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Autopartage
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.
Ordre du jour réservé
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. Roland Ries, fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de MM. Roland Ries, Jean-Pierre Bel, Yannick Bodin, Roland Courteau, Michel Dreyfus-Schmidt, Louis Le Pensec, Roger Madec, François Marc, Jean-Pierre Michel, Jean-Marc Pastor, Jean-François Picheral, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Reiner, Thierry Repentin, Mme Patricia Schillinger, MM. Marcel Vidal, Gérard Collomb et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant à promouvoir l'autopartage (n°s 183, 333).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Roland Ries, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui porte sur l'autopartage, et vous me permettrez en préambule de rappeler brièvement ce qu'est l'autopartage, car il règne une grande confusion à ce sujet.
Un philosophe de l'Antiquité disait : « Il est beaucoup plus intéressant d'utiliser que de posséder. » Cette réflexion d'une étonnante modernité est au coeur du dossier qui nous occupe aujourd'hui.
En effet, l'autopartage - en anglais, car sharing - consiste, pour une société ou une association, à mettre une flotte d'automobiles à la disposition d'abonnés ou de porteurs de parts de la société pour de courtes durées, de l'ordre de vingt-quatre heures. L'autopartage s'apparente donc à une forme particulière de location et est très différent du covoiturage, qui consiste, lui, à partager un trajet en regroupant dans une même voiture plusieurs passagers intéressés par un même itinéraire.
L'intérêt de l'autopartage est donc de permettre aux citadins qui le souhaitent de ne plus être propriétaires d'une voiture dont ils se servent trop peu, tout en ayant la possibilité d'utiliser de façon ponctuelle un véhicule.
L'autopartage a connu en l'espace d'une décennie un développement spectaculaire dans plusieurs pays européens du Nord, ainsi qu'aux États-Unis et au Canada.
En France, hélas, cette formule de mutualisation de l'usage des véhicules automobiles n'a pas connu le même essor. Il y a bien quelques expériences prometteuses à Paris, avec Caisse-Commune, à Strasbourg, avec Autotrement, et dans plusieurs autres villes de l'Hexagone, mais, globalement, la France est dans ce domaine très en retard sur les autres pays de l'Union européenne ; et je n'évoque même pas la Suisse, qui dispose d'un système d'autopartage couvrant l'ensemble de son territoire.
L'explication parfois avancée pour rendre compte de ce retard, c'est que les Français seraient naturellement plus attachés à la propriété de leur voiture que les citoyens des autres pays. Cette explication de caractère culturel, voire ethniciste, ne résiste cependant pas à l'analyse. La relation irrationnelle à l'automobile, d'ailleurs entretenue au quotidien par un matraquage publicitaire de grande ampleur, existe aussi dans les autres pays, qui, malgré cela, sont largement en avance sur nous pour l'utilisation mutualisée de l'automobile.
Ce constat m'a conduit, pour y voir plus clair, à organiser le 5 décembre dernier, ici même au Sénat, un colloque consacré à l'autopartage. L'une des conclusions de cette rencontre, à laquelle ont participé une centaine de responsables de l'autopartage en France et en Europe, était que, à côté des freins qui s'opposent communément à l'autopartage, la France était victime d'un handicap supplémentaire de caractère juridique et institutionnel. Par exemple, alors que dans la plupart des autres pays la mise à disposition de places de stationnement pour donner une bonne visibilité au système ne pose pas de problème juridique particulier, il n'en va pas de même chez nous : le caractère non privatisable du domaine public en droit français a empêché jusqu'à présent les collectivités locales de mettre à la disposition des structures d'autopartage les places de stationnement des véhicules mutualisés.
De même, la frontière entre la location classique et l'autopartage n'ayant pas été, chez nous, définie avec précision, le flou juridique qui en résulte constitue une entrave au développement de l'autopartage. Du côté des loueurs professionnels, on est parfois méfiant à l'égard de la montée en puissance d'un système perçu comme concurrent. Du côté des responsables de l'autopartage, la même prévention existe à l'égard d'une activité purement marchande à laquelle ils ne veulent pas être assimilés. Au lieu de travailler dans la complémentarité, comme cela se pratique dans les pays où l'autopartage se développe, chacun soupçonne l'autre de vouloir mettre la main sur l'ensemble du domaine de l'utilisation non privative de l'automobile.
La proposition de loi qui vous est soumise doit permettre de clarifier la situation et de dépasser des méfiances qui n'ont pas lieu d'être. Elle tend également à labelliser l'activité d'autopartage afin de la distinguer clairement de la location classique et de faciliter le soutien des collectivités publiques, notamment dans la phase délicate du lancement de l'opération.
La philosophie générale qui sous-tend cette proposition de loi se trouve tout entière dans un avis rendu le 27 juin 1972 - vous avez bien entendu : 1972 ! - par le Conseil d'État, avis qui met bien en relief l'originalité de l'autopartage par rapport à la location classique de voitures. Il s'agit, selon lui, d'une activité d'intérêt général et non purement commercial : « L'objet déterminant de la création du service dont il s'agit [l'autopartage] est de réduire dans toute la mesure du possible les difficultés devenues quasi insurmontables de la circulation en zone urbaine en limitant le nombre de voitures en stationnement. »
L'intérêt général de l'autopartage se décline sur trois plans : la protection de l'environnement, l'effectivité du droit au transport et l'amélioration de la circulation dans les zones urbaines.
L'autopartage concourt à mieux préserver notre environnement. Le recours à un véhicule en temps partagé permet à son utilisateur de prendre véritablement conscience du coût de l'usage de la voiture et donc de le rationaliser. En effet, l'ensemble des dépenses liées au véhicule automobile sont concentrées en un seul prix au lieu d'être disséminées entre plusieurs services. Dès lors, l'usager, parce qu'il identifie clairement le coût d'usage, n'utilise le véhicule en temps partagé que lorsque cela est réellement nécessaire. Le taux de possession de véhicules des ménages diminue lui aussi, de même que le nombre de kilomètres parcourus et, par conséquent, l'énergie consommée et les gaz polluants émis. La charte de l'autopartage mise en place par les professionnels affirme du reste clairement cet objectif de protection de l'environnement.
L'autopartage renforce aussi le droit au transport, corollaire de la liberté d'aller et venir, c'est-à-dire, aux termes de l'article 1er de la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982, la LOTI, le droit pour l'usager « de se déplacer et la liberté d'en choisir les moyens ». Cette liberté de choisir ne peut être effective qu'à des « conditions raisonnables d'accès, de qualité et de prix », selon l'article 2 de cette même loi.
Les taxis, comme les transports en commun, offrent certes des moyens de se déplacer, mais ils sont limités en termes de flexibilité, de disponibilité et de coût ! L'autopartage trouve ainsi son créneau en permettant de pallier ces inconvénients par une offre vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an.
De plus, ce service offre un accès à un véhicule automobile pour un coût moins important que l'acquisition d'une voiture particulière. C'est donc l'assurance pour les catégories sociales les moins favorisées de pouvoir accéder à bon compte à un véhicule en bon état.
Troisièmement, l'autopartage facilite la fluidité des trafics.
La voiture en temps partagé est en effet un moyen de déplacement complémentaire aux transports en commun, mais aussi aux déplacements effectués en taxi, en vélo ou même à pied.
Enfin, la voiture en temps partagé permet de diminuer le nombre total de véhicules. Chez Caisse-Commune, par exemple, on compte une voiture pour dix-sept adhérents. Le gain en matière d'espace sur la voirie est évidemment incontestable.
On le voit, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'intérêt général amène à soutenir l'autopartage. Il apparaît dès lors logique que les autorités organisatrices de transport puissent intégrer l'autopartage dans la boîte à outils qui leur permet de mettre en oeuvre des politiques globales et cohérentes de mobilité !
