nous avons tous connu des situations de ce genre, qui sont absolument inadmissibles et que créeront les dispositions de cet article 3, si nous ne l'abrogeons pas.
Par ailleurs, je voudrais indiquer que la rédaction proposée par la commission à l'amendement n° 5 pour l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon laquelle « par dérogation [...], la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire "ne peut être retirée au motif que l'étranger a été involontairement privé d'emploi, conformément à la réglementation sur le travail », me semble aller à l'encontre des intentions de ses auteurs. L'employeur doit-il avoir « involontairement privé d'emploi » l'étranger ? Je ne crois que la commission ait voulu inscrire cela dans la loi...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est clair !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce qui compte, c'est que l'étranger se trouve privé d'emploi.
Telles sont les observations que je voulais faire.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 148 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 281 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 148.
M. Pierre-Yves Collombat. L'article 3 prévoit que la carte de séjour temporaire, hors exceptions visées, et la carte de séjour « compétences et talents » seront retirées si l'une des conditions exigées pour leur délivrance n'est plus remplie par leur titulaire.
Or, la carte de séjour temporaire étant de courte durée de validité, pourquoi n'attendrait-on pas son échéance pour décider ou non de son renouvellement ? Chaque demande de renouvellement entraîne un examen très approfondi du respect des conditions suivant lesquelles le titre de séjour a été attribué.
En outre, en droit administratif, le retrait d'un titre de séjour pour fraude ou pour menace à l'ordre public abroge de manière rétroactive les droits de la personne concernée. On considère alors qu'il n'y a pas eu de titre de séjour délivré.
Dans ces conditions, pourquoi légiférer sur ce point ? Bien sûr, l'Assemblée nationale s'est émue de l'effet « couperet » que pourrait avoir le dispositif et l'a assoupli en prévoyant une exception pour les titulaires d'une carte portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Cependant, l'adoption des dispositions de cet article, dont nous demandons la suppression, conduirait, de manière inéluctable, à ce que des personnes bénéficiaires d'un titre de séjour se le voient retirer, souvent après un examen administratif rapide, sans avoir la possibilité de se défendre. Il s'agit d'une décision non pas judiciaire, mais purement administrative.
Cela entraînerait inéluctablement un gonflement du nombre des étrangers dépourvus de titre de séjour mais protégés de l'expulsion, eu égard à leur situation familiale, par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'immigration irrégulière s'en trouverait donc amplifiée, et les imbroglios dont nous avons déjà parlé encore aggravés.
J'ajouterai que, sans partager, bien évidemment, la philosophie de ce texte, nous pourrions comprendre sa logique en ce qui concerne les cartes de séjour temporaires. En revanche, s'agissant de la carte « compétences et talents », nous la comprenons moins bien. S'il s'agit d'attirer chez nous des compétences et des talents, je ne sais pas si l'on y parviendra en précarisant encore la situation des titulaires d'un document dont la durée de validité est de trois ans, ce qui n'est tout de même pas extraordinaire ! J'estime donc qu'il existe une contradiction entre le désir affiché de prendre le meilleur de l'immigration et les mesures présentées.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 281.
M. Michel Billout. Les dispositions de l'article 3 nous semblent particulièrement graves et dangereuses. À cet instant, je voudrais revenir sur un certain nombre d'arguments ayant déjà été développés, car il me paraît important que nous prenions le temps de nous arrêter sur certains problèmes sous-jacents à cet article.
Jusqu'à présent, le préfet avait la possibilité de retirer un titre de séjour dans certains cas de manquement de la part de son titulaire à l'une des conditions exigées pour la délivrance de celui-ci. Or, le projet de loi transforme cette faculté en obligation.
Actuellement, il n'y a pas de principe général prévoyant le retrait du titre de séjour. Dans les faits, lorsque les conditions ne sont plus remplies par l'étranger, le risque le plus important auquel il s'expose est un refus de renouvellement de son titre.
L'administration préfectorale réexamine donc le dossier de l'étranger au moment du renouvellement, ce qui lui permet de prendre en considération l'évolution de la situation de ce dernier et d'apprécier si le titre peut être renouvelé ou non.
Avec le nouvel article L. 311-8, le titre devra être obligatoirement retiré si l'étranger ne remplit plus les conditions de sa délivrance. Cela interdit tout examen au cas par cas de la situation de personnes qui ont vu, pour une raison ou pour une autre, et pas nécessairement de leur fait, leur situation initiale changer.
Par ailleurs, nos craintes sont toujours grandes en ce qui concerne la situation des étrangers salariés. Même si les députés ont prévu que le titre ne pourrait pas leur être retiré en cas de rupture du contrat de travail, ce qui était possible dans le texte initial, un amendement de la commission prévoit de permettre ce retrait si la rupture est à l'initiative de l'étranger.
Cette disposition rend impossible toute démission de l'étranger, qui, de ce fait, se trouve lié à son employeur de façon disproportionnée. S'il attend le renouvellement de son titre de séjour pour changer de travail, il pourra toujours se voir retirer son titre s'il ne trouve pas immédiatement un nouveau travail.
Certains employeurs, sachant cela, pourront exercer une pression sur leur salarié, qui hésitera bien évidemment à démissionner, même si les conditions de travail sont mauvaises ou dégradées.
Bref, cet article 3 constitue une régression importante, en matière tant de droit au séjour des étrangers que de droit à exercer une activité professionnelle.
Telles sont certaines des raisons qui nous ont conduits à déposer cet amendement de suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« Art. L. 311-8. - La carte de séjour temporaire et la carte de séjour «compétences et talents » sont retirées si leur titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour leur délivrance.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » ne peut être retirée au motif que l'étranger a été involontairement privé d'emploi, conformément à la réglementation sur le travail. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle.
L'Assemblée nationale a introduit une exception au principe du retrait de la carte de séjour temporaire pour les étrangers qui cessent de remplir les conditions exigées lors de la première délivrance, afin de ne pas pénaliser les étrangers titulaires d'une carte de séjour salarié ou travailleur temporaire dont le contrat de travail serait rompu avant l'échéance du titre de séjour. Si cet objectif me semble légitime, il ne doit pas conduire à exclure toute possibilité de retrait, notamment si la rupture du contrat de travail est à l'initiative de l'étranger.
L'amendement n° 5 prévoit donc que la carte de séjour ne puisse être retirée au seul motif que l'étranger a été involontairement privé de son emploi. À la suite des observations qui viennent d'être faites, je précise qu'en ce qui concerne la carte « salarié » le titre de séjour est lié au contrat de travail passé entre l'étranger et l'employeur.
Mme la présidente. L'amendement n° 282, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
si leur titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour leur délivrance
par les mots :
en cas de fraude dûment constatée par une décision de justice
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Notre amendement de suppression ayant peu de chances d'être adopté, nous proposons un amendement de repli, aux termes duquel le titre de séjour peut être retiré uniquement en cas de fraude de la part de son titulaire, dûment constatée par une décision de justice.
Il ne s'agit nullement de faire dépendre d'une décision judiciaire le retrait d'un titre. La justice n'intervient ici que pour constater ou non la fraude. L'administration préfectorale ne sera en mesure de retirer le titre de séjour qu'après cette décision de justice.
Notre amendement a donc essentiellement pour objectif d'éviter toute mesure arbitraire de retrait de titre de la part du préfet.
Mme la présidente. L'amendement n° 149, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot :
cesse
insérer le mot :
volontairement
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Madame la présidente, nous souhaitons transformer cet amendement en sous-amendement à l'amendement n° 5.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 149 rectifié, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5 pour l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot :
cesse
insérer le mot :
volontairement
Veuillez poursuivre, madame Khiari.
Mme Bariza Khiari. Si l'Assemblée nationale a prévu une exception au retrait de la carte de séjour temporaire lorsque les conditions exigées pour sa délivrance ne sont plus remplies par son titulaire pour les titulaires de la carte de séjour à mention « salarié » ou « travailleur temporaire », elle ne l'a pas prévue pour les titulaires de la carte « compétences et talents ».
Ainsi, un sportif de haut niveau, qui perd sa compétence ou son talent, se verra retirer sa carte « compétences et talents » pour des raisons qui échappent à sa volonté. S'il a fait venir sa famille en France, son épouse et ses enfants, du jour au lendemain, se verront renvoyés dans leur pays au mépris des liens qu'ils auront pu tisser, par exemple lors de leur scolarisation. Il s'agit bien d'immigration choisie, mais aussi d'immigration jetable. Nous ne pouvons adhérer à cette philosophie.
Nous proposons donc que, si les conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour temporaire et pour la carte « compétences et talents » ont été perdues pour des raisons indépendantes de la volonté des titulaires, le titre concerné soit maintenu jusqu'à son expiration.
Mme la présidente. L'amendement n° 283, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :
« Le retrait de la carte de séjour temporaire et la carte « compétences et talents » ne peuvent ouvrir le droit pour l'employeur à demander le remboursement des sommes perçues. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s'agit également d'un amendement de repli, aux termes duquel l'employeur, en cas de retrait de la carte de séjour temporaire et de la carte « compétences et talents », ne peut demander le remboursement des charges salariales qu'il aurait acquittées.
La situation n'est certes pas fréquente, mais nous souhaitons prévenir tous les abus rendus possibles par ce texte. Certains employeurs pourraient être tentés de profiter de la situation précaire des étrangers salariés et, une fois le titre de séjour retiré avant sa date d'expiration, vouloir récupérer les charges salariales acquittées pour l'embauche de ce salarié.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. S'agissant des amendements identiques de suppression nos 148 et 281, la commission des lois émet évidemment un avis défavorable.
L'avis est également défavorable sur l'amendement n° 282, qui tend à limiter la possibilité de retrait d'un titre aux seuls cas de fraude constatée par décision de justice.
Le sous-amendement n° 149 rectifié prévoit que le retrait d'un titre de séjour est possible lorsque l'étranger cesse volontairement de remplir une des conditions exigées pour sa délivrance. L'amendement de la commission prévoit déjà le cas de rupture du contrat de travail. Le sous-amendement ne me semble donc pas nécessaire.
Quant à l'amendement n° 283, il est évident que les charges salariales ne seront pas reversées à l'employeur dès lors que l'emploi est réel et le travail effectif. L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. S'il est normal qu'un titre de séjour soit délivré lorsque les conditions sont remplies, il est tout aussi normal que ce titre de séjour soit retiré lorsque les conditions ne le sont plus.
M. Charles Revet. C'est du bon sens !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Certains ont anticipé le débat que nous aurons à l'article 26 en confondant le retrait de la carte de séjour avec le retrait de la carte de résident à des conjoints en raison de rupture de la vie commune. L'article 3 concerne la carte de séjour et non la carte de résident. À ce propos, je voudrais dire à M. Dreyfus-Schmidt qu'il est intervenu à tort sur ce sujet.
À M. Collombat, qui nous a donné une leçon de droit administratif, je rappellerai quelques enseignements tirés du manuel bien connu du professeur René Chapus. Ce dernier indique que les décisions conditionnelles sont soumises à un régime particulier et que, « si les conditions qui les assortissent ne sont pas satisfaites [...], ces décisions sont susceptibles de retrait [...] même après expiration du délai de recours ». C'est justement ce que l'article 3 explicite.
M. Pierre-Yves Collombat. Mon observation ne portait pas sur ce point.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Elle portait bien sur ce point et je l'ai parfaitement comprise. Je veux éclairer le Sénat sur ce point de droit administratif, à propos duquel vous avez, c'est le jeu du débat parlementaire, semé le trouble.
Sur l'amendement n° 282, il n'est pas question de subordonner une décision purement administrative à une décision judiciaire. C'est bien évidemment contraire à tous les principes. Fort de cela, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 148 et 281, 282, sur le sous-amendement n° 149 rectifié et sur l'amendement n° 283.
En revanche, le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement n° 5 de la commission. L'Assemblée nationale avait clairement exclu la carte de séjour « salarié » et la carte de séjour « travailleur temporaire » de ce dispositif de retrait. Le Gouvernement avait jugé cet amendement tout à fait légitime. Un travailleur étranger, qui se voit proposer une carte de séjour pour pouvoir remplir les conditions de son contrat de travail, pourrait être placé dans une situation d'insécurité en cas de rupture de ce contrat de travail. Il est normal de maintenir la carte de séjour pendant la durée du contrat de travail, même si l'employeur y met un terme par anticipation, quelle que soit la raison. L'amendement de la commission précise utilement la rédaction de l'Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Madame la présidente, je souhaiterais déposer un sous-amendement sur l'amendement n° 5. J'ai fait des observations qui sont tombées dans le vide, tant en ce qui concerne la commission que le Gouvernement.
D'une part, d'après l'amendement de la commission, la carte de séjour temporaire ne peut être retirée « au motif que l'étranger a été involontairement privé d'emploi ». Il est évident que, grammaticalement, le mot « involontairement » se rapporte à l'employeur, à celui qui prive d'emploi. Cette formulation ne convient donc pas.
D'autre part, l'expression « conformément à la réglementation sur le travail » n'a pas lieu d'être, la loi n'ayant pas à se référer à la réglementation.
Notre sous-amendement tend à supprimer les mots « conformément à la réglementation sur le travail » et à remplacer les mots « a été » par les mots « s'est trouvé autrement que de son fait ». La perte d'emploi peut être la conséquence d'un licenciement, mais aussi d'une cessation d'activité de l'entreprise. Il serait malheureux que l'intéressé puisse se voir retirer sa carte de séjour simplement parce que l'entreprise ferme.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 522 à l'amendement n° 5, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :
Après les mots :
au motif que l'étranger
rédiger comme suit la fin du second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 5 pour l'article L. 311-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
s'est trouvé, autrement que de son fait, privé d'emploi.
Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je n'ai pas de souci de droit d'auteur, mais, sur le fond, les deux rédactions ont exactement la même signification.
Pour vous être agréable de bon matin, je veux bien donner un avis favorable !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La satisfaction du Gouvernement dans ce débat, c'est de voir que le groupe socialiste, en nous faisant cette proposition, adhère pleinement à notre démarche, (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) selon laquelle un étranger qui bénéficie d'une carte de séjour temporaire, conformément au contrat de travail qui lui a été proposé, préserve son titre de séjour pour la durée initialement prévue si l'employeur met un terme par anticipation à son contrat de travail.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, en tenant compte de votre sous-amendement, le texte deviendrait le suivant : « Par dérogation à l'alinéa précédent, la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » ne peut être retirée au motif que l'étranger s'est trouvé autrement que de son fait privé d'emploi. »
M. Patrice Gélard. C'est très mauvais !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Votre proposition n'est pas inintéressante ; elle démontre en tout cas que vous êtes en parfaite harmonie avec le Gouvernement et la majorité. (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut arrêter de déposer des amendements de repli !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons l'honnêteté de proposer des améliorations de forme, mais nous pouvons nous en abstenir à l'avenir. Ce n'est pas la peine de nous faire dire autre chose que ce que nous disons !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur les amendements nos 148 et 280.
M. Pierre-Yves Collombat. Je remercie M. le ministre de me rappeler les leçons du professeur René Chapus et, à cette occasion, de me donner un argument supplémentaire. Si les règles du droit administratif permettent déjà de retirer un titre de séjour quand les conditions ne sont plus remplies, pourquoi inscrire cette disposition dans la loi, sinon pour avoir un effet d'affichage ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous, Français de l'étranger, connaissons la précarisation des travailleurs salariés dans un certain nombre de pays. Nous sommes solidaires des étrangers en France qui se trouveront dans ces situations.
Leurs enfants seront arrachés à un pays qu'ils connaissent mieux que le pays d'origine de leur famille ou bien leurs parents entreront dans la clandestinité faute de pouvoir partir. Je connais de tels cas parmi des Français de milieux modestes aux États-Unis et, croyez-moi, cela provoque d'importants dégâts, en particulier d'ordre familial.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Je connais bien le talent de M. Dreyfus-Schmidt, mais je ne suis pas convaincu par son sous-amendement. La formulation initiale me paraissait plus claire et donc meilleure. C'est la raison pour laquelle je ne me rallierai pas à sa proposition.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un peu court comme explication, vous pourriez dire pourquoi !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. En cas de licenciement pour faute grave, dans quelle situation se trouve le salarié ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est de sa faute !
M. Charles Revet. Je préfère la rédaction de la commission, parce qu'elle couvre tous les cas de figure.
MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Christian Estrosi, ministre délégué. Cela revient au même !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes en train de nous livrer à un travail de commission ! Si les membres de la commission s'étaient s'exprimés lorsque nous avons adopté l'amendement en commission, nous l'aurions certainement rédigé comme ils le souhaitent.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela va plus vite en commission !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous allons toujours trop vite pour vous, en séance publique aussi. Le débat que nous avons sur ce texte en est la preuve !
Monsieur Gélard, je vous le dis franchement, les deux rédactions sont équivalentes. Alors, ne nous privons pas de faire plaisir à M. Dreyfus-Schmidt, d'autant que cela ne va pas durer ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Collombat, je ne souhaitais pas me lancer dans une controverse doctrinale de droit public mais, puisque vous discutez les leçons du professeur René Chapus, je poursuivrai notre échange.
Il n'y aurait, selon vous, aucune nécessité de préciser ce qui figure déjà dans la réglementation. Pourtant, le professeur René Chapus démontre le contraire, à la page 1167 du premier tome de son manuel de droit administratif général : « Une décision en cours de validité est retirable dans l'hypothèse où le texte dont elle procède peut être interprété comme liant son maintien à celui des conditions qui ont justifié son édiction. Et il en est a fortiori ainsi lorsque le texte a explicitement établi une telle liaison. »
Vous comprendrez donc pourquoi le Gouvernement a souhaité apporter cette précision dans le texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je remercie M. le ministre de revenir aux explications de vote concernant les amendements de suppression, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit ! Il y a eu quelques dérives que nous pourrons toujours reprendre ultérieurement, si nous ne nous sommes pas tout dit !
Monsieur le ministre, vous vous êtes réjoui un peu rapidement de l'effort de rédaction de mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt à l'article 3. Je veux donc vous redire, si jamais cela vous avait échappé par inadvertance, que nous sommes fondamentalement hostiles à votre texte et que nous allons voter les amendements de suppression de l'article.
Comme nous ne sommes, pas plus que vous d'ailleurs, atteints de schizophrénie, nous voterons d'abord pour les amendements de suppression ; ensuite, s'ils ne sont pas adoptés, nous préférerons le mauvais au pire, ce qui ne signifie pas que nous approuvions une loi exécrable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 et 281.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 149 rectifié.
M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, si l'amendement de la commission était adopté, mon amendement tomberait. Aussi ai-je souhaité, afin que vous ne soyez pas privés de mes explications, le transformer en sous-amendement. (Sourires.)
Je ne comprends pas votre position, monsieur le rapporteur, concernant ce sous-amendement, qui serait partiellement ou pas satisfait !
Ce sous-amendement - court au demeurant, et qui pourra donc difficilement passer pour une approbation globale de votre texte, monsieur le ministre - vise à ajouter l'adverbe « volontairement », ce qui signifie que l'étranger ne peut être victime d'un événement qui s'impose à lui indépendamment de sa volonté, comme dans certains cas de force majeure.
Ne pensez-vous pas qu'il y ait une certaine contradiction à tenir une personne responsable de situations qui ne sont pas de son fait ?
Nous tenons donc à ce que cette précision figure à l'article 3 en guise de position de repli ; c'est tout ! Cette précision ne change pas fondamentalement le texte, mais elle éviterait tout de même certains retraits de cartes de séjour à des personnes que l'on soupçonne toujours de fraude dans de telles situations.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis ouvert à toutes les propositions. Mais, si nous avons donné un avis favorable sur le sous-amendement de M. Dreyfus-Schmidt, nous ne pouvons que donner un avis défavorable sur le sous-amendement de M. Collombat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ils ne concernent pas le même alinéa !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L'amendement de la commission vise précisément à ajouter un alinéa afin de répondre à cette problématique.
Nous nous amusons, ce matin, mais il y a tout de même des limites !
M. Charles Revet. Ils veulent ralentir nos travaux !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous ne pouvons qu'être défavorables à votre sous-amendement, monsieur Frimat, parce qu'il est satisfait par l'amendement de la commission, complété par le sous-amendement de M. Dreyfus-Schmidt !
M. Michel Dreyfus-Schmidt a plus de succès que vous !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne pouvez pas dire que M. Frimat n'a pas de succès au motif que vous ne l'avez pas compris, cela n'a rien à voir !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Son sous-amendement concerne le premier alinéa et donc à la fois la carte de séjour temporaire et la carte de séjour « compétences et talents ». Nous demandons que cette dernière ne soit retirée que si le titulaire cesse « volontairement » de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance.
J'espère, monsieur le président de la commission, avoir réussi à vous faire admettre que ce n'est ni contradictoire ni redondant avec le sous-amendement que j'ai eu l'honneur de présenter, auquel vous avez bien voulu, et je vous en remercie, donner un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 149 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 282 et 283 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. - Dans la section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 311-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-9. - L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre en France entre l'âge de seize et dix-huit ans et qui souhaite s'y maintenir durablement prépare son intégration à la société française. L'étranger qui n'a pas conclu un contrat d'accueil et d'intégration lorsqu'il a été admis pour la première fois au séjour en France peut demander à signer un tel contrat.
« À cette fin, il conclut avec l'État un contrat d'accueil et d'intégration, traduit dans une langue qu'il comprend, par lequel il s'oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique. La formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République, notamment l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité. La formation linguistique est sanctionnée par un titre ou un diplôme. Le cas échéant, l'étranger bénéficie d'un bilan de compétences professionnelles et d'une session d'information sur la vie en France. Toutes ces formations et prestations sont dispensées gratuitement. Lorsque l'étranger est mineur, le contrat d'accueil et d'intégration doit être cosigné par son représentant légal.
« Lors du premier renouvellement de la carte de séjour, il peut être tenu compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. Il détermine la durée du contrat d'accueil et d'intégration et ses conditions de renouvellement, les actions prévues par le contrat et les conditions de suivi et de validation de ces actions, dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française et la remise à l'étranger d'un document permettant de s'assurer de l'assiduité de celui-ci aux formations qui lui sont dispensées. »
II. - L'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 117-1. - Les règles relatives au contrat d'accueil et d'intégration de l'étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable sont fixées à l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article tend à généraliser le contrat d'accueil et d'intégration, présenté comme supposé favoriser l'intégration des migrants.
Il constituerait en effet le volet d'équilibre de ce projet de loi, qui serait le premier à lier immigration et intégration.
Ici encore, le Gouvernement fait preuve d'affichage et de tromperie.
Affichage, tout d'abord, car ce contrat d'accueil et d'intégration que vous généralisez est annoncé, avec tambours et trompettes, sans la moindre précision quant aux moyens qui y seront consacrés.
Rien, ou presque, n'est dit sur les moyens financiers qui, de par la généralisation du contrat, seront considérables. Où trouverez-vous ces sommes ? Comment financerez-vous la mise en oeuvre de cette obligation ?
J'ose espérer que le budget de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, ne sera pas la proie de votre prédation budgétaire.
D'autant que vous ne dites rien, ou si peu, sur celles et ceux qui seront supposés dispenser ces formations civique et linguistique.
Après avoir abordé la question des moyens, je tiens à en venir à la question de fond concernant le contrat d'accueil et d'intégration.
De prime abord, on peut difficilement s'opposer à un tel type de contrat. En effet, il semble concourir à un meilleur accueil et à une meilleure intégration des primo-migrants.
Mais la réalité est tout autre, notamment parce que le Gouvernement tend à généraliser à tous les niveaux de la vie sociale les contrats, qu'il s'agisse du contrat d'accueil et d'intégration ou du contrat de responsabilité parentale.
Or on ne peut simplement se réjouir de la contractualisation des relations entre l'État et les citoyens.
En effet, ces relations sont par nature déséquilibrées, au détriment de l'État. En cela, d'ailleurs, vous répondez bien aux caractéristiques de la droite, laquelle privilégie souvent le contrat à la loi, l'individualité à l'intérêt général.
Ce déséquilibre général est particulièrement accentué par les caractéristiques du contrat d'accueil et d'intégration.
En effet, celui-ci s'apparente, en réalité, à une mesure de police. Votre contrat d'accueil et d'intégration n'en est pas un, et il me semble que nous avons affaire à un contrat d'exil et d'exclusion : il pose beaucoup plus d'obstacles sur le parcours du migrant qu'il n'est supposé en retirer.
Assurément, en prenant en compte le non-respect du contrat lors du premier renouvellement du titre de séjour, le possible arbitraire de l'administration préfectorale est une fois de plus renforcé.
Lors de la délivrance d'un premier titre de séjour stable, votre projet de loi exige la signature du contrat d'accueil et d'intégration par le primo-migrant, jeune ou moins jeune. Lors du renouvellement de sa carte de séjour temporaire, le migrant pourra se voir opposer le non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, des stipulations de ce contrat.
Nous sommes donc là, une fois de plus, dans le règne de l'arbitraire le plus total. Qui définit les critères ? Qui évalue leur réalité ?
Pour l'obtention d'une carte de résident, davantage d'étrangers seront soumis au respect des engagements du contrat et à la maîtrise de la langue française que sanctionnera un diplôme - cela me semble d'ailleurs très intéressant à voir ! -, dont seuls les plus de soixante-cinq ans seront dispensés - merci pour eux ! Quoi qu'il en soit, pouvons-nous en savoir plus sur ce diplôme ?
La question de l'acquisition de la langue est trop sérieuse et trop importante pour être traitée avec si peu d'attention et seulement dans une vision de contrainte et de restriction.
L'apprentissage de la langue doit être un choix, et non une obligation. Si la maîtrise de la langue est en effet indispensable - et nous le savons -, elle ne peut être un argument de contrainte.
Durant les débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement et les membres de la majorité n'ont cessé de prendre des exemples. Ils ont notamment évoqué le cas des femmes migrantes qui seraient enfermées chez elles et que cette obligation d'apprentissage de la langue libérerait.
Monsieur le ministre, je vous rappelle que toute émancipation imposée, toute libération forcée, n'en est pas une. La liberté que l'on impose n'est qu'un moyen de transformer des chaînes.
Les hommes et les femmes qui ne parlent pas français peuvent vouloir parler notre langue. Et lorsqu'ils le souhaitent, quand ils manifestent cette volonté d'émancipation, il faut leur offrir tous les moyens nécessaires, toute la considération possible. Pourquoi, dans ce cas, ne pas considérer cet apprentissage de la langue comme une formation continue, donc rémunérée ?
Aujourd'hui encore, dans toutes les villes de France, dans tous nos villages, on trouve d'anciens migrants portugais, italiens ou espagnols, qui, pour la plupart, sont devenus français, mais qui parlent très peu ou très mal notre langue. Ils ne parviendraient certainement pas à obtenir ce fameux diplôme. Personne ne leur a imposé d'apprendre le français. Ils l'ont appris par la force des choses. On ne leur impose pas non plus de ne plus parler leur langue d'origine.
Pourquoi exiger beaucoup plus de certains et beaucoup moins d'autres parce qu'ils sont européens ? Nous devons exiger de tous les mêmes devoirs et donner à tous les mêmes droits, ni plus, ni moins !
C'est la raison pour laquelle je vous demande une fois de plus la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrat d'intégration qui nous est présenté paraît inadéquat eu égard à l'objectif visé.
On veut, à juste titre, que les étrangers qui s'établissent en France s'intègrent. Ils sont, dans la majorité des cas, les premiers à le souhaiter, mais on leur présente cet objectif comme une obligation, avec une sanction à la clé.
Une fois encore, je ferai appel à ma longue expérience de migrante. Croyez-moi, l'intégration résulte d'un très lent processus psychologique, culturel, linguistique, social, au cours duquel alternent des périodes de très fort désir d'adhésion à la société d'accueil et des crises de rejet quand on a le sentiment que son identité personnelle est en train de se brouiller, de s'effacer, à cause du travail d'adaptation.
Mettre en place une obligation coercitive a plutôt pour résultat d'aviver les réactions de repli du migrant. Ce qu'il faut au migrant, j'en parle en connaissance de cause, c'est une aide, un suivi amical, associatif, pour lui permettre de prendre conscience qu'il gagne à son intégration, qu'il y a des contreparties à son difficile travail d'adaptation.
Cela suppose d'abord une sécurisation juridique. D'où l'intérêt des cartes séjour et emploi de durée suffisante, qui soient le préalable et la porte ouverte à l'acquisition de la nationalité.
La sécurisation juridique n'est pas la contrepartie d'une intégration réalisée ; elle est la condition d'une intégration qui peut se réaliser.
En conséquence, le contrat d'insertion ne pourrait être profitable que dans cette perspective de soutien et d'appui, sans menace implicite ou explicite en cas de difficultés.
Ainsi, comme Mme Boumediene-Thiery, je pense que ce type de contrat serait particulièrement intéressant pour les femmes qui n'ont pas d'activité professionnelle. Là encore, l'expérience prouve que l'on s'intègre d'autant mieux dans un pays que l'on y a une activité professionnelle. C'est par l'activité professionnelle que l'on apprend la langue, c'est par l'activité professionnelle que l'on se fait des relations amicales, qui aident à opérer en soi-même les transformations nécessaires à l'intégration.
Ce contrat d'accueil et d'intégration qui généralise ce qui avait été prévu dans la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ne serait donc acceptable que si la réciprocité est réelle, avec une égale intensité des obligations de l'État et de l'étranger. Or nous n'avons aucune preuve à cet égard. Nous ne disposons en effet d'aucun élément concernant le financement des mesures nécessaires et ce qui sera réellement mis en oeuvre.
Un tel contrat serait acceptable si nous avions l'assurance que l'aide à l'étranger sera apportée par des associations qui, depuis quarante ans, réalisent ce travail, souvent bénévolement, et le font bien.
Nous pourrions accepter ce dispositif si nous étions assurés que des enseignants spécialistes de l'enseignement du français langue étrangère seront recrutés et que les horaires des cours de français seront compatibles avec une vie professionnelle et familiale.
Enfin, il faudrait être assuré que le parcours proposé - ou plutôt imposé - sera adapté au niveau scolaire de l'étranger et que le diplôme initial de langue française, le DILF, ne sera pas d'un niveau inaccessible pour les laveurs de carreaux, qui figurent sur la liste des compétences et talents dont la France aura besoin.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. On leur en veut aux laveurs de carreaux !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Si, en tant que Français, nous devions à notre arrivée en Chine justifier d'une bonne connaissance du mandarin et du confucianisme, si afin de pouvoir aller en Arabie Saoudite, nous devions préparer sérieusement une solide interrogation sur la théologie musulmane version wahhabite et maîtriser correctement l'arabe littéraire, l'Assemblée des Français à l'étranger recevrait, à juste titre, des récriminations à n'en plus finir.
Ce contrat d'intégration me paraît donc être une contradiction dans les termes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous avez décidé d'intituler votre texte « projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration ».
L'objectif d'intégration me tient à coeur, tout comme à l'ensemble de mes collègues socialistes. Malheureusement, nous ne trouvons pas dans votre texte les éléments que son titre aurait pu laisser présager.
Les articles 4 et 5 de ce projet de loi sont censés être le coeur du dispositif d'intégration que vous proposez. J'ai le regret de vous dire que nous n'y trouvons pas notre compte.
Ces articles traitent, en effet, du contrat d'accueil et d'intégration, qui devra être signé par tout étranger admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaite s'y maintenir durablement, ainsi que, sur sa demande, par un étranger déjà présent en France. Nous ne sommes pas opposés au principe de la mise en place d'un service oeuvrant à l'intégration des primo-arrivants, bien au contraire.
Le problème, c'est que le contrat que vous proposez est manifestement déséquilibré.
Bien sûr, toute personne séjournant sur le territoire français a des devoirs, en premier lieu celui de respecter les lois de la République.
L'objectif d'une intégration plus poussée - je distingue bien intégration et assimilation - pour les personnes qui s'installent durablement dans notre pays est louable. C'est d'ailleurs avant tout le souhait des nouveaux arrivants, qui font en général tout leur possible pour s'adapter à la vie dans le pays qu'ils ont choisi de rejoindre.
Cependant, toute personne a aussi des droits. Faire peser la totalité de la responsabilité de l'intégration sur les étrangers n'est ni juste ni efficace.
Alors, monsieur le ministre, nous vous prenons au mot en matière d'intégration. Au début de l'année 2005, la loi de programmation pour la cohésion sociale a généralisé le contrat d'intégration et lui a donné un fondement législatif. Mais l'absence de moyens réels pour la formation a transformé ce dispositif en coquille vide. Si le dispositif que vous nous proposez aujourd'hui est aussi peu doté que le précédent, alors ces articles 4 et 5 n'auront été qu'affichage et incantation.
Pourtant il y a plus grave. Car ce que vous proposez, monsieur le ministre, est évidemment à double tranchant. Paradoxalement, votre contrat d'intégration risque d'accroître encore la précarité des étrangers, et donc de diminuer leurs chances d'insertion dans la société. Ce que vous présentez comme un outil d'intégration semble surtout être le moyen de mettre en place un tri sélectif. En effet, il ne s'agit pas ici d'instaurer un système permettant aux autorités et aux immigrés de travailler ensemble, fructueusement, pour une intégration réussie. Il s'agit, en fait, de mettre en place une nouvelle sélection.
Je crains que cette mesure ne serve qu'à effectuer un tri de plus - en s'appuyant sur des critères peu objectifs - entre les étrangers candidats à un titre de séjour sur notre sol, avec un large pouvoir d'appréciation laissé à l'administration. C'est bien le principe même de la carte de séjour « de plein droit » que vous remettez en cause, puisque les titres de plein droit deviennent, de fait, conditionnels avec ces articles 4 et 5.
Monsieur le ministre, ce n'est pas en précarisant la situation des étrangers régulièrement présents sur notre sol que vous allez favoriser l'intégration !
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste demande la suppression de cet article.
M. Charles Gautier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes irrités sur le fond par ce texte, qui nous fait beaucoup souffrir. Il nous fait également souffrir sur la forme. Mes réflexions porteront donc à la fois sur le fond et sur la forme.
Je le rappelle, il existe déjà un article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit un contrat d'accueil et d'intégration. Sa définition vaut ce qu'elle vaut... Toujours est-il que vous reprenez certaines phrases de ce dispositif, mais pas d'autres, puis vous en ajoutez, et vous insérez tout cela dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est une curieuse manière de faire la loi !
Tout à l'heure, la commission nous présentera un amendement visant à conserver dans le code de l'action sociale et des familles un tout petit article, dont la teneur a encore été réduite par rapport à l'Assemblée nationale, selon lequel les règles relatives au contrat d'accueil et d'intégration seront fixées à l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est également curieux de procéder à des renvois d'un code à l'autre. La généralisation de cette méthode pourrait faire quadrupler la taille de tous nos codes.
J'en viens au fond.
Selon l'article 4, lorsqu'un étranger arrive en France, « il conclut avec l'État un contrat d'accueil et d'intégration, traduit dans une langue qu'il comprend, par lequel il s'oblige à suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est établi, linguistique. La formation civique comporte une présentation des institutions françaises et des valeurs de la République... ». Qu'entend-on par « les valeurs de la République » ? Le texte nous donne un exemple : « notamment l'égalité entre les hommes et les femmes et la laïcité ».
Mme Catherine Procaccia et M. Jacques Valade. Et alors ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce « notamment » ne suffit pas à nous dire quelles sont les valeurs de la République. Quoi qu'il en soit, un décret en Conseil d'État sera chargé de les déterminer. On lui souhaite bien du plaisir !
Il existe en effet les valeurs universelles, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU. Il y a donc bien d'autres valeurs que celles que vous énumérez. Font-elles partie des « valeurs de la République » ? Nous aimerions avoir une réponse à cet égard.
L'article 4 poursuit : « Le cas échéant, l'étranger bénéficie d'un bilan de compétences professionnelles et d'une session d'information sur la vie en France ». Cette session ressemblera-t-elle au service militaire tel qu'il est réduit aujourd'hui, c'est-à-dire à une journée ou à un après-midi ? Est-ce suffisant pour être informé de la vie en France ? Nous aimerions également avoir une réponse.
Pour ce qui concerne la forme, l'article 4 dispose : « Lors du premier renouvellement de la carte de séjour, il peut être tenu compte du non-respect, manifesté par une volonté caractérisée, par l'étranger, des stipulations du contrat d'accueil et d'intégration. » Le texte vise-t-il toutes les stipulations ?
En outre, en écrivant « il peut être tenu compte », on voit que l'on a affaire à l'arbitraire le plus complet. À cet égard, je souligne que vous n'avez pas voulu dire « lors du premier renouvellement de la carte de séjour, il peut être tenu compte », mais plutôt qu'il peut être tenu compte du non-respect des stipulations du contrat pour ne pas renouveler la carte de séjour. Je me permets de vous signaler ce problème de forme, monsieur le ministre, mais n'en déduisez pas pour autant que nous adhérons à votre texte.
Je poursuis. Vous avez repris une disposition du code de l'action sociale et des familles qui est vraiment incompréhensible : « Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. Il détermine la durée du contrat d'accueil et d'intégration et ses conditions de renouvellement, les actions prévues par le contrat et les conditions de suivi et de validation de ces actions, - là, c'est déjà lourd ! - dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française [...] ». Cette disposition signifierait donc que la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française serait une action. Or ce n'est pas le cas ! Quant à « la remise à l'étranger d'un document permettant de s'assurer de l'assiduité de celui-ci aux formations qui lui sont dispensées », ce n'est pas une action non plus !
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il nous est impossible d'apporter notre soutien à cet article 4, tant sur le fond que sur la forme.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Je pensais intervenir sur l'amendement n° 150, mais la discussion s'amplifiant, je vais m'exprimer dès maintenant. Rassurez-vous, mes chers collègues, je serai bref, le laconisme étant l'une des meilleures formes de l'éloquence. (Sourires.)
On a vraiment l'impression que le contrat d'accueil et d'intégration, qui pourrait être une bonne idée, a un côté scrogneugneu. Il représente presque une menace, et il sera terrifiant de devoir s'y rendre. Si l'on nous invitait à passer ainsi le baccalauréat ou le certificat d'études, plus personne n'oserait s'y présenter.
Sans me rendre aussi loin que Mme Cerisier-ben Guiga, qui est allée chercher des exemples jusqu'en Chine ou en Arabie Saoudite, je citerai simplement le Sénégal, qui fut français à une autre époque. Si le pays de Senghor nous imposait une telle réciprocité, que n'entendrait-on pas et que deviendraient les intérêts de la France dans ce qui fut longtemps une terre française. Il faut donc raison garder.
Je me souviens d'un livre qui fut écrit par Bernard Stasi il y a quelque vingt-cinq ans, que l'on devrait se remémorer sur toutes les travées de cette assemblée, s'intitulant L'immigration, une chance de la France. Il faut donc inverser la présentation des choses.
Il en va de même pour les cérémonies d'accueil. Celles-ci ne doivent pas ressembler à une espèce de conseil de révision où l'étranger, admis enfin à acquérir la nationalité, serait prié de se présenter devant M. le sous-préfet ou devant M. le maire. Il devrait plutôt s'agir d'une réunion où les membres des associations, les amis, tous ceux qui ont travaillé avec lui sont heureux de fêter cette entrée dans la nation française.
Tous les articles du projet de loi, même lorsqu'ils peuvent sembler aller dans le bon sens, sont dévoyés par une sorte de comportement isolationniste. À cet égard, je pense au dessin du talentueux Plantu dans le journal Le Monde, qui, il y a quelques mois, représentait la France comme une île se barricadant et tournant le dos au reste du monde. Rompons avec ces pratiques déplorables ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je suis saisie de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 150 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 284 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 150.
M. Louis Mermaz. Madame la présidente, je ne vais pas répéter ce que je viens tout juste de dire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 284.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement ne surprendra personne. Il vise en effet à supprimer l'article 4, qui exige que tout étranger obtenant un premier titre de séjour stable signe un contrat d'accueil et d'intégration par lequel il s'engage à suivre une formation civique et, si nécessaire, citoyenne.
Tout d'abord, cet article est flou sur plusieurs aspects. Michel Dreyfus-Schmidt vient d'ailleurs de le souligner.
Ainsi, on ignore le contenu du contrat qui sera passé entre une personne étrangère arrivant sur notre territoire et l'État. On en connaît d'autant moins les conséquences que celles-ci sont assujetties à un décret d'application.
Ensuite, je suis surprise que nul n'ait fait valoir que ces mesures risquaient de tomber sous le coup de l'article 40 de la Constitution. En effet, si elles ne sont pas qu'habillage et poudre aux yeux, elles auront forcément un coût, par exemple en ce qui concerne la formation. Qui couvrira ces dépenses ? Voilà pourquoi j'évoque l'article 40.
Je le répète, j'aimerais donc savoir comment seront financées les mesures prévues à l'article 4 et quel sera le contenu du décret, qui, pour l'instant, reste flou.
Enfin, pour revenir à l'essentiel, je rappelle que les sanctions sont inappropriées : on ne peut assujettir l'obtention d'un titre de séjour à la réussite d'un concours ou d'un examen validant un apprentissage. Il n'y a pas de commune mesure entre l'une et l'autre, et j'oserais dire que l'enjeu n'est pas le même. Faisons en sorte que tout le monde puisse disposer d'une formation civique et linguistique qui le rende indépendant et libre. Mais n'y assujettissons pas l'obtention d'un titre de séjour !
La mise en place de ce contrat est donc tout à fait critiquable, car le droit de séjour y est subordonné. Ainsi, personne n'est dupe qu'une telle disposition n'est qu'une mesure de police supplémentaire.
Monsieur le ministre, nous regrettons que des valeurs aussi essentielles que l'intégration par la culture soient dévoyées à des fins aussi funestes que le contrôle des flux migratoires.
Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
L'étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, et qui souhaite s'y maintenir durablement, prépare son intégration républicaine dans la société française.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le droit positif fait référence à la condition d'« intégration républicaine dans la société française » pour la délivrance de la carte de résident.
Lors des débats relatifs à la loi du 26 novembre 2003, le texte initial proposait l'expression « intégration dans la société française ». Le Sénat avait tenu à modifier cette expression afin de faire référence à l'intégration républicaine dans la société française. De cette façon, la Haute Assemblée marquait son attachement à une conception républicaine de l'intégration reposant sur de grands principes universels.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui tend à revenir à la notion d'intégration de l'étranger dans la société française. Pourtant, l'article 5 du projet de loi, qui définit cette condition d'intégration dans la société française, dispose qu'elle est appréciée « en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans les conditions définies par décret en Conseil d'État ». Cette intégration ne serait donc appréciée qu'au regard des principes de la République française.
Il semble donc plus cohérent de maintenir l'expression en vigueur d'« intégration républicaine dans la société française ». Tel est l'objet de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 129, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Compléter la troisième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-9 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile par les mots :
reconnus par l'État
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je le reprends, madame la présidente !
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 129 rectifié, présenté par la commission.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'acquis linguistique étant un élément central du contrat d'intégration, il faut avoir la garantie que le titre ou le diplôme qui a permis de valider cet acquis ait des critères d'appréciation identiques à ceux qui sont fixés par l'État.
Le présent amendement tend donc à préciser que ce diplôme doit être reconnu par l'État.
Mme la présidente. L'amendement n° 130 rectifié, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
La quatrième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée :
L'étranger bénéficie d'une session d'information sur la vie en France et, le cas échéant, d'un bilan de compétences professionnelles.
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je le reprends également, madame la présidente !
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 130 rectifié bis, présenté par la commission.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire la session d'information sur la vie en France.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Lorsque l'étranger est âgé de seize à dix-huit ans, le contrat d'accueil et d'intégration doit être cosigné par son représentant légal régulièrement admis au séjour en France.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale pour permettre aux étrangers âgés de seize à dix-huit ans de signer le contrat d'accueil et d'intégration sachant que, dans ce cas, le contrat devra être contresigné par leur représentant légal.
Pour éviter tout risque de détournement, le présent amendement vise à ajouter que le représentant légal doit être en situation régulière sur le territoire national.
Mme la présidente. L'amendement n° 133 rectifié quater, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cointat, Duvernois et Ferrand, Mme Kammermann, MM. Guerry et Del Picchia et Mme Brisepierre, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger ayant effectué avec succès sa scolarité dans un établissement d'enseignement français à l'étranger pendant au moins trois ans est dispensé de la signature de ce contrat.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement vise à dispenser les étrangers ayant effectué leur scolarité dans un établissement d'enseignement français à l'étranger de l'obligation de souscrire un contrat d'accueil et d'intégration pour résider durablement en France. Notre pays dispose en effet d'un remarquable réseau de plus de 400 établissements scolaires répartis dans 125 pays, qui accueillent 240 000 élèves, dont 60 % à 70 % sont étrangers. Ces élèves non français fréquentant nos écoles et nos lycées sont très tôt et durablement en contact avec la réalité française, sa langue, sa culture et son histoire.
Si l'on considère tout particulièrement le réseau des 300 établissements qui dépendent de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, sur 160 000 élèves inscrits, 69 000 sont Français et les 91 000 autres sont étrangers, soit du pays d'accueil, soit des étrangers tiers.
S'agissant précisément de tels élèves, il est évident que l'intégration a été accomplie durant leur scolarité. Pour cette raison, ils ne peuvent être assimilés à des primo-arrivants classiques.
Inscrire ces élèves dans certains de nos établissements dont les coûts de scolarité sont élevés constitue un choix délibéré des parents. Ce choix n'est pas neutre. D'abord, il représente un effort financier important. Surtout, il consacre un choix d'éducation parmi beaucoup d'autres.
Cette volonté d'éducation dans le système français est une garantie a priori qui doit être prise en compte.
Nous avons estimé que la durée de la scolarité dans l'enseignement français exigée devait être au moins de trois années. Cette durée, qui est notamment requise pour que les expatriés ayant perdu leur nationalité française par désuétude puissent l'acquérir de nouveau, conformément à l'article 21-14 du code civil, est considérée comme une preuve de maintien des liens avec la France.
Bien entendu, les étrangers visés par l'amendement auront toujours la possibilité de souscrire un contrat d'accueil et d'intégration s'ils le souhaitent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger qui n'a pas conclu un contrat d'accueil et d'intégration lorsqu'il a été admis pour la première fois au séjour en France peut demander à signer un tel contrat.
L'amendement n° 9, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 117-1 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
de l'étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces deux amendements et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 150 et 284, ainsi que sur l'amendement n° 133 rectifié quater.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit de deux amendements rédactionnels.
L'amendement n° 8 tend à déplacer la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 4 du présent projet de loi pour l'insérer après le troisième alinéa. Une telle insertion paraît plus appropriée.
Quant à l'amendement n° 9, il vise à supprimer une mention inutile.
Les amendements identiques nos 150 et 284 ont pour objet la suppression pure et simple de l'article 4 du présent projet de loi. Or cet article tend à établir le contrat d'accueil et intégration, dispositif auquel la commission est favorable. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
J'en viens à l'amendement n° 133 rectifié quater. La commission avait accepté cet amendement sous réserve de quelques rectifications que je ne retrouve pas dans la rédaction qui nous est présentée.
D'abord, nous demandions la suppression des mots « avec succès ». (Mme Joëlle Garriaud-Maylam est dubitative.) Ensuite, nous souhaitions qu'il soit indiqué que les établissements concernés devaient être des « établissements secondaires ». Enfin, nous voulions un délai minimal de trois ans.
Or les deux premières conditions ne sont pas réunies dans la rédaction de l'amendement qui nous est présenté.
Mme la présidente. Madame Joëlle Garriaud-Maylam, souhaitez-vous rectifier votre amendement ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bien évidemment, j'accepte de modifier mon amendement dans le sens souhaité par la commission.
Toutefois, je dois dire que je n'ai jamais reçu de telles demandes de rectification de la part de la commission. En réalité, la seule demande de modification que j'ai reçue était précisément d'introduire les termes : « avec succès ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je l'ai fait, mais j'apprends à présent que ce n'est pas ce qui était souhaité.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, car une clarification s'impose.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Pour la clarté des débats, je tiens à préciser que la commission avait demandé la suppression des termes « avec succès ».
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Mais ils n'y figuraient pas au début !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Si ! Ils y figuraient ! Je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des lois et des collègues qui siégeaient en commission ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam s'exclame.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ma chère collègue, vous avez déjà tellement rectifié votre amendement que vous pouvez bien le rectifier une fois de plus !
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Tout d'abord, je ne l'ai pas rectifié si souvent que cela, mon cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Les rectifications que j'y ai apportées sont simplement liées à l'ajout de signataires.
Je n'ai pas voulu exercer de pression sur mes collègues sénateurs représentant les Français de l'étranger. En effet, attendre que ces derniers m'aient donné leur accord pour intégrer leur nom parmi la liste des signataires relevait, me semble-t-il, de la courtoisie la plus élémentaire.
Ensuite, hier soir, on m'a demandé d'introduire les termes « avec succès ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qui vous a demandé cela ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ces termes ne figuraient dans la rédaction initiale de cet amendement. C'est donc pour faire plaisir à la commission que j'ai accepté de les intégrer.
À présent, si cette dernière estime que cela n'est pas nécessaire, j'en suis tout à fait ravie.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. À mon sens, tout cela n'est pas d'une extrême gravité.
Je ne crois pas que la commission soit à l'origine de la demande évoquée par Mme Garriaud-Maylam.
Pour autant, soyons clairs. Si les rectifications que nous avons demandées étaient acceptées, la rédaction de cet amendement serait la suivante : « L'étranger ayant effectué sa scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français à l'étranger pendant au moins trois ans est dispensé de la signature de ce contrat. »
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Tout à fait !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Si nous sommes tous d'accord, c'est parfait.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 133 rectifié quinquies, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cointat, Duvernois et Ferrand, Mme Kammermann, MM. Guerry et Del Picchia, Mme Brisepierre, ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger ayant effectué sa scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français à l'étranger pendant au moins trois ans est dispensé de la signature de ce contrat.
M. Bernard Frimat. Cela revient exactement à la rédaction de l'amendement n° 133 rectifié ter !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements en discussion ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame la présidente, je donnerai l'avis du Gouvernement sur ces amendements et je rappellerai la philosophie du Gouvernement sur l'article 4, qui est central dans ce projet de loi.
S'agissant de l'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. le rapporteur, nous sommes d'accord pour préciser que c'est bien de l'« intégration républicaine » dont il s'agit. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
L'objet de l'amendement n° 129 rectifié est de préciser que le diplôme de français institué par l'article 4 sera bien reconnu par l'État. Ce sera bien le cas. Il s'agira du diplôme d'initiation à la langue française, le DILF. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n° 130 rectifié bis vise à préciser que la session d'information sur la vie en France sera obligatoirement proposée aux étrangers. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Aux termes de l'amendement n° 7, lorsque l'étranger est âgé de seize à dix-huit ans, le représentant légal chargé de signer en son nom le contrat d'accueil et d'intégration doit être en situation régulière. Vous avez raison, monsieur le rapporteur. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Je remercie Mme Garriaud-Maylam d'avoir déposé l'amendement n° 133 rectifié quinquies, qui est très important. En effet, les jeunes étrangers qui ont effectué leur scolarité dans un lycée français à l'étranger ont prouvé leur effort d'intégration. Ils peuvent donc être dispensés de la signature du contrat d'accueil et d'intégration. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Par ailleurs, nous sommes bien évidemment favorables aux amendements rédactionnels nos 8 et 9, présentés par M. le rapporteur.
Les amendements identiques nos 150 et 284, qui ont été déposés respectivement par le groupe socialiste et par le groupe CRC, sont des amendements de suppression.
Bien, évidemment, comme vous le comprendrez, le Gouvernement est totalement opposé à ces deux amendements.
En l'occurrence, nous sommes au coeur de ce projet de loi. Nous voyons bien à quel point vous êtes opposés au parcours d'intégration que nous proposons aux étrangers ayant décidé de venir s'installer en France.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Oh oui !
M. Robert Bret. Vous avez tout compris !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cela constitue une excellente occasion pour souligner l'opposition majeure entre votre philosophie et celle du Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ça, c'est sûr !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Cerisier-ben Guiga, vous nous avez reproché de présenter la nécessité d'intégration comme une obligation. Je dis bien : « comme une obligation ».
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'intégration est non pas une obligation, mais un besoin !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Selon vous, l'obligation pour les étrangers qui s'installent en France de suivre un parcours d'intégration est anormale.
De tels propos me semblent totalement contraires à l'idée que nous pouvons nous faire de la République, à plus forte raison lorsque l'on est un serviteur de celle-ci et que l'on porte des mandats en son nom !
Selon vous, madame la sénatrice, suivre un parcours d'intégration lorsque l'on est étranger et que l'on décide de s'installer en France devrait être facultatif.
Vous le comprendrez, je ne peux pas accepter une telle vision des choses.
Madame Boumediene-Thiery, vous qualifiez le contrat d'accueil et d'intégration de contrat « d'exil et d'exclusion ». (M. Christian Cambon ricane.) Il faut que les mots gardent leur sens !
Nous sommes fiers de présenter pour la première fois dans l'histoire de la République un projet de loi qui lie immigration et intégration. Nous sommes fiers d'avoir créé, après l'élection présidentielle de 2002, le contrat d'accueil et d'intégration, que M. Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, décide désormais d'inscrire dans la loi. Oui, ce dispositif, qui était jusqu'à présent facultatif, constituera désormais une obligation !
Vous ne cessez de nous réclamer des moyens supplémentaires pour l'intégration. Mais nous sommes les premiers à avoir créé un outil concret en ce sens !
Cette fois-ci, nous vous proposons de généraliser le contrat d'accueil et d'intégration. Comment pouvez-vous de bonne foi le refuser ? Peut-être n'êtes-vous précisément pas de bonne foi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Ce n'est pas très gentil, ça !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous proposons également d'enrichir le contenu du contrat en renforçant la formation linguistique et en permettant à l'étranger de bénéficier d'un bilan de compétences professionnelles pour mieux s'insérer ensuite par le travail dans la société française.
Madame Boumediene-Thiery, ne cédez pas à la tentation de la caricature. Les mots « exil » et « exclusion » sont trop forts pour que vous puissiez en abuser.
Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, vous faites mine, avec talent, de vous interroger sur les valeurs de la République. Ne vous faites pas moins savant, moins expérimenté et moins lucide que vous ne l'êtes !
L'égalité entre les hommes et les femmes, l'égalité devant la loi, en particulier - je le répète - entre les hommes et les femmes, la laïcité, mais également le respect des libertés individuelles, notamment des libertés de conscience et de culte, la volonté de promouvoir l'éducation de tous, en particulier l'attachement au principe de la scolarité obligatoire et gratuite, la solidarité, notamment dans l'accès aux soins et aux prestations de sécurité sociale, la volonté de tout faire pour faciliter l'accès de chacun à l'emploi, donc à la dignité, voilà quelques-unes des grandes valeurs de la République qui nous rassemblent ! Du moins devraient-elles tous nous rassembler, monsieur Dreyfus-Schmidt !
Il est souhaitable que des hommes et des femmes ayant quitté leur pays d'origine et issus de civilisations parfois très différentes soient initiés aux valeurs de la République, valeurs forgées depuis plus de deux siècles et consacrées par le préambule de la Constitution !
Vous nous avez interrogés sur les moyens. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres. En 2004, 38 millions d'euros ont été consacrés au contrat d'accueil et d'intégration ! Ce chiffre s'élève à 49 millions d'euros en 2005 et à 50 millions d'euros dans la loi de finances pour 2006 !
Dans ces conditions, ne nous accusez pas de nous contenter de belles phrases et de bons mots ! Nous avons décidé d'inscrire les moyens nécessaires pour favoriser ce parcours.
Le Gouvernement propose à ceux qui choisissent de venir vivre, s'installer et s'épanouir avec leur famille sur le territoire de la République des moyens pour apprendre la langue française, pour connaître les valeurs de la République et pour acquérir un certain nombre de notions quant aux règles qui en régissent le fonctionnement.