Je pense d'ailleurs que cette intégration de l'autopartage, de même que celle du covoiturage, du transport à la demande et des taxis collectifs, devrait faciliter la sortie d'un vieux débat stérile qui tend à opposer le transport public et l'automobile.
En fait, entre le transport en commun classique - les bus, les tramways, les métros, les trains - et l'usage privatif de l'automobile, on voit apparaître aujourd'hui toute une palette d'offres de transport intermédiaire, dans lesquelles l'automobile joue le rôle de mini transport en commun.
L'objectif est bien de rationaliser l'usage des véhicules, quels qu'ils soient, pour les remplir le mieux possible et optimiser leur fonctionnement.
Il s'agit donc de répondre à la demande de transport avec pragmatisme, en fournissant l'offre de transport la mieux adaptée aux besoins du moment. Si le « tout automobile » montre à l'évidence ses limites aujourd'hui, le tout transport en commun n'est guère plausible, notamment sur le plan économique.
Mes chers collègues, c'est donc bien sûr l'ensemble de la gamme de l'offre de transport que les autorités organisatrices doivent pouvoir jouer pour offrir le meilleur service au moindre coût, tenir compte des aspects environnementaux et partager l'espace public au mieux de l'intérêt général.
Faut-il une loi pour faire avancer le dossier ? Cette question a été longuement discutée.
De mon point de vue, la réponse est positive, ne serait-ce que parce que cette nouvelle donne dans le domaine des transports exige des modifications ou des ajouts dans le dispositif législatif existant, ce qui est forcément du ressort de la loi.
Plusieurs pays européens ont du reste eu recours à des modifications législatives pour faciliter l'émergence de ces nouvelles formes d'offres de transports de personnes.
La commission n'est évidemment pas encline à alimenter l'inflation législative. Mais le développement de l'autopartage en France reste aujourd'hui très limité, alors même qu'il connaît un réel essor chez la plupart de nos voisins et que tout le monde reconnaît son intérêt. Les freins se situent bien, me semble-t-il, dans l'absence d'un vrai cadre juridique facilitant la promotion de ce service. Pour les dépasser, la commission a adopté un dispositif de six articles, que je vous présenterai très brièvement.
L'article 1er porte sur la nécessaire définition de l'autopartage.
L'article 2 renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination du label « autopartage » qui doit préciser les conditions de mise en oeuvre de cette activité.
L'article 3 sanctionne l'utilisation abusive du label « autopartage ».
L'article 4 est très important : il permet au maire, s'il le souhaite, de réserver des emplacements de stationnement aux véhicules d'autopartage.
L'article 5 permet aux constructeurs d'immeubles, qui doivent prévoir un certain nombre de places de stationnement, de satisfaire à une partie de leurs obligations en prévoyant des places d'autopartage.
Enfin, l'article 6 permet de prévoir l'inscription d'emplacements réservés aux véhicules d'autopartage dans les plans de déplacements urbains, les PDU, en modifiant dans ce sens l'article 28-1 de la LOTI.
Je voudrais enfin, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous faire part de ma satisfaction de voir ce texte inscrit à l'ordre du jour du Sénat et je me réjouis que la Haute Assemblée soit en pointe sur ce dossier. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le rapporteur, vous venez de présenter le concept de l'autopartage. À juste titre, vous avez expliqué comment il accroît l'efficacité de l'utilisation de l'espace public - c'est le coeur du débat -, comment il favorise l'utilisation de la voiture pour les déplacements où elle est réellement indispensable, dans un esprit de complémentarité avec les transports collectifs, enfin comment cet autopartage augmente la liberté de choix entre les différents moyens de transport.
Cette notion répond tout à fait à la philosophie de la co-modalité, qui est un bon concept ; c'est la raison pour laquelle l'autopartage doit être encouragé.
Vous avez établi des comparaisons avec les pays étrangers.
Ainsi, sans doute du fait d'un manque de souplesse, l'autopartage est moins développé chez nous que dans un certain nombre d'autres pays, tels que la Suisse, l'Allemagne, la Belgique ou les pays d'Amérique du Nord.
Quelques grandes villes, dont Strasbourg que vous connaissez bien, ont essayé cette formule, et le développement de celle-ci devrait sans doute s'accélérer.
La proposition de loi dont le Sénat est saisi définit d'abord l'autopartage, puis la notion de label, en précisant les critères à respecter pour exercer cette activité.
Je formulerai une seule réserve : n'essayons pas de régler une difficulté juridique en alourdissant le dispositif administratif. Il faut être prudent : il ne faudrait pas nuire au développement de l'autopartage en instaurant des systèmes de contrôle ou d'accompagnement administratif trop contraignants.
Vous prévoyez ensuite des mesures destinées à faciliter l'autopartage.
Dans certains pays, les pays d'Amérique du Nord notamment, des avantages ont été donnés à l'autopartage dans l'utilisation de la voie publique.
À cet égard, ce que vous proposez en matière de réservation de places de stationnement me paraît aller dans le bon sens. Avec un peu d'expérience de la vie urbaine, on sait qu'il s'agit là d'un point très important. Il est donc nécessaire de modifier la législation pour donner aux maires la possibilité juridique de favoriser ainsi la promotion de l'autopartage.
Pour conclure, je dirai que le Gouvernement souscrit à l'objectif de développement de l'autopartage qui fait l'objet de cette proposition de loi. La discussion qui va s'engager nous permettra sans doute d'améliorer encore le dispositif de façon que cette liberté supplémentaire donnée à nos concitoyens en matière de transport, en particulier dans les zones urbaines, devienne effective.
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'autopartage s'inscrit dans une démarche de développement durable et d'économie d'énergie. Il offre un véritable service à l'usager.
L'autopartage permet de louer une voiture en accès libre pour une courte durée, qui ne doit pas excéder vingt-quatre heures.
Les abonnés au service paient un droit d'entrée et un abonnement annuel qui leur donnent la possibilité de réserver une voiture. De fait, la location se fait de manière souple.
Le principe de la facturation au kilomètre parcouru et à l'heure d'utilisation, ainsi que l'obligation de prévoir et de planifier chaque déplacement en voiture, induit une baisse systématique du nombre de déplacements réalisés par rapport à ceux qu'effectue un automobiliste disposant d'une voiture en permanence.
Ce nouveau mode d'utilisation de la voiture offre une solution alternative à la voiture individuelle et à la location. Il peut compléter utilement les transports collectifs lorsque ceux-ci atteignent leurs limites.
Une voiture partagée se substitue à six voitures particulières, réduisant ainsi les effets négatifs de la voiture : pollution de l'air, nuisances sonores, encombrements et accidents.
Ce système permet aux utilisateurs de se passer de l'achat et de l'entretien d'un véhicule, d'avoir accès à faible coût à des véhicules en bon état, et il permet à des personnes ayant des revenus trop modestes pour posséder une voiture de pouvoir utiliser un véhicule en ville.
J'aimerais témoigner ici, en tant qu'élu alsacien, de l'essor tout particulier que l'automobile partagée connaît depuis cinq ans au sein de l'agglomération strasbourgeoise.
La ville de Strasbourg soutient depuis 2001 l'expérience de l'autopartage à travers l'association Autotrement.
Autotrement propose ses services depuis le début de l'année 2001 ; elle compte aujourd'hui huit cents adhérents, quarante voitures et quinze stations. Ces chiffres sont à mettre en relation avec ceux des autres villes françaises de taille plus importante : mille abonnés à Paris, deux cent cinquante à Marseille, deux cents à Lyon.
Notre collègue Fabienne Keller m'a rappelé les efforts consentis à Strasbourg par la collectivité pour encourager l'autopartage : des subventions ont été accordées, bien sûr, mais aussi des dispositifs de signalisation et de communication.