Cela implique des contreparties, notamment la nécessité pour ceux qui s'installent en France d'accepter les règles et les valeurs de la République. C'est la moindre des choses !
Si des personnes ont signé le contrat d'accueil et d'intégration, il est normal de vérifier au bout d'un an si, après avoir adopté un tel engagement, elles ont au moins commencé à se conformer aux règles définies par ce contrat.
Nous leur demandons juste cinq ans ! Cinq ans afin de pouvoir obtenir un titre de séjour de dix ans ! Cinq ans pour démontrer que l'on a vraiment eu la volonté, en venant dans notre pays, de se conformer aux règles régissant les valeurs de notre République ! C'est un minimum !
La France n'est pas une terre en jachère, voyez-vous ! Il y a des règles ! Il y a des devoirs ! S'il y a des droits, il y a également des devoirs !
Parmi ces règles, je pense notamment à l'égalité entre les hommes et les femmes ! Qu'une femme venue en France ait le visage découvert sur les photos d'identité est tout de même la moindre des choses. C'est la moindre des valeurs à respecter. (Mme Alima Boumediene-Thiery s'exclame.)
M. Gérard César. Eh oui !
M. Bernard Frimat. Dites-le à Mme Chirac !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il est également normal qu'un mari soit obligé de laisser sa femme bénéficier de soins de la part un médecin, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme !
Cela fait partie des règles de la République ! Ces règles doivent faire en sorte que les hommes et les femmes soient sur un pied d'égalité sur le sol de la République ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Bernard Frimat. Ne caricaturez pas nos positions !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Voilà pourquoi nous sommes attachés à cet article 4 ! Voilà pourquoi tout nous sépare sur ce sujet ! Voilà pourquoi nous avons des valeurs que nous défendons dans cet article 4 !
M. Bernard Frimat. Répondez sur le fond !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et voilà pourquoi je regrette en tout cas que vous considériez qu'il s'agisse d'une obligation ! Vous devriez au contraire soutenir la possibilité offerte à ceux qui choisissent de s'installer en France de suivre ce contrat d'accueil et d'intégration ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Bernard Frimat. Caricature !
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 150 et 284.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas contre le principe d'un contrat d'accueil et d'intégration.
Nous ne sommes pas moins que vous attachés aux règles et aux valeurs de notre République.
M. Christian Cambon. On se le demande !
Mme Bariza Khiari. Vous faites plus que caricaturer nos positions ! Une valeur est particulièrement chère à mon coeur, la laïcité, parce qu'elle est émancipatrice, notamment pour les femmes.
Toutefois, monsieur le ministre, nous ne pouvons pas souscrire à l'article que vous nous proposez, pour toutes les raisons qui ont été longuement évoquées par le groupe socialiste : critères peu objectifs, nouvelles sélections, etc.
Ce contrat nous semble léonin. Il se caractérise par l'imposition de clauses qui ne peuvent pas être refusées et qui sont déséquilibrées.
Monsieur le ministre, la République signifie beaucoup pour nous. Elle signifie aussi le respect de l'équilibre des contrats.
M. Bernard Frimat. Voilà ! De la modération...
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je regrette, monsieur le ministre, que mon propos ait été caricaturé à ce point et qu'il n'ait été ni compris ni entendu. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit, parce que cela ne servirait à rien.
Nous sommes peu nombreux dans cet hémicycle - quelques-uns seulement - à avoir vécu l'intégration de l'intérieur. Il se trouve que c'est mon cas et que ça l'est encore. Je vois en effet quotidiennement, dans le cadre de l'exercice de mon mandat, ce qui se passe pour les Français qui vivent à l'étranger. Croyez-moi, en la matière, imposer une obligation est totalement contre-productif. On obtient un résultat inverse à celui qui est escompté.
Le migrant ressent un besoin d'intégration. L'absence d'intégration est une souffrance. Même si le migrant décide de vivre enfermé dans ses traditions, il n'est pas bien. C'est encore pire pour les femmes n'exerçant pas d'activité professionnelle, qui sont enfermées dans leurs traditions contre leur volonté.
Imposer une obligation, c'est échouer, au détriment du migrant. S'il faut faire tout ce qui est possible pour aider les migrants dans leurs efforts d'intégration, il ne faut pas, en revanche, introduire de contrainte là où elle est contre-productive.
M. Christian Cambon. Toujours le laxisme !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 150 et 284.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 6 rectifié.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'intégration républicaine, cela me paraît tout de même curieux !
Je suis républicain (Ah ! sur les travées de l'UMP), je tiens à le dire ! Mais la République, telle que nous la connaissons depuis 1958, me pose des problèmes. J'avoue même que j'envie assez les monarchies constitutionnelles.
M. Louis Mermaz. Ah !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est intéressant !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En tout état de cause, les valeurs républicaines autorisent certains à être royalistes s'ils le souhaitent. L'intégration républicaine permet-elle d'être royaliste ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà la question que je pose ! Il me semble que non et c'est pourquoi je trouve malheureuse l'initiative de M. le rapporteur de proposer d'ajouter l'adjectif « républicaine » après le mot « intégration ».
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 133 rectifié quinquies.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je répéterai à l'intention de Mme Joëlle Garriaud-Maylam - je m'en excuse auprès de mes autres collègues - ce que, en son absence et en l'absence de nos collègues représentant les Français établis hors de France de la majorité sénatoriale, j'ai dit hier soir.
En rectifiant ses amendements, Mme Garriaud-Maylam nous donne beaucoup de travail, car il nous faut ensuite les intégrer dans nos piles d'amendements. Quand elle les maintient encore, ça va ! Mais quand elle les retire, comme elle l'a fait hier, c'est vraiment nous donner du travail pour rien ! (Mme Joëlle Garriaud-Maylam s'exclame.)
Je prie donc nos collègues représentants les Français établis hors de France et faisant partie de la majorité sénatoriale de bien vouloir s'organiser de façon à ne présenter qu'un seul amendement et non trois ! Cela nous fera plaisir. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. On fait comme on veut ! Vraiment !
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur Dreyfus-Schmidt, j'étais présente hier soir lorsque vous avez fait cette remarque, qui n'est pas du niveau que j'attends de cette assemblée. Je n'ai donc pas jugé utile d'y répondre !
Mais puisque vous réitérez vos propos, puisque vous me dites que je vous fais perdre du temps, permettez-moi de vous répondre que c'est vous qui nous en faites perdre en vous répétant.
S'il y a effectivement eu plusieurs versions de l'amendement n° 133, c'est - je l'ai dit tout à l'heure - parce que j'attendais que mes collègues représentant les Français établis hors de France le signent. Peut-être ai-je eu tort,...
M. Jean-Patrick Courtois. Mais pas du tout ! C'est normal !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. ... peut-être aurais-je dû poser un ultimatum,...
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Mais non !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. ...mais j'ai estimé qu'il était tout à fait normal de laisser à mes collègues le temps de réfléchir et de se décider en toute connaissance de cause.
M. Christian Cambon. Voilà !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je n'ai fait que suivre une disposition prévue par le règlement de cette assemblée. J'espère maintenant que l'incident est clos. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement est bien sympathique. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est déjà pas mal !
M. Gérard César. Elle va le voter !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il vise à montrer que la France a des écoles à l'étranger et que celles-ci forment des gens remarquables, ce qui est vrai. Mais le contrat d'accueil et d'intégration n'a pas du tout été conçu, me semble-t-il, pour ce type de personnes, dont le niveau socio-culturel et scolaire est très élevé. À supposer qu'on leur demande de signer ce contrat, cela serait pour eux une pure formalité, c'est évident.
Le contrat d'accueil et d'intégration est destiné à des personnes n'ayant pas bénéficié, comme les élèves des écoles françaises à l'étranger, d'une solide formation scolaire, bilingue ou trilingue. Il a été conçu par le Gouvernement pour des gens issus de milieux sociaux qui n'ont rien à voir avec ceux des élèves étrangers scolarisés dans notre réseau d'écoles. Je rappelle, pour mémoire, que les parents des élèves des classes de maternelle du lycée français de New York, où l'enseignement est bilingue, paient un droit de scolarité de 15 000 euros par an ! Je pense qu'un enfant ayant effectué sa scolarité au lycée français de New York n'aura pas tellement besoin du contrat d'accueil et d'intégration à son arrivée en France.
Il s'agit donc d'un amendement d'affichage,...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ...mais, dans la mesure où il peut permettre de valoriser l'enseignement français à l'étranger, je propose à mon groupe de le voter. (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Je me réjouis d'apprendre que le groupe socialiste va voter cet amendement, ce qui est d'ailleurs tout à fait logique, car c'est dans l'intérêt général.
Je dirai toutefois à ma collègue et amie Monique Cerisier-ben Guiga qu'il ne faut pas faire preuve d'une telle condescendance à l'égard des Français établis hors de France. Ses propos sont totalement intolérables ! Des citoyens français, mais aussi des étrangers, fréquentent nos lycées. Nous devons les respecter tous, quel que soit leur niveau social, et leur donner les moyens, puisqu'ils ont choisi la France à l'étranger, de venir en France sans autre forme de procès.
Tel est le but de cet amendement, dans lequel nous pouvons tous nous retrouver. De grâce, cessons de faire preuve de misérabilisme à l'égard des Français établis hors de France. Ils méritent beaucoup mieux. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je demande la parole, madame la présidente.
Mme la présidente. Je ne peux vous la donner, monsieur Dreyfus-Schmidt, car vous avez déjà expliqué votre vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quelles sont leurs valeurs républicaines ? On n'en sait rien du tout ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 133 rectifié quinquies.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
Mme la présidente. L'amendement n° 108 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Payet, G. Gautier et Morin-Desailly, MM. Détraigne, Zocchetto, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le i) de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...) Les moyens mis en oeuvre pour permettre aux étrangers de respecter les obligations qui résultent de la signature du contrat d'accueil et d'intégration. »
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Le groupe UC-UDF est favorable au contrat d'accueil et d'intégration. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, quels moyens seront mis en oeuvre pour permettre la formation des migrants qui devront signer ce contrat. Nous aimerions toutefois avoir des explications plus claires sur ces moyens et savoir à qui ils iront.
On se rend compte qu'imposer cette obligation aux immigrés, c'est aussi rendre service à nombre d'entre eux - je pense particulièrement aux femmes qui ne parlent pas du tout le français. Nous allons en effet les obliger à sortir de leur foyer, leur permettre de connaître leurs droits et d'accéder à la langue française. Nous allons ainsi peut-être leur permettre d'avoir un travail et une certaine autonomie. Il me semble donc très important que cette formation ait lieu dans leur quartier, en particulier grâce à l'aide des associations que nous connaissons bien.
Toutes ces formations et prestations seront bien entendu dispensées gratuitement - cela me paraît tout à fait normal - mais par qui ? Des bénévoles ? Il y en a beaucoup, mais ils ne suffiront pas.
J'aimerais donc savoir avec précision quels moyens seront mis en oeuvre pour que toutes ces actions puissent être menées avec efficacité.
Pour toutes ces raisons, et afin de pouvoir disposer d'un bilan régulier et utile, il vous est proposé que le rapport sur la politique d'immigration établi chaque année par le Gouvernement fasse état des moyens mis en oeuvre pour permettre aux étrangers de remplir dans les meilleures conditions les obligations du contrat d'accueil et d'intégration.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le rapport annuel au Parlement sur les orientations de la politique d'immigration doit indiquer les moyens mis en oeuvre pour permettre aux étrangers de respecter leurs obligations résultant du contrat d'accueil et d'intégration.
Il nous semble, très sincèrement, que cette disposition est redondante avec le paragraphe i) de l'article L. 111-10 du CESEDA, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit déjà que le rapport au Parlement indique et commente « Les actions entreprises au niveau national en vue de lutter contre les discriminations et de favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière. »
En outre, une partie du dernier rapport au Parlement est déjà consacrée au contrat d'accueil et d'intégration.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission souhaite le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Madame Dini, le contrat d'accueil et d'intégration étant un maillon essentiel de la politique d'intégration du Gouvernement, il importe que sa mise en place soit efficace.
Néanmoins, l'article L. 111-10 du CESEDA prévoit déjà que le rapport au Parlement indique les actions entreprises au niveau national en vue de favoriser l'intégration des étrangers en situation régulière.
Par ailleurs, ce même article dispose que l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, opérateur public en charge du contrat d'accueil et d'intégration, est également tenue de joindre ses observations au rapport.
Vos préoccupations, que je comprends, sont donc d'ores et déjà prises en compte. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Madame Dini, l'amendement n° 108 rectifié est-il maintenu ?
Mme Muguette Dini. Je ne suis pas tout à fait certaine que « actions » égalent « moyens ». J'accepte néanmoins de retirer cet amendement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le reprends !
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par M. Dreyfus-Schmidt.
Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nos collègues de l'Union centriste sont bien mal récompensés par le Gouvernement du soutien qu'ils apportent à ce projet de loi détestable. Qui plus est, ils acceptent même de prendre des vessies pour des lanternes !
En effet, il est tout à fait évident que « les actions entreprises au niveau national » et « les moyens mis en oeuvre pour permettre aux étrangers de respecter les obligations qui résultent de la signature du contrat d'accueil et d'intégration » sont deux choses totalement différentes. Et, en disant que vous avez un petit doute, vous êtes vraiment, ma chère collègue, trop aimable avec le Gouvernement.
Le Gouvernement aurait pu vous répondre que, dans le décret qu'il entend prendre - en dépit de l'opinion unanime du Sénat - et qui est prévu par l'article L. 111-11 du CESEDA ayant pour objet la création du Conseil national de l'immigration et de l'intégration, il ferait figurer ce que vous proposez. Vous l'auriez compris. Je m'étonne donc que vous vous contentiez de la réponse qu'il vous a faite. Mais je ne serai pas plus royaliste que le roi - si vous me permettez cette expression peu républicaine (Sourires.) - et je retire donc cet amendement (Nouveaux sourires), que je n'ai repris qu'à dessein de donner les explications qui me paraissaient s'imposer.
M. Dominique Mortemousque. Quel cinéma !
M. Charles Gautier. Non, quelle classe !
Mme la présidente. L'amendement n° 108 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 507 rectifié quater, présenté par MM. Portelli, Pelletier, Béteille et Haenel, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont insérés trois articles L. 311-10, L. 311-11 et L. 311-12 ainsi rédigés :
« Art. L. 311-10. - Une autorisation provisoire de séjour est délivrée à l'étranger qui souhaite effectuer une mission de volontariat en France auprès d'une fondation ou d'une association reconnue d'utilité publique ou d'une association adhérente à une fédération elle-même reconnue d'utilité publique, à la condition que la mission revête un caractère social ou humanitaire, que le contrat de volontariat ait été conclu préalablement à l'entrée en France, que l'association ou la fondation ait attesté de la prise en charge du demandeur, que celui-ci soit en possession d'un visa de long séjour et qu'il ait pris par écrit l'engagement de quitter le territoire à l'issue de sa mission.
« L'association ou la fondation mentionnées au premier alinéa font l'objet d'un agrément préalable par l'autorité administrative, dans des conditions définies par décret.
« Art. L. 311-11. - Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de six mois non renouvelable est délivrée à l'étranger qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite, dans la perspective de son retour dans son pays d'origine, compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et le cas échéant à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret. À l'issue de cette période de six mois, l'intéressé pourvu d'un emploi ou titulaire d'une promesse d'embauche, satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de l'activité professionnelle correspondant à l'emploi considéré au titre des dispositions du 1° de l'article L. 313?10, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341-2 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application des dispositions du présent article.
« Art. L. 311-12. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée à l'un des parents étranger de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, sous réserve qu'il justifie résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée.
« L'autorisation provisoire de séjour mentionnée à l'alinéa précédent, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313?11. Elle est renouvelable et n'autorise pas son titulaire à travailler. »
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. M. Portelli, qui est le premier signataire de cet amendement et souhaitait le présenter, est malheureusement retenu entre sa province et Paris par un problème de RER.
Cet amendement a pour objet, dans un souci de lisibilité, de rassembler au sein d'une même section du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les cas de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour prévus par le projet de loi : volontariat associatif, étudiants étrangers diplômés.
Il a pour objet, en outre, de créer un article L. 311-12 définissant une autorisation provisoire de séjour pour les parents d'étrangers gravement malades.
Cet amendement vise à donner un fondement législatif à une pratique issue de circulaires du ministère de l'intérieur qui consiste à admettre au séjour, à titre humanitaire, l'un des parents d'un mineur étranger malade à l'égard duquel le médecin inspecteur de santé publique estime que l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et dont il ne peut effectivement bénéficier dans le pays dont il est originaire.
Il s'agit de ne plus placer les pères et les mères étrangers d'enfant malade dans une situation de vide juridique au regard du droit au séjour en France et de leur permettre de solliciter une autorisation provisoire de séjour, valable six mois et n'autorisant pas à travailler, afin de demeurer légalement sur le territoire français auprès de leur enfant, pour lui apporter l'assistance affective et matérielle indispensable à sa guérison.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 517, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 507 rectifié quater pour l'article L. 311-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
et qu'il ait pris par écrit l'engagement de quitter le territoire à l'issue de sa mission
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. L'amendement qui vient d'être présenté par M. Pelletier a pour conséquence secondaire d'anticiper sur un certain nombre de points qui n'auraient dû être discutés qu'à l'article 6 bis, d'où le dépôt de ce sous-amendement.
Les sénateurs du groupe socialiste n'avaient aucune objection à formuler sur la première partie de cet amendement s'agissant des dispositions relatives aux volontaires : il semble effectivement normal qu'une personne qui intervient dans le cadre du volontariat soit bien traitée.
En revanche, il nous apparaît comme assez vexatoire d'exiger d'une personne qui vient travailler dans une fondation, dans le cadre du volontariat, et dont la mission revêt une dimension humanitaire, sociale - en plus d'être en possession d'un visa de long séjour, ce qui est déjà une condition très sévère - qu'elle prenne l'engagement écrit de quitter le territoire à l'issue de sa mission.
Elle doit donc s'engager à ne pas rester chez nous après avoir accompli sa mission de volontariat - que l'on juge au demeurant tout à fait estimable -, mais comme on pense qu'elle pourrait éventuellement être un fraudeur, elle doit quand même signer un papier.
Outre l'aspect tout à fait vexatoire d'une telle disposition, on peut se demander, si la personne en question est véritablement un fraudeur, en quoi la signature d'un engagement peut garantir que celui-ci sera respecté.
C'est donc sur ce petit passage vexatoire que porte la proposition que nous aurions dû présenter à l'article 6 bis et que nous avons transformée en un sous-amendement à l'amendement n° 507 rectifié quater, dont, pour autant, je ne pense pas que le contenu soit dénaturé. Peut-être peut-on, à l'égard des volontaires, être un peu moins suspicieux et échapper à cette obsession de fraude qui transparaît à chaque paragraphe du texte.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 514, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Payet, Morin-Desailly et G. Gautier, MM. Détraigne, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans les première et dernière phrases du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 507 rectifié quater pour l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
six mois
par les mots
douze mois
Le sous-amendement n° 515, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Payet, Morin-Desailly et G. Gautier, MM. Merceron et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 507 rectifié quater pour l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
à un diplôme au moins équivalent au master
par les mots :
à un diplôme d'étude supérieure
Le sous-amendement n° 516, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Payet, Morin-Desailly et G. Gautier, MM. Détraigne, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 507 rectifié quater pour l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
au master
par les mots :
à la licence
La parole est à Mme Muguette Dini, pour présenter ces trois sous-amendements.
Mme Muguette Dini. Dans son amendement n° 507 rectifié quater, notre collègue Hugues Portelli, dans un souci de lisibilité, a souhaité réunir au sein d'une même section du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les dispositions relatives aux cas de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour prévus par le projet de loi, c'est-à-dire pour les volontariats associatifs et pour les étudiants étrangers diplômés.
Cet amendement crée en outre une autorisation provisoire de séjour pour les parents d'étrangers mineurs gravement malades. Nous nous réjouissons en particulier de cette dernière disposition.
Toutefois, je souhaite vous présenter trois sous-amendements qui reprennent plusieurs propositions concernant l'autorisation provisoire de séjour des étudiants étrangers souhaitant compléter leur formation par une expérience professionnelle.
Cette disposition nous semble en effet être une bonne idée, sachant que, français comme étrangers, les étudiants ont besoin de ces expériences sitôt sortis du cycle universitaire.
Cependant, et c'est l'objet de notre sous-amendement n° 514, la durée de l'autorisation provisoire de séjour nous paraît beaucoup trop limitée.
En effet, nous avons pu voir, à l'occasion de l'examen par notre assemblée de différents textes, notamment lors de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, que les personnes d'origine étrangère étaient largement défavorisées dans leur recherche d'emploi et ce bien que leur niveau d'étude soit élevé.
Ainsi, l'Observatoire des discriminations a constaté, à l'occasion d'une étude de 2004, qu'à partir de curriculum vitae quasi identiques envoyés en réponse à 258 offres de postes de commerciaux de niveau bac + 2, par rapport à un homme français « de souche » de vingt-huit ans, un homme d'origine marocaine a cinq fois moins de chances d'être retenu pour un entretien d'embauche.
Par ailleurs, une étude de 2005 avait montré qu'une femme maghrébine résidant à Trappes recevait, malgré un meilleur curriculum vitae, trois fois moins de propositions d'entretien, alors qu'elle aurait dû, en toute logique, en recevoir davantage que le candidat de référence.
C'est pourquoi ce sous-amendement prévoit de faire passer à un an la durée de l'autorisation provisoire de séjour délivrée à l'étudiant étranger qui souhaite compléter par une expérience professionnelle sa formation suivie en France afin d'anticiper sur ses difficultés très probables de trouver un emploi.
Toujours dans l'objectif d'améliorer l'efficacité du dispositif sur l'autorisation provisoire de séjour des étudiants étrangers souhaitant compléter leur formation par une expérience professionnelle, les deux sous-amendements nos 515 et 516 prévoient d'en élargir le champ d'application.
Il est en effet étrange de ne réserver qu'à une classe particulière, à savoir les élites, la possibilité de compléter sa formation. Je ne comprends pas les raisons qui justifient que tel étudiant de niveau bac + 5 ait plus droit à recevoir une formation professionnelle qu'un étudiant ayant obtenu un diplôme de niveau bac + 2, par exemple un BTS. Les deux catégories d'étudiants méritent cette chance de compléter leur formation.
J'ai d'ailleurs la faiblesse de penser que, derrière cette limitation aux élèves les plus doués, se cache en réalité le souhait de créer un cadre particulier pour garder ces personnes, privant ainsi leur pays d'origine de leurs sujets les plus brillants. Il me semble, une fois de plus, que cette mesure ne favorise pas le codéveloppement.
L'élargissement de cette disposition à d'autres étudiants est donc l'objet de ces deux sous-amendements. Certes, le sous-amendement n° 515, qui prévoit de l'élargir à tous les niveaux d'étude supérieure est peut-être excessif. C'est pourquoi nous vous proposons un sous-amendement de repli prévoyant d'abaisser ce seuil au niveau de la licence.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 523, présenté par M. Frimat, Mme Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mme Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du Groupe Socialiste apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 507 rectifié quater pour l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer (deux fois) les mots :
autorisation provisoire de séjour
par les mots :
carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. L'amendement n° 507 rectifié quater rassemble plusieurs dispositions de nature différente : l'un des articles traite du volontariat ; un autre concerne les étudiants qui, après leurs études, sont dans une insertion professionnelle, dont l'avenir dira si elle est momentanée ou définitive ; enfin, le dernier article évoque le problème des mineurs malades.
Sur ce dernier point, l'amendement présenté par notre collègue Jacques Pelletier vise, dans un souci d'humanité - ce qui ne nous surprend guère -, à combler un vide juridique. Comme il l'a lui-même souligné, il y a effectivement une situation de vide juridique et donc une incertitude.
Toutefois, mon cher collègue, sur ce dernier point, votre amendement m'a semblé poser problème, et c'est d'ailleurs ce qui a justifié le dépôt tardif, en séance, de ce sous-amendement. Peut-être mon interprétation est-elle erronée, mais, dans ce cas, je pense que le rapporteur et le ministre se feront un plaisir de me le signaler.
Lorsqu'un mineur étranger résidant en France est malade, qu'il ne peut pas être soigné dans son pays, et qu'il est reconnu - pour différentes raisons qu'il est inutile de détailler parce qu'elles ne peuvent pas nous séparer - que la présence de l'un de ses parents auprès de lui est indispensable pour l'accompagner sur le chemin difficile vers la guérison, une autorisation provisoire de séjour peut être délivrée pour ce parent.
Il est précisé que ce parent doit résider avec lui, ce qui nous semble logique, mais également qu'il doit justifier de « subvenir à son entretien et à son éducation ». Ne pensez-vous pas qu'implicitement, dans votre bonne intention - que je salue - se glisse un élément qui pose problème ? Votre humanité ne doit pas se limiter, monsieur Pelletier, aux gens qui ont les moyens d'accompagner le mineur étranger.
La maladie frappe indifféremment, quel que soit le niveau de revenus ; elle a même tendance à frapper plus durement quand la faiblesse des revenus ne permet pas d'accéder à la prévention.
Ne pensez-vous pas qu'un mineur étranger pauvre, parce que ses parents sont pauvres, a le droit de bénéficier du soutien affectif nécessaire à sa guérison ? Doit-il rester isolé ? Faut-il aggraver davantage la difficulté de sa vie pour la simple raison qu'il est pauvre ?
Permettez à ce parent de travailler, afin qu'il puisse subsister pendant la durée de la maladie de son enfant ! Et ne nous répondez pas, s'il vous plaît, que cette mesure va donner naissance à une « filière » et que nous allons voir des hordes de parents d'enfants malades entrer sur notre territoire.
Ne peut-on donner un petit signe, ajouter une lueur d'humanité dans ce texte qui en contient si peu, en prévoyant d'accorder une carte temporaire de séjour - si les termes que j'emploie sont impropres, je compte sur vous pour m'aider à les rectifier - ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle qui permettrait de régler ce problème plus humainement ?
Je ne sais pas si mon argumentation trouvera un écho favorable chez vous, mais elle aura au moins le mérite de nous permettre de mesurer « l'épaisseur » de la part d'humanité que vous souhaitez introduire dans cette loi. (Oh ! sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Lamentable !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 507 rectifié quater et sur les sous-amendements y afférent ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 507 rectifié quater vise à regrouper dans une même section du CESEDA l'ensemble des dispositions relatives aux autorisations provisoires de séjour. Cet amendement a d'ailleurs été rectifié afin de tenir compte des amendements nos 14 et 15 déposés par la commission à l'article 7 du projet de loi.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis favorable. J'ajoute que, compte tenu de cette rectification, la commission retirera ces amendements nos 14 et 15, car ils n'auront plus d'objet.
Le sous-amendement n° 517 tend à supprimer l'obligation, pour le bénéficiaire d'une autorisation provisoire de séjour à l'occasion d'une mission de volontariat, de signer un engagement de quitter le territoire à l'issue de cette période. La commission a émis un avis défavorable, considérant qu'un tel engagement ne revêtait pas un caractère scandaleux et qu'il s'inscrivait aussi dans la logique du projet de loi.
S'agissant du sous-amendement n° 523, monsieur M. Frimat, je ne suis pas choqué par son arrivée, en cours de séance : je m'adapte ! Je m'inquiète plutôt pour M. Dreyfus-Schmidt, qui va devoir classer à nouveau ses liasses. (Sourires.)
Ce sous-amendement a pour objet la délivrance d'une carte de séjour temporaire aux parents d'un étranger malade. Je rappelle que l'amendement n° 507 rectifié quater prévoit, dans ce cas, la simple délivrance d'une autorisation provisoire de séjour.
La commission, compte tenu des circonstances, n'a pas pu donner d'avis, car elle n'a pas été saisie de ce sous-amendement. À titre personnel, j'estime que la délivrance de cette carte de séjour temporaire s'apparenterait à une forme de régularisation et que le dispositif existant est suffisant.
J'en viens au sous-amendement n° 514. Le délai de six mois prévu à l'amendement n° 507 rectifié quater nous paraît suffisant pour permettre aux étudiants de trouver un emploi. En effet, ceux-ci se voient proposer un emploi au cours de leurs études, souvent à la suite d'un premier stage. La commission a donc émis un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 515 tend à étendre à tous les étudiants étrangers le bénéfice de l'autorisation provisoire de séjour, afin qu'ils puissent trouver un emploi. Le projet de loi, quant à lui, réserve ce droit aux titulaires d'un master. La commission a donc émis un avis défavorable, considérant qu'en l'état le dispositif était équilibré.
Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable au sous-amendement n° 516.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il est question, dans l'amendement n° 507 rectifié quater, de la situation d'un mineur étranger atteint d'une maladie ou d'un problème de santé grave, lorsqu'un inspecteur des services de santé a certifié que l'absence de prise en charge médicale de ce malade dans notre pays aurait des conséquences terribles. Les auteurs de cet amendement demandent que, pour des raisons humanitaires, un des parents de ce mineur puisse rester à ses côtés.
Ce dispositif existe déjà dans le domaine règlementaire puisqu'une telle mesure peut être autorisée par voie de circulaire. Vous souhaitez, monsieur Pelletier, que cette possibilité soit renforcée sur le plan juridique, confortée, et donc inscrite dans la loi. Le Gouvernement y est tout à fait favorable.
S'agissant du sous-amendement n° 517, le texte que M. Frimat propose de modifier, et qui est issu d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale par M. Étienne Pinte, permet à un étranger d'effectuer un séjour dans notre pays pour travailler au sein d'une association. Il est tout à fait normal que ce jeune étranger s'engage à retourner dans son pays d'origine après ces quelques mois d'activité professionnelle. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Nous sommes bien sûr opposés au sous-amendement n° 514, présenté par Mme Dini. La validité d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle peut durer un an et cette durée est renouvelable. Ce n'est pas ce que souhaite le Gouvernement.
Donner à certains étudiants l'opportunité de compléter leurs études par une première expérience professionnelle est une chose ; prolonger cette opportunité, cette chance, pendant une période d'un an, voire de trois ans, en est une autre.
La délivrance de l'autorisation provisoire de séjour de six mois doit permettre à un étudiant diplômé de séjourner en France dans le but de trouver un emploi correspondant à la formation qu'il a suivie. Par cette mesure, le Gouvernement a souhaité favoriser les étudiants à haut potentiel, qui sont généralement recrutés très rapidement après l'obtention de leurs diplômes, voire même avant l'issue de leurs études.
Ce sont ces étudiants qui sont le mieux à même de satisfaire le critère fondamental nécessaire à la délivrance de ce titre : la contribution au développement non seulement de la France mais aussi de leur pays d'origine. La durée de six mois nous semble donc largement suffisante.
S'agissant du sous-amendement n° 515, je rappelle que l'autorisation provisoire de séjour, délivrée à l'issue des études pour chercher un premier emploi, suppose que l'étudiant ait atteint un niveau de formation minimale lui permettant d'accéder au marché de l'emploi dans les meilleures conditions possibles et d'exercer une activité profitable à son pays d'origine, lorsque la question de son retour sera posée. C'est la raison pour laquelle nous avons fixé le seuil de formation minimale à bac + 5, afin d'inciter ces étudiants à poursuivre leurs études.
Si nous ne fixons pas ce seuil, que se passera-t-il ? Un certain nombre de ces étudiants pourront se dire qu'après tout, ils peuvent arrêter là leurs études et chercher un petit boulot, certes avec des revenus plus modestes, mais qu'importe ! L'ambition du Gouvernement est au contraire d'inciter ces étudiants étrangers à poursuivre leurs études jusqu'au meilleur niveau, au moins jusqu'à bac + 5, et de leur permettre d'acquérir rapidement, dans notre pays, une première expérience professionnelle de très grande qualité, dont ils pourront ensuite faire bénéficier leur pays d'origine. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 516 procède de la même logique que le sous-amendement n° 515. La France ayant adopté le système « licence-master-doctorat », LMD, le fait de préconiser l'ouverture du marché de l'emploi à des étrangers titulaires d'un niveau de diplôme d'enseignement supérieur inférieur à la maîtrise revient à accepter des étudiants titulaires d'une licence. Or nous préférons inciter les étudiants étrangers à poursuivre leurs études jusqu'au niveau bac + 5. Pour les mêmes raisons que précédemment, l'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Le sous-amendement n° 523 vise à la délivrance d'une carte de séjour temporaire aux parents d'un enfant gravement malade. Le régime de l'autorisation provisoire de séjour proposé par MM. Portelli et Pelletier dans l'amendement n° 507 rectifié quater nous semble préférable, car il est plus souple et permet d'assurer, dans de meilleures conditions qu'aujourd'hui, un accompagnement des enfants malades. Bien sûr, cette autorisation provisoire sera renouvelable pendant toute la durée des soins.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 517.
M. Bernard Frimat. L'amendement n° 507 rectifié quater tend à prévoir qu' « une autorisation provisoire de séjour est délivrée à l'étranger qui souhaite effectuer une mission de volontariat en France auprès d'une fondation ou d'une association reconnue d'utilité publique [...], à la condition que la mission revête un caractère social ou humanitaire ». Vous voyez dans quel état d'esprit ce volontaire étranger arrive en France. Son contrat de volontariat doit avoir été préalablement réglé avant son entrée en France, la fondation ou l'association qui l'emploie doit attester la prise en charge du demandeur, et celui-ci doit être en possession d'un visa de long séjour. Ces conditions n'étaient-elles suffisantes ?
Encore ne s'agit-il là que d'un volontaire se rendant en France pour une mission humanitaire. Imaginez un seul instant que l'on exige les mêmes conditions pour chaque étranger qui veut poser le pied en France, un touriste, par exemple. En effet, dans ce cas, votre inquiétude devrait être encore plus grande ! Peut-être, un jour, allez-vous nous demander de nous prononcer sur l'obligation pour chaque touriste de signer un engagement de retourner dans son pays à l'issue de ses vacances.
La France est une terre d'accueil !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Je suis étonné que Bernard Frimat se fasse aussi insistant pour éviter la mise en place de cet engagement de retour dans le pays d'origine.
Nous avons tous l'expérience des déplacements à l'étranger. Beaucoup de pays, et notamment de grandes démocraties, comme les États-Unis, demandent à leurs visiteurs, détenteurs d'un visa touristique sur leur territoire, de prendre l'engagement de ne pas travailler pendant la durée de leur séjour, et ce n'est nullement gênant. Je crois donc que, nous aussi, nous avons le droit de demander la signature d'un tel engagement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vive les États-Unis ! Bel exemple !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 517.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Je vais retirer les sous-amendements nos 514, 515 et 516.
Cependant, les propos de M. le ministre m'inquiètent un peu. En effet, la volonté de garder en France des immigrés de grande qualité, ayant fait de très bonnes études, a pour conséquence de retenir dans notre pays les meilleurs éléments de ces pays. En favorisant un très haut niveau de qualification chez les étudiants étrangers qui cherchent un emploi, nous favorisons aussi leur installation en France et nous mettons un frein important à leur éventuel retour dans leur pays d'origine.
Cela étant dit, je retire mes trois sous-amendements.
Mme la présidente. Les sous-amendements nos 514, 515, 516 sont retirés.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Dini, je vous remercie d'avoir bien voulu retirer vos sous-amendements. Je voudrais lever une ambiguïté, car je crois sincèrement que votre démarche et celle que conduit le Gouvernement se rejoignent totalement.
Je vous rappelle que le texte précise qu'une autorisation provisoire de séjour est délivrée au diplômé qui « souhaite, dans la perspective de son retour dans son pays d'origine, compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité ».
Nous sommes donc bien dans la ligne du débat sur le codéveloppement et des positions exposées par Nicolas Sarkozy avant-hier puis par moi-même hier : toutes les démarches d'appel à des étudiants, à des compétences ou à des talents se feront dans le cadre d'accords passés avec les pays d'origine afin que ces derniers puissent bénéficier à terme de l'expérience acquise par leurs nationaux.
La voie retenue, qui consiste donc à mener ces étudiants au meilleur niveau universitaire puis à leur offrir, très rapidement après qu'ils ont obtenu leurs qualifications et leurs diplômes, la possibilité d'entrer dans un sas où ils acquerront une première expérience professionnelle d'un très haut niveau dont bénéficiera ensuite leur pays d'origine, avec lequel nous aurons dès le départ passé des accords, constitue, je le répète, une bien meilleure garantie, tant pour les étudiants, au regard de leur propre cursus, que pour leurs pays d'origine.
Enfin, madame Dini, si ce n'est pas en France, c'est dans d'autres pays leur garantissant des cycles de formation et de premières expériences professionnelles que les étudiants étrangers iront, ou vont déjà, d'autant que, dans certains pays, ces premières expériences professionnelles peuvent parfois être de longue durée, voire ne pas s'achever par un retour ou ne pas se traduire par un bénéfice apporté au pays d'origine. Pour cette politique de codéveloppement dont ensemble nous voulons le succès, il serait donc fort dommageable que la France n'offre pas ce type de possibilités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 523.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Aujourd'hui, on le sait, les préfectures sont récalcitrantes quand il s'agit de délivrer un titre de séjour aux parents d'un enfant malade.
Or trois points méritent d'être précisés.
En premier lieu, la jurisprudence constante du Conseil d'État, encore réaffirmée le 14 avril 2006 par le juge administratif, impose la régularisation de la situation des parents d'un enfant malade.
En deuxième lieu, cette jurisprudence constante précise que les deux parents sont concernés. On ne peut en effet « casser » une famille en ne régularisant la situation que d'un seul parent et en demandant à l'autre de repartir. Un enfant malade aussi a le droit de vivre en famille, et donc avec ses deux parents.
Mme Catherine Procaccia. Et les autres enfants ?...
Mme Alima Boumediene-Thiery. En troisième lieu enfin, si nous demandons que les parents d'un enfant malade bénéficient d'une carte de séjour temporaire et non pas d'une autorisation provisoire de séjour, c'est tout simplement parce que cette dernière n'autorise pas à travailler. Dès lors, comment ces parents vont-ils vivre, comment vont-ils subvenir aux besoins de leur enfant malade, payer son traitement et tous les frais que sa maladie entraîne ?
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Et, puisque l'APS ne donne pas non plus accès aux droits sociaux, notamment à l'aide au logement, comment vont-ils se loger ? Ils seront obligés de squatter des logements délabrés, et il ne faudra pas s'étonner que des incendies aux conséquences souvent dramatiques se produisent encore !
Il s'agit non pas d'aider seulement les parents d'enfants malades riches mais aussi d'aider les parents qui n'ont pas les moyens de vivre de leurs richesses personnelles et qui doivent travailler pour avoir un logement, pour faire vivre leur enfant, l'élever et le soigner.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je voudrais à mon tour donner les raisons pour lesquelles mon groupe soutiendra le sous-amendement n° 523.
En effet, de jurisprudence constante, les parents d'enfants malades doivent bénéficier d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » et non d'une APS. On sait que la délivrance abusive d'APS a des conséquences lourdes sur la vie des malades et sur leur prise en charge médicale.
D'abord, la durée de validité de ces autorisations n'est que de quelques mois, ce qui induit une insécurité juridique en matière de séjour. Elles ne sont d'ailleurs pas prises en compte dans le calcul de l'ancienneté de la résidence régulière pour le regroupement familial, l'obtention de la carte de résident ou la naturalisation.
Ensuite, les APS ne permettent que très difficilement de disposer de ressources suffisantes, car la plupart ne sont pas assorties d'autorisation de travail. Quand c'est le cas, la brièveté de l'autorisation fait obstacle à l'obtention d'un emploi stable. De surcroît, les APS n'autorisent pas leurs titulaires à bénéficier d'allocations non contributives, telles que l'allocation aux adultes handicapés.
Enfin, fréquemment, les APS ne sont pas considérées comme de réels titres de séjour, ce qui produit des situations de blocage non réglementaires en matière d'accès aux dispositifs d'hébergement ou à l'assurance maladie.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas d'accord, c'est une évidence, mais j'essaie toujours de comprendre la logique de votre position.
Pour la résumer - et je vais tenter de ne pas la dénaturer et de ne pas tomber dans une polémique stérile -, je dirais que votre philosophie consiste à veiller constamment à ne pas laisser de mailles suffisamment larges dans le filet pour que passe au travers et se développe une immigration irrégulière qui ne serait pas l'immigration choisie.
Or, en l'espèce, la proposition que je vous soumets ne se situe pas sur ce plan. Je m'inscris parfaitement - ce n'est pas toujours le cas, mais cela peut arriver - dans la démarche de MM. Pelletier et Portelli. Ce qui les anime, c'est la nécessité d'améliorer la situation des parents d'enfants malades et de combler un vide juridique. Nous partageons cet objectif. Simplement, nous faisons remarquer que leur amendement a une limite : le niveau de revenus de la famille concernée.
Si celle-ci dispose de revenus - revenus dont la source est ailleurs - suffisants pour accompagner en France le jeune étranger malade et vivre avec lui le temps nécessaire, ce qui coûte cher, les parents peuvent en effet se contenter d'une autorisation provisoire de séjour, et c'est un progrès par rapport à la situation actuelle.
En revanche, si la famille concernée n'a pas de revenus suffisants et veut accompagner son enfant dans un moment difficile, possibilité que dans un souci d'humanité nous développons, l'APS ne suffit pas.
Tout ce que nous vous demandons, monsieur le ministre, c'est donc de créer le moyen juridique pour permettre à cette famille de vivre dans notre pays à côté de son enfant. Or quel autre moyen aura-t-elle d'y vivre si ce n'est en travaillant ? Les parents d'enfants malades seront donc à la merci des employeurs clandestins, car qui dit travail clandestin dit sans doute employeur clandestin...
Certes, le vote de notre sous-amendement n'entraînerait pas notre accord sur l'ensemble de ce projet de loi que nous continuerons à combattre, mais, monsieur le ministre, un avis favorable de votre part ne nous amènerait pas davantage à nous vanter de vous avoir fait reculer et, sur ce problème simple, ne pourrait-on pas trouver un point d'équilibre ? Quels intérêts sont en jeu, quelle est la dimension du problème ?
Je ne crois pas qu'il était dans l'idée de MM. Portelli et Pelletier de réserver le progrès qu'introduit leur amendement aux uns et non pas aux autres en fonction des revenus des uns et des autres. Je suis sûr que leur démarche est d'inspiration plus généreuse : elle doit viser tous les parents d'enfants malades dans cette situation, et c'est la raison pour laquelle mon groupe demande un scrutin public sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, vos arguments sont de qualité.
L'autorisation provisoire de séjour est renouvelable pendant toute la durée des soins de l'enfant et le préfet peut toujours l'assortir d'une autorisation provisoire de travail. Ce que je suis prêt à vous proposer, c'est de le préciser dans la loi par le biais soit d'un amendement gouvernemental, soit d'une rectification de votre sous-amendement, qui pourrait se lire ainsi : « Le cas échéant, cette autorisation provisoire de séjour peut être assortie d'une autorisation provisoire de travail, sur présentation d'un contrat de travail. »
Si vous acceptez de rédiger votre sous-amendement sous cette forme, le Gouvernement émettra un avis favorable.
Mme la présidente. Monsieur Frimat, acceptez-vous la rectification proposée par M. le ministre ?
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, si les débats parlementaires existent, ce n'est pas pour nous permettre mutuellement et avec des talents divers de faire des effets oratoires.
M. André Lardeux. Ah bon ?...
M. Bernard Frimat. Monsieur Lardeux, quand vous intervenez, faites-le pour dire quelque chose ! Ne pouvez-vous pas éviter ce genre de stupidités, qui n'élèvent certainement pas le débat ! (M. André Lardeux lève les bras.) Vous pouvez lever les bras, mais l'amendement de MM. Pelletier et Lardeux méritent mieux que vos interventions déplacées...
Il est tellement rare que je me mette en colère que vous m'avez déjà pardonné...
M. André Lardeux. Ce n'est pas demain la veille !
M. Bernard Frimat. Cela me rassure ! Votre intervention en discussion générale nous avait suffisamment édifiés. Mais revenons à des choses sérieuses...
Monsieur le ministre, le débat parlementaire doit nous permettre de progresser. Notre désaccord ne peut pas être comblé, je vous en donne acte. Vous n'allez pas jusqu'où je souhaiterais que vous alliez, mais, si j'accepte votre proposition, cela permettra peut-être à la commission mixte paritaire d'améliorer encore le texte, notamment s'agissant des conditions de logement. L'urgence est parfois mauvaise conseillère, mais nous sommes là pour avancer : j'accepte donc de rectifier mon sous-amendement et je retire ma demande de scrutin public.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 523 rectifié, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 507 rectifié quater pour l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :
Le cas échéant, cette autorisation peut être assortie d'une autorisation provisoire de travail, sur présentation d'un contrat de travail.
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous étions défavorables au sous-amendement initial. Compte tenu de la modification proposée par le Gouvernement et acceptée par M. Frimat, nous émettons maintenant un avis favorable.
Cependant, nous souhaiterions remplacer « le cas échéant » par « toutefois ». Ainsi l'articulation avec le paragraphe précédent serait elle plus cohérente.
Mme la présidente. Monsieur. Frimat, acceptez-vous de rectifier ainsi votre sous-amendement ?
M. Bernard Frimat. Monsieur le M. le rapporteur, je serais tenté de vous dire que « toutefois » et « le cas échéant », c'est la même chose. Mais comme tout à l'heure, en réponse à M. Dreyfus-Schmidt, vous avez manifesté votre volonté de lui être agréable en acceptant sa rédaction, je vois mal comment je pourrais manifester une rigueur excessive. J'accepte donc de remplacer « le cas échéant » par « toutefois ». Toutefois (Sourires), je souhaiterais que cela ne se renouvelle pas. (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 523 rectifié bis, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 507 rectifié quater pour l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, cette autorisation peut être assortie d'une autorisation provisoire de travail, sur présentation d'un contrat de travail.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j'aurais aimé comprendre la règle qui sera derrière la notion de contrat de travail dont vous venez de proposer l'insertion dans le texte. Les conditions qui seront posées au contrat de travail du parent ayant besoin de travailler pour permettre à son enfant d'être soigné devront-elles suivre dans les mêmes règles, ce qui suppose un dépôt de dossier auprès de la direction départementale du travail et de l'emploi ? Faudra-t-il être sur un créneau, celui d'une demande de poste à pourvoir déjà déposée à l'ANPE, et non pourvue pendant un certain nombre de mois ?
Si les choses se passent sur cette base, la modification que vous proposez sera difficilement effective pour la personne dont l'enfant est malade.
J'aurais aimé obtenir des précisions complémentaires.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Beaufils, l'autorisation provisoire de travail sera délivrée sans que la situation de l'emploi lui soit opposable.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 523 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote sur l'amendement n° 507 rectifié quater.
M. Jacques Pelletier. Je regrette que le sous-amendement n° 515 ait été retiré, car le projet de loi est un peu élitiste s'agissant des étudiants. Bien souvent, un simple diplôme d'étude supérieure sera aussi utile au pays d'origine de l'étudiant qu'un diplôme de master et plus. Un diplôme d'enseignement supérieur, ce n'est quand même pas le brevet des collèges ! Je crois que cela peut servir très largement. De plus, ce sera très restrictif, car il n'y aura pas des centaines de milliers d'étudiants en master et plus qui viendront envahir nos facultés. C'est un peu trop élitiste et restrictif. Mais ce sous-amendement ayant été retiré, je n'insiste pas.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. Pelletier peut rectifier son amendement en reprenant le sous-amendement n° 515... Dans ces conditions, je présente un sous-amendement en ce sens.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un sous-amendement n° 524 présenté par M. Michel Dreyfus-Schmidt, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement 507 rectifié quater pour l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
un diplôme au moins équivalent au master
par les mots:
un diplôme d'étude supérieure
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous étions défavorables au sous-amendement n° 515. Je ne vois pas en quoi nous pourrions changer d'avis maintenant.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 524.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas le sous-amendement.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 507 rectifié quater.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
Article 5
I. - L'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 314-2. - Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française dans les conditions définies par décret en Conseil d'État.
« Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative tient compte de la souscription et du respect, par l'étranger, de l'engagement défini à l'article L. 311-9 par lequel il manifeste auprès d'elle sa volonté d'intégration, en particulier de l'obtention du titre ou du diplôme inhérent à la formation linguistique, et saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative.
« Les étrangers âgés de plus de soixante-cinq ans ne sont pas soumis à la condition relative à la connaissance de la langue française. »
II. - L'article L. 314-10 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 314-10. - Dans tous les cas prévus dans la présente sous-section, la décision d'accorder la carte de résident ou la carte de résident portant la mention «résident de longue durée-CE» est subordonnée au respect des conditions prévues à l'article L. 314-2. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Les dispositions de cet article introduisent un flou supplémentaire dans le cadre des droits dont dispose l'étranger.
En effet, en subordonnant la délivrance d'une première carte de résident à l'intégration du migrant, appréciée particulièrement « au regard de son engagement personnel » à respecter les principes qui régissent la République française, c'est, ici encore, la possibilité d'un arbitraire de l'administration, renforcée au détriment de la stabilité des droits de l'étranger.
De plus, ces dispositions se fondent sur la méconnaissance de la réalité de la migration. Il ne peut y avoir d'intégration avant la mise en oeuvre des moyens en vue de s'intégrer. Or la carte de résident est l'un des principaux facteurs d'intégration.
Outre la notion d'« engagement personnel », dont nous demandons la suppression en raison de son caractère extrêmement flou justifiant toutes les inquiétudes, de nombreuses dispositions de cet article 5 sont discutables, notamment le respect des principes de la République. Vous nous avez dit que les principes de la République, ce sont les libertés, l'égalité homme-femme, je dirai aussi égalité des droits entre les Français et les étrangers, la justice. Mais tous ces principes ne sont-ils pas universels ?
Vous nous parlez également de dignité, mais c'est vous qui la refusez. Quand vous poussez l'étranger à la clandestinité, quand vous lui refusez la reconnaissance de l'égalité des droits, vous lui refusez la dignité.
Et à qui reviendra-t-il d'évaluer, et selon quels critères ?
Là encore, les obligations imposées par l'article ont un caractère très subjectif, ce qui dotera de fait le préfet et le maire du pouvoir exorbitant de récompenser ou de sanctionner, selon qu'ils jugeront que l'étranger mérite, ou non, d'obtenir le titre de résident.
D'une part, cet article constitue une légalisation de l'arbitraire, et, en cela, il est inacceptable.
D'autre part, il constitue une localisation de la politique d'intégration, qui doit rester une politique nationale !
Et comme si vous n'étiez pas satisfait d'un seul arbitraire, celui de l'appréciation de l'engagement personnel, vous en avez ajouté un deuxième, qui introduit le maire dans le champ de l'intégration alors que ce n'est pas du tout son rôle.
En quelque sorte, comme je l'ai déjà dit mais il est important de le rappeler, vous localisez une politique qui devrait avoir un caractère national, vous affaiblissez le caractère souverain de l'État pour que cette question d'intégration et d'immigration devienne locale.
Le maire n'est absolument pas partie au contrat d'intégration et il ne saurait donc en aucun cas intervenir dans cette procédure.
En fait, pour aller dans le sens de ce qu'expliquait Julien Dray, à l'Assemblée nationale, votre dispositif va beaucoup plus loin que le pouvoir arbitraire donné aux préfets et aux maires puisqu'il réintroduit par ce biais une notion que le Conseil constitutionnel a rejetée : les quotas.
Vous allez donner la possibilité à des maires d'introduire des quotas de résidents étrangers dans leur commune.
Vous avez déjà, avec les polices municipales, transformé les maires en shérifs ; vous voulez leur donner un rôle dans le projet que vous préparez sur la prévention de la délinquance avec le contrat de responsabilité ; et voilà que maintenant, sur la question de l'intégration, vous leur donnez l'opportunité de faire le tri entre les bons immigrés et ceux qu'ils n'aiment pas.
Monsieur le ministre, même si l'avis du maire est consultatif, nous savons très bien qu'en ce domaine il est très souvent suivi par le préfet.
Je répète que vos arguments ne nous ont pas convaincus, pas plus qu'ils ne devraient convaincre nos amis qui siègent sur les travées de la gauche, parce que votre dispositif donne trop d'importance aux maires.
Je dis que chacun doit être à sa place.
La politique d'intégration, c'est une politique nationale, ce n'est pas une politique qui doit être localisée, ni qui doit donner l'opportunité au maire de choisir, entre ceux qu'il va précariser et ceux auxquels il va accorder une récompense.
Pour cette raison, les Verts ne peuvent pas accepter un texte qui attribue une nouvelle délégation de pouvoir et de responsabilités au maire, au détriment de notre État de droit et de ses pouvoirs régaliens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Comme je l'ai rappelé lors de mon intervention sur l'article précédent, l'objectif d'intégration des primo-arrivants est pour .nous, socialistes, une priorité. J'ai déjà précisé qu'à notre sens l'intégration ne pourra être réussie que si le pays d'accueil met tout en oeuvre pour être précisément un pays « d'accueil », et pour fournir à l'immigrant les outils nécessaires pour s'intégrer.
À cet égard, votre projet de loi n'apporte rien de concret, et c'est bien dommage. Il vise par ailleurs à précariser par tous les moyens la situation des étrangers présents sur notre territoire - fût-ce de manière régulière -, ce qui aura, à l'évidence, pour effet de rendre encore plus difficile l'intégration, que vous ne concevez apparemment que comme un slogan opposable uniquement à l'étranger, comme un devoir, ce qui se défend parfaitement, mais jamais comme un droit.
Si le fossé béant entre les droits et les devoirs fait de votre projet de loi un texte injuste, les règles de compétence que vous avez choisies en font, elles, un texte arbitraire. Arbitraire est, en effet, le mot clef, et le premier exemple en est donné par les conditions d'intégration auxquelles est subordonné l'octroi d'un certain nombre de titres de séjour.
Si l'intégration devient un critère de sélection pour ceux qui peuvent bénéficier d'une carte de résident, il conviendra de bien l'estimer, de bien la juger. Or vous admettrez que l'intégration dans la société française n'est pas un critère particulièrement objectif. Sans doute allez-vous dans votre réponse, monsieur le ministre, citer différents éléments, tels que la langue, le respect des lois, etc.
Quoi qu'il en soit, la rédaction de l'article 5 reste floue, ce qui semble assez inévitable s'agissant d'une réalité aussi subjective que l'intégration.
Ainsi, l'intégration d'une personne serait « appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance suffisante de la langue française ».
Or par qui cette intégration sera-t-elle appréciée ? C'est là que le bât blesse. En effet, l'une des grandes caractéristiques de ce projet de loi est de donner à l'administration, avec les risques d'arbitraire que cela comporte, une grande liberté de choix dans les décisions concernant le séjour des étrangers.
L'autorité administrative, qui saisira également pour avis le maire de la commune, aura ainsi tout pouvoir de décider, selon les critères flous que l'on connaît, si telle ou telle personne est ou non intégrée.
L'intervention du maire dans cette décision ne fera que renforcer une caractéristique regrettable de notre droit des étrangers, à savoir sa multiplicité, puisqu'il est souvent dit, avec raison, qu'il existe un droit par préfecture. Dès lors, existera-t-il désormais un droit par commune ?
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste souhaite la suppression de cet article 5.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte dont nous discutons sera vraiment difficile à lire. Je rappelle que c'est la trentième fois que l'on modifie la loi sur l'immigration et nous souhaitons donc bien du plaisir aux magistrats, en particulier ceux de l'ordre administratif, tant il est vrai que vous laissez aux autres magistrats de moins en moins d'occasions de se prononcer en la matière.
Dans cet article 5, le Gouvernement commence par dire que « la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger [...] en particulier au regard de son engagement à respecter les principes qui régissent la République française ». Or cela n'est pas nouveau. En effet, L. 311-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définit déjà le contenu du contrat d'accueil et d'intégration.
Dès lors, l'on peut se demander si cette mesure ne fait pas double emploi.
En effet, en ce qui concerne le contrat d'accueil et d'intégration, le Gouvernement a prévu, d'une part, un décret en Conseil d'État pour en fixer les conditions d'application.
D'autre part, dans le cas qui nous occupe, un décret en Conseil d'État devra, cette fois, définir l'engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française et donc ce qu'ils représentent.
Cela ne fait-il pas double emploi ? S'agit-il d'un nouveau décret en Conseil d'État, ou est-ce le même que celui dont nous avons déjà parlé ?
Par ailleurs, M. le rapporteur nous propose de reprendre l'intégration républicaine - nous avons déjà dit ce qu'il fallait en penser.
Enfin, est abordé le sujet précis que constitue l'avis du maire de la commune.
Nous avons déjà fait remarquer - mais nous n'avons pas obtenu de réponse - que l'on ne voyait pas très bien comment le maire de Paris, celui de Marseille ou celui de Lyon, notamment, pourraient donner un avis sur la manière dont s'est comporté un étranger, et ce tout simplement parce qu'ils n'en savent strictement rien ! Par conséquent, faut-il solliciter un tel avis ? N'est-ce pas une perte de temps que de demander un avis à quelqu'un dont on sait parfaitement qu'il ne peut en avoir un ?
Dès lors, la question se pose de savoir si le Gouvernement ne souhaite pas écarter les grandes villes, et à partir de combien d'habitants ?
Au reste, il ne serait pas normal que l'on demande l'avis pour les uns et pas pour les autres. Or le texte qui nous est proposé revient très exactement à cela.
De surcroît, nous savons parfaitement que le rôle des maires - c'est d'ailleurs ce que vient de confirmer l'Association des maires - n'est pas de donner un avis sur la question, étant entendu que certains d'entre eux pourraient être tentés de donner systématiquement un avis favorable, alors que d'autres émettraient, au contraire, ce qui me paraît vraisemblable, un avis négatif. C'est pourquoi nous ne sommes vraiment pas d'accord avec une telle proposition.
La commission des lois du Sénat propose de supprimer ce qui avait été décidé par l'Assemblée nationale, à savoir que l'avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire. Or, en cas de suppression de cette disposition, le maire disposera d'un moyen très simple : ne pas répondre. Ainsi, la préfecture continuera à attendre l'avis du maire qui ne viendra jamais, ce qui sera une manière non seulement de donner un avis, mais aussi et surtout de bloquer le processus.
C'est pourquoi nous ne pouvons absolument pas voter cet article 5, dont nous demandons la suppression.
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 151 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 285 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l'amendement n° 151.
M. Charles Gautier. Le projet de loi établit un lien direct entre la condition d'intégration et le contrat d'accueil et d'intégration.
En outre, si le deuxième alinéa de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit une prise en compte du contrat, il laisse néanmoins une certaine marge d'appréciation à l'autorité administrative. Il faut permettre à cette dernière d'accorder une carte de résident à des personnes qui n'auraient pas signé ce type de contrat mais qui font la preuve d'une véritable intégration.
D'autres éléments que le contrat devront donc être pris en compte, notamment l'avis du maire sur l'intégration de l'étranger qui est laissée à l'appréciation du préfet.
Dès lors, un certain nombre de questions se posent à nous.
Compte tenu de la difficulté d'apprécier l'effectivité de l'intégration, l'évaluation de celle-ci dépendra beaucoup du système qui sera mis en place pour assurer le suivi et le contrôle du respect des obligations du contrat. Ainsi, quid de la portée d'une instruction civique sur des populations qui maîtrisent mal le français ?
De plus, le contrat, censé être un outil d'intégration, ne risque-t-il pas de se transformer en un moyen de tri sélectif,...
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Charles Gautier. ...une manière d'éliminer des étrangers en situation régulière et qui sans être des délinquants sont, par exemple, au chômage ou ne répondent pas aux critères retenus par le gouvernement du moment ? Il s'agit là d'un nouvel outil destiné à précariser et donc à insécuriser plus encore les étrangers en France.
Enfin, je réitère une question que nous avons déjà posée maintes fois, mais à laquelle nous n'avons jamais obtenu de réponse : quid des moyens censés financer cette formation ?
Compte tenu de toutes ces inquiétudes et au bénéfice des arguments préalablement avancés, nous souhaitons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 285.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est en cohérence avec notre amendement n° 284 portant sur l'article 4.
De plus, notre souhait de supprimer l'article 5 est motivé non seulement parce que certains de ses aspects sont assez flous - à plusieurs reprises, depuis ce matin, j'ai dénoncé le caractère flou de certaines dispositions -, mais également parce qu'il prévoit que l'autorité administrative peut saisir pour avis le maire de la commune dans laquelle l'étranger réside. Les cas dans lesquels le maire serait saisi ne sont pas encore précisés.
De surcroît, le maire n'est même pas cocontractant, puisque le contrat est passé entre l'État et la personne. Ce faisant, ne risque-t-on pas de réintroduire des quotas par ville et d'établir une discrimination que j'oserai qualifier de quantitative ?
Enfin, une telle disposition permet à l'État de se défausser de ses pouvoirs régaliens sur le maire en lui demandant de plus en plus de jouer un rôle en matière de maîtrise de l'immigration.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe CRC s'opposent à ce qui peut être qualifié de dérive.
Mme la présidente. L'amendement n° 10, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
« à l'intégration de l'étranger dans la société française »
par les mots :
« à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a le même objet que l'amendement n° 6 rectifié qui portait sur l'article 4. Il consiste à réintroduire la notion d'intégration républicaine dans la société française.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 152 rectifié est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés .
L'amendement n° 483 est présenté par Mmes Boumediene- Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. Charles Gautier, pour défendre l'amendement n° 152 rectifié.
M. Charles Gautier. Nous revenons ici sur un sujet que nous avons déjà abordé.
L'article 6 bis, issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale sur la proposition de M. Étienne Pinte, tend à permettre la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à tout étranger qui souhaite effectuer une mission de volontariat en France.
Il s'agit là d'une disposition positive permettant la circulation des compétences du coeur, du dévouement, du bénévolat associatif, du service rendu par le biais des associations et des fondations reconnues d'utilité publique.
Toutefois, ce sont les garde-fous mis en oeuvre pour éviter les prétendus détournements de procédure qui sont choquants. En effet, ils traduisent un manque de confiance, une absence de générosité, une stigmatisation systématique de l'étranger qui a priori est considéré comme un fraudeur, même s'il vient dans notre pays dans un but humanitaire. Est-ce ainsi que l'on doit remercier les étrangers qui viennent faire du volontariat en France ?
L'encadrement de cette disposition est donc réellement choquant. En effet, si chaque étranger qui vient en France n'y est admis qu'à condition de voir sa sortie contrôlée, cela revient à suspecter systématiquement les étrangers, ce qui ne fait pas honneur à notre histoire.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer l'engagement écrit auquel doit souscrire l'étranger de quitter le territoire à la fin de sa mission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene- Thiery, pour présenter l'amendement n° 483.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je ne reviendrai pas sur les remarques concernant la légitimité du contrat d'accueil et d'intégration.
Je me contenterai d'insister sur la prise en compte de l'avis des maires par les préfets dans l'appréciation de l'intégration des migrants.
Je ferai, tout d'abord, une remarque d'ordre général : nous avons l'impression que le Gouvernement est obsédé par le fait d'octroyer encore plus de pouvoirs exorbitants aux maires de France. Il y a peu, le projet de loi pour l'égalité des chances comportait des dispositions qui augmentaient déjà de façon inacceptable les pouvoirs des maires.
Ainsi, le Gouvernement semble vouloir faire du maire une sorte de premier délateur des familles de sa commune qui seraient à l'origine des difficultés scolaires et sociales que rencontrent certains enfants.
Quant au projet de loi dit de « prévention de la délinquance », il tend également à faire du maire un « super shérif ».
Enfin, à travers les dispositions du présent projet de loi, trop imprécises, vous voulez un fois de plus renforcer le pouvoir exorbitant du maire. Or ce dernier n'est absolument pas partie au fameux contrat d'intégration et d'accueil. Il ne pourra même pas s'immiscer dans le contrôle effectif des conditions d'octroi des titres de séjour.
Par conséquent, monsieur le ministre, que les choses soient claires : je ne remets pas ici en cause l'intégrité et la moralité de la majeure partie des maires de France, qui sont avant tout, bien entendu, les premiers acteurs sur le front de la citoyenneté et de la démocratie locale et qui se dévouent pour leurs administrés.
Cependant, il ne leur sera matériellement pas possible d'assumer cette charge supplémentaire de travail. En effet, - vous le reconnaîtrez sans doute - pour que l'avis du maire soit juste, il conviendra que celui-ci puisse rencontrer le migrant et sa famille, puisqu'une partie des critères repose sur la manière dont ce dernier peut être amené à se comporter avec sa famille.
Or comment les maires trouveront-ils le temps ou les moyens humains de remplir correctement cette mission ? Il ne s'agit pas ici de donner son avis sur un point quelconque ; il s'agit pour le maire de donner un avis dont dépendra la vie de personnes, voire de familles entières, sur leur séjour et leur avenir en France.
Ce sujet ne peut et ne doit pas être traité avec légèreté.
Enfin, il est un point qui, certes, est plus subjectif, mais qui ne peut être négligé.
Avec le mécanisme d'avis que vous proposez, que se passera-t-il dans les communes dont les maires sont, nous le savons bien, idéologiquement opposés à la présence d'étrangers ?
Monsieur le ministre, quelles mesures de contrôle, quelles garanties, et même quels recours avez-vous prévus face aux maires qui s'opposeraient systématiquement aux étrangers et émettraient des avis négatifs sur toutes les demandes adressées par la préfecture ?
Je vous demande de faire preuve d'un peu de sincérité et de bon sens et de supprimer ce dispositif qui donnerait tout pouvoir aux maires et priverait l'État de prérogatives indissociables de sa souveraineté.
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative tient compte de la souscription et du respect, par l'étranger, de l'engagement défini à l'article L. 311-9 et saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 151 et 285 ainsi que sur les amendements identiques nos 152 rectifié et 483.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 11 a pour objet de simplifier la rédaction de l'article 5 du projet de loi. En outre, il vise à supprimer le membre de phrase « par lequel il manifeste auprès d'elle son intégration », car celui-ci, qui a été introduit par un amendement de l'Assemblée nationale, a semblé redondant à la commission des lois.
En effet, le contrat d'accueil et d'intégration et le respect dont il fera l'objet exprimeront déjà en eux-mêmes une volonté d'intégration.
De même, la référence à l'obtention d'un diplôme sanctionnant la formation linguistique délivrée dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration serait supprimée. Selon l'article 4 du projet de loi, le respect du contrat suppose le suivi d'une formation linguistique et l'obtention d'un diplôme ; la commission a donc considéré qu'il était inutile de le rappeler.
Par ailleurs, monsieur Dreyfus-Schmidt, je voudrais vous rassurer : l'amendement n° 11 ne supprimera pas l'avis émis par le maire. En l'occurrence, les tableaux comparatifs sur lesquels vous avez appuyé vos observations tout à l'heure comportent une erreur. Il n'y a donc pas de difficulté ici.
Les amendements identiques nos 151 et 285, comme je l'ai déjà indiqué, visent à supprimer l'article 5 du projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements identiques nos 152 rectifié et 483, le droit positif prévoit déjà la saisine du maire, que le projet de loi rend obligatoire. L'absence d'avis du maire - faut-il le rappeler ? - est plutôt favorable au demandeur et, en tout état de cause, la décision appartiendra au préfet. La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable sur les amendements identiques nos 151 et 285, qui tendent à supprimer l'article du projet de loi.
J'émets en revanche un avis favorable sur l'amendement n° 10, par souci de cohérence avec les modifications que j'ai acceptées à l'article 4. L'adjectif « républicaine » pourra donc être ajouté après le terme « intégration ».
S'agissant des amendements identiques nos 152 rectifié et 483, pourquoi tenons-nous à ce que le maire donne son avis ? Mesdames, messieurs les sénateurs, vous parlez d'un renforcement du pouvoir des maires, mais c'est inexact : c'est le préfet qui exercera cette prérogative. Nous demanderons simplement leur avis aux maires.
Je suis un peu effrayé quand vous me parlez d'idéologie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne savez pas ce que c'est ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous évoquez le cas d'un maire qui serait opposé idéologiquement aux étrangers.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne connaissez pas M. Peyrat ?
M. Bernard Frimat. Et M. Mégret à Vitrolles !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Réciproquement, je pourrais évoquer le cas de maires qui seraient idéologiquement favorables aux étrangers !
Pour ma part, j'ai plus de considération pour les maires. Je crois qu'il arrive un moment où un maire fait entièrement abstraction de son idéologie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le maire de Nice ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Un maire est un homme pragmatique (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC),...
Mme Hélène Luc. Tous ne le sont pas !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...qui se trouve confronté aux réalités du terrain, doit gérer au quotidien sa commune et y garantir la paix et la cohésion sociales.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Et Vitrolles ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Boumediene-Thiery, nous savons bien comment ces politiques se terminent.
M. Charles Gautier. Il vaudrait mieux les prévenir !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La force de la démocratie, c'est tout de même le suffrage universel !
Mesdames, messieurs les sénateurs, les exemples que vous citez témoignent précisément que les maires dont l'attitude semblait contraire aux valeurs de la République ont vu, tôt ou tard, leurs propres administrés leur dire que cela suffisait et qu'ils ne devaient pas accomplir un nouveau mandat.
Il me semble que 99 % des maires de France ne gèrent pas leurs communes en fonction d'une idéologie. Telle est ma conviction, tel est le respect que je porte à la fonction de maire.
En outre, de par les lois de décentralisation, le maire dispose au quotidien de services de proximité, comme en matière de politique sociale ou de logement.
Mme Hélène Luc. Précisément, certains maires refusent de construire des logements sociaux ! Les mêmes s'opposeront à la présence d'étrangers !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'agissant de la politique de la ville, par exemple, car les quartiers sensibles sont très souvent confrontés au problème de l'intégration des populations étrangères, nous savons que les contrats de ville sont gérés conjointement par les représentants de l'État et les maires.
Les maires peuvent ainsi nouer des liens avec le milieu associatif. Ce sont eux qui, dans le cadre de la politique de la ville, définissent les politiques d'intégration et d'accompagnement social en matière de culture, de sport ou d'apprentissage de la lecture et de l'écriture.
Dans bien des domaines, le maire est le véritable élu de proximité, au coeur des réalités du terrain et des préoccupations des citoyens. Nous proposons seulement de le consulter, de lui demander son avis, en sachant que c'est l'autorité de l'État qui s'imposera et le préfet qui tranchera, arbitrera et exercera réellement le pouvoir.
C'est pourquoi j'estime que vous devriez, tout comme nous, accepter que soit conservé, et même conforté, le rôle d'intermédiaire entre la population et le représentant de l'État qu'exerce le maire, car il lui permet d'apprécier au mieux les situations concrètes.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 11 de la commission, qui est rédactionnel, nous ne pouvons bien sûr qu'y être favorables.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous devons impérativement reprendre à 15 heures. Aussi, je vous suggère de reporter les explications de vote et le vote sur les amendements à l'article 5 après les questions d'actualité au Gouvernement. (Assentiment.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
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Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente, et pas une seconde de plus !
désindustrialisation de nevers
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Ah, il sait faire une phrase ?
M. Alain Gournac. Il sait parler ?
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, j'espère que la question aura autant de succès que son auteur !
Je m'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes pour l'interroger plus spécifiquement sur la situation, dramatique, de l'usine Dim de Château-Chinon.
M. Jean-Patrick Courtois. Et celle d'Autun ?
M. René-Pierre Signé. Le désespoir y règne, car le pire est programmé, à savoir la fermeture pure et simple du site, ce qui plonge 95 familles dans la détresse et aggrave la désindustrialisation de la Nièvre.
M. Alain Gournac. Les 35 heures !
M. René-Pierre Signé. En six mois, quelque 600 suppressions d'emplois ont ainsi été annoncées dans le département : 134 chez Facom, avec la fermeture de l'usine, également située à Nevers ; 67 chez Look Fixations ; 48 chez Euro-Auto Hose.
Mais la Nièvre n'est pas une exception.
M. Raymond Courrière. C'est sûr !
M. René-Pierre Signé. Dans de nombreux autres départements, les salariés sont victimes de plans sociaux, avec les mêmes conséquences catastrophiques sur l'emploi et les finances locales. Dans le cas de Dim, outre Château-Chinon, les sites d'Autun, de la Tour-du-Pin et de Levallois-Perret sont eux aussi touchés. D'autres groupes industriels sont concernés : je pense notamment aux sites de la Sogerma à Mérignac et de Kuhn Nodet en Seine-et-Marne, qui emploient respectivement 1 000 et 150 salariés.
Monsieur le ministre, la course effrénée au profit ne peut constituer un horizon inéluctable pour notre pays, qui se trouve en première ligne face aux dérèglements de l'« hypercapitalisme financier ». Il serait temps de penser aux hommes avant de penser aux chiffres ! Les coupes claires annoncées dans la Nièvre et le sort réservé à des sites qui ont contribué à la réputation d'une marque, des sites que l'on ferme ou que l'on délocalise, comme dans le cas de Dim, en sont la détestable illustration.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Dominique Braye. Les 35 heures !
M. Alain Gournac. Ségolène !
M. René-Pierre Signé. La poursuite de la politique libérale, malgré tous ses effets négatifs, montre que la dictature de l'actionnariat est bien le ressort fondamental de la mondialisation. Hélas ! celle-ci ne crée des richesses que par la précarisation des plus faibles et l'amoindrissement des territoires les plus fragiles.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. René-Pierre Signé. Les Français n'acceptent plus cette politique, car ils ne comprennent pas comment ces vagues incessantes de licenciements...
MM. Dominique Braye et Alain Gournac. Les 35 heures !
M. Raymond Courrière. Écoutez un peu !
M. René-Pierre Signé. ... peuvent être accompagnées de si bons résultats affichés.
Peut-on vraiment penser que les profits des actionnaires sont plus importants que l'emploi dans notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, ma question est simple : le Gouvernement a-t-il bien pris l'exacte mesure de la désindustrialisation de notre pays et des conséquences sociales et territoriales qui l'accompagnent ?
M. Roland Courteau. Oh que non !
M. René-Pierre Signé. Surtout, quels moyens envisage-t-il de mettre en oeuvre afin de répondre à l'inquiétude extrême des salariés de Dim, de Facom et de tous les autres sites menacés de fermeture, et de soustraire ainsi au dépérissement et à la destruction des bassins d'emplois déjà sinistrés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Il sait donc lire !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Signé, comme vous le savez, avec le député de la Saône-et-Loire, M. Jean-Paul Anciaux, et celui de la Nièvre, M. Christian Paul, nous avons reçu la semaine passée les représentants des salariés de Dim des sites d'Autun et de Château-Chinon.
M. René-Pierre Signé. Vous n'avez pas reçu les autres élus !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La semaine prochaine, j'ai convoqué au ministère le président de ce groupe pour la zone Europe ainsi que les représentants de Sun Capital Partners.
Face à cette situation, dont nous mesurons bien les conséquences pour les salariés, le Gouvernement et le Premier ministre ont donc adopté une tout autre attitude que le laisser-faire ou le fatalisme. Comme nous l'avons déjà démontré dans le dossier Hewlett-Packard, nous sommes capables de dire non !
M. René-Pierre Signé. On verra bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pardonnez-moi de le rappeler, monsieur Signé, mais, sous le gouvernement Jospin, nous avions plutôt le sentiment qu'il n'y avait décidément rien à faire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !
Mme Nicole Bricq. La gauche a créé deux millions d'emplois !
M. Jacques Mahéas. Deux millions d'emplois !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous avez évoqué les difficultés dans votre département de la Nièvre. Eh bien, pour Dim, comme pour Sogerma, Look Fixations ou Ugitech, nous pensons, nous, qu'il y a quelque chose à faire !
M. Didier Boulaud. Et Facom !
M. Jacques Mahéas. Ce gouvernement est catastrophique !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Dans ce même département, nous avons signé une convention de revitalisation en juillet dernier. Nous nous apprêtons à en signer une nouvelle dans quelques jours, au bénéfice, notamment, de Look Fixations et de Faurecia.
En outre, l'action du Gouvernement se manifeste également au travers des pôles de compétitivité.
M. René-Pierre Signé. Il n'y en a pas chez nous !
M. René-Pierre Signé. Mais il est à Dijon !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Regroupant neuf grandes entreprises et plus de trente PME, ce pôle aura des conséquences positives en termes d'emploi dans toute la Bourgogne.
M. Jacques Valade. Eh oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Parallèlement, nous préparons avec la Bourgogne un contrat de plan État-région, afin, notamment, de favoriser de nouveau le développement de l'emploi le long du canal du Nivernais.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En définitive, monsieur le sénateur, en accordant une attention particulière à la situation de Dim et de Facom, le Gouvernement affiche sa volonté de refuser la fatalité. D'ailleurs, nous avons publié en août 2005 un décret pour obliger les entreprises qui quittent un territoire à contribuer à sa revitalisation.
À l'opposé du laisser-faire, nous avons la volonté de nous battre pour l'emploi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. René-Pierre Signé. Vous n'avez pas répondu à la question !
Mme Hélène Luc. Quand les dirigeants de Facom ont fermé le site de Villeneuve-le-Roi, c'était soi-disant pour sauvegarder celui de Nevers. Et, maintenant, ils le ferment !
euronext
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, vendredi dernier, le 2 juin, la Bourse européenne Euronext NV, société cotée néerlandaise, a annoncé sa décision de fusionner avec celle de New York.
La promesse d'une « fusion entre égaux » paraît d'ores et déjà illusoire, puisqu'une majorité des membres du conseil d'administration de la future structure sera issue de la Bourse américaine.
Nous pouvons également nous interroger sur la pérennité du droit de veto dont Euronext est censée disposer pour les décisions importantes relatives à l'organisation de la Bourse transatlantique. Aujourd'hui, vous le savez très bien, monsieur le ministre de l'économie, les acteurs financiers européens, notamment français, se voient imposer des directives américaines à l'influence grandissante.
L'Europe économique et financière, en panne d'une réelle dynamique d'intégration et d'efficacité, mérite la création d'une grande Bourse continentale. Certaines déclarations entendues ce matin dans plusieurs places européennes, à Milan et à Zurich notamment, vont dans le sens de la création d'une telle Bourse.
L'option d'un rapprochement avec la Bourse allemande Deutsche Börse a fait l'objet de négociations entre Euronext, Francfort et Londres, depuis déjà plus de cinq ans. Certes, la localisation des centres de décision et l'organisation verticale d'une telle Bourse font actuellement l'objet d'importantes divergences entre Paris et Francfort, au point qu'une telle fusion, si j'ai bien compris, semblerait en contradiction avec les intérêts économiques d'Euronext et le fonctionnement des plateformes informatiques.
Par conséquent, monsieur le ministre, pouvons-nous encore espérer que la Bourse de Francfort infléchisse sa position afin de trouver un compromis avec Euronext, notamment dans le cadre d'un élargissement des fusions entre les Bourses continentales ?
Dans ce contexte, l'intervention politique tardive du Président Chirac est peut-être due au manque de réactivité des opérateurs administratifs et financiers, qui n'ont pas su le mettre en garde suffisamment tôt. Mme Merkel a également déçu hier, en précisant que ce dossier dépassait le strict cadre politique. Le soutien affiché par le ministre italien de l'économie et des finances à une solution européenne sera-t-il relayé par les acteurs financiers ?
En définitive, monsieur le ministre, pouvons-nous encore agir ? N'est-il pas trop tard ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées de l'UMP. - M. Jean-Pierre Michel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, Euronext est une entreprise européenne rassemblant les sociétés de bourse de quatre grands pays européens. Dans cette activité, il s'agit d'un succès indéniable : nous avons su bâtir une plateforme technologique reconnue comme étant l'une des meilleures au monde, si ce n'est la meilleure.
Vous l'avez rappelé, Euronext fait l'objet depuis quelques mois de sollicitations émanant, d'une part, de Deutsche Börse et, d'autre part, du New York Stock Exchange. Or le conseil d'administration d'Euronext a récemment choisi la solution américaine, signant avec la Bourse de New York une lettre d'intention non liante. Le processus est donc en cours.
Comme le Président de la République l'a déclaré officiellement, la France, lorsqu'elle a les capacités d'agir, en tant qu'actionnaire notamment, est bien entendu toujours favorable à des solutions privilégiant la construction européenne.
Mme Nicole Bricq. Jusqu'où ?
M. Robert Bret. Ce sont les Américains qui mènent le jeu !
M. Thierry Breton, ministre. En l'espèce, il s'agit d'entreprises qui sont totalement indépendantes. Au nom du Gouvernement et au nom des acteurs de la place, j'ai rappelé que quatre éléments étaient dirimants.
Premièrement, la plateforme technologique, qui s'est constituée pour l'essentiel à Paris, doit être sauvegardée et, avec elle, les emplois correspondants.
Deuxièmement, il importe de maintenir une compétition suffisante sur ces marchés, car c'est ce qui garantit les meilleurs prix aux utilisateurs.
Troisièmement, il convient de conserver le système fédéraliste, qui fait la différence d'Euronext et qui permet à l'ensemble des pays concernés, notamment la France, les Pays-Bas et la Belgique, de préserver leurs spécificités et leurs cultures locales.
Quatrièmement, il faut que le système actuel de régulation continue de fonctionner dans ces pays, et ce quelles que soient les évolutions capitalistiques.
En définitive, c'est bien à l'aune de ces quatre principes clés que les projets seront considérés. Aujourd'hui, nous avons fait valoir notre position. Si, à l'image de Deutsche Börse, d'autres projets apparaissent, nous les étudierons bien entendu avec intérêt.
M. Paul Raoult. Les Allemands n'en veulent pas !
M. Thierry Breton, ministre. Pour mémoire, Euronext a été cotée sur les marchés en 2000. À l'époque, la seule phrase que j'ai entendue de la part de ceux qui étaient au pouvoir était : « On verra plus tard ! » (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Courteau. Mais on ne vous a rien dit !
Mme Nicole Bricq. Regardez un peu devant vous, au lieu d'avoir toujours les yeux fixés sur le rétroviseur !
M. Paul Raoult. Les Allemands n'en veulent pas !
M. Thierry Breton, ministre. « On verra plus tard », c'est aussi, hélas, ce que j'entends trop souvent aujourd'hui. Le parti socialiste, qui est en pleine rédaction de son projet pour 2007, devrait cesser de s'interroger constamment sur le coût financier pour justifier son attentisme sur ce sujet ! Oui, on verra plus tard... Et la charge de la dette que tous les Français ont désormais à supporter ? Ce n'est pas comme cela que l'on fait de la politique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Raoult. Baratin !
Mme Raymonde Le Texier. Cela n'a rien à voir !
M. Thierry Breton, ministre. Au contraire, il est grand temps de regarder les réalités en face et de prendre nos responsabilités ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
assurance chômage des intermittents
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Il y aura bientôt trois ans que certains partenaires sociaux minoritaires côté salarié et patronal ont signé un protocole d'accord, au sein de l'UNEDIC, chargé de faire des économies et de supprimer les abus en précarisant la précarité des intermittents du spectacle à qui nous devons, artistes et techniciens mêlés, nos plaisirs artistiques et culturels.
Des manifestations d'ampleur eurent lieu, qui se sont multipliées avec une solidarité non démentie jusqu'à la création d'un comité de suivi regroupant les partenaires sociaux non signataires et des parlementaires de tous bords.
Ce comité rédigea une proposition de loi signée par 471 membres des deux assemblées, dont la majorité des députés, avec l'objectif de le discuter si les négociations n'aboutissaient pas.
Or, ouvertes à l'automne 2005, les négociations ont permis que soit rédigé, mais pas signé, un texte très proche de celui de juin 2003, rejeté, un texte inéquitable, illisible, inefficace, inacceptable, malgré une amélioration à la petite marge, alors même qu'en trois ans le déficit et les abus ont augmenté.
Nous demandons donc selon notre engagement l'inscription de la proposition de loi du comité de suivi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la fin de la session.
D'autres ont pris le même engagement.
Le 30 mars 2005, le ministre de la culture, en réponse à Christian Kert, député du groupe de l'UMP, rapporteur de la mission d'information sur l'intermittence présidée par Dominique Paillé, du groupe de l'UMP, a déclaré, en substance, que, si cette discussion ne reprenait pas, l'État ne resterait pas neutre et que « nous saurions à ce moment-là prendre nos responsabilités ensemble, c'est-à-dire par voie législative ».
Le 24 janvier 2005, lors de la convention UMP sur la culture, Nicolas Sarkozy déclarait ...
M. Jacques Valade. Très bonne référence !
M. Dominique Braye. Excellente !
M. Jack Ralite. « Si la négociation échouait, mais seulement dans ce cas, et nous ne le souhaitons pas, le Parlement devrait prendre ses responsabilités »
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jack Ralite. Et il ajoutait : « Cessons de croire qu'en matière culturelle les déclarations d'intention suffisent (...) Ce n'est pas parce qu'il s'agit de culture que l'on doit se contenter de mots ».
Ces deux membres du Gouvernement ont parlé clair. Les intermittents, ni résignés, ni sectaires, les accepteraient à l'atelier de leur combat pour la culture.
M. André Lardeux. La question ?
M. Jack Ralite. Le comité de suivi, non abusé par les conversations sur portables entre CFDT, MEDEF et ministère de la culture, pour faire croire que la négociation continuerait, et recevant de nombreux courriels sur l'utilité du Parlement, demande au Gouvernement, au ministre de la culture, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur et au ministre de la cohésion sociale notamment, d'en finir avec l'inertie et de décider avec le Président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, d'inscrire notre proposition de loi à l'ordre du jour.
À titre d'information, il y a une niche parlementaire pour l'UMP le 15 juin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert Bret. Aux actes, citoyens !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Pierre Sueur. Et le ministre de la culture ? Il ne dit rien ?
M. Jean-Pierre Michel. Il est muet !
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que c'est en totale communion de pensée avec le ministre de la culture que je vais répondre à votre question. (Sourires.)
Cette dernière s'inscrit au demeurant dans le droit fil des propos qu'avait tenus le Premier ministre, le 12 décembre dernier, devant la Commission nationale de la négociation collective, car il s'agit à la fois d'un régime de solidarité interprofessionelle et d'une action de professionnalisation.
Le régime d'assurance chômage des intermittents est un sujet, vous le savez, à la fois complexe et sensible.
Alors que la négociation portant sur le régime d'assurance chômage s'est conclue début janvier, des négociations sur le régime spécifique des artistes et des techniciens se sont poursuivies et touchent à leur fin.
Aujourd'hui, comme M. Valade le sait,...
M. Didier Boulaud. Il y en a qui sont dans la confidence !
M. Gérard Larcher, ministre délégué....les partenaires sociaux nous ont demandé de vérifier l'articulation de leur action avec celle de l'État.
Il faut donc voir dans le report de la signature non pas un échec de la négociation, mais bien plutôt la traduction des deux questions que les partenaires sociaux posent à l'État.
Pour autant, les deux textes ne sont pas comparables, monsieur Ralite. Le projet soumis à la signature présente un certain nombre d'avancées par rapport au texte de 2003 : je pense à la meilleure prise en compte de la saisonnalité des activités du professionnel du spectacle avec la possibilité d'une référence sur douze mois ; je pense à la mise en place d'une formule de calcul de l'allocation plus incitative à la déclaration, ce qui sert l'intérêt des artistes et des techniciens tout comme l'activité elle-même ; je pense encore aux avancées importantes en matière de protection sociale.
Je tiens à le redire ici : nous faisons confiance aux partenaires sociaux.
M. Jacques Valade. Oui !
M. André Lardeux. Vous avez raison !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cependant, il s'agit aussi d'agir parallèlement pour que les conventions collectives, qui demain vont être le cadre permettant à la professionnalisation de prendre sa totale plénitude, aboutissent avant la fin de l'année : vous savez que c'est une demande unanime de l'ensemble des représentants des intermittents.
C'est ce à quoi nous travaillons, ce qui nous impose aussi de prendre un certain nombre d'engagements pour que le régime des intermittents ne soit pas dévoyé au travers d'autres professions.
Je peux vous assurer que nous faisons confiance aux partenaires sociaux tout en nous préoccupant, comme la réponse que nous apporterons demain le montrera, de l'articulation entre l'accord des partenaires sociaux et l'action de l'État au travers de la pérennisation d'un fonds de solidarité et de professionnalisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Un rapport très inquiétant de la direction centrale des renseignements généraux dresse un constat alarmant sur l'usage des armes en milieu scolaire, autrement dit dans nos écoles, celles de la République française.
Cette étude évoque, pour l'année 2004-2005, une augmentation de plus de 73 %, par rapport à l'année précédente, des violences avec armes dans les écoles !
M. Yannick Bodin. Mais que fait Sarkozy ?
M. Georges Othily. Une telle évolution semble confirmer une réelle tendance. On ne peut que s'interroger avec effroi sur ce que seront les chiffres pour l'année en cours.
Et, quand on rentre dans le détail de cette étude, on n'est guère plus rassuré !
M. Didier Boulaud. Les Français ne sont pas dupes : le sentiment d'insécurité augmente. Lisez les sondages
M. Georges Othily. Des armes à feu ont été signalées dans 13 % des cas recensés - l'année dernière, pas moins de 39 coups de feu ont été tirés dans les enceintes scolaires - des armes blanches dans 36 % des cas. En outre, 51 % des cas recensés sur cette période concernent les armes par destination et, en la matière, l'explosion est manifeste puisqu'on passe de 180 à 341 cas.
Dans leurs étude, les renseignements généraux notent que, si les armes par destination, comme les battes de base-ball, les chiens d'attaque ou encore les chaînes de vélo, tendent à se banaliser, l'augmentation de la présence et de l'usage d'armes à feu à proximité et à l'intérieur des établissements est, elle aussi, préoccupante, révélant une porosité avec la rue.
Une fois de plus, nous constatons que notre école n'est pas à l'abri des maux dont souffre notre société dans son ensemble.
Surtout, ce serait une grave erreur de penser que les quartiers sensibles de la seule région parisienne auraient un monopole, au demeurant un triste monopole, en matière de violences dans les écoles, avec ou sans armes...
Pas plus tard qu'il y a deux jours, en effet, une bande de collégiennes a agressé une élève et la principale d'un collège du centre ville de Marseille.
Et j'ajouterai que l'outre-mer dans son ensemble n'est pas épargné, loin s'en faut.
Le projet de loi sur la prévention de la délinquance actuellement en préparation par les services du ministre de l'intérieur prendra-t-il en compte ce phénomène particulier de la violence dans nos écoles ?
Les auteurs de la note des renseignements généraux préconisent, pour leur part, « un suivi socio-éducatif, psychologique et un encadrement en milieu fermé ». Ils suggèrent également une présence policière dans les établissements les plus sensibles.
M. Charles Pasqua. Et l'armée ?
M. Dominique Braye. Ségolène place Beauvau !
M. Georges Othily. Et d'autres, en effet, n'ont pas hésité à proposer le recours aux militaires...
M. Dominique Braye. Vive la Royal !
M. Didier Boulaud. Vive la marine !
M. Georges Othily. Quelles mesures entendez-vous nous proposer pour mettre à l'abri nos écoles, nos enfants et leurs enseignants ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Othily, vous avez parfaitement raison : la violence en milieu scolaire est une réalité qu'aujourd'hui plus personne ne peut nier.
Pour lutter contre ce phénomène beaucoup a déjà été fait.
M. Didier Boulaud. Cela se voit..., surtout chez moi !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. D'abord, dans chaque commissariat de police, ou dans chaque brigade de gendarmerie, des correspondants locaux ont été mis en place.
M. Didier Boulaud. Les commissariats de proximité ferment à cinq heures de l'après-midi !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Ensuite, nous avons multiplié les contrôles aux abords des établissements scolaires : c'est ce que fait Nicolas Sarkozy et ce que faisait hier Dominique de Villepin, lorsqu'il était lui-même ministre de l'intérieur.
M. Jacques Mahéas. Et ils ont supprimé les emplois-jeunes...
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Aujourd'hui, le ministre de l'intérieur a donné des instructions extrêmement claires aux forces de l'ordre pour qu'elles travaillent en étroite coordination avec l'ensemble des services du ministère de l'éducation nationale.
Chaque fois que la communauté éducative le demande, des policiers ou des gendarmes peuvent être présents dans les établissements pour mieux prévenir, dissuader ou réprimer.
M. Charles Gautier. Encore faudrait-il avoir des policiers...
M. Didier Boulaud. Oui, il faudrait déjà en avoir !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. C'est pour atteindre ce même objectif que nous proposons de mettre en place, très sereinement, très calmement et sans polémique, un système de détection précoce des comportements agressifs avec le plan de prévention de la délinquance auquel vous faisiez allusion.
M. Jacques Mahéas. Dès la maternelle ?
Mme Nicole Bricq. Dès la crèche !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. C'est aussi parce que nous voulons proposer des mesures concrètes que nous entendons lutter contre l'absentéisme scolaire, y compris en ayant recours à la mise sous tutelle des allocations familiales, mesurer qui semble devoir être désormais acceptée sur toutes les travées de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Vous demandiez leur suppression : relisez le programme !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Mais la première mesure de prévention reste la certitude de la sanction.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Nous savons tous que l'ordonnance de 1945 n'est plus adaptée et que nous avons laissé se développer, chez beaucoup de mineurs, un sentiment d'impunité dont les conséquences se révèlent aujourd'hui désastreuses.
Voilà pourquoi, monsieur le sénateur, nous proposons effectivement de réformer ce texte en nous fondant sur deux grands principes : d'abord, la diversification des réponses pour en garantir l'efficacité, ensuite, la rapidité de l'action judiciaire.
Mme Raymonde Le Texier. Et avec quels moyens ?
M. Didier Boulaud. Les Français ne vous croient pas : ils ont peur !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je vous le dis très clairement, monsieur Othily : les mineurs doivent avoir droit au respect, au même respect, à la sécurité, à la même sécurité...
M. Jacques Mahéas. Et surtout à l'éducation !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...que l'ensemble des adultes ! (Bravo et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Didier Boulaud. Les sondages BVA ne vous sont pas très favorables. Relisez-les !
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Après le Cher, le Morbihan ! Nous sommes avertis qu'une rave party géante se tiendra dans les prochains jours, dans notre département, qui rassemblera au moins 50 000 participants.
Le préfet du Morbihan a été chargé de trouver un site pour accueillir le technival.
M. Jean-Pierre Michel. Le parc du château de Rohan !
M. Josselin de Rohan. Le préfet a orienté ses recherches vers les communes du centre du Morbihan.
Je voudrais me faire l'écho de l'émotion et de l'inquiétude des élus et des agriculteurs des cantons sur le territoire desquels le technival pourrait se dérouler.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Josselin de Rohan. Ces rassemblements, par leur ampleur, comme on l'a vu dans le Cher, occasionnent des dégâts considérables sur les territoires agricoles et affectent aussi bien les cultures que les cheptels.
M. Rémy Pointereau. Oui !
M. Josselin de Rohan. Pour les riverains, les nuisances sonores sont très perturbantes ; de même que les déchets, résidus de ces manifestations.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Josselin de Rohan. Ces rassemblements, que les élus locaux sont dans l'incapacité de contrôler,...
M. Dominique Braye. Pas plus que l'État !
M. Josselin de Rohan. ... donnent lieu à des débordements et à des violences, car ce sont des supermarchés de la drogue et de l'alcool qui mettent en danger la santé des participants.
M. Dominique Braye. Et on laisse faire...
M. Josselin de Rohan. Si les pouvoirs publics considèrent que des rave parties encadrées sont un moindre mal par rapport aux rave parties sauvages, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner l'assurance que le technival ne sera en aucune mesure organisé sur des terrains agricoles, sur des sites protégés, ou en bordure des agglomérations ?
Par ailleurs, compte tenu de tous les désordres et dangers occasionnés par ces technivals, que ce soit sur des terrains privés ou même sur des terrains publics, se pose la question de savoir s'il faut réellement autoriser ou légaliser ces très inquiétants rassemblements qui troublent l'ordre public.
Soit dit entre nous, mes chers collègues, qui parmi vous serait heureux de voir ses enfants ou petits-enfants participer à de telles réunions ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Dominique Braye. Très bonne question !
M. Jacques Mahéas. À Montfermeil, ce sont les rassemblements de trois personnes qui sont interdits !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Pierre Michel. Encore ?
Mme Hélène Luc. Où est Sarkozy ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur de Rohan, vous relayez avec beaucoup de conviction une préoccupation qui est naturellement largement partagée par la population concernée, par les élus locaux et par les agriculteurs.
M. Dominique Braye. Unanimement partagée !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'ai cru comprendre que, comme moi, vous ne fréquentiez pas régulièrement les rassemblements de type « technival ». Je ne vous le reproche pas ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Quoi qu'il en soit, ni vous ni moi ne pouvons nier une réalité : aujourd'hui, 300 000 jeunes adultes sont intéressés et mobilisés par ce type de rassemblement.
M. Dominique Braye. On les favorise !
M. Alain Gournac. Faites-les surveiller par l'armée !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Fallait-il nier la réalité de ce phénomène ? Fallait-il cultiver l'illusion ?
Bref, fallait-il, comme auparavant, laisser l'État se désintéresser, ne pas assumer ses responsabilités...
M. Jacques Mahéas. C'est lamentable !
M. Dominique Braye. Et tout cela pour que les drogués puissent fumer !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...et abandonner aux élus locaux la gestion de cette question ? Selon moi, ce n'est pas la bonne solution. C'est pourquoi le Gouvernement s'est saisi du dossier. Un dialogue a été engagé avec des responsables, qui ne sont d'ailleurs pas faciles à trouver.
M. Didier Boulaud. Vous nous avez déjà promis des miracles en ce qui concerne les gens du voyage !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. MM. Pointereau et Vinçon le savent bien, eux qui ont accueilli le 1er mai dernier 80 000 jeunes adultes lors du technival qui s'est déroulé dans le département du Cher.
Aujourd'hui, des mesures relatives à l'organisation de telles manifestations sont prises. Dans chaque département concerné, des médiateurs étudient le dossier et préconisent les mesures adéquates pour que l'État assume ses responsabilités.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de soulever un second problème : où organiser les technivals ?
M. Dominique Braye. Dans le Puy-de-Dôme !
M. Robert Bret. Dans le château de Rohan !
M. Didier Boulaud. À Neuilly-sur-Seine !
M. Dominique Braye. Dans les Charentes !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Lorsque des terrains domaniaux sont disponibles, il faut naturellement les utiliser autant que faire se peut. Je pense en premier lieu aux terrains militaires.
Pour répondre concrètement à la question que vous m'avez posée, monsieur de Rohan, le prochain technival qui se tiendra à la fin de ce mois dans le département du Morbihan sera organisé sur une partie de l'aérodrome de Vannes-Meucon, un ancien terrain militaire très bien adapté.
L'État s'engage à préserver les lieux, à indemniser si cela s'avère nécessaire...
M. Dominique Braye. Ce serait bien la première fois !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...et à assurer une réelle remise en état.
Soyez également certain que le Gouvernement est totalement déterminé à préserver l'intégrité du site et des infrastructures et à sécuriser les abords du terrain et la ville de Vannes.
M. Dominique Braye. Ce serait bien la première fois, aussi !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Si certains ont d'autres idées, qu'ils n'hésitent pas à nous les communiquer, mais, pour le moment, on entend trop de « Yaka » et de « Faucon ». Soyons lucides et sérieux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
hôpitaux publics en milieu rural
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Jacqueline Alquier. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Dans son fonctionnement, l'hôpital public est confronté à des contraintes économiques et réglementaires de plus en plus importantes et le plan « Hôpital 2007 », mis en oeuvre depuis 2003, ne fait qu'aggraver la situation en apportant des réponses fondées uniquement sur une logique financière.
Alors que les besoins sont en constante évolution, du fait du vieillissement de la population, des exigences accrues de sécurité et de qualité des soins, de l'accélération du progrès médical, les budgets se réduisent. En proposant de regrouper les activités en pôles pour accroître la rentabilité et en condamnant les activités non rentables, c'est encore une fois le service public que l'on remet en cause.
D'ores et déjà, la tarification à l'activité, dite « T2A », révèle les effets pervers que l'on craignait. Les budgets sont insuffisants et, à terme, nous devrons faire face à une dégradation de la qualité des soins et à une sélection des patients.
Ainsi, depuis la réforme, la majorité des hôpitaux sont endettés. Et quand on parle de déficit, on vise non pas un défaut de gestion mais bien le résultat d'un désengagement de l'État vis-à-vis de l'hôpital public, cet hôpital public qui risque, à terme, de disparaître de nombreux territoires.
C'est la situation que risque de connaître l'hôpital de Lavaur, dans le Tarn, comme des dizaines d'autres hôpitaux de proximité, à la suite des préconisations du rapport Vallancien, qui est bien révélateur de l'orientation de la politique de santé du Gouvernement. En effet, loin de respecter et d'encourager les missions historiques de l'hôpital public, il ne met en avant que la rentabilité et la productivité, alors qu'il faudrait parler d'accueil pour tous, d'égalité d'accès aux soins, de solidarité et de qualité.
On l'a déjà dit : le service public est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas.
Aujourd'hui, si les petits hôpitaux sont menacés, il en est de même de la cohésion sociale des territoires. Supprimer un hôpital revient à décourager l'installation de médecins libéraux et donc à rendre difficile l'accès aux soins pour toute une partie de la population.
On nous rassure en nous promettant que non, ce n'est pas l'hôpital qui fermera, mais seulement le service chirurgical, pour faire des économies. Or on sait bien que, si la chirurgie disparaît, inexorablement, la médecine et l'obstétrique vont suivre. On ne pourra plus alors parler d'hôpital.
La situation est d'autant plus aberrante et significative d'une dérive libérale incohérente qu'à Lavaur, ville située à l'ouest du département du Tarn, le bassin de vie est en pleine expansion démographique ; l'établissement hospitalier offre toutes les garanties de sécurité et toutes ses activités sont en progression, à la grande satisfaction des usagers. Alors, monsieur le ministre, comment peut-on envisager la fermeture de services face à une telle situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame le sénateur, je comprends que vous vous tourniez vers le Gouvernement pour parler de l'avenir des hôpitaux de proximité parce que, il est vrai, quand on ouvre le projet du parti socialiste, on n'y trouve rien sur les hôpitaux de proximité ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Il n'y a rien sur rien du tout !
M. Yannick Bodin. Mais répondez plutôt à la question !
M. Didier Boulaud. Et le déficit de la sécurité sociale ?
M. Yannick Bodin. Répondez à la question !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce projet, c'est, en définitive, beaucoup de bruit pour rien ! On n'y fait qu'enfoncer des portes ouvertes. Ce n'est pas cela qu'attendent les Français !
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Didier Boulaud. Voyez le déficit de la sécurité sociale !
M. Jacques Mahéas. C'est honteux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, ce ne sont pas les moyens qui manquent pour les hôpitaux de proximité et pour l'hôpital en général, madame le sénateur. Certes, vous n'avez peut-être pas voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais, d'ici à la fin de cette année, 2 milliards d'euros supplémentaires seront consacrés aux hôpitaux par rapport à la fin de l'année 2005.
M. René-Pierre Signé. Propos scandaleux !
M. Didier Boulaud. Vous avez mis la sécurité sociale en déficit !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne sais pas si cette vérité vous dérange ; en tout cas, elle est de nature à donner confiance au personnel hospitalier.
Pour ce qui concerne les hôpitaux de proximité, il faut remettre les choses à leur place.
M. Didier Boulaud. Vous n'avez pas lu le programme !
M. Xavier Bertrand, ministre. Que l'intervention chirurgicale ait lieu à cinq kilomètres ou à cinquante kilomètres du domicile du patient, elle sera toujours prise en charge par la sécurité sociale.
Et la fermeture d'un service chirurgical n'apporte aucune économie.
M. René-Pierre Signé. Et l'entourage du malade ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà pourquoi point n'est besoin de fermer tel ou tel bloc pour réussir la réforme de l'assurance maladie. Si cette dernière n'avait pas été engagée, le déficit se serait élevé à 16 milliards d'euros à la fin de l'année 2005. Or il atteindra 6 milliards d'euros à la fin de cette année.
La seule considération qui me guide, et qui devrait guider les parlementaires et tous les élus locaux, est la recherche de la sécurité et de la qualité des soins. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Et pas la démagogie !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous savez pertinemment qu'on ne joue pas avec la sécurité des actes. En tout état de cause, le rapport Vallancien existe. Pour ce qui me concerne, j'examine la situation établissement par établissement. Contrairement à vous, je n'ai pas besoin de chercher à faire peur. Les personnels hospitaliers savent que, s'ils veulent avoir confiance, c'est vers nous qu'ils doivent se tourner ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Didier Boulaud. Venez donc leur dire chez nous ! C'est trop facile de le dire ici !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues !
M. Jacques Mahéas. Mais c'est de la provocation !
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous savons que la situation de l'emploi des seniors est de plus en plus préoccupante et représente une particularité dans la lutte que nous devons mener pour l'emploi.
M. Jean-Pierre Sueur. Si ce n'est pas une question téléphonée...
M. Gérard César. Les embellies que nous connaissons actuellement sur le plan de l'emploi, grâce à la politique menée par le Gouvernement, ne sont pas aussi significatives en matière d'emploi des seniors. Cette situation a des conséquences néfastes sur les comptes sociaux et engendre un gâchis de compétences très préjudiciable.
En raison des politiques menées depuis plus de vingt ans et des recours massifs aux mesures d'âge, la France se distingue de ses partenaires européens par un taux d'emploi des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans inférieur de trois points au taux moyen de l'Union européenne. Ces politiques soutenues par l'État, par les entreprises et par les partenaires sociaux, consistant à développer l'emploi des jeunes au détriment de celui des salariés âgés, ont échoué. Aujourd'hui, les seniors doivent retrouver toute leur place dans l'économie.
Aux termes d'un récent rapport de l'OCDE, sans changement de la situation au regard du travail et de la retraite, en 2050, la proportion d'inactifs âgés atteindra un peu plus de 70 %, alors qu'elle s'élevait à environ 38 % en 2000, soit un quasi-doublement
Certains pays, telle la Finlande, ont réussi à inverser cette tendance grâce à l'action de l'ensemble des partenaires sociaux et à la mise en oeuvre d'un plan national. Nous devons tirer parti de cet exemple.
Nous devons réagir face à cette situation et assurer tant le maintien dans l'emploi des seniors, grâce à la formation et à la validation des acquis de l'expérience, que le retour à l'emploi et instaurer des aménagements de fin de carrière, comme la possibilité de cumuler un salaire et une pension de retraite.
M. René-Pierre Signé. Ce sont les socialistes qui l'ont dit !
M. Gérard César. Nous devons également nous interroger sur la contribution Delalande et sur ses paradoxes.
Nous devons changer l'image des seniors dans l'entreprise, valoriser leurs savoir-faire et la transmission des compétences. Nombre d'entre eux ont l'envie et l'énergie nécessaires pour s'engager dans une entreprise au service d'un projet.
Conformément à la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, ces questions ont fait l'objet de concertations et de négociations avec les partenaires sociaux ; leurs propositions ont abouti à un accord à la fin de l'année 2005, accord qui a montré la volonté de tous d'élaborer des solutions concrètes.
Monsieur le ministre délégué, le Gouvernement vient de présenter un plan en faveur de l'emploi des seniors qui met en oeuvre l'accord signé par les partenaires sociaux, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Pouvez-vous nous préciser les objectifs que vous vous êtes fixés, les principales mesures de ce plan et son calendrier ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, cette majorité et le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin ont eu le courage de conduire la réforme des retraites.
M. Didier Boulaud. C'est réussi !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le conseil d'orientation des retraites nous a permis de prendre conscience de l'erreur qu'a commise la France en croyant, pendant très longtemps, qu'il suffisait, par le recours à des plans sociaux, de mettre les seniors à la retraite à partir de cinquante ans pour favoriser l'emploi des jeunes.
Ce paradoxe a conduit notre pays à devoir faire face à un formidable échec social.
M. René-Pierre Signé. Et l'échec, vous connaissez !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ainsi, la France est le pays qui intègre le moins vite les jeunes dans le monde du travail et qui en exclut le plus rapidement les hommes et les femmes âgés de plus de cinquante ans. Aujourd'hui, le taux d'activité des seniors s'établit à 37 % alors qu'il s'élevait à 34 % en 2002. L'objectif du Gouvernement est qu'il atteigne 50 %, conformément aux engagements que la France a pris en 2001 à Stockholm.
M. Jean-Pierre Michel. Bientôt le CVE : contrat vieille embauche !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour ce faire, les partenaires sociaux ont négocié un accord interprofessionnel qui vise à maintenir les seniors dans l'emploi. Il nous a conduits à reconnaître - véritable révolution culturelle - que les seniors, de par leur expérience, constituent une chance pour notre pays.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Sur la base de cet accord, le Gouvernement a décliné un plan d'action. À ce propos, je veux remercier M. Dominique Leclerc qui, en sa qualité de membre de la commission des affaires sociales, a particulièrement contribué à la préparation de ce plan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, comment maintenir les seniors dans l'emploi ? Il convient tout d'abord de se préoccuper du salarié tout au long de sa vie.
Qui a mis en place le droit individuel à la formation ?
M. René-Pierre Signé. Ce sont les socialistes !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est cette majorité !
Qui, demain, va instituer le bilan de carrière, à mi-étape, avant quarante-cinq ans ?
M. Jean-Pierre Michel. Et les embauches, dans tout cela ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Force est de constater que certains postes pénibles nécessitent un aménagement de carrière afin d'éviter à des hommes ou des femmes de cinquante ans d'être littéralement usés.
Par ailleurs, comment ramener vers l'emploi ceux qui en recherchent un désespérément après cinquante ans ? Ainsi, après cinquante-cinq ans, les cadres mettent beaucoup de temps pour retrouver un emploi. Il suffit tout simplement de mettre en place les dispositifs de contrats aidés, qui doivent devenir la priorité du service public de l'emploi, et de mettre en oeuvre les mesures décidées par les partenaires sociaux.
Notons le contrat à durée déterminée de dix-huit mois renouvelable pour les personnes âgées de plus de cinquante-sept ans ou encore la suppression progressive de la contribution Delalande. Cette contribution, motivée par une excellente intention, s'est paradoxalement révélée être un frein au retour à l'emploi. Il convient également d'aménager les fins de carrières et d'appliquer une telle politique en concertation avec les partenaires sociaux, par le biais d'un groupe de suivi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, ce gouvernement, en favorisant le dialogue social, en ayant eu le courage d'affronter la réalité du vieillissement de la population de notre pays et de protéger ses régimes sociaux comme son modèle social, a contribué à faire en sorte que les valeurs socle de la République soient préservées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Le tabac tue 60 000 Français par an, mais ne pas fumer tue aussi : le tabagisme passif est responsable de plus de 3 000 décès par an dans notre pays, soit presque autant que les accidents de la route !
L'Organisation mondiale de la santé et l'Inspection générale des affaires sociales, pour ne citer que ces deux organismes, ne cessent de répéter que « le tabagisme passif est nocif et mortel ».
En matière de santé publique comme sur d'autres sujets, le Gouvernement se trouve en décalage avec les évolutions de la société. L'enjeu n'est pas de contraindre nos concitoyens : ils sont déjà convaincus de la nécessité d'interdire de fumer dans tous les lieux clos de travail ou les lieux publics. D'après l'Alliance contre le tabac, 80 % des Français adhèrent à cette idée, à cette évolution, y compris, désormais, certains représentants de l'hôtellerie et de la restauration.
S'agissant des buralistes, je me réjouis de l'expérience lancée en Côte-d'Or qui consiste à vendre des préservatifs dans les bureaux de tabac. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Vous conviendrez, mes chers collègues, qu'il est tout de même préférable de vendre du plaisir plutôt que du poison !