La volonté d'optimiser la combinaison entre les transports publics et l'autopartage prévaut dans le choix de l'installation de stations et au sein même des parkings relais situés à proximité des arrêts de tramways.
Pour ce faire, la Communauté urbaine de Strasbourg est parfois amenée à délivrer des autorisations temporaires d'occupation du domaine public.
Consciente de la fragilité juridique de cette autorisation, la collectivité souhaitait la consolidation de la base légale permettant de réserver des places aux véhicules d'autopartage sur la voie publique ou dans tout autre lieu de stationnement ouvert au public. Ce sera chose faite.
Toutes ces mesures de soutien ont permis l'expansion de l'autopartage à Strasbourg.
L'autopartage peut et doit être développé dans notre pays, qui accuse un certain retard par rapport à ses voisins européens quant au développement de ce mode d'utilisation de la voiture. En Allemagne, l'autopartage compte 80 000 abonnés, en Suisse, 65 000.
On ne peut plus agir comme dans les années soixante-dix où l'on vivait dans la culture du « tout automobile ». Nous sommes à un moment de l'évolution de nos villes où nous devons faire le choix effectif de modes alternatifs de transports. Nous devons, bien sûr, privilégier les transports collectifs ; c'est ce que font les grandes villes avec leurs projets d'extension des tramways. Mais, de même qu'on ne peut plus être dans le « tout automobile », on ne peut plus agir dans le « tout collectif » car il en va de la liberté individuelle et des exigences de la vie quotidienne.
On ne peut pas utiliser à tout propos les transports collectifs : c'est le cas lorsqu'une famille veut faire des courses ou se rendre dans un lieu qui n'est pas desservi.
L'autopartage est une voie médiane entre les transports collectifs et la voiture individuelle. C'est pourquoi il convient d'encourager ce mode de transport.
Grâce à cette proposition de loi, les collectivités territoriales pourront, si elles le souhaitent, encourager l'autopartage.
La philosophie de l'autopartage consiste non pas à opposer les modes de déplacement les uns aux autres, mais à les rendre complémentaires.
En matière de déplacements urbains, nous avons plus que jamais besoin de développer cette complémentarité. De nombreuses pistes sont à explorer, l'autopartage en fait partie, comme le covoiturage.
Au regard de l'augmentation du prix de l'essence et de notre engagement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, cette initiative parlementaire tend à encourager une pratique à l'avenir prometteur que les élus alsaciens soutiennent ensemble sans réserve, tout comme l'ensemble des membres du groupe UMP. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord vous faire part de ma satisfaction de débattre aujourd'hui d'une proposition de loi.
Il faut en effet bien avouer que l'ordre du jour du Sénat ne laisse que peu de place à l'initiative parlementaire, en particulier lorsqu'il s'agit de propositions émanant de l'opposition.
Je profite donc de cette occasion pour exprimer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, le souhait de voir inscrire plus régulièrement à l'ordre du jour du Sénat des propositions de loi émanant des groupes de l'opposition afin de respecter le pluralisme démocratique, et ce d'autant que - nous avons souvent l'occasion de le constater - la majorité n'a pas le monopole des bonnes idées.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui tend à promouvoir l'autopartage.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut qu'être en accord avec une telle proposition dont l'objectif est de répondre à un double impératif : limiter les dépenses énergétiques afin de réduire l'émission de gaz à effet de serre et permettre une meilleure mobilité en milieu urbain.
En effet, ce dispositif favorise à la fois la réduction du nombre de voitures en circulation et l'optimisation de leur utilisation. Il complète très utilement les initiatives de covoiturage et les diverses formes de transport collectif.
Il appelle également la promotion d'une nouvelle conception de l'usage de la voiture, celle-ci étant perçue non plus uniquement comme un bien individuel exclusif, mais aussi comme un service répondant à un besoin ponctuel.
En outre, cette forme de transport est particulièrement économique pour l'usager et permet à un plus grand nombre de personnes d'avoir accès à l'usage d'une voiture.
Ces avantages significatifs expliquent que ce dispositif soit très répandu dans certains pays européens. On compte en effet 200 000 utilisateurs. Ce n'est pas encore le cas en France, ce qui justifie le recours à une loi pour favoriser son développement.
Je me réjouis que cette proposition de loi ait fait l'unanimité lors du débat en commission des affaires économiques. J'espère qu'il en sera ainsi dans notre hémicycle.
Cependant, dans l'exposé des motifs, il est fait clairement référence au respect du protocole de Kyoto. Si nul ne peut contester qu'une telle loi y contribuerait à sa dimension, il convient de rappeler que le respect du protocole de Kyoto exige surtout la mise en oeuvre d'une politique énergétique ambitieuse, à la fois économe en ressources fossiles et capable d'anticiper le passage à une société post pétrolière. Et, sur ce point, nos avis divergent davantage.
Rappelons d'abord que nos sociétés restent extrêmement dépendantes de l'énergie pétrolière. N'oublions pas non plus que la demande énergétique explose sur le plan mondial. Il nous faut pourtant, dans ce cadre, garantir le droit d'accès de tous à l'énergie.
Dès lors, contribuer à la préservation des ressources fossiles, comme nous y invite cette proposition de loi, devient évidemment indispensable. Cependant, cette seule mesure ne saurait suffire pour répondre à tous les aspects de la crise énergétique.
La mise en concurrence des entreprises du secteur énergétique, l'abandon de la maîtrise publique et la diminution ininterrompue de l'effort de recherche sont les causes profondes de la crise énergétique.
Les exemples dont nous disposons dans le secteur pétrolier devraient en ce sens nous inciter à la prudence. La gestion de ce secteur a été laissée aux seules mains du marché. Nous en constatons aujourd'hui le résultat particulièrement préoccupant.
L'effort de recherche de ces entreprises est quasi nul et la production se fait à flux tendus, ce qui ne garantit pas de sécurité d'approvisionnement.
En outre, ce système a démontré l'incapacité du marché à anticiper l'épuisement des ressources, donc à mettre en place une gestion économe de celles-ci.
Et nous ne pouvons que constater une hausse généralisée des tarifs des produits pétroliers, hausse essentiellement liée à la spéculation.
N'oublions pas non plus, puisqu'il s'agit de la justification même de cette proposition de loi, l'absence complète de prise en compte des impératifs liés à la protection de l'environnement, notamment à l'émission de gaz à effet de serre.
Dans le modèle libéral, la politique industrielle des entreprises se réduit principalement à deux notions : rentabilité et compétitivité. La prise en compte des impératifs environnementaux est donc, dans ce cadre, particulièrement difficile.
Pourtant, les institutions européennes et le gouvernement français continuent d'organiser la libéralisation du secteur énergétique.
Lors du dernier Conseil européen de Bruxelles, les 23 et 24 mars, les chefs d'État et de gouvernement ont confirmé leur volonté de parachever l'ouverture du marché de l'énergie pour tous les consommateurs avant le second semestre de 2007.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent, quant à eux, la création d'un grand service de l'énergie au niveau européen, fondé sur la mutualisation et la coopération de services publics nationaux, seuls capables de réaliser les investissements nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques à venir, dans le respect de l'intérêt général et du protocole de Kyoto.
La maîtrise publique de l'énergie est un élément clé du développement durable.
De même, pour atteindre les objectifs fixés par ce protocole, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5 % sur la période de 2008 à 2012 par rapport au niveau de 1990, nous ne pouvons nous passer d'une politique ambitieuse pour améliorer l'efficacité énergétique des transports.
Or, selon la mission interministérielle de l'effet de serre, les transports sont les premiers émetteurs de gaz incriminés.
Dans ce sens, la promotion de l'autopartage correspond à une piste de réflexion intéressante afin de réconcilier développement économique et social, protection de l'environnement et conservation des ressources naturelles.
Et parce que le transport routier est le principal responsable de l'émission des gaz à effet de serre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment qu'il est tout aussi urgent de donner une priorité réelle au ferroutage, au transport maritime et aux transports collectifs.
Mais nous ne pouvons que constater une nouvelle fois l'absence d'engagement des pouvoirs publics aux niveaux européen et français afin de réduire l'avantage concurrentiel du transport de marchandises par la route par rapport au fret ferroviaire.
La politique actuelle des transports est une politique de réduction de l'outil de production qui n'est pas considéré comme rentable et, par voie de conséquence, elle interdit tout développement du fret ferroviaire ou du transport combiné.
Cette logique de réduction des coûts et de rentabilité économique est d'ailleurs particulièrement bien illustrée par le plan fret qui tend à la contraction du réseau.
Ainsi, dans le budget de 2006, les subventions accordées au transport ferroviaire sont en nette diminution. La route reste alors le mode de transport de marchandises dominant - 79 % hors transit - avec des externalités négatives considérables, puisqu'elle coûte chaque année en Europe 650 milliards d'euros, et bénéficiant d'exonérations toujours plus importantes.
Parallèlement, la part du rail dans le transport de marchandises en France ne cesse de décroître. Elle est passée de 26 % en 1984 à 12 % en 2004. Les derniers chiffres que nous possédons sont encore plus inquiétants.
Il s'agit donc d'un autre levier d'action essentiel pour respecter le protocole de Kyoto !
Enfin, si la promotion de l'autopartage correspond à une amélioration de l'offre de transport, cette mesure doit s'accompagner de mesures fortes pour le développement des transports collectifs publics.
Il faut encourager les complémentarités entre les offres de transport et non pas accroître la concurrence, comme le prévoit le nouveau règlement sur les transports urbains ou le troisième paquet ferroviaire.
Nous voterons donc sans réserve cette proposition de loi, même si nous avons conscience que cette mesure n'est qu'un élément de réponse face à l'ensemble des enjeux énergétiques et de développement des transports. Relever ces enjeux nécessiterait un engagement majoritaire de notre assemblée pour mettre un point d'arrêt au processus de libéralisation de ces secteurs, ainsi que la mise en oeuvre des investissements nécessaires au rééquilibrage entre la route et le rail et à la promotion d'une véritable offre de transports publics. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de M. Roland Ries et plusieurs de ses collègues tendant à promouvoir l'autopartage.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la proposition de loi tendant à promouvoir l'autopartage est une innovation, et ce à double titre. Il l'est sur le fond, bien sûr, puisque ce texte constitue le premier encadrement législatif de ce mode de déplacement, et sur la forme également - il faut le souligner -, dans la mesure où la conférence des présidents a décidé d'inscrire à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée une proposition de loi émanant d'un groupe de l'opposition. J'espère que cette initiative, que je salue, sera renouvelée.
Par ailleurs, je remercie le rapporteur, Roland Ries, qui est aussi le premier signataire de cette proposition de loi, d'avoir su présenter un texte recueillant un large soutien sur un sujet aussi important.
L'autopartage apporte en effet un nouveau type de réponse à un défi majeur, celui des déplacements au XXIe siècle. La question des transports est au coeur de toutes les problématiques d'aujourd'hui et de demain, qu'elles soient sociales, environnementales ou économiques.
Permettez-moi, dans un premier temps, de rappeler tout l'enjeu social du transport. Une voiture coûte cher, surtout lorsqu'on habite une grande ville et que l'on n'a pas souvent l'occasion de l'utiliser. L'achat, l'entretien, l'assurance, le stationnement payant, le passage au contrôle technique, voire, éventuellement, les contraventions pour certains représentent des sommes importantes, pour un usage souvent très limité du véhicule. L'autopartage, en revanche, permet d'avoir accès, pour un faible coût, à un véhicule en bon état.
Il faut le rappeler, en France, selon le CERTU, le Centre d'études sur les réseaux de transport et l'urbanisme, une voiture n'est utilisée que pendant 8 % de son temps de vie. Dans les grandes agglomérations, où les gens bénéficient d'une offre de transports en commun importante, la voiture n'est utilisée que de manière très occasionnelle, quelques heures par semaine, par exemple pour effectuer des achats exceptionnels ou pour se rendre une demi-journée à l'extérieur de l'agglomération. On sait ainsi que 60 % des Parisiens qui ont une voiture ne l'utilisent pas en semaine.
Dans ce contexte, l'autopartage vise à encourager les ménages à utiliser une voiture ponctuellement, en fonction de leurs besoins, plutôt que d'être propriétaires d'un véhicule plus souvent au garage que sur la route. Une telle option est indéniablement moins onéreuse et, donc, socialement plus avantageuse. Elle offre la possibilité de réaliser des économies importantes pour tous ceux qui ne sont pas automobilistes au quotidien mais qui veulent conserver la possibilité de recourir occasionnellement à la voiture.
Le deuxième intérêt de ce mode de transport est bien évidemment environnemental. Lorsque l'on est propriétaire de son automobile, on a naturellement tendance à l'utiliser au maximum, que ce soit pour amortir son coût ou pour toute autre raison. En revanche, les abonnés d'un organisme d'autopartage font un usage plus rationnel de la voiture. Si en effet le coût de cette formule est plus faible, il dépend aussi de chaque déplacement effectué. Avec ce mode de transport, l'usager n'utilise une voiture que quand il en a vraiment besoin. Au total, il y a moins de véhicules sur les routes et la quantité d'émissions de gaz polluants et de gaz à effet de serre est réduite.
De plus, cette tendance à l'optimisation de l'utilisation de l'automobile est en parfaite cohérence avec l'évolution du prix du pétrole et la nécessité de réduire notre consommation d'énergie.
Enfin, la flotte automobile utilisée par ce mode de transport est souvent plus récente et plus propre que celle des véhicules individuels.
Le troisième avantage de l'autopartage est économique, au sens large, et plus particulièrement urbanistique. En effet, les villes ne sont pas extensibles et les capacités de stationnement sont limitées ; c'est vrai dans toutes les grandes agglomérations. À Paris, le parc automobile compte 600 000 à 700 000 voitures. Or l'expérience menée dans la capitale montre que chaque véhicule en autopartage permettrait de remplacer dix-sept véhicules ! Le gain est donc considérable en termes de stationnement. Ainsi, les automobilistes qui n'ont pas d'autre choix que de garer leur voiture pourraient bénéficier d'un plus grand nombre de places, lesquelles pourraient aussi servir pour d'autres activités citadines.
L'autopartage offre donc de nouvelles marges de manoeuvre concernant la question cruciale des parcs de stationnement et diminue les coûts que représente, pour la société, la construction de parkings.
Pour autant, certains se demanderont si ce mode de déplacement doit faire l'objet d'une proposition de loi. Il suffit, pour les convaincre, de prendre l'exemple des expériences européennes ou nord-américaines et de comparer les situations. Plusieurs pays, dont la Suisse, le Canada et les États-Unis, ont en effet mis au point avec succès de tels systèmes de transport. En France, Paris et Strasbourg ont avancé dans cette voie, mais celle-ci demeure encore largement inexplorée et mal connue, en raison d'un cadre juridique qui n'est pas suffisamment favorable au développement de l'autopartage.
Je m'arrêterai quelques instants sur l'exemple de Paris. Une association nommée Caisse-Commune a été créée en 1998, pour mettre en oeuvre le principe de l'autopartage. Aujourd'hui, l'association est devenue une société anonyme qui a atteint l'équilibre financier. Elle ne compte, hélas, que 1 500 adhérents, possède 50 véhicules et 8 stations dans Paris. Caisse-Commune a notamment reçu en 2003 le prix de l'environnement à l'occasion de la remise des World Technology Awards, en association avec le Nasdaq, Microsoft et Time. L'année 2006 devrait voir l'ouverture de plusieurs autres stations dans le nord et le sud de la ville.