Monsieur le ministre, de l'étranger, la France apparaît comme la lanterne rouge en matière de lutte contre le tabagisme. Alors que, depuis quelques années, on respire mieux dans de nombreux États de l'Union européenne, à savoir en Irlande, en Norvège, à Malte et en Espagne, ainsi que, plus récemment, de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec, la loi Évin, qui constituait un élément innovant, fondamental, de la politique socialiste de santé, n'est pas pleinement appliquée. Plutôt que de lire le projet socialiste, vous feriez mieux de vous occuper de la mise en oeuvre de la politique de santé ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Ce n'est déjà pas mal !
M. Didier Boulaud. De toutes les façons, il ne l'a pas lu, le programme !
M. Richard Yung. Le véritable obstacle est donc de nature politique.
On se souvient que le groupe UMP de l'Assemblée nationale a lamentablement rejeté une proposition de loi de M. Yves Bur, pourtant député UMP, et a bien évidemment refusé de discuter la proposition de loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme du groupe socialiste.
En refusant d'agir rapidement, monsieur le ministre, en refusant d'admettre que la lutte contre le tabagisme passif est nécessaire, vous confirmez votre manque de courage politique. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !
M. Richard Yung. J'espère que cette législation nécessaire ne sera pas une victime supplémentaire et collatérale du CPE...
M. Jacques Mahéas. Et l'amnistie ?
M. Richard Yung. ... et que vous saurez vous inspirer des orientations fortes contenues dans le projet socialiste.
M. le président. Veuillez poser votre question !
M. Richard Yung. Ma question est la suivante : quand donc le Parlement pourra-t-il enfin débattre du principe de l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics et sur le lieu de travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur, il y a un point sur lequel nous serons d'accord, c'est que cela ne sert à rien de chercher dans le projet socialiste quoi que ce soit en la matière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Nous allons donc gagner du temps en allant au fond des choses. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Didier Boulaud. Vous ne l'avez pas lu !
M. Xavier Bertrand, ministre. D'ailleurs, comme vous l'avez dit, ce projet n'est certainement pas ce qui convient pour les Français et pour la France. Sur ce point également, nous pourrons certainement nous retrouver.
S'agissant du tabac, deux chiffres sont indiscutables : chaque année, 66 000 personnes décèdent du tabac, et 5 000 d'entre elles décèdent à cause du tabac alors qu'elles ne fument pas. Il faut tout dire, monsieur le sénateur : l'on peut être victime passive du tabac non seulement dans les lieux publics, mais aussi à son domicile. Passer sa vie à côté d'un fumeur fait de vous également une victime du tabac.
Le Gouvernement s'est fixé une priorité de santé publique : faire reculer le tabagisme passif. Il entend articuler cette action autour de trois idées.
Tout d'abord, il faut savoir mettre un terme à la cohabitation forcée entre les fumeurs et les non-fumeurs.
M. René-Pierre Signé. Divorcez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ensuite, il est impératif - l'urgence se fait sentir depuis la décision de juin 2005 de la Cour de cassation - de protéger les salariés exposés au tabac.
Enfin, se pose une question qui n'a été ni abordée ni étudiée dans les pays que vous avez cités : que pouvons-nous mettre en place de plus imaginatif et de plus efficace pour aider les fumeurs à s'arrêter de fumer ? Les dispositifs destinés à les aider à s'arrêter de fumer doivent-ils être pris en charge ou doivent-ils en assumer eux-mêmes le coût ?
Le débat qui vient de s'ouvrir, à la demande de M. le Premier ministre, intéresse les Français : depuis la semaine dernière, plus de 35 000 personnes sont allées sur le site Forum.gouv.fr et plus de 6 000 personnes ont apporté leur contribution concrète.
Comme vous l'avez dit, la loi Evin n'est pas appliquée, et ce parce qu'elle n'est pas applicable : à l'époque, les décrets d'application n'ont jamais été travaillés suffisamment sérieusement.
Je prends un exemple : dans certains restaurants, l'espace fumeur est en bas, l'espace non-fumeur à l'étage, et la fumée monte. Est-ce cela que vous aviez voulu ? Je ne le pense pas.
Voilà pourquoi, aujourd'hui, le statu quo n'est plus possible.
M. Didier Boulaud. Qu'avez-vous fait depuis quatre ans ? Vous n'avez qu'à faire appliquer la loi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Président de la République l'a très clairement indiqué : une décision sera prise avant la fin de l'année, mais j'estime que le rôle du politique ne se borne pas à annoncer des décisions...
M. Didier Boulaud. Faites déjà respecter celles qui ont été prises !
M. Xavier Bertrand, ministre. ... et, ce qui m'importe, c'est de procéder à la plus large concertation possible pour que l'application des mesures soit efficace.
Cette priorité de santé publique s'impose à tous. Nous serons au rendez-vous de nos responsabilités, le Président de la République l'a dit. En tout état de cause, débattre de ce sujet n'est certainement pas une perte de temps si, à terme, les décisions prises sont enfin appliquées de façon efficace. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Raoult. Vous êtes là depuis quatre ans !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales et concerne les gens du voyage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Là aussi, on avait eu des promesses ! On attend les résultats !
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre délégué, mon propos n'est pas, ici, de juger un mode de vie aussi respectable qu'un autre. Je le respecte et nous devons le respecter. En retour, les intéressés doivent eux aussi respecter les règles de notre République.
Cependant, nos concitoyens s'interrogent, notamment, sur le train de vie d'un certain nombre de nomades, qui est sans rapport avec leur niveau d'imposition, lorsque, toutefois, ils sont imposés.
Il est temps, les concernant, d'élaborer un dispositif de contrôle et de transparence fiscal, comme il en existe pour tout citoyen.
Je souhaite concentrer mon propos sur le problème précis du stationnement des gens du voyage sur le territoire de nos communes, du respect de la loi et des moyens dont nous disposons pour y parvenir.
M. Didier Boulaud. Cela devait être réglé en 2002 ! Vous en aviez fait l'un des fondements de votre campagne ! ! On attend toujours !
M. Jean-Claude Carle. Je tiens à saluer l'action menée par notre collègue M. Pierre Hérisson, président de la commission nationale des gens du voyage.
De nombreuses communes sont confrontées à leur stationnement hors des aires prévues à cet effet par la loi.
Trop fréquemment, et malgré un arrêté d'interdiction du maire pris conformément à la loi, les gens du voyage refusent de stationner sur ces aires aménagées à leur intention.
Nos concitoyens vivent cela comme une véritable insulte compte tenu des efforts financiers qu'ils ont consentis, sans compter que ce stationnement illégal s'accompagne trop souvent de dégradations des propriétés publiques ou privées et de désagréments pour nos administrés, puisque les gens du voyage occupent souvent les terrains sportifs, pour ne citer que cet exemple, ce au détriment des activités locales.
Il est temps de lutter contre cet état de fait, qui laisse les maires démunis.
M. Didier Boulaud. Absolument !
M. Jean-Claude Carle. Certes, depuis le début de la législature, nous avons adopté un arsenal législatif plus efficace.
M. Didier Boulaud. La police a la trouille !
M. Jean-Claude Carle. J'ai moi-même été à l'initiative d'une procédure tendant à prévoir que l'ordonnance de référé prise à l'encontre de certaines des personnes illégalement présentes sur un terrain vaut ordonnance sur requête à l'encontre de tous les occupants, afin que l'expulsion soit possible sans avoir à recueillir la totalité des identités.
Cependant, la véritable faille du système réside dans la longueur de la procédure d'expulsion, qu'il convient d'accélérer.
M. Didier Boulaud. C'est du baratin !
M. Jean-Claude Carle. Les maires qui ont financé une aire d'accueil doivent pouvoir obtenir en urgence et de manière automatique l'expulsion des gens du voyage installés illégalement sur d'autres terrains publics ou privés du ressort de leur commune.
Le recours à un huissier est obligatoire et la décision judiciaire est prise souvent de nombreux jours après l'installation illégale.
M. Didier Boulaud. Dans ma commune, les policiers ne mettent même plus leur képi !
M. Jean-Claude Carle. Une fois la décision de justice prononcée, le préfet accorde rarement l'emploi de la force publique pour procéder à l'exécution de la mesure. Lorsque, enfin, la procédure arrive à son terme, le plus souvent, les gens du voyage sont sur un nouveau site, et le nouveau maire concerné recommencera une procédure identique, tandis que, dans le même temps, un nouveau groupement s'installera sur le terrain à peine libéré.
M. le président. Veuillez maintenant poser votre question, mon cher collègue.
M. Jean-Claude Carle. Ma question est donc simple, monsieur le ministre délégué : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour assurer l'effectivité de l'arrêté d'expulsion du maire ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Il n'a rien fait d'autre que parler depuis quatre ans ! Voilà les promesses de Sarkozy !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je m'adresserai également aux maires de votre département qui sont, actuellement, dans les tribunes. (Exclamations amicales sur les travées de l'UMP.)
Vous avez raison de soulever cette question, tant le système issu de la loi Besson de juillet 2000 ne donne à l'évidence pas satisfaction.
M. Robert Bret. Loi modifiée par Sarkozy !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. La preuve en est d'ailleurs qu'aujourd'hui seules 8 000 places sont disponibles, tout simplement parce qu'il s'est révélé trop coûteux d'en créer d'autres. Ainsi, faute de capacités d'accueil suffisantes, les gens du voyage multiplient les occupations illicites de terrains publics ou privés.
Pour remédier à cette situation, M. Nicolas Sarkozy a courageusement décidé de faire sauter deux verrous.
M. Jacques Mahéas. C'est la levée des écrous !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il a, tout d'abord, décidé d'abroger une circulaire de 2001 qui avait été prise par le gouvernement Jospin et qui imposait aux communes des normes techniques tout à fait excessives pour la réalisation des aires d'accueil.
Je vous livre un chiffre intéressant : si ces normes techniques étaient respectées, chaque aire d'accueil coûterait en réalité aujourd'hui 23 000 euros.
M. Jacques Mahéas. Comme le prix du terrain à Paris !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. C'est là un coût beaucoup trop élevé.
Il faut donc revenir à un peu de bon sens, monsieur Mahéas, car il est totalement contre-productif d'afficher de bonnes intentions dès lors que celles-ci sont totalement irréalisables.
M. Didier Boulaud. Depuis 2002, qu'avez-vous fait ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il ne s'agit pas de demander aux communes de notre pays de financer des aires d'accueil luxueuses et paysagères. Je souligne simplement que plus les normes sont ambitieuses, moins elles ont de chances d'être respectées.
Le Gouvernement veut sortir de ce cercle vicieux. À cette fin, MM. Nicolas Sarkozy et Jean-Louis Borloo vont adresser dans les tout prochains jours aux préfets des instructions très fermes.
M. Didier Boulaud. Nous voilà sauvés !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Vous avez raison de le dire : les aires d'accueil doivent être simples et décentes.
Par ailleurs, je vous l'annonce, monsieur le sénateur, car je sais que cela vous préoccupe : M. Nicolas Sarkozy propose une réforme législative pour rendre plus efficace cette procédure d'évacuation que vous avez, à juste titre, dénoncée comme étant inapplicable, parce que beaucoup trop lente.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est le Gouvernement qui est lent !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Effectivement, la procédure est beaucoup trop lente et paralyse les initiatives.
M. Didier Boulaud. Personne n'ose y aller ! Tout le monde a la trouille !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il est donc impossible de faire évacuer les terrains occupés illégalement.
Nous proposons d'en finir avec ces procédures absurdes. Désormais, le préfet, saisi par le maire ou par le propriétaire, pourra directement décider et ordonner l'évacuation d'un terrain occupé d'une manière illicite par les gens du voyage.
M. Didier Boulaud. Il faudra les caméras et les caméscopes !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Lorsque l'occupation porte atteinte à la salubrité et à la sécurité publiques, le préfet mettra en demeure les gens du voyage de quitter le terrain. Ce que le Gouvernement propose est donc tout à la fois très simple, moins onéreux et plus efficace que ce qui est prévu actuellement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
traitement des déchets en guadeloupe
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Dans le cadre des contrats de plan 2000-2006, la politique européenne très forte soutenue par la France a voulu faire de l'environnement l'axe le plus important du développement.
Si le Gouvernement a mené une politique très ferme dans le domaine du logement, en soutenant la réhabilitation des quartiers insalubres par des participations à 100 %, il n'en reste pas moins que le problème du traitement des déchets ménagers se pose avec acuité dans mon département.
Le retard pris dans ce domaine a des conséquences tout à fait dommageables sur l'image de nos régions d'outre-mer, dont la vocation principale est le tourisme. Les décharges sauvages prolifèrent. Mieux : les deux décharges contrôlées existantes, l'une dans la région des Abymes, l'autre dans la région de Basse-Terre, à Baillif, sont régulièrement le théâtre d'incendies sauvages, avec des émanations de biogaz. Voilà bien une violation flagrante de l'arrêté du 9 septembre 1997, censé régler le problème des décharges.
Un projet de plan d'élimination des déchets avait été élaboré : il est actuellement bloqué, en l'absence de volonté politique. Or, si le traitement des déchets ménagers relève de la compétence des collectivités locales, il est aussi de la responsabilité de l'État, car le problème se pose très vite en termes de santé publique.
Vous le savez, madame la ministre, nos régions sont affectées par la dengue, parfois sous sa forme hémorragique. Allons-nous attendre que la situation se dégrade autant qu'à la Réunion avec le chikungunya pour régler des problèmes récurrents, qui frappent de façon permanente et inadmissible une portion du territoire français ?
Aussi je vous demande, madame la ministre, quelles instructions le Gouvernement entend donner à MM. les préfets pour remédier à une situation inacceptable dans un département français.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame le sénateur, vous avez raison, le traitement des déchets pose un problème tout à fait essentiel pour la qualité de vie de nos concitoyens.
M. Didier Boulaud. Et c'est parti !...
Mme Nelly Olin, ministre. Je me suis rendue récemment à la Réunion où j'ai pu inspecter in situ des décharges illégales.
J'ai malheureusement constaté un état de catastrophe sanitaire, mais aussi écologique. Des instructions ont été données aux préfets pour que toutes les décharges illégales soient fermées au plus tard à la fin de l'année 2007. Il faut savoir que ces sites sont vecteurs de maladies, telles que le chikungunya ou la dengue.
Par conséquent, dès que le département de la Guadeloupe aura adopté son plan d'élimination des déchets, puisqu'il relève de la compétence du conseil général, je peux vous assurer que l'État sera prêt à accompagner ces dispositifs afin de recréer effectivement des conditions sanitaires normales et d'épargner aux populations le spectacle de ces immondices qui s'entassent sous leurs fenêtres ou dans les rues. Vous l'avez d'ailleurs très bien dit, l'image qui en résulte est extrêmement négative pour le tourisme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Dominique Braye, Pierre Jarlier, Mmes Valérie Létard et Adeline Gousseau, MM. Thierry Repentin et Jean-Pierre Caffet.
Suppléants : MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Pierre Hérisson, Dominique Mortemousque et Daniel Raoul.
7
Immigration et intégration
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des articles du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.
Article 5 (suite)
Mme la présidente. Nous en sommes parvenus aux explications de vote et au vote sur les amendements à l'article 5 ; leurs auteurs les ont présentés ce matin et la commission ainsi que le Gouvernement se sont exprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques de suppression nos 151 et 285.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre délégué, il est dit, à l'article 5, que « la délivrance de la première carte de résident est subordonnée à l'intégration de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française ».
Il est en outre précisé que le maire de la commune de résidence sera saisi pour avis sur ce point. Or, pour avoir exercé pendant douze ans les fonctions de maire, je suis extrêmement dubitatif, encore que le mot soit faible, devant cette idée de solliciter à cet égard l'avis des maires.
En effet, comment fonderont-ils leur avis, monsieur le ministre délégué ? Une commune peut compter des milliers, des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers d'habitants. Si je comprends bien, un maire devra donc contrôler le respect par les candidats à une première carte de résident des principes qui régissent la République française, c'est-à-dire qu'il devra vérifier que les personnes concernées respectent le principe d'égalité, le principe de liberté, le principe de fraternité, le principe de laïcité...
Monsieur le ministre délégué, comment cela va-t-il se passer en pratique ? Il faut être objectif : le maire, ou telle ou telle autre autorité publique, d'ailleurs, peut certes indiquer que la personne a commis un délit ou un crime, qu'elle s'est rendue coupable d'une infraction, mais, au-delà, devra-t-il se rendre à son domicile pour vérifier sur place qu'elle respecte les principes que j'ai rappelés ? Comment le maire procédera-t-il ?
Je ne souhaite pas que l'on en arrive là, mais, pour se forger une opinion, le maire devra nécessairement pénétrer dans la vie privée des intéressés, faire procéder à un certain nombre d'enquêtes sur leur vie afin de déterminer s'ils se comportent conformément aux principes d'égalité, de liberté, de fraternité et de laïcité à l'égard de leur conjoint, de leurs enfants, de leurs collègues de travail, de leurs voisins ...
Cette disposition me semble par conséquent tout à fait irréaliste. Elle permettra, le cas échéant, à des maires qui voudront freiner l'attribution de titres de séjour de donner un avis négatif ou réservé, mais encore faudra-t-il qu'ils justifient que le demandeur ne respecte pas les principes de la République française. Peut-être ce dispositif offrira-t-il, en outre, un fondement juridique à toute une série de démarches de nature inquisitoriale qui pourront être mises en oeuvre par quelques maires. Je regretterais vivement qu'il en aille ainsi.
Dans ces conditions, nous ne pouvons qu'exprimer les plus grandes réserves devant cette disposition, et nous ne pourrons que les maintenir tant que nous n'aurons pas obtenu d'explications satisfaisantes.
Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous dire ce que recouvre substantiellement, concrètement et précisément la vérification par le maire du respect, par un particulier, des principes de la République française ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. On voit que M. Sueur intervient cet après-midi sans avoir participé à nos débats de ce matin sur l'article 5.
M. Jean-Pierre Sueur. Si, j'étais là !
M. Bernard Frimat. Parfaitement !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pourtant, vous posez une question qui a déjà été soulevée. Vous n'avez donc pas été attentif ce matin ! Soit vous n'avez pas écouté la réponse que j'ai alors faite, soit vous l'avez oubliée.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n'ai pas compris !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous n'avez pas compris ? Mais alors, vous n'avez pas compris que le maire administre sa commune ; vous n'avez pas compris que le maire vit au quotidien auprès de ses administrés ; vous n'avez pas compris que le maire est celui qui, plus encore que l'État, dispose d'un certain nombre de services - les services sociaux, les services liés à la gestion des écoles primaires, des classes maternelles, des crèches ; vous n'avez pas compris que le maire est celui qui signe les contrats avec l'État au titre de la mise en oeuvre de la politique de la ville ; vous n'avez pas compris que le maire est celui qui attribue des subventions aux associations oeuvrant dans les domaines culturel, social, sportif, associations qui sont pour lui un relais permanent et qui lui permettent d'apprécier ce qui se passe sur le territoire de sa commune ; vous n'avez pas compris que le maire est celui qui délivre déjà des attestations d'accueil.
Si vous n'avez pas compris tout cela, monsieur Sueur, c'est regrettable !
Permettez-moi de vous rappeler au surplus que le projet de loi ne prévoit qu'un simple avis du maire.
Nous proposons ce dispositif parce que nous faisons confiance aux maires de France, tout comme le font leurs administrés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas un problème de confiance !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je suis convaincu que le préfet, en l'occurrence seul décisionnaire, sera mieux informé s'il demande l'avis du maire.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 151 et 285.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 198 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 10.
M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, la commission nous propose d'ajouter l'adjectif « républicain ». Voilà un bel adjectif !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est de la coordination !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est peut-être de la coordination, mais c'est surtout l'occasion pour moi de revenir sur les propos qu'a tenus M. le ministre délégué et qui m'incitent à penser que nous ne nous sommes pas compris.
Monsieur le ministre délégué, vous nous avez rappelé à deux reprises, cet après-midi mais aussi ce matin, un certain nombre des prérogatives du maire. Il est vrai que le maire dispose d'une police municipale, qu'il peut, le cas échéant, faire procéder à des enquêtes par des travailleurs sociaux, qu'il subventionne des clubs sportifs... Je connais tout cela !
Vous n'avez cependant répondu ni ce matin, ni cet après-midi, à mon interrogation. J'y reviens donc.
Dans un État de droit, tout le monde comprend qu'il y a des choses que l'on a le droit de faire et d'autres que l'on n'a pas le droit de faire. Si un étranger sollicite un titre de séjour, le préfet lui donne ou ne lui donne pas. Et là, l'appréciation est facile : si la personne n'a pas respecté des procédures prévues par la loi, par exemple si elle n'a pas rempli des exigences légales, tout le monde comprend ; si elle s'est rendue coupable d'un certain nombre d'actes contraires à la loi de la République, tout le monde comprend. Là où, moi, je ne comprends pas, c'est quand il s'agit pour le maire d'apprécier objectivement « l'engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française ». Qu'est ce que cela veut dire ? Le maire pourrait-il être amené à dire que telle ou telle personne n'est pas encore assez républicaine ? Qu'elle ne « pratique » pas encore assez l'égalité ? Des Français de souche ne respectent pas toujours le principe d'égalité. À l'inverse, beaucoup d'étrangers sont extrêmement généreux à l'égard de leurs compatriotes, et leur envoient de l'argent dans leur pays : ils pratiquent une générosité toute républicaine.
M. Josselin de Rohan. Ils pourraient renoncer à la polygamie !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez tout à fait raison. La polygamie est prohibée par la loi : c'est une raison objective. Mais vous allez au-delà de ces cas objectifs en instaurant un système totalement subjectif qui, parce qu'il confère un pouvoir d'appréciation énorme au maire, peut finir par être contraire aux principes de l'État de droit auquel nous sommes attachés.
J'espère avoir été clair, monsieur le ministre délégué.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 152 rectifié et 483.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
L'article L. 313-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « de l'article L. 313-8 ou de l'article L. 313-10 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 313-7 ou L. 313-8 » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Cette dérogation est accordée à l'étudiant étranger admis à suivre, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, une formation en vue de l'obtention d'un diplôme au moins équivalent au master.
« Elle peut également être accordée au titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention "scientifique" en tenant compte de la durée de ses travaux de recherche.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application de ces dispositions. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Nous n'aurons guère l'occasion de nous réjouir souvent en travaillant sur ce texte, mais je me félicite néanmoins que cet article 6 prévoie la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle, dont la durée peut aller jusqu'à quatre ans, pour certains étudiants étrangers.
Cette mesure est de bon sens : d'une part, elle sécurise un tant soit peu le parcours des étudiants étrangers dans notre pays ; d'autre part, elle permet de supprimer les procédures liées au renouvellement annuel des cartes de séjour pour les étudiants, qui sont une charge importante de travail pour les préfectures.
Cependant, cet article ne saurait être tout à fait satisfaisant. Il ne s'adresse qu'à certaines catégories d'étrangers étudiants : ceux qui ont déjà atteint le niveau du master, soit bac +4 ou bac +5. Le caractère élitiste de cette disposition a été justement souligné ce matin par Mme Dini et M. Pelletier.
Qu'en est-il des autres étudiants ? Ils resteront soumis aux nombreuses tracasseries administratives que doivent aujourd'hui subir les jeunes étrangers souhaitant étudier en France. Vous offrez cette faculté, nécessaire, à certains, mais vous la refusez aux autres.
Vous déniez la sécurité à tous ceux qui ont choisi de venir étudier en France dès la fin de leurs études secondaires. Pour ceux qui ont le plus confiance dans notre pays et dans ses universités, vous maintenez la précarité, ce qui me semble incompréhensible. Vous savez comme moi que les étudiants étrangers venus étudier en France seront plus tard les prescripteurs de l'image de la France dans le monde.
Avec cette mesure, vous ne faites que la moitié du chemin : vous choisissez sciemment de ne pas sécuriser le parcours d'enseignement d'étrangers qui ont choisi nos classes préparatoires, nos grandes écoles, nos universités. Cela me semble contre-productif.
Ou alors ce choix est parfaitement réfléchi et assumé. Derrière cette carte pluriannuelle délivrée à des étrangers déjà formés, se dissimule le désir de sélectionner des étudiants de haut niveau, susceptibles de travailler en France par la suite. On retrouve ici votre logique de sélection des êtres humains, le fameux « tri sélectif ».
Dans votre présentation, vous avez, monsieur le ministre délégué, insisté sur la volonté de codéveloppement qui aurait guidé ce projet de loi. Mais, avec cet article, nous découvrons vos réelles intentions. Les étudiants étrangers ne vous intéressent que lorsqu'ils appartiennent à l'élite. Et vous ne vous souciez pas tant de leur formation ou de l'intérêt de leur pays d'origine que des intérêts égoïstes de la France.
Votre dispositif me semble donc très incomplet et devrait être généralisé à tous les étudiants souhaitant effectuer un parcours universitaire en France.
Je souhaiterais enfin ajouter quelques mots sur l'article 6 bis, introduit par l'Assemblée nationale.
Cet article ouvre la possibilité de délivrer un titre de séjour provisoire aux étrangers souhaitant effectuer une mission de volontariat en France auprès d'une association ou d'une fondation reconnue d'utilité publique. En permettant par exemple aux associations d'exercer des missions de formation auprès d'étrangers, cet article va dans le bon sens. Mais je ne comprends pas pourquoi l'Assemblée nationale a assorti cette autorisation d'un agrément préalable des associations. La déclaration d'utilité publique est déjà un agrément suffisant. Exiger un nouvel agrément spécifique, c'est créer une nouvelle usine à gaz administrative - ce n'est pas la seule dans ce projet de loi ! C'est surtout jeter une suspicion systématique sur les associations et sur les volontaires étrangers.
Mme la présidente. L'amendement n° 286, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet alinéa que nous souhaitons supprimer revient dans les faits à exclure du bénéfice d'une carte de séjour pluriannuelle les titulaires d'une carte de séjour temporaire accordée pour l'exercice d'une activité soumise à autorisation.
Il faut savoir lire non seulement entre les lignes, mais également entre les chiffres. En effet, dans ce fameux alinéa, la mention de l'article L. 313-10 a disparu et, s'il est toujours fait référence à l'article L 313-8, c'est dans un ordre différent, après l'article L. 313-7. C'est un véritable tour de passe-passe !
Et ce n'est pas pour rien, puisque je rappelle que l'article dont la mention a disparu précise : « La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui désire exercer en France une activité professionnelle soumise à autorisation et justifie avoir obtenu cette autorisation porte la mention de cette activité, conformément aux lois et règlements en vigueur. »
Vous me direz que cet article du code n'a plus rien à faire là, puisque l'article 6 du projet de loi concerne les étudiants. Mais c'est en fait une bonne manière de « dégager » tous ceux qui étaient venus pour travailler et de réintroduire dans le texte la question du travail que l'on choisit.
Nous demandons donc la suppression du deuxième alinéa de l'article 6, pour rétablir l'un des rares points de la loi de 2003 qui donnaient une garantie de travail à ceux qui venaient dans notre pays pour travailler.
Avec cet article, vous évacuez toute une catégorie de travailleurs qui pourraient prétendre à une carte de séjour temporaire, et ce pour répondre non pas aux besoins des pays d'origine ni à ceux des populations qui font cette démarche, mais simplement dans un sens utilitariste, où l'étranger est perçu avant tout comme une main-d'oeuvre devant répondre aux besoins de l'économie libérale et pour combler, un temps seulement, les déficits constatés dans certains secteurs.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je rappelle que l'article 6 a pour objet de modifier le champ d'application de la carte de séjour temporaire pluriannuelle.
Le droit en vigueur permet d'accorder une carte de séjour d'une durée maximale de quatre ans à des étrangers salariés. Le projet de loi supprime cette possibilité en raison notamment de la création de nouveaux dispositifs tels que la carte « compétences et talents » ou la carte « salarié en mission », qui permettent de délivrer des titres de séjour pour plus d'un an. Il ne semble donc pas nécessaire de maintenir cette possibilité pour les travailleurs salariés.
Il convient d'ajouter que le projet de loi étend également aux étudiants la délivrance d'une carte de séjour pour une durée comprise entre une et quatre années.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Khiari, nous assumons pleinement notre dispositif : l'étudiant ayant déjà passé une année d'études en France qui est admis à suivre une formation en vue d'obtenir un diplôme de niveau bac + 5 se verra délivrer une carte pluriannuelle.
Nous simplifions le parcours administratif de ces étudiants : nous n'allons tout de même pas nous en excuser ! C'est une bonne mesure que vous soutiendriez si vous mesuriez à quel point nous allons faciliter la vie de ces étudiants !
Madame Assassi, l'article 6 concerne uniquement les étudiants. Nous aurons l'occasion de débattre ultérieurement des cartes de séjour « compétences et talents » et « travailleur saisonnier », notamment.
Nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 286, parce qu'il fait référence aux actifs et ne concerne pas directement les dispositions spécifiques aux étudiants.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 6 bis
La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :
« Sous-section 7
« Dispositions applicables aux étrangers effectuant une mission de volontariat
« Art. L. 313-14. - Une autorisation provisoire de séjour est délivrée à l'étranger qui souhaite effectuer une mission de volontariat en France auprès d'une fondation ou d'une association reconnue d'utilité publique ou d'une association adhérente à une fédération elle-même reconnue d'utilité publique, à la condition que la mission revête un caractère social ou humanitaire, que le contrat de volontariat ait été conclu préalablement à l'entrée en France, que l'association ou la fondation ait attesté de la prise en charge du demandeur, que celui-ci soit en possession d'un visa de long séjour et qu'il ait pris par écrit l'engagement de quitter le territoire à l'issue de sa mission.
« L'association ou la fondation mentionnées au premier alinéa font l'objet d'un agrément préalable par l'autorité administrative, dans des conditions définies par décret. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre délégué, je tenais à m'exprimer sur cet article, afin de démontrer les contradictions de votre projet de loi, qui confinent à l'aberration.
L'article 6 bis est issu d'un amendement de M. Étienne Pinte, qui avait été saisi par différentes associations oeuvrant dans le domaine de l'humanitaire. L'esprit qui animait alors ce membre de votre majorité parlementaire était de faciliter le séjour des migrants étrangers souhaitant effectuer une mission de volontariat en France. Mais ce que vous avez prévu n'est rien d'autre qu'un chapelet de conditions contraignantes qui illustrent à la perfection la suspicion absolue que vous faites peser sur ces migrants étrangers.
À la personne qui souhaite venir aider la France, et non pas profiter d'elle, qui se destine volontairement à oeuvrer dans l'humanitaire, vous imposez des conditions préalables à sa venue qui la rendent presque impossible !
Pis, les rares volontaires étrangers qui réussiront à obtenir non seulement un contrat de volontariat, préalablement conclu avant leur entrée en France, mais aussi une prise en charge par leur association de destination, et même un visa de long séjour, devront en plus s'engager par écrit à quitter le territoire français ! La suspicion devient obsessionnelle...
Monsieur le ministre délégué, ne venez pas nous parler de votre humanisme et de votre sens des réalités, car de telles dispositions ne font que réaffirmer votre suspicion permanente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 509 rectifié, présenté par MM. Portelli, Béteille et Haenel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Cet amendement de suppression est en fait un amendement de coordination. Les dispositions de l'article 6 bis dont nous demandons la suppression ont en effet été reprises à l'article 4 bis, rassemblant, au sein de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tous les cas de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour.
Mme la présidente. L'amendement n° 153, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
visa de long séjour
supprimer la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Je serai bref, madame la présidente, dans la mesure où cet amendement a déjà été présenté sous la forme d'un sous-amendement à l'amendement n° 507 rectifié quater de M. Hugues Portelli tendant à insérer un article additionnel après l'article 4.
Je ne crois pas utile de recommencer un débat qui a été tranché, à moins que M. le ministre délégué ne soit plus clément que ce matin et qu'il ait renoncé à exiger une quatrième condition des volontaires étrangers venant en France... (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation.)
A priori, il n'a pas changé d'avis, donc je préfère retirer cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 153 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 509 rectifié ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission y est naturellement favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous sommes favorables à l'amendement n° 509 rectifié présenté par M. Portelli.
Mme Boumediene-Thiery a mis en cause mon humanisme, peut-être reconnaît-elle mieux celui de M. Étienne Pinte ?
Mme Bernadette Dupont. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il s'agit en l'occurrence d'approuver un amendement de M. Pinte, adopté par l'Assemblée nationale, qui reflète parfaitement l'esprit humaniste de son auteur.
Il constitue, selon moi, un juste équilibre entre la confiance et le contrôle - confiance : on accueille le jeune étranger souhaitant effectuer une mission de volontariat dans une association ; contrôle : on délivre un visa de long séjour avec l'engagement de quitter la France après la mission.
Mme Bariza Khiari. Pourquoi exiger un agrément supplémentaire des associations ?
M. Bernard Frimat. Ces bureaucrates !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 6 bis est supprimé.
CHAPITRE II
Dispositions relatives à l'entrée et au séjour des étudiants étrangers en France
Article 7
I. - L'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 313-7. - I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention «étudiant». En cas de nécessité liée au déroulement des études, et sous réserve d'une entrée régulière en France, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. Dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves, elle peut également l'accorder à l'étranger qui a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans au moins et qui poursuit des études supérieures.
« Le titulaire de la carte de séjour temporaire accordée au titre des dispositions du premier alinéa peut être autorisé à exercer une activité professionnelle salariée dans la limite d'un mi-temps annualisé et dans les conditions d'emploi et de rémunération conformes à la réglementation sur le travail. Le non-respect des prescriptions prévues par la réglementation sur le travail entraîne le retrait de la carte de séjour délivrée au titre du présent article.
« II. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte mentionnée au I est accordée de plein droit :
« 1° À l'étranger auquel un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois a été accordé dans le cadre d'une convention signée entre l'État et un établissement d'enseignement supérieur et qui est inscrit dans cet établissement ;
« 2° À l'étranger ayant satisfait aux épreuves du concours d'entrée dans un établissement d'enseignement supérieur ayant signé une convention avec l'État ;
« 3° À l'étranger boursier du Gouvernement français ;
« 4° À l'étranger ressortissant d'un pays ayant signé avec la France un accord de réciprocité relatif à l'admission au séjour des étudiants.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application des dispositions du présent article, en particulier en ce qui concerne les ressources exigées, les conditions d'inscription dans un établissement d'enseignement et celles dans lesquelles l'étranger entrant dans les prévisions du 2° peut être dispensé de l'obligation prévue à l'article L. 311-7. »
II. - Après la sous-section 2 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du même code, il est inséré une sous-section 2 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 2 bis
« Dispositions particulières applicables à certains étrangers diplômés
« Art. L. 313-7-1. - Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de six mois non renouvelable est délivrée à l'étranger qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite, dans la perspective de son retour dans son pays d'origine, compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et le cas échéant à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret. À l'issue de cette période de six mois, l'intéressé pourvu d'un emploi ou titulaire d'une promesse d'embauche, satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de l'activité professionnelle correspondant à l'emploi considéré au titre des dispositions de l'article L. 313-10, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341-2 du code du travail.
« Par dérogation à l'alinéa précédent, les ressortissants des États membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires qui ont achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master ne sont pas soumis à la détention d'un titre de séjour s'ils souhaitent exercer en France une activité économique.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application des dispositions du présent article. »
III. - Après la même sous-section 2, il est inséré une sous-section 2 ter ainsi rédigée :
« Sous-section 2 ter
« Dispositions particulières applicables aux étrangers stagiaires
« Art. L. 313-7-2. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un stage dans le cadre d'une convention de stage visée par l'autorité administrative compétente et qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "stagiaire". En cas de nécessité liée au déroulement du stage, et sous réserve d'une entrée régulière en France, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée.
« L'association qui procède au placement d'un étranger désireux de venir en France en vue d'y accomplir un stage doit être agréée.
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'applications des dispositions du présent article et notamment les modalités d'agrément des associations par arrêté ministériel. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, sur l'article.
M. Jacques Legendre. Je saisis l'occasion de ce débat sur l'article 7 pour poser le problème plus général de l'accueil des étudiants en France.
Il est devenu essentiel pour tous les pays d'accueillir des étudiants étrangers. En ce domaine, nous ne devons pas avoir une attitude frileuse ou rétractée, nous devons nous demander comment concilier l'intérêt de notre pays, l'intérêt de ces étudiants et l'intérêt du pays d'origine.
Nous peinons, me semble-t-il, à définir une réelle politique cohérente d'accueil des étudiants.
Le ministère de l'éducation nationale et le ministère des affaires étrangères s'étaient mis d'accord, voilà plusieurs années, pour créer un organisme chargé d'attirer des étudiants en France, qu'il s'agisse d'étudiants des pays développés ou d'étudiants venant des pays du Sud. C'était une bonne chose.
Nous avons affaire dans de nombreux cas, ne l'oublions pas, à des étudiants capables de financer leurs études, en France ou ailleurs. Nous avons aussi affaire à des étudiants de pays en développement qui souhaitent que nous les aidions à suivre ou à terminer leurs études chez nous, ce qui relève évidemment de notre politique des bourses.
Comme nous sommes également confrontés en permanence à des personnes qui tentent d'entrer sur notre territoire en se prévalant du titre d'étudiant sans être toujours réellement ce qu'ils prétendent, nous sommes quelque peu tétanisés. Nous donnons alors le sentiment de multiplier les contrôles, au risque d'écarter de notre territoire non seulement des fraudeurs, mais aussi, dans bien des cas, des étudiants qui auraient pu se former en France mais qui iront étudier ailleurs.
Monsieur le ministre délégué, à l'occasion de ce débat, nous devons avoir à l'esprit la nécessité pour la France d'être un pays qui accueille et forme des étudiants étrangers. C'est d'ailleurs un marché, et certains pays n'ont aucun scrupule à reconnaître que l'équilibre de leur balance des paiements dépend, entre autres, de leur capacité à attirer les étudiants étrangers.
Regardez la politique de l'Australie à l'égard des étudiants du continent asiatique ! La capacité à former des étudiants étrangers sur son sol conditionne, pour l'Australie, l'équilibre de sa balance des paiements et, au-delà, est de l'intérêt bien compris de son rayonnement et de son influence. Les Australiens n'ont, en ce domaine, aucune hésitation.
Nos amis Canadiens sont aussi largement ouverts. Quant aux Américains, ils n'ont pas plus de scrupules à attirer les meilleurs étudiants des pays du Sud pour en faire un élément de leur développement.
En ce qui nous concerne, je souhaiterais que nous soyons capables d'avoir des systèmes cohérents de contrôle pour écarter les faux étudiants, sans que cela nous interdise d'accueillir des étudiants qui pourront repartir chez eux et devenir des éléments du développement à la fois de leur pays et de la France.
Je m'intéresse beaucoup à la francophonie, monsieur le ministre délégué, et il ne saurait y avoir de francophonie rayonnante si nous ne savons pas attirer dans nos écoles et nos universités des étudiants, et parmi les meilleurs, si nous ne savons par leur donner la possibilité de s'épanouir ensuite dans leur pays d'origine, sans oublier pour autant le pays qui les aura formés.
Je présenterai un amendement tendant à faire disparaître ce qui me paraît être une véritable anomalie. Certains lycées français relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger accueillent de jeunes étrangers pendant leur scolarité secondaire. Mais, dès lors que ceux-ci ont obtenu le baccalauréat, nous ne leur permettons pas de poursuivre leurs études en France, parce que notre politique est d'accueillir des étudiants au niveau du master, du troisième cycle.
Il s'agit là, je le pense, d'un parti pris assez étonnant. En effet, ne nous y trompons pas : ces jeunes étant bien formés, si la France hésite à les accueillir, ils poursuivront leurs études ailleurs. Nous aurons alors tout perdu dans cette affaire !
Il est donc temps de faire preuve d'un peu de bon sens et de mettre un terme à cette situation en corrigeant une anomalie choquante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, tout comme mon collègue Jacques Legendre, je crois qu'il est vital pour la France d'accueillir de plus en plus d'étudiants étrangers, de développer les mobilités encadrées - c'est-à-dire l'accueil organisé d'étudiants - et d'y intégrer le plus possible les mobilités individuelles, qui connaissent le taux le plus élevé d'échec.
Entre 1997 et 1998, le nombre d'étudiants étrangers était tombé à 150 000 ; c'était le résultat des lois de 1993.
Le gouvernement de Lionel Jospin a mis en place une politique active, qui a relevé ce nombre à 250 000 étudiants, niveau à peine supérieur à celui de 1985. Ils ont été au nombre de 276 000 l'année dernière.
Je vous rappelle également que notre pays accueille seulement 9 % des étudiants faisant leurs études hors de leur pays, loin derrière les États-Unis, qui en accueillent 30 %, le Royaume-Uni, qui en accueille 14 %, l'Allemagne, qui en accueille 12 % - sans disposer de l'équivalent de la francophonie - et l'Australie, qui en accueille 10 %.
On déplore dans certains cercles - je m'en suis aperçue l'an dernier en faisant une étude sur l'accueil des étudiants étrangers en France - que 50 % de ces étudiants viennent d'Afrique, dont la moitié d'Algérie et du Maroc.
Je souhaiterais que le texte que nous étudions et que les pratiques de l'administration permettent de continuer à former les Africains tout en continuant à diversifier l'origine géographique des étudiants étrangers.
Oui, il faut attirer plus de Chinois, d'Indiens, de Brésiliens et de jeunes des pays émergents. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des étudiants de notre traditionnel champ d'influence en Afrique.
Il faut favoriser par les procédures les accords bilatéraux, les bourses, l'accueil d'étudiants à haut potentiel. Il ne faut pas hésiter à faire payer ceux qui sont capables de financer leurs études. Le gouvernement de Lionel Jospin avait d'ailleurs pris un décret dans ce sens afin que les universités facturent l'accueil dans le cadre de la mobilité encadrée.
Néanmoins, il faut bien voir également que les bourses sont nécessaires pour des pays plus pauvres. C'est ainsi que les jeunes Maliens accueillis dans le cadre de l'opération « 300 bourses d'excellence pour le Mali » sont les têtes de promotion de l'Université de Grenoble, qui les accueille.
Je constate, lors de mes visites en Afrique, que les candidats sont soumis à un parcours décourageant. On met en cause, souvent malheureusement à juste titre, un niveau académique et même linguistique faible, et l'on pense que de nombreuses pré-inscriptions sont motivées par la volonté d'émigrer en France et de s'y établir plutôt que d'y étudier. Le texte que nous allons examiner reflète aussi ce souci.
Il est vrai également que la fraude documentaire est amplifiée par Internet.
Nous ne disposons pas actuellement d'une évaluation des centres pour les études en France qui ont été mis en place dans certains pays. On constate cependant que si, dans certains cas, leur fonction d'information et d'orientation est bien remplie, dans d'autres, elle se résume pour l'essentiel à questionnaire informatisé de sélection qui dure vingt minutes !
À cela s'ajoute un certain nombre d'aberrations. Annaba, par exemple, qui se trouve à une heure d'avion d'Alger, accueille un centre d'études en France. Mais, pour l'obtention d'un visa, les jeunes doivent se rendre à Alger, alors qu'il y a un consulat à Annaba !
Si nous voulions inciter les étudiants d'Annaba à venir étudier en France, nous leur permettrions d'obtenir leur visa de séjour en France à Annaba, puisqu'il y a un consulat !
M. Jean Desessard. Cela paraît logique !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Certes, mais ce n'est pas comme ainsi que cela se passe, au grand désespoir de tous les responsables - conseillers culturels et consul compris !
Si la France veut réellement faire du codéveloppement, il faut qu'elle se réinvestisse dans la mise à niveau des systèmes scolaires et universitaires des pays francophones pauvres.
Au lieu de décourager les étudiants issus de ces pays, nous ferions mieux de créer localement des structures de mise à niveau académique et linguistique des candidats aux études en France.
Comme l'a écrit Pierre-Yves Geoffard, chercheur au CNRS, la possibilité d'étudier et de travailler au Nord peut avoir des effets d'entraînement sur toute la jeunesse, si le système d'éducation est performant. « Investir résolument dans les systèmes éducatifs des pays du Sud semble une condition indispensable pour rétablir des conditions d'échange mutuellement avantageux ».
Dans de telles conditions, on ne parlerait plus de fuite des cerveaux.
Nous verrons si les mesures prévues dans cet article 7 pour l'entrée des étudiants en France sont conciliables avec de tels objectifs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, sur l'article.
M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'article 7 offre une bonne illustration de la politique mise en oeuvre par les auteurs de ce projet de loi, fondée à la fois sur la fermeté et la générosité, au service d'une immigration choisie.
Plusieurs mesures permettront de faciliter l'accès de l'enseignement supérieur français aux étudiants étrangers, notamment aux meilleurs d'entre eux.
Mon collègue Jacques Legendre et ceux qui l'ont suivi l'ont excellemment expliqué avant moi : si le nombre d'étudiants étrangers est important en valeur absolue - 255 000 en 2005, soit plus de 11 % des effectifs de l'enseignement supérieur - les caractéristiques de la population étudiante permettent de douter de l'attractivité actuelle du système français d'enseignement supérieur.
En effet, le taux de réussite des étudiants étrangers est inférieur de 40 % en moyenne à celui des étudiants français et l'on constate une forte concentration de ces étudiants sur le premier cycle, plus particulièrement dans certaines disciplines.
Forts de ce constat, les auteurs du projet de loi prévoient de mettre l'accent sur l'évaluation préalable des aptitudes des étudiants étrangers et sur la qualité de l'accueil offert par la France.
Les formalités administratives seront ainsi réduites, ce qui est une très bonne chose.
Bénéficieront d'une carte de séjour de plein droit les étudiants qui seront passés par les centres pour les études en France progressivement mis en place dans l'ensemble de nos ambassades, à partir d'une expérimentation menée en Chine depuis 2003 et étendue à cinq autres postes diplomatiques - l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, le Vietnam et le Sénégal.
Cette carte pourra être valable pour plusieurs années, ce qui donnera une stabilité appréciable aux étudiants dont le début de parcours aura montré le sérieux du projet.
Il ne suffit pas d'accueillir des étudiants étrangers en France, encore faut-il encore leur offrir des perspectives d'avenir, même s'ils doivent retourner à terme dans leur pays d'origine.
C'est tout l'objet de l'autorisation de séjour de six mois qui sera accordée aux étudiants étrangers venant de terminer leur master pour leur permettre de chercher un travail. Ce n'est que par l'accès à un travail qu'ils pourront acquérir une première expérience professionnelle en lien avec leurs études.
Dès lors qu'ils trouveront un emploi correspondant à leur formation, ces jeunes diplômés se verront délivrer une carte de séjour.
Dans le même esprit, est créée une carte de séjour temporaire portant la mention « stagiaire », d'une durée de validité maximum d'un an.
Ces nouvelles dispositions permettront d'éviter les abus - il y en a ! - des faux étudiants candidats à l'immigration, tout en favorisant l'attractivité de notre enseignement supérieur grâce à une meilleure orientation des étudiants vers l'université et la formation qui conviendront le mieux.
C'est parce que nous leur offrirons des perspectives de carrière dans leur pays après leurs études que les meilleurs étudiants étrangers viendront suivre leur cursus en France.
N'en doutons pas, mes chers collègues, la vraie générosité ne consiste pas à accueillir tous ceux qui le veulent, mais, au contraire, à accueillir dignement ceux qui le méritent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'apprécie de parler après M. Goujon, car je ne partage évidemment pas la lecture idyllique qu'il fait de l'article 7 ni sa vision de l'avenir des étudiants qui souhaitent venir en France !
Comme l'ont souligné mes collègues, il n'y a pas un trop-plein d'étudiants étrangers souhaitant venir en France. Au contraire, et c'est le problème, nous assistons à une raréfaction des étudiants étrangers, y compris de pays francophones ayant des rapports anciens avec la France !
Le nombre des candidats est donc tombé bien bas, et je connais moult étudiants de haut niveau qui préfèrent essayer de chercher ailleurs, même s'ils sont francophones. Ils envisagent de faire leurs études dans les pays anglophones, car ni l'accueil qui leur est fait en France ni les perspectives qui leur sont données par notre pays ne les satisfont.
Tout le problème, monsieur le ministre délégué, est de savoir quelle est la philosophie de votre projet de loi.
Êtes-vous en train de constater que la France attire très peu les étudiants de pays étrangers, qu'ils viennent de pays francophones ayant des liens étroits avec la France ou qu'ils viennent de pays émergents non francophones ? Vu l'état modeste, voire déplorable, des rapports que la France entretient avec des pays susceptibles d'avoir des liens économiques et culturels avec elle, envisagez-vous de leur permettre de nous envoyer leurs étudiants ?
Si tel était le cas, leur accueil nécessiterait des investissements !
Ou, au contraire, n'êtes-vous pas plutôt en train de suspecter ces jeunes qui veulent venir étudier en France de chercher à user de cette possibilité pour devenir de futurs sans-papiers sur notre territoire ?
Tout le problème est là, malheureusement, et la dissociation totale entre les étudiants potentiels et les cartes « compétences et talents » ne laisse pas de doute : votre philosophie n'est pas de chercher à créer, grâce à l'accueil des étudiants étrangers - accueil qui implique nécessairement, je le répète, à un moment donné un investissement de la part de la France - des liens rendant possibles des échanges mutuellement fructueux avec un certain nombre de pays.
Vous ne cherchez pas à faire en sorte que des étrangers puissent travailler un temps en France avant de retourner dans leur pays.
Votre philosophie n'est pas celle-là.
Vous êtes au contraire très frileux à l'égard des étudiants potentiels. En revanche, vous essayez d'attirer des personnes qualifiées - qu'elles se soient formées en France ou ailleurs - pour les faire travailler dans les secteurs d'activité où nous avons des besoins.
Votre philosophie est donc unilatérale. Votre attitude n'est ni positive ni constructive !
Si vous cherchiez à faire de la France un pays attractif pour des jeunes étrangers qui veulent faire des études - courtes ou longues - si vous cherchiez à nouer des liens porteurs d'avenir dans les domaines économique et culturel, vous auriez une tout autre attitude ! Vous vous pencheriez notamment beaucoup plus activement sur ce manque d'attractivité et vous chercheriez à comprendre d'où vient le problème.
Vous vous demanderiez pourquoi nous avons du mal à attirer des étudiants, y compris lorsqu'ils sont issus de pays avec lesquels nous avons été liés - je pense au Vietnam.
Vous prendriez les mesures qui s'imposent pour l'avenir de la France et des pays concernés, c'est-à-dire, encore une fois, que vous investiriez !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. A-t-il fallu attendre de parler d'immigration choisie pour se soucier du problème des étudiants étrangers en France ?
Non, évidemment ! Nous avons déjà évoqué ce point il y a longtemps et nous avons pris des dispositions.
Or, tout d'un coup, on considère qu'il n'y a pas assez d'étudiants étrangers en France. On peut aussi penser qu'il n'y a pas assez de chercheurs, mais si les chercheurs ne viennent pas dans notre pays, c'est évidemment parce qu'on ne les paie pas assez ! Cette vérité vaut également pour beaucoup d'autres professions.
Aujourd'hui, et je m'en félicite, nous sommes tous d'accord : nous voulons que les étudiants étrangers viennent étudier chez nous plutôt qu'ailleurs.
Cependant, cela pose des problèmes, en particulier celui du travail.
Lorsque nous étions étudiants, il y a très longtemps, nous militions pour le « présalaire ». Nous rêvions en effet que les étudiants puissent percevoir un salaire qui leur permette de poursuivre leurs études, quitte à ce qu'il y ait remboursement plus tard. Cette formule aurait indéniablement contribué à démocratiser l'accès à l'enseignement supérieur. Il y avait une autre solution, bien connue, consistant à demander aux étudiants qui voulaient faire des études mais qui ne pouvaient pas les payer de s'engager à servir l'État pendant une dizaine d'années.
On a vu de tout temps des étudiants qui ne disposaient pas de moyens suffisants s'efforcer de travailler pendant leurs études. C'est le cas de beaucoup d'entre eux encore aujourd'hui.
Pour les étudiants étrangers, la situation était différente. Avant de leur délivrer une autorisation, on leur demandait de disposer de moyens suffisants, ce qui était tout de même énorme ! Aujourd'hui, on dit qu'il faut les laisser venir et leur permettre de travailler, soit à temps partiel, comme nous le proposons, soit à mi-temps, comme l'a proposé l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a d'ailleurs demandé à M. Courtois de déposer des sous-amendements visant à privilégier le travail à mi-temps.
Une telle disposition introduirait une inégalité entre les étudiants étrangers et les étudiants français dans la mesure où ces derniers ont le droit de travailler autant qu'ils le veulent et autant qu'ils le peuvent pendant leurs études.
Les étudiants étrangers devraient avoir le même droit, d'autant qu'une sanction est prévue s'ils ne décrochent pas leur diplôme ou s'ils n'obtiennent pas leurs examens dans un délai décent : leur permis de séjour leur sera retiré. Nous constatons cette situation tous les jours ! Pourquoi ne pas les autoriser à travailler autant qu'ils le voudront et tant qu'ils en auront besoin, puisque, je le répète, contrairement aux étudiants français, l'échec dans leurs études sera sanctionné ?
J'ajoute que travailler 35 heures tout en poursuivant des études n'est pas un défi phénoménal lorsque l'on est jeune.
Telles sont les réflexions d'ensemble que je voulais faire sur l'article 7, qui aurait mérité d'être examiné d'un peu plus près. Malheureusement, chacun connaît les conditions dans lesquelles nous avons travaillé. Le rapport de M. Buffet n'a été disponible que lorsque nous sommes rentrés de nos départements. Il est vrai que ceux qui n'avaient rien d'autre à faire pendant ce week-end pouvaient le consulter sur le web !
Quant aux amendements, nous avons été obligés de les déposer avant lundi. Après avoir participé aux travaux de la commission, nous avons bien évidemment largement eu le temps de les rédiger !
Voilà une nouvelle illustration des conditions dans lesquelles nous travaillons dans cette maison !
Pour votre part, monsieur le ministre délégué, le problème ne se pose pas. Vous avez eu tout le temps de vous préparer, puisque vous avez déjà suivi les débats à l'Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. M. Dreyfus-Schmidt répète toujours la même chose.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est mieux que de se contredire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous arrivez quand même à vous contredire ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oh, non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il me semble que nos collègues du groupe socialiste n'ont pas été trop gênés, si j'en juge au nombre d'amendements qu'ils ont déposés !
M. Bernard Frimat. C'est parce que nous avons « compétences et talents » ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est vrai que certains n'arrivent peut-être pas à travailler aussi vite. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vous rappelle, monsieur Dreyfus-Schmidt, que le rapport était disponible sur Internet jeudi après-midi. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.) À moins que vous ne considériez que le week-end commence le jeudi ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est mesquin !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme nous le faisons à chaque fois, le rapport photocopié est aussitôt adressé à chaque groupe.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le jeudi après-midi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui, renseignez-vous auprès du secrétariat de votre groupe !
Ensuite, il a été disponible à la distribution vendredi après-midi.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Combien d'exemplaires pour le groupe ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Au groupe, le jeudi ? Un exemplaire !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Un seul ? C'est parfait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Franchement, il n'est pas difficile de faire des photocopies !
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, nos conditions de travail ont toujours été les mêmes. Nous faisons cependant des efforts considérables afin que nos collègues sénateurs disposent des documents nécessaires dans un délai qui leur permette de travailler.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pendant le week-end de la Pentecôte ?
M. Josselin de Rohan. Lundi, c'était la journée de solidarité !
M. Jean Desessard. Vous savez bien que la gauche ne travaille pas le lundi de Pentecôte ! (Sourires.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il s'agit d'un autre débat, et je vous propose de poursuivre, avec compétences et talents, l'examen des amendements. (Nouveaux sourires.)