Cette expérience nous apprend deux choses.
Premièrement, l'autopartage répond à une demande sociale qui s'est exprimée en quelques années à peine. Cette activité, qui est de surcroît viable, possède un potentiel de développement important, que ce soit en termes économiques ou technologiques. En outre, elle est complémentaire et non pas concurrente des agences de location classiques.
Deuxièmement, il s'agit d'une expérience encore limitée et bridée par son contexte. Pour passer à la vitesse supérieure, si je puis m'exprimer ainsi, donc pour augmenter le nombre des adhérents à cette formule, pour que de nouveaux organismes voient le jour, l'autopartage a besoin d'une meilleure implantation géographique et d'un cadre juridique bien défini et plus favorable.
C'est tout le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. La question du développement de ce mode de transport est, à certains égards, similaire à celle du vélo à Lyon. L'expérience Vélo'v a pris son essor grâce à un très bon maillage des stations de location de bicyclettes. Les usagers doivent pouvoir disposer, à tout moment, d'un véhicule qui se trouve à proximité ; à défaut, il ne peut y avoir de confiance dans le système.
Pour l'autopartage, la problématique est semblable. Il faut des stations de location proches du domicile et des voitures disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par conséquent, il est indispensable de faciliter le stationnement des véhicules en autopartage, d'où la nécessité, pour la collectivité publique, d'identifier ces automobiles grâce à un label. Il est également important de permettre aux maires de réserver des emplacements de stationnement pour ces véhicules labellisés.
La proposition de loi permettra ainsi à toutes les villes de créer un maillage de stations d'autopartage sur l'ensemble de leur territoire.
Enfin, je souhaite rappeler que l'autopartage doit être considéré comme une réponse parmi d'autres à la demande de transports. Les habitants des grandes villes utiliseront moins leur voiture individuelle si l'offre de transports répond à tous leurs besoins de déplacement. Le bouquet de services offerts doit donc permettre de remplacer l'automobile individuelle. C'est pourquoi un amendement du groupe socialiste prévoit de permettre à l'autorité organisatrice des transports d'intégrer l'autopartage et le covoiturage dans son offre.
Le service public de la mobilité pourrait ainsi prévoir, dans l'avenir, une intégration complète des modes de déplacements, qu'il s'agisse du métro, du bus, du tramway, de l'autopartage et du covoiturage et, pourquoi pas, de la location de vélos ou d'autres modes de transport dits soft.
Cette proposition de loi est donc utile à bien des égards. Elle ouvre de nouvelles perspectives, dont chacun peut apprécier l'importance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me voyez aujourd'hui tout à la fois étonnée et réjouie d'examiner une proposition de loi, déposée par Roland Ries et mes collègues socialistes, concernant la promotion de l'autopartage.
Je ne puis m'empêcher de penser que, voilà dix ans, une telle proposition de loi n'aurait peut-être pas été mise à l'ordre du jour d'une assemblée parlementaire en général, de la nôtre en particulier.
Voilà dix ans, le réchauffement climatique, déjà largement perceptible sur notre planète, affolait principalement les climatologues et les milieux écologistes.
Alors que les scientifiques du monde entier s'accordaient pour nous alerter sur la cause humaine du dérèglement climatique, une grande part de la classe politique continuait à faire crédit, non sans complaisance, aux arguments qui évoquaient essentiellement un phénomène naturel et, donc, inéluctable.
À cette époque, les campagnes publicitaires encourageant les économies d'énergie avaient des allures de « réchauffé » post-choc pétrolier des années soixante-dix. On n'était plus tout à fait dans la « chasse au gaspi », on n'avait toujours pas de pétrole et plus guère d'idées !
Au niveau international, la prise de conscience a eu lieu relativement rapidement. En 1992, lors du Sommet de la terre de Rio, était adoptée une convention-cadre contre les changements climatiques. Cinq ans plus tard, à Kyoto, une première étape invitant à des efforts somme toute modestes était engagée.
Il a fallu huit ans d'efforts pour obtenir l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto. Les États-Unis d'Amérique ne l'ont toujours pas ratifié, non plus que l'Australie. Si le protocole conseille un certain nombre d'outils permettant de satisfaire aux engagements pris par la communauté internationale, force est de reconnaître que les politiques et les mesures nationales n'ont guère été mises en oeuvre de façon résolue en Europe. Cependant, l'Europe seule a mis en place un système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre.
Pendant cette période, les événements climatiques extrêmes se sont multipliés. En France, en 2003, la canicule a entraîné la mort de 12 000 personnes. Aux États-Unis, en 2005, le cyclone Katrina a ravagé la Nouvelle-Orléans. Aujourd'hui, rares sont ceux qui ne font toujours pas le lien entre ces événements et l'évolution du climat.
Encore faut-il préciser que c'est le climat tout entier qui est bouleversé. Depuis que l'Organisation météorologique internationale mesure le climat mondial, on a pu observer que les dix dernières années ont été les plus chaudes. Dans nos montagnes, la durée d'enneigement a été sévèrement raccourcie, à l'exception, notable, de cette année. Je pense également au recul des glaciers, à la fonte des pôles et à la modification profonde des aires de répartition des végétaux et des animaux.
En France, quelle est la situation ? En France, on communique. En France, on rédige des rapports. Bref, en France, on noie le poisson ! J'en veux pour preuve l'activité vibrionnante des lobbyistes du nucléaire, qui nous invitent à considérer, au mépris des faits et des données scientifiques, que cette technologie est la seule solution à l'effet de serre.
Il faut se rendre compte de l'ampleur du chantier. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait insisté, en rendant compte des travaux de la mission interministérielle de l'effet de serre, sur la nécessité de diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre avant 2050, afin de limiter l'« emballement » du climat.
Le seul secteur des transports émet aujourd'hui plus de gaz à effet de serre que ce qui sera autorisé en 2050, tous secteurs d'activité confondus.
Le pétrole, qui représentait 57 % de la consommation énergétique totale en 1973, ne représente plus que 36 % de celle-ci en 2005. Mais, dans le même temps, c'est-à-dire en trente ans, la part des transports est passée de 34 % à 65 % ! Et la consommation de pétrole a augmenté de 70 % dans le secteur des transports.
Comme vous le savez, l'Union européenne a pris l'engagement, à Kyoto, de réduire de 8 % ses émissions de gaz à effet de serre. La France est simplement tenue de stabiliser ses émissions entre 1990 et 2010.
Depuis 1990, le secteur des transports, qui totalise 26 % des émissions totales de gaz à effet de serre, est en croissance de plus de 20 %, à la différence notable du secteur industriel, qui a fait mieux que respecter ses engagements, puisque ses émissions ont été réduites de 20 % sur la même période.
Évidemment, les freins sont nombreux. Je pense tout d'abord à la forte croissance du secteur des transports, à la dépendance pratiquement totale de ce secteur à l'égard du pétrole, au caractère extraordinairement diffus des émissions et des consommations, sur fond d'étalement urbain, de diminution du temps de travail, de l'augmentation des activités de loisirs et dans le contexte de la mondialisation.
Pendant très longtemps, nous avons entretenu l'illusion selon laquelle les progrès des motorisations et des carburants permettraient de résoudre une bonne partie du problème. Ces progrès ont été très réels, notamment en raison de la coordination des efforts. Ainsi, à l'échelon communautaire, plusieurs directives ont permis, étape par étape, de réduire effectivement les pollutions. Cependant, les efforts des constructeurs ont été annihilés non seulement par l'augmentation du nombre des véhicules en circulation, mais aussi et surtout par l'augmentation de leur poids et de leur équipement, par la banalisation et la généralisation de la climatisation, par exemple. Une partie de ces efforts est liée à nos exigences en matière de sécurité, notamment de sécurité passive des véhicules.