Sur l'article 7, un certain nombre d'amendements ont été déposés qui font l'objet d'une discussion commune. Je rappelle toutefois que le Sénat a décidé d'examiner séparément l'amendement n° 287.
Cet amendement, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 313-7. - La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Avec cette rédaction, nous proposons de revenir à la situation qui prévalait pour les étudiants étrangers avant la loi du 26 novembre 2003. Cette loi de M. Sarkozy relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a malheureusement durci considérablement les conditions de séjour des étudiants étrangers.
Lors des débats en 2003, nous nous étions déjà fermement opposés à de telles restrictions, qui non seulement empêchent de nombreux étudiants de venir étudier sur notre territoire, mais aussi prive notre pays de jeunes qui ont des connaissances fort précieuses.
Nous savons aujourd'hui à quel point il est urgent d'investir dans l'avenir, et donc dans l'université. Les échanges avec l'étranger, qui passent notamment par le séjour d'étudiants étrangers en France, sont l'un des enjeux majeurs de la politique qui nous permettra de nous maintenir sur le plan international dans la course au savoir et à la recherche.
En durcissant les critères d'obtention d'un titre de séjour provisoire pour les étudiants, vous découragez les jeunes étrangers de venir en France. C'est donc ailleurs qu'ils iront offrir leurs savoirs et leurs savoir-faire !
Par ailleurs, nous nous trouvons aussi ici dans une opposition de principe, car les jeunes qui incarnent la connaissance, la recherche, ne devraient pas être soumis à votre logique de contrôle des flux migratoires, tant ils sont porteurs d'avenir. En garantissant une plus grande souplesse dans l'accueil des étudiants étrangers sur notre territoire, nous répondons tout simplement à ce principe.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Alors que les conditions d'arrivée des étudiants étrangers ont été prises en compte par la loi de 2003, les auteurs de cet amendement préconisent de revenir à l'ordonnance du 2 novembre 1945. Il s'agirait d'un très grand retour en arrière. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Pour notre part, nous avons choisi l'avenir. Le projet de loi offre une situation plus favorable aux étudiants que ce grand bond en arrière. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Invoquer un retour en arrière n'est pas une explication. Certaines choses ont été très bien faites il y a soixante ans et d'autres sont mal faites aujourd'hui !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vais m'exprimer globalement sur la philosophie de l'article 7 et répondre aux intervenants.
Je le rappelle, cet article vise à déployer une nouvelle stratégie d'accueil des étudiants étrangers. Celle-ci nous paraissait nécessaire. Chacun a avancé ses statistiques. Pour sa part, Mme Cerisier-ben Guiga a annoncé que la France n'accueillait que 9 % des étudiants faisant leurs études hors de chez eux. En réalité, c'est 11,3 %. Toutefois, j'en conviens, ce chiffre reste tout à fait insuffisant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes d'accord !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'il y a bien une volonté sur laquelle nous nous accordons tous, de manière dépassionnée et raisonnable, c'est celle de créer ensemble une politique d'accueil des étudiants étrangers qui soit plus offensive, plus déterminée, plus dynamique que celle qui existe actuellement.
On ne va pas refaire l'historique des politiques qui ont été conduites, dans notre pays, en direction des étudiants étrangers depuis dix, quinze, vingt ou trente ans, tous gouvernements confondus. Le constat s'impose : ce qui devait être fait ne l'a pas forcément été !
Aujourd'hui, avec le texte relatif à l'immigration et à l'intégration, le Gouvernement propose des dispositions de nature à faciliter le parcours administratif des étudiants étrangers, pour ce qui relève donc de la compétence du ministère de l'intérieur et de la délégation confiée au ministre de l'intérieur en matière de coordination des politiques d'immigration. Malheureusement, nous ne pouvons pas traiter tous les aspects du problème.
Je ne peux en effet pas aborder ce dossier, si passionnant soit-il, sous l'angle de l'enseignement supérieur ou du logement. Il y aurait pourtant beaucoup à faire en ces domaines si nous voulions être une terre beaucoup plus attractive pour un grand nombre d'étudiants étrangers. Je le répète, je ne peux aborder ce dossier que pour ce qui concerne notre responsabilité, à savoir la facilitation de l'accueil des étudiants étrangers.
Pour cela, nous proposons à la fois de mieux choisir et de mieux accueillir.
Les étudiants étrangers sont trop souvent inscrits dans des filières qui ne répondent ni aux besoins de l'économie française ni à ceux des pays d'origine. Philippe Goujon y faisait d'ailleurs allusion tout à l'heure. On relève qu'ils sont essentiellement inscrits en lettres et en sciences humaines.
M. Bernard Frimat. Disciplines nobles !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Certes, mais, au-delà de ces seules filières, nous pourrions avoir beaucoup plus d'étudiants étrangers inscrits dans les formations touchant à l'ingénierie ou aux sciences de la vie.
Le parcours administratif des étudiants en France est trop complexe, au point de décourager les meilleures volontés, si bien que les candidats préféreront rejoindre les universités britanniques, canadiennes, américaines ou australiennes.
Le Gouvernement ne peut que partager l'analyse qui a été faite en la matière. Le constat est simple : par rapport à l'accueil qui est réservé aux étudiants étrangers dans d'autres grandes démocraties du monde et sur d'autres continents, nous avons beaucoup d'efforts à accomplir pour rattraper nos retards.
Je veux remercier M. Legendre d'avoir souligné que la mobilité internationale des étudiants fait l'objet d'une compétition intense entre pays occidentaux. Le Gouvernement est conscient que la France doit poursuivre, voire accentuer ses efforts afin d'attirer des étudiants étrangers. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu des mesures de simplification administrative, notamment la délivrance automatique d'une carte de séjour ou la création d'une carte pluriannuelle. C'est également la raison pour laquelle nous cherchons à ouvrir le marché du travail aux titulaires d'un master. Nous allons d'ailleurs tenter ensemble dans un instant de perfectionner encore le dispositif, monsieur Frimat.
C'est pourquoi aussi nous voulons généraliser les centres pour les études en France. Cette appellation, c'est tout un programme ! La France dispose d'ores et déjà de centres pour les études en France dans dix pays ; elle en aura vingt au 1er janvier 2007. Ces centres jouent un rôle décisif pour informer les étudiants étrangers et mieux organiser leur sélection en liaison avec les universités françaises d'accueil.
Je souligne que l'aspect le plus important de la politique gouvernementale porte précisément sur une meilleure coopération entre les postes consulaires chargés de la délivrance des visas de long séjour pour études et les universités, qui conservent la maîtrise des inscriptions universitaires. Cette coopération est organisée par la convention prévue au 1° du II du texte proposé par l'article 7 pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Je voudrais également rassurer Mme Cerisier-ben Guiga. Le Gouvernement est conscient que les centres pour les études en France doivent travailler main dans la main avec les consulats, et nous veillerons à résoudre le plus vite possible les difficultés qu'elle nous a signalées à Annaba.
Par ailleurs, je récuse le procès d'intention que nous a intenté Mme Borvo Cohen-Seat. L'étudiant étranger n'est pas un suspect en puissance. Nous souhaitons que les étudiants qui viennent en France réussissent leurs études, ce qui implique qu'ils soient bien sélectionnés, non pour en accueillir moins, mais pour veiller à ce que les filières qu'ils choisissent correspondent à leur parcours académique antérieur et à leurs aptitudes.
Il ne paraît pas raisonnable d'autoriser un étudiant étranger à aller au-delà d'un travail à mi-temps en plus de ses études. Mais nous allons en débattre dans quelques instants, puisque des amendements ont été déposés sur ce thème.
Il reste une question que le texte ne pouvait pas traiter, mais que nous n'oublions pas pour autant : il s'agit du logement des étudiants étrangers.
Je tenais à insister sur ces différents points.
Très sincèrement, je ne comprends pas l'objet de cet amendement de suppression déposé par le groupe CRC, ni d'ailleurs celui de l'amendement dont nous débattrons dans quelques instants.
Nous avons une volonté commune : permettre à un plus grand nombre d'étudiants étrangers de venir en France, notamment sur la base des valeurs qui ont été soulignées par Jacques Legendre.
Il s'agit, en particulier, du rayonnement international de la France dans le monde. Plus nous accueillerons d'étudiants étrangers en France, plus nous leur permettrons de parvenir au meilleur niveau de formation et de qualification possible, plus nous les aiderons à bénéficier d'une première expérience professionnelle de haut niveau dans notre pays pour en faire ensuite profiter leur pays d'origine et plus nous contribuerons tant au codéveloppement qu'au rayonnement international de la France et de la francophonie, dont vous êtes un grand ambassadeur, monsieur le sénateur.
Dans ces conditions, pourquoi vouloir supprimer l'article 7 ? Certes, cet article ne résout pas tout et n'apporte pas toutes les réponses à l'ensemble des questions qui nous sont posées en matière d'accueil d'étudiants étrangers dans notre pays. Mais il constitue une avancée importante sur des sujets relevant notamment des compétences et des responsabilités du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Je n'ouvrirai pas un débat sur la question de l'organisation de l'enseignement supérieur de notre pays. Cela relève de la compétence du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais, nous le savons bien, il existe un problème s'agissant de l'organisation de nos universités : celle-ci est très différente de celle des universités américaines.
En ce moment s'ouvre une grande discussion sur l'autonomie des universités. Dans certains pays, des industries et des entreprises participent à la politique de recherche et d'attractivité d'étudiants étrangers. La France n'a pas la même organisation.
Nous pourrions discuter pendant des heures des mérites respectifs de tel ou tel système. Pour ma part, je ne donnerai pas d'avis personnel. Je constate simplement que l'organisation universitaire dans notre pays n'apporte pas toutes les réponses attendues.
Je souhaite à présent aborder une autre question : celle du logement. Accueillir des étudiants sans bénéficier d'une capacité de logement et d'hébergement constitue bien évidemment un véritable problème. La France doit se doter d'une politique de logements à la fois pour les étudiants français et pour les étudiants étrangers que nous souhaitons accueillir, car ceux-ci sont confrontés à de nombreuses difficultés.
En tant que président d'un conseil général, je connais bien ce sujet. Là encore, les collectivités départementales ont un rôle important à jouer et des initiatives à prendre. Pour ma part, avec le conseil général que j'ai l'honneur de présider, j'ai mis en place une politique de construction de cinq mille logements pour les étudiants sur les trois ans à venir. Une part importante de ces logements sera destinée à des étudiants étrangers. En effet, ma collectivité a fait le choix de renforcer la politique menée par le Gouvernement pour attirer des étudiants étrangers sur notre territoire national.
Nous pourrions également évoquer les initiatives d'un certain nombre de collectivités locales. Ainsi, j'ai passé un accord avec Sciences-Po pour accueillir le premier cycle « Moyen Orient-Méditerranée » de cette école à Menton. Nous y accueillerons 50 % d'étudiants français et 50 % d'étudiants originaires des pays du Maghreb, qui seront orientés vers les filières de science politique et d'économie spécialisées sur la Méditerranée. C'est un choix de ma collectivité d'avoir tissé un partenariat de ce type avec une grande école française.
Nous le voyons bien, l'organisation institutionnelle de notre pays est ainsi faite que ce n'est bien évidemment pas dans ce seul projet de loi que nous pourrons répondre à tous les problèmes liés à l'accueil des étudiants étrangers en France.
Mais, en tout état de cause, dans cet article 7, le ministère de l'intérieur, qui est en charge de la coordination de la politique de l'immigration, propose des dispositions tendant à faciliter le parcours administratif des étudiants étrangers que nous voulons accueillir dans notre pays.
C'est pourquoi les amendements de suppression, tant celui-ci que celui dont nous débattrons dans quelques instants, n'ont pas lieu d'être. Il serait donc plus raisonnable de les retirer. Nous devons en effet profiter de l'examen de cet article pour ouvrir un débat nous permettant d'aller plus loin. Des amendements constructifs ont été déposés sur l'ensemble de ces travées ; nous en débattrons dans quelques instants.
Bien entendu, dans l'hypothèse où l'amendement n° 287 serait maintenu, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Josiane Mathon-Poinat, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, je le maintiens, monsieur le président. Du reste, il s'agit d'un amendement non pas de suppression, mais de réécriture. Une partie de la nouvelle rédaction que nous proposons est d'ailleurs reprise dans l'amendement de M. le rapporteur.
Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 154, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Comme vous le constatez, cet amendement porte sur la question du travail des étudiants.
Tout à l'heure, mon collègue a parfaitement exposé notre position de fond sur les dispositions de cet article 7. Je ne reviendrai donc pas sur ce sujet et je m'en tiendrai à l'aspect constructif, en tout cas pratique, de ce débat, ainsi que M. le ministre vient de nous y convier.
Selon nous, la rédaction antérieure du I de cet article était de meilleure qualité - j'essaierai de le démontrer - que celle qui nous est aujourd'hui proposée.
En effet, l'ancienne rédaction de cet alinéa mentionnait la possibilité pour les étudiants d'exercer une activité professionnelle « à titre accessoire ». La nouvelle rédaction évoque un « mi-temps annualisé ».
Sans doute me direz-vous que cela signifie la même chose. Mais tel n'est pas le cas dans la mesure où l'on peut envisager - en pratique, c'est souvent ce qui se produit - que les étudiants exercent effectivement une activité professionnelle à mi-temps en période scolaire et travaillent au-delà du mi-temps durant les congés, notamment pendant la période estivale.
Par conséquent, l'ancienne rédaction, dont les termes « à titre accessoire » indiquent bien qu'il ne peut pas s'agir d'un temps complet, était meilleure que la formulation actuelle, qui risque de poser des problèmes et de créer des contestations. D'ailleurs, M. le ministre reprochait tout à l'heure à Mme Assassi de confondre le régime applicable aux étudiants et le régime applicable aux actifs.
Comme l'a fait remarquer mon collègue Philippe Goujon, le nouveau dispositif fait une estimation plus complète des aptitudes des étudiants. Mettre des obstacles supplémentaires à ceux-ci en matière de travail, ce n'est ni contribuer à leur insertion ni leur faciliter la tâche. Et pour quel résultat ? Aucun !
C'est pourquoi, si nous voulons réellement être constructifs, constatons très modestement que la rédaction antérieure était meilleure que la formulation actuelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« - I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention « étudiant ». En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France.
« La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite d'un temps partiel annualisé.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a plusieurs objets.
D'abord, il tend à clarifier la rédaction de l'article 7.
Ensuite, il vise à donner aux étudiants étrangers le droit d'exercer une activité professionnelle à titre accessoire. Le système de l'autorisation préalable serait supprimé. En effet, l'amendement n° 13 de la commission tend à y substituer un système déclaratif à la charge de l'employeur pour faciliter les contrôles a posteriori de l'inspection du travail.
Enfin, il a pour objet de permettre aux étudiants de travailler dans la limite d'un temps partiel annualisé. Cela apportera une plus grande souplesse dans l'organisation du temps de travail des étudiants.
Par ailleurs, l'amendement n° 21, qui porte sur l'article 11, tend à reprendre partiellement la dernière phrase de l'article L. 313-7-1. Il tend à limiter les possibilités de retrait de la carte de séjour « étudiant » au seul cas où l'étranger ne respecte pas la condition du temps partiel annualisé.
Le projet de loi permet le retrait en cas de non-respect de la réglementation du travail. Cela semble beaucoup trop large. En effet, l'étudiant salarié n'est pas forcément responsable du non-respect de la réglementation du travail. Le responsable de telles pratiques est parfois l'employeur.
Bien entendu, cet amendement ne remet nullement en cause la possibilité de retrait de la carte de séjour « étudiant » si l'étranger travaille sans disposer d'un titre l'y autorisant.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 518, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :
Au second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 pour le I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
temps partiel
par le mot :
mi-temps
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 143 rectifié ter, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cointat, Del Picchia, Duvernois, Ferrand et Guerry, Mmes Kammermann et Brisepierre, est ainsi libellé :
Compléter la dernière phrase du premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 313?7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par les mots :
ainsi qu'à l'étranger qui a effectué sa scolarité dans un établissement secondaire d'enseignement français à l'étranger
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Nous avons besoin d'attirer plus d'étudiants dans notre système universitaire. C'est une évidence et nous sommes tous d'accord sur ce point, y compris M. Dreyfus-Schmidt. (Sourires.)
Cet amendement vise précisément à renforcer l'attractivité de la France pour les étudiants étrangers qui fréquentent nos établissements d'enseignement français à l'étranger.
Sur 91 000 élèves étrangers inscrits dans le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, force est de constater que la grande majorité d'entre eux, même ceux qui sont titulaires du baccalauréat français, sont attirés par l'enseignement supérieur anglo-saxon.
Selon un rapport du Conseil économique et social, présenté en 2003 par M. Bernard Cariot, conseiller élu à l'Assemblée des Français de l'étranger, et intitulé Quel avenir pour l'enseignement français à l'étranger ?, seulement 38,26 % des élèves étrangers ayant obtenu leur baccalauréat à l'étranger optent pour des études supérieures en France.
EduFrance, l'organisme chargé de la promotion des filières supérieures françaises, ne possède pas de statistiques fiables. En effet, on ne distingue pas les élèves français des élèves étrangers dans le nombre des titulaires du baccalauréat à l'étranger, même si une enquête partielle confirme cette grave déperdition pour notre pays.
C'est un fait, les élèves inscrits dans nos établissements à l'étranger sont très convoités par d'autres pays traditionnellement recruteurs. C'est notamment le cas des États-Unis, où 54 % des élèves de nos établissements choisiraient d'aller étudier. Le Canada en attirerait 33 %, contre 21 % pour le Royaume-Uni et 18 % pour l'Australie, qui est un recruteur récent.
Pourquoi nos élèves sont-ils tant convoités ? Tout simplement parce que nos établissements scolaires à l'étranger ont une excellente réputation et que les élèves y sont très bien formés.
Selon une enquête toute récente d'Edufrance, 70 % des établissements interrogés font l'objet de campagnes de promotion de la part d'universités étrangères. Toujours selon cette étude, la qualité de l'accueil et les logements en France constituent des points très noirs. En outre, l'accès à l'université est perçu à l'étranger comme difficile, marqué notamment par des procédures d'inscription extrêmement complexes. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, d'avoir annoncé des mesures de simplification en ce domaine.
Il est donc impératif de renforcer l'attractivité de la France, non seulement auprès des bacheliers de nos écoles et lycées à l'étranger, comme le suggère notre excellent collègue Jacques Legendre dans son amendement au présent article, mais également auprès de tous ceux qui ont étudié un certain temps dans notre système scolaire et qui possèdent un diplôme équivalent pour accéder à nos universités, à nos IUT ou à nos grandes écoles.
Je dois rappeler que tous les étudiants de nos établissements français à l'étranger ne passent pas le baccalauréat. Ainsi, le lycée Charles de Gaulle à Londres forme des étudiants aux A-Levels et les établissements espagnols forment à la Selectividad.
Dans ces conditions, pourquoi accepter l'équivalence de diplômes pour des Chinois ou des ressortissants d'autres pays et ne pas tenir compte de ces anciens élèves étrangers de nos établissements pour lesquels l'équivalence de diplôme ne serait pas possible ?
Mes chers collègues, vous me permettrez donc d'insister sur ce point, qui est absolument essentiel : il faut que notre pays soit plus ouvert et plus accueillant avec ces étudiants parfaitement intégrables dans notre enseignement supérieur.
Il est donc indispensable de simplifier d'obtention d'une carte de séjour temporaire pour les étudiants étrangers qui sont formés à l'esprit et aux méthodes françaises et empreints de notre culture.
Cela ne pourra qu'accroître le nombre de ces anciens élèves dans nos grandes écoles et dans nos universités, pour le plus grand bénéfice de la France et des pays d'origine.
J'ai lu avec beaucoup d'attention l'amendement déposé par notre collègue Jacques Legendre, qui relève du même esprit. Je suis donc prête à retirer cet amendement au profit du sien, si M. Legendre accepte d'ajouter à la mention du baccalauréat celle de diplôme équivalent.
Mme la présidente. L'amendement n° 156, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer le second alinéa du I du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :
« La carte de séjour portant la mention « étudiant » vaut autorisation de travail à temps partiel pendant l'année universitaire et à temps complet pendant les vacances universitaires.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, dans un souci de clarté, je présenterai également l'amendement n° 155, ces deux amendements étant liés.
Nous devrions éviter, et peut-être y parviendrons-nous, de nous accuser mutuellement d'avoir telle ou telle intention à l'égard des étudiants étrangers.
Il n'y a pas assez d'étudiants étrangers en France. Chaque fois qu'un étudiant étranger sort diplômé d'une université française, c'est une grande chance pour lui, mais aussi pour la France, car il sera ensuite un ambassadeur de notre pays partout où il ira.
J'aborderai plus précisément la question du temps de travail de l'étudiant. Je n'évoquerai pas le problème obsessionnel des faux mariages, des faux étudiants ; nous aurons l'occasion, au cours de l'examen de ce texte, de revenir sur les faux de toutes natures.
Un étudiant peut travailler pendant ses études. Souvent, ce n'est d'ailleurs pas un choix. En effet, si l'on donne le choix à un étudiant entre travailler ou se consacrer exclusivement à ses études, il opte généralement pour la seconde possibilité ; c'est le cas des étudiants dont les familles disposent de revenus suffisants. J'ai moi-même eu la chance de pouvoir me consacrer totalement à mes études, ainsi qu'à une série d'activités universitaires, car le temps de l'université est trop riche pour se limiter aux études.
S'agissant des étudiants qui sont dans l'obligation de travailler, qu'ils soient français ou étrangers, ils doivent pouvoir concilier leurs études et le travail. Le temps d'études est sanctionné par les diplômes et, en cas d'échec universitaire, le statut d'étudiant est perdu.
Nous avons discuté de ce sujet en commission. Nous avons maintenu nos amendements, mais nous sommes prêts à les retirer si nous parvenons à un accord.
Je me réjouis de l'absence de notre collègue Jean-Patrick Courtois, quel que soit le plaisir que j'ai à le voir, car son sous-amendement n'a pas été soutenu. La construction intellectuelle de celui-ci est d'ailleurs curieuse : par courtoisie, M. Courtois n'a pas souhaité supprimer l'amendement de la commission, mais la rédaction qu'il propose nous ramène au texte de l'Assemblée nationale. Ce point est donc réglé !
Dans son amendement, M. le rapporteur utilise l'expression « temps partiel annualisé ». Lorsque nous parlons de « temps partiel pendant l'année universitaire » et de « temps complet pendant les vacances universitaires », cela correspond à l'acception générale des termes « temps partiel annualisé » Par conséquent, si son amendement est adopté, le nôtre n'aura plus d'objet. Nous le maintenons donc seulement à titre de garantie.
Nous avons eu une discussion intéressante à ce sujet en commission. L'expression « mi-temps annualisé » ne nous convient pas. En revanche, les termes « temps partiel annualisé », nous donnent satisfaction.
Par ailleurs, dans le souci de simplifier la vie de nos étudiants, qui ont besoin d'être protégés, ne pourrait-on pas imaginer que la carte d'étudiant vaut autorisation de travailler, dans les conditions définies par M. le rapporteur ?
Je pourrais ainsi transformer mon amendement en sous-amendement à l'amendement n° 12 de la commission. Ce dernier tendant à préciser que les étudiants sont autorisés à exercer « une activité professionnelle salariée dans la limite d'un temps partiel annualisé », il suffirait d'ajouter que la carte d'étudiant vaut autorisation de travailler.
N'oublions jamais que l'accueil que l'on réserve aux gens est important. Je n'aborderai pas les problèmes liés à l'éloignement, que nous évoquerons plus tard, mais certains étudiants font l'objet d'incessants contrôles d'identité, parce qu'ils font partie d'une minorité visible. Au bout d'un certain temps, ils se lassent et ils doutent de la qualité de l'accueil.
Nous devrions pouvoir trouver un accord. Nous sommes prêts à retirer nos amendements, qui du reste n'auraient plus d'objet si l'amendement de la commission était adopté, mais nous souhaitons que la carte d'étudiant vaille autorisation de travail.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 525, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 156 pour le second alinéa du I de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
temps partiel
par le mot :
mi-temps
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 484, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du I du texte proposé par le I de cet article par l'article L. 313-7 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile :
« La carte de séjour temporaire accordée au titre des dispositions du premier alinéa vaut autorisation temporaire de travail dans la limite d'un temps partiel annualisé et d'un temps plein durant la période de vacances scolaires et dans les conditions d'emploi et de rémunération conformes à la réglementation sur le travail. Le non-respect des prescriptions prévues par la réglementation sur le travail entraîne le retrait de l'autorisation temporaire de travail accordée au titre du présent article.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La situation générale des étudiants dans notre pays est d'une extrême gravité : ils ont énormément de mal à trouver un logement, à financer leurs études, à se soigner, voire parfois à se nourrir.
Comme l'ont montré les manifestations anti-CPE, sur lesquelles je ne m'appesantirai pas, les jeunes, notamment les étudiants, figurent parmi les catégories les plus en difficulté dans notre pays. La situation des étudiants étrangers est encore plus grave que celle des étudiants français. Voilà pourquoi il est discriminatoire de restreindre autant leurs possibilités de travailler.
Je rappelle en effet que toutes les préfectures font le tri entre les vrais et les faux étudiants. Lors de chaque renouvellement de leur titre de séjour, les étudiants étrangers doivent fournir des preuves de leur assiduité et de leur réussite.
Limiter l'exercice d'un emploi à un mi-temps annualisé constituerait donc un obstacle supplémentaire dans le parcours de l'étudiant étranger.
Il convient dès lors d'amoindrir leurs difficultés, notamment en leur facilitant l'accès à un travail et en les autorisant à occuper un temps partiel annualisé ou un temps plein durant la période des vacances scolaires.
Enfin, il importe de sanctionner le non-respect du droit du travail par le retrait de l'autorisation temporaire de travail, plutôt que par le retrait du titre de séjour lui-même. Cette sanction est trop injuste et constitue une discrimination supplémentaire à l'encontre de l'étudiant étranger.
Mme la présidente. L'amendement n° 155, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Après les mots :
professionnelle salariée
rédiger comme suit la fin de la première phrase du second alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
à temps partiel pendant l'année universitaire et à plein temps pendant les vacances universitaires.
II. Supprimer la seconde phrase du second alinéa du même texte.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 135 rectifié bis, présenté par MM. Legendre et Karoutchi, Mme Brisepierre, MM. Del Picchia, Duvernois et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après le quatrième alinéa (3°) du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° À l'étranger titulaire du baccalauréat français préparé dans un établissement relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ;
La parole est à M. Jacques Legendre
M. Jacques Legendre. Cet amendement vise à mettre un terme à une situation choquante. La France dispose, de loin, du plus important réseau d'établissements secondaires à l'étranger. Tout le monde s'accorde à reconnaître l'excellence de la formation dispensée dans ces établissements, où l'on prépare souvent des élèves jusqu'au baccalauréat.
Ces établissements sont d'abord destinés aux enfants des Français de l'étranger ; ensuite, s'il reste des places, ils accueillent des enfants étrangers. Or on constate, comme notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam vient de le rappeler à juste titre, une « évaporation » de ces élèves à leur sortie de ces établissements du secondaire. En effet, les établissements d'enseignement supérieur français n'accueillent pas un nombre significatif de ces élèves, qui leur préfèrent les établissements d'enseignement supérieur anglo-saxons.
Ce débat doit donc être l'occasion d'envoyer un signe clair et de dire que nous sommes prêts à accueillir dans les établissements d'enseignement supérieur en France les enfants étrangers ayant effectué une part notable de leur scolarité et obtenu un diplôme dans un établissement français de l'étranger.
Il faut se souvenir que le baccalauréat est tout de même le premier grade de l'enseignement supérieur. Il serait donc étonnant que nous acceptions ces élèves pour préparer le premier grade de l'enseignement supérieur, puis au niveau du master, mais pas entre les deux ! Dans ce cas, en effet, ces étudiants vont ailleurs,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ils y restent !
M. Jacques Legendre. ... et c'est logique ! Dès lors, ils ne reviennent pas nécessairement en France au niveau du master.
Cet amendement vise donc, monsieur le ministre, à mettre un terme à cette situation étrange.
Par ailleurs, notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam et plusieurs sénateurs représentant les Français établis hors de France m'ont fait remarquer que certains de ces élèves étaient titulaires d'un diplôme équivalent au baccalauréat français, qu'ils ont préparé dans ce type d'établissements.
En ce qui me concerne, je ne verrais pas d'inconvénient à mentionner qu'il s'agit d'élèves titulaires du baccalauréat français ou d'un diplôme équivalent et ayant suivi pendant au moins trois ans une scolarité dans un établissement français de l'étranger Cela répondrait à l'ensemble des situations qui peuvent être rencontrées dans les établissements français de l'étranger et constituerait une avancée significative.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 135 rectifié ter, présenté par MM. Legendre et Karoutchi, Mme Brisepierre, MM. Del Picchia et Duvernois, Mme Garriaud-Maylam, et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et qui est ainsi libellé :
Après le quatrième alinéa (3°) du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° À l'étranger titulaire du baccalauréat français préparé dans un établissement relevant de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou titulaire d'un diplôme équivalent et ayant suivi pendant au moins trois ans une scolarité dans un établissement français de l'étranger ;
Madame Garriaud-Maylam, compte tenu de la rectification de l'amendement de M. Legendre, l'amendement n° 143 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 143 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 288, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'avant-dernier alinéa (4°) du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° À l'étudiant venant en France pour y suivre des études supérieures, dans un établissement public ou privé reconnu par l'État, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement tend à rétablir la motivation des refus consulaires de visas aux étudiants, afin que ceux-ci puissent venir se former en France sans se heurter à un refus systématique et injustifié
Cette disposition garantirait aux étudiants sinon le droit d'étudier en France, du moins celui de connaître, le cas échéant, la raison du refus qui leur a été opposé.
La réforme que propose le Gouvernement consiste apparemment à donner automatiquement une carte de séjour aux étudiants qui, dans leur pays d'origine, auront été choisis selon quatre procédures : ils pourront être sélectionnés par les Centres pour les études en France, reçus au concours d'établissements conventionnés, boursiers du Gouvernement français ou originaires d'un pays ayant signé un accord de réciprocité avec la France.
Une telle restriction privera de nombreux étudiants de la possibilité d'étudier en France, tout en créant probablement une grande confusion. C'est pourquoi nous pensons que les étudiants à qui l'on refuse ce droit doivent au moins s'en voir notifier la raison.
Le projet de loi vise à multiplier les Centres pour les études en France, déjà opérationnels auprès des consulats de douze pays en 2006 et qui devraient être généralisés à compter de 2007.
Vous allez donc pratiquer une sélection en choisissant les étudiants. Je vous rappelle les termes du dispositif : « À compter de la rentrée 2006, les étudiants bénéficiant d'un visa seront choisis selon un nouveau système multicritères (prenant en compte plusieurs points : le projet d'études, le parcours académique et personnel, les compétences linguistiques, les relations bilatérales ainsi que les intérêts de la France et du pays de l'étudiant étranger), s'ajoutant aux critères actuels (ressources, inscription dans un établissement d'enseignement, absence de menace à l'ordre public). »
Avec cet amendement de repli, nous demandons au moins que le droit de certains étudiants à venir étudier sur notre territoire ne se heurte pas à un refus systématique et, surtout, injustifié.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est d'autant plus défavorable à l'amendement de suppression n° 154 que les nouvelles dispositions prévues sont plus favorables que le droit positif, notamment en matière de droit pour les étudiants à exercer une activité salariée. Je vous renvoie également à ce que nous avons dit, à l'occasion du débat sur l'article 6, sur la carte de séjour temporaire pluriannuelle.
S'agissant de l'amendement n° 156, si l'amendement n° 12 de la commission est adopté, celui-ci deviendra sans objet.
La commission souhaite le retrait de l'amendement n° 484, car il est satisfait par l'amendement n° 12.
Elle demande également le retrait de l'amendement n° 155 qui est satisfait par l'amendement n° 12, notamment en ce qui concerne la possibilité de travailler pour les étudiants.
La commission est favorable à l'amendement n° 135 rectifié ter.
Enfin, elle est défavorable à l'amendement n° 288, qui est sans lien véritable avec son objet. En l'état, cet amendement généralise la délivrance de plein droit de la carte d'étudiant. Or le projet de loi réserve celle-ci aux étudiants ayant fait l'objet d'une forme de présélection. Il n'est donc pas convenable de l'étendre au-delà.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 154.
J'en viens aux amendements évoquant le problème du temps partiel ou du mi-temps.
L'amendement n° 12 précise utilement, dans un souci de simplification, que la carte de séjour « étudiant » donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle.
Nous avons toutefois une interrogation, que la Haute Assemblée va nous aider à résoudre : nous craignons en effet que la limite fixée par la commission d'un temps partiel annualisé ne soit trop élevée. Si l'étudiant consacre 99 % de son temps à travailler, il n'aura plus guère le temps d'étudier. L'Assemblée nationale, en retenant le mi-temps, avait ce souci présent à l'esprit. Je pense que les étudiants doivent consacrer l'essentiel de leur temps à étudier. Quelles limites faut-il fixer à leur temps de travail ? À cet égard, l'amendement n° 156 de M. Frimat va dans le bon sens en précisant les choses ; le sous-amendement de M. Courtois, qui n'a pas été soutenu, le faisait encore mieux.
Ouvrir la possibilité aux étudiants de travailler, c'est aussi permettre à beaucoup d'entre eux de financer une part de leur hébergement, de leurs études. Bon nombre d'universités à l'étranger - et l'exemple américain est, sur ce point, probant - ont elles-mêmes un bureau du travail qui, en relation avec les entreprises, a pour objet de proposer aux étudiants, le jour même de leur arrivée, un certain nombre de postes afin qu'ils puissent exercer une activité professionnelle et participer au financement de leurs études. Il y a donc des exemples étrangers intéressants. Que la France s'en inspire en permettant à des étudiants étrangers de pouvoir exercer des activités professionnelles et assouplisse le dispositif est positif.
Les propositions qui ont été formulées de part et d'autre sont judicieuses. Le Gouvernement est donc favorable aux amendements nos 12 et 156.
En ce qui concerne l'amendement n° 143 rectifié ter, qui a été retiré au bénéfice de l'amendement n° 135 rectifié ter, vous avez raison, madame Garriaud-Maylam, il faut faciliter l'accueil des bacheliers des lycées français à l'étranger en leur donnant une carte de séjour « étudiant » de plein droit. Je remercie M. Legendre, qui a accepté d'ajouter dans son amendement la notion de « diplôme équivalent » à la suite du mot « baccalauréat », de la façon dont il propose d'enrichir le texte.
Nous avons, il a raison de le souligner, un réseau de lycées français à l'étranger qui accueillent, bien évidemment, des étudiants français, mais aussi un grand nombre d'étudiants étrangers. Ces lycées doivent être des portes d'accès pour ces étudiants étrangers aux universités françaises.
Voilà dix jours, je me trouvais en Israël, dans le cadre de partenariats que mon ministère mène avec des industriels, des universitaires, des scientifiques français, pour la signature d'accords entre le pôle de compétitivité français SCS, solutions communicantes sécurisées, et le pôle des technologies de Jérusalem, ainsi qu'entre l'hôpital Hadassah de Jérusalem, la faculté de médecine de l'université hébraïque de Jérusalem et un centre hospitalier français. À cette occasion, j'ai également rencontré le proviseur du lycée français de Jérusalem, avec qui je me suis entretenu de ce sujet, et les autorités israéliennes.
C'est un exemple, mais un grand nombre d'autres pays amis souhaitent que nous favorisions cet accès aux universités françaises par le biais des lycées français à l'étranger. Votre amendement, cher Jacques Legendre, y contribue largement et je tiens, au nom du Gouvernement, à vous en remercier.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 484 de Mme Boumediene-Thiery, qui n'aurait plus d'objet si l'amendement n° 156 de M. Frimat était adopté.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 155 de M. Frimat, parce qu'il faut maintenir un régime de retrait de titre de séjour en cas de non-respect de la réglementation du travail, dans l'intérêt même des étudiants.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 288 de Mme Assassi, car il ouvrirait trop largement les facilités que nous prévoyons en matière de délivrance de carte de séjour La seule inscription dans un établissement d'enseignement supérieur ne peut suffire à donner de plein droit une carte de séjour.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ainsi que certains d'entre vous s'en souviennent, lors de notre débat en commission, il est apparu souhaitable - et, monsieur le ministre, vous l'avez très bien confirmé - de permettre aux étudiants étrangers de travailler pendant leurs études parce que cela présente de nombreux avantages, tels que le financement de leurs études ou la participation à une activité économique.
Pour un étudiant en médecine, assurer des gardes d'infirmier pendant les week-ends me paraît tout à fait positif. D'ailleurs, beaucoup d'étudiants qui ne sont pas étrangers travaillent pour payer leurs études. J'ai moi-même toujours travaillé à temps plein en faisant mes études.
Le seul souci qui nous préoccupe, c'est que les étudiants aient aussi le temps de se consacrer à leurs études. Après réflexion, il nous a semblé qu'une certaine souplesse était nécessaire. Par le passé, c'est le mi-temps qui avait été retenu, calculé sur la base de 39 heures et non pas sur celle de 35 heures, qui réduit d'autant la durée du travail.
Cette souplesse se justifie du fait que l'année universitaire n'est pas homogène : à certains moments, on travaille beaucoup à l'université et, à d'autres, on est plus disponible. Pour cette raison, l'expression « temps partiel annualisé », qui permet une alternance de périodes de travail à temps plein et d'autres à temps partiel, nous paraît beaucoup plus claire.
L'amendement de M. Frimat aboutit au même résultat, mais il nous paraît plus simple de parler de temps partiel annualisé. Cela permet une adaptation au cas par cas.
D'ailleurs, monsieur le ministre, la sanction, c'est que celui qui ne poursuit pas ses études perd son statut.
En fin de compte, il appartient à chacun de prendre ses responsabilités. La commission des lois, après avoir examiné toutes les modalités, a préféré laisser une certaine souplesse.
On pourrait évidemment continuer à discuter de cette question. La philosophie de la commission des lois, qui rejoint tout à fait la vôtre, monsieur le ministre, est de permettre à des étudiants étrangers de travailler, à condition, bien entendu, qu'ils aient aussi le temps de se consacrer à leurs études. Il y a des cas où, de toute façon, il est pratiquement impossible de travailler en dehors de ses études, sauf le week-end.
Tel est le sens de l'amendement n° 12 de la commission. Monsieur Frimat, votre amendement est sous-tendu par le même objectif que l'amendement de la commission, mais ce dernier est plus souple. Vous pourriez donc retirer le vôtre.
Mme la présidente. Monsieur Frimat, maintenez-vous votre amendement ?
M. Bernard Frimat. Monsieur Hyest, j'irai même jusqu'à vous concéder que l'amendement de la commission est mieux rédigé que le mien !
Mon seul problème, par rapport à l'amendement de la commission, c'est que je voudrais être assuré que la délivrance de la carte de séjour « étudiant » vaut bien autorisation de travail, c'est-à-dire qu'une personne titulaire de cette carte peut exercer une activité professionnelle dans les conditions définies sans avoir besoin de remplir des formalités spécifiques et d'obtenir une autorisation de travail.
Mon amendement vise à apporter une simplification. J'ai cru comprendre, en écoutant M. le ministre, qu'il partageait ce souci. Mais comme je veux éviter toute erreur d'interprétation, j'aimerais qu'il me confirme, compte tenu de ce qui est écrit, que l'étudiant sera dispensé des formalités nécessaires à l'obtention d'une autorisation de travail, que sa carte en fera foi et lui donnera le droit d'exercer une activité professionnelle dans les conditions définies par la loi.
Si cet engagement est pris et si nous sommes d'accord sur le fond, n'ayant pas de vanité d'auteur, je pourrai consentir le sacrifice de retirer cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je confirme que la carte de séjour « étudiant » vaut autorisation de travail.
S'agissant de la question du temps de travail, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Monsieur Frimat, compte tenu de la réponse de M. le ministre, l'amendement n° 156 est-il maintenu ?
M. Bernard Frimat. Je ne peux que retirer cet amendement, madame la présidente !
Quant à l'autre amendement, il devrait connaître un sort qui ne m'obligera pas à m'en préoccuper.
Mme la présidente. L'amendement n° 156 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 154.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.
M. Hugues Portelli. Voilà trente ans que je dirige des travaux universitaires - thèses, masters ou licences - d'étudiants étrangers, dont beaucoup viennent de pays en voie de développement.
Un étudiant étranger qui souhaite travailler est obligé de remplir des formalités administratives extrêmement compliquées et rencontre de nombreuses difficultés. Tout cela prend beaucoup de temps.
La réalité des étudiants étrangers qui travaillent, c'est d'abord une très grande pluralité de situations. Certains de mes étudiants travaillent au noir, d'autres à temps plein, à temps partiel ou à mi-temps. Ils sont livreurs de pizzas, gardiens d'immeubles de nuit, ou biens ils sont serveurs dans des Bistro Romain et des fast foods. Ce sont les cas les plus fréquents ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat opine.)
Il existe aussi une autre réalité : les étudiants qui s'inscrivent à l'université, mais que je ne vois plus jamais après.
M. Jean Desessard. Il y a des sénateurs que je ne vois jamais non plus ! (Sourires.)
M. Hugues Portelli. Ceux-là viennent me voir, en général à cette époque de l'année, car ils ont besoin d'un tampon sur leur carte d'étudiant avant de la présenter à la préfecture de police. Je sais très bien qu'ils ne suivent leurs études que partiellement, ou très mal, mais il leur faut l'attestation d'un professeur prouvant que leur thèse avance.
Il m'arrive d'avoir la faiblesse de signer ces papiers, même si je sais que les travaux n'ont pas beaucoup progressé au cours de l'année. Mais, la plupart du temps, je demande une production minimum. Si tel n'est pas le cas, je refuse de signer, car le contrat moral n'est pas respecté.
Si l'on veut apprécier correctement cette réalité, il faut d'abord la considérer du point de vue de l'éducation nationale, avant de se pencher sur la situation de ces étudiants dans le monde du travail. Il faut donc vérifier s'ils sont vraiment des étudiants et s'ils suivent correctement leurs études.
Cela étant, il est tout à fait normal que les étudiants exercent une activité rémunérée. Pour ma part, je connais très peu d'étudiants qui obtiennent une bourse. La plupart d'entre eux sont obligés de travailler pour payer leurs études. Ainsi, parmi mes nombreux étudiants qui sont devenus un jour professeurs d'université, j'en connais un seul qui a travaillé à temps plein comme gardien de nuit : il est aujourd'hui professeur dans une grande université du Maroc. Tous les autres ont eu énormément de difficultés pour s'en sortir. Telle est la réalité !
Enfin, je souhaite ouvrir une « parenthèse », même si cela ne concerne pas directement l'amendement dont nous discutons.
Si nous voulons faire preuve d'une totale honnêteté intellectuelle à l'égard des étudiants étrangers qui s'inscrivent dans nos universités, nous devons les traiter de la même façon que les étudiants français. Combien de fois ne me suis-je pas retrouvé dans des jurys de thèse qui ont décerné des mentions de complaisance à des travaux médiocres, considérant que, de toute façon, ces étudiants n'enseigneraient pas chez nous. Il s'agit là d'une forme de mépris !
M. Pierre-Yves Collombat. De lâcheté !
M. Hugues Portelli. Le résultat, c'est que certains pays francophones d'Afrique refusent aujourd'hui de reconnaître la validité des diplômes décernés par les universités françaises, car ils savent que ceux-ci ne valent rien. Les étudiants doivent alors repasser un examen d'entrée à leur retour dans le pays, afin de vérifier que les études qu'ils ont suivies en France étaient effectivement valables.
Si nous voulons que l'image de la France, sur le plan académique, s'améliore au niveau mondial, il nous faut retourner le fer dans la plaie, et il s'agit non pas du monde du travail, mais de l'éducation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Portelli vient de nous parler de la vraie vie, et c'était très intéressant.
Dans la vraie vie, il y a, d'une part, ce qui relève de l'éducation nationale et, d'autre part, le quotidien des étudiants.
Les universités doivent pouvoir donner un avis sur ce que fait l'étudiant dans le cadre de ses études : s'il suit les cours, s'il a un bon niveau, s'il est en mesure d'obtenir un diplôme.
S'agissant de la réalité de la vie des étudiants, la plupart d'entre eux ne reçoivent ni bourse ni argent de la part de leurs parents pour pouvoir subsister en France. Il faut donc leur laisser les moyens de vivre.
La plupart de ceux qui travaillent, en général dans la distribution, ne choisissent pas leur contrat de travail : on leur propose des contrats de vingt, vingt-huit, trente ou trente-deux heures et, que cela leur plaise ou non, comme ils ont besoin de travailler, ils les acceptent. Beaucoup se débrouillent ainsi pour mener à bien leurs études.
La formule du temps partiel annualisé me semble correcte, car elle leur permet de travailler à plein temps pendant les vacances et, durant l'année universitaire, soit de faire des « petits boulots » répartis comme ils l'entendent - c'est mieux que de travailler au noir ! -, soit d'avoir un contrat de plus de vingt heures, ce qui est en général proposé dans la distribution.
Je souhaite également, madame la présidente, faire part au Sénat de mon inquiétude s'agissant d'une autre situation, qui ne concerne pas l'activité professionnelle des étudiants étrangers.
Certains mineurs, arrivés en France de façon irrégulière, sont placés sous la protection de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, et suivent leur scolarité en France de l'âge de seize ans à leur majorité. De ce point de vue, ils sont donc en situation régulière et devraient pouvoir poursuivre leurs études après l'âge de dix-huit ans. De toute façon, ils ne peuvent en général pas retourner dans leur pays d'origine, car personne ne peut s'en occuper. Personnellement, je connais plusieurs cas très concrets.
Je pense que ces mineurs, souvent pris en charge par des membres de leur famille ou des amis qui vivent dans notre pays, devraient avoir la possibilité de poursuivre leurs études en France.
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 484 et 155 n'ont plus d'objet.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 135 rectifié ter.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mon groupe votera l'amendement de M. Legendre. Mais je tiens à préciser que les refus de visas opposés aux élèves étrangers qui ont fréquenté nos établissements sont rarissimes et dus, le plus souvent, aux mauvaises relations qu'entretiennent le service culturel et le consulat du pays où ces élèves résident. Par conséquent, s'il est très positif de faciliter l'obtention d'une carte de séjour portant la mention « étudiant », il faut savoir que les difficultés rencontrées par ces jeunes sont d'ordre pratique plutôt que juridique.
Il n'est pas étonnant qu'un certain nombre d'élèves de nos établissements français à l'étranger choisissent de faire leurs études supérieures dans leur pays de résidence. Ainsi, un Espagnol, un Italien ou un Allemand qui a suivi ses études dans nos établissements reviendra, à dix-sept ans ou dix-huit ans, dans le pays de résidence de sa famille. Quant à nos étudiants d'Amérique du Nord, ils choisissent souvent de rester dans leur pays, préférant étudier dans un collège américain ou canadien plutôt que dans une classe préparatoire française.
Par ailleurs, les parents demandent désormais à l'AEFE de multiplier les doubles certifications, afin que les diplômes de fin d'études aient à la fois la valeur du baccalauréat et du diplôme de fin d'études du pays de résidence.
Toutes ces dispositions sont salutaires pour nos établissements, car elles nous permettent de garder les élèves jusqu'à la fin du second cycle. Sans celles-ci, ils partiraient avant. Il ne faut donc pas nous étonner de ne pas voir ces élèves arriver en France dès le début des études supérieures. Ils viennent souvent à l'occasion du cycle suivant, en master ou en doctorat, car du fait de leur maîtrise du français, ils ont intérêt à venir en France.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je souhaite remercier chaleureusement Joëlle Garriaud-Maylam et Jacques Legendre, qui ont réussi à régler le problème en fusionnant leurs deux amendements. En effet, en tant que cosignataire, j'aurais été très déçu si l'une des deux facettes avait disparu.
Cette mesure renforcera, dans les pays où nous sommes présents, l'attractivité et la réputation de nos établissements français d'enseignement qui, comme l'ont rappelé M. le ministre, Jacques Legendre et Joëlle Garriaud-Maylam, sont d'une très grande utilité pour le rayonnement de la culture française.
Nous disposons désormais d'un texte qui « tient la route », qui est complet, et dont nous pouvons nous féliciter.
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 288.
(L'amendement n'est pas adopté.)
8
souhaits de bienvenue à deux délégations parlementaires de chine et du Bénin
Mme la présidente. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation de l'Assemblée populaire nationale de la République populaire de Chine, conduite par son premier vice-président, M. Wang Zhaoguo. Cette visite souligne, s'il en était encore besoin, la remarquable qualité des relations qui existent entre nos deux pays.
Je formule des voeux pour que cette visite contribue encore un peu plus au renforcement des liens d'amitié qui unissent nos deux peuples depuis si longtemps. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Madame la présidente, je me permets de signaler également la présence à la tribune d'une délégation de l'Assemblée nationale du Bénin, en visite officielle au Sénat. (M. le ministre délégué, Mmes et MM les sénateurs applaudissent de nouveau.)
Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.
Je salue également avec beaucoup d'amitié cette délégation, qui aura pu directement constater la volonté des sénateurs français d'assurer le meilleur accueil aux étudiants étrangers. (Applaudissements.)
9
Immigration et intégration
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.
Article 7 (suite)
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 7, à l'amendement n° 13.
L'amendement n° 13, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le I de l'article 7, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 341-4 du code du travail, il est inséré un article L. 341-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 341-4-1. - L'embauche d'un salarié étranger titulaire de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut intervenir qu'après déclaration nominative effectuée par l'employeur auprès de l'autorité administrative. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je rappelle que l'amendement n° 12 visait à remplacer le système de l'autorisation préalable de travail pour les étudiants par un droit de travailler.
Pour permettre néanmoins un contrôle par les services de l'inspection du travail a posteriori, l'amendement n° 13 a pour objet d'obliger les employeurs à déclarer spécifiquement l'embauche d'un étudiant étranger.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Je remercie la commission d'avoir déposé cet amendement important, auquel le Gouvernement est très favorable. Nous supprimons l'autorisation préalable de travail pour les étudiants ; il est utile, en contrepartie, de prévoir un régime de déclaration préalable à la charge des employeurs. Les entreprises devront donc déclarer qu'elles embauchent des étudiants, ce qui facilitera les contrôles de l'inspection du travail et protégera du même coup les étudiants.
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 289 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 503 rectifié est présenté par MM. Portelli, Béteille et Haenel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour défendre l'amendement n° 289.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement de suppression se situe dans la logique de nos amendements précédents.
Lors de la discussion générale, nous avons insisté sur la nécessité d'éviter le pillage des cerveaux des pays étrangers. Nous l'avons dit et répété, nous craignons que les bons étudiants ne soient systématiquement sélectionnés, tandis que d'autres, moins brillants, n'auront pas la même chance.
L'intention affichée du Gouvernement est d'instaurer une prétendue circulation de compétences, de valoriser les partenariats et le codéveloppement. Mais, au-delà des mots, il s'agit purement et simplement de contrôler et de sélectionner les jeunes des pays étrangers pour n'autoriser à séjourner sur notre territoire que les plus diplômés et les plus brillants. Où se trouvent alors, dans ce projet de loi, la solidarité internationale et le codéveloppement ?
Au contraire, nous pensons que vous souhaitez soumettre plus encore les pays du Sud aux exigences de performance et de compétitivité des pays riches comme le nôtre. Tout cela se fait bien évidemment au détriment du développement de ces pays en mettant en péril l'avenir de leur jeunesse. Vous ne pouvez pas prétendre mener une politique de codéveloppement en affirmant que les étudiants étrangers seront formés en France avant de retourner chez eux à l'issue d'une première expérience et, parallèlement, faire en sorte que les entreprises puissent garder les meilleurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l'amendement n° 503 rectifié.
M. Hugues Portelli. Comme mon amendement précédent, il s'agit d'un amendement de coordination, qui a pour objet de supprimer le II de l'article 7 afin de rassembler au sein de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile toutes les dispositions relatives à l'autorisation provisoire de séjour.
Mme la présidente. L'amendement n° 485, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de six mois non renouvelable est délivrée
par les mots :
Une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » d'une durée de validité de six mois renouvelable est accordée
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement de repli s'inspire directement de la remarque d'une association de défense des droits des migrants.
Cette association nous a fait observer que, pour un étudiant étranger, passer d'une carte de séjour « étudiant » à une simple autorisation provisoire de séjour avait des conséquences directes sur le maintien de ses droits sociaux. Parmi ces droits figure bien entendu l'APL, l'aide personnalisée au logement.
Comme nous l'avons dit plus tôt, les étudiants vivent en général très difficilement. À quoi servirait-il à un étudiant étranger ayant fini ses études de pouvoir rester en France pour acquérir une première expérience professionnelle si, ayant perdu son statut d'étudiant et, avec lui, l'APL, il doit perdre son petit logement, qu'il aura parfois très difficilement obtenu, parce qu'il ne dispose plus de moyens suffisants pour le garder ?
Notre amendement a deux objets.
D'abord, nous nous devons de mettre en oeuvre des statuts qui permettent à toutes et à tous de maintenir et de défendre leurs droits. On ne peut se contenter de faire croire que l'on octroie une généreuse mesure alors que celle-ci ne permet pas d'exercer pleinement ses droits.
Ensuite, le fait de limiter cette autorisation provisoire de séjour à une durée de six mois est injustement contraignant, notamment pour l'étudiant étranger qui a achevé avec succès son cycle de formation. Rechercher et trouver un emploi en général, à ce niveau d'études en particulier, peut prendre un certain temps, notamment parce que la durée des procédures de recrutement est parfois assez longue.
Il serait plus juste, à mon sens, que l'APS puisse être accordée deux fois. C'est pourquoi nous souhaitons la suppression des mots : « non renouvelable ».
Mme la présidente. L'amendement n° 293 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans les première et troisième phrases du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
six mois
par les mots :
douze mois
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'objet de cet amendement est de porter de six mois à douze mois la durée de validité de l'APS de façon à ne pas trop pénaliser les étudiants étrangers. Prévoir une durée aussi courte, c'est ignorer les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants pour accéder à un premier emploi. La période de chômage qui suit la fin des études, période qui, hélas ! est épargnée à de moins en moins d'étudiants, excède souvent six mois, comme nous pouvons le constater pour nos propres nationaux.
Une fois de plus, ce sont souvent les étudiants étrangers les moins diplômés, ou tout au moins ceux qui ne sortiront pas d'une école prestigieuse, qui seront pénalisés. C'est encore un moyen d'opérer indirectement une sélection parmi les étudiants pour ne conserver que les plus diplômés et renvoyer le plus rapidement possible les autres.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 290 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 486 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer le mot :
non
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 290.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit également d'un amendement de repli puisqu'il vise à supprimer le caractère non renouvelable de l'autorisation de séjour de six mois délivrée aux étudiants qui souhaitent acquérir une première expérience professionnelle.
Une telle limitation est une autre manière de dire aux étrangers qu'ils ne sont pas les bienvenus chez nous. C'est une barrière supplémentaire qui s'ajoute à toutes celles que nous avons dénoncées depuis le début de cette discussion.
Il nous paraît normal que l'autorisation de séjour puisse être renouvelée si la personne prouve l'effectivité de ses recherches. En effet, six mois, c'est extrêmement court, et il serait intéressant que l'entreprise qui emploie l'étudiant puisse prolonger cette expérience si elle le souhaite.
J'ajoute qu'il est contradictoire de promouvoir l'immigration choisie, qui consiste à demander à des étrangers de venir travailler en France en fonction des besoins de notre pays, et de proposer en même temps une telle limitation temporelle.
Au cours de la discussion à l'Assemblée nationale, la majorité a rappelé que les étudiants à haut potentiel, comme le Gouvernement aime à les appeler, puisqu'il s'agit essentiellement des titulaires des masters, sont généralement recrutés très rapidement après l'obtention de leur diplôme, voire prérecrutés avant l'obtention de celui-ci.