Toutefois, comme l'a très bien dit tout à l'heure Roland Ries, les dérives les plus graves ont été encouragées par la publicité. Je pense à la banalisation des 4x4 en ville. L'ADEME, qui n'est pas une officine écologiste excessive, considère que ces véhicules consomment 40 % de plus que les véhicules conventionnels en ville. Les dix modèles de 4x4 les plus vendus en France émettent 350 grammes de CO2 par kilomètre, soit à peu près trois fois le chiffre correspondant aux engagements pris par les constructeurs dans le cadre de l'accord volontaire passé avec les institutions européennes. Ils sont beaucoup trop puissants pour une circulation en ville qui est autorisée soit à 30 kilomètres par heure, soit à 50 kilomètres par heure. Ils sont suréquipés, ils sont bien sûr climatisés, ils induisent des comportements désastreux de la part des conducteurs, et il est un peu paradoxal que bien des femmes qui conduisent ces véhicules se disent rassurées parce que c'est plus facile de s'insérer dans le flux de la circulation, de changer de file, de dépasser, bref, de s'imposer de façon virile et machiste dans la circulation.
La situation se dégrade également en raison de l'impuissance des pouvoirs publics et des entreprises publiques à proposer des alternatives à la route, notamment en matière de transport des marchandises, à la fois pour la longue distance et pour les livraisons en ville.
À cet égard, des décisions irrationnelles, incohérentes, ont parfois été prises. J'en veux pour preuve la panne du dossier ferroviaire Lyon - Turin et l'abandon des engagements pris concernant la modernisation de la ligne Lyon - Strasbourg pour permettre le transport des conteneurs maritimes.
Je pense encore à l'examen ici même, voilà quelques semaines, d'une proposition de loi à la demande de l'une de nos collègues, qui souhaitait accélérer la réalisation de la section entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny de l'autoroute A 89.
Je ne crois pas à la loi pour régler les problèmes locaux.
Loin de moi la volonté de stigmatiser l'attitude de l'actuel gouvernement, car les différents gouvernements qui se sont succédé se sont montrés hésitants, qu'il s'agisse de l'encouragement des transports publics, de la remise en cause de la place extravagante laissée au transport routier ou encore des dispositifs encourageant la réduction du transport automobile.
Ainsi, pendant les années au cours desquelles j'ai été ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, si j'ai pu remettre en cause quelques projets autoroutiers injustifiés et mettre en place des incitations fiscales au développement des véhicules propres, je n'ai pu empêcher la suppression de la vignette, mesure qui constituait un très mauvais signal sur le plan de l'environnement.
Je n'aurai garde d'oublier, depuis 2002, la relance de certains problèmes autoroutiers - l'A 41 entre Annecy et Genève, l'A 51 entre Grenoble et Sisteron, cela au mépris de nos engagements internationaux -, la baisse incessante des crédits du ministère de l'écologie et du développement et, bien sûr, la tentative de suppression des dotations de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, ONERC, et de la mission interministérielle de l'effet de serre, MIES, découverte dans le projet de loi de finances pour 2006 à l'automne dernier. Peut-être est-ce parce que L'ONERC déplorait le réel manque d'efficacité des outils mobilisés pour aboutir à une baisse des émissions de gaz à effet de serre, notamment dans le secteur des transports, qui suscite aujourd'hui « les plus grandes préoccupations compte tenu de la très faible substituabilité du pétrole » ?
Alors il faut agir ! Il faut agir en articulant ce qui relève de la responsabilité de l'usager - à cet égard, l'étiquetage des véhicules me paraît une initiative bien venue, mais la responsabilité de l'usager ne peut pas se limiter à une opération de culpabilisation, d'autant qu'on lui offre rarement la moindre alternative commode et accessible à la voiture individuelle ! - et, bien entendu, ce qui relève des pouvoirs publics, qui « causent » beaucoup et agissent peu.
L'autopartage s'attaque au gaspillage en proposant d'utiliser moins de véhicules. Il s'attaque à la question du coût pour l'usager ; Ivan Illich avait calculé qu'en intégrant le temps pendant lequel on travaille pour acheter sa voiture, son carburant, son assurance et son parking, et le temps passé dans les embouteillages, on pouvait considérer qu'une voiture roulait à 6 kilomètres par heure, soit à peu près au même rythme qu'un piéton.
L'autopartage nous encourage aussi à réfléchir sur notre utilisation individualiste des biens ainsi qu'à la place que prend la voiture dans l'imagerie d'Épinal de la réussite sociale. Il serait idiot de réduire le débat à : pour ou contre la voiture. L'usager de demain saura combiner la marche, le vélo - avec ou sans assistance électrique -, le bus, le métro, le tramway, le train, la voiture, le taxi, le covoiturage, le plan de déplacement de son entreprise, la location de longue ou de moyenne durée et, bien sûr, l'autopartage.
Toutes ces mesures ont en commun le fait d'induire un nouveau rapport à l'automobile, laquelle ne serait plus ni un signe extérieur de richesse, ni le symbole de la puissance, ni un prolongement du domicile, mais un simple moyen de déplacement.
C'est donc avec enthousiasme que je voterai les conclusions de la commission. Si cette proposition de loi me paraît évidemment loin de constituer « la » solution, c'est une piste, face à un chantier considérable, qui va nous permettre de réorganiser nos villes, de refondre complètement l'offre de transport collectif et de cesser finalement d'aggraver les conditions de vie de nos concitoyens en l'absence de solutions concrètes. Ce texte est donc tout sauf un gadget et c'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à le voter avec le même enthousiasme que moi ! (M. le rapporteur applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, apparu « artisanalement » en Suisse en 1948, ce qui allait devenir l'autopartage a été conceptualisé en 1951 par un Français, l'ingénieur Jacques D'Welles, qui soulignait alors l'intérêt d'instaurer une forme de partage des véhicules pour en diminuer le nombre... et réduire les effets négatifs sur l'environnement.
Malgré cette paternité précoce, il faudra attendre près d'un demi-siècle pour que l'on reparle de l'autopartage en France et que le législateur se préoccupe de lui donner un cadre juridique spécifique, sur l'heureuse initiative de notre collègue strasbourgeois Roland Ries.
Ainsi, l'autopartage permet d'utiliser une voiture sans posséder de voiture. Très répandu dans certains pays d'Europe, tels que la Suisse - qui représente à elle seule près d'un tiers des autopartageurs européens avec 70 000 adhérents - ce service se développe depuis quelques années en France dans une grosse dizaine d'agglomérations : Grenoble et Lyon dans la région dont je suis issu, ou encore Clermont-Ferrand, ville chère au coeur de Mme la présidente ! Caisse-Commune à Paris et Auto'trement à Strasbourg sont devenus les principaux opérateurs de l'autopartage et rassemblent 85 % des utilisateurs hexagonaux.
Même si, au total, cette pratique nouvelle ne représente que 5 % des conducteurs, elle confirme la mutation profonde qui s'opère actuellement dans notre façon de vivre la ville et annonce, osons-le dire, un changement d'époque en matière de déplacements urbains.
En effet, si l'automobile fut, hier, un facteur de progrès, de mobilité, d'indépendance individuelle et de promotion sociale, elle est aujourd'hui devenue, par son omniprésence, un réel souci pour notre environnement urbain, une charge pour le budget des ménages et une menace pour les équilibres écologiques et climatiques de la planète.
Ainsi, alors qu'une voiture particulière ne roule en moyenne qu'une heure par jour, elle entraîne de nombreux coûts individuels et collectifs en termes de pollution, de santé publique, d'économie et de consommation d'espace.
Face aux limites du « tout-voiture », l'autopartage s'inscrit dans un ensemble d'innovations sociales qui visent à faire évoluer les comportements vers un développement durable des villes. Il contribue en effet à enclencher un cercle vertueux de déplacements responsables et efficaces. Il s'appuie sur deux réalités : d'une part, un véhicule partagé remplace entre cinq et dix voitures particulières ; d'autre part, le citoyen est désormais demandeur d'un meilleur respect du cadre de vie urbain.