Cela amène cependant deux remarques : d'une part, si l'on veut créer les conditions pour que ces élites retournent dans leur pays, il faut leur permettre de conforter leur expérience ; d'autre part, si ces jeunes veulent poursuivre leur expérience en France, les entreprises auront besoin de beaucoup plus de temps pour s'engager avec eux dans un contrat de travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 486.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 291, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent à un master
par les mots :
habilité, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au baccalauréat
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement est également défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 292, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 292 est retiré.
L'amendement n° 14, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :
au titre des dispositions
insérer les mots :
du 1°
L'amendement n° 15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces deux amendements, qui ont été pris en compte dans l'amendement n° 507 rectifié quater, sont retirés : je suis victime de « l'effet Portelli ».
M. Bernard Frimat. Une victime consentante !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Tout à fait !
Mme la présidente. Les amendements n°s 14 et 15 sont retirés.
Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est favorable aux amendements nos 289 et 503 rectifié, étant entendu que ces amendements identiques n'ont ni les mêmes motivations ni les mêmes objectifs, l'amendement de M. Portelli étant un amendement de coordination.
La commission est défavorable à l'amendement n° 485. L'autorisation provisoire de séjour étant délivrée dans le seul but de trouver un emploi, elle n'a pas vocation à être renouvelée.
La commission est également défavorable aux amendements nos 293 rectifié, aux amendements identiques n°s 290 et 486 et à l'amendement n° 291, qui devraient en principe devenir sans objet.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de coordination n° 503 rectifié, ainsi donc qu'à l'amendement identique n° 289, malgré sa motivation.
Comme je l'ai déjà dit lors de l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 4, nous souhaitons créer un sas entre les études et la vie active pour les jeunes diplômés étrangers à bac + 5 qui souhaitent acquérir une première expérience professionnelle en France dans la perspective de leur retour dans leur pays d'origine.
Je suis défavorable à l'amendement n° 485, car le maintien des droits sociaux est acquis pour ces jeunes diplômés titulaires d'une autorisation provisoire de séjour.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 293 rectifié, car le sas doit rester d'une durée raisonnable et une durée de six mois permet à un jeune diplômé à bac + 5 de trouver un travail.
Je suis de même défavorable aux amendements identiques nos 290 et 486, car, la durée du sas ne devant pas excéder six mois, elle n'a donc pas à être renouvelée. Soit le jeune diplômé trouve un travail dans les six mois et il a une carte de séjour d'un an, soit il ne trouve pas de travail et il n'a donc pas de carte de séjour l'autorisant à travailler.
Enfin, je suis défavorable à l'amendement n° 291, car il n'y a guère de sens à ouvrir dès le baccalauréat cette autorisation de séjour permettant au jeune diplômé de chercher un travail.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 289 et 503 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 485, 293 rectifié, 290, 486 et 291 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 294, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article L. 313-7-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
et qu'il dispose de moyens d'existence suffisants
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s'agit d'un amendement de repli. Il relève de la philosophie que nous avons déjà défendue.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 295, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s'engage à entamer le processus de ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille avant le 31 décembre 2006.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ainsi que le rappelle à juste titre la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, dans son avis daté du 1er juin 2006 à propos du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale le 17 mai dernier, « les migrants, quelles que soient les raisons qui motivent leur départ, ont des droits qui leur sont garantis par les textes internationaux ».
C'est le cas de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui a été adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1990 et qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2003.
Cette convention a pour objet d'établir des normes minimales pour tous les travailleurs migrants, quelle que soit leur situation, notamment le respect des droits fondamentaux pour eux et les membres de leur famille, inhérents à la dignité humaine.
Il est fort regrettable que la France n'ait toujours pas ratifié cette convention qui réaffirme la reconnaissance et la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels pour tous les migrants.
Est-il utile de préciser que cette convention représente un instrument de lutte contre les discriminations et, donc, contre les phénomènes de racisme qui ont malheureusement tendance à se développer en France, mais aussi en Europe ?
La ratification de cette convention permettrait également de formaliser le cadre nécessaire à la coopération nord-sud. Elle constitue, en effet, un enjeu important pour les politiques de coopération et de codéveloppement.
C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, dont l'objet est d'inciter le Gouvernement à entamer le processus de ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille avant le 31 décembre 2006.
Je soumets cette proposition à votre approbation. Et afin que chacun puisse prendre ses responsabilités, je demande que le Sénat se prononce par scrutin public.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable : cet amendement est non normatif.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Mathon, si cette convention, entrée en vigueur le 1er juillet 2003 et ratifiée par vingt-cinq pays, pour la plupart source d'émigration, n'a toujours pas été ratifiée par la France, pas plus que dans aucun autre État membre de l'Union européenne, c'est que des incertitudes dues notamment à une rédaction imprécise doivent encore être levées.
À titre d'exemple, cette convention traite indistinctement les travailleurs disposant d'un contrat de travail pérenne et les saisonniers. Elle ne règle pas les questions des membres de famille autres que les conjoints et enfants. Elle pose également des difficultés en matière de droit fiscal pour le transfert des revenus.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 295.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 199 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
CHAPITRE III
Dispositions relatives à l'activité professionnelle des étrangers en France
Article 8
Dans l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « soumise à autorisation » sont supprimés.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 157 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 296 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 157.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a été défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 296.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 8 du projet de loi concerne la carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur ».
En l'état actuel de notre législation, l'étranger peut se voir délivrer une telle carte de séjour s'il apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources.
Il s'engage, par ailleurs, à n'exercer aucune activité professionnelle soumise à autorisation. En revanche, il peut exercer une activité professionnelle non soumise à autorisation : professions libérales réglementées ou professions indépendantes non réglementées. Il suffit qu'il indique quelle est cette profession et que celle-ci soit mentionnée sur sa carte de séjour.
La nouvelle rédaction proposée par l'article 8 vise à restreindre l'attribution de la carte de séjour temporaire « visiteur ». Désormais, seuls les étrangers apportant la preuve qu'ils peuvent vivre de leurs ressources et prenant l'engagement de n'exercer aucune activité professionnelle pourront se voir délivrer une telle carte.
Nous nous opposons à cette restriction supplémentaire à la délivrance du titre de séjour.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces deux amendements ne se justifient pas. Les craintes formulées par leurs auteurs sont totalement infondées, le droit existant n'étant aucunement modifié. La catégorie de visiteurs exerçant une activité professionnelle non soumise à autorisation est transférée à l'article L.313-10, à droit constant, afin de regrouper, par un souci de lisibilité, tous les travailleurs dans un même article. Il s'agit donc d'un simple article de coordination.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 157 et 296.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
L'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 313-8. - La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger aux fins de mener des travaux de recherche ou de dispenser un enseignement de niveau universitaire dans le cadre d'une convention d'accueil signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d'enseignement supérieur préalablement agréé dans les conditions définies par décret en Conseil d'État porte la mention «scientifique».
« L'étranger ayant été admis dans un autre État membre de l'Union européenne conformément aux dispositions de la directive 2005/71/CE du Conseil, du 12 octobre 2005, relative à une procédure d'admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique, peut mener une partie de ses travaux en France sur la base de la convention d'accueil conclue dans le premier État membre s'il séjourne en France pour une durée inférieure ou égale à trois mois, pour autant qu'il dispose de ressources suffisantes. S'il séjourne en France pour une durée supérieure à trois mois, il doit justifier remplir les conditions définies au premier alinéa. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 158, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, en application du troisième alinéa de l'article 12 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, l'étranger qui est venu en France pour mener des travaux de recherche ou dispenser un enseignement de niveau universitaire doit aujourd'hui présenter un protocole d'accueil, qui est délivré par un organisme scientifique ou universitaire agréé à cet effet et attestant de sa qualité de scientifique, ainsi que l'objet et la durée de son séjour en France.
La liste et les modalités d'agrément des organismes délivrant le protocole d'accueil, ainsi que le modèle type de ce protocole sont établis par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le ministre, voilà ce qui existe actuellement ; je pense que vous ne le contesterez pas. Par conséquent, vous nous présentez comme une nouveauté ce qui existe déjà dans cet article ; je ne comprends pas en quoi c'est une nouveauté.
Puisqu'il s'agit de revenir à des dispositions en vigueur, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait les reformuler. Le seul argument qui pourrait subsister à l'encontre de cet article serait qu'il comporte quelques aspects qui relèvent, à l'évidence, du domaine réglementaire.
Il n'est nécessaire ni d'écrire ce qui existe déjà ni de faire figurer dans la loi des dispositions à caractère réglementaire. Je pense avoir été suffisamment clair ! Je ne doute pas que M. le ministre donnera un avis favorable à cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 297, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 313-8 - La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger pour lui permettre de mener des travaux de recherche ou de dispenser un enseignement de niveau universitaire porte la mention « scientifique ». »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'article 9 modifie l'article L.313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de transposer la directive du 12 octobre 2005 relative à une procédure d'admission spécifique des ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique.
Ainsi, cet article L.313-8, qui avait échappé à la réforme de 2003, n'échappe pas à celle d'aujourd'hui.
Depuis la loi du 11 mai 1998, les scientifiques étrangers sont soumis à une procédure simplifiée et distincte pour venir exercer en France une activité de recherche ou d'enseignement. Il suffit aux chercheurs de produire un visa long séjour et un protocole d'accueil délivré par un organisme scientifique ou universitaire agréé.
Cette carte de séjour, dont la durée maximale est d'un an, peut être renouvelée pour une durée allant jusqu'à quatre ans.
Outre le caractère réglementaire de l'article 9, nous souhaitons, pour notre part, conserver les critères qui sont définis par la loi du 11 mai 1998 pour la délivrance de la carte de séjour temporaire « scientifique ». Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Lecerf et Legendre, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 313- 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret pris en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement supérieurs publics ainsi que les établissements supérieurs privés dont l'activité principale conduit à la délivrance, au nom de l'État, d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat, peuvent avoir directement recours à des intervenants étrangers pour des missions courtes d'enseignement, de formation ou de recherche. Il spécifie notamment la durée maximum de ces missions sur l'année civile, la liste des pièces à fournir par le demandeur et la durée au-delà de laquelle le silence des services administratifs concernés équivaut à une approbation de la demande ».
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. La législation française relative à la venue de professeurs étrangers hors Union européenne est actuellement très lourde. Les établissements d'enseignement supérieurs sont sans cesse dans l'obligation de faire appel à des intervenants étrangers s'ils veulent rester concurrentiels au sein du système international.
Dans la plupart des établissements, le large choix de cours optionnels engendre de façon mécanique des variations quant au nombre de cours ouverts d'une période d'enseignement à une autre en fonction du nombre d'étudiants qui se sont inscrits à tel ou tel cours.
Cette situation contraint les établissements à une grande souplesse, sachant que les intervenants ne viennent parfois en France que pour une conférence ou un séminaire de quelques heures.
Il convient donc de prévoir que les établissements d'enseignement supérieur, publics ou privés, dont l'activité principale conduit à la délivrance, au nom de l'État, d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études après le baccalauréat, puissent recourir directement à des intervenants étrangers pour des missions courtes d'enseignement, de formation ou de recherche.
Un décret fixera la durée maximum de ces missions sur l'année civile, la liste des pièces à fournir par le demandeur, ainsi que la durée au-delà de laquelle le silence des services administratifs concernés équivaudra à une approbation de la demande.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est évidemment défavorable à l'amendement n° 158.
De surcroît, l'article 9 a pour objet de retranscrire la directive européenne du 12 octobre 2005 relative aux ressortissants de pays tiers aux fins de recherche scientifique.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 297, puisque le projet de loi conserve les mêmes critères que ceux qui figurent dans la loi de 2003. Il opère simplement une transposition de la directive en ce qui concerne les scientifiques admis au séjour dans un autre État membre et qui viennent en France pour des séjours de moins de trois mois.
S'agissant de l'amendement n° 84 rectifié, il tend à permettre aux établissements d'enseignement délivrant un diplôme sanctionné par cinq années d'études après le baccalauréat de recourir plus facilement à des intervenants étrangers, notamment pour des missions courtes, pour ne pas dire parfois extrêmement courtes.
En réalité, certains dispositifs existent déjà en vue de faciliter la venue de ces scientifiques étrangers à l'occasion de colloques ou de cours très ponctuels.
C'est la raison pour laquelle la commission demande à M. Legendre de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En 2005, la France a délivré 2 423 titres de séjours à des scientifiques, dont 1 054 au premier titre. Par ailleurs, 650 conjoints se sont vu remettre une carte de séjour « vie privée et familiale ».
Cette politique d'accueil des scientifiques s'inscrit dans un contexte européen récemment modifié, monsieur Sueur, par la directive du 12 octobre 2005, que l'article 9 vise à transposer.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela est déjà inscrit dans la loi !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'en conviens tout à fait, monsieur Sueur, mais l'ensemble des précisions que la directive nous fait obligation de transposer en droit français n'y figurent pas.
C'est la raison pour laquelle la nouvelle rédaction de l'article L. 313-8 vise, d'une part, à préciser les conditions de délivrance de la carte pour mener des travaux de recherche ou dispenser un enseignement universitaire dans le cadre d'une convention d'accueil signée avec un organisme public ou privé et, d'autre part, à créer une facilité de circulation en France de chercheurs étrangers admis au séjour dans un autre État européen. Ils pourront venir en France pour un séjour de trois mois au plus.
Il s'agit donc d'une transposition destinée à préciser notre droit.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n°s 158 et 297.
En ce qui concerne l'amendement n° 84 rectifié, nous approuvons bien évidemment toute mesure visant à faciliter la venue en France de professeurs étrangers afin qu'ils contribuent au développement des échanges et des travaux scientifiques et universitaires au niveau international.
Cet amendement prévoit que ces modalités d'exercice seront précisées par la voie du décret. Dès lors, il ne paraît pas utile d'intégrer une telle disposition dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En conséquence, je demande à M. Legendre de bien vouloir retirer son amendement. Je m'engage, au nom du Gouvernement à faciliter, par instruction aux consuls, la délivrance des visas.
Mme la présidente. L'amendement n° 84 rectifié est-il maintenu, monsieur Legendre ?
M. Jacques Legendre. Cet amendement avait le mérite de soulever un problème pratique à l'occasion de ce débat. Cependant, le Gouvernement ayant pris un engagement, je le retire bien volontiers.
Mme la présidente. L'amendement n° 84 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 158.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
I. - L'intitulé de la sous-section 5 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé : « La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle ».
II. - L'article L. 313- 10 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 313- 10. - La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée :
« 1° À l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail.
« Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, cette carte est délivrée à l'étranger sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341- 2 du même code.
« Les ressortissants de l'Union européenne qui demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour pour exercer en France une activité économique durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants ne peuvent se voir opposer la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341- 2 du même code pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier caractérisé par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie, au plan national, par l'autorité administrative.
« La carte porte la mention « salarié » lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois. Elle porte la mention « travailleur temporaire » lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois. Cette carte ne peut pas être retirée à son titulaire en raison de la rupture de son contrat de travail ;
« 2° À l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques et qu'il respecte les obligations imposées aux nationaux pour l'exercice de la profession envisagée. Elle porte la mention de la profession que le titulaire entend exercer. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent alinéa ;
« 3° À l'étranger qui vient exercer une activité professionnelle non soumise à l'autorisation prévue à l'article L. 341- 2 du code du travail et qui justifie pouvoir vivre de ses seules ressources.
« Elle porte la mention de l'activité que le titulaire entend exercer ;
« 4° À l'étranger titulaire d'un contrat de travail saisonnier entrant dans les prévisions du 3 de l'article L. 122- 1- 1 du code du travail et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France.
« Cette carte lui permet d'exercer des travaux saisonniers n'excédant pas six mois sur douze mois consécutifs. Par dérogation aux articles L. 311- 2 et L. 313- 1, elle est accordée pour une durée maximale de trois ans renouvelable. Elle donne à son titulaire le droit de séjourner en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an.
« Les modalités permettant à l'autorité administrative de s'assurer du respect, par le titulaire de cette carte, des durées maximales autorisées de séjour en France et d'exercice d'une activité professionnelle sont fixées par décret.
« Elle porte la mention «travailleur saisonnier» ;
« 5° À l'étranger détaché par un employeur établi hors de France lorsque ce détachement s'effectue entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe, conformément au 2° du I de l'article L. 342- 1 du code du travail, et lorsque le salarié bénéficie d'une rémunération brute au moins égale à 1,5 fois le salaire minimum de croissance.
« Elle porte la mention « salarié en mission ».
« Les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies en France, en matière de législation du travail, s'appliquent aux salariés en mission, conformément aux dispositions de l'article L. 342- 3 du code du travail.
« Cette carte de séjour, d'une durée de validité de trois ans renouvelable, permet à son titulaire d'entrer en France à tout moment pour y être employé dans un établissement ou dans une entreprise mentionné au premier alinéa du présent 5°. »
Mme la présidente. Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 159, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. L'article 10 complexifie abusivement, selon nous, la réglementation actuelle.
En effet, il intègre dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des dispositions qui figuraient jusque-là dans le code du travail, avec le risque de confusion que cela comporte.
On constate ainsi une multiplication des cas envisagés et on distingue six situations qui renvoient à des mentions qu'il convient de reporter sur la carte de séjour temporaire.
Par conséquent, au lieu de clarifier les choses, ce texte les rend plus complexes.
Mme la présidente. L'amendement n° 160, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les 1°, 2°, 3° et 4° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s'agit d'un amendement de repli qui apporte une précision concernant les salariés en mission.
Mme la présidente. L'amendement n° 298, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 1° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
« dans un métier ou une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement tend, je le rappelle, à supprimer les mots : « dans un métier où une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement ».
En effet, un tel argument ne peut être opposé au droit au travail tel qu'il est stipulé dans l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit. ».
Par ailleurs, cette disposition entrave le droit à la libre circulation dont jouit tout citoyen au regard du pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Cette mesure est significative de la volonté du Gouvernement de permettre au patronat de disposer d'une main-d'oeuvre en fonction des besoins du marché, tels qu'il les apprécie lui-même. Après l'ère du travailleur jetable, voici venu le temps de l'étranger jetable ! L'on voit bien à quoi cela peut aboutir dans un marché instable : c'est, évidemment, le travailleur étranger qui sera la première victime de ce système fondé sur la fixation de zones et de métiers prioritaires évoluant à coups d'arrêtés censés prendre en compte les difficultés de recrutement au niveau local.
Cette disposition soulève, par ailleurs, de nombreuses questions. Par qui et comment seront définis les métiers et les zones géographiques ? Quelle sera l'autorité administrative chargée d'établir la liste de ces métiers et de ces zones ? Quel sera son statut juridique ? Cette liste sera-t-elle révisée ? Quelle en sera la périodicité ? Que se passera-t-il pour le travailleur en cas de disparition d'un métier ou d'une zone figurant sur cette liste ?
Tout cela me paraît être une vue de l'esprit. En effet, pour prendre l'exemple de mon département, celui de Paris, j'aimerais savoir s'il sera classé dans une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement, alors que de très nombreux étrangers y exercent des métiers divers, dans la restauration, notamment ; je pense aussi aux quelque quarante mille Chinois qui vivent dans le XIIIe arrondissement et que vos amis de gouvernements antérieurs, monsieur le ministre, ont fait venir de façon assez facile. Il n'y avait alors apparemment pas de difficultés de recrutement particulières concernant les métiers qu'ils exercent ! En fait, ils ont créé des activités économiques nouvelles, donc des emplois. Ils participent de la vie économique locale et des relations entre la France et la Chine.
Par conséquent, je considère qu'il est aberrant de vouloir établir une liste précisant les endroits particuliers dans lesquels des besoins se font sentir en matière de recrutement.
Mme la présidente. L'amendement n° 299, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 1° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
« et figurant sur une liste établie par l'autorité administrative »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un amendement de repli, car si l'amendement précédent n'est pas adopté, la disposition prévue n'a pas besoin de fondement législatif. D'ailleurs, jusqu'à présent, l'administration est parvenue au même résultat au niveau national par arrêté ou simple circulaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 1° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots:
« et figurant sur une liste établie »
insérer les mots:
«, au plan national, »
L'amendement n° 17, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 1° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
« cette carte est délivrée à l'étranger »
par les mots :
« l'étranger se voit délivrer cette carte »
L'amendement n° 18, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du 1° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre ces trois amendements.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 16 tend à préciser que la liste définissant les métiers et les zones géographiques qui connaissent des difficultés de recrutement devra être établie à l'échelle nationale.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, un doute persistait sur le point de savoir si cette liste devait être établie au niveau national ou au niveau régional.
Afin d'assurer la cohérence de l'ensemble du dispositif, notamment avec l'ouverture simultanée du marché du travail aux ressortissants des nouveaux États membres, il nous est apparu plus raisonnable, et plus sérieux, d'établir cette liste au niveau national.
L'amendement n° 17 est un amendement rédactionnel visant à considérer que c'est bien parce qu'il exerce une activité économique que l'étranger se voit délivrer le titre de séjour prévu par l'alinéa en cause, et non l'inverse.
Enfin, l'amendement n° 18 a pour objet de supprimer les dispositions relatives à la levée partielle des restrictions à la libre circulation des travailleurs ressortissants des nouveaux États membres.
J'ajoute d'ailleurs que l'amendement n° 33, que la commission a déposé sur l'article 16, regroupe l'ensemble de ces dispositions relatives aux ressortissants communautaires au sein de l'article L.121- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme la présidente. L'amendement n° 300, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer les deux premières phrases du dernier alinéa du 1° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :
« La carte porte la mention "salarié" quelle que soit la durée de l'activité. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 10 prévoit deux types de mention sur la carte de séjour temporaire. Soit elle porte la mention « salarié » lorsque l'activité est exercée pour une durée supérieure ou égale à douze mois, soit elle porte la mention « travailleur temporaire » lorsque l'activité est exercée pour une durée déterminée inférieure à douze mois.
Nous proposons, avec le présent amendement, que les travailleurs étrangers, qu'ils aient signé un contrat à durée déterminée ou indéterminée, bénéficient de la même carte portant la mention « salarié », faute de quoi la carte qui sera assurément le plus souvent délivrée portera la mention « travailleur temporaire ».
En effet, celle-ci est moins contraignante pour les employeurs et elle leur offre plus de flexibilité, ce qui, évidemment, correspond de façon générale à la volonté du Gouvernement de flexibiliser au maximum les salariés, qu'ils soient Français ou étrangers. On l'a vu avec le CPE ; on le voit aujourd'hui avec le CNE, qui d'ailleurs à tendance à s'étendre, tout comme les licenciements y afférents.
Il n'est pas étonnant que les dispositions relatives aux étrangers suivent cette tendance.
En raison de la durée même de cette carte portant la mention « travailleur temporaire », les personnes concernées seront fragilisées, n'auront qu'un accès précaire au droit et connaîtront des difficultés à s'insérer dans la société et à trouver un logement, entre autres.
De surcroît, un tel dispositif risque de provoquer l'apparition de nombreux nouveaux cas de sans-papiers. Aujourd'hui, je le rappelle, beaucoup d'étrangers sont dépourvus de papiers à cause de la précarité de leur travail.
Nous estimons au contraire que les étrangers autorisés à travailler en France dans le cadre de ces dispositions doivent bénéficier d'un statut susceptible de leur offrir un minimum de stabilité, afin qu'ils puissent s'insérer socialement et exercer leur droit à mener une vie privée et familiale normale.
Mme la présidente. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Payet et Morin-Desailly, MM. Détraigne, Zocchetto, Merceron et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
À la fin de la deuxième phrase du cinquième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
pour une durée déterminée inférieure à douze mois
par les mots :
pour une durée déterminée comprise entre six et douze mois
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à lutter contre le travail de complaisance.
Ainsi, la carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire », qui autorise l'exercice d'une activité professionnelle, ne pourrait être délivrée que lorsque l'étranger travaille pendant au moins six mois. En effet, certains étrangers trouvent facilement des employeurs qui acceptent de leur fournir un CDD d'un mois ou de deux mois afin de leur permettre d'obtenir une carte de séjour.
Si nous augmentons la durée minimale du contrat qui permet d'obtenir ce type de titre de séjour, il deviendra plus difficile de conclure des contrats de travail de complaisance.
Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du quatrième alinéa du 1° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 5, qui réécrit l'article 3 du projet de loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 114 rectifié bis, présenté par Mme Dini, M. Badré, Mmes Morin-Desailly et Payet, M. Détraigne, Mme G. Gautier, MM. Zocchetto, Merceron, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :
Si la rupture du contrat de travail du fait de l'employeur intervient dans les trois mois précédant son renouvellement, une nouvelle carte lui est délivrée pour une durée d'un an.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à lutter contre les abus qui seraient commis par certains employeurs. Ceux-ci exerceraient sur leurs salariés un chantage au renouvellement de leur carte de séjour temporaire, afin qu'ils acceptent des conditions de travail précaires, voire inhumaines, telles que le dépassement de la durée légale de travail.
Aussi, cet amendement tend à préciser que si la rupture du contrat intervient dans les trois mois qui précèdent le renouvellement de la carte de séjour du salarié, un nouveau titre d'une durée d'un an sera délivré.
Cet amendement avait été déposé à l'Assemblée nationale par notre collègue député Jean-Christophe Lagarde.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez donné un avis défavorable à cet amendement, en précisant que celui-ci était déjà satisfait par un amendement du rapporteur prévoyant que la carte ne peut être retirée à son titulaire en raison de la rupture de son contrat de travail. (M. Christian Estrosi acquiesce.)
Toutefois, l'objet de notre amendement est sensiblement différent, puisqu'il s'agit non pas du retrait de la carte, mais de son renouvellement. C'est pourquoi nous avons tenu à le présenter de nouveau, une telle précision nous semblant utile pour protéger les salariés temporaires.
Mme la présidente. L'amendement n° 161, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« 2° A l'étranger qui vient exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale définie aux articles L. 122-1 à L. 122-3 du code de commerce. Elle porte la mention de l'activité que le titulaire entend exercer.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. La rédaction du 2° du texte proposé par le paragraphe II de l'article 10 du projet de loi ne nous satisfait pas.
Cet alinéa introduit, en effet, une importante restriction à l'exercice par les étrangers d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale : il dispose que la carte de séjour temporaire est délivrée à l'étranger « à condition notamment qu'il justifie d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques ».
Cette disposition nous paraît extrêmement discriminatoire et aléatoire. Les motifs retenus sont flous et laissés à la seule appréciation des autorités administratives. Ils serviront de prétexte pour empêcher le renouvellement des cartes de commerçants. Par exemple, les plaintes de riverains pourraient être invoquées contre un restaurateur ou un artisan qui travaillerait le bois ou le fer afin de justifier un trouble causé à la tranquillité publique.
Une telle mesure étant contraire au principe d'égalité, nous proposons de modifier la rédaction de cet alinéa.
Mme la présidente. L'amendement n° 162, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 4° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement porte sur le 4° du texte proposé par le II de l'article 10 du projet de loi, qui traite des travailleurs saisonniers.
Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale semble avoir réglé le problème suscité par l'existence d'un droit au séjour plus long que l'autorisation de travail. En réalité, il n'en est rien.
Je formulerai deux observations.
En premier lieu, le dispositif retenu constitue véritablement une usine à gaz : la carte permet à l'étranger « d'exercer des travaux saisonniers n'excédant pas six mois sur douze mois consécutifs ». Sa durée maximale est « de trois ans renouvelables. Elle donne à son titulaire le droit de séjourner en France pendant les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an ».
Nous éprouverons de grandes difficultés à mettre en oeuvre et à faire respecter ces règles ! Nous ignorons comment l'administration gèrera ces critères cumulatifs et complexes. Le projet de loi se borne, en effet, à renvoyer cette question au pouvoir réglementaire, ce qui n'est pas satisfaisant.
Les étrangers qui voudront respecter ce dispositif risquent de se tromper de bonne foi et de s'exposer au retrait de leur titre de séjour. D'ailleurs, ce sont souvent les employeurs qui leur demandent de prolonger telle ou telle période de travail.
En second lieu, le texte précise que le travailleur étranger doit « maintenir sa résidence » dans son pays d'origine.
Qu'arrivera-t-il à l'étranger qui aura travaillé deux mois, cessé son activité pendant un mois, puis conclu un nouvel engagement ? Il devra rentrer dans son pays, avec les frais que cela entraîne, ou rester sur le sol français, mais sans protection sociale.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet alinéa.
Mme la présidente. L'amendement n° 301, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
article L. 122-1-1 du code du travail
supprimer la fin de la première phrase du premier alinéa du 4° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement concerne également le 4° du texte proposé par le II de l'article 10 pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui fixe les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire destinée aux travailleurs saisonniers.
Sous prétexte de réduire la précarité du statut du travailleur saisonnier, le Gouvernement ajoute dans cet article une condition supplémentaire, à savoir l'obligation pour le titulaire de la carte de séjour de maintenir sa résidence habituelle hors de France.
Cette disposition plongera dans la plus grande précarité les travailleurs saisonniers qui viendront travailler en France pendant six mois et qui, une fois cette période écoulée, se verront contraints de rentrer dans leurs pays. La précarité touchera essentiellement la protection sociale de ces travailleurs, car le critère de territorialité joue un rôle majeur en la matière.
En l'occurrence, en exigeant des travailleurs saisonniers qu'ils déclarent une résidence habituelle hors de France, le Gouvernement les prive de protection sociale durant toute la période de validité de leur titre de séjour. Or celle-ci est longue, puisqu'elle dure trois ans !
Il ne suffit pas de prévoir que les travailleurs saisonniers bénéficieront d'une protection sociale contre les accidents du travail. Ils doivent être couverts durant les trois années pendant lesquelles ils détiennent une carte de séjour temporaire.
De même, les travailleurs saisonniers seraient exclus d'autres prestations sociales, ce qui n'est pas davantage admissible.
Mme la présidente. L'amendement n° 488, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le 4° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne également les travailleurs saisonniers, en particulier leur domiciliation hors de France.
Les dispositions qui obligent les étrangers à maintenir leur résidence hors de France vont tout à fait à l'encontre du principe de territorialité, qui est applicable en matière de protection et d'action sociales.
Les assurés exerçant une profession saisonnière ou une activité discontinue, et qui, par définition, ne remplissent pas toutes les conditions de droit commun en matière de versement des cotisations, bénéficient de prestations sociales lorsqu'ils ont travaillé un certain nombre d'heures - huit cents, très exactement - et sont domiciliés en France.
Or ces personnes qui auront régulièrement travaillé et cotisé lors de leurs activités saisonnières subiront la perte de leurs droits sociaux et de leur couverture maladie. Elles ne pourront plus obtenir, par exemple, une aide au logement ou une allocation chômage. Elles se trouveront dans une situation de grande précarité et de grande fragilité. Le critère de territorialité joue un rôle majeur en matière de protection sociale.
Si nous exigeons du salarié qu'il maintienne sa résidence habituelle hors de France, comment les préfectures s'assureront-elles du respect de cette condition ? Leur charge de travail sera de nouveau augmentée.
Certes, cette déclaration de résidence peut sembler formelle. Toutefois, l'étranger sera confronté aux plus grandes difficultés pour faire valoir ses droits en cas de contestation : l'accès aux procédures contentieuses est en général difficile, et il l'est encore plus pour les migrants.
Monsieur le ministre, je vous demande d'être extrêmement vigilant pour faire en sorte que les travailleurs saisonniers ne perdent pas leurs droits sociaux, et de supprimer la condition de domiciliation hors de France.
Mme la présidente. L'amendement n° 302, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
A la fin de la première phrase du deuxième alinéa du 4° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
n'excédant pas six mois sur douze mois consécutifs
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La carte de séjour portant la mention « travailleur saisonnier » permet à un étranger d'exercer des activités n'excédant pas une durée de six mois sur douze mois consécutifs.
Or il y a fort à parier qu'avec ce titre de séjour destiné à empêcher les travailleurs saisonniers de rester sur notre territoire entre deux périodes d'activité nous aboutirons au résultat inverse.
Il est certain que si nous offrons aux travailleurs saisonniers la possibilité d'obtenir une carte de séjour d'une durée de trois ans, ils ne rentreront pas dans leur pays d'origine, ce qui rendra leur existence beaucoup plus précaire dans les périodes où ils n'auront droit à aucune protection sociale.
Par ailleurs, dans le même temps, le projet de loi ne reprend pas les dispositions actuellement en vigueur qui permettent aux saisonniers étrangers de travailler six mois par an, avec une prolongation possible de deux mois.
En allongeant la durée du titre de séjour à trois ans et en limitant les possibilités de travailler plus de six mois par an, le Gouvernement permet aux employeurs de disposer d'un plus grand nombre de saisonniers au statut toujours plus précaire.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de la mesure qui prévoit que les travailleurs saisonniers étrangers ne peuvent travailler plus de six mois sur douze mois consécutifs.
Mme la présidente. L'amendement n° 303, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du deuxième alinéa du 4° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par les mots :
pour le même employeur
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit de garantir un tant soit peu les droits des travailleurs saisonniers. C'est un amendement de repli, même s'il est dommage de devoir le présenter ainsi.
En effet, nous entendons accorder aux étrangers la possibilité de travailler durant toute la période de validité de leur titre de séjour, à condition que ce ne soit pas pour un même employeur. Cela correspond d'ailleurs à une réalité !
Ainsi, la condition de durée d'activité fixée à six mois maximum dans une année semble moins contraignante pour l'étranger : celui-ci pourra travailler deux mois pendant la période estivale et quatre autres mois pendant la période hivernale.
Nous savons tous que la saison touristique estivale commence parfois dès le mois de mai pour se terminer à la fin du mois de septembre. De même, en hiver, l'activité touristique peut excéder trois mois.
Si notre amendement était adopté, il permettrait aux travailleurs saisonniers de profiter davantage des périodes de forte intensité touristique et de faire valoir leurs droits à la protection sociale.
Mme la présidente. L'amendement n° 20, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 5° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« 5° A l'étranger détaché par un employeur établi hors de France lorsque ce détachement s'effectue entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe, conformément au 2° du I de l'article L. 342-1 du code du travail, à la condition que la rémunération brute du salarié soit au moins égale à 1,5 fois le salaire minimum de croissance.
« Elle porte la mention « salarié en mission ».
« Cette carte de séjour a une durée de validité de trois ans renouvelable et permet à son titulaire d'entrer en France à tout moment pour y être employé dans un établissement ou dans une entreprise mentionnée au 2° du I de l'article L. 342-1 du code du travail.
« L'étranger titulaire d'un contrat de travail avec une entreprise établie en France, lorsque l'introduction de cet étranger en France s'effectue entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe, bénéficie également de la carte mentionnée au troisième alinéa du présent 5°, à condition que sa rémunération brute soit au moins égale à 1,5 fois le salaire minimum de croissance.
« Le conjoint, s'il est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants entrés mineur en France dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire d'un étranger titulaire d'une carte « salarié en mission » qui réside plus de six mois par an en France bénéficient de plein droit de la carte de séjour mentionnée au 3° de l'article L. 313-11. La carte de séjour ainsi accordée est renouvelée de plein droit durant la période de validité restant à courir de la carte « salarié en mission » susmentionnée.»
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'étendre le bénéfice de la carte de séjour temporaire d'une durée de trois ans aux étrangers détachés au sein d'un même groupe, mais titulaires d'un contrat de travail établi en France : on parle alors d'« impatriation ».
Afin d'aider les groupes multinationaux français à conserver leurs meilleurs cadres étrangers, tout en facilitant la mobilité de ces derniers, le contrat d'impatriation offre plusieurs avantages. Il permet une plus grande souplesse sur la durée, renforçant ainsi le lien entre le cadre et la société-mère, qui - faut-il le rappeler ? - est française. Ce type de contrat concerne particulièrement les jeunes cadres, puisqu'il s'applique à environ 40 % d'entre eux.
Enfin, la venue en France des membres de la famille des personnes concernées serait facilitée. Comme dans le cas de la carte « compétences et talents », le conjoint et les enfants se verraient remettre une carte « vie privée et familiale », renouvelable de plein droit durant les trois années de validité de la carte « salarié en mission ».
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 527, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 20 pour le 5° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« Le conjoint, s'il est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants entrés mineurs en France dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, d'un étranger titulaire d'une carte "salarié en mission" qui réside de manière ininterrompue plus de six mois en France bénéficient de plein droit de la carte de séjour mentionnée au 3° de l'article L. 313-11. La carte de séjour ainsi accordée est renouvelée de plein droit durant la période de validité restant à courir de la carte "salarié en mission" susmentionnée, dès lors que le titulaire de cette dernière carte continue de résider plus de six mois par an en France de manière ininterrompue pendant la période de validité de sa carte. »
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Il s'agit de modifier légèrement la rédaction du dernier alinéa de l'amendement n° 20 de la commission, afin de renforcer les conditions de résidence du titulaire de la carte portant la mention « salarié en mission » et de s'assurer ainsi qu'il ne se contente pas d'un bref séjour sur le territoire national.
Nous souhaitons donc qu'il réside plus de six mois en France, mais de manière ininterrompue.
Mme la présidente. L'amendement n° 489, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si l'étranger est involontairement privé d'emploi à la date de la demande de renouvellement de la carte de séjour prévue au présent article, la validité de celle-ci est prolongée d'un an.
« Si à l'issue de cette prolongation, l'étranger est toujours privé d'emploi, il est statué sur sa demande de renouvellement compte tenu de ses droits au regard des régimes d'indemnisation des travailleurs involontairement privés d'emploi. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 10 illustre la volonté du Gouvernement de réunir en un seul article les différentes dispositions existantes relatives au séjour pour motifs professionnels des travailleurs étrangers, qu'elles soient législatives, réglementaires, conventionnelles ou encadrées par de simples circulaires. Ce faisant, il a néanmoins omis de reprendre certaines dispositions réglementaires du code du travail concernant le renouvellement pour motifs professionnels des cartes de séjour temporaire.
Par cet amendement, nous entendons réparer cet oubli, tout en procédant à quelques ajustements.
Pour être tout à fait précis, il s'agit de dispositions prévues à l'article R. 341-3-1 du code du travail, lesquelles assurent le renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » à toute personne qui, à la fin de la période de validité de ce titre, se trouve involontairement privée de travail. Elles permettent en outre aux personnes concernées de bénéficier des divers droits ouverts au titre des cotisations qu'elles ont versées, notamment les allocations chômage. Pour mémoire, ces différents droits sociaux ne sont pas attribués dans le cas d'une simple autorisation provisoire de séjour.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons d'insérer cette possibilité de renouvellement dans le présent projet de loi. D'ailleurs, de telles dispositions ne bénéficient aujourd'hui qu'aux titulaires d'une carte portant la mention « salarié », à l'exclusion de toutes les autres cartes attribuées pour motifs professionnels.
Cela s'explique aisément : en effet, à l'époque où la mesure a été prise par décret, c'est-à-dire en décembre 1984, le titre de séjour temporaire le plus fréquemment délivré était la carte portant la mention « salarié ». Depuis, la situation a quelque peu changé, même si cette dernière représentait encore 87 % des titres délivrés pour motifs professionnels en 2005.
En conséquence, il nous paraît nécessaire, non seulement d'inscrire ces dispositions dans le présent projet de loi, mais aussi de les élargir à tous les titulaires de titres délivrés pour motifs professionnels, afin de leur garantir la jouissance des droits sociaux qui ont pu être ouverts au titre des cotisations versées.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 159 de suppression de l'article ainsi que sur l'amendement n° 160.
Elle est également défavorable aux amendements nos 298 et 299, car leurs auteurs s'opposent à l'ouverture encadrée de l'immigration du travail, qui constitue pourtant l'un des points principaux du projet de loi. Dans ce domaine très important, la commission privilégie la transparence et préfère donc passer par la voie législative plutôt que par des circulaires.
L'amendement n° 300 vise à supprimer la distinction entre le travailleur temporaire et le salarié, alors que le travail temporaire concerne des contrats à durée déterminée principalement inférieurs à un an. La commission y est donc défavorable.
Les auteurs de l'amendement n° 113 rectifié souhaitent éviter la conclusion de contrats à durée déterminée de complaisance, d'une durée, par exemple, de deux mois. Cette mesure nous semble trop restrictive, car cela reviendrait quasiment à interdire le séjour de tout étranger venant travailler moins de six mois en France. Les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle continueront bien sûr d'exercer un contrôle a priori des demandes d'autorisation de travail. Aux côtés des préfectures, il leur revient en effet de lutter contre les fraudes éventuelles.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Madame Payet, l'amendement n° 114 rectifié bis nous semble satisfait par l'amendement n° 5 de la commission, qui a été adopté à l'article 3 après avoir été sous-amendé par notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt. En prévoyant que le titre de séjour ne peut être retiré à l'étranger au motif qu'il a été privé involontairement de son emploi, nous avons, me semble-t-il, répondu en grande partie à votre interrogation.
Par ailleurs, les administrations chargées de l'application de la législation du travail en la matière sont mobilisées pour lutter contre le travail illégal, qui s'effectue parfois, nous le savons tous, dans des conditions tout à fait contraires à la dignité humaine. Le projet de loi - dois-je le rappeler ? - renforce les sanctions contre ces employeurs peu scrupuleux.
Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la sénatrice, la commission vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
L'amendement n° 161 vise à supprimer les conditions fixées pour qu'un étranger puisse exercer en France une activité commerciale ou artisanale, à savoir qu'il doit justifier « d'une activité économiquement viable et compatible avec la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques ».
Ces restrictions sont d'ailleurs la contrepartie d'une simplification des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « commerçant », qui est actuellement soumise à deux autorisations distinctes : d'une part, un titre de séjour temporaire ; d'autre part, une carte professionnelle délivrée dans les conditions prévues par le code de commerce.
Par ailleurs, l'adoption de l'amendement n° 140 rectifié, dont notre collègue Philippe Goujon est l'un des signataires et qui tend à insérer un article additionnel après l'article 15 ter, permettra de parachever la deuxième étape de la réforme de la simplification.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 161.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 162, car le projet de loi instaure un dispositif pragmatique, plus clair et plus favorable aux travailleurs saisonniers, qui se voient accorder des droits étendus, notamment une carte de séjour de trois ans. Il s'agit donc d'une amélioration significative par rapport à la situation actuelle, dont chacun considère qu'elle peut favoriser la venue de travailleurs en situation irrégulière.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 301, qui vise à supprimer la disposition selon laquelle les travailleurs saisonniers ne peuvent établir leur résidence habituelle en France. En effet, c'est bien cette condition de résidence habituelle hors de France qui fait la particularité du statut de travailleur saisonnier par rapport à celui de travailleur salarié ou même temporaire.
Les travailleurs saisonniers n'ont pas vocation à s'établir durablement en France. L'objectif recherché est de clarifier la situation, afin, justement, de leur permettre de venir effectuer un travail pendant une saison et de retourner dans leur pays d'origine une fois ce travail terminé, avant d'envisager un éventuel retour en France pour effectuer de nouveau une activité professionnelle saisonnière.
Pour les mêmes raisons, la commission est également défavorable à l'amendement n° 488 : un travailleur saisonnier n'a pas vocation à s'installer durablement en France, sauf alors à opter pour un autre dispositif mis en place.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 302. La durée maximale de travail de six mois pour les travailleurs saisonniers est la conséquence de l'interdiction qui leur est faite de séjourner plus de six mois en France.
Elle est défavorable à l'amendement n° 303. La carte portant la mention « travailleur saisonnier » a pour objectif de ne plus faire de lien automatique entre l'employeur et le travailleur saisonnier, ce qui constitue une liberté supplémentaire pour ce dernier. Ce point est important à souligner, car, ce qui compte, c'est de mentionner l'existence d'un contrat de travail et non pas le lien « nominatif » entre le travailleur et l'employeur lui-même. Les auteurs du présent amendement privilégient le statu quo, ce que la commission refuse car elle considère qu'il s'agit d'un retour en arrière.
La commission n'a pas pu examiner le sous-amendement n° 527, défendu par M. Portelli. À titre tout à fait personnel, j'y suis favorable, puisqu'il vise à apporter une précision utile concernant les conditions de résidence à respecter tout au long des trois ans qui constituent la durée de validité de la carte portant la mention « salarié en mission ».
Enfin, la commission souhaite le retrait de l'amendement n° 489, qui est satisfait par l'amendement n° 5 de la commission, précédemment cité.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 10.
M. le rapporteur a donné l'avis de la commission sur les amendements qui y sont rattachés.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'ai bien évidemment écouté avec beaucoup d'attention les différents orateurs qui sont intervenus sur l'article 10, ainsi que ceux qui ont défendu des amendements.
Pour ma part, je tiens à affirmer, au nom du Gouvernement, que l'article 10 est l'article central de la réforme de l'immigration du travail. Avant de donner mon avis sur chacun des amendements, je souhaite donc insister sur un certain nombre de points.
Quel est le problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui ? On peut dresser un état des lieux.
Les flux migratoires sont déséquilibrés. En effet, l'immigration du travail représente à peine 6 % des premiers titres de séjour délivrés en 2005, soit 11 000 titres, contre 82 000 titres liés au regroupement familial.
Notre système est donc peu attractif et manque, de toute évidence, de visibilité. En outre, la procédure d'autorisation de travail avec vérification de la situation de l'emploi par les services des directions départementales de l'emploi et du travail est beaucoup trop lourde pour les secteurs où les entreprises souffrent de pénurie de main-d'oeuvre : nous en avons notamment l'exemple avec les 55 000 offres d'emploi non satisfaites aujourd'hui dans le domaine du bâtiment.
Quelles sont les solutions que nous préconisons ? Nous proposons trois mesures clés.
Tout d'abord, nous allons établir une liste de métiers et de zones géographiques caractérisés par des pénuries de main-d'oeuvre. La carte de séjour temporaire « salarié » sera délivrée sans que l'administration n'ait à vérifier la situation de l'emploi.
Ensuite, nous procéderons à une ouverture raisonnée du marché du travail, concernant en premier lieu les ressortissants des dix nouveaux États membres européens, pour une liste de métiers caractérisés par des difficultés de recrutement définies au plan national. Là encore, le recrutement se fera sans que l'administration ne vérifie la situation de l'emploi.
Enfin, nous lutterons contre le travail illégal dans des secteurs employant des saisonniers. Une carte « travailleur saisonnier » est créée. Elle est valable trois ans. Elle permettra à son titulaire de travailler en France pour une période de six mois maximum par an, en maintenant par conséquent sa résidence hors de France.
Qu'il me soit permis de dire un mot sur le travail illégal, contre lequel nous avons le devoir de lutter de toutes nos forces. C'est une exigence que nous devons avoir non seulement vis-à-vis de nous-mêmes, mais également vis-à-vis d'un certain nombre de pays tiers.
Dans le cadre de la Conférence internationale de la Méditerranée occidentale, la CIMO, que présidera jusqu'à la fin de cette année le ministre de l'intérieur et qui réunit les cinq ministres de l'intérieur des pays de la Méditerranée occidentale du Nord - Portugal, Espagne, France, Italie et Malte - et leurs homologues des cinq pays de la Méditerranée occidentale du Sud - la Mauritanie, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Libye- nous sommes parvenus, voilà quelques semaines, à Nice, à un accord. En effet, nous nous sommes engagés, avec les pays de la Méditerranée occidentale du Nord, à satisfaire les exigences des cinq pays de la Méditerranée occidentale du Sud, en renforçant notre lutte contre le travail illégal.
Il faut savoir que nos cinq partenaires de la Méditerranée du Sud, cinq pays du Maghreb, qui jusqu'alors n'étaient que des zones de transit entre les zones subsahariennes et la région des Grands Lacs, vers les pays de l'Union européenne, et plus particulièrement vers les pays de la Méditerranée du Nord, sont aussi devenus des pays de destination.
Naturellement, pour les aider dans la lutte contre le travail illégal qu'ils souhaitent mener avec nous de manière tout à fait solidaire et unie, nous devons leur apporter la garantie que la France ne conduit pas une politique attractive.
Dans tous ces domaines, nous mesurons l'importance de pouvoir, par les dispositions prévues à l'article 10, leur envoyer un certain nombre de signes allant dans ce sens.
Je tenais à fournir toutes ces précisions parce que je n'ai pas toujours eu le sentiment que les auteurs des différents amendements qui ont été présentés considéraient l'article 10 comme un pivot du dispositif en matière d'immigration du travail.
Au nom du Gouvernement et du ministre de l'intérieur, c'est donc un point que je voulais préciser et sur lequel je souhaitais mettre l'accent.
Je vous propose de donner maintenant l'avis du Gouvernement sur les différents amendements.
Les amendements n°s 159 et 160, qui sont des amendements de suppression, recueillent évidemment un avis défavorable.
L'amendement n° 298 a été défendu par Mme Borvo Cohen-Seat, ce qui est d'ailleurs étonnant dans la mesure où il est d'inspiration totalement libérale ! En effet, si l'on suivait Mme Borvo Cohen-Seat, on lèverait l'opposabilité de la situation de l'emploi dans tous les secteurs professionnels et dans toutes les régions ! Sincèrement, je considère que le Gouvernement est beaucoup plus raisonnable en proposant une ouverture maîtrisée des recrutements de travailleurs étrangers.
Cette vision libérale du marché de l'emploi n'est pas la nôtre ; elle vous appartient, soit, mais le Gouvernement y est totalement défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 299. Nous fixerons dans une liste nationale les métiers, comme le bâtiment, les travaux publics, l'hôtellerie, la restauration, et les zones géographiques où les employeurs pourront recruter des travailleurs étrangers.
C'est un fondement législatif que nous donnons à cette démarche, parce nous estimons que c'est au Parlement d'en débattre et qu'elle ne doit pas être une affaire de circulaires : les parlementaires doivent pouvoir discuter, évaluer, apporter un avis au Gouvernement sur l'état des lieux de ce dispositif qui sera dressé chaque année. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement n° 299.
L'amendement n° 16 est, à l'évidence, un amendement de précision. La liste qui déterminera les secteurs d'activité et les zones géographiques dans lesquelles la situation de l'emploi ne doit pas être opposée, compte tenu des difficultés de recrutement constatées, sera bien établie au niveau national, monsieur le rapporteur.
Le Gouvernement est donc totalement favorable à votre amendement
Il en va de même pour les amendements n°S 17 et 18, qui sont rédactionnels.
L'amendement n° 300, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, vise à supprimer la distinction entre les cartes de séjour selon qu'elles portent la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».
Je veux préciser que la réglementation prévue par le code du travail n'est pas la même selon les catégories de travailleurs et qu'il convient, par conséquent, de les identifier clairement, tous n'ayant pas forcément vocation à s'établir durablement en France.
Les mentions apposées sur les cartes ne sont que le reflet de situations différentes et l'amendement proposé revient à nier, par amalgame, leur diversité. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n ° 113 rectifié a été présenté par Mme Payet ; je lui demanderai de bien vouloir le retirer. En effet, je rappelle que l'Assemblée nationale, par un amendement de M. Mamère, a clarifié la distinction entre les cartes portant la mention « salarié », qui correspondent à une activité d'une durée supérieure ou égale à douze mois, et les cartes portant la mention « travailleur temporaire », qui correspondent à une activité d'une durée inférieure à douze mois.
Cette clarification apparaît pertinente et n'appelle pas de modification.
Il est utile de prévoir la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'une durée inférieure à six mois pour l'exercice d'une activité professionnelle, mais à condition qu'il soit entendu que le contrat de travail sera toujours vérifié et visé par l'administration.
L'amendement n° 19 est rédactionnel et le Gouvernement, monsieur le rapporteur, y est favorable.
Comme la commission, le Gouvernement était défavorable à l'amendement initial n° 114 rectifié. Mais après rectification par ses auteurs, la précision « du fait de l'employeur » étant apportée, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 114 rectifié bis.
S'agissant de l'amendement n° 161, le Gouvernement a autorisé, au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'exercice d'activités commerciales aux commerçants étrangers désireux de s'installer en France et munis d'un titre de séjour. Il s'agit d'une importante mesure de simplification administrative, qui n'a cependant pas pour finalité de supprimer les contrôles préalables que l'administration est en droit d'opérer en vue d'accorder aux étrangers concernés l'autorisation d'exercer l'activité projetée.
Monsieur Frimat, il existait un malentendu entre nous. Il devrait, me semble-t-il, être dissipé par l'explication que je viens de vous fournir. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 161, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 162 tend à créer un statut de travailleur saisonnier qui n'existe pas dans le dispositif actuel.
La délivrance d'une carte de séjour d'une durée de trois ans au profit des travailleurs saisonniers, telle qu'elle est proposée dans le projet de loi, permet de mieux répondre aux besoins des travailleurs concernés, de rendre la procédure plus attractive et d'éviter un détournement de son objet.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 301. Madame Assassi, je veux vous rassurer sur le régime social des travailleurs saisonniers.
Selon la règle de principe, le travailleur saisonnier séjournant en France pendant six mois au maximum au cours d'une année donnée sera affilié pendant ses périodes d'activité au régime dont relève ladite activité et il en percevra les prestations.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, qui n'a plus de raison d'être.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 488.
Concernant l'amendement n° 302, il faut savoir que la limitation à six mois sur une année de la durée du travail saisonnier autorisée est liée au statut même de travailleur saisonnier puisque, au-delà de cette durée, cette notion n'a plus de raison d'être.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
La proposition formulée par les auteurs de l'amendement n° 303 revient à nier la notion même de travail saisonnier en reconnaissant aux intéressés le statut de travailleurs permanents. Elle ferait perdre sa spécificité et sa raison d'être au statut de travailleur, par nature temporaire, qui est celui du saisonnier. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir amélioré le projet de loi en déposant l'amendement n° 20. Ainsi est prise en compte la situation des salariés qui, étant titulaires d'un contrat de travail régi par le droit français, sont appelés à être détachés dans différents établissements d'un même groupe.
Il est utile de les faire bénéficier de la carte « salarié en mission ». Cependant, le Gouvernement s'interroge sur le dernier alinéa de cet amendement car, telle qu'elle a été conçue, la carte susvisée permet de faciliter les séjours répétés d'actifs venant dans notre pays pour quelques mois. Or, il n'est pas certain qu'il faille prévoir que leur famille puisse les rejoindre de plein droit.
Le sous-amendement n° 527 nous paraît régler la question. Le Gouvernement y est donc favorable et, sous réserve de son adoption, il émet un avis favorable sur l'amendement n° 20.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 489, qui est satisfait par l'amendement n° 114 rectifié bis auquel, je le rappelle, le Gouvernement est favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'amendement n° 159.
Mme Bariza Khiari. Comme je l'ai dit précédemment, le projet de faire prévaloir l'immigration choisie montre une fois de plus la conception utilitariste que le Gouvernement a de l'être humain. S'il me semble éminemment néfaste quant à sa philosophie, il l'est aussi sur la forme.
En effet, je tiens à souligner la probable inefficacité du dispositif qui nous est proposé. Pour mettre en oeuvre votre immigration choisie, monsieur le ministre, vous segmentez les étrangers en catégories rigides ; vous dressez des listes de métiers auxquels ils peuvent prétendre ; vous désignez des zones géographiques.
Avouez que cette bureaucratisation à outrance ne laisse pas présager une grande efficacité !
D'ailleurs, ce dispositif complexe me semble fort éloigné du libéralisme politique et économique auquel vous vous référez si souvent. Serait-ce que le libéralisme n'a plus de raison d'être lorsqu'il s'agit d'immigration et d'étrangers ? Serait-ce que les immigrés doivent être administrés et gouvernés de façon spécifique et que leurs libertés ne peuvent être les mêmes que celles des Français ?
En ouvrant cette nouvelle voie de l'immigration de travail, vous irez à contre-courant de l'objectif que vous affichez.