L'autopartage répond à cette nouvelle attente sociale : il tend à réduire la pollution automobile, à améliorer la fluidité des circulations sur la voirie, à réduire l'espace urbain consacré au stationnement et donc à reconquérir une qualité urbaine fortement amoindrie par les années d'urbanisme « provoiture » ou « autodépendant ».
Mais, au-delà, l'autopartage encourage et complète également la chaîne des modes de transport alternatifs à la voiture particulière - transports publics, vélo, marche... -, tant et si bien que, loin de réduire la mobilité de ses adeptes, il la développe et la diversifie.
Alors que les propriétaires d'un véhicule particulier l'utilisent souvent par réflexe, quelle que soit la nature de leurs déplacements, les autopartageurs connaissent avec précision le coût du service qu'ils consomment. En conséquence, ils ont tôt fait d'évaluer la rentabilité de chaque mode de transport à leur disposition. En milieu urbain, les transports collectifs sortent inévitablement gagnants d'une telle comparaison ; ils sont alors davantage utilisés, la demande augmente, leur développement est encouragé, accroissant encore leur avantage compétitif sur la voiture.
Un cercle vertueux se met en place, qui contribue à atteindre l'objectif final de l'autopartage : limiter l'usage de l'automobile particulière aux seuls trajets pour lesquels elle constitue le mode de transport le plus adéquat et accroître parallèlement le recours aux autres modes de transport.
On le voit, le développement spontané de l'autopartage montre que le cadre institutionnel - par exemple, la Journée sans ma voiture, les plans de déplacements urbains, ou PDU, les plans de déplacements entreprise, ou PDE -, le cadre politique - engagements de la France dans le protocole de Kyoto, développement des politiques en faveur des deux-roues... - et le cadre comportemental - gestes « écocitoyens », diffusion des problématiques de la qualité de vie en ville... - sont aujourd'hui prêts pour que soit accentué le volontarisme des politiques publiques de déplacements urbains.
Des outils existent déjà, qui sont à la disposition des autorités organisatrices et régulatrices des déplacements, outils qu'elles les utilisent ou non : PDE, Pédibus, transports à la demande, parcs relais... Ils seront, j'en suis sûr, complétés par l'autopartage, qui s'inscrit comme une option supplémentaire dans le panel des solutions alternatives à la voiture particulière.
Ainsi, l'autopartage est une réelle occasion pour nos villes de promouvoir une autre façon de se déplacer, mais aussi de retrouver la maîtrise d'une partie de leur territoire.
En ce sens, nous devons rechercher une plus grande normativité des documents d'orientation, de planification et d'urbanisme que sont les schémas de cohérence territoriale, les programmes locaux de l'habitat, les plans de déplacements urbains et les PLU, plans locaux d'urbanisme. Il est souhaitable que leur élaboration, leur révision et leur évaluation prennent désormais en compte l'option autopartage au même titre que toutes les autres solutions de remplacement de la voiture individuelle.
Par exemple, si cette option est affichée comme un axe prioritaire du PDU, le PLU doit en tirer les conséquences normatives, notamment en termes de places de stationnement disponibles : réduites pour les véhicules particuliers, mais plus nombreuses, réservées et attractives pour les véhicules partagés. Il serait en effet totalement contre-productif de vouloir développer l'autopartage sans changer la politique de stationnement ou en laissant les places dédiées accaparées par des loueurs labellisant une partie de leurs parcs de véhicules dans ce seul but.
Enfin, l'autopartage permet de redonner du pouvoir d'achat aux ménages et de proposer un service particulièrement utile aux plus modestes, qui ne peuvent pas toujours assumer le coût d'un véhicule particulier, estimé à 5 800 euros par an en moyenne. Je pense, par exemple, aux habitants des quartiers et communes périphériques de nos agglomérations. En soirée, mais aussi quelquefois le week-end, et tout particulièrement le dimanche, ils se retrouvent en quelque sorte assignés à résidence en raison de la restriction, voire de l'arrêt, du service de transports collectifs.
La situation est plus critique encore pour les personnes éloignées de l'emploi ou les jeunes adultes en début de vie professionnelle. Pour eux, des horaires décalés incompatibles avec les transports en commun peuvent représenter un obstacle rédhibitoire dans l'accès à certaines propositions d'emploi. L'autopartage peut alors leur apporter une réelle solution et une sensible amélioration de leur quotidien.
D'un coût modéré, d'une disponibilité immédiate, l'autopartage est tout à la fois une réponse économique aux besoins des ménages, une occasion de reconquête et de réappropriation collective de l'espace urbain, un facteur de réduction des risques pour l'environnement, une nouvelle offre pour favoriser l'intermodalité, au même titre que l'expérience réussie des vélostations, grâce auxquelles, pour une adhésion mensuelle, on dispose de vélos partagés, entretenus et attractifs.
Le gouvernement néerlandais compte d'ailleurs sur le développement de l'autopartage pour réduire de 12 % ses émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports d'ici à 2010. C'est un exemple que la France serait bien inspirée de prendre en considération pour respecter ses propres engagements dans le cadre du protocole de Kyoto ! Cette proposition de loi socialiste y contribue.
Il nous reste à en faire une loi qui, en huit articles, proposera aux intercommunalités et aux autorités organisatrices de transport un nouvel outil régulant l'évolution du parc de véhicules particuliers en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Titre Ier
Définition de l'autopartage
Article 1er
L'activité d'autopartage est la mise en commun au profit d'utilisateurs abonnés d'une flotte de véhicules. Chaque abonné peut accéder à un véhicule sans chauffeur, pour le trajet de son choix et pour une courte durée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Titre II
Le label « autopartage »
Article 2
Peuvent bénéficier du label « autopartage » les véhicules exploités par les personnes morales se livrant à l'activité d'autopartage dans le respect de conditions définies par décret en Conseil d'État.
Ce décret précise :
- les caractéristiques environnementales et techniques des véhicules labellisés ainsi que les conditions dans lesquelles les abonnés y ont accès ;
- les conditions d'utilisation du label ;
- le régime des aides pouvant être attribuées aux personnes morales exploitant les véhicules labellisés.
Le signe distinctif de ce label, destiné à être apposé sur les véhicules et à figurer sur les documents y faisant référence, est défini par arrêté conjoint du ministre chargé des transports et du ministre chargé de la consommation. - (Adopté.)
Article 3
I. - Toute référence au label « autopartage » dans la publicité ou la présentation de tout produit ou service, ainsi que sur les documents commerciaux qui s'y rapportent, doit être accompagnée d'informations claires sur le champ de ce label et d'une référence au décret en Conseil d'État visé à l'article 2 de la présente loi.
II. - Est puni des peines prévues à l'article L. 213-1 du code de la consommation :
1° Le fait, dans la publicité ou la présentation de tout produit ou service, ainsi que dans les documents commerciaux de toute nature qui s'y rapportent, de faire référence au label « autopartage » sans respecter les conditions définies par la présente loi et ses textes d'application ;
2° Le fait de délivrer, en violation des dispositions prévues par la présente loi et ses textes d'application, un titre, un certificat ou tout autre document attestant qu'une société a pu bénéficier du label « autopartage » ;
3° Le fait d'utiliser tout moyen de nature à faire croire faussement qu'une personne morale satisfait aux conditions définies par le décret en Conseil d'État prévu à l'article 2 de la présente loi ;
4° Le fait d'utiliser tout moyen de nature à faire croire faussement au consommateur qu'un service a fait l'objet de la labellisation « autopartage » ;
5° Le fait de présenter à tort comme garanti par l'État ou par un organisme public tout service ayant fait l'objet de la labellisation « autopartage ». - (Adopté.)
Titre III
Mesures tendant à favoriser l'autopartage
Article 4
I.- Le quatrième alinéa (3°) de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « et aux véhicules bénéficiant du label "autopartage" défini par l'article 2 de la loi n° ..... du ..... tendant à promouvoir l'autopartage » ;
II.- Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret détermine les modalités de signalisation de ce type d'emplacements réservés aux véhicules bénéficiant du label « autopartage ». » - (Adopté.)
Article 5
Le deuxième alinéa de l'article L. 123-1-2 du code de l'urbanisme est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le plan local d'urbanisme peut prévoir, dans des limites précisées par décret, un nombre de places inférieures dès lors qu'une partie d'entre elles est réservée aux véhicules labellisés "autopartage". »
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Ries, Repentin, Bel, Bodin, Courteau, Dreyfus-Schmidt, Le Pensec, Madec, Marc, Michel, Pastor et Picheral, Mme Printz, M. Reiner, Mme Schillinger, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du II de l'article 7 de la loi d'orientation des transports intérieurs n° 82-1153 du 30 décembre 1982 est complété par les mots : «, d'autopartage et de covoiturage ».
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Les collectivités locales organisent, dans la limite de leurs compétences respectives, des services de transports publics réguliers de personnes. En vertu du paragraphe II de l'article 7 de la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982, la LOTI, elles « peuvent aussi organiser des services de transports à la demande ».
Aujourd'hui, au nombre des nouveaux services de mobilité appelés à se développer en zone urbanisée comme en zone rurale se trouvent la mise à disposition de véhicules en libre-service, c'est-à-dire l'autopartage, ainsi que le covoiturage.
En pratique, les jeunes des quartiers défavorisés, les femmes et les chômeurs de longue durée qui disposent d'un véhicule pour se déplacer sont peu nombreux, ce qui limite considérablement leurs chances de trouver un emploi. Donner la possibilité aux autorités responsables de services de transports de créer et d'exploiter de tels services de mobilité ne peut donc qu'améliorer les conditions d'employabilité de ces personnes. La prestation « aide à la mobilité et transports de personnes ayant des difficultés de déplacement » étant éligible au dispositif CESU, chèque emploi service universel, il faut développer ces services qui vont dans le sens de la mobilité pour tous. S'impliqueront également dans la mobilité des citoyens les services sociaux et les employeurs, ce qui permettra sans doute d'atteindre les objectifs fixés par l'article 123 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
La modification proposée laisse donc toute latitude aux autorités organisatrices de suivre ou non cette initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roland Ries, rapporteur. Cet amendement est parfaitement cohérent avec l'article 6 de la proposition de loi, qui tend lui-même à modifier la LOTI en ce qui concerne les PDU. Il vise à intégrer l'autopartage et le covoiturage dans le champ de compétences dont disposent, aux termes de la LOTI, les autorités publiques en matière de transport. En quelque sorte, l'autopartage et le covoiturage sont des éléments qui viennent compléter la boîte à outils placée entre les mains des collectivités publiques. Il revient ensuite à ces dernières d'assurer une certaine complémentarité entre les politiques des transports publics, du vélo, de l'autopartage et du covoiturage.
Toutes ces mesures doivent donc être cohérentes les unes avec les autres afin de parvenir à l'objectif final, à savoir proposer une alternative crédible à l'usage privatif de l'automobile.
En conséquence, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Permettez-moi d'abord de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, tout l'intérêt que, en tant que ministre de la culture, je porte à ce débat, où il est au fond question d'ouverture d'esprit et de créativité appliquées au domaine des transports. Dominique Perben, ministre des transports, ne pouvait être présent cet après-midi, mais il me paraît symbolique qu'il soit remplacé par le ministre de la culture.
Quant à l'amendement n° 2 rectifié, il tend à introduire dans les compétences dévolues aux autorités organisatrices des activités ne relevant pas à proprement parler du transport public de voyageurs un certain nombre de responsabilités nouvelles. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de votre assemblée.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré, après l'article 5.
Article 6
L'article 28-1 de la loi n° 82-1153 d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 est ainsi modifié :
1° Dans le sixième alinéa (4°), après les mots : « mobilité réduite, » sont insérés les mots : « les emplacements réservés aux véhicules bénéficiant du label "autopartage" défini à l'article 2 de la loi ... du ... tendant à promouvoir l'autopartage » ;
2° Après les mots : « transports en commun », la fin du huitième alinéa (6°) est ainsi rédigée : « du covoiturage et de l'autopartage ». - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble des conclusions de la commission, je donne la parole à Mme Adeline Gousseau, pour explication de vote.
Mme Adeline Gousseau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous venons de débattre a pour objet de promouvoir l'autopartage, c'est-à-dire de mettre à disposition des véhicules en libre-service pour des particuliers ou des entreprises abonnés.
Des expériences d'autopartage existent déjà dans d'autres pays européens et dans certaines villes de France, et elles sont de plus en plus nombreuses. Parmi celles-ci, sur l'initiative de son maire, notre collègue Fabienne Keller, la ville de Strasbourg a mené une action exemplaire. Je ne reviendrai pas sur cette expérience, dont Francis Grignon a donné tous les détails utiles au cours de la discussion générale, démontrant tout l'intérêt qu'il y a d'encourager cette forme nouvelle de déplacement, en complémentarité avec les autres modes de transport.
En effet, l'autopartage permet d'offrir à nos concitoyens un mode de déplacement en meilleure adéquation avec leurs besoins puisque ceux-ci pourront utiliser une voiture du gabarit idoine, le temps nécessaire - souvent bref -, sans en être propriétaire, c'est-à-dire sans devoir assumer personnellement les charges liées aux frais de garage et d'entretien.
Ainsi, l'autopartage constitue une facilité et une économie pour le consommateur en ce qu'il limite l'utilisation de l'automobile en propriété directe, lui permettant de renoncer à l'acquisition d'un premier, voire d'un second véhicule.
Du point de vue de la collectivité, l'autopartage réduit la pollution automobile, contribue à une plus grande fluidité de la circulation et assure une meilleure utilisation de l'espace urbain, notamment en termes de stationnement : une voiture partagée remplace jusqu'à sept voitures particulières.
En outre, il apparaît que l'autopartage n'entre pas en concurrence avec les autres modes de transport. Il tend au contraire à favoriser leur utilisation, qu'il s'agisse des transports en commun, des taxis ou de la circulation douce.
La présente proposition de loi comporte plusieurs dispositions de nature à développer l'autopartage, dont nous venons de voir l'effet positif en termes économiques, environnementaux et urbains. Ainsi, il nous est proposé : de définir juridiquement l'autopartage ; de créer un label « autopartage » ; de donner la possibilité aux maires qui le souhaitent de réserver des emplacements de stationnement aux véhicules d'autopartage en toute sécurité juridique ; de satisfaire, dans le cadre d'un projet immobilier, à l'obligation de réaliser des places de stationnement en créant des places réservées à l'autopartage ; enfin, d'offrir la possibilité de prendre en compte l'autopartage dans les plans de déplacements urbains.
Pour toutes ces raisons, et convaincu de la pertinence de l'expérience strasbourgeoise menée par notre collègue Fabienne Keller, le groupe UMP apportera son soutien à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je constate que l'unanimité s'est faite tout au long de nos débats, et je m'en félicite. En effet, ce n'est pas tous les jours qu'une proposition de loi socialiste recueille l'unanimité !
Mme Gousseau vient d'évoquer notre collègue Fabienne Keller, maire de Strasbourg, mais c'est un ancien maire de cette ville, notre ami Roland Ries, qui a eu le mérite de déposer cette proposition de loi ; je tenais bien évidemment à lui rendre hommage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions, modifiées, du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 183.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Je constate que cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)