Les expériences étrangères ont montré l'absurdité et l'inefficacité des politiques de quotas. Mais, surtout, comment pouvez-vous imaginer qu'un dispositif aussi lourd pourra s'adapter au marché du travail et être réactif à ses évolutions ? Vous qui prônez sans cesse la mobilité des travailleurs, vous savez très bien qu'assigner à un travailleur une zone géographique déterminée n'est pas réaliste et ne contribuera qu'à le précariser.
Vous cantonnez les travailleurs étrangers à une activité et à une zone géographique données, alors que vous savez très bien que l'organisation actuelle des entreprises et du marché du travail peut nécessiter un changement d'activité ou de lieu de travail. Qu'en sera-t-il d'un étranger travaillant dans une entreprise de BTP qu'un nouveau contrat amènera à travailler dans une zone différente que celle qui est mentionnée sur son titre de séjour ? Pourra-t-il continuer à travailler ou l'entreprise devra-t-elle se séparer de lui parce qu'il ne conviendra plus ?
En conclusion, monsieur le ministre, votre dispositif d'immigration choisie sera aussi injuste qu'inefficace. Vous mettez en place une machinerie administrative extraordinairement complexe, alors que les moyens réglementaires existants sont amplement suffisants pour répondre aux besoins urgents en travailleurs qualifiés, comme l'avait montré, en son temps, la circulaire de 1998, qui avait permis le recrutement d'informaticiens pour faire face au bug de l'an 2000.
Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter l'amendement de suppression n° 159.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, à la reprise de nos travaux, vous avez attiré notre attention sur le caractère capital de l'article 10 que nous examinons. Vous avez craint que cette importance ne nous ait échappé.
Sur ce point, je peux, à la suite de Mme Khiari, vous rassurer totalement : nous sommes opposés à ce projet de loi, à l'immigration choisie et à l'article 10 ! Aucun doute ne peut subsister !
Vos explications sur cet article nous donnent l'impression d'être en présence d'un jeu de cartes, sans faire de mauvais jeu de mots. En effet, vous multipliez les différentes catégories de cartes, ce qui, selon nous, est source de complications.
Par ailleurs, et je veux insister sur cet aspect, vous avez axé une partie de votre propos sur la lutte contre le travail illégal. Nous y souscrivons, mais, selon notre acception de cette notion, il n'existe aucune adéquation entre étrangers et travail illégal.
Cette forme de travail existe en France. Les employeurs français y recourent largement, ainsi parfois que certains employeurs étrangers. Il revient à l'inspection du travail de la combattre, non pas en raison de la nationalité de celui qui s'y livre mais parce qu'il s'agit d'une infraction à la législation sociale.
Le problème de l'entrée et du séjour des étrangers sur le sol français n'est pas directement en cause. Certes, le travail illégal peut être lié à une présence irrégulière, mais nous ne pouvons pas souscrire à l'amalgame qui est fait : la lutte contre le travail illégal est une chose, la régularisation du séjour des étrangers en est une autre.
Je ne comprends pas en quoi la panoplie de cartes que vous avez inventée constitue un instrument de lutte contre le travail illégal, mais la suite des débats m'éclairera probablement sur ce point. En quoi facilite-t-elle la répression de cette forme de travail ?
Mme Khiari a excellemment démontré que le Gouvernement poursuit une démarche d'économie administrée, ce qui a dû vous demander, monsieur le ministre, un effort idéologique remarquable que je ne peux que saluer, mais que nous ne pouvons pas partager !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Par une indulgence peut-être coupable, je n'ai pas encore cité les déclarations de M. Nicolas Sarkozy devant la Haute Assemblée, lors de la présentation de la loi de 2003.
Selon ses propos, avec le dispositif proposé, on allait voir ce qu'on allait voir ! Enfin les moyens seraient donnés de reconduire à la frontière toutes les personnes devant faire l'objet d'une telle mesure ! Enfin un terme serait mis au travail illégal ! Enfin l'immigration allait être gérée ! Enfin on allait rompre avec la situation existante.
Monsieur le ministre, pourquoi n'avez-vous pas réussi ? La question particulière des départements et territoires d'outre-mer mise à part, les chiffres relatifs aux reconduites à la frontière sont ce qu'ils sont. Pourquoi aucun bilan de la loi de 2003 n'a-t-il été dressé ? Pourquoi aucune étude d'impact n'a-t-elle été réalisée sur le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui ? Pourquoi ne connaîtra-t-on pas les résultats lors des prochaines échéances électorales ?
Je vous pose toutes ces questions tout en sachant pertinemment que les mesures qui nous sont proposées visent, une fois encore, à frapper l'opinion.
Je veux maintenant revenir sur les propos tenus avec force par Mme Khiari et par M. Frimat. Il existe une étonnante contradiction entre votre théorie politique, qui souvent prône le libéralisme, parfois le plus exacerbé, et ce que vous nous proposez en cet instant, qui est un chef-d'oeuvre de bureaucratie, de complexité administrative.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, nous ne pensons pas qu'il faille être aussi laxiste vis-à-vis des flux économiques et monétaires.
Bien évidemment, des règles doivent être fixées dans le domaine de la circulation des êtres humains. Il ne faut pas laisser se résoudre certaines situations de manière souvent préjudiciable aux personnes concernées. Mais il faut aussi faire confiance à leur libre arbitre, à leur droit d'initiative, à leur capacité de création.
Monsieur le ministre, je vous avoue que je vivais ce débat dans une certaine morosité intellectuelle. Quelquefois, madame la présidente, l'air est morose mais voici qu'une alouette le traverse le matin, une hirondelle le soir, et l'on se dit : « Tiens ! L'air est un peu plus léger ! »
C'est avec grand plaisir que, tout à l'heure, j'ai ouvert ce journal (l'orateur montre un exemplaire d'un journal du soir) et lu ce bel article, si beau qu'il mériterait d'être cité intégralement.
M. Alain Gournac. Pas intégralement, quand même ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il a été écrit par M. Kofi Annan, secrétaire général de l'organisation des Nations unies, homme dont il n'est pas malséant de citer le point de vue au sein de notre Haute Assemblée.
Je me bornerai à lire ce passage : « Les immigrés accroissent la demande de biens et de services, renforcent la production nationale et, d'une manière plus générale, rapportent plus à l'État en impôt qu'ils ne lui coûtent en aides et prestations sociales. Dans les continents comme l'Europe, où la population stagne ou ne croît que lentement, les jeunes arrivant de l'étranger aident à financer les systèmes de retraite. Au total, les pays qui accueillent des immigrés et savent les intégrer sont parmi les plus dynamiques du monde, en termes économiques, sociaux et culturels. »
Cet article s'intitule : Les migrants font avancer l'humanité. J'eusse aimé, monsieur le ministre, que votre projet de loi s'appelât de même et qu'il reflétât plus d'espoir et d'optimisme qu'il n'y en a dans votre néobureaucratie.
M. Alain Gournac. Il dit aussi, à la fin, qu'il faut instaurer des règles !
Mme Éliane Assassi. Pas unilatérales, les règles !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avions bien compris, monsieur le ministre, que l'article 10 était central.
Il faut que les choses soient claires : nous sommes opposés à cet article 10, qui vise à organiser ce que vous appelez « l'immigration choisie » et qui est sans nul doute, comme l'ont dit mes collègues, une véritable usine à gaz bureaucratique qui va produire encore plus de personnes en situation de grande précarité, sans papier et, pour employer un adjectif issu de votre terminologie, irrégulières.
C'est l'évidence ! En effet, chacun essaiera, pour survivre, de se frayer un chemin dans les méandres de votre bureaucratie, et nous serons bien loin de l'immigration organisée que vous prétendez instaurer.
Tout à l'heure, vous m'avez traitée de « libérale », ce qui signifiait sans doute, dans votre bouche, que j'étais laxiste en matière d'immigration et prête à laisser venir tout le monde chercher du travail !
Dans le système libéral qui est le nôtre, les capitaux, eux, circulent librement, partout, sans aucune contrainte, sacrifiant chaque jour des millions d'êtres humains, jeunes, moins jeunes ou retraités, qui se retrouvent au chômage, voire à la rue.
J'en veux pour preuve le sort de ces pauvres Anglais, qui, pour se constituer une petite retraite, ont placé leurs économies dans des fonds de pension (Mme Hélène Luc fait un signe d'assentiment.) et se retrouvent sans rien à l'âge où ils pourraient légitimement cesser leur activité ; ils sont quelquefois obligés de le faire, d'ailleurs, parce qu'ils ont été mis à la porte de leur entreprise.
C'est cela, le monde libéral.
En revanche, l'immigration concertée, qui se conçoit dans l'intérêt mutuel des pays qui veulent se développer - je dirais même qui doivent absolument se développer, si nous ne voulons pas d'un monde encore plus violent, encore plus invivable pour nos enfants -, est tout le contraire de l'immigration choisie.
Je ne m'exprimerai pas avec le même lyrisme que mon collègue M. Jean-Pierre Sueur au sujet de l'article de M. Kofi Annan, mais j'estime incroyable - permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre - que, dans un texte qui a pour objet d'organiser l'immigration, ne figure absolument rien de positif sur l'apport des migrants à notre pays ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur la multiplication des cartes - sept catégories différentes ! - qui va compliquer le travail de l'administration préfectorale alors que nous avions cru, au départ, que vous vouliez l'alléger, non plus que sur les conséquences de cette catégorisation qui - j'en suis convaincue - va créer de nouveaux sans-papiers mais aussi conduire à une précarisation, à une déstabilisation de tous les étrangers qui, aujourd'hui, sont sur notre sol.
J'aimerais plutôt axer mon intervention sur la conformité de ce projet de loi avec les conventions européennes et le droit international.
Le fait d'attribuer des cartes de travailleurs temporaires au lieu de cartes de travailleurs salariés risque de mettre en danger le droit de vivre en famille. En effet, la demande de regroupement familial ne sera certainement pas acceptée lorsque le demandeur dudit regroupement présentera une carte aussi précaire que celle de travailleur temporaire.
Le droit de vivre en famille, qui correspond pourtant à un engagement international de la France, sera donc violé.
Enfin, certains titres de séjour ne seront plus valables pour pouvoir percevoir les allocations auxquelles leurs détenteurs ont pourtant droit en vertu des cotisations qu'ils ont versées, si bien qu'il y aura une rupture dans l'égalité d'accès aux droits sociaux entre Français et étrangers, ce qui a déjà été condamné voilà quelque temps par la Cour européenne de justice. C'est un risque que nous prenons une fois de plus.
Mme la présidente. Madame Anne-Marie Payet, l'amendement n° 113 rectifié est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 113 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, sur l'amendement n° 114 rectifié bis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission avait demandé le retrait de cet amendement.
Cependant, compte tenu de la rectification qui a été apportée, elle donne désormais un avis favorable.
Mme la présidente. Monsieur Bernard Frimat, l'amendement n° 161 est-il maintenu ?
M. Bernard Frimat. Ma réponse à votre demande, monsieur le ministre, sera négative : je ne retirerai pas cet amendement et je vais vous dire pourquoi.
Si j'ai bien compris vos explications et celles de M. le rapporteur, la démarche que vous revendiquez est une démarche de simplification.
Jusqu'à présent, les commerçants ou les artisans étrangers étaient soumis à la fois à la législation sur l'entrée des étrangers et à la législation nationale du code de commerce.
Cette double contrainte ne nous semblait pas aberrante.
Ce qui nous gêne, dans la formulation du projet de loi, même si elle tend à réunir ces deux obligations, c'est que le commerçant ou l'artisan doit avoir « une activité viable ». Quelle audace ! Comment savoir à l'avance quelle entreprise sera viable, pour combien de temps et dans quelles conditions ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les entreprises ferment du jour au lendemain !
M. Bernard Frimat. La vie de toute entreprise est marquée par l'incertitude. Je ne pense pas qu'il soit inscrit dans le code de commerce qu'un commerçant ou un artisan doive prouver, avant de s'installer, que son activité est viable.
Par ailleurs, un certain nombre de termes employés dans votre texte, monsieur le ministre, ne figurent pas dans le code de commerce, sauf erreur de ma part, mais, dans ce cas, vous me corrigerez : il y est fait allusion à la salubrité, à la tranquillité.
Que signifie, pour un commerçant ou un artisan, qu'il doit satisfaire à la tranquillité ? Est-ce l'odeur de la cuisine un peu épicée d'un restaurant qui est visée ou le bruit que font les clients sur le trottoir en sortant de la boutique ?
Il nous semble que cette rédaction ouvre une immense zone discrétionnaire, pour ne pas utiliser un mot désagréable.
Qu'un commerçant ou un artisan étranger doive satisfaire à la totalité des obligations imposées à un commerçant ou à un artisan français est normal ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va de soi !
M. Bernard Frimat. ... mais la formulation retenue nous paraît trop incertaine.
C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement. Nous divergerons ainsi pour des raisons claires.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 162.
M. Bernard Frimat. Je tiens à m'expliquer pour que nos divergences soient clairement établies, monsieur le ministre, et que, si nous sommes en désaccord, nous le soyons non pas parce que nous nous sommes mal compris, mais parce que nous nous sommes bien compris.
Concernant les saisonniers, ce n'est pas que leur travail soit limité dans l'année qui pose problème. Nous ne demandons pas une carte des quatre saisons ! En effet, le travail des saisonniers est, par essence même, un travail temporaire. Ainsi, dans l'agriculture ou dans l'hôtellerie, il y a des périodes de pointe, une haute saison, comme on dit.
Ce qui nous chagrine, c'est cette espèce d'aller-retour que vous semblez exiger du saisonnier. Que fait-il, par exemple, entre deux contrats d'un mois séparés par un intervalle non travaillé de quinze jours ?
Vous précisez dans votre texte qu'il n'a pas le droit d'être sur le territoire tant qu'il n'exerce pas son activité de saisonnier.
Nous estimons que les saisonniers vont se trouver précarisés et que nombre d'entre eux seront en situation de séjour illégale durant les périodes non travaillées, puisque, pour des raisons économiques évidentes, ils ne pourront pas multiplier les aller-retour afin de rentrer chez eux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 301.
Mme Éliane Assassi. M. le ministre nous a demandé de retirer cet amendement. Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a déjà exposé les raisons de fond pour lesquelles nous voterons contre l'article 10. Je ne vais pas répéter à l'envi notre opposition au projet de loi dont nous débattons depuis deux jours.
Cela dit, nous ne retirons pas cet amendement, tout simplement parce que nous n'acceptons pas les précarités, qu'il s'agisse du contrat première embauche, le CPE, du contrat nouvelles embauches, le CNE, ou du statut des travailleurs saisonniers.
Je ne sais pas si votre politique est vraiment libérale, mais, pour nous, il s'agit avant tout de combattre l'injustice sociale, tout simplement.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 327.
M. Bernard Frimat. Il faut bien que quelqu'un défende la position de la commission des lois ! Celle-ci ne s'étant pas réunie, elle ne s'est donc pas prononcée. Nous n'avons entendu que l'avis du rapporteur... (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est incroyable ! Vous pourriez au moins respecter votre collègue rapporteur !
M. Bernard Frimat. Je regrette simplement que le porte-parole ait changé ! Du fait de l'absence de son auteur, ce sous-amendement n'aurait pas été soutenu. Cela étant, il a été repris et la place Beauvau a donc changé de co-rapporteur sur le sujet !
La position initiale de la commission des lois avait une cohérence : avec l'amendement n° 20, elle réécrivait le 5° du texte proposé par l'article 10 pour l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle prenait en compte des éléments d'humanité au niveau du conjoint et des enfants mineurs.
Mais, là encore, c'était aller trop loin ! L'obsession de la fraude vous amène à durcir ce texte, qui se rapporte au conjoint. Nous ne pouvons dons pas être d'accord.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Frimat, ce sous-amendement apporte une précision à la rédaction du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 313-10, qui était assez floue. Nos collègues ont quand même le droit d'ajouter de telles précisions, surtout si elles ne sont pas contraires à l'amendement présenté par le rapporteur !
Dans le cas présent, la précision étant utile, il était normal que le rapporteur émette un avis favorable à titre personnel, le sous-amendement n'ayant pas été examiné en commission.
Quant à votre souci humanitaire, monsieur Frimat, ce sous-amendement concerne des cadres de sociétés multinationales, qui ne relèvent pas, que je sache, des mêmes préoccupations que d'autres catégories de migrants.
Les Français salariés de grandes entreprises françaises rencontrent parfois de grandes difficultés pour se déplacer dans un certain nombre d'autres pays. Il est donc dans l'intérêt des sociétés françaises de permettre à tous leurs cadres étrangers de venir en mission en France dans de bonnes conditions, parfois pour des actions de formation.
M. Bernard Frimat. Ce n'est pas la question !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si, c'est bien de cela qu'il s'agit ! Si le cadre est appelé à rester durablement, sa famille le rejoint, bien entendu. Mais s'il s'agit de missions extrêmement courtes, on ne va pas lui accorder un titre de séjour particulier, puisqu'il existe par ailleurs des visas de courte durée.
La précision ainsi apportée me paraît donc naturelle. N'en faisons pas une montagne !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je tiens à préciser que, dans notre amendement n° 160, nous n'avions justement pas supprimé le cas du salarié en mission. C'était un amendement de repli, mais il maintenait cette disposition.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
I. - L'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, l'employeur qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en raison du retrait, prononcé en application des dispositions du deuxième alinéa, de sa carte de séjour temporaire, peut, dans les trois années qui suivent cette obligation, se voir refuser le droit d'exercer une activité professionnelle en France. »
II. - L'article L. 314-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En outre, l'employeur qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en raison du retrait, prononcé en application des dispositions du présent article, de sa carte de résident, peut, dans les trois années qui suivent cette obligation, se voir refuser le droit d'exercer une activité professionnelle en France. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Avec cet article 11, monsieur le ministre, vous affichez la volonté de lutter contre l'exploitation des étrangers sur notre territoire. Plus spécifiquement, vous prétendez lutter contre l'exploitation clandestine de leur force de travail. Quoi de plus normal ? Nous partageons cette préoccupation.
Mais, une fois encore, cette mesure - comme tout votre projet de loi, d'ailleurs - repose sur une idéologie très contestable. Dans votre projet initial, l'article 11 ne visait que les employeurs étrangers contrevenant aux dispositions du code du travail sur le travail clandestin. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont ajouté un article 11 bis, qui renforce les sanctions pénales contre tous les employeurs.
En premier lieu, il me semble inacceptable que le renforcement de la répression du travail clandestin vise essentiellement les employeurs étrangers. Pensez-vous sérieusement, monsieur le ministre, que seuls les étrangers exploitent le travail d'autres étrangers ? Ce serait bien naïf de votre part. Je pense plutôt que vous avez consciemment souhaité réprimer plus durement les étrangers.
Les actes incriminés ici sont gravissimes. Il faut absolument les punir, et durement. Mais je vous rappelle qu'ils concernent non seulement des employeurs étrangers, mais aussi bon nombre d'employeurs français, dans de nombreux secteurs, notamment le bâtiment. Les « négriers » d'aujourd'hui ne sont pas seulement étrangers ; nombre d'entreprises bien françaises fonctionnent également en exploitant le travail des clandestins.
En prévoyant, outre les peines applicables, le retrait du titre de séjour et l'interdiction d'exercer une activité professionnelle en France pour les employeurs étrangers, vous réinstaurez une sorte de double peine. Aux sanctions pénales qui s'appliquent à tous, vous ajoutez pour les étrangers une sanction administrative, ce qui constitue une discrimination évidente.
Je n'ai aucune pitié pour ceux qui exploitent les plus démunis, mais je comprends mal pourquoi les étrangers seraient punis plus durement que les Français pour de tels actes.
En second lieu, l'Assemblée nationale a adopté un article 11 bis qui prévoit la possibilité pour les tribunaux de prononcer une peine complémentaire de déchéance des droits civiques, civils et familiaux dans les cas de travail clandestin pour lesquels une peine de prison est prévue. Cette mesure est bonne en soi, mais je voudrais souligner deux points d'incompréhension.
L'Assemblée nationale a refusé de rendre cette peine automatique, alors même que les sanctions administratives imposées par l'article 11 aux employeurs étrangers le sont. Par ailleurs, j'estime que les actes dont nous parlons sont suffisamment graves pour que les peines de prison et d'amende soient considérablement aggravées, et ce pas seulement par l'ajout d'une peine complémentaire.
En conclusion, ce nouveau dispositif ne contribuera pas efficacement à la lutte contre le travail clandestin. Il réprimera peut-être plus durement les employeurs étrangers, mais les donneurs d'ordres, les groupes qui exploitent ou laissent exploiter des clandestins par leurs sous-traitants resteront relativement protégés, ce qui me semble tout à fait inacceptable.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste présentera un amendement de suppression de cet article.
Mme la présidente. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 163, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mme Bariza Khiari a déjà tout dit et vous avez sans doute été frappé par la pertinence de son propos, monsieur le ministre.
Pour ma part, je me contenterai de vous poser deux questions.
Rien n'est pire en effet que l'exploitation des travailleurs en situation irrégulière, que des employeurs font travailler sciemment dans l'illégalité. Elle doit être réprimée et nous n'avons aucune indulgence à l'égard de ce type de comportement.
Soyons clairs : qu'un étranger qui dispose d'un titre de séjour régulier emploie des travailleurs étrangers dans l'illégalité et dans la clandestinité nous paraît justifier le retrait du titre de séjour.
Mais j'en viens à ma première question, déjà évoquée par Mme Khiari. Ce matin, monsieur le ministre, vous nous avez longuement expliqué qu'il fallait que les maires puissent donner un avis sur la pratique républicaine des étrangers et sur la conformité de leurs agissements aux valeurs républicaines de la France. Je m'étais permis de vous faire observer que, parmi ces principes républicains, figurait le principe d'égalité.
En dehors du problème que je viens d'aborder, c'est-à-dire le retrait du titre de séjour, ma question est simple : comment pouvez-vous justifier que, pour la même infraction, à savoir faire travailler illégalement des étrangers clandestins, la peine soit différente selon que l'auteur de l'infraction est français ou de nationalité étrangère ? Y a-t-il un argument en faveur de cette différence de traitement ?
Si tel est le cas, je vous remercie de bien vouloir nous l'expliciter. S'il n'y en a pas, vous soutiendrez notre amendement de suppression, monsieur le ministre. C'est une question très sérieuse et très précise, et j'attends de vous un argument solide.
Ma seconde question est encore plus simple : comment pouvez-vous justifier qu'il revienne à l'autorité administrative de prononcer une telle peine, et non au juge judiciaire ?
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 313-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé :
« La carte de séjour temporaire prévue à l'article 313-7 peut être retirée à l'étudiant étranger qui ne respecte pas la limite d'un temps partiel annualisé prévue au même article. »
II. En conséquence, au premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
un alinéa
par les mots :
deux alinéas
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 163.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement n° 21 reprend en partie la deuxième phrase du texte proposé pour l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'article 7 du projet de loi.
Il tempère néanmoins la possibilité de retirer la carte « étudiant » à un étudiant qui ne respecterait pas la réglementation du travail. En effet, ce non-respect ne lui est pas forcément imputable. C'est la raison pour laquelle le retrait ne serait possible qu'en cas violation de l'obligation de respecter la durée du temps partiel annualisé que nous avons évoquée tout à l'heure.
Par ailleurs, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 163.
Je rappellerai simplement que l'un des objectifs les plus importants du projet de loi est de lutter contre les filières constituées, qui nourrissent de façon importante l'immigration clandestine.
Il convient de lutter sans faiblesse contre l'esclavage moderne que représente cette immigration clandestine et contre les comportements indignes de ces employeurs qui profitent de la situation, organisant depuis le pays d'origine l'arrivée de clandestins sur notre territoire, dans un cadre très structuré qui relève non pas de l'amateurisme, mais du professionnalisme.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. M. Sueur, de manière très pompeuse, m'a demandé si j'avais été frappé par la pertinence des propos de Mme Khiari. Eh bien oui, monsieur Sueur, j'ai été frappé, en effet, mais certainement pas par la pertinence des propos de votre collègue ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Cela nous rassure !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. N'est-ce pas, monsieur le sénateur !
Je vais tout d'abord reposer le problème, car je suis tout de même très étonné, monsieur Sueur, madame Khiari, que vous combattiez systématiquement la détermination du Gouvernement à lutter contre toute forme de travail illégal (Protestations sur les travées du groupe socialiste.),...
Mme Bariza Khiari. Mais non !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons dit le contraire !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et surtout contre le travail illégal organisé par un certain nombre de chefs d'entreprise, qu'ils soient Français ou étrangers.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut lutter sans faiblesse contre le travail illégal !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons d'ores et déjà engagé la lutte contre le travail illégal, mais c'est à croire que vous êtes favorables à son développement ! C'est ainsi que je finis par interpréter vos propos !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons dit le contraire ! Vous ne nous écoutez pas, monsieur le ministre !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons d'ores et déjà engagé la lutte contre le travail illégal, disais-je, par des opérations coup-de-poing.
À cet égard, je rappellerai quelques chiffres : entre le 1er septembre et le 31 décembre 2005, 601 opérations ont été menées dans cent départements, 15 390 personnes ont été contrôlées et 611 employeurs ont été interpellés. À la fin du mois de juin, nous disposerons du bilan de la seconde vague d'opérations coup-de-poing, mise en oeuvre depuis le début de l'année. Nous ne nous contentons pas de paroles, nous agissons, ce qui n'a certainement pas été le cas du gouvernement de M. Jospin de 1997 à 2002 ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas vrai !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour améliorer ce dispositif et mieux lutter contre les filières esclavagistes, il faut s'assurer que l'employeur étranger de travailleurs clandestins ayant été sanctionné d'une obligation de quitter la France puisse aussi se voir interdire d'exercer toute activité professionnelle dans notre pays pendant trois ans.
Or vous considérez, pour votre part, que cela n'est pas normal, que les employeurs français et les employeurs étrangers ne sont pas traités sur un pied d'égalité.
Je soulignerai d'abord que dans ce texte figurent, à d'autres articles, un certain nombre de dispositions qui sanctionneront également les employeurs français ne respectant pas la législation du travail.
Je pense notamment à l'article 11 bis, qui prévoit pour ceux-ci la perte des droits civiques. Cela n'est pas rien, mais cela vous a peut-être échappé.
Je pense aussi à l'article 15 ter, concernant la lutte contre les employeurs récidivistes, Français ou non, en matière d'emploi illégal de travailleurs étrangers.
Cela étant, je m'étonne, madame Khiari, monsieur Sueur, que, en quelque sorte, vous réclamiez l'automaticité de certaines peines.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas possible !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous n'ignorez pas, pourtant, que nous sommes dans un État de droit ! Quoi qu'il en soit, je prends acte du fait que la philosophie du parti socialiste est désormais de préconiser l'inscription dans notre droit d'une automaticité des peines, sans que le juge ait à statuer et à décider ! C'est là une innovation juridique !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous réclamons un même traitement pour les employeurs français et les employeurs étrangers !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est trop drôle !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Votre suggestion est inacceptable dans un État de droit. Il n'est pas possible d'instaurer dans notre pays une automaticité des peines,...
M. Roger Karoutchi. Absolument !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et pourtant, c'est bien ce que demande aujourd'hui le parti socialiste. Voilà qui est nouveau !
M. Bernard Frimat. Vous êtes content de vous ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Enfin, vous demandez pourquoi nous ne prévoyons pas exactement les mêmes sanctions pour les employeurs étrangers que pour les employeurs français.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est normal !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Permettez-moi de vous faire observer qu'il est beaucoup plus compliqué de retirer un titre de séjour en France à un employeur français qu'à un employeur étranger ! ... (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà qui est astucieux ! Et convaincant !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vos préconisations sont, à l'évidence, totalement déraisonnables, c'est pourquoi j'appelle au rejet de l'amendement que vous avez présenté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Frimat. C'est une pantalonnade !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Par ailleurs, j'émets un avis très favorable sur l'amendement n° 21 de la commission.
M. Alain Gournac. La messe est dite !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 163.
M. Jean-Pierre Sueur. La messe n'est pas dite, mon cher collègue. D'ailleurs, nous sommes ici dans une assemblée laïque...
Cela étant, j'ai vraiment été très frappé par le discours de M. le ministre. Certes, c'est là une façon de faire de la politique, celle que vous avez choisie, monsieur le ministre ; il n'en reste pas moins que nous avons bien dit, et le compte rendu de nos débats en fera foi, qu'il ne faut avoir aucune indulgence envers ceux qui emploient illégalement des travailleurs clandestins et qui organisent sciemment cette pratique. Or vous prétendez que nous sommes laxistes et que nous estimons qu'il ne faut pas lutter contre le travail clandestin ! Quel sens cela a-t-il ? C'est absurde ! (Mme Bernadette Dupont s'exclame.)
Je ne fais que dire la vérité, ma chère collègue ! Si ce que j'affirme est faux, démontrez-le ! M. le ministre nous attribue des opinions contraires aux propos que nous avons tenus voilà quelques minutes : nous avons tout de même le droit de protester ! Si vous pensez que j'ai tort, expliquez-moi en quoi. Je suis prêt à vous entendre. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Bernadette Dupont. Cela fait une heure que nous discutons et nous n'avançons pas !
Mme la présidente. M. Sueur a seul la parole, mes chers collègues !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons pas abusé de notre droit de parole !
Par ailleurs, il est tout aussi absurde d'affirmer, comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, que l'on ne s'était nullement soucié, jusqu'à présent, de lutter contre le travail clandestin. Exerçant des mandats locaux dans le même département depuis vingt-cinq ans, j'ai eu l'occasion d'oeuvrer dans ce domaine avec bien des directeurs régionaux ou départementaux du travail, et, par le passé, sur le plan national, les différents gouvernements qui se sont succédé ont consacré des moyens et des efforts à la lutte contre le travail clandestin.
Par conséquent, vous ne pouvez pas prétendre que rien n'avait été fait avant vous et que c'est seulement maintenant qu'une véritable action est engagée. Cela est absurde, tout le monde le sait ! Dans ces conditions, pourquoi tenez-vous de tels propos, monsieur le ministre ?
Enfin, vous nous apprenez qu'un étranger peut être reconduit à la frontière, mais pas un Français. Bravo ! ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On peut essayer, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Sueur. Je me vois contraint de répéter ce que nous avons dit, puisque vous niez que nous ayons adopté cette position : si un employeur étranger a recours au travail illégal, il est juste de lui retirer son titre de séjour. C'est là, certes, une dimension spécifique du traitement devant être réservé à l'employeur étranger coupable de tels agissements.
Nous sommes donc d'accord avec vous sur ce point, mais nous ajoutons, pour notre part, que pour le reste la peine doit être la même, que l'employeur soit français ou étranger. C'est tout ! Je regrette d'avoir été obligé de rétablir les faits, mais telle est bien notre position.
En tout état de cause, je constate que nous n'avons pas entendu de réponse à cet argument : outre la question du retrait du titre de séjour, il faut que la peine soit la même et qu'elle soit mise en oeuvre dans les mêmes conditions, quelle que soit la nationalité du condamné. On ne nous a, en outre, pas davantage expliqué pourquoi ce sujet ne devait pas relever du juge judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il me semble nécessaire de souligner, à cet instant, que notre législation a connu des progrès constants en matière de lutte contre le travail illégal.
M. Bernard Frimat. Nous nous en réjouissons !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis parlementaire depuis un certain nombre d'années maintenant. À ce titre, j'ai pu constater que, à chaque occasion, les peines prévues dans ce domaine ont été aggravées.
Mme Hélène Luc. Mais qu'êtes-vous en train de faire avec ce texte ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les victimes du travail illégal sont généralement, je le rappelle, des migrants.
M. Bernard Frimat. Pas seulement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les victimes des employeurs qui ne respectent pas les dispositions du droit du travail, qu'ils soient Français ou étrangers, sont tout de même souvent des migrants, monsieur Frimat.
Cela étant, il faut bien distinguer deux choses.
Tout d'abord, les sanctions pénales et les peines complémentaires telles que, par exemple, l'interdiction d'exercer une activité professionnelle, s'appliquent bien entendu aux Français comme aux étrangers.
Par ailleurs, il existe des sanctions administratives. Ainsi, notre droit prévoit depuis déjà très longtemps qu'un étranger ayant été condamné pour certaines infractions peut se voir retirer son titre de séjour. Il s'agit bien ici, je le répète, d'une sanction administrative, et non d'une sanction pénale. Comme l'a indiqué à juste titre M. le ministre, les condamnés étrangers sont traités différemment des condamnés français dans la seule mesure où, à l'issue de leur peine, on peut les expulser. Cela est normal, et je ne vois pas en quoi les dispositions présentées modifieraient les règles générales de droit s'appliquant déjà à l'heure actuelle.
Par conséquent, je ne parviens pas à comprendre ce que nous racontent depuis une demi-heure les orateurs du groupe socialiste ! Nous souhaitons simplement alourdir les sanctions, rien de plus, l'objectif étant de lutter plus efficacement contre le travail illégal. Tel est bien le souhait du Gouvernement et du Parlement.
Mme Bariza Khiari. Les sanctions s'appliqueront de manière automatique !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non, il n'y aura pas d'automaticité de la sanction pénale ! Ce sont les sanctions administratives qui sont parfois automatiques ! Quand une personne a été condamnée par exemple pour faillite frauduleuse, la sanction administrative qui accompagne la sanction pénale consiste en une interdiction d'exercer et de s'inscrire au registre du commerce. Elle est bien entendu automatique, mais ce n'est pas, je le redis, une sanction pénale !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un retrait de points, c'est plus compliqué ! (Rires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je remercie M. Hyest de son intervention. À mon sens, nous devons nous écouter les uns les autres, en veillant à ne pas travestir nos positions respectives.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n'ai rien travesti !
M. Bernard Frimat. C'est précisément pourquoi je vous ai remercié de votre intervention, monsieur Hyest !
Que vous soyez en désaccord avec nous, monsieur le ministre, ne me gêne pas et ne me choque pas. C'est votre droit. Vous défendez votre texte, cela est normal, et nous sommes, nous aussi, dans notre rôle et dans notre droit quand nous défendons des opinions différentes des vôtres.
M. Bernard Frimat. Cela étant posé, ne dites pas que nous sommes pour le travail illégal ! Nous avons déjà indiqué à plusieurs reprises que nous sommes d'accord avec vous pour lutter contre cette pratique.
M. Bernard Frimat. Toutefois, votre texte répond à une autre logique. (M. le ministre délégué s'exclame.)
En effet, le problème du travail illégal y est assimilé à celui du travail clandestin des étrangers, alors que le sujet est plus large. J'ai dit tout à l'heure que les inspecteurs du travail sont chargés - nous y reviendrons - de lutter contre le travail illégal, mais non pas de s'occuper de vérifier le caractère régulier du séjour des étrangers.
Quoi qu'il en soit, nous prenons acte de notre désaccord, monsieur le ministre. Toutefois, j'estime qu'il serait souhaitable que les intervenants dans ce débat s'abstiennent de travestir la position de leurs contradicteurs. Pour ce qui nous concerne, nous essaierons de nous en tenir à cette attitude.
En tout état de cause, ni Jean-Pierre Sueur, ni Bariza Khiari, ni moi-même ne sommes des partisans du travail illégal et des défenseurs des employeurs ayant recours à cette pratique : qu'ils soient Français ou étrangers, nous souhaitons qu'ils soient condamnés avec la rigueur que méritent leurs actes. En revanche, les salariés employés illégalement, quelle que soit leur nationalité, sont en général des victimes. Or je n'ai pas eu le sentiment, en vous entendant, que vous les considériez d'abord comme tels.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 11 bis
Dans le premier alinéa de l'article L. 364-8 du code du travail, après les mots : « coupables des infractions prévues », sont insérés les mots : « au deuxième alinéa de l'article L. 364-1, à l'article L. 364-2 et ».
Mme la présidente. L'amendement n° 22, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Dans le premier alinéa de l'article L. 364-8 du code du travail, remplacer les mots : « aux articles » par les mots : « au deuxième alinéa de l'article L. 364-1et aux articles L. 364-2, »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 bis est ainsi rédigé.
Article 12
I. - Le chapitre V du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devient le chapitre VII du même titre, et l'article L. 315-1 devient l'article L. 317-1 du même code.
II. - Dans le titre Ier du livre III du même code, le chapitre V est ainsi rétabli :
« CHAPITRE V
« La carte de séjour portant la mention «compétences et talents»
« Art. L. 315-1. - La carte de séjour «compétences et talents» peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France ou du pays dont il a la nationalité. Elle est accordée pour une durée de trois ans. Elle est renouvelable.
« Art. L. 315-2. - La carte mentionnée à l'article L. 315-1 est attribuée au vu des aptitudes de l'étranger, du contenu de son projet et en particulier de la nature de l'activité qu'il se propose d'exercer et de l'intérêt de ce projet et de cette activité pour la France et pour le pays dont l'étranger a la nationalité.
« L'étranger peut souscrire sa demande de carte «compétences et talents» auprès de la représentation consulaire française territorialement compétente dans le pays où il a établi sa résidence habituelle. L'autorité administrative compétente pour délivrer cette carte est le ministre de l'intérieur.
« Art. L. 315-2-1. - Il est tenu compte, pour l'appréciation des conditions mentionnées à l'article L. 315-2, de critères déterminés annuellement par la Commission nationale des compétences et des talents.
« Art. L. 315-3. - La carte de séjour mentionnée à l'article L. 315-1 permet à son titulaire d'exercer toute activité professionnelle de son choix, dans le cadre du projet mentionné à l'article L. 315-2.
« Art. L. 315-3-1. - Lorsque le titulaire de la carte de séjour «compétences et talents» est ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire, il est tenu d'apporter son concours, pendant la durée de validité de cette carte, à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité.
« Art. L. 315-4. - Le conjoint et les enfants d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 315-1 bénéficient de plein droit de la carte de séjour mentionnée au 3° de l'article L. 313-11. La carte de séjour ainsi accordée est renouvelée de plein droit durant la période de validité restant à courir de la carte mentionnée à l'article L. 315-1.
« Art. L. 315-5. - La carte de séjour mentionnée à l'article L. 315-1 peut être retirée dans les conditions et pour les motifs mentionnés à l'article L. 313-5 et à l'article L. 314-6.
« Art. L. 315-6. - Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, sur l'article.
M. Jacques Legendre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat nous aura décidément réservé un certain nombre de surprises. Pour ma part, j'aurais été tenté de penser que nous pourrions nous retrouver très largement autour de l'idée que notre pays doit reconnaître les compétences et souhaiter pouvoir les attirer.
En le souhaitant et en le faisant, nous nous alignerons sur ce qui se pratique depuis longtemps ailleurs.
J'ai souvent eu des contacts avec les Québécois. Ils souhaitent voir venir dans leur pays des citoyens français, en raison de notre langue commune. Les Québécois, mais aussi les Canadiens francophones et anglophones, espèrent également accueillir des personnes dont la qualification correspond aux besoins de développement de leur pays. Très honnêtement, je n'ai jamais eu le sentiment que le Canada ou le Québec avaient entrepris de piller la ressource nationale française.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne faut pas comparer la France avec les pays du Sud !
M. Jacques Legendre. Je peux comprendre la démarche des Français qui, à certains moments et pour des raisons qui leur sont personnelles, souhaitent aller vivre dans un autre pays. Cette attitude permet de développer les échanges entre les pays.
Cela peut néanmoins poser un problème, je le reconnais, dans le cas d'un pays pauvre qui verraient ses quelques cadres, formés à grand mal, partir systématiquement ailleurs. Encore faut-il dire qu'un pays ne se bâtit que si son élite a la volonté d'agir en ce sens et n'a pas pour premier désir d'aller travailler à l'étranger ! La tentation peut en effet être grande à cet égard, pour des raisons humainement compréhensibles.
Il nous faut donc trouver un équilibre entre notre souhait de recevoir des étrangers dotés de compétences et la nécessité d'organiser une circulation des élites entre leur pays d'origine et le pays d'accueil.
Il nous appartient peut-être aussi de concourir à la formation de ces étrangers.
J'ajoute que nous ne devons pas fermer les yeux sur la réalité. J'ai assez mal compris que les dirigeants de certains pays avec lesquels nous entretenons des liens d'amitié semblent dénoncer de notre part une tentation de pillage des cerveaux, alors que nous sommes régulièrement sollicités - tous ceux qui ont l'occasion de se rendre dans ces pays peuvent le constater - par certains de leurs ressortissants souhaitant venir travailler chez nous.
Par ailleurs, dans le cadre de la francophonie, les étudiants ayant fait le choix du français comme langue internationale s'étonnent de se voir fermer la porte de notre pays, alors que l'apprentissage de la langue anglaise leur aurait permis d'exercer leurs compétences dans le vaste monde anglophone.
Si nous ne sommes pas capables de reconnaître les compétences acquises par les francophones et de permettre à ces derniers de circuler dans l'espace francophone, les jeunes étrangers auront alors moins de raisons d'apprendre notre langue, laquelle est déjà en perte de vitesse dans le monde. L'apprentissage du français doit évidemment être un vecteur de leur développement et de l'ascenseur social. Leur demande est donc, à mon avis, tout à fait légitime.
Le projet de loi prévoit de reconnaître les compétences. Il est important que cela se fasse en liaison avec les autres pays - c'est, je crois, l'objet d'un amendement -, dans une sorte de contractualisation, de reconnaissance réciproque. Mais regardons les choses en face : il est souhaitable que ceux qui choisissent de venir en France maîtrisent notre langue ; or, s'ils ont appris cette dernière, c'est avec l'espoir qu'elle leur ouvrira, sous certaines conditions - et on peut souhaiter que ce ne soit pas de manière définitive -, la porte de notre pays. Ne pas accéder à cette demande serait à terme, j'en suis persuadé, condamner la francophonie. Voilà pourquoi j'approuve la démarche.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, en créant cette nouvelle carte de séjour « compétences et talents », vous institutionnalisez fortement le caractère utilitariste et discriminatoire de notre politique de l'immigration.
Désormais, le droit au séjour en France sera déterminé par le mérite et les talents, sélectionnés par l'administration, et non plus par l'histoire personnelle, les attaches, la famille, liées à notre pays.
De plus, vous entretenez volontairement un certain flou juridique. Quels seront effectivement les bénéficiaires ? Comment se mesurent les « compétences » et les « talents », et qui va en décider ?
Vous faites revenir la France à une époque où régnait la servitude, pour ne pas faire référence à des heures plus sombres de notre histoire. Il y a toutefois une différence avec ce qui s'est déroulé dans le passé : vous visez, à travers ces dispositions, la composante la mieux formée et la plus compétente des pays en voie de développement. Savez-vous que certains pays dépensent aujourd'hui 40 % de leur budget à la formation et à l'éducation ? Ces dépenses doivent-elles servir aux pays développés ?
Avec ce projet de loi, vous institutionnalisez le pillage à bas prix des cerveaux du Sud. On connaît le scandale des médecins étrangers surexploités et jamais reconnus. On assiste au rançonnage des meilleurs éléments de l'Inde, du Pakistan, du Vietnam, du Maroc, ou du Niger. Vous passez ces étrangers au tamis d'un tri sélectif tout à fait inacceptable et inhumain. Au prétexte de ne vouloir que des chercheurs, des ingénieurs, des sportifs de haut niveau, vous dites « non » à tous les autres étrangers qui ne répondent pas à vos critères capitalistes.
Pis, les rares migrants qui passeront au travers de ce tri administratif extrêmement sélectif se retrouveront dans une situation présentant très peu de garanties juridiques. En effet, l'arbitraire de l'administration étant légalisé, cette dernière pourra choisir qui elle veut, en fonction de critères volontairement flous, sans aucune définition. Ce projet de loi officialise, comme règle générale, le fait du prince : l'administration accorde ou non des faveurs, au cas par cas, selon des critères dont l'appréciation peut changer d'une préfecture à l'autre, puisqu'il n'en existe aucune définition juridique.
Monsieur le ministre, comme vous me l'avez rappelé hier soir, nous sommes dans un État de droit. Pour cette raison, nous ne pouvons pas soutenir votre projet de loi qui officialise l'arbitraire. En effet, le flou des critères renforce le pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration, alors que l'égalité de traitement et la justice, qui sont des pouvoirs régaliens de notre État, sont affaiblies.
Par ailleurs, cette carte de séjour « compétences et talents » n'offre pas les mêmes garanties que la carte de résident : valable seulement trois ans, elle n'assure que très peu de garanties aux membres de la famille ; de plus, sa délivrance est subordonnée à la production, ô combien difficile, d'un visa de long séjour.
Un autre élément plaide contre ce nouveau titre de séjour : le demandeur de cette carte de séjour doit remplir les mêmes conditions que pour une demande de naturalisation. Or, ces deux procédures ne concernent absolument pas le même public. Les critères sont beaucoup trop discriminatoires. Vos propos donnent d'ailleurs à penser que le demandeur de cette carte n'aurait à l'esprit que l'obtention, au bout du compte, de la nationalité française. Savez-vous, monsieur le ministre, que cette suspicion ne nous sert pas ? Tous les étrangers ne veulent d'ailleurs pas de cette nationalité, et certains considéreraient même qu'il s'agirait pour eux d'une trahison au regard de leur histoire.
Alors, arrêtez là votre imagination débordante qui ne mène qu'à la suspicion permanente et à un climat désastreux, lequel ne peut avoir que des conséquences dramatiques pour notre pays.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, les Verts voteront contre cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Avec l'invention de cette carte de séjour « compétences et talents », la France s'installe dans un système de contrôle des migrations complètement verrouillé et extrêmement compliqué, avec une multitude de types de cartes entre lesquelles l'administration, les fonctionnaires s'y retrouveront très mal, et les étrangers encore moins bien ! Nous sommes sur la défensive : nous avons bien conscience du fait que la France n'attire plus spontanément un grand nombre de chercheurs, d'intellectuels ou de personnalités de haut niveau. La contradiction vient du fait que nous voulons, d'un côté, tout verrouiller et, de l'autre, ouvrir un peu les frontières, mais avec beaucoup de contraintes.
Les pays qui attirent des chercheurs et des ingénieurs ont rarement prévu dans leur arsenal juridique des cartes de séjour spécifiques pour ceux-ci. Dans les universités américaines où je me suis rendue, j'ai interrogé les doctorants et les post-doctorants français. Ils restent aux États-Unis parce qu'ils sont bien accueillis dans leur milieu universitaire ; des conditions de travail bien supérieures à celles qu'offre l'université française ou le CNRS leur permettent de donner le meilleur d'eux-mêmes. Par conséquent, si nous voulons que des chercheurs originaires d'autres pays viennent en France, faisons comme les Américains : accueillons-les bien ! Ne mettons pas de nombreuses entraves à leur venue !
Les chercheurs français installés aux États-Unis obtiennent en quelques années une carte verte puis, au bout de cinq ans, la nationalité américaine. Chez nous, c'est toute une histoire ! Tout cela ne rend évidemment pas notre pays très attractif.
Notre discours sur la fuite des cerveaux n'aurait plus lieu d'être, les départs ne s'analysant plus dans ces termes, s'il y avait un échange et si la France réussissait à redevenir un pays de recherche intellectuelle et scientifique attrayant, ce qu'elle n'est pas suffisamment.
Et ce n'est pas avec la carte de séjour « compétences et talents », compte tenu de toutes les restrictions déjà prévues par le projet de loi pour sa délivrance - je me demande d'ailleurs ce que nous réservent les décrets d'application ! -, que nous allons attirer des chercheurs ! Ces derniers viendront en France s'ils trouvent des conditions d'accueil et d'hébergement correctes - l'université de Montpellier a ainsi prévu une structure d'hébergement pour les chercheurs en mission et les professeurs visiteurs -, s'ils sont rémunérés dès leur arrivée et non pas six mois après. Combien ai-je entendu de professeurs visiteurs ou de chercheurs associés vivant en France se plaindre d'avoir dû « tirer la langue » pendant six mois parce qu'ils n'étaient pas rémunérés, leur président d'université ou leur patron de laboratoire ne pouvant rien pour eux à cet égard ! Au Canada ou aux États-Unis, on vous avance l'équivalent de six mois de salaire pour que vous puissiez vous installer !
Heureusement, la France attire encore, pour des raisons historiques et linguistiques, des étudiants et des chercheurs maghrébins et africains. Le directeur d'EduFrance me faisait d'ailleurs récemment remarquer que, sans eux, les études doctorales en sciences exactes n'auraient que très peu d'étudiants.
De même, sans les 7 000 médecins à diplôme étranger, attachés à un exercice médical hospitalier contraint, et sous-rémunérés, que certains chefs de service appellent leur « légion étrangère », certains services d'urgence de CHU parisiens fermeraient, la situation étant encore pire dans les régions !
Au lieu de créer une carte supplémentaire, donnons donc à tous ces étrangers des conditions d'entrée et de séjour sans restrictions mesquines ; traitons-les avec justice et, surtout, facilitons les va-et-vient professionnels. C'est en effet ce qui manque dans notre système. Depuis 1973, tout a tellement été bien verrouillé dans tous les domaines qu'il en est résulté un blocage. Au lieu de faire la navette entre leur pays et la France, les étrangers se retrouvent bloqués d'un côté ou de l'autre, et nous, nous y perdons.
Je ne crois pas beaucoup à l'utilité de cette carte de séjour « compétences et talents » et à tous les ajouts quelque peu paternalistes de l'Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Avec cet article 12, nous sommes au coeur de ce que vous appelez « l'immigration choisie ».
Au premier abord, cette carte de séjour pourrait sembler une sorte de gadget destinée à attirer en France certaines catégories d'étrangers. Elle est en fait bien plus que cela ; elle introduit une distinction entre ceux que l'on jugerait dotés de « compétences et talents » et d'autres qui en seraient privés. Mais qui opérera cette distinction ?
La délivrance de cette carte serait de la compétence du ministère de l'intérieur, après avis des consulats du pays d'origine. Les consuls et le ministre auront-ils auprès d'eux des experts pour déterminer si tel deviendra un grand footballeur, un écrivain à succès ou un savant talentueux ?
Cette inégalité est caractérisée par la différence de traitement entre les étrangers bénéficiaires de la carte « compétences et talents » et les autres, notamment en matière de regroupement familial.
Le ministre d'État nous a parlé de codéveloppement lors de la présentation de ce projet de loi ; j'en ai volontiers accepté l'augure, mais je partage les mêmes inquiétudes qu'un certain nombre de mes collègues et crains le pillage des cerveaux, notamment des pays pauvres ou des pays en développement.
De toute façon, cette carte ne permettra pas de renforcer l'attractivité de la France, alors même que nos cerveaux les mieux formés s'expatrient. Si vous voulez rendre notre pays plus attractif pour les intellectuels et les savants, il faudra d'abord mener une réelle réforme de la recherche et de l'enseignement supérieur, au lieu de continuer à paupériser ces secteurs.
De plus, vous n'attirerez pas les compétences et les talents en donnant l'image d'une France forteresse, frileuse et repliée sur elle-même. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste proposera un amendement de suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Le groupe communiste républicain et citoyen a dénoncé à plusieurs reprises la dangerosité de ce projet de loi et de la notion d'immigration choisie, selon laquelle les étrangers ne doivent être acceptés qu'à la condition qu'ils soient rentables, c'est-à-dire corvéables à merci par le patronat.
Ce texte comporte bien d'autres dispositions dangereuses, comme le durcissement des conditions du regroupement familial, la quasi-disparition de la carte de résident, ou bien encore la fin de l'automaticité de la régularisation au bout de dix années de présence sur le territoire national.
La philosophie de ce projet de loi, c'est l'application de la théorie du marché à la gestion de l'immigration. Elle se traduit par le pillage des pays du tiers-monde en personnes qualifiées, ce qui, loin du codéveloppement, les enfonce encore un peu plus dans le sous-développement.
J'ai eu l'occasion de le vérifier lors d'une mission que nous avons effectuée en Éthiopie, au Soudan et en Érythrée. Les personnes que nous avons rencontrées nous ont bien sûr remerciés de notre aide, mais elles nous ont dit aussi que l'essentiel, pour leur pays, était de former des cadres.
Les membres de la délégation du Bénin que nous avons reçue hier nous ont fait remarquer qu'il y a moins de médecins béninois au Bénin qu'à Paris ! Dans le même temps, en France, certains étudiants en médecine, avec le numerus clausus, sont recalés pour quelques dixièmes de point...
Les membres de cette même délégation considèrent également qu'il faudrait, pour aider les pays d'Afrique, permettre à ces derniers de vendre leurs bananes, leur coton, leur café, et donc que les Etats-Unis et les autres pays développés cessent de subventionner leurs producteurs.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais évoquer les jeunes sans papiers. Les établissements scolaires concernés, en liaison avec les parents, les enseignants et des citoyens, la Ligue des droits de l'homme, le Réseau éducation sans frontières, appellent à protéger ces jeunes.
Hier soir, au cours d'un compte rendu de mandat, j'ai rencontré l'un des quatre lycéens de Thiais à qui l'on refuse une carte de résident. Il passe son baccalauréat et veut s'engager dans des études commerciales longues : le fait de se demander chaque année s'il pourra rester en France pour étudier constitue une véritable épée de Damoclès pour ce jeune homme.
Les comités qui ont été créés ne s'arrêteront pas, monsieur le ministre. Nous avons parrainé ces jeunes et nous voulons, pour qu'ils soient intégrés et vivent tranquillement en France, qu'ils obtiennent une carte de résident, et non pas seulement une carte de séjour temporaire pour terminer leur année d'études.
Je pourrais également vous citer l'exemple de deux soeurs, dont l'une a obtenu un contrat de travail lui permettant de demeurer en France, tandis que l'autre n'a le droit de rester que jusqu'aux épreuves du baccalauréat.
M. Sarkozy et vous-même, monsieur le ministre, avez indiqué que les préfets allaient étudier ces problèmes au cas par cas. Mais ce qu'il faut, c'est donner le droit à ces jeunes de rester en France, d'obtenir des papiers et de vivre librement une vie normale, comme tous les jeunes doivent la vivre !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 164 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 304 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 513 rectifié bis est présenté par Mme Dini, MM. About, Amoudry, Arthuis, Badré, J. Boyer et Deneux, Mme Férat, M. C. Gaudin, Mmes G. Gautier et Gourault, M. Jégou, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Vallet, Mmes Payet et Létard.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 164.
M. Pierre-Yves Collombat. La carte de séjour « compétences et talents » se présente comme la mesure phare du projet de loi.
Il peut paraître incongru, en effet, de refuser à notre pays ce que d'autres s'offrent sans complexe ; de plus, si ces immigrés choisis ne vont pas chez nous, me direz-vous, ils iront chez les autres ; enfin, certains considéreront que c'est une façon de participer au codéveloppement des pays dont ces immigrés sont originaires...
Nous avons déjà évoqué les conditions restrictives qui permettraient de limiter l'emploi de médecins africains chez nous, ou des mesures plus positives comme le compte investissement ou la contractualisation. De telles dispositions permettraient de servir les intérêts réciproques des pays et de donner satisfaction aux individus.
Pourquoi soutenir ce que vous considérez comme insoutenable ?
D'abord, la France n'est pas tenue de faire ce que les autres s'autorisent. Au risque de paraître ringard, je rappellerai que la France est le pays de la Révolution et des droits de l'homme. Notre modèle d'intégration et de régularisation des flux d'immigration n'est pas celui des autres. Aussi, je me suis efforcé de montrer, en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, que les questions avaient été tranchées à la Libération et qu'il ne fallait ouvrir cette boîte de Pandore qu'en tremblant.
Au demeurant, les modèles étrangers cités en exemple ne donnent pas forcément les résultats qu'on veut bien leur attribuer. La vague de régularisations de 11 à 12 millions de personnes annoncée aux États-Unis devrait nous faire réfléchir ; les Canadiens semblent également rencontrer quelques difficultés.
Plutôt que d'importer de l'étranger des recettes qui ne marchent pas forcément mieux que les nôtres, essayons de moderniser notre propre modèle. Je pense par exemple aux réflexions de M. Legendre sur la francophonie, ou à tout ce que nous avons fait en matière de coopération, dans le respect de nos valeurs.
Je vais maintenant essayer de me placer dans votre logique.
Tout d'abord, le dispositif présenté comme nouveau existe déjà sous une forme légèrement différente avec la fameuse carte « VIP », créée par la loi de 2003 ; il n'a apparemment pas donné les résultats escomptés puisque l'on nous présente une nouvelle loi !
Je profite de l'occasion pour souligner un phénomène auquel nous sommes régulièrement soumis. On constate des problèmes et on en déduit qu'il faut faire une nouvelle loi ; ceux qui s'interrogent sur l'efficacité du nouveau texte sont soupçonnés de ne rien vouloir faire ; le temps passe, les problèmes demeurent, et on présente une nouvelle loi... et ainsi de suite, cela peut durer éternellement !
Si nous contestons les dispositions de ce projet de loi, ce n'est pas par envie de contester, ni pour ne rien faire, c'est parce que nous pensons qu'elles ne donneront pas les résultats attendus. Le dispositif est en effet miné par une contradiction fondamentale : ce sont bien les immigrés qui nous choisiront et non pas l'inverse !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne répéterai pas ce qu'ont dit excellemment Mmes Cerisier-ben Guiga et Khiari sur les conditions de travail, sur les raisons qui motivent le choix de tel pays plutôt que de tel autre.
Dans ces conditions, que leur proposons-nous ? Une carte de séjour de trois ans, obtenue avec difficulté au terme d'un véritable parcours du combattant ! Croyez-vous franchement que cela va résoudre la question que vous vous posez ?
Plus généralement, et je conclurai par cet argument, croyez-vous vraiment que nous puissions attirer quelques étrangers en particulier en refusant les étrangers en général ? Nous ne pouvons pas présenter un visage de méfiance et de suspicion à l'égard des étrangers et prétendre, dans le même temps, les attirer.
Telle est, y compris en se plaçant de votre point de vue, la contradiction fondamentale qui nous conduira à nous retrouver, dans deux ou trois ans, pour voter une nouvelle loi !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 304.
Mme Éliane Assassi. L'article 12 est l'une des clés de voûte de ce projet de loi. Il traduit bien la notion d'immigration choisie ardemment défendue par M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur : sélectionner les étrangers et choisir ceux qui seraient les plus compétents et les plus talentueux, c'est-à-dire ceux qui seraient susceptibles de participer au développement économique et au rayonnement notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de notre pays.
Ainsi, en fonction de critères qui sont particulièrement subjectifs, surtout s'ils sont déterminés par la future Commission nationale des compétences et des talents, la France se permettra effectivement de trier les étrangers. Elle mettra, d'un côté, ceux qui ne seront pas reconnus dans leur activité professionnelle - ils se verront remettre un titre de séjour d'un an - et, de l'autre, ceux qui seront reconnus ou auront une certaine notoriété dans leur domaine - ils auront le droit d'obtenir une carte de séjour de trois ans.
Je suis d'accord avec ce qu'a écrit Kofi Annan, dans un journal du soir, au sujet des immigrés : « qualifiés ou pas, beaucoup ont assez d'initiative pour créer leurs propres entreprises qui vont de l'épicerie ouverte jour et nuit à Google, le géant de l'internet ; d'autres sont artistes ou écrivains et enrichissent de leur créativité la culture de leur ville d'accueil ».
Il n'y a donc pas, d'un côté, les mauvais immigrés et, de l'autre, les bons immigrés !
En la matière, nous devrions donc, me semble-t-il, faire preuve un peu plus souvent d'humilité.
Quelle image, en effet, donnons-nous aux pays étrangers ? Cette carte « compétences et talents » est censée être un élément de plus dans la politique de gestion des flux migratoires du Gouvernement.
Cependant, que personne ne se méprenne : les étrangers souhaitant travailler dans des domaines de pointe ou les étudiants-chercheurs ne viennent déjà plus en France, en raison des conditions drastiques mises à l'obtention d'une carte de séjour, sans parler des bas salaires qui leur sont proposés !
La carte de séjour « compétences et talents » n'a pas d'autre objet que de piller les cerveaux étrangers, tout en ne leur garantissant pas les mêmes conditions de travail qu'aux nationaux ; à cet égard, nous avons déjà largement évoqué le cas des médecins étrangers, qui travaillent dans des conditions déplorables.
Dans la pratique, ce sont donc les industriels, les chercheurs, les artistes et les sportifs que le Gouvernement souhaite attirer en France grâce à cette nouvelle carte.
En ce cas, n'aurait-il pas mieux valu faire bénéficier ces étrangers d'une carte de résident ? La carte « compétences et talents » est loin d'offrir à son titulaire les même garanties que la carte de résident, puisqu'elle peut lui être retirée s'il ne remplit plus les conditions de délivrance.
En résumé, cette carte traduit ni plus ni moins la vision utilitariste et élitiste qu'a le Gouvernement de l'immigration, vision que nous ne partageons bien évidemment pas !
C'est donc avec force que nous rejetons l'article 12 et demandons sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Badré, pour défendre l'amendement n° 513 rectifié bis.
M. Denis Badré. Un vrai débat, responsable, sérieux et approfondi, s'est instauré au sein du groupe de l'Union centriste-UDF sur cette question qui se trouve au coeur de notre discussion sur l'immigration.
Nous avons pesé tous les points de vue, dont beaucoup viennent d'être évoqués aussi bien par la droite que par la gauche. Certains ont développé des arguments en faveur de cet article, d'autres des arguments contre. J'ai bien entendu, notamment, ce qu'a dit M. Jacques Legendre.
Au terme d'une large réflexion, certains membres du groupe ont finalement décidé de déposer un amendement de suppression de l'article 12, afin de prendre leurs responsabilités sur ce sujet central.
Nous avons pris cette décision au regard de trois critères : pratique, opératoire - le jeu en vaut-il la chandelle ? - et philosophique.
L'aspect pratique ne me paraît pas le plus important des trois. Certes, nous avons retourné tous les problèmes et nous nous sommes aperçus que la mesure serait difficile à mettre en oeuvre. Des zones de flou et d'ombre subsistent. Quels métiers retiendra-t-on ? Pourquoi tel métier et pas tel autre ? Dans un métier donné, à partir de quand sera-t-on considéré comme compétent ? Quel type de recours pourrons-nous offrir aux professions exclues ou aux personnes exclues à l'intérieur d'une profession ?
Sur tous ces points, je fais confiance à ceux qui seront chargés de rédiger les textes d'application de l'article. J'imagine qu'ils arriveront à trouver des solutions à toutes ces questions afin d'éclaircir parfaitement le débat. Il me semble en effet nécessaire d'avancer sur des bases totalement claires.
Quoi qu'il en soit, je ne retiens que pour mémoire les arguments concernant le caractère pratique de la disposition.
J'en viens maintenant au caractère opératoire de la mesure.
Nous voulons maîtriser l'immigration. Dans la discussion générale, j'ai insisté sur le fait que la meilleure manière de le faire consistait à traiter le problème à sa source, et donc à mettre en oeuvre résolument une vraie politique de codéveloppement.
J'ai insisté également sur le fait que la France n'y arriverait pas seule. Les États-Unis ne le feront jamais. C'est donc à l'Europe d'y procéder. Je demande donc à nouveau - je l'ai fait l'autre jour et je le fais en toute occasion ces derniers temps - que la France continue, dans son intérêt, à tenir son rôle d'ouvreur dans la construction européenne en proposant à Bruxelles que l'Europe lance une grande politique de co-développement.
Ce serait bon pour l'Europe et ce serait bon pour l'image de la France en Europe. Par ailleurs, nos jeunes croiraient de nouveau en une Europe qui chercherait à atteindre ce type d'objectif.
Mme Bariza Khiari. Très bien !
M. Denis Badré. J'insiste lourdement sur ce point, car c'est le coeur du problème. !
À partir du moment où l'objectif est de mettre en place une politique de codéveloppement et où nous retenons que la meilleure manière de traiter le problème de l'immigration est de réduire la misère dans les pays d'origine des migrants, ne pillons pas leurs talents !
M. le ministre d'État, dans son intervention liminaire, l'a dit, et il a rappelé les conversions qu'il a eu notamment avec le président Abdoulaye Wade. C'est un vrai sujet.
Le discours que le président Wade nous adresse est exactement celui que nous adressons à nos partenaires américains lorsqu'ils retiennent chez eux nos post-doctorants, en les séduisant et en écrémant les meilleurs des nôtres !
Ils les retiennent, d'ailleurs, en leur offrant autre chose qu'une carte : des conditions de travail, des conditions financières, des conditions d'accueil avec lesquelles nous ne pouvons pas rivaliser. C'est pourquoi nos meilleurs post-doctorants restent aux États-Unis plutôt que de revenir en France.
Il ne faut donc pas refuser d'écouter le président Wade quand il nous dit la même chose que ce que nous disons aux Américains !
Même si nous devons rester très calmes face à ces réalités, nous sommes dans un monde difficile, dans un monde ouvert, et nous devons regarder les choses comme elles sont.
La mesure qui nous est proposée aujourd'hui vise finalement plus à fermer la porte à ceux qui n'ont pas de compétences qu'à l'ouvrir à ceux qui en ont ! (Mmes Bariza Khiari et Monique Cerisier-ben Guiga applaudissent.)
Mais, fermant la porte à ceux qui n'ont pas de compétences, nous ne les empêcherons pas de venir : ils souffrent dans leur pays, ils souffriront de le quitter, mais ils le quitteront tout de même, la mort dans l'âme, pour venir grossir chez nous les rangs des clandestins, car ils n'ont pas la possibilité de rester chez eux !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Tout à fait !
M. Bernard Frimat. Absolument !
M. Denis Badré. On ne traitera donc pas le problème de l'immigration en refusant une carte à certains immigrés. Ils viendront quand même, mais clandestinement !
En revanche, instaurer une telle carte n'attirera pas davantage les immigrés dont nous avons besoin. Ceux-là choisiront la France le jour où notre pays deviendra attractif.
Nous aurons gagné le jour où les post-doctorants français qui sont à Boston auront le souci, en fin d'études, de rentrer en France plutôt que de céder à l'appel des sirènes américaines. Nous aurons gagné lorsque le mathématicien indien, au lieu d'aller retrouver le mathématicien français à Boston, s'arrêtera en France, où le mathématicien français l'accueillera !
À ce moment-là, nous aurons gagné ! Mais ce n'est pas la carte « compétences et talents » qui amènera les uns ou les autres à choisir la France.
En résumé, la création d'une telle carte n'empêchera pas de venir ceux dont nous ne voulons pas, et elle n'incitera pas à venir ceux dont nous voulons. Elle n'est donc pas très opérante à cet égard.
Quand au dernier critère, l'aspect philosophique de cette affaire, je dois avouer que je suis gêné.
Je suis en effet gêné que la France établisse une distinction entre des immigrés qui seraient utiles et d'autres qui ne le seraient pas, car les uns et les autres sont des êtres humains !
Je suis également dérangé par le vocabulaire utilisé pour présenter les choses. D'un point de vue philosophique, je suis gêné d'entendre parler de bons et de mauvais immigrés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait ! C'est grave et insupportable !
M. Denis Badré. Ce dernier aspect, finalement, me semble beaucoup plus important que les deux précédents, car j'aime bien être en accord avec ce que je pense profondément et humainement.
Cet article 12 pose donc problème à mon groupe.
Néanmoins, nous sommes très désireux de progresser sur le codéveloppement et sur une maîtrise de l'immigration, et non sur un choix. Si choix de l'immigration il devait y avoir, nous voulons que ce soit un choix pour tous, pour nous mais également pour ceux qui viendront.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Denis Badré. Pour cette raison, nous avons considéré avec un très grand intérêt l'amendement n° 81 rectifié bis de M. Portelli, qui nous semble aller dans le sens de l'établissement de relations bilatérales entre les pays.
À ce moment-là, le choix de l'immigration devient, me semble-t-il, humainement acceptable. S'il y a un vrai débat, une vraie discussion, et si, souverainement, les uns et les autres dialoguent en se respectant mutuellement, nous pouvons accepter d'entrer dans une démarche qui ne serait plus du tout de même nature.
L'amendement n° 81 rectifié bis de M. Portelli nous convient, et un certain nombre des membres de mon groupe l'ont cosigné. Personnellement, j'étais prêt à le faire également, et je suis prêt à plaider tout à l'heure en sa faveur. J'ai d'ailleurs déposé un sous-amendement allant à peu près dans le même sens.
En fonction de la discussion, monsieur le ministre, si vous nous confirmez que vous avez la volonté d'avancer sur le problème du co-développement, que vous ferez tout pour que cette carte n'entrave pas ce codéveloppement que nous appelons de nos voeux, que vous essayerez de trouver des solutions pratiques respectueuses de toutes les souffrances qui sont en jeu, nous pourrions être appelés à considérer d'un autre oeil l'ensemble du sujet.
Quoi qu'il en soit, pour le moment, nous sommes très réservés sur cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 305, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s'agit d'un amendement de repli qui tend à faire en sorte que la carte de séjour « compétences et talents » soit - et non puisse être - accordée par l'autorité administrative compétente, qui n'est autre que le ministre de l'intérieur.
C'est sur l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Mariani, que cette automaticité s'est transformée en une simple faculté, ce qui change évidemment bien des choses pour les étrangers qui auront demandé cette carte !
En effet, si l'étranger remplit les critères - bien trop subjectifs, je le répète - nécessaires à la délivrance de la carte, pourquoi ne pas la lui accorder d'office ?
Les mots « peut être accordée » ajoutent une part d'arbitraire dans un dispositif qui en contient déjà beaucoup.
C'est pourquoi nous souhaitons, si tant est que cela soit possible, améliorer le dispositif de la carte « compétences et talents » et revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 306, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
développement économique
supprimer la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Pour détendre l'atmosphère, je raisonnerai par l'absurde.
Qu'est-ce que ce rayonnement « intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif » auquel pourraient contribuer les étrangers les plus talentueux et les plus compétents ?
Cela signifie-t-il que les étrangers exerçant d'autres métiers, qu'ils soient techniques ou manuels, par exemple, sont moins talentueux et moins compétents, et qu'ils ne sont donc pas susceptibles de participer au rayonnement de la France ?
Certes, c'est un raisonnement par l'absurde, mais je l'utilise bien volontiers s'il peut vous convaincre du caractère quasi irrationnel des critères censés déterminer la délivrance de cette carte - et je ne parle même pas de la Commission nationale des compétences et des talents qui fera l'objet d'un prochain amendement !
Le choix des critères traduit bien le risque d'arbitraire dans la procédure de délivrance de cette carte par les autorités consulaires, puis par le ministre de l'intérieur.
C'est ce qui a motivé le dépôt de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 23, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après les mots :
de la France
rédiger comme suit la fin de la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
et du pays dont il a la nationalité
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article L. 315-2, qui dispose que la carte « compétences et talents » est attribuée au vu de l'intérêt du projet pour la France et pour le pays dont l'étranger a la nationalité.
Mme la présidente. L'amendement n° 106 rectifié bis, présenté par MM. Pelletier, Barbier, A. Boyer, Delfau, Laffitte, Marsin, de Montesquiou, Mouly, Othily, Seillier et Thiollière, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque son titulaire a la nationalité d'un pays membre de la zone de solidarité prioritaire son renouvellement est limité à une fois.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. La carte « compétences et talents » s'adresse aux meilleurs des étrangers.
Attirer les meilleurs n'est pas choquant en soi. Bien au contraire, la France a tout à y gagner ! C'est parfait quand ces étrangers viennent des États-unis, du Canada, d'Australie, de l'Inde et de bien d'autres pays. En revanche, quand ils viennent des pays en voie développement, un vrai problème se pose alors pour les pays d'origine, qui manquent souvent cruellement de citoyens ayant une formation très poussée.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Jacques Pelletier. Le projet de loi qui nous est présenté prévoit de renouveler sans limite cette carte « compétences et talents ».
C'est pourquoi nous sommes plusieurs sénateurs à avoir souhaité que, lorsque le titulaire d'une telle carte a la nationalité d'un pays membre de la zone de solidarité prioritaire, celle-ci voit son renouvellement limité à une fois.
Les pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire sont parmi les plus en difficulté. Nous pensons donc que, au bout de six ans, ce ressortissant étranger devrait retourner dans son pays d'origine pour le faire bénéficier de ses talents et de ses compétences.
Mme la présidente. L'amendement n° 81 rectifié bis, présenté par MM. Portelli et Lardeux, Mme B. Dupont, MM. Pozzo di Borgo, Seillier et Pelletier, Mme Gourault, MM. Zocchetto, Détraigne, Béteille et Mercier, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - La carte mentionnée à l'article L. 315-1 ne peut être accordée à l'étranger ressortissant d'un pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire que lorsque la France a conclu avec ce pays un accord de partenariat pour le codéveloppement.
La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Cet amendement a pour objet d'éviter la fuite des cerveaux. Il devrait donc satisfaire tout le monde.
Nous demandons que la carte « compétences et talents » ne puisse être accordée à l'étranger ressortissant d'un pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire que lorsque la France a conclu avec ce pays un accord de partenariat pour le codéveloppement.
Il s'agit donc que la France n'accepte d'accueillir un ressortissant étranger qu'avec l'accord de son pays d'origine, afin qu'il puisse retourner y exercer les compétences dont celui-ci a besoin.
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« Art. L. 315-2. - La carte mentionnée à l'article L. 315-1 est attribuée au vu du contenu et de la nature du projet de l'étranger et de l'intérêt de ce projet pour la France et pour le pays dont l'étranger a la nationalité.
« L'étranger peut souscrire sa demande de carte "compétences et talents" auprès de la représentation consulaire française territorialement compétente dans le pays où il réside. L'autorité administrative compétente pour délivrer cette carte est le ministre de l'intérieur.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est essentiellement rédactionnel. Il vise à supprimer la référence à l'aptitude de l'étranger pour obtenir la carte « compétences et talents », l'article L. 315-1 la prenant déjà en compte.
En outre, cet amendement tend à simplifier la rédaction, la différence entre « le contenu du projet » et « la nature de l'activité » que l'étranger se propose d'exercer n'étant pas évidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 528, présenté par M. Badré et les membres du Groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Remplacer la première phrase du second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 24 pour l'article L. 315-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque l'étranger souhaitant bénéficier d'une carte "compétences et talents" réside régulièrement en France, il présente sa demande auprès du représentant de l'État dans le département. Lorsque l'étranger réside hors de France, il présente sa demande auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises territorialement compétentes. »
La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Ce sous-amendement vise à élargir l'obtention de la carte aux étrangers résidant déjà sur le territoire français. Je pense par exemple aux étudiants ou à des actifs titulaires d'une carte de séjour de salarié.
En effet, beaucoup d'étudiants venant de pays en développement arrivent chez nous pour suivre un premier et un deuxième cycles. Ils s'inscrivent ensuite en troisième cycle aux États-Unis. Ils sont alors perdus pour leur pays et pour le nôtre !
Il faut parvenir à stabiliser ce type de compétences et de talents, soit dans le cadre de l'amendement n° 81 rectifié bis, soit pour un temps, comme le prévoit l'amendement n° 106 rectifié bis. Quoi qu'il en soit, il faut examiner le problème dans toutes ses dimensions. Le sous-amendement n° 528 vise donc à colmater cette voie d'eau particulière.
Mme la présidente. L'amendement n° 307, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement de repli vise à supprimer le second alinéa de l'article L. 315-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Présenter la demande de la carte « compétences et talents » auprès de la représentation consulaire française territorialement compétente dans le pays d'origine - procédure qui n'existe pas pour la délivrance des autres cartes de séjour temporaire - constitue ni plus ni moins un moyen de filtrer les étrangers dans le pays d'origine.
Cette procédure s'inscrit parfaitement dans la logique du tri des immigrés, que rejettent les auteurs de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 308, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-2-1 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Après la création de la carte « compétences et talents », voici qu'arrive la Commission nationale des compétences et des talents.
Proposée à l'Assemblée nationale par Claude Goasguen, cette commission est censée mieux encadrer les critères d'attribution de la carte « compétences et talents ». Elle fixera chaque année des critères afin d'aider le ministre de l'intérieur à apprécier l'opportunité d'accorder ou non ladite carte.
Nous nous étonnons de la création d'une énième commission nationale, qui plus est chargée de déterminer les critères à utiliser par les personnels consulaires afin de sélectionner les compétences et les talents des étrangers. Quelle sera sa composition ? Claude Goasguen propose des intellectuels, des artistes. Pourquoi ne comprendrait-elle pas également des philosophes ? En tout cas, ce serait à espérer.
Quoi qu'il en soit, cette disposition n'est pas très sérieuse. C'est la raison pour laquelle nous demandons sa suppression.
Mme la présidente. L'amendement n° 25, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« Art. L. 315-3-1. - Lorsque le titulaire de la carte de séjour "compétences et talents" est ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire, il apporte son concours, pendant la durée de validité de cette carte, à une action de coopération ou d'investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité.
« Lors du premier renouvellement de cette carte, il peut être tenu compte du non-respect, par l'étranger, de cette obligation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Outre une modification rédactionnelle, cet amendement vise à lier le renouvellement de la carte « compétences et talents » au respect effectif de l'obligation de participer à une action de codéveloppement. Je sais que cette dernière disposition est chère à chacun d'entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 529, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 25 pour l'article L. 315-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
« Lors du premier renouvellement de cette carte, il est tenu compte du non-respect de cette obligation.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Il s'agit d'un sous-amendement de précision, qui tend à renforcer l'amendement n° 25. Il est en effet important que, au moment du renouvellement de la carte, un bilan soit établi.
Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :
Le conjoint et les enfants
par les mots :
Le conjoint, s'il est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le projet de loi dispose que le regroupement familial ne serait plus possible pour les conjoints mineurs.
Par cohérence, il semble nécessaire de prévoir la même disposition pour le conjoint d'un titulaire de la carte « compétences et talents ». Un autre amendement de la commission en disposera de la même façon pour le conjoint d'un titulaire de la carte « salarié en mission ».
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 315-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :
et à l'article L. 314-6
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une mention inutile.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et des sous-amendements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements nos 164 et 304 visant à supprimer le nouveau dispositif, la commission a émis un avis défavorable.
Les garanties encadrant ce dispositif ainsi que l'adoption de certains amendements seront de nature à rassurer les sceptiques ou les opposants. Nous serons donc suffisamment à même d'éviter ce que tout le monde craint, à savoir le pillage des pays en voie de développement.
S'agissant de l'amendement n° 513 rectifié bis, j'ai cru comprendre que ses auteurs liaient son sort à l'avis qui sera donné par le Gouvernement. En attendant, la commission réserve donc sa position.
La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 305, car elle considère que l'administration doit rester libre d'accorder ou non la carte « compétences et talents ».
L'amendement n° 306 restreint la carte « compétences et talents » à la seule dimension économique. Il ne faut pas oublier que ce n'est pas son seul critère d'attribution. Elle peut également être accordée en tenant compte des aspects culturels, intellectuels, scientifiques ou sportifs. La commission émet donc un avis défavorable
L'amendement n° 106 rectifié bis tend à limiter à une fois le renouvellement de la carte « compétences et talents » lorsque son titulaire a la nationalité d'un pays membre de la zone de solidarité prioritaire. Cette mesure contribue à encadrer le dispositif et à nous rassurer quant à l'éventualité d'un pillage des cerveaux. La commission a donc émis un avis favorable.
L'amendement n° 81 rectifié bis subordonne la délivrance de la carte « compétences et talents » à la conclusion d'un accord de partenariat pour le développement avec le pays dont est issu le ressortissant étranger. Cette mesure renforce également les garanties, auxquelles tout le monde est très sensible, que nous souhaitions apporter au dispositif. La commission a donc émis un avis très favorable.
Le sous-amendement n° 528 n'a pas été examiné par la commission. Il a pour objet de préciser qu'un étranger résidant en France et souhaitant bénéficier d'une carte « compétences et talents » peut accomplir les démarches nécessaires sur le territoire national. À titre personnel, cette disposition me paraît être de bon sens. J'émets donc un avis favorable.
L'amendement n° 307 étant un amendement de suppression, la commission émet un avis défavorable. Je tiens tout de même à rappeler que le projet de loi cherche plutôt à simplifier les démarches et les procédures auxquelles seront soumises les personnes susceptibles de recevoir cette carte. Cette disposition a donc tout intérêt à être conservée.
La commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 308, qui tend à supprimer purement et simplement la commission ad hoc, laquelle est susceptible de donner un point de vue et de définir des orientations.
Enfin, le sous-amendement n° 529 n'a pas été examiné par la commission. Il a pour objet de renforcer les garanties en fixant une obligation de coopération. À titre personnel, j'émets un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Avant tout, je tiens à remercier les membres de la Haute Assemblée, qui, depuis que nous avons commencé à examiner l'article 12, ont à coeur de défendre leurs convictions.
Le débat a montré que chacun avait conscience, même si tout le monde n'est pas d'accord avec la réponse apportée par cet article aux problèmes que connaît notre pays, du fait que nous avions une vraie difficulté avec certains pays étrangers et, parfois, avec nous-mêmes.
Jacques Legendre a eu l'occasion de le souligner, comme d'autres intervenants d'ailleurs, lorsque nos propres étudiants sont aspirés par des universités américaines et qu'ils se voient ensuite proposer des postes avec une qualification et un niveau de rémunération que nous ne sommes pas capables de leur offrir, nous voyons que nous sommes nous-mêmes confrontés à des difficultés.
Dans cette compétition de compétences et de talents, qui dépasse notre seule dimension nationale, il était important que nous nous dotions d'une politique qui nous soit propre, dans le respect des autres. L'examen des précédents articles a mis l'accent sur cet aspect. Nous avons d'ailleurs eu un débat hier soir sur le financement du codéveloppement, notamment à propos de l'épargne provenant des revenus des travailleurs étrangers résidant en France.
Je voudrais que chacun soit convaincu que, avec l'article 12, le Gouvernement a non seulement eu la volonté de permettre l'accueil de cadres, de scientifiques, d'universitaires, de techniciens qualifiés étrangers afin de bénéficier de leurs compétences, mais qu'il a aussi eu le désir d'en faire bénéficier leurs pays d'origine et de renforcer notre vision du codéveloppement.
Comme Jacques Legendre vient de le dire, nous cherchons également à renforcer la francophonie et le rayonnement international de notre pays. À cet égard, je voudrais vous remercier, monsieur le sénateur, d'avoir rappelé que beaucoup de ressortissants étrangers souhaitant venir travailler en France - je pense notamment aux cadres - ont d'abord découvert la France en faisant l'apprentissage de notre langue.
Je vous remercie également d'avoir rappelé que ce n'est pas le Gouvernement qui fait appel à des cerveaux étrangers. Ce sont le plus souvent ces cerveaux qui demandent ardemment à venir en France.
Madame Boumediene-Thiery - je le dis de façon modérée -, vous avez choisi de vous exprimer avec un peu d'outrance en assimilant la création de la carte « compétences et talents » à une nouvelle forme de servitude. Je vous le rappelle, la servitude est l'attachement à un maître et à une terre. Or la carte « compétences et talents » est tout le contraire, puisqu'elle encourage la mobilité.
Vos reproches sont d'ailleurs tout à fait contradictoires. Ainsi, vous dites que nous ne nous intéressons qu'aux meilleurs. Mais le projet de loi comporte dans son article 10, et vous l'avez suffisamment dénoncé, une ouverture du marché du travail aux métiers moyennement ou peu qualifiés.
Par conséquent, lorsque vous vous exprimez sur l'article 12, vous ne pouvez pas prétendre que l'ensemble de notre politique en faveur du travail des étrangers se résumerait à ce seul article. En effet, nous avons déjà eu un grand débat sur l'article 10, précisément afin de permettre à un certain nombre de travailleurs non qualifiés d'accéder au marché du travail dans notre pays.
Comme vous pouvez le constater, le présent projet de loi prend bien en compte la diversité des situations.
Madame Cerisier-ben Guiga, ne faites pas semblant de n'avoir pas compris.
D'une part, la délivrance de la carte de séjour « compétences et talents » prendra en compte l'intérêt, tant pour la France que pour le pays d'origine, du projet présenté par l'étranger. C'est l'objet de l'article L. 315-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
D'autre part, le titulaire de cette carte devra apporter son concours au développement de son pays d'origine...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est absurde !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... par une action de coopération pendant la durée de son séjour en France.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est ridicule !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour illustrer le pillage des cerveaux, vous mentionnez le cas des médecins africains exerçant dans des hôpitaux français.
Mais une telle situation n'a pas pour origine la carte de séjour « compétences et talents », qui n'existe pas encore. S'il y a des médecins étrangers dans les hôpitaux français, ce n'est pas lié à cette carte !
Mme Hélène Luc. Personne n'a prétendu cela !
MM. Roger Karoutchi et Alain Gournac. Mais non !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... mais je ne le serai pas, je dirais qu'un tel phénomène est pour une grande part lié aux 35 heures. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais non ! C'est dû au numerus clausus !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Cerisier-ben Guiga, savez-vous que, du 31 décembre 2001 au 1er janvier 2002, les services de santé publics et privés français ont perdu en moins de vingt-quatre heures 20 % de leur personnel du fait de l'application des 35 heures ?
M. Pierre-Yves Collombat. Nous, nous vous parlons des médecins !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et le phénomène date des années quatre-vingt-dix !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Peut-être ne le savez-vous pas mais, quel que soit le numerus clausus, il faut au minimum sept ans pour former un médecin et lui permettre d'obtenir son diplôme !
M. Pierre-Yves Collombat et Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cela n'a rien à voir !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ces conditions, la situation était telle qu'il a fallu accueillir des étrangers, et pas seulement des médecins, parmi les personnels de santé.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cela qui a posé problème !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En tout cas, ne me dites pas que ce serait à cause de la carte « compétences et talents » que nous serions aujourd'hui confrontés à un tel phénomène.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais nous n'avons jamais dit cela !
Mme Hélène Luc. Personne ne l'a dit !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous rappelle que la carte « compétences et talents » n'existe pas encore ! La situation que vous décrivez ne peut pas avoir pour origine un dispositif qui, je le répète, n'est pas encore appliqué,...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Personne n'a prétendu une absurdité pareille !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... alors que l'exode des médecins africains a commencé au début des années quatre-vingt-dix.
Certes, la carte « compétences et talents » n'est pas la panacée.
Mme Hélène Luc. Il ne faut donc pas l'instituer !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'il vous plaît ! Nous avons eu un débat intéressant, qui n'est pas fini ! Nous avons tout notre temps et nous prendrons tout le temps qu'il faudra. Un tel débat le mérite vraiment, me semble-t-il. Il y a des contributions passionnantes sur toutes les travées de cet hémicycle, et je souhaite que chacune puisse être prise en compte.
Si elle n'est pas la panacée, la carte « compétences et talents » constitue tout de même un progrès incontestable pour l'attractivité de notre pays et pour le partenariat avec les pays d'origine.
Certes, le dispositif de la carte « compétences et talents » est perfectible. De ce point de vue, le débat à l'Assemblée nationale a permis d'en améliorer le contenu. Ce soir, notre débat s'inscrit dans la même perspective. Au terme de cette discussion, nous aurons amélioré encore, j'en suis certain, le dispositif tel qu'il est ressorti des travaux de l'Assemblée nationale.
Madame Khiari, je vous rassure : pour obtenir une carte « compétences et talents », il ne faut être ni Einstein ni Zidane ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ce n'est pas une condition requise ! Le dispositif s'appliquera à des professeurs, à des cadres, à des architectes, mais également à des artisans ou à des techniciens. Les compétences et les talents n'excluent personne par principe.
Il s'agit d'avoir non pas un diplôme « bac + 18 », mais un projet et des aptitudes pouvant être utiles à la France et à son pays d'origine. À partir du moment où l'on réunit ces deux aptitudes et où l'on a un projet qui permette de les concilier, on devient parfaitement éligible à la carte « compétences et talents ».
En matière de circulation des compétences en faveur du codéveloppement, je voudrais à présent répondre à quatre questions simples mais essentielles.
Première question : à qui la carte est-elle délivrée ? Elle est délivrée en fonction du profil de l'étranger et de son projet. Nous prenons en compte l'intérêt de ce projet pour la France et, je le répète, pour le pays dont l'étranger a la nationalité.
Certains sénateurs ont mentionné quelques exemples. Ainsi MM. Badré et Legendre ont-ils évoqué le cas de l'Inde : l'appel à des informaticiens indiens posera-t-il un problème à ce pays ? Aucunement, bien au contraire ! Vous le savez, les indiens ont des informaticiens et des techniciens dans le domaine de l'électronique à ne plus savoir qu'en faire ! Pouvoir les accueillir chez nous serait même parfois rendre service à l'Inde.
Mme Hélène Luc. Pour le développement de l'Inde, ce n'est pas forcément une très bonne idée !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. D'ailleurs, si nous ne les accueillons pas, ces informaticiens et ces techniciens iront ailleurs, au Canada, aux États-Unis ou en Australie.
En revanche, le problème du médecin malien ou béninois est une réalité. Le phénomène que vous dénoncez s'agissant des pays africains a commencé au début des années quatre-vingt-dix. Voilà quelques jours, Nicolas Sarkozy s'est rendu en Afrique pour aborder ces questions.
Mme Hélène Luc. Et vous avez vu comment il a été reçu ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il a rencontré les chefs d'État africains et s'est entretenu très clairement avec eux de ce dossier. Après cela, il a souhaité apporter une réponse très claire et précise à ce problème dans le présent projet de loi.
De ce point de vue, il faut qu'il y ait un accord avec l'État concerné. Nous le voulons impérativement. À l'heure actuelle, il n'y en a pas, et c'est le désordre total. Dans le cadre d'un accord avec le pays d'origine, nous pourrons accueillir un étudiant en médecine du pays concerné, le former, l'amener au meilleur niveau, lui permettre d'exercer un temps et de mettre ensuite cette compétence au service de son pays. C'est ainsi que nous concevons l'échange et la circulation des compétences.
D'ailleurs, l'amendement n° 81 rectifié bis, déposé par M. Portelli et également signé par MM. Mercier et Pelletier, vise précisément à atteindre cet objectif.
Monsieur Pelletier, un étranger ayant la nationalité d'un pays de la zone de solidarité prioritaire, c'est-à-dire d'un pays en voie de développement, ne peut obtenir la carte « compétences et talents » que dans les conditions définies par un accord bilatéral entre la France et son pays.
Ainsi, le Sénégal et la France se mettront d'accord pour définir précisément les critères d'éligibilité de la carte « compétences et talents », en définissant les types de métiers et de projets qui pourront être retenus. C'est donc un accord « gagnant-gagnant » qui sera négocié.
Ce n'est que dans le cadre d'un tel accord que des cartes « compétences et talents » seront délivrées à des ressortissants de pays de la zone de solidarité prioritaire. C'est donc un outil de codéveloppement tout à fait cohérent avec le dispositif du « compte épargne codéveloppement », adopté hier à une très large majorité au travers de l'amendement n°510 rectifié septies, sur l'initiative de Jacques Pelletier. Ainsi l'amendement qui vous est proposé tend-il à compléter le dispositif qui a été adopté ici même hier.
Deuxième question : quelles sont les obligations du titulaire pendant son séjour en France ? À l'Assemblée nationale, l'adoption d'un amendement déposé par Mme Boutin a permis d'apporter une précision. Lorsque le bénéficiaire de la carte est originaire de la zone de solidarité prioritaire, il est tenu de participer durant son séjour en France à une action de coopération définie par la France et son pays d'origine. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga s'exclame.)
C'est la même logique du codéveloppement. Concrètement, cette coopération personnelle de l'étranger sera précisée dans le cadre de l'accord bilatéral.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est vraiment du paternalisme ! C'est incroyable !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En pratique, nous mettrons ces personnes en relation avec notre réseau d'aide au développement et les organisations non gouvernementales intervenant dans ces pays.
Troisième question : à quelles conditions la carte peut-elle être renouvelée ? La carte, qui est d'une durée de trois ans, est en principe renouvelable. Mais nous voyons bien la nécessité de fixer une limite, monsieur Badré.
Le Gouvernement remercie donc M. Jacques Pelletier d'avoir déposé l'amendement n° 106 rectifié bis, qui tend à résoudre cette difficulté.
Si cet amendement est adopté, la carte de séjour « compétences et talents » délivrée à un ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire sera renouvelée une fois au plus. La règle est donc claire. Le titulaire de cette carte effectue un séjour de trois ans, voire un second séjour de trois ans, puis il retourne dans son pays d'origine.
Quatrième et dernière question : comment ce dispositif fonctionnera-t-il en pratique ? La carte sera délivrée par le ministère de l'intérieur dans une logique de guichet unique. Les critères de délivrance seront précisés par une commission ad hoc, qui évaluera le dispositif au regard de sa contribution au codéveloppement.
Le sous-amendement n° 528, que M. Badré et les membres du groupe de l'UC-UDF ont déposé à l'amendement n° 24 de M. le rapporteur, vise à préciser un élément extrêmement important. Je tiens à en remercier les auteurs. Si cet amendement est adopté, la demande de carte sera adressée au consul lorsque l'étranger réside à l'étranger, et au préfet lorsque l'étranger réside en France.
Cela signifie que nous pourrons tout à fait délivrer cette carte à des étrangers qui sont déjà présents sur notre territoire, bien entendu en situation régulière, et qui ont une autre carte de séjour au statut moins avantageux. Le dispositif « compétences et talents » n'est pas fermé aux étrangers déjà présents sur notre sol, bien au contraire.
Vous avez raison, monsieur Badré. Pourquoi la carte « compétences et talents » et les avantages qui y sont liés - je pense notamment au regroupement familial - pourraient-ils bénéficier aux étrangers qui ne sont pas encore en France et qui y seraient acceptés du fait de ce dispositif, alors que les travailleurs étrangers qui sont actuellement en France et qui remplissent les mêmes critères en seraient exclus ?
C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à votre sous-amendement, qui s'inscrit dans cette perspective.
Je souhaite à présent revenir sur les différents amendements.
Les amendements identiques nos164 et 304 tendent à supprimer l'article 12. Nous y sommes bien évidemment défavorables ; cela ne vous étonnera d'ailleurs pas !
M. Bernard Frimat. Si ! Cela nous surprend beaucoup ! (Sourires.)
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous ne devons en effet pas priver la France et les pays en voie de développement d'un tel outil de coopération.
Je remercie une nouvelle fois M. Badré d'avoir clairement annoncé que son groupe envisageait le retrait de l'amendement n° 513 rectifié bis. En effet, non seulement M. Badré ne demande plus la suppression de la carte « compétences et talents », mais il se déclare en plus prêt à en saluer l'importance si l'amendement n° 81 rectifié bis et le sous-amendement n° 528 sont adoptés, ce à quoi le Gouvernement est très favorable.
Madame Assassi, l'amendement n° 305 tend à revenir à la rédaction initiale du projet de loi. C'est donc plus une question de rédaction que de principe. Lors de l'examen du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est rallié à la rédaction que vous proposez de supprimer. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
De même, madame Assassi, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 306, qui me semble relever d'un malentendu. Bien entendu, les travailleurs manuels ou techniques ne sont pas exclus par principe de la carte « compétences et talents ». Avec ironie, vous êtes même allée un peu plus loin, en évoquant des sportifs de dimension planétaire et des artistes. Je ne comprends pas pourquoi vous voyez toujours « rouge » sur de tels sujets ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. C'est sans doute inné chez moi ! (Nouveaux sourires.)
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous devriez plutôt, à l'instar de Mme Isabelle Debré, dont on connaît la sensibilité pour l'environnement, préférer le vert, couleur de l'espérance...
M. Bernard Frimat. Et vous, vous voyez tout en noir ! Votre projet de loi le prouve !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Sincèrement, si on accorde la carte « compétences et talents » à un danseur étoile, c'est non pas pour qu'il danse le flamenco ou qu'il joue le toréador dans une corrida ! Nous souhaitons apporter des réponses précises à des hommes et des femmes qui peuvent être utiles tant à leur pays qu'au nôtre.
Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons bien évidemment qu'être favorables à l'amendement de coordination n° 23.
Nous sommes également très favorables à l'amendement n° 106 rectifié bis, qui est très important. Il vise à préciser de la manière la plus claire que la carte « compétences et talents » délivrée à un ressortissant de la zone de solidarité prioritaire sera renouvelée une seule fois au plus.
De même, nous sommes très favorables à l'amendement n° 81 rectifié bis, qui est essentiel, parce qu'il tend à formaliser la nécessité d'un accord bilatéral entre la France et les pays de la zone de solidarité prioritaire, dans le cadre duquel les cartes « compétences et talents » seront délivrées.
Nous sommes aussi favorables à l'amendement n° 24, qui est de nature rédactionnelle, ainsi qu'au sous-amendement n° 528, tendant à préciser que la carte « compétences et talents » pourra être délivrée à des étrangers déjà présents en France, sous couvert d'une autre carte de séjour au statut moins avantageux. Il s'agit là d'une modification importante du texte.
Nous sommes en revanche défavorables à l'amendement n° 307. Je ne vois pas pourquoi on interdirait aux étrangers résidant à l'étranger de présenter leur demande de carte « compétences et talents » au sein du consulat de France présent dans le pays où ils résident.
Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 308, qui vise à supprimer la Commission nationale des compétences et des talents. Je suis persuadé qu'il est utile que le Gouvernement s'entoure de l'avis d'experts du développement, d'économistes, de représentants du monde associatif et de représentants des collectivités locales qui pratiquent la coopération décentralisée afin de préciser les critères de délivrance de la carte et, plus encore, d'évaluer le dispositif au regard de sa contribution au co-développement.
Nous sommes très favorables à l'amendement n° 25, qui tend à préciser utilement que, lors du renouvellement de la carte « compétences et talents » d'un étranger originaire de la zone de solidarité prioritaire, il peut être tenu compte du non-respect de son obligation de participation à une action de coopération.
Le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 529, qui vise à améliorer ce dispositif, monsieur Karoutchi. L'autorité délivrant la carte devra tenir compte du respect par l'étranger de son obligation de coopération. Cela renforce considérablement la portée de l'amendement que l'Assemblée nationale a adopté sur l'initiative de Mme Boutin.
Enfin, nous sommes favorables aux amendements rédactionnels nos 26 et 27.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 164, 304 et 513 rectifié bis.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, j'ai cru un instant avec étonnement que vous alliez être favorable à notre amendement ! Vous avez dit tellement de bien de l'amendement de suppression du groupe UC-UDF présenté par M. Denis Badré, ...
M. Denis Badré. Jaloux ! (Sourires.)
M. Bernard Frimat. ... identique au nôtre, que nous nous apprêtions à le voter ! Mais vous avez finalement fait preuve de cohérence, ce dont je ne vous blâme pas.
Comme vous l'avez remarqué, nous n'avons déposé sur cet article qu'un seul amendement, également dans un souci de cohérence. Nous sommes, par principe, opposés à la carte « compétences et talents ». En conséquence, nous n'avons pas déposé d'amendements visant à l'améliorer ou d'amendements de repli.
Vous avez voulu faire preuve d'un certain humour - qui vous en blâmerait ? - même s'il vaudrait mieux, me semble-t-il, éviter d'en faire sur un tel sujet.
Cet article est pour nous la tête de gondole d'un texte répressif, brutal et qui broie du noir, dans tous les sens du terme. (M. Alain Gournac s'exclame.) Monsieur le ministre, nous vous le disons très clairement : nous sommes résolument contre.
Avec la carte « compétences et talents », vous pensez que vous allez pouvoir choisir les immigrés. La démonstration de Denis Badré à cet égard était parfaite. (M. Alain Gournac s'exclame.) On peut être d'accord parfois !
Avec cette carte, vous en revenez finalement à votre concept de France d'en haut et de France d'en bas. Il y a désormais l'étranger d'en haut, qui a des compétences et des talents, et l'étranger d'en bas.
Vous vous préoccupez tout d'un coup de co-développement ; c'est très bien. Mais il faudrait organiser un véritable débat sur ce sujet.
M. Bernard Frimat. Il faudrait affecter des moyens au co-développement, au lieu de tenter d'en faire un alibi sympathique d'un texte répressif, un cache-misère d'un texte dont la finalité est tout autre.
Vous espérez faire venir des étrangers, mais ce n'est pas vous qui les choisirez ! Alors que les étrangers de talent, hautement qualifiés, ne viennent pas chez nous, pensez-vous un seul instant que ce que vous faites là, que l'image répressive que vous donnez de la France leur donnera envie de venir ? Alors que, en France, ils doivent constamment subir des contrôles, prouver qu'ils ne sont pas en situation irrégulière, ne pensez-vous pas qu'ils préféreront se rendre dans d'autres pays, où ils sont mieux considérés et mieux accueillis, où ils ne sont pas suspectés en permanence ? Ne pensez-vous pas qu'ils préféreront un pays où l'on n'utilisera pas le codéveloppement comme un cache-misère - j'utilise ce mot à dessein -, un pays qui ne leur dira pas : « on vous choisit, venez, puis repartez » ?
Nous sommes en désaccord complet avec cette vision.
La carte « compétences et talents » est un produit d'appel destiné à faciliter la vente de votre projet de loi, dont elle ne constitue en fait qu'un tout petit élément. Comme mon ami Pierre-Yves Collombat vous l'a expliqué longuement, il n'y a rien de vraiment nouveau par rapport à la carte VIP que vous aviez inventée il y a trois ans et qui est un échec.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mes chers collègues, j'ai eu l'expérience du développement d'un pays qui est la Tunisie.
Lorsque j'y suis arrivée en 1965, en tant que jeune professeur mariée à un médecin, on menait une vie de chien ! J'avais des classes de quarante-cinq élèves, sans chauffage en hiver, sans tableau sur lequel écrire. Tout était à l'avenant. Mon mari, quant à lui, était de garde une nuit sur deux, avant de l'être quasiment toutes les nuits.
La Tunisie est le pays qui, dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, a exporté le plus d'élites. Or, de tous les pays d'Afrique, c'est celui qui s'est le plus développé ! Il n'y a donc pas de contradiction entre le départ des élites et le développement de leur pays.
En revanche, dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, les systèmes scolaires et de santé se sont effondrés avec l'ajustement structurel. (M. Roger Karoutchi s'exclame.)
Ces pays ne produisent plus, ou trop peu, de bacheliers et de diplômés de l'enseignement supérieur d'un niveau correct. L'université est en ruines. Alors cela pose évidemment des problèmes lorsque leurs élites s'en vont. Mais, autrement, cela n'en pose aucun !
Regardez le Liban, qui est un pays pauvre.
M. Roger Karoutchi. Le niveau n'est pas le même, enfin !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il passe son temps depuis un siècle à former des élites que l'on retrouve ensuite dans le monde entier ! Cela ne l'empêche pas, entre deux guerres civiles, de bien se tirer d'affaire.
En voulant nous faire croire que vous voulez accueillir ces étrangers, vous tentez de nous faire oublier que vous rejetez tous les autres ou qu'ils seront dans une situation précaire. Vous ne pouvez pas dire, d'un côté, que vous voulez le développement de ces pays et, de l'autre, que vous voulez attirer leurs élites. C'est vraiment un numéro d'équilibriste !
Le développement dépend des efforts que nous ferons en faveur des systèmes scolaires, universitaires et de formation professionnelle des pays avec lesquels nous sommes en relation. Tout le reste, c'est du pipeau !
Mme Hélène Luc. Elle a raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je sais bien que, dans la vie, en particulier dans la vie politique, il faut gérer les contradictions. Mais là, tout de même, monsieur le ministre !
Vous voulez attirer des élites. Or la carte « compétences et talents » ne leur sera renouvelée qu'une fois. Où iront les étrangers ensuite ? Au Canada ? Aux Etats-Unis ?
M. Alain Gournac. Ils rentreront dans leur pays !
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut être cohérent ! Nous ne suivons pas votre logique, monsieur le ministre, mais au moins respectez-la ! Votre dispositif ne tient pas ! Mais peut-être n'est-il pas fait pour être appliqué ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nous avons au moins l'occasion d'apprécier votre humour ! Franchement, il vaut mieux voir rouge que de sombrer dans la déprime...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... que ne manque pas de susciter l'examen de ce texte !
S'agissant des médecins étrangers, je dois préciser que leur situation n'a rien à voir avec les 35 heures. Elle est liée au numerus clausus, à l'absence de système de santé dans un certain nombre de pays et à l'impossibilité pour certains de ces médecins de rester dans le pays dont ils sont originaires.
Ce qui est aussi choquant, c'est qu'ils sont payés entre 40 % et 50 % de moins que les médecins français pour le même travail.
Nous sommes totalement opposés au concept de la carte « compétences et talents ». Comme je l'ai dit en défendant la motion n° 107, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, j'ai honte ...
M. Roger Karoutchi. Oh !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... quand je pense à ceux dont les parents, les grands-parents ou les arrière-grands-parents sont venus travailler en France en tant que maçons ou dockers, comme ce fut le cas pour ma famille. Leurs talents ne seraient pas reconnus aujourd'hui ! Pourtant, ils ont hautement contribué au développement de notre pays. Il y a là quelque chose de paternaliste, voire de néocolonialiste. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Les communistes sont des donneurs de leçons !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La France décide de choisir les étrangers ayant des compétences et des talents. Elle décide que ceux qui viendront travailler en France devront contribuer au développement de leur pays. Or certains le fuient parce qu'ils y sont menacés. Ils n'ont donc aucune raison de contribuer au développement de leur pays ! C'est absolument inacceptable.
Nous devons essayer de trouver des solutions aux problèmes qui ont été évoqués ; encore faut-il évidemment que nous en ayons la même perception. Admettons que ce soit le cas. Ne faut-il pas alors s'interroger sur les raisons profondes qui expliquent que nos talents nationaux soient attirés vers d'autres pays, notamment en matière de recherche ? Pourquoi s'expatrient-ils ? Parce que la recherche française s'effondre, parce qu'ils ne sont pas assez payés, parce qu'ils ne sont pas stimulés professionnellement dans leurs recherches.
Quelles sont les raisons de cette fuite des cerveaux vers l'étranger ? Pourquoi notre pays n'attire-t-il pas des personnes très qualifiées qui pourraient utilement venir y travailler pendant quelque temps ?
Tout en affirmant que nous avons besoin de personnels dans les secteurs de l'informatique, du bâtiment et de bien d'autres, vous créez des catégories différentes de salariés : certains auront une carte « compétences et talents », tandis que d'autres seront considérés comme de simples salariés temporaires.
Franchement, ce dispositif ne tient pas debout et est choquant. Ce n'est pas de cette manière que vous réglerez les problèmes, ainsi que vous affirmez vouloir le faire.
Nous voterons donc contre cet article 12.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Je suis étonné de l'attitude de nos collègues socialistes.
M. Alain Gournac. C'est le moins qu'on puisse dire !
M. Christian Cointat. Puisqu'ils sont dans l'opposition et ne peuvent adopter la position du Gouvernement, je m'attendais plutôt à ce qu'ils nous reprochent de ne pas en faire assez.
Or ils s'opposent à une idée novatrice qui constitue - enfin ! - un véritable outil d'aide au développement nous permettant de former des personnes qui viennent de l'étranger. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Il ne faut pas le faire de cette façon ! Donnez plutôt des bourses aux étudiants !
M. Christian Cointat. Chers collègues de l'opposition, lorsque, au même titre, les jeunes Français vont effectuer des stages à l'étranger pour compléter leur formation, cela ne vous choque pas !
Il s'agit d'un outil de développement partagé, fondé sur le respect entre États et vis-à-vis des citoyens qui viennent en France.
Alors, ne nous racontez pas n'importe quoi ! Vous n'avez pas de politique à proposer, voilà le malheur !
M. Alain Gournac. Aucune !
M. Christian Cointat. Vous ne savez pas ce que vous voulez !
M. Pierre-Yves Collombat. Cessez ces généralités !
M. Christian Cointat. Pour l'instant, vous ne cherchez qu'à critiquer et à démolir une idée novatrice qui mérite d'être creusée. On verra à l'usage ce que cela donnera.
M. Bernard Frimat. Dans un an, on en reparlera !
M. Christian Cointat. Déjà, lorsque nous avons mis en place les échanges étudiants, certains soutenaient que c'était de l'argent inutilement dépensé.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n'est pas nous qui protestions !
M. Christian Cointat. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que c'était une bonne idée. Le programme des visas « vacances-travail » développé avec un certain nombre de pays et qui permet à leurs ressortissants et aux jeunes Français de passer une année à l'étranger, pour y travailler et connaître le pays, fonctionne fort bien.
M. Pierre-Yves Collombat. Quel rapport avec l'article 12 ?
M. Bernard Frimat. Ce n'est pas le sujet !
M. Pierre-Yves Collombat. On ne parle pas des colonies de vacances !
M. Christian Cointat. Les jeunes sont demandeurs, ils sont très satisfaits et reviennent mieux formés.
Là, c'est la même chose. Nous pouvons développer la formation et, pour une fois que l'on se préoccupe véritablement du sort des étrangers, vous devriez nous applaudir plutôt que de nous critiquer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. J'ai beaucoup insisté tout à l'heure, comme je l'avais fait dans la discussion générale, sur la nécessité de favoriser le développement des pays les plus pauvres.
Le codéveloppement dans le cadre d'accords bilatéraux apparaît à cet égard comme un bon instrument. Ces accords permettent de prendre en compte des actions de formation, par exemple, pour lesquelles des séjours à l'étranger peuvent commencer à prendre un sens. De ce point de vue, la carte « compétences et talents » ne doit pas être une finalité. À partir du moment où elle est un instrument s'insérant, parmi d'autres, dans une politique de codéveloppement fondée sur des accords bilatéraux, c'est moins grave et l'argument selon lequel cette carte serait peu opérationnelle perd quelque peu de sa pertinence. Les amendements de M. Portelli et de M. Pelletier me rassurent sur ce point.
La seule objection de fond qui demeure est d'ordre philosophique : distinguer entre immigrants utiles et immigrants inutiles m'apparaît gênant ; tous sont des êtres humains qui souffrent.
Toutefois, cette objection peut également tomber à partir du moment où l'on parle d'« immigration choisie » - et, si j'ai bien compris, c'est l'engagement, monsieur le ministre, que vous êtes prêt à prendre. Cela ne signifie pas que nous allons choisir, comme sur un marché, parmi des gens qui souhaitent venir chez nous parce qu'ils cherchent d'abord à fuir leur pays. Dès lors que ce n'est pas nous qui choisissons parmi ces migrants, mais qu'il s'agit d'un choix partagé entre les pays d'origine et les pays d'accueil, dès lors qu'est mise clairement en oeuvre une politique d'accords bilatéraux dans laquelle chacun assume ses responsabilités, cette seconde objection tombe et je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Quelle pénitence ! Pourquoi tant de fermeté ?
Mme la présidente. L'amendement n° 513 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 et 304.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 200 :
Nombre de votants | 297 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 123 |
Contre | 171 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 305.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'article 12.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il sera très intéressant de faire, dans trois ans, une étude de résultats de la carte « compétences et talents ». Ce bilan sera très vite fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un rapport annuel est prévu !
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
Mme la présidente. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 384, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 384, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
12
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil concernant la mise en oeuvre et les résultats du programme Pericles pour la protection de l'euro contre le faux monnayage. Proposition de décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision 2001/923/CE établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation pour la protection de l'euro contre le faux monnayage (programme "Pericles"). Proposition de décision du Conseil étendant aux États membres non participants l'application de la décision 2006/.../CE modifiant et prorogeant la décision 2001/923/CE établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation pour la protection de l'euro contre le faux monnayage (programme "Pericles").
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3161 et distribué.
13
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
Mme la présidente. J'ai reçu de Mmes Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 382 et distribué.
14
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 juin 2006, à seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 362, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration ;
Rapport (n° 371, 2005-2006) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 13 juin 2006, à dix-sept heures.
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique énergétique de la France ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 14 juin 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 9 juin 2006, à zéro heure quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD