sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
3. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Sueur.
Amendement no 655 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, MM. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. - Vote réservé.
Amendement no 161 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 162 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 509 de M. André Vallet. - Mme Françoise Férat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 163 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendements identiques nos 164 de Mme Raymonde Le Texier et 668 de M. Roland Muzeau. - Mmes Raymonde Le Texier, Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 445 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 669 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 165 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 446 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 656 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 661 de M. Roland Muzeau. - Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 166 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 168 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 167 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 506 de M. Michel Mercier. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 169 rectifié de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendements identiques nos 450 de M. Jean Desessard et 664 de M. Roland Muzeau ; amendement no 662 de M. Roland Muzeau. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 663 de M. Roland Muzeau. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
5. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Amendement no 448 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. - Vote réservé.
Amendement no 449 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 658 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendements identiques nos 170 rectifié de Mme Raymonde Le Texier, 507 rectifié de M. Jean Vanlerenberghe et 657 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Courteau, Jean Vanlerenberghe, Robert Bret, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendements identiques nos 171 de Mme Raymonde Le Texier et 665 de M. Roland Muzeau. - Mme Gisèle Printz, MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 442 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 172 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Roger Madec, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 505 de M. Michel Mercier. - Mme Catherine Morin-Desailly, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 659 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 173 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 174 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 452 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 508 de M. Michel Mercier. - MM. André Vallet, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 175 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Roger Madec, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 176 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 510 de M. Philippe Nogrix. - MM. Philippe Nogrix, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 177 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 451 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 453 de M. Jean Desessard. - Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 666 de M. Roland Muzeau. - Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 671 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre délégué. - Vote réservé.
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. Roland Muzeau, Mmes Marie-Christine Blandin, Raymonde Le Texier, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. André Vézinhet. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 146 rectifié, 273 rectifié, 440 et 648.
MM. Philippe Nogrix, Jean-Pierre Godefroy, Roland Muzeau, Jean-Luc Mélenchon, François Fortassin. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement no 501.
Mme Évelyne Didier. - Rejet de l'amendement no 650.
MM. Yannick Bodin, Jacques Mahéas. - Rejet de l'amendement no 148.
Mme Gisèle Printz, M. David Assouline. - Rejet de l'amendement no 147.
Suspension et reprise de la séance
MM. Josselin de Rohan, le président
Suspension et reprise de la séance
6. Candidatures à une commission mixte paritaire
7. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Vote sur les amendements (suite)
M. Guy Fischer. - Rejet de l'amendement no 670.
Rejet des amendements nos 444, 149 rectifié et 443, 441, 150 rectifié.
M. Roland Muzeau - Rejet de l'amendement no 651.
Mme Gisèle Printz, M. Jacques Mahéas. - Rejet de l'amendement no 151.
Mme Gisèle Printz. - Rejet de l'amendement no 152.
M. Yannick Bodin. - Rejet de l'amendement no 155.
Mme Valérie Létard, M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 502 rectifié.
M. Guy Fischer - Rejet de l'amendement no 667.
Rejet de l'amendement no 447.
Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Mahéas, René-Pierre Signé, François-Noël Buffet. - Rejet de l'amendement no 154.
MM. Claude Domeizel, André Lardeux, Éric Doligé, Bernard Frimat, David Assouline, Louis Souvet. - Rejet de l'amendement no 156.
MM. Roland Muzeau, Josselin de Rohan, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le ministre - Rejet de l'amendement no 660.
Rejet de l'amendement no 504.
MM. Jean-Pierre Godefroy, Jacques Mahéas, Jean-Luc Mélenchon. - Rejet de l'amendement no 153.
M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 652.
Rejet de l'amendement no 653.
M. Jean-Pierre Sueur, Mme Bariza Khiari. - Rejet de l'amendement no 157.
MM. Jean-Pierre Sueur, Jacques Mahéas, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet de l'amendement no 158.
MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Luc Mélenchon. - Rejet de l'amendement no 159 rectifié.
Mme Gisèle Gautier, MM. Jean-Pierre Sueur, David Assouline, Michel Mercier, Hugues Portelli. - Rejet de l'amendement no 503.
Rejet de l'amendement no 654.
Rejet de l'amendement no 160.
M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 655.
Mme Gisèle Printz. - Rejet de l'amendement no 161.
Rejet de l'amendement no 162.
M. André Vallet - Rejet de l'amendement no 509.
Mme Patricia Schillinger. - Rejet de l'amendement no 163.
M. Claude Domeizel. - Rejet des amendements nos 164 et 668.
M. Jean-Luc Mélenchon, Paul Girod. - Rejet de l'amendement no 445.
M. Guy Fischer. - Rejet de l'amendement no 669.
Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, Jean-Luc Mélenchon. - Rejet de l'amendement no 165.
Rejet de l'amendement no 446.
M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 656.
M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 661.
Mme Gisèle Printz. - Rejet de l'amendement no 166.
Rejet de l'amendement no 168.
M. Yannick Bodin. - Rejet de l'amendement no 167.
MM. Éric Doligé, Josselin de Rohan, Bernard Frimat, Jean-Marie Vanlerenberghe, Michel Mercier. - Rejet de l'amendement no 506.
Rejet de l'amendement no 169 rectifié.
présidence de m. christian Poncelet
Rejet des amendements nos 450 et 664.
Mme Hélène Luc. - Rejet de l'amendement no 662.
Rejet de l'amendement no 663.
M. Jean-Pierre Sueur. - Rejet de l'amendement no 448.
Rejet de l'amendement no 449.
M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 658.
MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Marie Vanlerenberghe, David Assouline, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet des amendements nos170 rectifié, 507 rectifié et 657.
MM. Jean-Pierre Sueur, Roland Muzeau. - Rejet des amendements nos 171 et 665.
M. Jean-Pierre Sueur. - Rejet de l'amendement no 442.
Rejet de l'amendement no 172.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Rejet de l'amendement no 505.
Rejet de l'amendement no 659.
Mme Patricia Schillinger, M. Jean-Pierre Sueur. - Rejet de l'amendement no 173.
M. Yannick Bodin. - Rejet de l'amendement no 174.
M. Jean-Pierre Sueur. - Rejet de l'amendement no 452.
Rejet de l'amendement no 508.
Mme Raymonde Le Texier. - Rejet de l'amendement no 175.
Mmes Raymonde Le Texier, Bariza Khiari, M. Claude Domeizel. - Rejet de l'amendement no 176.
Rejet de l'amendement no 510.
Rejet de l'amendement no 177.
Rejet de l'amendement no 451.
Rejet de l'amendement no 453.
M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 666.
M. Roland Muzeau. - Rejet de l'amendement no 671.
Vote sur l'ensemble de l'article
MM. Jean-Pierre Godefroy, David Assouline, Pierre-Yves Collombat, Roland Muzeau, Guy Fischer, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Pierre Fourcade, Thierry Repentin, Michel Mercier, Éric Doligé.
Adoption, par scrutin public, de l'article 3 bis.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT D'UN RAPPORT du Gouvernement
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les orientations de la politique de l'immigration, conformément à l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des lois.
3
égalité des chances
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (n°s 203, 210, 211, 212, 213, 214).
Rappels au règlement
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'ai lu ce matin dans la presse que le Premier ministre avait dit que tout le temps nécessaire serait consacré aux débats sur le contrat première embauche au Sénat.
Compte tenu de cet engagement, je voudrais que M. le ministre nous dise si nous aurons la possibilité de donner notre avis sur les amendements que nous examinons ou si nous serons encore une fois empêchés de parler. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 49...
M. Guy Fischer. C'est le meilleur !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... et il concerne l'organisation de nos travaux.
Nous avons un objectif commun, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs : que le Sénat débatte dans la sérénité de l'ensemble des 40 articles qui composent désormais le projet de loi pour l'égalité des chances.
Nous souhaitons avoir un débat qui n'a pas eu lieu à l'Assemblée nationale.
Or, quelle est la situation actuelle ?
Après trois jours de séance et près de trente heures de débats, seul l'article 1er a été adopté.
Sur les 86 amendements déposés sur l'article 3 bis, seuls 40 ont été présentés hier.
Nous ne comprenons toujours pas l'objectif de la réserve des votes sur les amendements de l'article 3 bis.
Cherchez-vous à gagner du temps ? Je crois que la démonstration a été faite hier qu'aucun gain n'est à attendre de ce côté.
Cherchez-vous à appliquer l'article 44, alinéa 3, de la Constitution et à recourir au vote bloqué au Sénat après le passage en force à l'Assemblée nationale avec l'article 49-3 ? C'est une question que nous posons inlassablement.
Nous voulons bien croire que ce n'est pas votre objectif, même si le doute est légitime.
Si l'organisation de nos débats reste celle que vous nous avez imposée hier, le Sénat va se transformer, le temps d'une séance, en Parlement européen. Nous aurons à l'issue de la présentation des amendements une série de 86 votes pour lesquels les sénateurs présents ne sauront pas à quels amendements précis ils se réfèrent.
C'est surréaliste et presque sans précédent.
Ce n'est pas, vous en conviendrez, favorable à la sérénité de nos débats.
Aussi, je vous fais solennellement une proposition : même si vous persistez dans la réserve des votes, les sénateurs du groupe socialiste présenteront un nombre limité d'explications de vote.
Ainsi, vous ne pourrez pas prendre prétexte d'une obstruction qui n'existe que dans vos discours pour mieux justifier l'usage cumulatif de toutes les procédures susceptibles d'accélérer les débats, procédures que je recense pour mémoire.
Premièrement, la demande de réserve jusqu'à la fin du titre 1er de tous les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant ou après les articles 1er, 2, 3 et 3 bis, relatif au CPE.
Deuxièmement, la levée de la discussion commune conformément à l'article 49-2 du règlement du Sénat.
Troisièmement, la demande d'examen en priorité de certains amendements, afin de faire « tomber » les amendements contraires, en général ceux de l'opposition.
Quatrièmement, l'exception d'irrecevabilité prévue à l'article 44-2 du règlement du Sénat : la commission des affaires sociales a déposé une motion déclarant irrecevables 25 amendements à l'article 1er qui, selon elle, sont « dépourvus de tout lien avec l'objet du texte en discussion ».
Cinquièmement, la décision de la conférence des présidents, convoquée vendredi à quatorze heures trente, qui a ajouté aux jours prévus pour l'examen du projet de loi le mercredi 1er mars au matin ainsi que, éventuellement, le samedi 4 mars, le matin et le soir, et le dimanche 5 mars.
Sixièmement, l'invocation de l'article 40 de la Constitution : ont été déclarés irrecevables les amendements dont l'adoption « aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ».
Septièmement, l'irrecevabilité de l'article 44-2 de la Constitution, qui a été invoquée à l'encontre des sous-amendements déposés par le groupe communiste.
Huitièmement, la clôture du débat : l'article 38-1 du règlement du Sénat dispose : « Lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans la discussion générale, sur l'ensemble d'un article ou dans les explications de vote portant sur un amendement, un article ou l'ensemble du texte en discussion, le Président ou tout membre du Sénat peut proposer la clôture de cette discussion ».
Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, soyez raisonnables et considérez que toutes ces mesures ne nous empêcheront pas de nous exprimer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite faire une brève intervention sur les articles 51 à 62 du règlement.
Monsieur le président, je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a très souvent insisté sur la nécessaire intelligibilité de la loi.
Or, nous nous sommes trouvés hier soir dans une extrême confusion sur la question essentielle de la motivation du licenciement, c'est-à-dire sur le fait de savoir si l'on peut licencier un jeune sans motivation.
Monsieur le ministre, dont nous connaissons les qualités et la force de conviction, nous a fait un discours sur la différence entre la motivation et la justification, qui était totalement incompréhensible. (Sourires)
Sur un sujet aussi grave, il n'est pas possible que l'on ne nous laisse pas expliquer notre vote, amendement après amendement.
C'est pourquoi il me semble très important de changer la procédure.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir accordé la parole.
M. le président. Ce n'était pas un rappel au règlement !
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 3 bis appelé en priorité, à l'amendement n° 655.
Par ailleurs, je vous rappelle que les votes ont été réservés jusqu'à la fin de cet article.
Article 3 bis (suite)
I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche d'un jeune âgé de moins de vingt-six ans, un contrat de travail dénommé « contrat première embauche ».
L'effectif de l'entreprise doit être supérieur à vingt salariés dans les conditions définies par l'article L. 620-10 du même code.
Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 du même code.
II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.
Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à l'exception, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 du même code.
La durée des contrats de travail, précédemment conclus par le salarié avec l'entreprise ainsi que la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié au sein de l'entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, de même que la durée des stages réalisés au sein de l'entreprise sont prises en compte dans le calcul de la période prévue à l'alinéa précédent.
Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, dans les conditions suivantes :
1° La rupture est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
2° Lorsque l'employeur est à l'initiative de la rupture et sauf faute grave ou force majeure, la présentation de la lettre recommandée fait courir, dès lors que le salarié est présent depuis au moins un mois dans l'entreprise, un préavis. La durée de celui-ci est fixée à deux semaines, dans le cas d'un contrat conclu depuis moins de six mois à la date de la présentation de la lettre recommandée, et à un mois dans le cas d'un contrat conclu depuis au moins six mois ;
3° Lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave, l'employeur verse au salarié, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l'indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat. Le régime fiscal et social de cette indemnité est celui applicable à l'indemnité mentionnée à l'article L. 122-9 du code du travail. À cette indemnité versée au salarié s'ajoute une contribution de l'employeur, égale à 2 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat. Cette contribution est recouvrée par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 351-21 du code du travail conformément aux dispositions des articles L. 351-6 et L. 351-6-1 du même code. Elle est destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en vue de son retour à l'emploi. Elle n'est pas considérée comme un élément de salaire au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée prévue au 1°. Ce délai n'est opposable aux salariés que s'il en a été fait mention dans cette lettre.
Par exception aux dispositions du deuxième alinéa, les ruptures du contrat de travail envisagées à l'initiative de l'employeur sont prises en compte pour la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation régissant les procédures de licenciement économique collectif prévues au chapitre Ier du titre II du livre III du code du travail.
La rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.
En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat.
Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du congé de formation dans les conditions fixées par les articles L. 931-13 à L. 931-20-1 du code du travail.
Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du droit individuel à la formation prévu à l'article L. 933-1 du code du travail pro rata temporis, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date d'effet du contrat. Le droit individuel à la formation est mis en oeuvre dans les conditions visées aux articles L. 933-2 à L. 933-6 du même code.
L'employeur est tenu d'informer le salarié, lors de la signature du contrat, des dispositifs interprofessionnels lui accordant une garantie et une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement.
III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de quatre mois d'activité ont droit, dès lors qu'ils ne justifient pas de références de travail suffisantes pour être indemnisés en application de l'article L. 351-3 du même code, à une allocation forfaitaire versée pendant deux mois.
Le montant de l'allocation forfaitaire ainsi que le délai après l'expiration duquel l'inscription comme demandeur d'emploi est réputée tardive pour l'ouverture du droit à l'allocation, les délais de demande et d'action en paiement, le délai au terme duquel le reliquat des droits antérieurement constitués ne peut plus être utilisé et le montant au-dessous duquel l'allocation indûment versée ne donne pas lieu à répétition sont ceux applicables au contrat nouvelles embauches.
Les dispositions de la section 4 du chapitre Ier du titre V du livre III du code du travail sont applicables à l'allocation forfaitaire.
Les dispositions de l'article L. 131-2, du 2° du I de l'article L. 242-13 et des articles L. 311-5 et L. 351-3 du code de la sécurité sociale ainsi que celles des articles 79 et 82 du code général des impôts sont applicables à l'allocation forfaitaire.
Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.
L'État peut, par convention, confier aux organismes mentionnés à l'article L. 351-21 du code du travail ou à tout organisme de droit privé la gestion de l'allocation forfaitaire.
Un accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 351-8 du code du travail définit les conditions et les modalités selon lesquelles les salariés embauchés sous le régime du contrat institué au I peuvent bénéficier de la convention de reclassement personnalisé prévue au I de l'article L. 321-4-2 du même code. À défaut d'accord ou d'agrément de cet accord, ces conditions et modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.
IV. - Les conditions de mise en oeuvre du « contrat première embauche » et ses effets sur l'emploi feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
L'amendement n° 655, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° Lorsque l'employeur envisage la rupture d'un « contrat première embauche », il est tenu de respecter les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail ;
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je tiens à dire que le Gouvernement n'a pas cru bon de répondre aux deux rappels au règlement qui viennent d'être faits. Ce n'est pas nouveau. Hier, déjà, le ministre n'a pas répondu à nos interpellations. Le Gouvernement n'a rien à dire. Les chiffres du chômage doivent le laisser sans voix.
Comme nous l'avons largement déploré, l'article 3 bis déroge d'une façon générale au droit du travail, qu'il s'agisse des règles applicables aux CDD, mais aussi et surtout aux CDI, principalement en ce qui concerne les conditions de leur rupture et les garanties attenantes pour le salarié.
De l'exception posée permettant ni plus ni moins à l'employeur de licencier à sa guise, sans avoir à donner les motifs de sa décision et sans respecter une procédure précise, il résulte notamment que l'employeur n'est plus tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable d'embauche, qu'il n'a plus à respecter les articles encadrant les licenciements économiques.
Après la systématisation du licenciement pour motif personnel par les employeurs pour contourner la législation sur les licenciements économiques leur imposant l'établissement d'un plan social, une obligation de reclassement, - 76 % des licenciements aujourd'hui ne relèvent pas de plan de sauvegarde de l'emploi - les présentes dispositions et la rupture idéologique qui les sous-tend préparent l'explosion des licenciements sans motif.
S'agissant des licenciements collectifs du CPE entrant pourtant dans le cadre des licenciements pour motif économique, la seule règle actuelle qui continuera à s'appliquer concerne la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel. On ne sait cependant pas comment cette obligation s'appliquera, car il sera impossible pour les élus du personnel de contester le bien-fondé de la décision prise dans la mesure où cette dernière n'a plus à être motivée.
Ce n'est peut-être qu'un détail pour vous, mes chers collègues, mais je souhaite que le Gouvernement puisse préciser cet aspect flou du texte.
L'amendement n° 655 vise, quant à lui, à réintroduire dans le texte l'application au CPE d'une démarche de reclassement.
Le troisième alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail impose à la charge de l'employeur une obligation individuelle de reclassement des salariés. Il dispose que « le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé (...) ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ».
Même si, comme nous ne manquons pas de le regretter, cette obligation de reclassement ne contraint pas l'employeur à un résultat, même si le non-respect de cette obligation n'est pas sanctionné par la nullité de la procédure de licenciement, elle rappelle néanmoins ce dernier à sa responsabilité.
Même si, de plus, ladite obligation devait être renforcée afin de ne plus permettre des propositions de reclassement dans des emplois de catégorie inférieure, il nous semble toutefois que rien ne justifie qu'en raison de leur âge et du type d'emploi occupé, en l'occurrence un CPE, les jeunes salariés soient exclus du champ de cette obligation de reclassement.
L'objet de notre démarche est d'une part, d'éviter qu'une classe d'âge ne soit la perpétuelle variable d'ajustement des entreprises et que les parcours professionnels des jeunes concernés ne connaissent des ruptures et, d'autre part, de mettre l'employeur face à ses responsabilités en matière de formation, domaine qui le concerne, avant qu'il rencontre des difficultés économiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article L. 321-1 du code du travail prévoit, en son dernier alinéa, que le licenciement individuel pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement du salarié ne peut avoir lieu.
M. Guy Fischer. C'est du flan !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mon cher collègue, cette précision est bien indiquée dans l'article précité, que j'ai relu.
M. Guy Fischer. Vous l'avez appris par coeur !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le CPE vise à introduire plus de souplesse dans les modalités de rupture du contrat. Par conséquent, a priori, l'amendement n° 655 n'est pas compatible avec l'économie du dispositif.
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il est cependant tout à fait clair que la question du reclassement devra être étudiée postérieurement à l'évaluation prévue avant la fin de l'année 2008 et en fonction de l'expérience retirée du fonctionnement du CPE.
M. Roland Muzeau. C'est maintenant qu'il faut le faire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mon cher collègue, je vous remercie, car il s'agit d'une proposition intéressante. Cependant, pour l'instant, la commission émet un avis défavorable.
M. Guy Fischer. Entre les discours et les actes...
Mme Hélène Luc. Nous ne pouvons pas discuter ! Vous nous en empêchez !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je veux revenir sur deux points. Je vous rappelle tout d'abord que les partenaires sociaux doivent mettre en place une convention de reclassement personnalisé, qui s'applique à la fois au contrat « nouvelles embauches » et au contrat première embauche.
Par ailleurs, la multiplication des voies procédurales assure-t-elle une garantie supplémentaire aux salariés ? Je n'en suis pas tout à fait certain. Naturellement, il existe des droits, un ordre public social. Les éléments procéduraux doivent être clairs. De ce fait, il est nécessaire de clarifier le « maquis additionnel » qui vise le code du travail et qui justifie une recodification à droit constant.
La réflexion qui devra être engagée devra concilier la souplesse du marché du travail et sa sécurisation.
Monsieur le sénateur, pour les deux raisons que je viens d'évoquer, le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement n° 655.
Mme Évelyne Didier. C'est dommage !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 161, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du sixième alinéa (2°) du II de cet article, supprimer les mots :
ou force majeure
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Je crois le moment venu de faire le point de la situation.
L'identité collective par le travail résulte, notamment, du développement de droits uniformément reconnus à tous les travailleurs. À partir du moment où le besoin de sécurité physique et économique des salariés s'est inscrit dans des droits, ceux-ci ont constitué l'un des objets principaux de l'activité des organisations représentatives, qui font respecter les droits existants ou cherchent à en conquérir de nouveaux.
De la reconnaissance de ces droits, de leur accumulation et de leur organisation en système a émergé le droit du travail, qui tient lieu à la fois de procès-verbal et de rempart des conquêtes d'une classe sociale déterminée, ce qui a conduit à y voir un « droit ouvrier », autant dire un « droit de classe ».
La combinaison de ces droits a donné le jour à la situation juridique du travailleur salarié, autrement dit à un système de règles s'appliquant de manière uniforme à tous les salariés, réduisant ainsi progressivement le contrat de travail à un acte, condition de l'application d'un statut commun à tous les travailleurs.
C'est le contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée qui a joué ce rôle d'acte propre à donner aux travailleurs une véritable identité professionnelle. Tous ceux qui sont liés par un contrat de ce type se trouvent également unis entre eux par un sentiment d'appartenance à une même communauté professionnelle.
Le syndicalisme, la sécurité sociale, la mutualité ont été modelés sur leur situation juridique. Les ouvriers avaient un « état » au XIXe siècle et aujourd'hui ils sont intégrés dans un appareil de représentation et de protection de leurs intérêts.
La clé de voûte de la socialisation par le travail, c'est le contrat de travail à durée indéterminée. Il faut entendre par là que le travail ne suffit pas à assurer l'intégration sociale ; les exclus eux aussi travaillent et accomplissent même les tâches les plus dures et les plus rebutantes. Mais le travail n'est un instrument d'identification professionnelle, et donc d'intégration sociale, que dans la mesure où il s'inscrit dans une forme juridique stable, comme le statut du fonctionnaire ou le contrat à durée indéterminée du salarié. Les risques d'exclusion augmentent donc d'autant plus que l'on s'éloigne durablement de ce cadre de référence. S'en écarter provisoirement amène le salarié à relever d'un autre statut juridique, aujourd'hui bien assis, à savoir celui du chômeur temporaire, en transit entre deux emplois, et n'ayant droit qu'aux prestations de l'assurance souscrite à cet effet ou aux minima sociaux lorsque la situation se prolonge.
Avec ce projet de loi, nous sommes plus que jamais au coeur de la question. Au travers de la modification des règles juridiques relatives au contrat de travail, c'est cette identité collective que vous êtes en train de briser, mes chers collègues. Et nous avons la conviction qu'une partie d'entre vous le fait sciemment.
Certains mesurent parfaitement, avec le MEDEF, les enjeux du processus en cours. Il s'agit bien de détruire l'identité collective formée autour du travail, du statut salarial stable et des conquêtes sociales qui ont marqué son développement.
La compétitivité des entreprises, dans cette affaire-là, devient un alibi commode. En multipliant les formes juridiques sous lesquelles s'effectue le travail - CDD, intérim, contrats d'accès à l'emploi, contrats d'avenir, CPE, CNE, contrats de réinsertion-revenu minimum d'activité, les CIRMA, partage salarial, protection des services -, en précarisant toujours plus les travailleurs, en faisant toujours pression à la baisse sur les salaires, il ne s'agit pas seulement de favoriser systématiquement l'actionnaire au détriment du travailleur ; il s'agit aussi d'individualiser et d'isoler chaque travailleur et de détruire les bases du mouvement social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'application du préavis me paraît peu compatible avec une situation de force majeure. Il est donc naturel de prévoir cette exception à la règle. La commission émet par conséquent un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame le sénateur, nous avons déjà évoqué hier la force majeure. À cette occasion, j'ai indiqué que, dans un certain nombre de cas, le CPE pouvait apporter des garanties supérieures à celles qui sont prévues dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Je rappelle que la force majeure résulte d'un événement imprévisible, inévitable, insurmontable, créant une impossibilité absolue et durable d'exécuter le contrat de travail, sans que cette impossibilité puisse être imputée à l'employeur. Lorsqu'un cas de force majeure est reconnu, il emporte rupture immédiate du contrat de travail, sans que cette rupture puisse lui être attribuée.
L'employeur est donc dispensé de la procédure de licenciement et n'a pas à verser d'indemnités de préavis ou de licenciement. Il doit seulement acquitter au salarié l'indemnité de congés payés.
Or, dans le cadre du CNE, et demain du CPE, une indemnité de 8 % doit être obligatoirement versée. Les droits ouverts pour ces deux contrats - c'est la nouvelle procédure de sécurisation - sont supérieurs, en cas de force majeure, à ceux qui existent pour le contrat de travail à durée déterminé classique. C'est, me semble-t-il, un exemple de la construction d'un nouveau parcours de sécurisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Ce sera très peu utilisé ! Ce sera l'exception !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 162, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le sixième alinéa (2°) du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
En cas de faute grave, l'employeur est tenu de respecter la procédure prévue à l'article L. 122-41 du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement de précision tend, en cas de faute grave, à ce que l'employeur soit tenu de respecter la procédure prévue à l'article L. 122-41 du code du travail.
Monsieur le ministre, le projet de loi actuellement en discussion comporte une bizarrerie. Le licenciement peut être prononcé sans motif et sans que soit respectée une quelconque procédure. Laissons de côté la force majeure. En cas de faute grave, le licenciement devra bien être motivé puisque, si l'employeur n'invoque pas ladite faute vis-à-vis d'un salarié à l'encontre duquel il a quelques griefs, il devra respecter le préavis et assurer le paiement des indemnités de rupture. Il aura donc tout intérêt à invoquer la faute grave pour ne rien payer, comme de nombreux employeurs le font d'ores et déjà.
Pour invoquer la faute grave, surtout en prévision du recours qui ne manquera pas d'être intenté devant le conseil des prud'hommes, il faut bien qu'il définisse cette faute et qu'il l'indique évidemment par écrit.
C'est ce qui nous amène à demander, au moins dans ce cas de figure, l'application du code du travail. S'il y a faute grave présumée, l'employeur doit au moins être tenu de l'invoquer dans un délai raisonnable et non, par exemple, vingt et un mois après le début du contrat, soit avant la fin du CPE en l'occurrence.
Monsieur le ministre, une difficulté apparaît. Le code du travail indique notamment que la convocation à l'entretien préalable, en cas de procédure de licenciement, doit être envoyée au plus tard dans les deux mois à compter du jour de la connaissance des faits par l'employeur. Qu'en sera-t-il dans le cas du licenciement pour faute grave d'un salarié recruté par le biais d'un CPE ? Comment cela va-t-il s'articuler ?
Je veux maintenant évoquer un dernier point. Pour permettre à l'employeur d'être exonéré du respect du préavis et du paiement d'indemnités dans le cadre d'un licenciement pour faute grave, on arrive à ce paradoxe sidérant selon lequel le salarié sera le seul à « bénéficier », si je puis dire, d'un licenciement motivé.
Le salarié, dont on voudra simplement se débarrasser, bénéficiera glorieusement de quinze jours ou d'un mois de préavis et de son indemnité de 8 %, mais il n'aura pas le droit de savoir les raisons pour lesquelles il est licencié, sauf à contester son licenciement pour rupture abusive, la charge de la preuve pesant à ce moment-là sur lui.
Le salarié fautif aura déjà au moins de quoi contester son licenciement. Voilà qui démontre, si besoin en était, à quel point le dispositif que vous proposez est incohérent et source permanente de contentieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, estimant qu'il est satisfait. Le code du travail, je le répète, est applicable au CPE, les cas de fautes graves et de fautes non graves étant prévus dans le projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet amendement est superfétatoire, comme le disait M. le rapporteur. Car, dans le projet de loi, n'est pas exclu le respect de la procédure disciplinaire en cas de rupture pour faute du salarié. Cela nous renvoie à l'article L. 122-41 du code du travail, comme dans le cas d'un contrat à durée indéterminée classique.
Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement. Je rappelle que nous ne sommes pas dans une zone de non-droit social. Cela a été l'objet de nos échanges et de nos débats hier soir.
M. Alain Gournac, rapporteur. J'essaie de faire passer ce message !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 509, présenté par M. Vallet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après le sixième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... °L'accès au crédit est ouvert auprès des établissements bancaires aux salariés employés sous le régime d'un contrat de première embauche. Les banques ne peuvent invoquer ce régime pour refuser des éventuelles ouvertures de crédits.
La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. L'objet de cet amendement est d'éviter que les établissements bancaires ne puissent invoquer le contrat de première embauche pour refuser à un salarié l'accès au crédit. Les salariés en CPE doivent pouvoir bénéficier, à l'instar de n'importe quels salariés, d'ouverture de crédits pour l'achat de mobilier ou d'un véhicule, par exemple. C'est là un droit essentiel, qui apporte une protection élémentaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La rédaction de cet amendement est excessivement impérative. Si elle l'estime utile, une banque refusera d'accorder un crédit en invoquant les motifs habituels, sans mentionner le CPE.
M. Roland Muzeau. C'est comme pour licencier les travailleurs !
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur Muzeau, il n'existe pas un monde du CPE !
Peut-être M. le ministre pourrait-il nous rappeler à nouveau les initiatives prises par le Gouvernement afin de faciliter l'accès des titulaires de CPE au crédit bancaire ?
L'avis de la commission est défavorable.
M. Roland Muzeau. Les banquiers feront-ils comme les patrons ? Telle est la question !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle que le CPE est un CDI. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Non !
M. Alain Gournac, rapporteur. Si !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En ce qui concerne le CNE, le Premier ministre a engagé, avec la fédération des banques françaises, l'Association française des établissements de crédit et les compagnies d'assurances, un dialogue qui s'est révélé fructueux.
L'engagement qui a été pris par ces organismes représentatifs est bien de considérer le contrat « nouvelles embauches » et le contrat première embauche comme n'étant pas des instruments de discrimination.
S'agissant de l'accès au logement, le projet de loi apporte un progrès par rapport à la situation de précarisation actuelle. En effet, la moitié des CDD, pour les moins de vingt-six ans, sont d'une durée allant de moins d'un mois à un mois, et n'ouvrent pas droit à l'obtention de crédits de la part des organismes financiers.
C'est là l'un des éléments que le Gouvernement a pris en compte lors de ses négociations avec les organismes représentatifs, notamment du secteur bancaire.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 163, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du septième alinéa (3°) du II de cet article, après les mots :
des salaires
insérer les mots :
au sens de l'article L. 140-2 du code du travail
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Par cet amendement, nous proposons de préciser que le montant des salaires restant dus en cas de licenciement s'entend au sens de l'article L. 140-2 du code du travail.
Outre le salaire de base, le salaire brut, doivent être mentionnés les compléments ou accessoires de salaire. Il peut s'agir d'un mois double, d'un treizième mois, d'une prime de fin d'année ou de primes liées à des spécificités ou à des usages professionnels. Certains de ces accessoires de salaire ont un caractère obligatoire parce qu'ils sont mentionnés dans les conventions collectives. D'autres sont à la discrétion de l'employeur.
Quelle sera la situation du salarié en CPE au regard de ces primes et accessoires ? La jurisprudence admet que le droit à gratification soit subordonné à la condition d'appartenance à l'entreprise au moment de sa distribution.
J'en veux pour preuve deux arrêts de la Cour de cassation : le premier, en assemblée plénière du 5 mars 1993, et, le second, du 28 mai 2003 de la chambre sociale, aux termes desquels même en l'absence d'une disposition expresse excluant du bénéfice de la gratification les salariés ayant quitté l'entreprise avant la date de son versement, le droit au paiement d'une gratification calculée au prorata du temps de présence ne peut résulter que d'une convention expresse ou d'un usage, dont il appartient au salarié d'apporter la preuve.
On voit bien ce qui peut en résulter en ce qui concerne les contrats précaires.
La question se pose aussi, d'ailleurs, pour les salariés en contrat « nouvelles embauches ». Lorsqu'un salarié a quitté une entreprise depuis plusieurs mois, qui va le rappeler pour lui dire qu'il a droit à la prime de bilan ?
Cependant, le fait que le CPE soit ouvert dans toutes les entreprises, et pas seulement dans celles de moins de vingt salariés, amène à se poser une autre question : quelle sera la situation du salarié, notamment de celui qui aura été licencié, par exemple, après vingt-trois mois, au regard de l'intéressement ou du compte de participation ?
Que prévoyez-vous exactement, monsieur le ministre, pour garantir le versement de toutes les primes et accessoires de salaire au salarié licencié sans motif ? Qu'en sera-t-il pour l'intéressement et la participation ?
S'il est réembauché après trois mois de délai de carence, comment cela fonctionnera-t-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention, ma chère collègue. Le texte étant déjà fort complexe, je ne souhaite pas l'alourdir. S'adressant le plus souvent à des jeunes, il doit être lisible ! La commission est défavorable à cet amendement. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Le texte est simplifié !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Muzeau. Est une arnaque !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... s'il est encadré par des règles de procédure notamment s'agissant de la rupture du contrat pendant les vingt-quatre premiers mois, qui peuvent être minorés des temps de formation en alternance, des contrats, des stages ou de l'intérim, ne conduit à ne toucher aucune virgule en ce qui concerne les autres conventions collectives.
Quant aux dispositions relatives à l'intéressement et à la participation, mais aussi au plan d'épargne entreprise,...
M. Jean-Luc Mélenchon. L'intéressement pour un salarié qui travaille quatre mois : vous plaisantez !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... elles s'appliquent bien entendu à ces salariés pendant cette période de consolidation sous réserve du délai de trois mois,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il va passer un mois dans une entreprise !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... qui est le délai normal pour participer à l'intéressement ou à la participation.
Aucun de ces droits n'est touché. Cela me semblait aller de soi, mais il s'est révélé important d'apporter cette précision, pour la clarté du débat.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pendant un mois, il sera intéressé !
M. le président. Le vote est réservé.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 164 est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 668 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du septième alinéa (3°) du II de cet article, remplacer le pourcentage :
8 %
par le pourcentage :
15 %
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 164.
Mme Raymonde Le Texier. Par cet amendement, nous proposons de porter le montant de l'indemnité de précarité due au salarié en CPE de 8 % à 15 % du montant du salaire brut.
En quelque sorte, on peut dire que la précarité d'un jeune en CPE est bien plus grave encore que celle d'un salarié en CDD ou en intérim, puisqu'il peut être licencié à tout moment et sans motif, ce qui n'est pas le cas du salarié en CDD, qui ira jusqu'au terme de son contrat, sauf faute grave.
Le salarié vit dans une angoisse permanente. Il n'est jamais sûr d'être là encore le lendemain, le surlendemain et ainsi de suite !
Voilà ce que l'on propose à notre jeunesse. De cette angoisse quotidienne, il convient de tenir compte.
De plus, il faut rappeler que ce jeune ne pourra construire convenablement sa vie dans ces conditions.
Admettons, néanmoins, qu'il parvienne à obtenir d'une banque un crédit pour acheter une voiture d'occasion.
Les membres de l'Association française des banques ont, sur votre invitation et en tant que membres du MEDEF, indiqué que les salariés en CPE seront traités comme les salariés en CDI. C'est déjà, d'ailleurs, un aveu quant au fait que le CPE n'est pas un CDI. Passons !
Sur le fond, c'est prendre les jeunes pour des demeurés, ainsi que nous d'ailleurs, car les conditions de prêt sont toujours similaires : elles sont liées aux revenus, c'est-à-dire à leur montant et à leur durée prévisible, au patrimoine, à l'état de santé de l'emprunteur et, pour les jeunes, en particulier, souvent, à la caution éventuelle.
La vraie question que l'Association française des banques s'est bien gardée d'évoquer est celle de l'assurance chômage, qui est liée à l'emprunt.
S'il se trouve une banque qui prête à un jeune en situation de précarité totale, va-t-elle le faire sans assurance chômage ? Évidemment non. S'appuiera-t-elle sur la caution ? Oui, mais que se passera-t-il si l'emprunteur n'a pas la caution ou les garanties suffisantes, surtout à vingt-cinq ans ?
On peut dire que les conditions de prêt seront les mêmes pour un salarié en CPE ou en CNE que pour n'importe qui d'autre. En l'absence de garanties patrimoniales ou de caution solvable, il n'y aura pas d'emprunt possible. Petit handicap quand on démarre dans sa vie d'adulte !
Cependant, si l'on admet, comme je le disais au départ, que le jeune a fait un achat à crédit, au cas où il serait licencié du jour au lendemain, les mensualités vont continuer à courir. Il lui faudra donc payer, ce qui supposera le recours à la caution, la saisie de l'éventuel patrimoine, à moins que l'on n'opte pour la procédure de surendettement.
Je n'exagère même pas en disant cela, mais la vraie question est celle de la précarisation de la situation des jeunes, y compris de ceux qui peuvent accéder aujourd'hui à un CDI, et des difficultés économiques et sociétales que cela ne manquera pas de créer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 668.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement est relatif à la prime de précarité à laquelle le salarié embauché a droit dans le cadre d'un contrat de première embauche et en cas de licenciement.
Le paragraphe II tend à préciser que cette prime relève du même régime que la prime de précarité due aux salariés embauchés en CDD à la fin de leur contrat.
En revanche, le montant n'est pas le même, puisque, dans la prime initiale due après CDD, le montant est fixé à 10 % du montant total de la rémunération brute du salarié, alors que ce montant n'équivaudra qu'à 8 % du même total pour les salariés embauchés en CPE.
Pourquoi un tel écart ? Il est tout de même incroyable que le CDD devienne maintenant l'un des contrats les plus intéressants en termes de garantie des droits.
Avec le CNE et, maintenant, le CPE, le Gouvernement a définitivement installé la précarité, en la généralisant à toutes les formes d'emplois. En disant qu'avec le CPE ou le CNE il s'agit de faire des contrats à durée indéterminée, vous essayez en fait d'imposer de nouvelles normes sociales et vous plongez le monde du travail dans la fragilité professionnelle, sociale et familiale.
Dans la mesure où le licenciement peut intervenir à n'importe quel moment, après un court préavis, pendant les deux premières années, il est normal que les difficultés matérielles et personnelles engendrées par cette rupture de contrat soient compensées. C'est pourquoi nous estimons que la prime de précarité doit être plus importante et nous proposons de fixer son taux à 15 %. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. C'est intéressant !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut penser aux travailleurs de temps à autre !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'indemnité de précarité due à l'issue d'un CDD est fixée à 10 % de la rémunération brute. L'employeur d'un salarié en CPE devra payer 8 % d'indemnités de rupture, auxquels s'ajouteront 2 % de contributions destinées à financer des actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi.
Le montant total de ces indemnités est ainsi le même dans les deux cas.
Mme Évelyne Didier. Cela ne va pas dans la même poche !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il serait vraiment paradoxal de dissuader les employeurs de recourir au CDD plutôt qu'au CPE, en fixant une indemnité plus élevée pour la rupture de ce dernier contrat !
M. Roland Muzeau. Pourquoi ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Parce qu'il faut leur laisser le choix ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-France Beaufils. C'est contradictoire !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ayez au moins un argumentaire qui tienne !
M. Alain Gournac, rapporteur. L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Un parallélisme a été établi par les auteurs de ces amendements entre le taux de 10 %, applicable en cas de rupture du CDD, et celui de 8 %, qui concerne le CPE.
Or, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler hier à propos d'un amendement du groupe CRC, il existe une différence entre les deux contrats : Le titulaire salarié d'un CDD paie des cotisations sociales et des impôts, alors que celui d'un CPE en sera totalement exonéré.
En outre, dans un certain nombre de branches ou d'entreprises, il existe un accord collectif prévoyant une indemnité de rupture de CDD de 6 %, et non de 10 %.
Enfin, l'Association française des sociétés financières a effectivement indiqué par écrit à l'ensemble de ses sections, le 22 novembre 2005, que le CNE et le CDI devaient être traités sur le même plan lors de l'examen des demandes de crédits.
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela n'engage à rien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Parallèlement, nous constatons une augmentation de plus de 10 % des crédits distribués aux particuliers sur l'année 2005.
Par ailleurs, les assureurs, qui préparent actuellement un projet de convention permettant l'accès au logement et la mise en place d'une assurance logement dans le cadre du dispositif local LOCAPASS et de tous les dispositifs favorisant l'accompagnement social, nous ont dit, à la suite de leur audience, le 15 février dernier, par M. le Premier ministre que, dans l'attente de la signature de cette convention, la Fédération française des sociétés d'assurances avait demandé à ses adhérents de prendre en considération les demandes d'assurance de loyers impayés selon les modalités habituelles.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ils vont « prendre en considération » !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il n'y a donc pas d'exclusion.
La convention qui est en cours de préparation sera prête en même temps que l'ensemble des décrets permettant de proposer le CPE aux jeunes de moins de vingt-six ans.
M. Roland Muzeau. Escroquerie !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 445, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
I. Dans la première phrase du septième alinéa du II de cet article, remplacer le pourcentage :
8 %
par le mot :
15 %
II. Après la même phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :
Une convention ou un accord collectif de travail peut déterminer un taux plus élevé.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Alors que l'économie mondialisée occupe toutes les niches de non-droit social ou environnemental afin d'augmenter ses bénéfices, il existe tout de même des outils internationaux répondant à l'intérêt public et dont l'objectif est de faire rempart à des pratiques de prédation et d'exploitation des hommes, des femmes, voire des enfants dans les pays en voie de développement. C'est le cas, par exemple, de l'Organisation mondiale du travail, l'OIT. Nous allons bientôt devoir y recourir.
Le démantèlement à la française du code du travail conduit à la transgression des règles minimales de protection des travailleurs.
À la proposition des deux orateurs précédents, tendant à augmenter le taux des indemnités de rupture de 8 % à 15 %, j'ajoute une référence aux accords ou conventions collectives, car ceux qui prennent part à leur négociation sont plus expérimentés que les jeunes embauchés.
Je voudrais, au-delà de la condamnable précarisation induite par cet article du projet de loi, attirer votre attention sur le vécu d'instabilité auquel vous allez livrer les jeunes. Vous qui vantez les mérites de la croissance, vous n'êtes pas prêts de favoriser la consommation de ces nouveaux embauchés qui savent qu'ils pourront être licenciés brutalement, à n'importe quel moment.
Cet amendement vise au moins à ce que les indemnités de rupture de contrat ne soient pas en deçà de tout. En augmentant les indemnités de 8 % à 15 %, nous éviterons que les employeurs ne soient abusivement encouragés à user de pratiques peu responsables à l'égard de la société.
Prenons tous en compte ce qu'est le vécu réel : le loyer à payer, le préavis à déposer en cas de déménagement, les factures de gaz, d'électricité, les courses...
Quelle société préparez-vous ? Une société où les jeunes ne pourront plus construire leur autonomie ? Resteront-ils chez leurs parents, si ceux-ci peuvent les héberger, ou prendront-ils le risque de connaître l'expulsion et la spirale de l'exclusion ? Cette tiers-mondisation rampante, préfigurant une organisation sociale comparable à celle de nombre de grandes métropoles africaines, est lamentable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n'est pas normal d'entendre de pareils arguments !
On ne peut pas comparer la situation d'un jeune qui reste sur le trottoir à celle d'un autre jeune, qui aura la chance, grâce au CPE, d'entrer dans l'entreprise et de montrer ses compétences.
M. Roland Muzeau. Il y a de quoi s'étrangler quand on entend cela !
M. Alain Gournac, rapporteur. Chacun est libre de choisir. Pour ma part, entre les deux solutions, je préfère que le jeune travaille ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. L'esclavage, c'est bien aussi !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne s'agit pas du tout d'esclavage !
M. le président. Monsieur Mélenchon, vous n'avez pas la parole !
M. Guy Fischer. C'est de la pure provocation !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je réponds simplement à l'argumentation qui vient d'être présentée !
M. Guy Fischer. Elle est respectable !
M. Alain Gournac, rapporteur. Hier, vous disiez que je ne répondais pas assez !
Je suis persuadé que les propos que j'ai entendus seront pris en considération, mais je ne donnerai pas un avis favorable sur cet amendement, qui est similaire aux deux amendements précédents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Trouvez de bons arguments !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En cas de rupture d'un CDI au cours des deux premières années, le code du travail ne prévoit pas d'indemnités de rupture.
Dans le cas du CPE, il existe des indemnités croissantes dont le taux s'élève au minimum à 8 %. Nous proposons un taux plancher. Rien n'empêche les conventions collectives de prévoir plus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Ou de prévoir moins !
M. Roland Muzeau. Et dans la métallurgie !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Dans la métallurgie, il existe un accord global, qui a d'ailleurs été signé par les partenaires sociaux depuis fort longtemps.
M. Roland Muzeau. Avec trois syndicats minoritaires !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il ne s'agit donc pas d'une décision unilatérale.
L'avis est donc défavorable.
M. David Assouline. C'est Boulogne-Billancourt !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 669, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la troisième phrase du septième alinéa du II de cet article :
À cette indemnité versée au salarié s'ajoute une contribution de l'employeur variant en fonction de la date de la rupture du contrat : 8 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat lorsque la rupture intervient dans les six premiers mois ; 6 % de six à douze mois ; 4 % de douze à dix-huit mois ; 2 % de dix-huit à vingt-quatre mois.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous vous faisons une proposition.
Nous voulons construire un projet, mais aussi défendre le salarié.
M. Jean-Claude Gaudin. En fusillant les patrons !
M. Guy Fischer. S'agissant de l'indemnité de rupture, nous proposons de mettre en place une contribution supplémentaire qui serait versée par l'employeur et varierait en fonction de la date de rupture du contrat.
M. Robert Bret. C'est important !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela vous aiderait à garder les jeunes dans l'emploi !
M. Guy Fischer. Cet amendement vise donc à moduler et à augmenter le montant de la contribution de l'employeur au moment de la rupture du contrat et au regard des grandes situations de précarité que ne manquera pas de créer ce nouveau contrat dit de première embauche.
M. David Assouline. Intéressant !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le futur contrat unique !
M. Guy Fischer. Cet amendement complète le précédent, qui était relatif à la prime de précarité.
Nous avons rappelé en quoi la mise en place de ce contrat première embauche, qui s'inscrit dans la droite ligne du contrat nouvelle embauche, fait exploser les normes sociales en terme de précarité.
Depuis le développement d'un chômage de masse qui, d'ailleurs, est reparti à la hausse, contrairement à tout ce que l'on nous avait dit, ...
M. Robert Bret. Voilà qui explique la popularité du Premier ministre !
M. David Assouline. C'était tellement simple ! Le CNE n'a servi à rien !
M. Didier Boulaud. Il a fait « pschitt » ! Ci-gît le CNE !
M. Guy Fischer. ... on a vu s'opérer une distinction entre emplois stables et emplois précaires.
Mais, depuis l'arrivée de votre majorité au pouvoir, la dégradation des conditions d'emploi s'est généralisée : les emplois précaires, sous-qualifiés et mal rémunérés deviennent la norme.
Cette norme s'impose au détriment de l'emploi dit « typique » qui, à cause de cette majorité, va devenir de plus en plus rare.
Je rappelle que l'emploi typique, c'était l'emploi à temps complet, en contrat à durée indéterminée, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'existera plus !
M. Guy Fischer. ... qui offrait un niveau de revenu permettant une projection personnelle et familiale dans l'avenir, ainsi qu'un statut social et des droits, et dont nous avons bénéficié, ce qui nous a permis de prendre l'ascenseur social.
Et je suis persuadé qu'un certain nombre de mes collègues en ont également profité. Je ne parle pas de ceux qui sont bien nés.
M. David Assouline. C'est une formule !
M. Jean-Luc Mélenchon. Disons nés avec une cuillère d'argent dans la bouche !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De vermeil !
M. Guy Fischer. Actuellement, 17 % de la population active dispose d'un emploi précaire, pourcentage auquel il faut ajouter les 5 % de la population active qui se trouve en situation de sous-emploi, c'est-à-dire les personnes qui travaillent à temps partiel alors qu'elles souhaiteraient travailler plus. Au total, un travailleur sur cinq est victime de conditions d'emploi dégradées.
Mais ces chiffres ne tiennent pas compte du fléau que constitue le CNE, et que va renforcer le CPE.
Nous risquons aussi de voir se généraliser la pauvreté parmi les travailleurs, phénomène qui a fait son apparition ces dernières années et qui touche actuellement 3 millions de personnes, les « travailleurs pauvres ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a jamais eu autant de personnes qui gagnent moins que le SMIC.
M. Guy Fischer. Vous avez probablement conscience de la dérive induite par ces nouveaux contrats, monsieur le ministre, puisque vous envisagez une contribution supplémentaire des entreprises à hauteur de 2 % de la rémunération brute du salarié, afin de financer des actions en faveur des salariés privés d'emploi.
Mais cette mesure n'est pas suffisamment « désincitative » pour les employeurs. Le montant de la contribution limitée à 2 % ne permettra pas de décourager l'entreprise de se séparer d'un salarié.
Par cet amendement, et c'est là toute son intelligence,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet, c'est stupéfiant !
M. Guy Fischer. ... nous proposons que cette contribution soit modulable en fonction du moment où intervient le licenciement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela vous aidera à les garder dans l'emploi !
M. Guy Fischer. Plus celui-ci interviendrait rapidement, c'est-à-dire dans les tout premiers mois du CPE, plus le pourcentage de la compensation serait élevé.
Ce montant serait dégressif, dans la limite du taux de 2 % que vous préconisez, seulement si le salarié est licencié entre le 18ème et le 24ème mois.
Ces éléments de modulation pourraient avoir une véritable fonction de responsabilisation des entreprises, tout en offrant des moyens de financement non négligeables. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai bien évidemment écouté M. Fischer, qui a dit des choses intéressantes (Ah ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), même si ces dernières ne portaient pas tout à fait sur le contrat proposé aujourd'hui.
Monsieur Fischer, rendre le CPE nettement plus coûteux pour l'employeur que le CDD est tout à fait incompatible avec l'intention de la commission de favoriser l'utilisation de cet outil de lutte contre la précarité. Si le CPE n'est pas incitatif, pourquoi les futurs employeurs s'en serviraient-ils ? La commission émet donc un avis défavorable, mais elle se souviendra de vos intéressantes propositions dans l'avenir.
M. Didier Boulaud. Des promesses ! On a vu avec Sarkozy et GDF ce que cela voulait dire !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle que le projet de loi prévoit que les employeurs qui viendraient à rompre un contrat première embauche verseront une contribution, égale à 2 % de la rémunération brute depuis le début du contrat, au régime d'assurance chômage pour financer des actions d'accompagnement renforcé en direction du salarié dont le contrat est rompu.
Au moment de la négociation sur le régime de l'assurance chômage, il y a eu un débat sur la contribution des employeurs, notamment pour financer des actions d'accompagnement et de formation en faveur des demandeurs d'emploi indemnisés, pour divers types de contrat. Nous devons d'ailleurs aussi prendre en compte la situation des demandeurs d'emploi non indemnisés : nous étudions actuellement des propositions que nous vous présenterons dans les semaines qui viennent. Cependant, s'agissant des divers types de contrat, je veux à cet instant du débat citer les chiffres qui ressortent d'une étude parue à la mi-2005, chiffres qui font apparaître que la situation évolue peu.
Ainsi, à la mi-2005, les contrats à durée déterminée représentaient 5,2 % de l'ensemble des contrats alors que la part des contrats à durée indéterminée était de 89,3 %, avec d'ailleurs une relative inégalité entre les hommes et les femmes puisque ces dernières se voient moins souvent proposer des contrats à durée indéterminée.
Les contrats d'apprentissage représentaient 1,1 % de l'ensemble des contrats. Ce pourcentage, on le sait, est en croissance, et les chiffres du mois de janvier, puisqu'ils ont été évoqués, confirment les bons résultats des contrats d'apprentissage et des contrats de professionnalisation.
Enfin, la part des contrats intérimaires était de 2,1 %, et celle des contrats aidés de 2,3 %.
Hors les CDI, il s'agit donc de contrats représentant un peu plus de 10,6 % de l'ensemble des contrats. Voilà la réalité telle qu'elle est, et je crois que la dernière négociation sur le régime d'assurance chômage, qui est en cours d'agrément, a permis un certain nombre d'avancées dans ce domaine.
Le Gouvernement ne peut donc pas être favorable à votre amendement, monsieur Fischer.
Il n'en reste pas moins que la convention de reclassement personnalisé est bien financée en partie par l'employeur tout en ne constituant pas une sanction à son encontre : c'est sa contribution au parcours d'accompagnement du salarié dont le contrat a été rompu.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 165, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter l'avant-dernière phrase du septième alinéa (3°) du II de cet article par les mots :
et l'accès aux conventions de reclassement personnalisé prévues à l'article L. 321-4-2 du code du travail
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement prévoit l'accès à la convention de reclassement personnalisé pour le jeune victime d'un licenciement économique.
Dans cette situation, je le rappelle, le salarié devient stagiaire de la formation professionnelle et doit alors pouvoir bénéficier d'actions d'orientation, d'actions de bilan de compétences, éventuellement d'actions de validation des acquis de l'expérience, ou VAE, et, bien évidemment, d'actions de formation, en particulier de formation qualifiante.
La convention de reclassement personnalisé est nettement plus précise que les actions d'accompagnement du salarié telles que vous les entendez et telles que vous les proposez dans le cadre de cet article concernant le contrat première embauche.
La convention de reclassement personnalisé permet au bénéficiaire de construire un parcours professionnel, un parcours de formation qui, de notre point de vue, lui permettra d'espérer davantage au moins un retour à l'emploi.
Dans ce cas, non seulement le jeune ne sera pas dans l'impossibilité de refuser n'importe quel emploi - j'insiste sur les mots : « n'importe quel » -, mais il aura en plus le statut de stagiaire, statut qui lui apportera une certaine sécurité et un complément de formation.
Nous proposons donc que l'accès des jeunes licenciés d'un contrat première embauche à une convention de reclassement personnalisé soit automatique, et cela dans tous les cas et quel que soit le déroulement des négociations internes dans l'entreprise avec les partenaires sociaux.
Accessoirement, je rappelle que, en cas de non-proposition au salarié, l'employeur se doit de verser aux ASSEDIC une contribution égale à deux mois du salaire brut du salarié licencié.
Vous ne cessez d'affirmer, monsieur le ministre, que le contrat première embauche est « l'outil miracle » pour faire baisser le chômage des jeunes. Au vu des chiffres du chômage de janvier, chiffres qui, à cause ou, peut-être, grâce au contrat nouvelles embauches, affichent une nouvelle augmentation, ce n'est pas gagné, et l'on peut craindre que vous n'ayez pas encore trouvé « l'outil miracle » !
Mais, pour le moins, vous devez permettre aux jeunes qui perdent leur emploi de bénéficier de tous les outils existants qui permettent de créer les conditions d'un possible retour à l'emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma chère collègue, personne n'a parlé d'« outil miracle ». On l'a dit et répété, en commission comme dans cet hémicycle, le CPE est « un outil » que nous estimons intéressant, mais, de là à parler d' « outil miracle », il ne faut pas exagérer !
Par ailleurs, je suis un peu étonné de ce que j'entends, car, à longueur de temps, vous nous reprochez de ne pas accepter le dialogue social. Attendons donc, ma chère collègue, d'avoir l'avis des partenaires sociaux !
Mme Christiane Demontès. Précisément !
M. Alain Gournac, rapporteur. Si vous voulez le dialogue social, laissez tout de même aux partenaires sociaux la possibilité d'exprimer leurs souhaits : vous ne pouvez être à la fois d'un côté et de l'autre.
Le 3° du II de l'article 3 bis prévoit, à défaut du bénéfice des conventions de reclassement personnalisé, des « actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en vue de son retour à l'emploi ». C'est nous qui avons un peu « poussé » le Gouvernement à accepter cette avancée, qui est donc due, mes chers collègues, au travail du Sénat !
M. Jean-Luc Mélenchon. Contre la cruauté gouvernementale ! (Sourires.)
Mme Christiane Demontès. Eh bien, allons jusqu'au bout ! Inscrivez-le dans la loi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il est important qu'il y ait un accord entre les partenaires sociaux sur la convention de reclassement personnalisé.
Le projet de loi renvoie donc à un accord entre les partenaires sociaux le soin de définir les conditions et les modalités selon lesquelles les salariés embauchés en contrat première embauche pourront bénéficier de la convention de reclassement personnalisé.
Je profite de cet instant pour rappeler qu'au moment de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale la convention de reclassement personnalisé n'avait pas suscité, sur les travées de gauche de cet hémicycle, un très grand enthousiasme. Or, aujourd'hui, l'ensemble des partenaires sociaux participent à la mise en oeuvre de ce dispositif et mettent en place, dans des territoires qui connaissent de plus grandes difficultés, des conventions de reclassement personnalisé « plus », d'ailleurs avec le soutien de régions et de départements. Je citerai l'exemple de Romans et du secteur de la chaussure, où il y a une convention de reclassement personnalisé « plus », ou celui de l'ouest de la France, où plusieurs conventions de reclassement vont être mises en oeuvre pour faire face, notamment, à l'évolution du secteur de l'électronique.
Il s'agit d'apporter des réponses à la fois en termes de réactivation des bassins, de contrats de site, et de revitalisation - en utilisant d'ailleurs un décret de l'été 2005 qui prévoit la participation des entreprises, et pas seulement des très grandes entreprises, au financement de la revitalisation des bassins d'emplois - et en termes d'accompagnement renforcé au travers d'une convention de reclassement personnalisé des demandeurs d'emplois.
Par ailleurs, sous l'impulsion du président de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, nous avons entamé une réflexion qui va plus loin que celle que j'annonçais à l'Assemblée nationale sur l'accompagnement personnalisé dans l'emploi, en particulier celui des jeunes dont c'est parfois le premier contact avec l'entreprise et avec l'emploi.
J'évoquais hier l'importance des taux de rupture, notamment pour les jeunes sortis sans qualification du système scolaire. Je rappelle les chiffres : 150 000 sans diplôme, 60 000 sans qualification.
M. Guy Fischer. Les patrons n'en veulent pas !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous voyons bien que l'accompagnement des premiers mois est tout à fait essentiel pour la réussite de l'entrée dans l'emploi et pour éviter ces importants taux de rupture, imputables aussi bien aux entreprises qu'aux salariés.
C'est à cela que doit s'attacher le service public de l'emploi, et, si la commission et son président le souhaitent, je pourrai les informer de ce que sera cet accompagnement personnalisé dans l'emploi - et non pas vers l'emploi, accompagnement qui relève du dispositif CIVIS, le contrat d'insertion des jeunes dans la vie sociale - de ceux qui auront signé un contrat première embauche, accompagnement dont certains auront besoin.
C'est, me semble-t-il, un élément extrêmement important pour éviter d'additionner les contrats, comme on le voit actuellement avec les contrats en intérim et les CDD. Tel est le sens de la démarche du Gouvernement, qui entend bien faire du CPE un élément anti-précarité...
M. Jean-Luc Mélenchon. On rêve !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... s'inscrivant dans une entrée consolidée dans l'emploi, notamment pour la génération des jeunes âgés de seize à vingt-six ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 446, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° L'employeur doit respecter l'article 122-14 du code du travail.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise à obtenir les garanties écrites d'un entretien préalable avant licenciement.
Vous n'avez eu de cesse, au-delà des arguments - que nous n'admettons pas - en faveur du CPE, de dire, de façon assez lapidaire, « c'est toujours mieux que rien »...
Mme Marie-Christine Blandin. ...et de donner à entendre aux médias la situation des jeunes en déshérence face à la rareté de l'emploi : en déshérence, peut-être, en fragilité, sûrement, face au foisonnement de statuts nouveaux aux contours incertains !
C'est pourquoi il est nécessaire que la personne « remerciée » - triste vocable - puisse bénéficier d'un entretien et être épaulée par ceux qui sont plus documentés et mieux outillés qu'elle sur le sujet.
Qui plus est, vous éviterez ce faisant la sensation de vide qui est celle du non-dialogue. On parle peu du suicide des jeunes. C'est un fléau, et il ne faut quand même pas ajouter au mépris, car le fameux « c'est toujours mieux que rien » sans accompagnement de reconnaissance de la dignité de l'individu porte en lui-même le système bien connu des harceleurs ou même d'autres professions interdites : la caresse puis la gifle, l'espoir puis la déception, l'apprivoisement puis la blessure. C'est ainsi que l'on casse les gens, économiquement et psychologiquement.
Lorsque les prud'hommes ont été amenés à se prononcer la semaine dernière, à la suite de la rupture contestée d'un contrat nouvelles embauches, M. le ministre s'est félicité...
Mme Marie-Christine Blandin. ...de cette preuve, selon lui, que le CNE n'était pas en dehors du cadre juridique. Mais pour que cela ait un minimum de véracité, dans votre logique, encore faudrait-il que les salariés en CNE ou en CPE aient les moyens matériels d'exercer leur droit.
C'est le sens de cet amendement, qui est indispensable pour que la grande majorité des jeunes de moins de vingt-six ans, qui souvent connaissent mal le code du travail, puissent se défendre et être reconnus dans leur parole.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Depuis le début de nos débats, nous avons déjà eu l'occasion à plusieurs reprises d'expliquer que nous souhaitions dans cette affaire beaucoup de souplesse.
L'entretien préalable fait partie des dispositions explicitement écartées par l'article 3 bis afin de donner à l'exécution du CPE cette fameuse souplesse nécessaire à l'embauche de la jeunesse précarisée.
Mais, monsieur le ministre, si la souplesse, c'est bien, le renvoi expéditif, c'est moins bien. C'est pourquoi il est nécessaire, à mon avis, à défaut de l'inscrire dans la loi, de tout mettre en place pour qu'il y ait une explication à l'intérieur de l'entreprise. Si le licenciement intervient simplement en raison d'une absence de commandes ou de l'existence de quelques difficultés, il est facile de le dire.
Nous souhaitons qu'il y ait, avant l'évaluation, une conversation entre la personne qui va quitter l'entreprise et le patron ou le chef de service.
Mme Nicole Bricq et M. Bernard Frimat. Vous êtes donc favorable !
M. Alain Gournac, rapporteur. Voilà ce que nous voulions dire. Mais évidemment, puisque nous sommes d'accord avec l'organisation du CPE, la commission émet un avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ai déjà eu l'occasion, lors de l'examen des amendements nos 667, 447, et répondant à Mme Gautier, d'expliciter à la fois la fonction de conseiller du salarié, laquelle peut être occupée par un salarié sous CPE, et l'assistance d'un salarié sous CPE par un conseiller, la procédure n'étant pas applicable pendant la période de consolidation.
Un débat sur la justification et la modification opposa jadis des théologiens. Je ne voudrais pas renvoyer à des manifestes célèbres, mais il faut comprendre que c'est là que se situe l'allégement procédural.
Dans aucun des cas, sachez-le, on ne doit oublier qu'un salarié, quel qu'il soit et quel que soit son contrat, peut s'adresser à la fois à l'inspection du travail, à une organisation syndicale de son choix et au conseil des prud'hommes, c'est-à-dire à la juridiction.
Je voudrais d'ailleurs rappeler que le Gouvernement entend renforcer les moyens de l'inspection du travail ; l'ordre public social, c'est en effet aussi des moyens donnés à cette dernière. Le Gouvernement présentera donc dans quelques jours un plan pluriannuel de renforcement des moyens de l'inspection, de la formation, de l'animation de l'inspection - le doublement du nombre de places au concours d'inspecteur et de contrôleur en 2006, et le maintien de ce rythme pour les années 2007, 2008 et 2009 -, ce qui nous permettra de rejoindre la moyenne européenne, notamment en termes d'effectifs de l'inspection.
Par ailleurs, je dois le dire, c'est aussi un moyen de répondre à l'information nécessaire pour le respect des relations du travail, qui doivent être équilibrées entre employeurs et salariés.
Ce renforcement de l'ordre public social contredit ceux qui pensent que la seule vocation du Gouvernement serait, comme je l'ai entendu, de détricoter en permanence le code du travail, ...
M. Guy Fischer. C'est sûr !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...comme si le code du travail était un tricot ! Nous avons besoin de voir dans le code du travail un outil pour les relations sociales équilibrées, et non une espèce d'empilement dans lequel plus personne ne se retrouve et à propos duquel seuls quelques exégètes donnent des interprétations souvent contradictoires avant que la chambre sociale de la Cour de cassation ne se prononce finalement après bien des années. Ce n'est pas notre vision des relations équilibrées du travail.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 656, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
La priorité de réembauchage prévue à l'article L. 321-14 du code du travail est applicable à la rupture du « contrat première embauche ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. En fait, monsieur le ministre, s'agissant de vos derniers propos, je peux indiquer à notre assemblée que votre feuille de route est contenue dans la revue du MEDEF ! (L'orateur brandit un exemplaire de cette revue. -Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Et oui, mes chers collègues, je suis un lecteur attentif de cette revue (M. François Trucy rit), parce qu'elle annonce toujours vos propositions ultérieures avant même que vous ne les présentiez ! Donc, forcément, je me sers à la source ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Ce numéro de novembre 2005 est consacré au code du travail, avec pour sous-titre : Une réforme urgente. Vous venez de confirmer que vous étiez en plein dedans, ce que je savais d'ailleurs pertinemment !
Monsieur le président, j'essaie d'animer un peu les débats, faute d'avoir le droit de répondre au ministre !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne vous en privez pas !
M. Roland Muzeau. J'en viens à l'amendement n° 656.
Comme nous le voyons depuis le début de l'examen de l'article 3 bis, le contrat première embauche, c'est le retour au XIXème siècle pour une génération de jeunes envers lesquels les employeurs n'auront plus à justifier d'un motif réel et sérieux de licenciement.
Pour sortir du chômage et de la précarité, les jeunes de moins de vingt-six ans se verront offrir comme perspective une angoisse au quotidien durant les deux premières années d'exécution du contrat, si tant est que celui-ci dure si longtemps.
Par le droit, vous les précarisez et dessinez ainsi sans complexe les contours de la nouvelle condition salariale, celle qu'analyse justement M. Patrick Savidan : des salariés taillables et corvéables à merci que l'on peut jeter, reprendre au gré des besoins de l'entreprise. Ce n'est pas une caricature, c'est votre CPE !
En défendant notre précédent amendement, je faisais remarquer que l'article 3 bis avait aussi pour conséquence de priver les salariés en CPE licenciés collectivement pour motif économique des garanties de droit commun, dont l'obligation de reclassement, mais aussi de la priorité de réembauchage.
En effet, l'article L.321-14 du code du travail dispose ceci : « Le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il manifeste le désir d'user de cette priorité. Dans ce cas, l'employeur l'informe de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. [...] »
Au passage, je vous signale que la jurisprudence considère qu'un poste tenu par des stagiaires est un poste disponible. Nous reviendrons donc sur cette question un peu plus tard.
Si l'employeur manque à ses obligations en ce domaine, il est passible d'une sanction financière.
Cette priorité de réembauchage doit être mentionnée dans la lettre de licenciement ou le document écrit adressé au salarié qui énonce le motif de licenciement, motif justement absent lors de la rupture du CPE, comme chacun s'en souvient.
Si, ainsi que vous le prétendez, le CPE est destiné à sécuriser les parcours professionnels, et donc de vie, des jeunes auxquels il s'adresse, il me semble pour le moins paradoxal de ne pas prévoir que les salariés dont le contrat est rompu bénéficient d'une priorité de réembauchage pendant un an dans l'entreprise.
Notre amendement remédie à cet oubli. Il est tout aussi paradoxal de ne pas avoir envisagé sérieusement la mise en place d'autres outils financés spécifiquement par l'employeur, comme un accompagnement personnalisé, visant eux aussi à permettre aux jeunes salariés de retrouver le plus rapidement possible un emploi.
En cas de rupture, le titulaire d'un CPE ne pourra pas prétendre de plein droit à l'indemnisation du chômage. Il entrera éventuellement dans le cadre des conventions de reclassement avec accompagnement personnalisé. Avec plus de chance, il se verra offrir un autre CPE.
M. Guy Fischer. Voilà ! Çà, c'est le MEDEF !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vais répondre à mon collègue. Mais peut-être le MEDEF a-t-il publié un numéro de sa revue depuis le mois novembre 2005 ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Je vous l'enverrai cet après-midi !
M. Alain Gournac, rapporteur. En effet, vous avez fait état d'un vieux numéro !
La priorité de réembauchage durant un délai d'un an en cas de licenciement pour motif économique vise surtout les salariés âgés, dont le réemploi est difficile.
Dans le cas du CPE, elle aurait une autre signification, qui ne serait pas bonne, s'agissant d'un jeune travailleur en recherche active d'un emploi.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ai rappelé hier que la priorité de réembauchage vaut pour le licenciement économique, mais n'est pas techniquement possible pour le CPE.
Enfin, monsieur Muzeau, puisque vous trouvez dans la revue du MEDEF l'anticipation ou la vision de l'avenir, je peux vous renvoyer à d'autres lectures (Exclamations sur les travées de l'UMP), et notamment à une déclaration d'un précédent président du MEDEF - c'était l'époque, je le reconnais, où un baron présidait le MEDEF, ce qui agrémentait quelque peu les interpellations lors de nos séances - qui parlait, au sujet de la recodification à droit constant, de mon art de manier le plumeau. Alors, est-ce le plumeau, est-ce le balai ?
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 661, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le huitième alinéa du II de cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. C'est un nouvel amendement de repli que je vous présente, puisque nous ne connaissons toujours pas le sort qui sera réservé aux quatre amendements de suppression de cet article 3 bis, ajouté par le Gouvernement.
Le début du onzième alinéa du texte proposé pour l'article 3 bis est ainsi rédigé : « Toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée ».
À l'époque des discussions parlementaires sur le CNE, le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Gournac, avait lui-même jugé « souhaitable que l'ordonnance encadre le recours au CNE », précisant même que « l'absence de motivation du licenciement est perçue par les syndicats auditionnés comme une régression difficilement acceptable. Il est vrai qu'elle ramène à une situation antérieure à 1973 et qu'elle confère à l'employeur un pouvoir discrétionnaire qui peut laisser craindre des abus. »
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vrai, je l'ai dit !
Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr !
Effectivement, les abus sont bien à craindre. À peine quelques mois après la mise en place du contrat nouvelles embauches, le conseil des prud'hommes voit déjà se développer des plaintes pour abus de la part d'employeurs qui n'ont pas attendu longtemps pour profiter du droit qui leur a été offert de traiter leurs salariés comme une simple variable d'ajustement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. De toute façon, dans la mesure où, durant les deux premières années, le licenciement peut se faire sans obligation de motif, les salariés seront contraints d'avoir recours aux tribunaux pour faire valoir leurs droits à comprendre la justification de leur licenciement.
En fait, en analysant en détail votre texte, on s'aperçoit que ce qui va poser problème au salarié pour alimenter son recours, c'est non pas tant le fait que le licenciement peut intervenir sans motif que l'absence d'obligation pour l'entreprise de fournir ce dernier.
D'ailleurs Mme Parisot défend son CNE en considérant qu'il est respectueux du droit dans la mesure où le salarié peut saisir les tribunaux. Les accusations portées par les salariés à l'encontre d'employeurs qui auraient abusé de la situation n'ont pas fini d'augmenter puisque, pour connaître le motif de son licenciement, le salarié n'a d'autre recours que d'assigner son employeur en justice.
En tout état de cause, face à cette multiplication des recours engagés par les salariés, l'employeur ne pourra pas longtemps et indéfiniment se retrancher derrière la présomption de bonne foi ou l'absence de nécessité de motiver la rupture.
On peut légitimement croire que ce onzième alinéa, qui introduit un délai de prescription pour les recours devant les tribunaux, est bel et bien là pour éviter cette inflation des plaintes devant les prud'hommes.
Par cet alinéa, les auteurs de ce projet de loi ont probablement essayé de limiter le désaveu que risque de subir le CPE à l'épreuve de la réalité, comme cela commence à se vivre avec le CNE.
Au cours de nos précédentes interventions, nous avons rappelé que les dispositions relatives au CPE, en particulier les articles concernant les licenciements, étaient en contradiction avec les conventions internationales, ainsi qu'avec les textes européens.
Par cet alinéa, vous franchissez une étape supplémentaire dans la mise en cause du droit. C'est pourquoi il est souhaitable qu'a minima il ne soit pas introduit de délai de prescription pour un recours juridique dans la mesure où c'est le seul rempart qui restera aux salariés face à votre déferlante de précarité et de dérégulation.
D'ailleurs, si, comme vous nous le dites depuis hier, ce CPE a été créé pour déboucher sur un CDI, vous n'auriez aucun risque à approuver notre amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma chère collègue, je voudrais vous remercier d'avoir corroboré les propos que j'ai tenus et que je ne regrette en aucune manière, même s'il est vrai que notre approche est quelque peu différente.
Pour ce qui nous concerne, nous tenons, je le répète, à rendre le système beaucoup plus souple.
S'agissant du délai d'un an, il vise à ce que le CPE soit suffisamment attractif pour réussir.
En effet, ce que nous voulons, c'est que les jeunes puissent entrer dans le monde du travail grâce, notamment, à la mise en place de cet outil important.
Toujours à propos du délai de douze mois, il me semble que le jeune ne doit pas tomber dans une espèce de contestation permanente. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il dispose d'un an, s'il le veut, pour contester la décision prise à son encontre, et je suis absolument d'accord avec cette mesure. Cela étant dit, je considère qu'il doit par la suite envisager autre chose de façon positive, car il en va de l'emploi et de la vie elle-même.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame la sénatrice, en matière de prescription, les dispositions adoptées lors du vote de la loi de programmation pour la cohésion sociale ont fixé le délai de recours pour licenciement économique à une année.
Je voudrais rappeler que, en matière de droit social, il existe une quinzaine de délais différents de prescription, allant de deux mois à trente ans, cette dernière durée étant applicable, notamment, en cas de discrimination, ce qui, en matière de licenciement, est tout de même, reconnaissons-le, un peu long !
Ce délai est de cinq ans dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Vous avez, par ailleurs, évoqué la situation d'autres pays européens. Or, dans le droit social comparé européen, cette situation est pour le moins contrastée s'agissant des licenciements économiques, la moyenne des délais se situant entre deux mois et un an.
Par conséquent, comme vous pouvez le voir, nous nous situons plutôt dans la moyenne de l'ensemble des pays de l'Union européenne.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement. En effet, le délai d'un an lui paraît apporter les garanties nécessaires, et ce d'autant plus que nous sommes dans une phase de consolidation qui s'étend au maximum sur vingt-quatre mois.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 166, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du huitième alinéa du II de cet article, après les mots :
portant sur la rupture
insérer les mots :
en cas de non-respect des présentes dispositions ou de rupture abusive
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il convient d'emblée de rappeler que le CPE, comme le CNE, fait l'objet d'une procédure « à la hussarde », que ce soit sous forme d'ordonnance ou d'amendement gouvernemental présenté au dernier moment.
Cette procédure permet d'éviter l'examen par le Conseil d'État et de ne pas tenir compte des engagements pris par le Gouvernement en matière du droit du travail, tant il est vrai que les dispositions proposées dans le domaine de l'emploi devaient, en principe, selon les termes de la loi Fillon, faire préalablement l'objet d'une consultation des partenaires sociaux.
Le CPE, comme le contrat nouvelles embauches, est techniquement un CDI, et, dès lors, soumis a priori à la législation applicable aux contrats de travail dans tous les domaines.
Or la question qui se pose aujourd'hui est de savoir quelle définition il convient de donner du CDI eu égard aux nombreuses autres catégories de contrats qui ont été créées depuis la montée du chômage de masse et l'invention du CDD, en 1982.
En effet, le CDI ne se différencie de cette multitude de contrats précaires que par ses conditions de rupture, notamment lorsque cette dernière est le fait de l'employeur : respect d'une procédure de licenciement - entretien préalable, lettre recommandée, délais, etc. - et obligation d'une cause réelle et sérieuse.
Depuis la loi du 13 juillet 1973, malgré certains aléas, ces conditions ont survécu.
Le droit du travail s'applique donc au CPE, sauf en ce qui concerne quelques articles du code du travail relatifs à la rupture du contrat, pendant une durée de deux ans. Ces articles concernent toutes les dispositions ayant trait à la rupture du contrat - articles L.122-4 à L. 122- 14- 14 -, à l'exception de l'article L. 122- 12 qui, lui, est relatif à la cessation de l'entreprise, devant donner lieu à préavis et à indemnité, et à la modification de la situation juridique de l'employeur - vente, fusion -, d'où la reprise des salariés par le nouvel employeur, avant un plan social.
Ne s'appliquent pas non plus au CPE, monsieur le ministre, les articles L. 321- 1 à L. 321- 17, relatifs au licenciement économique, ce qui implique que les jeunes en CPE ne seraient pas comptabilisés dans un plan social et ne bénéficieraient ni d'indemnités ni de procédures de reclassement, etc.
En revanche, les procédures d'information et de consultation prendront en compte les jeunes en CPE, ce qui, soit dit en passant, ne fait pas avancer le schmilblick, comme aurait dit Coluche ! Il conviendrait donc, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur tous ces points.
La période de deux ans n'est pas nommément inscrite dans le projet de loi. Elle a malencontreusement, dans un premier temps, été appelée « période d'essai » par M. le Premier ministre, puis « période de consolidation », selon la terminologie du MEDEF.
En réalité, cette période est juridiquement innommable - cela explique sans doute qu'elle ne soit pas nommée -, sauf à tomber sous le coup de l'article 4 de la convention 158 de l'OIT, repris dans l'article 24 de la Charte sociale européenne, approuvée par la loi du 10 mars 1999 et reconnue par ailleurs d'application directe par le Conseil d'État dans sa décision du 19 octobre 2005 : « Un salarié ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise ».
S'agissant du CNE, au sujet duquel il a été saisi, le Conseil d'État a considéré que le licenciement peut toujours être contesté devant un juge relativement au motif de l'abus de droit, la charge de la preuve incombant au salarié. L'on pourra alors savoir - mais un peu tard - s'il existe ou non un motif sérieux de licenciement, et ce n'est que s'il y a abus de droit que le salarié aura droit à réparation.
On peut imaginer que le Conseil d'État va juger de même pour le CPE. Mais on ne peut négliger le fait que l'article 7 de la même convention 158 impose l'existence d'une procédure contradictoire en cas de licenciement pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié. Dès lors - je vous pose la question, monsieur le ministre -, la procédure judiciaire a posteriori peut-elle en tenir lieu ?
En ce qui concerne la période d'essai, la même convention 158 de l'OIT prévoit qu'un État peut exclure du champ de certaines dispositions de la convention « les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas l'ancienneté requise ». Le présent projet de loi pourrait donc a priori entrer dans ce champ, d'autant plus que le code du travail ne prévoit aucune durée précise pour les périodes d'essai.
La jurisprudence de la Cour de cassation a néanmoins fourni un certain nombre d'indications sur la durée raisonnable d'une période d'essai, en fonction des diverses professions dont elle a eu à connaître. Ainsi, sont considérées comme excessives une période d'essai de trois mois pour un coursier, une période de six mois pour un chargé de mission, une période d'un an pour un cadre.
Il serait intéressant, selon nous, de savoir comment la Cour de cassation qualifiera cette période de deux ans sans procédure ni motif de licenciement, donc hors du droit du travail, et si elle estime qu'une période d'essai peut, le cas échéant, durer deux ans.
Le fait que la période de deux ans ne soit pas définie par le Gouvernement comme une période d'essai est également important pour pouvoir imposer des contrats successifs.
En effet, si une période d'essai ne peut être renouvelée, en revanche, comme le prévoit expressément le projet de loi, un CPE peut succéder à un autre, pour un même salarié dans la même entreprise, moyennant un délai de carence de trois mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le huitième alinéa du II de l'article 3 bis, qui couvre tous les cas de rupture du contrat.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme Nicole Bricq. C'est un peu court !
Mme Christiane Demontès. Ce n'est pas argumenté !
M. Guy Fischer. Vous restez égal à vous-même !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Godefroy, s'agissant de plusieurs points que vous avez évoqués et qui portaient, notamment, sur la période de consolidation, sur les différences entre celle-ci et la période d'essai ou sur l'application de la convention 158 de l'OIT, le Gouvernement a, me semble-t-il, déjà apporté un certain nombre de réponses.
Toutefois, je voudrais revenir sur un élément particulier. Vous m'avez demandé si les contrats première embauche seront pris en compte dans les effectifs pour la mise en oeuvre des différentes mesures d'information et de consultation relatives soit aux procédures collectives dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, soit à l'ensemble des procédures de licenciement économique.
Je puis à cet égard vous confirmer que les salariés sous contrat CPE seront bien pris en compte dans les effectifs dans le cadre des procédures que j'ai citées.
Par conséquent, je puis vous donner une réponse claire et précise sur ce point et répondre ainsi à une partie de vos interrogations et de vos inquiétudes.
Certes, je ne puis accepter un tel amendement, mais je tenais, malgré tout, à vous apporter cet éclairage.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 168, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du huitième alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
douze mois
par les mots :
cinq ans
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Le projet de loi prévoit que le délai de prescription de l'action en contestation de rupture du contrat se fait par cinq ans, conformément aux dispositions votées lors de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
À l'époque, nous avions voté contre cette disposition qui aboutit à réduire la possibilité pour le salarié de contester le licenciement dont il fait l'objet. Très souvent, en effet, un salarié licencié hésite à contester le motif de son licenciement ; il ne sait quelle attitude adopter ; il est en quelque sorte sous le choc, outre les problèmes matériels qu'il doit affronter dans l'urgence. Ce n'est qu'après un certain délai qu'il réagit, souvent après avoir été informé et conseillé par d'autres personnes, ou mis en rapport avec une organisation syndicale.
Cet état de fait, vous ne pouvez que l'avoir constaté, monsieur le ministre, et c'est sans doute pourquoi vous avez voulu raccourcir considérablement le délai de prescription.
Aujourd'hui, nous sommes a fortiori encore plus opposés à une telle disposition dans la mesure où le salarié, sans compter qu'il ne peut disposer que d'un délai réduit, ne peut au surplus se fonder que sur le non-respect des règles du projet de loi ou sur l'abus de droit, ce qui conduit à réduire de façon drastique les délais et les moyens.
Au demeurant, il n'est pas certain - et j'en reviens à l'incertitude juridique qui préside à ce texte - qu'une telle réduction des délais ne soit pas, en fin de compte, un élément de nature à inciter les salariés licenciés à multiplier, immédiatement après leur licenciement, les contestations devant les prud'hommes.
En effet, si le droit du travail n'offre plus aux salariés le respect de droits reconnus, si le salarié vit ce déséquilibre permanent et si, de surcroît, il n'est pas véritablement lié à l'entreprise, il jugera d'autant plus normal de contester systématiquement le licenciement.
Une nouvelle fois, le Gouvernement va beaucoup trop loin dans sa logique, ce qui aboutira immanquablement à la multiplication des conflits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Vous allez dans le mur !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En cohérence avec les explications que j'ai apportées sur l'amendement n° 661, la commission ne peut qu'être défavorable à cet amendement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame la sénatrice, en matière de délais, je pense avoir déjà répondu en évoquant la cohérence du texte avec la loi de programmation pour la cohésion sociale.
Quoi qu'il en soit, je tiens à préciser qu'il ne s'agit en aucune façon d'empêcher le salarié de contester le licenciement dont il est l'objet ; il dispose à cet effet d'un délai d'un an.
Cela étant dit, le délai de prescription n'est opposable au salarié que si l'employeur lui a indiqué ce délai par lettre recommandée avec accusé de réception, de telle sorte que le salarié soit effectivement informé. Par conséquent, si l'employeur ne se pliait pas à cette obligation, le délai prévu ne s'appliquerait pas.
Il existe donc bien une information du salarié, qui sait parfaitement qu'il a le droit, pendant un an, de contester la décision prise par son employeur à son encontre ; cela doit figurer expressément dans la lettre recommandée avec accusé de réception dont je viens de parler.
M. Jean-Claude Gaudin. Très bien !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 167, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le huitième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout salarié sous contrat première embauche peut refuser d'effectuer des heures choisies au sens de l'article L. 212- 6- 1 du code du travail.
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Il n'est pas possible de prévoir que le refus d'effectuer des heures choisies ne constitue pas un motif légitime de licenciement, puisque le licenciement d'un jeune en CPE n'a pas à être motivé.
L'employeur peut donc invoquer n'importe quel motif, sans même l'exprimer clairement, pour justifier un licenciement. Il en résulte qu'une pression permanente s'exercera sur le salarié. Celui-ci sera non plus seulement réduit à l'obéissance, mais placé dans une situation de soumission, voire d'humiliation (Exclamations sur les travées de l'UMP), ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous y allez fort !
Mme Christiane Demontès. ... sinon il recevra une lettre recommandée.
Si nous insistons sur cette notion d'heures choisies, c'est que, derrière ce nom sympathique, se cache du temps de travail accompli par le salarié au-delà des heures supplémentaires.
Officiellement, c'est le salarié qui demande à réaliser ces heures, qu'il effectue après avoir obtenu l'accord de son employeur. Toutefois, il s'agit bien sûr d'une fiction. En réalité, le salarié est invité à demander à son employeur l'autorisation d'effectuer ces heures. Rappelez-vous, mes chers collègues : lorsque ce dispositif des heures choisies a été mis en place, le Gouvernement invoquait le slogan : « travailler plus pour gagner plus ».
M. Henri de Raincourt. Bravo !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a jamais eu autant de smicards !
Mme Christiane Demontès. En réalité, comme nous l'avons dénoncé dès ce moment, ces dispositions ont abouti à une rédaction des articles L. 212-5 et L. 212-6-1 du code du travail qui autorise, par voie d'accord, les salariés à effectuer des heures supplémentaires et des heures choisies au-delà du contingent annuel, avec une majoration de salaire de 10 %.
Cette majoration peut de surcroît se voir remplacée par un repos compensateur. Un employeur est donc en droit d'exiger, de fait, des heures supplémentaires majorées à 10 %, voire simplement compensées !
Dès lors, nous nous posons une question simple : aux termes du projet de loi, un salarié en CPE ou en CNE pourra-t-il refuser de demander à son employeur d'effectuer des heures choisies ? Dans ce cas, ne risquera-t-il pas, plus qu'un autre encore, d'être licencié séance tenante ? Une pression constante s'exercera sur lui et l'empêchera d'exprimer un refus, a fortiori une revendication.
Par ailleurs, un salarié en CPE ou en CNE ne sera pas non plus en situation d'adhérer à un syndicat. Les pratiques de nombreux employeurs en la matière sont connues. Il leur sera d'autant plus facile de licencier un salarié qui prend contact avec un syndicat qu'il ne leur sera même plus nécessaire de motiver ce licenciement, à moins, bien entendu, qu'ils ne préfèrent imputer au salarié une faute grave, afin d'éviter en outre de payer l'indemnité de précarité et les salaires restant dus !
Le CPE, tout comme le CNE, est également une machine de guerre dirigée contre les droits des salariés et la présence des organisations syndicales représentatives dans les entreprises.
Monsieur le ministre, vous affirmez que vous entendez développer le dialogue social mais, dans le même temps, vous faites tout pour affaiblir la représentation des salariés qui en est le fondement. En fait, vous méprisez le dialogue social, comme le dialogue en général d'ailleurs. Vous l'avez prouvé - il faut tout de même le rappeler à ce stade du débat - en introduisant le CPE par voie d'amendement tendant à insérer un article additionnel dans le projet de loi, en utilisant la procédure d'urgence sans aucune concertation avec les partenaires sociaux et en mettant en oeuvre l'article 49-3 à l'Assemblée nationale.
Comment dans ces conditions les jeunes pourraient-ils vous faire confiance ? Le soir, en rentrant chez eux, au mieux sauront-ils combien d'heures ils doivent effectuer le lendemain, au pire ignoreront-ils même s'ils vont encore travailler ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme nos débats sont écoutés et lus en dehors de cette assemblée, j'indique, au passage, que l'article 49-3 de la Constitution a été mis en oeuvre seulement au lendemain du vote sur le CPE ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Claude Gaudin. Après quarante-trois heures de débat !
Mme Nicole Bricq. Cela ne justifie rien !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le public croit en effet que l'article 49-3 a été utilisé avant que le CPE ne soit voté, alors qu'en réalité il ne l'a été qu'après !
J'ai lu avec beaucoup d'attention l'objet de cet amendement.
M. Robert Bret. Heureusement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous avez évoqué « l'extrême précarité » que créerait le CPE. Mais l'extrême précarité - je le répéterai jusqu'au terme de cette discussion -, c'est ne pas pouvoir entrer dans l'entreprise, c'est ne pas trouver son premier emploi,...
Mme Hélène Luc. Et le travail, ce n'est pas ce que vous proposez !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... c'est être jeune et s'entendre dire : « circulez, on n'a pas besoin de vous » ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous estimons que le CPE est le contraire de l'extrême précarité, contre laquelle il permet efficacement de lutter. Ainsi, rien ne justifie de limiter le champ d'application du CPE, comme le proposent les auteurs de cet amendement.
La commission émet un avis tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappellerai d'abord que l'adhésion à un syndicat est protégée par l'article L. 122-45 du code du travail, qui interdit toute discrimination pour un tel motif. (Mme Hélène Luc proteste.)
Madame Demontès, vous avez évoqué la procédure de la faute grave, qui - pardonnez-moi de vous le faire remarquer - nous fait sortir du champ du CPE et qui exige une motivation, aux termes de l'article L 122-41 du code du travail !
Au début de votre intervention, vous avez également évoqué les heures choisies. Je rappelle que celles-ci reposent sur le principe du volontariat : les salariés qui souhaitent effectuer des heures choisies le demandent, l'employeur approuve, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le gentil employeur ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et un accord collectif est nécessaire, qui suppose un débat et une négociation entre les partenaires sociaux.
Pour faire le point sur la mise en oeuvre des heures choisies, j'indique que, sur seize millions de salariés affiliés à l'UNEDIC, environ deux millions sont couverts par des accords collectifs négociés ou en cours d'extension.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 506, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après le huitième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé:
La rupture du contrat donne droit pour le salarié à une validation des acquis de l'expérience, un bilan de compétence et un accompagnement spécifique par les services de l'Agence nationale pour l'emploi. Ces services font aussi au salarié des offres de formation complémentaire.
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. L'UDF n'est pas hostile par principe à la simplification et à la flexibilisation de notre droit du travail.
M. Guy Fischer. Cela ne m'étonne pas !
Mme Muguette Dini. Toutefois, tout assouplissement des conditions d'embauche et de licenciement doit automatiquement être accompagné de droits et de garanties supplémentaires pour le salarié.
Mme Nicole Bricq. Mais il n'y en a pas avec le CPE !
Mme Muguette Dini. Le CPE flexibilise à l'extrême le droit du travail, sans contrepartie substantielle en termes d'accompagnement et de formation pour les salariés dont le contrat serait rompu.
C'est pourquoi, avec cet amendement, nous souhaitons créer pour le salarié dont le CPE aurait été rompu un droit à la validation des acquis de l'expérience, ou VAE, et prévoir un bilan de compétences et un accompagnement spécifique par les services de l'Agence nationale pour l'emploi. Ces derniers devront également proposer aux salariés concernés une formation complémentaire adaptée.
C'est cela la « flexisécurité » danoise dont ce projet de loi prétend s'inspirer : de la flexibilité, mais aussi un accompagnement spécifique renforcé. (Applaudissements sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article 3 bis institue un accompagnement renforcé du salarié licencié et donne donc très largement satisfaction à cet amendement. J'ai déjà eu l'occasion de le souligner tout à l'heure à propos d'un autre amendement.
Mme Hélène Luc. Les salariés doivent donc travailler à n'importe quel prix et n'importe quand, comme vous l'avez affirmé vous-même sur Public Sénat ? Ce n'est pas cela, le travail !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le CNE est un échec !
M. Alain Gournac, rapporteur. En ce qui concerne la validation des acquis de l'expérience gagnée lors d'un CPE, le cinquième alinéa de l'article L. 901-1 du code du travail ouvre ce droit à toute personne engagée dans la vie active, indépendamment de tout licenciement.
Mme Nicole Bricq. Vous ne répondez pas à la question !
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le ministre, les membres de la commission des affaires sociales du Sénat ont beaucoup travaillé sur cette question, qui est essentielle. Nous voudrions que s'accélère la validation des acquis de l'expérience, qui semble aujourd'hui un peu patiner.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Dini, vous soulignez la nécessité d'un accompagnement personnalisé pour le salarié dont le contrat s'achève ou est rompu. J'ai évoqué tout à l'heure la convention de reclassement personnalisé. D'ores et déjà, le salarié sera reçu mensuellement par le service public de l'emploi dès le premier mois de chômage, et non plus à partir du quatrième mois.
Monsieur le rapporteur, pour répondre à la question posée par la commission quant à la validation des acquis de l'expérience et la formation, je dirai que notre objectif est de tripler en 2006 le nombre des VAE, qui passeraient donc de 15 000 à 45 000.
Un délégué interministériel à la VAE a été nommé, comme l'atteste le Journal officiel de la semaine dernière.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas un CPE ? (Sourires.)
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il s'agit du Délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle, le DGEFP. En effet, la VAE doit nécessairement comporter une dimension interministérielle, et le Gouvernement marque ainsi sa volonté forte d'encourager à la fois l'emploi et la formation professionnelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ! s'il en a la volonté, c'est gagné ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher, ministre délégué. M. Jean Gaeremynck est le nouveau délégué interministériel à la VAE, et nous atteindrons notre objectif de triplement du nombre de VAE au cours de cette année.
Mme Nicole Bricq. Avec quels moyens ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Après avoir ainsi répondu à vos préoccupations, j'invite Mme Dini à retirer son amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'UDF n'a pas de chance avec ses amendements ! (Sourires.)
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 169 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le dixième alinéa du II de cet article par les mots :
et aux femmes en état de grossesse.
La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Il s'agit d'un amendement de précision. Le projet de loi prévoit que « la rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif ».
Nous savons déjà qu'il faudra un courage extrême à un salarié en CPE ou en CNE pour s'investir dans une mission syndicale ; mais, parmi les salariés qui bénéficient de protections particulières, le texte oublie les femmes en état de grossesse.
C'est d'autant plus regrettable que les femmes sont les premières victimes de la précarité, du temps partiel subi et surtout du temps fragmenté et des bas salaires. Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce problème lorsque nous avons discuté ici, en deuxième lecture, au mois de janvier, du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, qui porte bien mal son nom. De nouveau, les femmes risquent d'être les premières victimes du CPE et du CNE, comme elles le sont déjà des contrats précaires existants.
Nous avons déjà évoqué le fait que le CPE et le CNE sont des machines de guerre dirigées contre le CDD et l'intérim, puisqu'ils offrent aux employeurs peu scrupuleux le moyen de licencier à tout moment et sans motif. En l'espèce, ils aboutiront à aggraver encore la condition des femmes, notamment celles qui sont dépourvues de qualification.
Je rappelle au Sénat que le taux de chômage des femmes reste plus élevé que celui des hommes, que 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes et que les trois quarts des femmes concernées souhaitent travailler plus. Il s'agit donc d'un temps partiel subi, car les salaires dans les secteurs où les femmes sont majoritaires, comme la grande distribution ou le nettoyage, sont tellement dérisoires, surtout à temps partiel, que ces femmes ne peuvent décemment survivre.
Jusqu'à présent, les emplois de ce type, que nous avons d'ailleurs fréquemment dénoncés, étaient le plus souvent pourvus par des contrats à durée déterminée. Demain, ils le seront par des CPE ou des CNE, avec une rotation des personnes affectées aux mêmes postes, au mieux tous les vingt-trois mois.
Non seulement vous ne faites rien de sérieux pour améliorer la situation des femmes au travail, puisque votre texte relatif à l'égalité salariale n'est qu'un catalogue d'intentions dépourvu de toute sanction à l'égard des employeurs, mais vous prenez des dispositions de portée générale qui seront, elles, d'application immédiate et qui aggraveront prioritairement le sort des femmes !
De là notre question, monsieur le ministre : l'absence de mention de la protection spécifique dont bénéficient les femmes en état de grossesse est-elle véritablement un oubli ?
Nous souhaitons connaître les intentions du Gouvernement sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article L.122-25-2 du code du travail est bien entendu applicable dans le cas du CPE, comme l'ensemble des dispositions de l'ordre public social.
Mieux, la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, actuellement soumise au Conseil constitutionnel, intègre dans le champ des discriminations interdites de l'article L.122-45 du code de travail celles qui sont liées à la grossesse.
La même loi réaménage le régime de la charge de la preuve dans le cas de discriminations en raison de l'état de grossesse de la salariée en prévoyant qu'il incombe à la partie défenderesse - donc à l'employeur et non plus à la salariée - de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.
Enfin, cette même loi mentionne la grossesse parmi les cas de discrimination identifiés à l'article 225-1 du code pénal, et l'article 225-2 du même code fixe les sanctions.
Toutes ces dispositions sont applicables au CPE. La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. Roland Muzeau. Mais ce n'est pas précisé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas de motif à donner !
M. Roland Muzeau. C'est vrai, ils n'auront aucun motif à fournir !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est un sujet qui a été longuement débattu à l'Assemblée nationale, et le rapporteur de la commission des affaires sociales vous a tout dit.
M. Roland Muzeau. Il a été bref !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappellerai seulement les articles L. 122-25-2 et L. 122-27, relatifs aux protections nécessaires de la maternité.
Dans l'hypothèse d'une grossesse, les femmes embauchées dans le cadre d'un CPE seront donc protégées de la même manière que l'ensemble des femmes salariées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne peut le croire, il n'y a pas de motif !
Mme Hélène Luc. C'est un sujet sur lequel nous voulions nous exprimer, mais nous n'avons pas pu le faire !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Sur l'initiative conjointe de Catherine Vautrin et de moi-même, les partenaires sociaux ont été réunis sur le sujet du temps partiel subi.
En raison de l'évolution de leur situation matrimoniale, des femmes peuvent se retrouver seules avec des enfants à charge. Le temps partiel choisi devient alors parfois un temps partiel subi. Ce cas est fréquent, notamment dans deux domaines : les activités liées à l'entretien et au nettoyage, et celles qui sont liées à la grande distribution.
Nous avons obtenu que s'ouvrent des négociations sur ce sujet, particulièrement pour la grande distribution. Nous espérons qu'il en sera de même pour d'autres branches, afin que des pratiques différentes permettent de mieux répondre à la situation de ces femmes.
Mme Hélène Luc. Nous nous trouvons dans une situation incongrue : nous ne pouvons même pas nous exprimer ! C'est incroyable !
M. le président. Le vote est réservé.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 450 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 664 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le dixième alinéa du II de cet article par les mots :
, ainsi qu'aux salariées enceintes
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour défendre l'amendement n° 450.
Mme Marie-Christine Blandin. Cinquante ans de planning familial et plus de cent ans de luttes sociales ont construit de justes droits pour les femmes, en particulier des droits relatifs à leur protection quand elles travaillent et lorsqu'elles sont enceintes.
Au moment de l'entrée dans la vie active, le salaire permet d'être autonome, le corps est au mieux de sa forme et l'âge est idéal pour une grossesse. Mais qu'adviendra-t-il des droits des femmes enceintes pour les nombreuses femmes qui seront employées après signature d'un contrat première embauche ?
L'employeur qui sera informé de la grossesse de l'une de ses employées, à la suite d'une indiscrétion ou parce qu'il aura vu s'arrondir la taille de celle-ci, envisagera la situation d'un mauvais oeil, considérant le congé de maternité comme une perturbation. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais oui ! Ça se passe comme cela dans la vraie vie !
Mme Marie-Christine Blandin. Avec le CPE, il aura toute latitude, sans motif ni entretien, de licencier la jeune femme.
M. Roland Muzeau. Parfaitement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Exactement !
Mme Marie-Christine Blandin. Par là même, ce sont toutes les protections de la femme enceinte au travail et ses droits à congé de maternité que vous remettez en cause. Cet effet collatéral est dommageable. Aussi l'objet de cet amendement est-il de garantir les droits de ces femmes.
Si j'en juge par vos avis, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, ce sera à l'employeur de démontrer qu'il n'y a eu aucune discrimination due à la grossesse. Fort bien ! Mais vos propos sont en contradiction avec ce projet de loi, qui confère à l'employeur le droit d'agir sans motif. En effet, pour démontrer qu'il n'y a pas eu discrimination, ce dernier se contentera de répondre que la grossesse n'est pas en cause. Il pourra le faire d'autant plus aisément qu'il ne sera pas obligé de donner les causes du licenciement.
Il est par conséquent absolument nécessaire d'inscrire dans le projet de loi les protections de la femme enceinte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 664.
M. Guy Fischer. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° 662.
M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° 662, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :
Compléter le dixième alinéa du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Durant un arrêt pour cause de maladie, le contrat de travail ne peut être rompu sans être motivé expressément.
La parole est à M. Guy Fischer, pour défendre les amendements nos 664 et 662.
M. Guy Fischer. Ces deux amendements ont pour objet d'apporter les précisions nécessaires, comme l'a expliqué Mme Blandin, afin de limiter les effets néfastes du CPE en matière de licenciement.
Au-delà d'une segmentation du monde du travail et d'une mise en concurrence entre les salariés, le CPE, tout comme le CNE, constitue une attaque juridique sans précédent de notre code du travail.
Dans la mesure où, durant les deux premières années, l'employeur n'a pas besoin de fournir un motif de licenciement valable pour se « débarrasser » de son salarié, ce dernier devra systématiquement en référer aux tribunaux pour faire valoir ses droits.
Nul doute que les tribunaux sauront rétablir la conformité du contrat de travail avec les législations existantes. En particulier, l'obligation de l'employeur de justifier d'une raison « valable » de licenciement sera probablement rétablie, comme cela a été le cas dans l'affaire jugée par le conseil des prud'hommes de Longjumeau.
Le code du travail protège explicitement les licenciements en cas de maladie ou de grossesse. Les salariés embauchés en CPE demeurent couverts par ces dispositions, je vous l'accorde. Mais le problème est que, en cas de licenciement durant les deux premières années alors qu'ils sont malades, ou en état de grossesse pour les salariées, ils devront intenter une action devant les prud'hommes et faire la preuve que c'est ce motif implicite qui a conduit à leur licenciement.
Dans les faits, ils auront en effet été licenciés, alors qu'ils ne l'auraient pas été auparavant, l'employeur risquant d'être poursuivi. Vous m'accorderez qu'il s'agit d'une différence de taille !
C'est bien à cela que conduit le CPE : à un renversement de la preuve, puisque ce sera au salarié de prouver le motif pour lequel il a été licencié.
Avec ces deux amendements, nous souhaitons nous prémunir de tels abus de la part des employeurs en faisant figurer explicitement les cas dans lesquels le licenciement n'est pas permis.
Nous proposons par conséquent de préciser que « la rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif, ainsi qu'aux salariées enceintes ».
Par ailleurs, avec l'amendement n° 662, nous proposons de compléter ce même alinéa afin de préciser que, « durant un arrêt pour cause de maladie, le contrat de travail ne peut être rompu sans être motivé expressément ».
Faute de pouvoir rétablir pleinement les droits des travailleurs, que ce gouvernement s'acharne méticuleusement à mettre en pièces,...
M. Jean-Claude Gaudin. Oh là là !
M. Guy Fischer. ... cet amendement permettra au moins de protéger les salariés les plus fragiles, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas la garantie de conserver leurs droits, directement menacés.
M. le président. Monsieur Fischer, je me demande vraiment pourquoi vous avez souhaité défendre l'amendement n° 662 en même temps que les amendements identiques nos 450 et 664, et donc associer maladie et grossesse. À mes yeux, la grossesse n'est pas une maladie ! Mais je peux me tromper... (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
M. Alain Gournac, rapporteur. S'agissant des amendements identiques nos 450 et 664, je répéterai ce que j'ai dit tout à l'heure lors de l'examen de l'amendement n° 169 rectifié : si le licenciement d'une femme enceinte est lié à la grossesse, il est contraire à l'article L. 122-45 du code du travail, qui s'applique aussi au CPE.
Avec l'aménagement de la charge de la preuve, l'employeur devra, en cas de contentieux, non seulement expliquer sa décision, mais également la justifier.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques, bien que l'objet de l'amendement n° 664 soit plus clair.
Quant à l'amendement n° 662, il vise à créer une sorte de présomption de rupture abusive lorsque le licenciement intervient pendant un arrêt pour maladie. Le droit étant déjà assez compliqué comme cela, il est préférable de s'en tenir au droit actuellement applicable en la matière. Respectons ce qui existe déjà !
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme j'ai déjà longuement parlé de l'article L. 122-25 du code du travail relatif à l'état de grossesse, j'aborderai la question de la maladie.
Je le répète, l'article L. 122-45 du code du travail s'applique au contrat première embauche et permet aux salariés de présenter devant l'ensemble des tribunaux les éléments de fait qui laissent supposer que le licenciement repose sur la maladie. Il existe déjà une large jurisprudence en la matière, qui est d'ailleurs très clairement énoncée dans le code du travail.
Il appartiendra donc à l'employeur de démontrer que sa décision de licenciement repose sur des éléments objectifs autres que ceux qui sont expressément prévus par les articles L. 122-25 et L. 122-45 du code du travail. Ce dernier devra apporter la preuve du bien-fondé de sa décision.
En l'espèce, les droits des salariés sous CPE sont identiques à ceux des autres salariés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, parce qu'il n'y a pas de motif !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Leurs droits sont donc totalement respectés.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements identiques nos 450 et 664 ainsi que sur l'amendement n° 662.
M. le président. Le vote sur ces trois amendements est réservé.
L'amendement n° 663, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le dixième alinéa du II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut conclure un nouveau « contrat première embauche » pendant une durée d'un an après la rupture dudit contrat, pour occuper le même poste ou les mêmes fonctions dans l'entreprise.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement prévoit qu'un employeur qui déciderait de rompre un contrat première embauche ne peut en conclure un autre pendant une durée d'un an après la rupture dudit contrat pour faire occuper le même poste ou les mêmes fonctions dans l'entreprise. Ce faisant, nous voulons assurer une véritable protection aux salariés qui pourraient signer un CPE.
En effet, le CPE est un contrat tellement précaire qu'il nous semble nécessaire de l'assortir du plus grand nombre de garanties possible pour les salariés.
Nous proposons d'apporter des restrictions à la signature d'un nouveau CPE. Ainsi, nous pensons que le fait d'interdire la signature d'un nouveau CPE dans le délai d'un an après la rupture d'un premier, et ce pour occuper le même poste ou les mêmes fonctions, permettra de décourager l'employeur de rompre celui-ci. À nos yeux, c'est un moyen de sécuriser, pour autant que cela soit possible avec un tel contrat précaire, le parcours professionnel des jeunes de moins de vingt-six ans qui sont amenés à signer un contrat première embauche.
Par ailleurs, assortir le CPE de telles garanties permettra également d'éviter toutes les dérives et tous les excès possibles de la part d'un employeur qui, peu scrupuleux, voudrait disposer d'une main-d'oeuvre facilement renouvelable, en abusant de la période d'essai de deux ans applicable à un CPE.
Notre amendement de repli - vous aurez évidemment compris, mes chers collègues, que nous rejetons fermement le CPE - vise donc à offrir des garanties aux salariés qui signeraient un tel contrat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. -Mme Gisèle Printz applaudit également.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je le répète, dans le cadre du CPE, le licenciement n'est rendu plus souple pendant la période de consolidation que pour inciter l'employeur à embaucher, même lorsque ses perspectives de développement ont encore une visibilité réduite. Interdire à un employeur de réembaucher sur un même poste, pendant un an, après un licenciement auquel il a été contraint pour cause de retournement des perspectives de marché serait contraire à notre objectif visant à offrir à ce dernier une nouvelle dynamique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il faut lui laisser la possibilité de faire face à un nouveau développement.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le délai de carence de trois mois vise à prévenir tout phénomène d'intermittence. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mais tout montage juridique visant simplement à faire se succéder des CPE à la seule fin de contourner la réglementation serait, je le dis, constitutif d'un abus de droit.
M. Jean-Luc Mélenchon. Que ferez-vous alors ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. D'ailleurs, la décision de Longjumeau le prouve. Le conseil des prud'hommes a considéré constitutif d'un abus de droit le fait pour deux entreprises d'avoir successivement employé une personne d'abord en période d'essai sur un CDI, puis en CNE dans le même secteur d'activité, sur le même poste.
Voilà pourquoi Jean-Louis Borloo et moi-même avons dit, ...
M. Bernard Frimat. Il n'est pas là !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. .... que cette décision confirmait ce que nous n'avons cessé d'affirmer au cours du débat relatif au projet de loi visant à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
Vos craintes ne sont donc pas fondées, madame la sénatrice. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mes chers collègues de la majorité, ces propos vous rassurent-ils ?
M. le président. Le vote est réservé.
4
COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives au tourisme est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Bonne volonté et persévérance conduisent à l'efficacité ! (Sourires.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq,
est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
égalité des chances
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.
Dans la discussion des articles, nous avons entamé l'examen de l'article 3 bis appelé en priorité.
Article 3 bis (suite)
M. le président. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l'amendement n°448.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que les votes ont été réservés jusqu'à la fin de l'article.
L'amendement n° 448, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le dixième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Durant un arrêt pour cause de maladie, le contrat de travail ne peut être rompu sans être motivé expressément.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Avec cet amendement nous abordons le cas des arrêts pour cause de maladie.
Il convient de conserver le principe d'arrêts de travail pour cause de maladie dans le cadre de ce contrat première embauche. Cet amendement vise ainsi à empêcher tout licenciement qui se fonderait artificiellement sur un motif inavouable.
J'imagine que vous allez évoquer les articles L. 122-25 et L. 122-45 du code du travail. Hélas ! nous avons déjà des exemples. Citons le cas de cette secrétaire, qui, à son retour d'un congé maladie, s'est vu signifier son licenciement par simple lettre, sans qu'aucun motif soit donné. Pour en savoir plus, elle devra aller devant les prud'hommes. Il en ira ainsi chaque fois en cas de doute.
Selon vous, avec les contrats nouvelles embauches et première embauche, nous devions éviter que les licenciements ne soient contestés et ainsi freiner l'augmentation du nombre des recours devant les prud'hommes. Or c'est le contraire qui se produira, le salarié, placé dans une situation délicate, ayant à prouver qu'il a fait l'objet d'une discrimination pour cause de maladie.
Au-delà de ces situations banales, j'attire spécialement votre attention, mes chers collègues, sur le cas des travailleurs placés dans des milieux sensibles, tels les milieux amiantés.
Vous savez que les employeurs des personnes chargées du désamiantage ou des ouvriers de second oeuvre, par exemple les électriciens, sont responsables des conditions d'emploi de ceux-ci. Mais qui dit qu'à la première toux suspecte à l'origine indéterminée, ils ne s'en débarrasseront pas ?
La rotation des effectifs en milieux contaminés pour des raisons de pénibilité liées aux contraintes de protection pourrait fort bien, avec votre loi, se muer en rotation des embauches.
Ce texte, sous prétexte d'introduire plus de souplesse, préfigure une société de compétition acharnée dans laquelle les moins rentables, le fussent-ils transitoirement, seront tenus à l'écart du droit du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. L'article L. 122-45 du code du travail dispose que personne ne peut être licencié en raison de son état de santé. Il faut de nouveau rappeler que la charge de la preuve, contrairement à ce que j'ai entendu dire, appartient en la matière à l'employeur, qui devra prouver que le licenciement a été prononcé pour d'autres motifs que la maladie. Il devra alors non seulement fournir un motif, mais encore justifier sa décision devant les tribunaux, à qui nous pouvons faire confiance pour traquer les motifs discriminatoires dans ce cas comme dans d'autres.
Le code du travail s'applique totalement au CPE, je ne cesse de le répéter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement et souscrit à l'observation de M. le rapporteur.
S'agissant de l'amiante, sur lequel le Sénat et l'Assemblée nationale ont, l'un et l'autre, rendu un rapport, je rappellerai que, pour notre part, nous avons multiplié par dix le nombre des contrôles, notamment dans les entreprises de désamiantage, où nous avons relevé un nombre significatif de problèmes.
Nous avons institué une visite médicale préalable à l'embauche dans ces entreprises qui exercent une difficile mission et nous préparons actuellement un décret - nous avions dit que nous attendrions les deux rapports parlementaires - pour fixer de manière plus exigeante les conditions du désamiantage. La situation des salariés n'exerçant que des missions temporaires - qu'il s'agisse d'un CDD ou d'un contrat d'intérim - fera l'objet d'une attention tout à fait particulière dans le cadre de ce décret.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 449, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le dixième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut conclure un nouveau "contrat première embauche" pendant une durée d'un an après la rupture dudit contrat, pour occuper le même poste ou les mêmes fonctions dans l'entreprise.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise le cas de la rupture de contrat à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années. Celui-ci ne pourrait conclure un nouveau contrat première embauche pendant une durée d'un an, après la rupture dudit contrat, pour occuper le même poste ou les mêmes fonctions dans l'entreprise.
On imagine facilement le cas d'une entreprise qui réduirait son activité pendant l'été, un peu comme le Parlement.... Il serait tentant pour elle d'embaucher un salarié par le biais d'un CPE en octobre, de le licencier en juin et de le réembaucher ensuite en septembre ou en octobre.
Je propose donc de porter la période durant laquelle il est interdit d'embaucher en CPE après avoir licencié la même personne de trois mois à un an.
Vous connaissez peut-être l'exemple de ces trois jeunes femmes embauchées en CNE dans la même boutique de prêt-à-porter à la veille de l'ouverture des soldes. Elles ont toutes les trois été licenciées sans motif le dernier jour. Il est manifeste que leur employeur ne comptait pas pérenniser leur emploi au-delà de cette période de liquidation. En utilisant le CNE à la place d'un CDD - il en irait de même avec un CPE - cet employeur s'est affranchi du respect des cas de rupture possible pour un CDD - faute grave, force majeure, consentement des deux parties - et, surtout, de l'obligation de verser une prime de précarité de 10 %.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui est identique à l'amendement n° 663.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
Nous avons déjà évoqué ce matin l'abus de droit, mais vous nous faites là une présentation bien manichéenne des relations entre salariés et employeurs,...
M. Guy Fischer. Ah non !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...les uns et les autres s'affrontant, y compris sur le plan procédural.
Je tiens à vous dire que les chambres syndicales territoriales de la métallurgie ont appelé l'attention de l'ensemble des entreprises adhérentes pour éviter le détournement du CNE et « veiller à l'utilisation loyale de ce nouveau contrat, dont le principe est favorable au développement de l'activité ».
La rupture du contrat, par exemple à la fin d'une période de congés payés, serait en contradiction avec le caractère à durée indéterminée du contrat nouvelles embauches. (MM. Jean-Luc Mélenchon et David Assouline s'exclament.)
Vous faites aussi allusion aux variations saisonnières de l'activité. C'est pourquoi nous avons prévu un délai de carence. Madame Blandin, je le répète, le CNE n'a pas vocation à pourvoir des emplois saisonniers. Dans un tel cas, nous nous trouverions face à un abus de droit. J'ai déjà eu l'occasion d'aborder cette question lors de nos débats relatifs à l'agriculture.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 658, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Le onzième alinéa du II de cet article est ainsi rédigé :
En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau « contrat première embauche » entre le même employeur et le même salarié. Tout nouveau contrat conclu avec le même salarié doit être un contrat à durée indéterminée de droit commun.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Quelque peu honteux de son CPE et de son passage en force sur l'ensemble d'un texte intervenant en écho aux problèmes soulevés à l'occasion des événements de novembre dernier dans nos banlieues, le Gouvernement, aidé en cela par les députés de sa majorité, a tenté de renvoyer sur les parlementaires de gauche la responsabilité de l'enlisement du texte. Nous en sommes pourtant bien incapables ! (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais oui, ne riez pas !
M. Guy Fischer. La lecture du Journal officiel montre qu'il n'en est rien et que les nombreuses heures passées à examiner l'article relatif au CPE, lequel fait tout de même trois pages et modifie substantiellement le code du travail, se justifiaient pleinement.
Une telle lecture permet également de mesurer les tentatives d'esquives, les tergiversations de certains ministres pour éviter de répondre aux questions gênantes et précises qui leur ont été posées.
Au moins, l'examen de l'amendement du Gouvernement et des sous-amendements de l'opposition, auxquels j'ajoute ceux de l'UDF, aura permis de révéler la vraie nature du CPE, redoutablement dérogatoire et précaire, et ainsi d'écorner définitivement le vernis social du présent texte.
M. Larcher a dû lâcher que « le contrat première embauche n'est pas nécessairement le premier ». Il a été contraint d'avouer qu'un jeune de moins de vingt-six ans, embauché dans ce cadre, puis licencié, peut à nouveau signer un autre CPE avec un autre employeur, ou même plusieurs successivement, sans autre limitation que celle de l'âge, et qu'un employeur qui licencie un jeune en CPE peu le remplacer par un autre jeune en CPE.
Autant dire, mes chers collègues, que la démonstration a été faite que ce contrat est prévu pour se transformer dans ces deux premières années en CDD à répétition, à la plus grande satisfaction du MEDEF, toujours en quête...
M. Didier Boulaud. De chair fraîche !
M. Guy Fischer. ...de nouveaux avatars de la précarité au travail.
Plaçons-nous un instant du côté des employeurs. Si les CDD sont une bonne formule, ils présentent toutefois quelques inconvénients. Normalement, ils ne peuvent être utilisés de manière constante par l'entreprise pour pourvoir des postes permanents. Les cas de recours sont limitativement énumérés. En outre, l'employeur risque la requalification des CDD en cas d'abus.
Alors, le CPE est nettement mieux en apparence,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Guy Fischer. ...dans la mesure où il présente pour l'employeur l'avantage de ne pas avoir à justifier au salarié sa décision de licenciement et qu'il n'est assorti d'aucun garde-fou contre les substitutions d'emploi, les renouvellements successifs et indéfinis de CPE.
Pour éviter les abus de CPE, notre amendement tend à revenir à l'objectif théoriquement visé par ce contrat et à la volonté affichée de ses créateurs : « l'accession à un emploi stable ».
M. Didier Boulaud. Un vaccin anti-CPE !
M. Guy Fischer. Nous posons une règle simple : « En cas de rupture du contrat sur l'initiative de l'employeur au cours des deux premières années, il ne peut être conclu un nouveau CPE entre l'employeur et le même salarié ».
M. Robert Bret. C'est le bon sens !
M. Guy Fischer. Nous admettons toutefois une dérogation à cette règle. La relation contractuelle pourra se continuer entre l'employeur et l'ex-titulaire du CPE, à une condition : dans l'esprit du rapport de M. Proglio recommandant aux entreprises de nouer avec leurs salariés une relation pérenne, nous préconisons que cela ait lieu dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Voilà, mes chers collègues, un amendement de fond auquel nous sommes très attachés et qui devrait emporter votre adhésion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission n'est pas du tout honteuse. Elle n'est pas d'accord avec les remarques que notre collègue a formulées dans son intervention, que l'on pouvait plutôt assimiler à des propos d'ambiance.
M. David Assouline. C'était intéressant !
M. Alain Gournac, rapporteur. Dans le cadre d'une évolution des perspectives de croissance liées à un projet, le réembauchage d'un salarié en CPE précédemment licencié peut se justifier.
Pour éviter les abus et les détournements, l'article 3 bis impose un délai de trois mois entre deux embauches.
Le régime juridique du CPE présente sur ce point, comme sur d'autres, l'alliance cohérente de souplesse et d'encadrement, dont nous évaluerons l'efficacité à la fin de 2008.
M. René-Pierre Signé. Vous ne serez plus là en 2008 !
M. le président. Cela, vous le savez, c'est difficile à dire ! L'essentiel, c'est que nous soyons aussi immortels que vous à Château-Chinon, monsieur Signé !
M. Josselin de Rohan. Cela fera un deuxième immortel à Château-Chinon ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce que nous souhaitons, c'est l'immortalité du contrat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. On l'abrogera !
M. Jean-Luc Mélenchon. La mort subite !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Au-delà de la phase de consolidation, le contrat première embauche doit aller vers un contrat à durée indéterminée classique.
Entamer un processus débouchant sur autre chose que des CDD à répétition, des intérims d'une durée moyenne inférieure à quinze jours, tel est bien l'objectif que le Gouvernement se fixe au travers du contrat première embauche, afin de lutter contre la précarité et la précarisation permanente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Cet objectif s'inscrit dans le droit-fil du rapport que vous avez cité d'Henri Proglio. Ce dernier propose d'exonérer les entreprises de cotisations d'assurance chômage pendant la première année suivant l'embauche de jeunes.
Nous proposons, pour notre part, - et nous aurons l'occasion d'en débattre - une exonération de ces cotisations pendant une durée de trois ans pour tous les jeunes qui sont au chômage depuis plus de six mois, afin de donner une forte impulsion et permettre à cette catégorie de la population d'entrer enfin dans l'emploi.
Compte tenu du principe et des objectifs de l'ensemble du dispositif du CPE que je viens de rappeler, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. David Assouline. La précarité, c'est la norme !
M. le président. Le vote est réservé.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 170 rectifié est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 507 rectifié est présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 657 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
le même salarié
supprimer la fin du onzième alinéa du II de cet article.
La parole est à M. Roland Courteau, pour défendre l'amendement n° 170 rectifié.
M. René-Pierre Signé. C'est un amendement d'anthologie !
M. Roland Courteau. Toute la fausseté de l'expression « contrat première embauche » est contenue dans ce membre de phrase dont nous demandons la suppression. Un deuxième contrat première embauche pourra être passé entre un même employeur et un même salarié, pourvu qu'un délai de carence de trois mois soit respecté.
En clair, si un salarié sous CPE a donné satisfaction, il sera possible de le licencier à la fin du mois de juin, pour le réembaucher en octobre, après le creux des vacances. Entre les deux dates, le salarié percevra son indemnité de précarité de 8 % et, s'il a travaillé au moins quatre mois, il sera à la charge du fonds national pour l'emploi, le FNE, pendant deux mois. Le troisième mois, il déposera une demande d'aide au bureau d'aide sociale ou bien sollicitera le revenu minimum d'insertion s'il a atteint l'âge de vingt-cinq ans. Il obtiendra un secours d'urgence, puis retournera travailler chez le même employeur. Il pourra ensuite recommencer le processus avec le CNE.
Il est évident que tous les employeurs n'agiront pas ainsi. Mais combien seront tentés de le faire, en cas de difficultés passagères, ou simplement de creux d'activité ? (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Allons donc !
M. Roland Courteau. Et, dans ce cas, combien de fois pourront-ils répéter le mouvement ?
Nous voilà fort éloignés de la présentation que fait le Gouvernement du contrat première embauche en tant qu'introduction au CDI ! Ce n'est absolument pas cela ! Il s'agit d'un contrat autonome par rapport au CDI.
On voit nettement que le CPE a vocation à être rompu avant la fin de la période de deux ans. Il sera momentanément interrompu, à la convenance de l'employeur, et repris ensuite, exactement selon le système des missions d'intérim, sans qu'il y ait nécessité de rétribuer l'entreprise de travail temporaire.
Machine de guerre contre le CDD, le contrat première embauche est aussi un instrument de rationalisation pour l'employeur qui fait appel au personnel intérimaire. Les organisations professionnelles des entreprises de travail temporaire l'ont d'ailleurs fort bien compris et s'inquiètent de cette évolution.
Il est donc visible que, là encore, tout comme le CNE, le CPE participe à la baisse du coût du travail. En l'occurrence, l'emploi de ce terme de « coût » se justifie pleinement puisqu'il ne s'agit pas uniquement de la seule baisse des salaires. Le raisonnement consiste à frapper la rétribution de l'intermédiaire pour diminuer les frais de l'entreprise.
En conclusion, je dirai toute notre perplexité devant la dénomination d'un contrat dit « première embauche », alors qu'il peut recouvrir des embauches successives, y compris chez le même employeur. Il ne s'agirait donc plus d'une première embauche ni pour le salarié ni même pour l'employeur, mais d'un simple CDD sans terme fixé ni cause de rupture. Voilà ce qu'est le CPE ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter l'amendement n° 507 rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L'objet de cet amendement est d'interdire la signature de deux CPE consécutifs entre un même employeur et un même salarié.
Lors de la discussion générale, j'avais posé la question de savoir si, avec le CPE, on avait affaire à un CDI, assorti d'une période d'essai un peu longue à notre gré, ou à un CDD modulable sur deux ans.
Monsieur le ministre, vous avez répondu à plusieurs reprises que le CPE était un CDI, affecté d'une période de consolidation de deux ans.
Mais le texte permet le renouvellement du CPE après trois mois de rupture. De ce fait, on peut craindre une utilisation abusive du CDI, transformé en CDD. Il y a là une incohérence. Un employeur peut rompre un contrat. Dans le cadre d'un CDI, quand il le fait, c'est en général parce qu'il n'est pas satisfait des services de la personne qu'il avait embauchée.
En vertu de ce que vous avez dit, un même employeur ne devrait pas pouvoir conclure un autre CPE avec le même salarié. Dès lors qu'il y aurait interdiction de renouvellement d'un CPE avec le même salarié, les employeurs réfléchiraient à deux fois avant de le rompre.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je le répète, c'est une question de simple cohérence.
Monsieur le ministre, selon le célèbre vers de Boileau, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. (Divers commentaires sont échangés sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, mon cher collègue !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je ne me laisse pas interrompre, monsieur le président. J'écoute les propos intéressants qui sont échangés dans cet hémicycle. Nous sommes bien là pour nous écouter les uns les autres, pour nous parler !
M. Charles Gautier. Il paraît que c'est interdit !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C'est le rôle et la vertu du Parlement ; il me semble utile de le rappeler aujourd'hui.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous ne souhaitiez pas que le code du travail, dont vous êtes en charge et qui est déjà difficile à interpréter, devienne, à force d'empilements de textes, incompréhensible. Il me semble que vous avez ici une bonne occasion de ne pas « en rajouter », si vous me permettez cette expression. Dites à vos collègues du Gouvernement que ce paragraphe de l'article 3 bis que nous souhaitons supprimer comporte une incohérence notable avec ce que vous-même défendez, c'est-à-dire un emploi à durée indéterminée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 657.
M. Robert Bret. Selon M. Dassault, « le CPE va conditionner l'avenir de l'emploi en France. Ou on l'accepte, et tout est possible, ou on le refuse, et c'est la fin de toute embauche, avec les délocalisations à la clé. »
Prétendant agir pour la bonne cause, messieurs les ministres, vous ne dérogez pas au code du travail, vous l'aménagez. Vous revisitez en profondeur l'équilibre de notre droit social, en ouvrant en son sein une brèche énorme pour la venue d'un contrat unique.
Cette démarche n'a rien de très moderne. Elle emprunte classiquement la voie des thèses néo-libérales, attribuant au code du travail la responsabilité du chômage. On connaît !
Si vous innovez, c'est dans l'importance des coups portés : licenciement sans motif, délai de carence réduit à trois mois alors qu'il est d'une durée de six mois en général et de douze mois en cas de licenciement économique...
En prévoyant qu'en cas de rupture du contrat à l'initiative de l'employeur, au cours de la fameuse période de consolidation, un nouveau contrat pourra être conclu à la seule condition qu'un délai de trois mois sépare la rupture du premier CPE d'un second, vous ouvrez largement aux entreprises la possibilité de multiplier et de renouveler les CPE, au détriment de la création de normes d'emploi de droit commun et de CDI.
Vous accréditez la thèse que nous défendons depuis le début de l'examen de ce texte, à savoir que vous visez la substitution d'emplois, le partage du temps partiel en temps très partiel, en résumé la généralisation de la précarité. Tel est l'objectif que vous vous êtes fixé, messieurs les ministres.
L'argument avancé par le Gouvernement quant à la diminution de la précarité pour les jeunes dans la mesure où, s'ils sont soumis à des CPE successifs, les périodes préalables seront déduites de la période de consolidation, n'est pas valable.
Vous affirmez la vraie nature du CNE, qui, comme le CPE, est un contrat à durée déterminée. Sinon, pourquoi prévoir un tel délai de carence, lequel, bien que n'étant qu'un alibi, est une des caractéristiques des CDD ?
Refusant de cautionner cette hypocrisie, nous préconisons avec force l'interdiction que plusieurs CPE conclus entre le même employeur et le même salarié puissent se succéder.
C'est le sens de cet amendement que nous vous appelons à voter, mes chers collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je répète qu'il ne faut pas exclure le réembauchage d'un salarié licencié alors qu'il était employé sous le régime du CPE.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Vanlerenberghe, c'est bien pour assurer la pérennisation que nous souhaitons introduire ce dispositif comprenant une phase de consolidation dont la durée, de vingt-quatre mois au maximum, peut être réduite, notamment par la prise en compte des contrats de professionnalisation, des formations en alternance, des CDD, de l'intérim, des stages effectués en entreprise et autres formes de contrats.
Cela dit, j'en viens au souhait commun des auteurs des trois amendements qui est d'interdire la possibilité de signer un nouveau CPE avec le même salarié.
Je crois qu'en la matière il faut avoir présent à l'esprit une certaine logique économique. L'entreprise n'a vraiment pas intérêt à investir dans un jeune, à miser sur lui pour ensuite s'en séparer.
M. Roland Courteau. Tu parles !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Se séparer d'un salarié en CPE n'est pas sans coût pour l'entreprise : il y a l'indemnité de 8 % plus 2 %, l'engagement sur la formation des salariés, le délai de carence et le risque de se voir opposer l'abus de droit. Monsieur Vanlerenberghe, un certain nombre de dispositifs répondent déjà à votre souhait d'encourager l'entreprise à garder le salarié, parce que c'est son intérêt. Encore faut-il, naturellement, que son activité reste au niveau prévu.
La deuxième actualisation de l'enquête Fiducial parue voilà vingt-quatre heures montre que 17 % des 300 entreprises, choisies à partir d'un échantillon qui en comptait 1 320 et qui ont conclu au moins un contrat nouvelles embauches n'avaient aucun salarié alors que 10 % d'entre elles n'avaient jamais fait la démarche d'en recruter un seul.
C'est bien la preuve que libérer un certain nombre de freins à l'embauche peut avoir des conséquences positives sur l'emploi. Naturellement, leur évaluation, en ce qui concerne tant le contrat nouvelles embauches que le contrat première embauche, demandera du temps, et nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir ensemble et d'examiner si, réellement, le dispositif que nous mettons en place et qui a vocation à susciter de nouveaux emplois, à faciliter la pérennisation de l'emploi des jeunes, répond bien aux objectifs que nous nous fixons. Jean-Louis Borloo le soulignait au cours de la discussion générale, rien ne nous interdira alors de revenir devant la représentation nationale et de répondre à ses suggestions pour corriger les éventuelles insuffisances. Car notre objectif est bien l'emploi et l'entrée dans l'emploi, notamment, des jeunes.
M. le président. Le vote est réservé.
M. Roland Courteau. Le ministre ne nous a pas répondu ! Il n'a pas donné son avis !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 171 est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 665 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le onzième alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
de trois mois
par les mots :
d'un an
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 171.
Mme Gisèle Printz. Nous présentons cet amendement, qui n'est qu'un amendement de repli, en espérant qu'il retiendra l'attention du Sénat.
En effet, si le délai de carence de trois mois permet toutes les dérives, un délai d'un an peut permettre qu'un jeune salarié qui a quitté une entreprise y revienne, après avoir reçu un complément de formation ou être passé par une autre entreprise, sans que la précarité de sa situation soit aggravée.
Bien entendu, il conviendrait alors que l'ancienneté dans le CPE soit comptée depuis l'origine.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 665.
M. Bernard Vera. Le quatorzième alinéa de l'article 3 bis prévoit que : « en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne se soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat ».
Notre amendement vise à allonger ce délai en le portant de trois mois à un an.
Au vu de la facilité avec laquelle il sera possible pour les employeurs de licencier leur personnel, on peut craindre que l'anticipation d'une baisse des ventes, un durcissement des relations avec un fournisseur ou, pourquoi pas, une hausse du prix du pétrole, n'incite un employeur à licencier son salarié. Redoutant cela, les auteurs de l'article 3 bis veulent par cet alinéa contraindre les patrons à mûrir quelque peu leur décision en les obligeant à respecter un délai de trois mois avant la réintégration de la personne licenciée sur son poste.
Comment accepter une telle fragilisation des rapports sociaux ? Comment, surtout, ne pas condamner une telle inégalité dans les relations entre l'employeur et le salarié ? Dans ces conditions, les jeunes ne peuvent évidemment pas vous croire lorsque vous présentez le CPE comme un moyen pour faciliter leur intégration dans la vie sociale et professionnelle.
Il nous semble que ce délai doit être porté à un an au minimum pour que le salarié ne puisse pas être embauché, puis jeté sans aucune considération à quelques mois d'intervalle.
Les premières plaintes devant les tribunaux renforcent notre conviction. Il n'aura pas fallu attendre plus de six mois pour qu'un tribunal prud'homal, celui de Longjumeau, dans l'Essonne, condamne une PME pour rupture abusive de CNE. C'est la première de ce genre, mais elle en annonce déjà un nombre important. En effet, les services juridiques des différents syndicats sont submergés de demandes de conseil ou, tout simplement, de témoignages de licenciements abusifs.
À trop vouloir déréglementer le monde du travail, le Gouvernement crée des situations d'incompréhension juridique et de malaise social sans précédent.
La protection des travailleurs n'est évidemment pas une entrave au bon fonctionnement de l'économie ni à la croissance ; au contraire, elle les garantit. Il faut donc limiter les effets de cette politique, qui donne tous les pouvoirs aux employeurs sans prévoir les moyens de les contraindre. Tel est l'objet de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le délai de trois mois entre deux embauches du même salarié a été calculé afin d'éviter que le CPE ne soit détourné de son objectif sans pour autant empêcher le réemploi d'un salarié quand l'évolution des perspectives de l'entreprise le justifie.
À cet égard, il faut rappeler que, dans le cas d'une évolution des perspectives de croissance liée à la mise en oeuvre d'un projet, le réembauchage d'un salarié en CPE précédemment licencié peut être justifié.
Cette disposition illustre bien que, ainsi que je l'ai souligné à plusieurs reprises, le CPE est une combinaison cohérente de souplesse et d'encadrement.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. J'apporterai cependant une précision : si un salarié venait à quitter l'entreprise et devait y retourner six, huit ou dix mois après, son premier contrat serait évidemment décompté de la phase de consolidation. Tout contrat effectué dans l'entreprise ne serait donc pas forclos par rapport à la phase de consolidation.
L'avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 442, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le onzième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
À l'expiration du contrat première embauche il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, à un autre contrat première embauche avant l'expiration d'une période égale au tiers de la durée de ce contrat, renouvellement inclus.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement traite non pas du licenciement pendant le CPE, comme l'amendement n° 449, mais de l'expiration du contrat première embauche.
Il s'agit ici d'appliquer un délai de carence pour que les CPE ne se succèdent pas indéfiniment sur le même poste, permettant ainsi de dispenser l'entreprise d'embaucher en CDI normal. Sans cette précaution minimale, vous risquez, au lieu d'aider à l'embauche des jeunes, d'inciter les employeurs à licencier à la fin de chaque CPE. Si vraiment vous vous préoccupez de l'entrée progressive des jeunes dans l'entreprise, il faut empêcher que l'on ne substitue à l'infini un CPE à un autre. Sinon, que vont devenir les ex-CPE, à vingt-six ans ? Ils seront concurrencés par leurs cadets qui prendront leur place, tout comme aujourd'hui les chercheurs d'emploi sont pénalisés par les abus de stages. Il faut donc absolument mettre un terme à ce moins-disant social permanent.
Vous affirmez que la première idée d'un employeur n'est pas, après une embauche, de se débarrasser de celui qui travaille pour lui. Nous pourrions vous entendre si l'employeur n'y trouvait aucun avantage. Mais s'il pratique le turn-over, le renouvellement régulier, il inscrit dans la durée la possibilité totale de licencier sans motif. Cela correspond à une demande forte du MEDEF ! Il est du rôle du Parlement d'empêcher cette dérive.
Vous avez, monsieur le ministre, qualifié de manichéenne notre vision des choses. Cependant, le rôle de la loi est, je crois, non pas de prédire ce qui va se passer, mais d'envisager une réponse à chaque éventualité. Quand on prévoit une vitesse que ne doivent pas dépasser les véhicules en ville, on ne considère pas tous les automobilistes comme des chauffards en puissance, mais c'est la connaissance des drames qui conduit à les prévenir par des restrictions, tout comme la bonne conduite de l'employeur ne saurait être un usage opportuniste du texte au-delà même de son sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les précautions nécessaires sont prises à l'article 3 bis pour éviter que le CPE ne soit détourné de son objet. Si cela devait néanmoins se produire, et cela pourra toujours être le cas, quels que soient les ajouts que l'on introduira dans la loi, il y aura abus.
Les tribunaux répriment les abus ; c'est leur rôle. La loi ne peut saisir la totalité des comportements humains.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Muzeau. « Analyse », c'est un bien grand mot !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Blandin, vous avez mentionné l'expiration du CPE. Je le répète, il ne saurait en être question puisque le CPE est un CDI et qu'à la différence du CDD il ne comporte pas de terme.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 172, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le douzième alinéa du II de cet article, après les mots :
peut bénéficier
insérer les mots :
du plan de formation prévue à l'article L. 932-1 du code du travail et
La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Il s'agit à nouveau d'un amendement de précision.
Lorsqu'un salarié est embauché en CDI dans une entreprise, il doit normalement bénéficier du plan de formation, si toutefois il en existe un dans cette entreprise. Le CPE étant un contrat de travail conclu sans détermination de durée, il est, semble-t-il, assimilable au CDI, en dehors des modalités de rupture, qui ont déjà été abondamment évoquées.
Si, comme on nous l'affirme, le jeune embauché en CPE a vocation à rester dans l'entreprise après ses deux ans de probation, il doit pouvoir bénéficier du plan de formation. L'article L. 932-1 du code du travail indique d'ailleurs très clairement que les actions de formation réalisées dans ce cadre « participent au maintien dans l'emploi ». Dans le cas présent, on ne saurait mieux dire !
Notre amendement a donc pour objet que le jeune se voie expressément reconnu le droit d'acquérir le complément de formation qui lui permettra peut-être de demeurer dans l'entreprise et d'y acquérir davantage de compétences opérationnelles.
Nous souhaitons entendre le point de vue du Gouvernement sur ce point, ce qui nous permettra aussi de mieux déterminer dans quelle mesure le CPE a bien vocation à déboucher sur un CDI.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le droit à la formation du salarié en CPE est assuré dans le cadre de l'article L. 933-1 du code du travail, relatif au droit individuel à la formation. Nous souhaitons cependant demander au ministre de nous confirmer que le salarié en CPE relève du plan de formation de l'entreprise dans les mêmes conditions que les autres.
Sous réserve des précisions qui nous seront apportées, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il s'agit en effet d'un point important.
Votre amendement, monsieur Madec, est déjà satisfait.
Tout d'abord, aux termes de l'article L. 932-1, qui figure au chapitre du code du travail intitulé « Du plan de formation de l'entreprise », tout bénéficiaire d'un CDI, et le titulaire d'un contrat première embauche est dans ce cas, peut prétendre aux actions comprises dans le plan de formation de l'entreprise.
Dans le chapitre suivant, « Du droit individuel à la formation », l'article L. 933-1, que vous évoquiez à l'instant, monsieur le rapporteur, prévoit des droits plus importants que dans les autres formes de contrat. En effet, le droit individuel à la formation instauré dans la loi du 4 mai 2004, issue de l'accord interprofessionnel de décembre 2003, est effectif à la fin de la première année. Or, avec le contrat première embauche, c'est dès la fin du premier mois que naît ce droit individuel à la formation.
Comme pour les indemnités de cessation de contrat, vous constatez que la situation est sur ce point plus avantageuse avec le CPE que dans le cadre du CDI. C'est là un des éléments de sécurisation du parcours professionnel qu'introduit le contrat première embauche.
C'est donc, monsieur le rapporteur, à la fois du plan de formation et du congé individuel de formation que bénéficiera le titulaire d'un CPE.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 505, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé:
Pendant les deux premières années courant à compter de la date de la conclusion du contrat, l'employeur effectue avec le salarié un bilan d'étape semestriel.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. L'amendement n° 505 a pour objet d'institutionnaliser un bilan d'étape semestriel entre l'employeur et le salarié stagiaire titulaire d'un CPE durant la période de consolidation.
S'il n'est pas question que le jeune en CPE ne puisse avoir connaissance des motifs de la rupture de son contrat, de même il nous semble indispensable qu'il puisse savoir si son employeur est satisfait de son travail au cours de cette période de consolidation.
Ainsi, un entretien d'évaluation périodique nous paraît nécessaire pour que le jeune en CPE puisse, le cas échéant, s'améliorer dans le but de rester, bien sûr, dans l'entreprise.
Nous espérons que l'objectif du CPE est bien de mettre tout en oeuvre afin de répondre durablement au problème du chômage des jeunes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'idée d'un bilan d'étape semestriel est a priori pertinente. Faut-il cependant inscrire dans la loi une disposition susceptible d'apparaître à l'usage un peu formelle et décevante ? En effet, la période de consolidation n'est pas une période d'essai ni une période probatoire au cours de laquelle il est utile de faire régulièrement le point sur la qualité du travail fourni.
La période de consolidation est une période au cours de laquelle se vérifie la pertinence d'un projet économique auquel l'embauche du salarié est liée. Ce n'est pas la personnalité du salarié qui est d'abord en cause, c'est la viabilité d'un projet économique en train de se construire.
La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement sur ce point, elle s'en remettra néanmoins à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame le sénateur, vous évoquez un sujet que nous avons déjà abordé, mais je souhaite y revenir un instant sous l'optique du tutorat.
En effet, le tutorat fait partie des propositions des partenaires sociaux et de l'accord interprofessionnel conclu en octobre dernier concernant les seniors. Dans le cadre de l'article 5 de l'accord transmis au Gouvernement, les partenaires sociaux demandent de prendre un certain nombre de dispositions visant à favoriser ce tutorat et consacrées notamment à l'accompagnement des jeunes dans l'entreprise.
Nous avons eu trois séries de réunions avec les partenaires sociaux pour la préparation du plan « seniors », qui déclinera l'accord interprofessionnel sur les seniors et qui sera présenté à la fin du mois de mars. D'un commun accord, nous avons retenu le tutorat comme un des éléments d'aménagement de l'activité des seniors dans l'entreprise pour lequel un certain nombre de dispositions contractuelles seront prises.
Par ailleurs, j'ai confirmé ce matin, en répondant aux préoccupations exprimées par M. le président de la commission et par M. le rapporteur, la mise en place, dans le cadre du service public de l'emploi, de l'accompagnement personnalisé vers l'emploi, qui sera à la fois un bilan et un accompagnement dans les premiers mois, car nous voyons bien que c'est à cette période que se produisent les ruptures et les difficultés.
Par conséquent, cet accompagnement se fait au bénéfice du jeune salarié et parfois également au bénéfice de l'entreprise. En effet, quand certains chefs d'entreprise n'ont plus de salarié depuis longtemps ou n'ont jamais eu de salarié, ils ont parfois besoin que le service public de l'emploi réponde à leurs questions.
Nous avons donc, Jean-Louis Borloo et moi-même, demandé au service public de l'emploi, notamment à l'Agence nationale pour l'emploi de préparer ce dispositif. Nous le présenterons à la commission dès qu'il sera prêt, parallèlement au décret portant mise en oeuvre du contrat première embauche.
Madame le sénateur, nous répondons ainsi à vos préoccupations par un double dispositif : d'une part, par le tutorat qui sera reconnu comme tel dans le plan « seniors » et, d'autre part, par cet accompagnement personnalisé vers l'emploi.
En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 659, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Même un amendement qui n'a strictement aucune portée, le Gouvernement n'en veut pas. C'est quand même fort !
Le paragraphe III de l'article 3 bis traite notamment du régime spécifique d'indemnisation du chômage, dont relèveront les salariés sortant d'un CPE.
Conscient tout de même que ce contrat atypique d'un nouveau genre proposé à l'ensemble des jeunes était effectivement critiquable dans la mesure où il était hors cadre du droit commun, excluant toutes les garanties, si minimes soient-elles, applicables notamment en matière de licenciement, le Gouvernement s'est employé à vanter d'autres aspects particuliers du CPE.
Ainsi, comme le Locapass - dispositif facilitant l'accès au logement - ou les droits reconnus à la formation, l'indemnisation à laquelle ce contrat ouvre droit est présentée comme un atout supplémentaire, une innovation majeure contrebalançant en quelque sorte la précarité bien réelle par ailleurs imposée.
Quelles que soient les précautions prises par le Gouvernement que vous soutenez sans broncher, mes chers collègues, une lecture attentive du texte permet de relativiser les supposées avancées qu'il contient.
Le droit individuel à la formation requérant l'accord de l'employeur à raison de vingt heures par an existe déjà pour les salariés en CDI. Vous avancez simplement le délai d'ouverture du droit à un mois d'ancienneté.
S'agissant de la sécurisation du parcours d'accès au logement, le texte se contente de prévoir que l'employeur est tenu d'informer son salarié des dispositifs existants accordant une garantie et une caution de loyer. Encore faut-il que lesdits dispositifs puissent absorber tous les bénéficiaires potentiels du CNE, mais aussi que la durée de dix-huit mois pendant laquelle, gratuitement, les échéances de loyer peuvent être payées au propriétaire, soit adaptée à l'incertitude que fait peser sur le salarié, d'une part, le fait que durant vingt-quatre mois son contrat peut être rompu et, d'autre part, le fait qu'à l'issue de ces deux ans rien ne lui garantit la transformation en CDI.
S'agissant enfin des droits à indemnisation chômage et au bénéfice de la convention de reclassement personnalisé, là encore, ce qui semble vous convenir, ne saurait nous satisfaire.
En effet, mes chers collègues, l'allocation forfaitaire versée durant deux mois, c'est évidemment mieux que rien. Reste que, dans son montant - 16,40 euros par jour au lieu de 25,01 euros pour l'allocation de base du régime de droit commun d'indemnisation chômage - et dans sa durée - deux mois au maximum au lieu de sept -, cette allocation est sensiblement inférieure à l'allocation minimale des ASSEDIC.
Reste surtout que les jeunes salariés aux parcours chaotiques, éjectés de l'entreprise avant d'avoir travaillé suffisamment longtemps - quatre mois en CPE ou enchaînant des CPE de courte durée - demeureront, pour les uns, exclus du dispositif de l'allocation forfaitaire et, pour les autres, maintenus en marge du système d'assurance chômage, dont relèvent les autres salariés. Bref, ils seront exclus de la protection indemnitaire de droit commun en raison de leur âge et du type d'emploi précaire proposé, et ce alors même qu'ils cotisent dès le premier mois de travail.
Que dire, par ailleurs, du droit à une convention de reclassement personnalisé, dispositif dont on attend encore le bilan, mais qui est déjà largement torpillé par l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, si ce n'est qu'il est lui aussi largement hypothétique.
Nous venons de voir toutes les limites de l'accord de décembre dernier sur l'assurance chômage, qui a, une fois de plus, écarté le sujet de l'amélioration de la couverture des situations de chômage aux primo-demandeurs d'emploi ou aux salariés précaires.
Nous voyons également toute l'hypocrisie de cet article sur le CPE, dit « projet le plus social jamais élaboré pour les jeunes » - excusez du peu ! - qui ne sécurise absolument pas la situation financière et juridique des personnes qu'il vise.
Dans ces conditions, le présent amendement de suppression se justifie pleinement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement de suppression n'est pas compatible avec la position de la commission sur l'article 3 bis, qu'elle vous demande d'adopter.
Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, car la proposition formulée dans cet amendement reviendrait, d'une part, à supprimer l'allocation forfaitaire pour ceux qui ne peuvent avoir accès au régime d'assurance chômage parce qu'ils n'ont pas les six mois nécessaires et, d'autre part, à supprimer la convention de reclassement personnalisé.
Cette convention - et je ne parle pas du contrat de transition professionnelle - concerne aujourd'hui 40 000 personnes, dont certaines ont opté pour un reclassement personnalisé renforcé dans les bassins d'emploi qui connaissent des difficultés et des mutations extrêmement importantes.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 173, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du III de cet article, remplacer le mot :
quatre
par le mot :
deux
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise à réduire la durée d'activité d'un salarié en CPE nécessaire à l'acquisition de droit à une allocation forfaitaire. Le projet de loi propose une durée de quatre mois, que nous demandons de réduire à deux mois.
L'extrême précarité dans laquelle seront maintenus ces jeunes salariés et le fait qu'ils ne disposent pas, avant vingt-cinq ans, de recours autre que la solidarité familiale impliquent qu'une allocation leur soit versée dès lors qu'ils ont travaillé pendant un laps de temps qui ne peut être qu'assez court.
En effet, un jeune risque d'accepter un emploi sous CPE parce qu'il ne peut obtenir un CDI ou qu'il croit ainsi avoir une solution plus durable qu'un CDD. Trois mois après, il est licencié et, si je ne me trompe, il n'aura droit à rien.
La condition d'indemnisation avec la nouvelle convention UNEDIC est qu'il ait travaillé au moins six mois au cours des vingt-deux derniers mois. Quel jeune de vingt et un ans qui a fait des études pourra avoir travaillé six mois au cours des vingt-deux derniers mois puisqu'il entre dans le monde du travail ?
Notre amendement, une nouvelle fois, met l'accent sur les difficultés pratiques que le CPE va causer aux jeunes et à leur famille.
Il est un simple contrat précaire de plus, et ce qui le démontre, c'est que les modalités d'indemnisation après, non pas une fin de contrat prévisible, mais un licenciement impromptu, sont calquées sur celles du CDD.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La période de quatre mois d'emploi nécessaire pour bénéficier d'une allocation forfaitaire en cas de licenciement semble adéquate.
Je précise que cette indemnisation offerte aux personnes n'ayant pas accès à l'assurance chômage est un apport du CPE. Il est justifié d'en subordonner l'octroi à l'existence d'une période de travail un peu significative.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappellerai d'abord que plus de 55 % des jeunes de moins de vingt-six ans inscrits à l'ANPE n'ont pas accès au régime d'assurance chômage...
M. Jean-Luc Mélenchon. Bravo !!
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et que ce pourcentage dépasse de 20 % la moyenne de l'ensemble des salariés.
En matière d'assurance chômage, le CPE apporte une grande innovation en créant ce régime d'allocation forfaitaire de deux mois doublé de la convention de reclassement personnalisé, car, jusque-là, il n'y avait aucune allocation forfaitaire. Le contrat première embauche apporte réellement une nouvelle garantie.
Nous ne pouvons pas vous suivre, madame Schillinger, parce que cette sécurisation que nous souhaitons apporter constitue une véritable avancée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 174, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du III de cet article, remplacer les mots :
deux mois
par les mots :
six mois
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Les raisons qui nous ont conduits à proposer la diminution de la durée d'activité permettant à un jeune en CPE de bénéficier d'une indemnisation après un licenciement nous amènent maintenant à demander une augmentation de la durée de cette indemnisation.
Je rappelle que la réception de la lettre de licenciement fait courir un préavis de quinze jours si le CPE a duré moins de six mois et d'un mois si le contrat a duré plus de six mois. Cela signifie qu'un jeune qui aura été embauché en février et licencié à la fin du mois de juin de la même année, au moment des vacances, bénéficiera, après son préavis de quinze jours, d'une allocation forfaitaire pendant deux mois parce qu'il aura eu un emploi pendant au moins quatre mois. En dessous de ces quatre mois, il aura un préavis de quinze jours et rien d'autre.
Pour les jeunes dépourvus d'une qualification professionnelle solide, c'est une véritable condamnation à aller d'emploi précaire en emploi précaire. Le CPE n'améliore pas leur situation : il l'aggrave. Et votre réaction lorsque nous demandons le tutorat ou l'accès automatique au plan de formation est explicite sur la manière dont vous envisagez leur avenir.
Pour les jeunes qui ont une formation, il ne s'agira au mieux que d'une expérience professionnelle courte, suivie d'une faible allocation à la sortie, le temps d'essayer de trouver un autre emploi.
Selon votre philosophie, plus l'allocation est modique et son versement limité dans le temps, plus le chômeur est incité à retrouver rapidement un emploi. Le problème est que, de façon implicite, vous ne vous situez plus dans le cadre du CDI. Pour ces jeunes qualifiés, vous créez un ersatz du contrat de mission que nous avions connu au moment du rapport Virville.
Sans que cela soit jamais dit, on évolue vers la généralisation et la succession des contrats précaires, en encerclant en quelque sorte le CDI jusqu'à en faire un élément résiduel du droit du travail, qui disparaîtra avec ses derniers détenteurs. Le CDI deviendra un objectif inatteignable, qui sera toujours remplacé par un autre type de contrat dont les caractéristiques principales seront la précarité, l'exonération de cotisations sociales pour l'employeur et la faiblesse des droits associés pour le salarié.
On comprend bien pourquoi le MEDEF ne tient pas à voir fondre tous ces dispositifs dans un contrat unique. La multitude des contrats offre des opportunités beaucoup plus intéressantes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'allocation forfaitaire de deux mois quand le salarié licencié ne répond pas aux conditions d'ouverture de l'assurance chômage est une initiative coûteuse dont il n'est pas possible d'étendre la portée sans créer une surcharge pour les fonds de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour des raisons que j'ai déjà eu l'occasion de développer, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Le contrat première embauche n'a rien à voir avec le projet de contrat de mission que Michel de Virville proposait dans son rapport, au début de l'année 2004. Avec le CPE, il s'agit non pas d'un contrat à durée déterminée, mais bien d'un contrat à durée indéterminée.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 452, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa du III de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi reçoit une contribution appelée « contribution de précarité », payée par les employeurs lors de la signature de chaque contrat de travail précaire, relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », d'un contrat prévu à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de moins de six mois, d'un contrat prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 212-4-3, ou d'un contrat première embauche créé par la présente loi. Cette contribution sera d'un montant inférieur dans les cas où les contrats de travail précaires énumérés ci-dessus sont transformés en contrat à durée indéterminée. Un décret en Conseil d'État définit les modalités de recouvrement et le montant de cette contribution, due à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement porte sur le fonds de solidarité créé par la loi du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.
Il est inquiétant de constater que les missions de ce fonds semblent s'étendre indéfiniment. Destiné à l'origine à l'allocation de solidarité spécifique, il a ensuite financé l'allocation forfaitaire de rupture d'un contrat nouvelles embauches, la prime de retour à l'emploi, la prime mensuelle et, maintenant, l'allocation de rupture d'un contrat de première embauche.
Dans le même temps, la subvention de l'État à ce fonds, inscrite au projet de loi de finances pour 2006, a été réduite. Or, à budget constant, a fortiori en cas de diminution, l'allocation forfaitaire pour les jeunes salariés victimes d'une rupture de CPE après au moins quatre mois de travail menacera finalement le bénéfice plénier des allocataires de l'allocation de solidarité spécifique. Ce fonds doit donc être abondé.
La plupart des embauches observées ces dernières années ne s'effectuent pas en emplois durables - contrats à durée indéterminée ou contrats à temps plein - mais en emplois précaires - CDD, temps partiel, CNE et aujourd'hui CPE. Ces contrats aggravant la précarité et le chômage, ils doivent être mis à contribution pour financer le fonds de solidarité.
Je propose toutefois que les employeurs qui transforment leur CNE ou CPE en CDI normal au bout de deux ans soient moins taxés que les autres.
Si la période de consolidation est une manière d'entrer progressivement dans le marché du travail normal, il est légitime de récompenser les entreprises qui jouent le jeu, donc de pénaliser financièrement celles qui abusent des emplois précaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La création d'une contribution de précarité à la charge des employeurs recourant au CNE ou au CPE serait contraire au bon sens, qui voit dans ces dispositifs des modalités de lutte contre la précarité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Blandin, la contribution spécifique dont vous proposez la création est déjà prévue dans le projet de loi : c'est la contribution à la charge de l'employeur, qui est égale à 2 % de la rémunération brute et s'ajoute à l'indemnité de rupture.
Par ailleurs, certaines des questions que vous évoquez ont fait l'objet d'un débat entre les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation de l'assurance chômage, le CPE n'étant pas concerné puisqu'il fait l'objet d'une dotation spécifique. Ces négociations ont permis de réaliser des progrès s'agissant des contrats à durée déterminée, de l'accès au congé individuel de formation-contrat à durée déterminée, le CIF-CDD.
Il est également prévu que les négociateurs de branches examinent les modalités selon lesquelles les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée pourront bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 508, présenté par MM. Mercier, Vallet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier paragraphe (IV) de cet article:
IV. - Le dispositif du « Contrat Première Embauche » est expérimenté pour trois ans. Les conditions de sa mise en oeuvre et ses effets sur l'emploi feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. La reconduction du dispositif par la loi dépendra des conclusions de cette évaluation.
La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. L'amendement n° 508 vise à faire du CPE un dispositif expérimental.
Comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, l'objectif principal du CPE est de permettre la création d'emplois et la baisse de l'insupportable chômage des jeunes, que nous déplorons tous.
Y parviendra-t-il ? Nous le souhaitons évidemment, mais, pour l'heure, nul ne peut répondre à cette question.
Le CPE est bâti sur le modèle du CNE, lequel, à en croire un rapport qui a été publié récemment, n'a pas fait la preuve de son efficacité.
Une enquête récente révèle que 70 % des embauches en CNE auraient été réalisées en l'absence de ce dispositif, dont 40 % en CDI et 28 % en CDD. En outre, 48 % des employeurs ayant embauché en CNE déclarent ignorer à ce jour s'ils garderont la personne embauchée. Nous savons d'ores et déjà que les mêmes interrogations se poseront pour le CPE.
C'est la raison pour laquelle il nous semble essentiel que le dispositif du CPE soit expérimenté pendant trois ans. Les conditions de sa mise en oeuvre et de ses effets sur l'emploi feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. La reconduction du dispositif du CPE par la loi dépendra des conclusions de cette évaluation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'évaluation, prévue dans les trois ans qui viennent, sera soumise au Parlement qui décidera des suites à lui donner. Le CPE n'est pas fixé pour l'éternité. Il constitue une piste à explorer de façon optimiste, dynamique et sans préjugé. Je puis vous assurer, mon cher collègue, que nous suivrons l'évolution de ce dispositif avec beaucoup d'attention.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Vallet, le bilan du contrat nouvelles embauches, prévu pour le 31 décembre 2008, sera précédé d'évaluations intermédiaires. Pour le moment, nous ne disposons que de simples enquêtes. Or, à l'heure actuelle, seuls trois pays de l'Union européenne décomptent les taux d'activité et de chômage par d'autres méthodes que des sondages approfondis.
Ce que je puis vous dire c'est que, dans la seconde version de l'enquête de l'organisme d'analyses Fiducial, les embauches résultant de la création du CNE représentent 29 % de 335 000 contrats, ce qui est relativement important.
Je répète que 17 % des entreprises n'employaient aucun salarié avant l'embauche de leur premier salarié en CNE. Cette possibilité constitue donc une incitation extrêmement importante, capable de lever les freins au recrutement du premier emploi. Par ailleurs, les entreprises de trois à cinq salariés représentent 11 % des entreprises, mais 32 % des embauches en CNE.
Je tenais à porter à la connaissance du Sénat ces informations qui sont parues récemment.
Un amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit que le dispositif fera l'objet d'une évaluation au 31 décembre 2008. Nous serons attentifs aux résultats de cette évaluation et à l'impact du contrat première embauche sur l'emploi des jeunes, sur la diminution du taux de chômage de cette catégorie de la population ainsi que sur les éventuels phénomènes de substitution que nous ne pourrons mesurer qu'après un certain temps.
Monsieur le rapporteur, en tout état de cause, il appartiendra au législateur de tirer les conséquences qui s'imposent. Mais nous ne souhaitons pas, à ce stade, que l'on ait du contrat première embauche une vision limitée et restrictive qui conduirait à ne pas voir au-delà de la période de trois ans et à refuser d'emblée toute mise en perspective.
Dans ces conditions, eu égard à l'amendement qui a été adopté à l'Assemblée nationale et au travail qui va être conduit, y compris par le conseil d'orientation pour l'emploi, tant sur le contrat nouvelles embauches que sur le contrat première embauche, le Gouvernement souhaite le retrait du présent amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 175, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du IV de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 432-4-1 du code du travail, après les mots : « le nombre de salariés sous contrat de travail temporaire, » sont insérés les mots : « le nombre de salariés sous contrat première embauche, ».
La parole est à M. Madec.
M. Roger Madec. L'article L. 432-4-1 du code du travail prévoit que, chaque trimestre dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, et chaque semestre dans les autres, le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise de la situation de l'emploi qui est analysée en décrivant, mois après mois, l'évolution des effectifs et de la qualification des salariés et en retraçant, par sexe, le nombre de salariés sous contrat de travail à durée indéterminée, le nombre de salariés sous contrat de travail à durée déterminée, le nombre de salariés sous contrat de travail temporaire et le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure.
Le chef d'entreprise doit également indiquer au comité d'entreprise les motifs l'ayant amené à recourir à des contrats de travail autres que des CDI et le nombre de journées de travail effectuées sous ces types de contrat.
Ces listes permettent aux membres du comité d'entreprise d'apporter leur contribution à la gestion du personnel. On peut en effet mesurer ainsi la nécessité de conclure des contrats de travail précaires pour faire face aux aléas de production, mais aussi l'opportunité de conclure de préférence des contrats à durée indéterminée.
Les contrats première embauche étant, comme les contrats nouvelles embauches, une nouvelle catégorie de contrats, il paraît souhaitable de les ajouter à la liste ainsi prévue. Le CPE comme le CNE ont en effet nécessité une modification législative pour leur introduction dans le code du travail. Cela prouve une nouvelle fois qu'ils ne sont pas des CDI, contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, monsieur le ministre.
Ce sont des contrats qui, comme n'importe quel CDD, ont vocation à devenir un jour des CDI, si l'employeur, d'une part, ne licencie pas le salarié ou, d'autre part, décide de transformer le CDD en CDI. Concrètement, il n'y a pas de grande différence entre ces deux cas de figure.
La nécessité d'inclure les CPE dans la liste s'impose, en raison même des arguments que vous avancez devant les Français. En effet, si, comme vous le prétendez, le CPE a vocation à devenir un CDI, il sera utile de mesurer combien de CPE arrivent à leur terme et sont donc transformés en CDI.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'avis de la commission est totalement défavorable, monsieur le président.
Nous ne pouvons certainement pas accepter de classer le CPE avec les contrats temporaires ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ce n'est absolument pas l'image que nous voulons en donner, nous le disons depuis le début de la discussion.
M. André Vézinhet. Demandez aux jeunes quelle image ils en ont !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je réitère donc mon avis très défavorable !
M. Didier Boulaud. On avait compris !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Madec, « ne tremblez point parce qu'il n'est point d'objet à votre crainte », comme disait l'évangéliste !
Le contrat première embauche étant un contrat à durée indéterminée,...
M. Roland Muzeau. Mais non !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas parole d'évangile !
M. Bernard Frimat. C'est plutôt l'apocalypse !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... il fait et il fera partie des informations fournies sur le nombre de salariés sous CDI. C'est comme tel qu'il sera porté à la connaissance des institutions représentatives et du comité d'entreprise.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas marrant d'être jeune avec un gouvernement de droite !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 176, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le IV de cet article, remplacer les mots :
l'emploi
par les mots :
le nombre de créations nettes d'emplois
La parole est à Mme Raymonde Le Texier. Allez-y, chère collègue !
M. Didier Boulaud. Elle a du temps devant elle, elle n'est pas en CDD ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Mais si !
Mme Raymonde Le Texier. Je ne suis pas immédiatement « virable ». En tout cas, pas par vous ! (Nouveaux sourires.)
Cet amendement propose de remplacer l'évaluation des effets du CPE sur l'emploi par une évaluation portant sur le nombre de créations nettes d'emplois. Il ne faut pas en effet souffrir d'ambiguïté dans ce domaine.
On entend trop souvent dire actuellement que le Gouvernement obtient une baisse du chômage, alors que cette baisse a essentiellement des causes démographiques, avec les 600 000 départs en retraite intervenus cette année. (M. le ministre délégué s'entretient avec l'un des membres de la Haute Assemblée.)
M. Bernard Frimat. Le ministre n'écoute même pas !
Mme Raymonde Le Texier. M. le ministre semble vraiment passionné par mes propos ! Puisqu'il en est ainsi, je recommence mon propos ! (Rires.)
Cet amendement propose de remplacer l'évaluation des effets du CPE sur l'emploi par une évaluation portant sur le nombre de créations nettes d'emplois. Il ne faut pas en effet souffrir d'ambiguïté dans ce domaine, disais-je.
On entend trop souvent dire actuellement que le Gouvernement obtient une baisse du chômage - même si les nouvelles ne sont pas très bonnes depuis hier - alors que cette baisse a essentiellement des causes démographiques, avec les 600 000 départs en retraite intervenus cette année. C'est une tendance lourde qui est appelée à se poursuivre.
Mais on ne peut tout attendre de la démographie. Nous ne cessons de dire que le CPE n'est qu'une machine à effet d'aubaine, contre l'embauche directe en CDI, bien sûr, mais aussi contre le contrat à durée déterminée, contre l'intérim.
Les premiers résultats connus concernant le contrat nouvelles embauches vont dans notre sens. Une récente enquête de l'organisme d'analyse Fiducial est révélatrice. Il ressort des réponses mêmes des patrons que ce qui devait libérer l'embauche n'a fait qu'accroître la précarité. Quelques éléments de cette enquête paraissent intéressants.
Ainsi, 86 % des entreprises ont embauché un seul salarié. Ce chiffre augmente naturellement avec la taille de l'entreprise, la moyenne pour les entreprises de 10 à 19 salariés atteint 1,55 embauche. La proportion des non-cadres parmi les recrutés atteint 97 %, ce que confirme le tableau des diplômes : 78 % des recrutés n'ont pas le bac et seulement 10 % détiennent un diplôme de l'enseignement supérieur. Enfin, 90 % des embauchés étaient réticents face à ce type de contrat ! Ce sont eux qui disent : « C'est mieux que rien », parce qu'ils attendent un emploi depuis des mois.
Plus intéressant encore : 40 % des entreprises ont utilisé le CNE pour remplacer du personnel existant et 71 % auraient embauché tout de même sans l'existence du CNE, en utilisant le CDI pour 57 % d'entre elles, le CDD ou l'intérim pour 40 %, l'apprentissage, ou tout autre mode d'embauche pour 3 %. C'est l'effet d'aubaine, le transfert.
Les créations nettes d'emplois représentent tout de même 29 % des CNE signés, mais, pour au moins 57 % des embauchés, un contrat qui aurait pu être stable et non précaire s'est transformé en contrat avec deux ans d'incertitude.
Sur les raisons du choix du CNE, plusieurs réponses sont fournies : 55 % des dirigeants l'ont choisi pour ne pas prendre de risque si l'activité ralentit ; 51 % pour tester les compétences de la personne pendant plus longtemps ; enfin, ils sont 46 % à vouloir ainsi éviter les contraintes du CDI en matière de licenciement - soit presque un sur deux - et 21 % veulent éviter les contraintes d'un CDD.
Il faut noter que 35 % des embauchés avaient déjà travaillé dans l'entreprise, principalement en CDD ou en apprentissage. Pour les autres, il n'est pas question de diminuer leur période d'essai en validant leur expérience, puisqu'elle n'a pas eu lieu dans l'entreprise.
Toujours d'après cette même enquête sur l'avenir des CNE, près de 12 % des contrats conclus ont déjà été rompus. Parmi eux, 52 % l'ont été par le salarié, 44 % par l'entreprise.
Quand on interroge les dirigeants sur la suite de la période d'essai de deux ans, c'est à dire la transformation éventuelle du CPE en CDI, seuls 43 % affirment qu'ils garderont leur salarié, 48 % ne savent pas et 9 % affirment déjà qu'ils ne les conserveront pas.
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas joli, joli !
Mme Raymonde Le Texier. Qu'en sera-t-il dans les grandes entreprises si d'aventure le CNE est généralisé demain ?
Et pour le CPE ? En ouvrant ce type de contrats aux entreprises de toutes tailles, le Gouvernement ouvre imprudemment la boîte de Pandore.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. Certains secteurs vont faire appel massivement à cette nouvelle main d'oeuvre corvéable à merci, à ces salariés jetables. Je pense, par exemple, à la grande distribution.
Quand il s'agit de recruter de la main d'oeuvre sans qualification nécessaire, on favorise le moins-disant économique et social. On l'avait vu avec les stages d'initiation à la vie professionnelle, les SIVP, au début des années 1990 : les grandes surfaces embauchaient pour six mois et renouvelaient leur stock deux fois par an pour continuer à bénéficier des aides publiques. Le mot « stock » est, en l'occurrence, employé à dessein.
Rien n'empêchera d'en faire autant avec les CNE : huit heures de formation, et hop ! à la caisse pendant deux ans, avec, de fait, l'obligation d'accepter les horaires morcelés, les pressions morales, les salaires indécents, les contraintes illégales. Pourquoi pas ? Quel salarié sous CPE va protester, en sachant pertinemment qu'il prendra la porte sans que l'employeur soit tenu de présenter une justification ?
Le pire, c'est que ce sont les jeunes les moins qualifiés qui vont être les plus violemment touchés par ce contrat déséquilibré, eux qui seront interchangeables parce qu'utilisés à des tâches ne nécessitant aucun savoir-faire, aucune connaissance particulière. L'exemple du CNE le montre parfaitement, et c'est d'autant plus vrai que le seuil de 26 ans limitera considérablement l'accès à ce type de contrats pour les plus diplômés, puisque, bien évidemment, ils investissent le marché du travail à un âge plus avancé que les non-diplômés.
Ce contrat ouvre donc la voie à un immense retour en arrière vers l'inégalité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. À la caisse, puis à la casse !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac. Cet amendement est porté par une vision très réductrice du CPE...
MM. René-Pierre Signé et Didier Boulaud. Réaliste !
M. Henri de Raincourt. Conservatrice !
M. Alain Gournac. Il conviendra d'évaluer l'ensemble des effets du CPE sur l'emploi. Il faudra alors envisager non seulement les créations d'emplois mais aussi, par exemple, l'existence d'effets de substitution entre le CPE et le CDI, et bien d'autres choses encore.
Nous avons mentionné plusieurs pistes au cours du débat, certaines touchent au régime juridique du CPE, aux modalités d'information du salarié licencié, à la durée de la période de consolidation. Il ne faut pas refermer l'évaluation sur la création nette d'emploi, ce serait la priver de la portée que nous lui attachons. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est semblable à celui de la commission, pour les mêmes motifs.
M. René-Pierre Signé. Pas de surprise !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais simplement apporter deux éléments d'information complémentaires.
En premier lieu, madame Le Texier, vous faisiez référence, je pense, à l'enquête de l'IFOP sur le CNE. Je rappelle que, parmi 65 % des nouveaux embauchés, 36 % étaient au chômage ou au RMI. On ne peut pas ignorer les 36 % qui ont retrouvé un emploi et, pour certains, un emploi qu'ils n'arrivaient pas à trouver depuis longtemps.
M. René-Pierre Signé. Mais le chômage remonte !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ces faits méritent d'être rappelés, car on ne peut que se réjouir de voir des gens depuis longtemps au chômage ou au RMI retrouver le chemin de l'emploi. C'est bien l'objectif du Gouvernement et c'est l'objectif du contrat nouvelles embauches comme du contrat première embauche ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Ce discours ne tient pas !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En second lieu, vous avez évoqué la croissance démographique. Je voudrais rappeler que la population active continuera à croître jusqu'en 2014. Les chiffres dont nous disposons pour 2005, 2006 et 2007 laissent prévoir sur ces trois années une croissance cumulée de la population active qui avoisine les 60 000.
Je ne peux laisser accroire que nous serions dans une spirale négative de croissance de la population active qui permettrait d'expliquer un certain nombre d'améliorations de la situation de l'emploi. Bien évidemment, ces améliorations doivent être confortées, parce que la situation de l'emploi n'est pas déconnectée de la croissance économique, c'est une réalité, mais on ne peut pas dire qu'elles s'expliquent exclusivement par la diminution de la population active.
Et il faut s'en réjouir ! Car nous sommes, avec l'Irlande, un des rares pays de l'Union européenne qui conserve aujourd'hui une démographie positive. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Et un chômage positif !
M. René-Pierre Signé. Le ministre parle mieux qu'il n'agit !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 510, présenté par M. Nogrix, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier paragraphe (IV) de cet article:
IV. - Les conditions de mise en oeuvre du « contrat première embauche » et ses effets sur l'emploi feront l'objet, tous les semestres, d'une évaluation quantitative effectuée par les organismes chargés du recueil et de la production des statistiques et d'une analyse qualitative associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. L'objet de mon amendement est de prévoir un dispositif d'observation pour évaluer l'impact économique et social du CPE au plus près de sa mise en oeuvre.
La logique pragmatique qui vous conduit, monsieur le ministre, à tenter l'expérience du CPE doit être poursuivie jusqu'au bout. En l'état, l'évaluation prévue d'ici à 2008 paraît pour le moins désinvolte et, de toute façon, inutile car, comme pour le CNE, le Gouvernement n'attendra pas cette évaluation pour proposer un nouveau dispositif. L'engagement ainsi pris est bien lointain au regard du rythme auquel vit notre époque.
Par ailleurs, dans la mesure où l'on touche aux fondamentaux de notre droit du travail et au prétendu système d'exploitation de notre modèle social, le dispositif d'observation doit moins relever d'un bilan final que d'un mécanisme de veille qui étudiera l'impact du CPE en continu, sous tous ses aspects.
Il convient d'évaluer l'efficacité du CPE pour l'emploi, sur laquelle je suis personnellement prêt à vous suivre, mais également ses conséquences sociales et économiques pour la société française et les salariés, car nul ne peut prédire aujourd'hui où le CPE peut mener.
La meilleure réponse que vous puissiez apporter au procès d'intentions - ou au procès en sorcellerie - que l'on vous intente est l'élaboration d'un dispositif subtil, au plus près des réalités.
Du CPE peuvent jaillir le meilleur comme le pire. À vous vouloir magicien des chiffres du chômage, vous pourriez vous retrouver apprenti sorcier.
Vous demandez à être jugé sur les résultats : il vous appartient donc de mettre en place toutes les conditions de succès.
Tous les observateurs avisés s'accordent à dire que le CPE pose incontestablement plus de questions qu'il n'apporte de réponse.
Les experts de tous bords ont pronostiqué plusieurs effets pervers. Ils évoquent notamment les conséquences matérielles et psychologiques de la précarisation du salarié et l'introduction d'un biais dans le fonctionnement naturel du marché du travail.
Les jeunes qui auront dépassé l'âge limite pour conclure un CPE intéresseront sans doute moins les entreprises : que deviendront, à compétences égales, les jeunes de 27 ans, de 28 ans, de 29 ans et plus ? Que deviendront les jeunes de moins de 26 ans qui auront déjà effectué un CDD additionné de plus de deux ans et qui ne pourront pas bénéficier d'un CPE ?
Les experts prévoient enfin un phénomène de seuil, accru par l'exonération de charges sociales pendant deux ans pour l'embauche d'un jeune au chômage depuis six mois et un effet général de freinage à l'embauche du fait de cette énième modification de la législation du travail.
L'annonce de l'introduction d'un contrat de travail unique risque ainsi de conduire les employeurs à attendre des jours meilleurs.
Ces signaux contradictoires sont confirmés par M. Proglio, que plusieurs ont évoqué. Dans le rapport de son groupe de travail sur l'insertion professionnelle des jeunes, M. Proglio conclut que, pour favoriser l'embauche des jeunes diplômés, les solutions ne se trouvent ni dans une fuite en avant vers la professionnalisation des études ni dans la multiplication de mesures incitatives.
Pour ma part, je le répète, je ne suis pas hostile au CPE. Les risques qu'il comporte doivent toutefois inciter à une certaine modestie. Quoi qu'il en soit, une analyse au plus près du terrain est nécessaire.
Le précédent du CNE, dont vous vous inspirez, est à cet égard plus qu'éloquent. Sur quelles études s'appuyait-on, de quel recul disposait-on jusqu'à présent pour en apprécier le succès dont vous vous prévalez ?
L'enquête que l'IFOP a menée pour le compte de Fiducial auprès de 300 dirigeants ayant recruté sur la base de CNE nous a, il est vrai, révélé que 250 000 contrats ont été signés entre août et décembre. Elle a également révélé que 30 seulement d'entre eux ne seraient pas intervenus sans l'existence du CNE et que celui-ci répond essentiellement à ce qui constitue pour les employeurs une priorité : embaucher sans risque.
Cette analyse est intéressante, mais elle reste un peu sommaire sur un plan qualitatif. Elle est un peu courte en tout cas pour justifier à elle seule la nouvelle donne que représente le CPE.
Une autre étude, beaucoup plus détaillée, confirme la pertinence de l'amendement n° 510. Cette étude est le fait de deux universitaires : M. Pierre Cahuc, professeur à l'université Paris I et membre du Conseil d'analyse économique, rattaché aux services du Premier ministre, et M. Stéphane Carcillo, chercheur au Centre d'économie de la Sorbonne, à l'université Paris I.
Au terme d'une modélisation mathématique originale et rigoureuse, les deux experts montrent que le CNE stimulera les embauches à court terme mais que l'on assistera parallèlement à une augmentation des séparations. Les auteurs tablent au total sur 70 000 créations d'emplois nettes d'ici à la fin de 2008, si le CNE perdure jusqu'à cette date.
Ces emplois, certes, ne coûtent rien aux finances publiques, à la différence des emplois aidés, qui, selon le dispositif retenu, pèsent entre 5 000 euros et 50 000 euros par emploi et par an. Notons néanmoins que 70 000 emplois créés en deux ans et demi, cela reste relativement modeste, tant en valeur absolue qu'au regard d'une évolution démographique qui profitera nécessairement à l'emploi d'ici un an ou deux.
Je ne mentionnerai pas les hypothèses contentieuses, dont les récents développements laissent augurer bien des incertitudes.
Ces arguments montrent qu'il importe de mesurer précisément si, au regard de ces enjeux, le jeu du CPE en vaut la chandelle, si la fin justifie les moyens. Restons modestes !
Je le disais lors de la discussion générale, ce n'est pas la loi qui crée l'emploi, ce sont les conditions économiques, les conditions du marché, les conditions démographiques. Vous avez sur ce point politiquement raison, car l'état de notre démographie va apporter la solution : nous risquons même de manquer de main d'oeuvre d'ici à 2010.
Quant à vous, chers collègues de l'opposition, ayez quelque retenue, lorsque vous exprimez vos réflexions sur les chiffres du chômage : les conjonctures fluctuent, et leur incidence sur l'évolution de l'emploi n'a souvent rien à voir avec les politiques déployées.
Soyons attentifs à l'efficacité de notre système de formation. C'est là qu'il faut agir, monsieur le ministre. À cet égard, je n'évoquerai pas le mammouth à dégraisser, mais plutôt le caméléon, magnifique témoin du passé, qui sait s'adapter à son environnement pour s'y fondre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je remercie vraiment notre collègue Nogrix, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention. Je suis néanmoins obligé de lui dire que je ne partage pas son analyse.
Il propose que l'on procède tous les semestres à une évaluation quantitative. Je l'ai dit tout à l'heure, il me semble que nous ne devons pas nous soucier uniquement du quantitatif, mais également du qualitatif. Il faut étudier l'évolution des différents éléments. Une analyse quantitative, est une succession de chiffres qui s'additionnent. Il faut examiner dans le détail comment ces chiffres ont été obtenus.
Selon la commission des affaires sociales, il est indispensable d'effectuer une évaluation globale du CPE, et ce dans un délai qui permettra de disposer de données pertinentes. Si nous procédions immédiatement à cette évaluation, les éléments nécessaires nous feraient défaut.
Cela ne m'empêche pas de proposer à M. le président de la commission des affaires sociales que la commission procède au suivi du CPE et du CNE. Je suis, quant à moi, tout disposé à participer à cette tâche.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 510.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Selon les termes de l'article 3 bis, l'évaluation se fait « au plus tard au 31 décembre 2008 » - l'expression « au plus tard » a son importance -, en « associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel ».
En ce qui concerne le contrat nouvelles embauches, les premières enquêtes sont en cours, car nous souhaitons mettre en place un suivi de cette mesure.
Je souhaiterais à cet égard que l'on n'oppose pas les deux modèles dont il a été question : le modèle mathématique de MM. Cahuc et Carcillo, au modèle des sondages, dont l'étude IFOP-Fiducial est l'exemple. Ce sont deux approches différentes.
Le Conseil d'orientation pour l'emploi, au sein duquel sont présents les partenaires sociaux ainsi que des économistes, comme M. Pierre Cahuc, nommé par le Gouvernement et qui est également membre du Conseil d'analyse économique, a vocation à évaluer l'efficacité des nouveaux dispositifs destinés à favoriser l'emploi, notamment des dispositifs d'allégement de charges. Cela évoque sans doute pour M. Raffarin un projet présenté en conseil des ministres sous son autorité. (M. Jean-Pierre Raffarin acquiesce.) Ce Conseil se saisira donc du dossier du CNE et procédera à son suivi.
Le modèle du sondage est réalisé sur un fichier comptant 130 000 entreprises, dont sont extraites 1 325 très petites entreprises et l'enquête porte sur 300 dirigeants et non pas sur 300 cas d'embauches. Il en est ainsi chaque fois qu'elle se répète.
Le modèle mathématique, quant à lui, fonde l'étude de Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo. Ses résultats quantitatifs ne doivent être considérés, selon ses auteurs mêmes, que comme des valeurs indicatives.
Deux conclusions semblent aujourd'hui pouvoir être tirées : d'une part, l'augmentation des embauches et, plus généralement, la rotation sur le marché du travail sont susceptibles d'entraîner des effets positifs. D'autre part, le niveau global d'emploi augmente. Il serait un peu rapide de conclure de ces deux données que l'on ne créera que 70 000 emplois ou que l'on ne créera que 29 % ou 30 % des emplois attendus. D'où l'intérêt d'une évaluation plus tardive et d'un suivi par le Conseil d'orientation pour l'emploi. À cet égard, j'ai bien entendu la proposition de la commission des affaires sociales. Ce me semble être une très intéressante contribution à l'évaluation du résultat de ces politiques.
Une de nos particularités, depuis des décennies, est de ne jamais évaluer les résultats des politiques conduites. Le Conseil d'orientation pour l'emploi a été mis en place pour pallier ce défaut.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l'amendement n° 510.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 177, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le IV de cet article, remplacer l'année :
2008
par l'année :
2006
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Ma défense de l'amendement n° 176 s'appuyait sur l'enquête IFOP-Fiducial. À propos de cet amendement d'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez été chaleureusement applaudi par une partie de la Haute Assemblée, après avoir déclaré, avec des trémolos dans la voix, que ceux qui avaient été recrutés sous CNE étaient, pour 36 % d'entre eux, des chômeurs et des RMImistes. Pensez-vous qu'ils auraient dû rester chômeurs et RMImistes ?
Je disais, monsieur le ministre, que 90 % de ces personnes avaient déclaré avoir accepté ce contrat avec beaucoup de réticences. Ils l'ont accepté à défaut d'une autre proposition. Pensez-vous vraiment que, parce qu'il s'agit de chômeurs et de RMImistes, vous pouvez leur proposer n'importe quoi sauf un réel contrat de travail ? Tel n'est pas notre avis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Il ne s'agit pas là d'un classique débat entre gauche et droite, nous ne sommes pas ici pour jouer une partition connue : nous pensons vraiment que ce CPE est un pur scandale.
J'en viens à la défense de l'amendement n° 177.
Le CPE étant porté par l'actuel gouvernement tout entier, nous souhaitons que les Français soient correctement informés des conséquences de cette politique de l'emploi avant les grandes échéances électorales de 2007. Nous souhaitons que l'évaluation soit disponible à la fin de 2006.
Nous savons que, d'ici à 2007, nous assisterons à des départs en retraite massifs. Nous nous attendons à un tour de prestidigitation qui ferait apparaître de nouveaux emplois, de nouvelles embauches, comme les conséquences positives du CPE ou du CNE.
Combien d'emplois réellement nouveaux peut-on espérer de la création du contrat première embauche ? C'est la question de fond à laquelle les économistes tentent dès aujourd'hui de répondre.
Permettez-moi de vous donner brièvement lecture des conclusions du rapport de MM. Cahuc et Carcillo, rapport qui fait quelque bruit.
Ces scientifiques, au moyen de nombreuses courbes et équations, arrivent malheureusement aux mêmes conclusions que nous.
« Trois enseignements principaux peuvent être retirés des exercices menés dans cet article.
« Tout d'abord, l'introduction de nouveaux contrats de type CNE a un impact vraisemblablement positif de faible ampleur sur l'emploi à l'horizon de quelques années. Dans le cas le plus vraisemblable, ces contrats devraient accroître faiblement l'emploi, mais réduire, à terme, la population active.
« Ensuite, le CNE exerce l'essentiel de son impact sur l'emploi sur un horizon inférieur à deux ans. Mais l'effet couperet induit par la période d'essai de deux ans implique que l'emploi cesse de croître après deux années, pour diminuer ensuite légèrement au-delà de l'horizon de trois ans. Ce phénomène indique que les résultats d'évaluations ex-post de court terme doivent être interprétés avec prudence, dans la mesure où la détection d'effets positifs forts sur l'emploi observés sur quelques mois ne permet pas de préjuger de l'impact à moyen et long terme.
« Enfin, le CNE aurait tendance, en augmentant l'instabilité des emplois, à détériorer le bien-être des demandeurs d'emploi. Cette détérioration est la conséquence de l'effet couperet induit par la période d'essai de deux ans qui contribue à déstabiliser significativement l'emploi.
« Ces conclusions sont cohérentes avec celles obtenues par les études qui ont évalué les conséquences de l'extension des possibilités d'usage des contrats à durée déterminée. Ces études montrent en effet que les réformes qui flexibilisent le marché du travail à la marge augmentent artificiellement la rotation des emplois, avec des gains faibles en termes d'emploi et des conséquences qui peuvent être néfastes pour le bien-être. En revanche, des réformes qui modifient en profondeur le contrat de travail en substituant une taxe sur les licenciements aux procédures de reclassement interne et au contrôle administratif et judiciaire du licenciement sont susceptibles de réduire l'instabilité de l'emploi tout en favorisant les créations d'emplois ».
Voilà que, par une stupéfiante coïncidence, d'éminents scientifiques démontrent que le CPE, comme le CNE, ne créera que des effets d'aubaine, alors qu'une surcotisation sur les contrats précaires et sur les licenciements serait beaucoup plus efficace pour stabiliser l'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Mme Le Texier a employé le terme « scandale », mais le véritable scandale serait de ne rien faire, de ne rien proposer aux jeunes qui ont les plus grandes difficultés à trouver un premier emploi.
M. Jean-Louis Carrère. Pas avec ce texte de chaos !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le délai proposé est trop court pour permettre une évaluation sérieuse : à la fin de 2006, les données seront fragmentaires et globalement peu significatives.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 177.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Puisque Mme Le Texier pense que je parle avec des trémolos dans la voix, quasiment d'une manière chevrotante, je me permettrai de la renvoyer à la symbolique de la chèvre, celle qu'illustre le mythe d'Amalthée nourrissant Zeus. La chèvre n'est-elle pas cette vache du pauvre qui permet à un certain nombre de départements de bien de se développer ? Un excellent ouvrage vient d'ailleurs d'être publié sur le sujet... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Robert Bret. C'est galant !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais maintenant revenir, d'une voix assurée, sur l'intérêt d'une évaluation dans la durée.
Madame Le Texier, quel intérêt aurait une évaluation réalisée après six mois seulement ? J'ai dit tout à l'heure à M. Nogrix qu'il était nécessaire d'évaluer les effets de ces nouveaux contrats d'emploi dans la durée. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 177.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 451, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Dans le premier alinéa de l'article L. 122-25 du code du travail, après les mots : « résilier son contrat de travail au cours d'une période d'essai », sont insérés les mots : «, ou au cours des deux premières années d'un contrat nouvelles embauches ou d'un contrat première embauche, ».
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous défendons le code du travail parce que nous tenons à ce rempart. Nous le défendons également parce que, loin d'être un solide vaisseau permettant de voguer vers l'emploi durable, votre projet de loi sera une embarcation percée, dans laquelle sombreront beaucoup d'espoirs et qui ne conduira qu'à des lendemains amers.
Nous sommes à trois amendements de la fin du débat sur l'article 3 bis : nous en sommes donc aux bouées de sauvetage !
C'est un peu le sens de cet amendement, tendant à créer un bonus-malus incitatif pour les entreprises qui feraient le choix de l'emploi durable. Si le bonus-malus fonctionne pour les assurances, afin d'inciter les conducteurs à la prudence et à l'achat de voitures propres, ce système pourrait inciter les employeurs à la vertu et les décourager de se servir de la précarité comme d'un instrument de gestion de l'embauche. C'est un mécanisme souple, qui permet d'éviter le pire et qui stimule les bonnes pratiques, ne serait-ce que dans un intérêt bien compris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. On en a longuement parlé lors de nos débats, qui ont été fort longs, mais très intéressants.
M. Guy Fischer. Vous le reconnaissez !
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui ! Je n'ai jamais dit le contraire !
Il a déjà été rappelé en détail comment l'article L. 122-45 du code du travail, relatif aux discriminations et applicable au CPE, interdit à l'employeur de prendre en considération l'état de grossesse lors d'une procédure de licenciement. Il a été aussi rappelé à plusieurs reprises comment cette protection est organisée par la loi de la façon la plus vigoureuse.
C'est pourquoi, madame Blandin, la commission est défavorable à l'amendement n° 451.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà abordé ce sujet, ce qui m'a notamment permis d'évoquer l'évolution des négociations et la nouvelle convention sur le régime d'assurance chômage ; mais il s'agissait alors des contrats à durée déterminée.
Or le CPE est un contrat à durée indéterminée : il ne peut pas être assimilé à un contrat précaire ; il n'entre donc pas dans le cadre de la réflexion sur la modulation des cotisations sociales en fonction du nombre de recours à des contrats précaires dans l'entreprise, l'indemnité de cessation de contrat, les 2 % de contribution pour la convention de reclassement personnalisé et les actions d'accompagnement.
En conséquence, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 453, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Une modulation de cotisations sociales dont s'acquittent les entreprises est créée en fonction de leur recours à des contrats précaires tels que ceux relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », ceux prévus à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de moins de six mois, ceux prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 212-4-3, ou d'un contrat première embauche créé par la présente loi. Un décret en Conseil d'État définit les modalités précises de cette modulation.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. La fatigue aidant, à l'instant, j'ai défendu l'amendement n° 453, qui concerne le bonus-malus, à la place de l'amendement n° 451. Cela me permet de vous répondre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, sur ce dernier.
Même si vous pensiez nous rassurer en nous affirmant qu'il n'y a pas de problème, que la garantie existe, nous maintenons qu'une jeune femme qui n'a guère l'expérience du monde du travail a besoin d'une protection accessible, clairement explicitée dans la loi, et non d'un conflit dont seront éventuellement saisis les prud'hommes, pour inaugurer la promesse qu'elle porte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à dissuader les employeurs de recourir au CPE en rendant son utilisation plus coûteuse.
Il est contraire à la position de la commission, et vous comprendrez, madame, que nous donnions un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 453.
Cela dit, je voudrais revenir sur l'amendement précédent en lisant quelques lignes de l'article L. 122-5-2 du code du travail : « Aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit en application de l'article L. 122-26, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes ».
Par ailleurs, je tiens à réaffirmer le droit au congé parental.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 666, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Le fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi reçoit une contribution appelée « contribution de précarité », payée par les employeurs lors de la signature de chaque contrat de travail précaire, relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », d'un contrat prévu à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de moins de six mois, d'un contrat prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 122-4-3 du même code, ou d'un contrat première embauche créé par la présente loi. Un décret en Conseil d'État définit les modalités de recouvrement et le montant de cette contribution, due à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à Mme Hélène Luc, à qui je rappelle qu'elle ne dispose que de cinq minutes. (M. Guy Fischer proteste.)
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, vous n'allez pas nous empêcher de parler !
Cet amendement concerne le Fonds de solidarité pour l'emploi, qui a été créé en 1982 et a pour fonction de financer un certain nombre de dispositifs d'insertion au bénéfice des travailleurs privés d'emploi.
Ce fonds est actuellement financé par une cotisation sur les salaires des fonctionnaires, à laquelle s'ajoute une subvention d'équilibre de la part de l'État. Il a vu son budget réduit dans la dernière loi de finances, alors que l'on augmente aujourd'hui ses attributions et que la politique menée par le Gouvernement laisse penser que les travailleurs privés d'emploi relevant de la solidarité nationale risquent de devenir légion.
On peut ainsi s'interroger sur la solvabilité de ce fonds et donc sur la pérennité des actions qu'il est censé financer.
Notre amendement reprend l'une des pistes de réflexion mises en avant par la commission présidée par Martin Hirsch, le président d'Emmaüs, qui est favorable au développement des sanctions pénales en cas de recours abusif au travail précaire.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous venons, au sein de la délégation aux droits des femmes, de recevoir le président Hirsch. Il nous a parlé de tous ces nouveaux pauvres, qui sont souvent jeunes et parmi lesquels on compte beaucoup de jeunes femmes seules avec des enfants : ce sont des victimes du travail précaire.
Malheureusement, une part importante des embauches se fait aujourd'hui sur des emplois précaires, et cela est d'autant plus fréquent que le Gouvernement multiplie les contrats qui, comme le contrat « nouvelles embauches », institutionnalisent la précarité.
La presse publie aujourd'hui une étude prospective qui est un véritable pavé dans la mare. Cette étude a été réalisée par deux économistes de Paris I-Sorbonne, Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo ; tous deux sont de fervents défenseurs d'une réforme qui modifie en profondeur le contrat de travail et militent pour la création d'un contrat unique. Ils démontrent, à partir d'une simulation, que l'incidence du CNE sur le chômage ne serait que de 0,5 % en quinze ans - on est loin des 303 900 emplois prévus ! - et qu'il augmenterait fortement l'instabilité de l'emploi.
Ces chercheurs confirment que la grande nouveauté du CNE est d'avoir suspendu l'ensemble des articles du code du travail qui réglementent le licenciement pendant les deux premières années. Le CPE, réservé aux jeunes de moins de vingt-six ans, présente, de ce point de vue, les mêmes caractéristiques.
L'instauration d'une période d'essai de deux ans, avec un couperet à l'issue de cette période, empêche de produire un effet à long terme sur l'emploi. En effet, même en partant du principe que la flexibilité quasi complète du licenciement liée au CNE libère l'embauche, les destructions d'emplois sont tout autant facilitées.
De ce fait, estiment les économistes, il est possible que le CNE, en devenant la norme en matière d'emploi, se traduise à terme par un accroissement et non par une diminution du chômage.
À l'inverse de cette tendance désastreuse, sur le plan social comme en termes économiques, nous proposons que le Fonds de solidarité pour l'emploi soit abondé par une contribution exceptionnelle sur les emplois précaires. Les CDD, l'intérim, les contrats « nouvelles embauches », les CPE sont autant de possibilités de recours à la flexibilité pour les entreprises, dont les rendements boursiers explosent à mesure que les salariés sont contraints à l'instabilité familiale et économique.
Au cours de la discussion du projet de loi pour le retour à l'emploi, cette question avait déjà été soulevée et, à l'Assemblée nationale, Mme Vautrin avait justifié la baisse des crédits attribués au Fonds de solidarité par la baisse du nombre de bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique. Mais si leur nombre diminue, ce n'est pas parce que celui des chômeurs de très longue durée est en régression - au contraire, il a augmenté de 8 % cette année -, c'est plutôt que les bénéficiaires basculent vers le RMI, un régime bien plus défavorable, et qui les coupe plus encore du monde du travail.
Face à un tel désastre, une contribution minimale des entreprises pour financer les politiques de solidarité en matière d'emploi serait un moindre mal. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec ce que nous venons d'entendre.
Comme nous l'avons dit quand a été examiné l'amendement n° 452, la création d'une contribution de précarité à la charge des employeurs recourant au CNE ou au CPE serait contraire au bon sens. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc. Il a bon dos, le bon sens !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà abordé ce sujet à propos la contribution au régime de l'assurance chômage et de l'allocation forfaitaire. Nous en avons parlé également quand il a été question de l'abus de droit.
Le rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion qui est paru voilà quelques jours, et auquel vous avez fait allusion, fait ressortir l'émergence d'un problème chez les jeunes. J'évoquais ce point en présentant, de manière condensée, le rapport émanant de l'association représentant les foyers de jeunes travailleurs, rapport qui fait apparaître que le pourcentage de jeunes percevant plus de 1 065 euros par mois est extrêmement faible.
Madame Luc, c'est bien parce que le Gouvernement voit émerger chez les jeunes cette pauvreté, cette précarité,...
Mme Hélène Luc. Vous allez l'accentuer !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... que traduit le très grand nombre d'entrées sur le marché du travail par le biais de l'intérim ou de CDD de courte durée, cette difficulté d'accès au logement, qu'il propose le contrat première embauche.
Naturellement, nous aurons à mesurer les effets de ce dispositif et à nous assurer qu'il induit une réduction des phénomènes de pauvreté chez les jeunes, comme le recommande le rapport précité.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Hélène Luc. Nous faisons le même constat, mais nous n'en tirons pas les mêmes conclusions !
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 671, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les exonérations de charge accordées aux entreprises pour des emplois relevant d'un contrat première embauche font l'objet d'un remboursement lorsque la rupture du contrat intervient pendant la période de consolidation.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il s'agit là du dernier des amendements qui ont été déposés sur l'article 3 bis. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Mais cela ne veut pas dire que les débats seront terminés !
Nous avons défendu l'idée selon laquelle les embauches en CPE ne devraient en aucun cas bénéficier d'exonérations de charges sociales, d'autant que nous n'avons aucunement la garantie d'une quelconque compensation par l'État.
Avec cet amendement de repli, nous voulons prévenir une situation inacceptable, celle qui consisterait, pour une entreprise, à bénéficier de manière définitive d'exonérations de charges au titre d'emplois relevant d'un CPE attribués à des jeunes qu'elle n'a pas l'intention d'utiliser au-delà de ses besoins immédiats. Comme on le sait, ce sera, par définition, bien trop souvent le cas des embauches en CPE.
Il nous paraît donc logique et nécessaire que toute entreprise dans cette situation ait l'obligation de rembourser les fonds qui lui auraient été ainsi accordés si elle rompt le contrat avant l'expiration des deux années de la période de consolidation. Si tel n'était pas le cas, la mesure reviendrait à lui accorder une prime au licenciement.
Il faut absolument décourager les entreprises de « profiter » impunément de l'argent public, de cumuler tous les avantages, au détriment des salariés.
Nous savons tous que certains patrons, soutenus d'ailleurs en cela par le MEDEF, n'ont pas beaucoup de scrupules en la matière. Loin de moi l'idée de jeter la pierre à tous les employeurs, mais l'expérience est là.
Rappelons-nous le cas de l'entreprise Hewlett-Packard, implantée notamment en Rhône-Alpes, dans le département de l'Isère. Après avoir empoché 1,2 million d'euros d'aides publiques d'État, cette entreprise a annoncé, au mois de septembre dernier, la suppression de 1 240 emplois. Mes chers collègues, estimez-vous qu'un tel comportement est moral ? La question du remboursement de ces fonds avait alors été posée, suscitant des réactions extrêmement véhémentes de la part de la direction de cette entreprise. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, dans un entretien accordé au journal Les Échos, avait lui-même affirmé qu'il paraissait « normal » que la société informatique « rembourse les aides publiques spécifiques dont elle a pu bénéficier ».
Le problème, c'est que les outils juridiques n'existent pas réellement en France - et pour cause : vous n'en voulez pas ! -, et que l'opacité est reine dans le versement des aides qui sont, du même coup, difficiles à évaluer. Robert Hue avait formulé toute une série de propositions tendant à éviter cette gabegie, afin de vérifier que toutes les aides publiques, auxquelles les membres de mon groupe ne sont pas systématiquement opposés, soient utilisées à bon escient.
M. Henri de Raincourt. Il vient souvent, Robert Hue ?
M. Guy Fischer. Il était présent ce matin !
M. Roland Muzeau. Contrairement à vous, monsieur de Raincourt !
M. Guy Fischer. Effectivement, je ne vous ai pas vu ce matin, mon cher collègue !
M. Roland Muzeau. Ni ce matin ni cette nuit, d'ailleurs !
M. Guy Fischer. En acceptant l'amendement n° 671, tant le gouvernement de M. de Villepin que la majorité parlementaire aideraient à apporter un peu de clarté en la matière, d'autant que l'évaluation est facile en matière d'exonérations de charges accordées dans le cadre d'un CPE.
Accepter notre amendement serait aussi mettre un petit coup d'arrêt au gâchis des aides publiques en France. Je rappelle que l'ensemble de celles qui transitent par le budget de l'État représente, selon les estimations, de 1,8 % à 3,5 % du PIB.
Les exonérations de charges sociales, quant à elles, ont dépassé les 20 milliards d'euros, sans entraîner d'effet positif sur l'emploi, comme nous l'avons démontré. En revanche, elles ont engendré des effets pervers et sur l'emploi et sur la protection sociale.
Mais il est vrai que, sur ce dernier point, il y a une parfaite cohérence avec votre politique sociale et de santé, laquelle consiste à toujours réduire les dépenses pour laisser plus de place aux profits.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Je rappelle que les dividendes distribués aux actionnaires par les entreprises du CAC 40 se sont accrus de 33 % en un an. Et l'on voudrait faire croire aux jeunes qu'il faut diminuer le coût de leur travail parce que les entreprises n'auraient pas d'argent !
Il est grand temps d'admettre que la multiplication des exonérations, des aides publiques en tout genre, toutes accordées sans aucune garantie pour l'emploi, est une politique désastreuse. C'est pourquoi les membres du groupe CRC ont déposé l'amendement n° 671. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez employé l'adjectif « inacceptable ». Oui, il est inacceptable de laisser les jeunes en dehors du monde du travail. Oui, il faut tout faire pour que les jeunes puissent entrer dans le monde du travail. Oui, le CPE y contribue.
Mme Hélène Luc. À n'importe quel prix, à n'importe quelle condition, comme vous l'avez indiqué lors d'une émission diffusée par Public Sénat !
M. Alain Gournac, rapporteur. Par ailleurs, je dois souligner qu'aucune exonération de charge n'est accordée au titre du CPE. En revanche, les aides éventuellement perçues au titre du CIE pour un salarié embauché en CPE devront être reversées, en cas de rupture, dans les conditions prévues par le régime du CIE. Je suis heureux que vous m'ayez fourni l'occasion d'apporter cette précision : ainsi, le lecteur du Journal officiel saura de quoi il retourne réellement.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous proposez de prévoir un remboursement des exonérations de charges en cas de rupture du contrat de travail pendant la période de consolidation du CPE. Mais aucun allégement de charges n'est associé au CPE, qui n'est pas un nouveau contrat aidé.
Je l'ai déjà indiqué en répondant à M. Nogrix, le Premier ministre a saisi le Conseil d'orientation pour l'emploi afin que soit dressé un bilan et que soient suggérées des pistes au sujet de l'éventuelle conditionnalité des aides des pouvoirs publics à des engagements de la part de l'entreprise, notamment en termes d'emploi et de qualité d'emploi. Nous verrons, à la lumière du rapport demandé par M. le Premier ministre, quelles dispositions doivent être prises.
Pour le reste, le droit commun s'applique. Si, par exemple, le contrat première embauche est un contrat initiative-emploi, en cas de rupture sur décision de l'employeur, ce dernier devra rembourser les aides publiques perçues,...
M. Guy Fischer. Il faudra l'exiger !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...sauf, naturellement, en cas de faute grave.
Je tiens à l'indiquer clairement : par parallélisme, ce mécanisme s'appliquera à d'autres dispositifs incluant notamment des exonérations ou des aides particulières : l'employeur, en cas de rupture du contrat sur son initiative, hormis le cas de faute grave, devra rembourser les aides publiques perçues.
Pour ce qui concerne Hewlett-Packard, la somme de 1,2 million d'euros a été versée non par l'État, mais par les collectivités territoriales. C'est un sujet que nous avons évoqué avec M. Vallini, président du conseil général de l'Isère.
M. le président. Le vote est réservé.
(M. Christian Poncelet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé la présentation des amendements déposés sur l'article 3 bis.
Vote sur les amendements
M. le président. Conformément au règlement, je vais mettre aux voix les amendements dont le vote a été précédemment réservé.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 146 rectifié, 273 rectifié, 440 et 648.
M. Roland Muzeau. « Égalité des chances » : c'est avec ce titre mensonger et prétentieux que le Gouvernement vient devant le Parlement pour imposer, en fait, de très graves reculs en matière de droit du travail et de droit au travail.
Contrairement à ce qu'affirme M. de Villepin dans ses déclarations en faveur de l'emploi, nous assistons à un bouleversement du droit ainsi qu'à une précarisation sensible de la société dans son ensemble et, surtout, des couches modestes de la population.
Mesdames, messieurs de la majorité, vous avez déjà oublié le « non » au référendum du 29 mai dernier, au cours duquel les électeurs ont clairement exprimé, ainsi que toutes les analyses des spécialistes l'ont démontré, combien étaient fortes leurs préoccupations devant la gravité de la question sociale et leur exigence de voir enfin un autre système social se mettre en place à l'échelle de notre pays et de l'Europe.
Or, texte après texte, l'insécurité sociale dont parlent nombre de spécialistes s'accroît.
Mais au fait, sommes-nous en train d'assister à une stérile opposition entre droite et gauche ? Participons-nous à un débat dans lequel la majorité détiendrait la vérité alors que l'opposition répandrait la mauvaise foi ? Pour vous convaincre qu'il n'en est rien, je veux citer un remarquable « point de vue » signé par cinq spécialistes, Tiennot Grumbach, Pierre Lanquetin, Pierre Lyon-Caen, Claude Michel et Christine Zbinden : « Non, décidément, l'espoir très aléatoire d'une amélioration de l'emploi ne peut justifier l'existence d'une catégorie de salariés corvéables à merci et l'effacement de trente-deux années d'acquis sociaux, ainsi que la négation de principes fondamentaux internationalement reconnus. »
Ces spécialistes portent un jugement autant sur l'insécurité sociale aggravée pour les salariés que sur celle qui se fait jour dans les entreprises.
Le titre de leur contribution est clair : « Employeurs, salariés, vous avez été trompés ! » Ils écrivent encore : « En effet, en droit commun, le salarié licencié sait ce que l'employeur lui reproche. Il peut donc, en connaissance de cause, décider de saisir ou non le juge, ce qui se fait assez rarement, contrairement à une idée reçue chez les employeurs. Devant le juge, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Avec le CNE, et demain le CPE, la lettre de licenciement sera le plus souvent non motivée. » (L'orateur s'exprime dans un bourdonnement provoqué par des conversations sur les travées de l'UMP.)
Écoutez donc, chers collègues, je pense que c'est important pour que vous puissiez vous forger une opinion en connaissance de cause ! Merci, monsieur le président, de faire respecter l'ordre.
M. le président. Tout le monde écoute l'orateur, s'il vous plaît !
M. Dominique Braye. Mais ce qu'il dit n'a aucun intérêt !
M. Roland Muzeau. « La charge de la preuve incombera au salarié qui devra démontrer que son licenciement n'est fondé ni sur l'insuffisance professionnelle ni sur un motif économique. Perversion du système : l'ignorance du motif du licenciement va contraindre le salarié, pour le connaître, à assigner presque systématiquement en justice son employeur, alors que l'on entretient les employeurs dans l'illusion que le CNE les mettrait à l'abri du juge ! »
Nous, sénateurs de l'opposition, avons développé cette thèse à de très nombreuses reprises ici même, et je prends là quelques exemples dans un désordre qui n'est apparent.
Ces cinq spécialistes poursuivent ainsi : « Or, l'ordonnance en question... » - il s'agit de l'ordonnance n° 158 de l'OIT, ordonnance que vous avez contestée à plusieurs reprises, monsieur le ministre - « ... est contraire à l'article 4 de la convention de l'OIT, qui interdit qu'un travailleur puisse être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement, ainsi qu'à l'article 7, qui impose l'existence d'une procédure contradictoire en cas de licenciement pour les motifs liés à la conduite ou au travail du salarié. »
Ils ajoutent ceci : « Le Conseil d'État a considéré que le délai de deux ans prévu par l'ordonnance précitée était raisonnable au regard du but poursuivi : favoriser l'emploi. Sa décision, très contestable, ne s'impose nullement au juge judiciaire, qui a toute latitude pour avoir une appréciation contraire. Pour le moins, le juge prud'homal devra tenir compte des termes de la convention n° 158 pour interpréter restrictivement l'ordonnance du 2 août 2005.
« Cependant, le plus préoccupant est ailleurs. Imagine-t-on la situation angoissante de ces salariés qui, chaque matin, et pendant deux années, ignoreront si leur contrat sera maintenu le lendemain, même s'ils bénéficient, en cas de rupture, d'un court délai de préavis, insuffisant pour retrouver un emploi ?
« Comment les salariés parviendront-ils à faire respecter leur dignité alors que, à la moindre contrariété ressentie par leur employeur, ils sauront qu'ils peuvent, sans préalable et sans motif, voir leur contrat rompu ? »
Mes chers collègues, vous aurez noté que ces spécialistes relèvent non seulement beaucoup d'incertitudes, mais aussi beaucoup de certitudes quant aux dangers suscités par le CPE, que le Gouvernement veut faire adopter.
Enfin,...
M. Dominique Braye. C'est long !
M. Roland Muzeau. ... je citerai un observateur que vous ne contesterez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité : le directeur de la rédaction du magazine Liaisons sociales. Je crois en effet utile de porter à votre connaissance, avant que vous ne procédiez au vote sur ces amendements, une appréciation que formule M. Denis Boissard.
M. Dominique Braye. Top long !
M. le président. Permettez, monsieur Braye ! C'est moi qui préside la séance ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Il écrit : « L'erreur du Premier ministre, c'est, au nom de l'urgence, de brûler les étapes, sans prendre le temps ni de l'évaluation promise du CNE, ni de la pédagogie de la réforme, ni d'une concertation poussée avec les partenaires sociaux. Encouragé par l'absence d'opposition significative au CNE, Dominique de Villepin a choisi de tenir les corps intermédiaires pour quantité négligeable. Le voilà, à l'heure où ces lignes sont écrites, sous la menace d'une coalition entre syndicats et mouvements d'étudiants, fort semblable à celle qui avait fait capoter le projet du CIP (Manifestations d'impatience sur les travées de l'UMP), ce "SMIC jeune" qu'Édouard Balladur avait voulu mettre en place en 1994. »
M. le président. Monsieur Muzeau, terminez, s'il vous plaît ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Roland Muzeau. L'opposition n'est pas seule à contester le CPE : tous les spécialistes que je viens de citer, les jeunes, les étudiants, les lycéens sont opposés au CPE, et je suis sûr qu'ils obtiendront satisfaction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Muzeau, j'ai été tolérant, mais je ne le serai pas toujours !
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Saisi par la colère d'une jeunesse qui se sent malmenée et discriminée...
M. Josselin de Rohan. C'est beau !
Mme Marie-Christine Blandin. Est-ce le mot « jeunesse » qui me vaut ce sursaut de M. de Rohan ? (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Je reprends mon propos : saisi par la colère d'une jeunesse qui se sent malmenée et discriminée, le Gouvernement a répondu par un texte sur l'égalité des chances.
Hélas, de même que, aux élèves en difficulté en classe l'article 1er propose, non du soutien scolaire, mais une sortie accélérée, cet article 3 bis ne tend à offrir aux jeunes impatients de prendre toute leur place dans la société que les aléas d'un contrat aux engagements unilatéraux et aux recours incertains puisque les garanties votées hier dans le code du travail se trouvent mises en question dans le texte d'aujourd'hui.
Quant aux amendements déposés par l'opposition et ayant pour objet de sécuriser ce dispositif, tous ont été refusés.
Cela renforce les sénatrices et le sénateur Verts dans leur conviction qu'il faut supprimer cet article, comme ils le proposent dans l'amendement n° 440. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote, et je vous prie de l'écouter, mes chers collègues.
M. Dominique Braye. Non ! On n'est pas obligé d'écouter !
Mme Raymonde Le Texier. Pourquoi voulons-nous supprimer cet article, monsieur le ministre ? Parce que dire à un jeune que la meilleure raison de l'embaucher c'est la certitude qu'on pourra le licencier sans motif, ce n'est pas une proposition, c'est un affront ; parce que utiliser la peur du chômage pour ne laisser d'autre choix que la régression sociale, ce n'est pas une politique, c'est une manipulation ; parce que laisser entendre que la création d'emplois dépend de la destruction de notre modèle social, ce n'est pas dire la vérité, c'est prêcher le faux.
À installer dans les esprits l'idée que c'est la facilité à licencier qui est la clé de l'embauche, vous faites du code du travail le seul frein à la création d'emplois.
L'étape suivante est évidente et, surtout, logique : étendre à tous la précarité et calquer tous les contrats de travail sur le modèle du CPE et du CNE. C'est le contrat unique.
Vous oubliez au passage qu'une économie moderne et dynamique ne peut appuyer sa croissance sur l'exploitation du travail précaire et peu cher. Ce dont elle a besoin, c'est d'investissements, de recherche et d'innovation, c'est de compétence et de motivation, c'est d'éducation et de stabilité.
Or, monsieur le ministre, en guise de modernisation de l'économie, vous n'offrez à notre pays qu'un retour au XIXe siècle : chômage de masse, embauche à la journée, absence de protection sociale.
M. Christian Cambon. C'est honteux d'affirmer des choses pareilles !
Mme Raymonde Le Texier. Un tel choix n'est pas seulement inefficace et contre-productif, il est surtout injuste.
Qu'il soit inefficace, vous le savez bien : depuis que vous êtes au pouvoir, vous n'avez cessé vos attaques contre le droit du travail. Pour quel résultat ? La France ne crée toujours pas d'emplois !
Qu'il soit contre-productif, vous ne pouvez l'ignorer : à défaut de créer des emplois, vous favorisez les effets d'aubaine, et ce sont les contrats stables, du type du CDI, qui ont subi une nette érosion au profit de ces nouveaux contrats jetables.
Contre-productif, il l'est également parce que facteur d'insécurité juridique. À défaut de relancer l'emploi des jeunes, vous allez remplir le porte-monnaie des avocats !
Il est injuste, enfin, parce qu'il n'offre à notre jeunesse qu'une place subalterne dans le monde du travail.
Faciles à supprimer, faciles à renouveler, les CPE devraient rapidement devenir la règle de l'emploi des moins de vingt-six ans, tant ils permettent à l'entreprise d'utiliser son jeune personnel comme une variable d'ajustement en cas de retournement de conjoncture.
Et c'est bien là son seul intérêt. La création du CPE témoigne de votre indifférence envers ceux qui sont l'avenir de notre pays. J'en veux pour preuve le fait que vous ne vous êtes même pas attaqué aux inégalités que le chômage des jeunes recouvre.
Prétendre que les jeunes mettent onze ans à s'intégrer dans la vie active c'est énoncer une contrevérité, monsieur le ministre ! Seuls ceux qui sortent sans qualification de notre système scolaire sont dans cette situation. C'est dire si le chômage des jeunes dépend du niveau de formation ! Quand on observe la situation des jeunes cinq à dix ans après la fin de leurs études, on s'aperçoit que seuls 6 % de ceux qui ont un diplôme supérieur au baccalauréat sont au chômage, contre plus de 30 % de ceux qui n'ont aucun diplôme.
Ce n'est pas en créant un contrat tel que les jeunes seront corvéables et révocables à merci que vous leur ouvrirez un meilleur avenir, c'est d'abord en vous intéressant aux questions d'éducation.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Si cet article est maintenu, c'est une fin de non-recevoir aux espoirs de toute une génération que vous opposerez là, monsieur le ministre.
Comment trouver sa place dans la société quand on n'entre sur le marché du travail que par le biais d'un sous-contrat ? Comment être fier de son emploi quand on sait qu'on a été recruté parce qu'on était facile à limoger ? Comment envisager l'avenir quand on ne sait jamais de quoi demain sera fait ? Comment affermir ses compétences et progresser quand on est à la merci du bon vouloir de l'employeur ? Comment s'affirmer dans un contexte où la peur du licenciement est promesse de soumission ?
M. Dominique Braye. Trop long !
Mme Raymonde Le Texier. Un tel contrat, loin de rendre espoir à la jeunesse, la stigmatise toujours plus et creuse encore les inégalités qui la traversent.
M. Josselin de Rohan. Votre temps de parole est dépassé !
Mme Raymonde Le Texier. Les employeurs ne sont pas dupes, qui le disent eux-mêmes : « on ne prendra jamais le risque de proposer un CPE à un élève ingénieur très convoité. »
C'est assez dire que, pour eux, le CPE n'est qu'un sous-contrat à destination d'une population interchangeable et paupérisée, un sous-contrat qui risque très vite de devenir l'unique modèle des relations de travail dans l'avenir : par petites touches, de CNE en CPE, c'est le salarié que l'on dépouille de toute protection et le monde du travail que l'on transforme en jungle !
Que la jeunesse soit l'une des premières cibles de cette entreprise de précarisation générale est un aveu du manque total de confiance que vous avez en son avenir. En rognant ses droits, vous la privez de son audace et c'est toute notre société que vous fragilisez. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà exposé toutes les raisons pour lesquelles nous nous prononcerons évidemment pour la suppression de cet amendement.
Un sénateur de l'UMP. De cet article !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit bien d'un amendement que le Gouvernement nous a infligé, et non d'un article du projet de loi initial.
Si nous voulons le supprimer, c'est parce que, par ce biais, monsieur le ministre, vous mettez à mal les garanties des salariés, qui, ma foi, n'en ont déjà pas beaucoup tant il est vrai que, dans ce pays, il est plus facile d'être licencié que de garder son emploi.
Mais nous avons des raisons supplémentaires de nous opposer à cet article parce que, il n'y a pas si longtemps, vous avez présenté le CNE comme un remède miracle, comme la clé permettant aux petites entreprises d'embaucher. Dans la foulée, vous vous êtes précipité pour étendre le CNE, sous la forme du CPE, à toutes les entreprises, et ce à l'intention des jeunes de moins de vingt-six ans.
Vous savez que le CPE suscite une très grande colère, en particulier chez les jeunes, qui se sentent ainsi, avec raison, méprisés et stigmatisés, mais vous avez bâti toute votre argumentation sur le fait qu'il allait, lui aussi, inciter les entreprises à embaucher des jeunes - reconnaissant au passage que ceux-ci, dans notre société, subissent le plus durement la précarité -, ce qu'elles ne faisaient pas. M. le rapporteur n'a-t-il pas répété à l'envi - à peu près toutes les demi-heures ! - qu'il vaut mieux avoir un CPE que rien du tout ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pensiez, monsieur le ministre, pouvoir annoncer que, grâce au CNE, 250 000 emplois seraient créés ; le chiffre de 300 000 avait même été avancé.
Mais que nenni ! Vos propres services eux-mêmes vous ont contredit : selon eux, seuls 70 000 emplois, en tout et pour tout, étaient dus au CNE ; les autres résultaient d'effets d'aubaine et auraient été créés de toute façon. De plus, le nombre d'inscrits à l'ANPE et de bénéficiaires du RMI laissait penser que, s'il y avait moins de chômeurs, c'était surtout parce qu'ils avaient disparu des fichiers d'inscription au chômage.
Les premiers échos que nous avons du CNE montrent que, si ces personnes ont bel et bien été embauchées au mois de novembre ou au mois de décembre, la plupart sont, hélas ! déjà licenciées.
En réalité, ce CNE a, tout compte fait, vraiment été une aubaine pour embaucher quelqu'un avec un contrat inférieur à un CDD. Ce n'est évidemment pas ce que vous nous aviez promis !
De plus, vos propos concernant la reprise de l'emploi se trouvent totalement contredits : au lieu d'entrevoir l'embellie promise, on s'aperçoit que, ce mois-ci, le chômage a crû de nouveau de 0,7 %, alors même qu'il se situait déjà à un niveau très élevé !
Aujourd'hui, la proportion de salariés payés au SMIC atteint un record : 16,8 %, soit 2,5 millions de personnes. On sait également que le nombre de RMIstes a augmenté. Quant aux chiffres de la précarité et de la pauvreté, ils explosent.
On peut donc considérer que, dans ce pays, 6 millions de personnes vivent en deçà du seuil de pauvreté, c'est-à-dire qu'elles n'ont même pas la tête hors de l'eau.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, ne pensez-vous que, au lieu de vouloir à toute force adopter le CPE, vous devriez vous pencher plus avant sur les moyens de relancer l'emploi ?
Ne croyez-vous pas, car il est inadmissible que le niveau des salaires soit aussi bas dans notre pays, qu'il faudrait envisager une augmentation des salaires, ainsi que le relèvement du SMIC et des minima sociaux. Ah, bien sûr, cela se traduirait par une diminution de la rémunération des actionnaires, qui, elle, ne cesse d'augmenter !
M. le président. Madame la présidente, veuillez conclure !
M. Dominique Braye. C'est trop long !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous seriez bien avisés de constater combien ce type de contrat, qui représente une étape extrêmement dangereuse dans la casse du code du travail, est néfaste pour les jeunes, qui attendent autre chose de leur premier emploi. Vous seriez, par conséquent, bien inspirés de supprimer cet article 3 bis puisque le CPE, loin de constituer un bon moyen de créer des emplois, est parfaitement inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Trop long !
M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.
M. André Vézinhet. Depuis bientôt trois heures, nous débattons des amendements déposés sur l'article 3 bis. Pendant ce temps, dans la rue, dans les universités, dans les lycées, des jeunes, de jeunes travailleurs mais aussi, souvent, de jeunes demandeurs d'emplois se mobilisent, disant à quel point leur situation est difficile, criant leur détresse.
La représentation parlementaire, en présentant de nombreux amendements tendant à améliorer cet article, si tant est que cela soit possible, a joué son rôle.
Ces propositions portent sur les thèmes les plus divers. Améliorations concernant la protection sociale : refus par la voix du rapporteur, refus par la voix du ministre ! Aménagements pour parer aux effets néfastes du renouvellement du contrat de travail ou du licenciement, qui devient tellement aisé dans le cadre du CPE : refus par la voix du rapporteur, refus par la voix du ministre ! Aménagements relatifs aux obligations de formation : refus par la voix du rapporteur, refus par la voix du ministre !
Sur ce dernier point, le Gouvernement a émis un avis défavorable alors même que M. le rapporteur s'en était remis à la sagesse du Sénat.
S'agissant des obligations d'évaluation : refus ! Monsieur le ministre, vous êtes allé jusqu'à nier la validité des méthodes statistiques utilisées, qui sont pourtant éprouvées depuis longtemps. Les statistiques seraient-elles donc aux ministres ce que le lampadaire est à l'alcoolique, à savoir qu'elles les soutiennent, mais ne les éclairent pas ?
Nous sommes face à une situation dramatique et je crois que, si les jeunes qui manifestent aujourd'hui avaient été présents lors de ce débat, l'amendement de suppression se serait imposé de lui-même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 146 rectifié, 273 rectifié, 440, 648.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Roland Muzeau. L'UDF s'est couchée !
M. Robert Bret. Ils ont voté le CPE !
Mme Hélène Luc. Vous avez pris une grave responsabilité, chers collègues !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote sur l'amendement n° 501.
M. Philippe Nogrix. Nous avons déposé cet amendement parce qu'il nous semble que le CPE ne répond pas aux attentes des entreprises ni à celles des futurs salariés.
D'une part, les entreprises, lorsqu'elles embauchent, ont besoin de l'assurance que tout se passera au mieux lors de la réalisation de la mission confiée au salarié. (Bourdonnement sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. On n'entend rien !
M. Jean-Louis Carrère. Il y en a même un qui téléphone !
M. Philippe Nogrix. D'autre part, le salarié a également besoin d'une certaine assurance, afin d'effectuer dans les meilleures conditions la mission que l'employeur lui aura confiée. (Malgré un rappel à l'ordre de M. le président, le bourdonnement persiste.)
Il nous semble donc nécessaire de mettre en place un nouveau CDI, appelé « contrat progressif », évoluant au fur et à mesure que le salarié, grâce à l'expérience et au savoir-faire acquis, ...
M. le président. Pardonnez-moi de vous interrompre, mon cher collègue, mais j'aimerais que cesse ce bavardage permanent.
M. Jean-Louis Carrère. On peut téléphoner ici ?
M. le président. Qui téléphone ?
M. Jean-Louis Carrère. Si vous ne le voyez pas, alors... (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. On ne parle pas ainsi au président !
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, faites votre boulot !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Nogrix !
M. Philippe Nogrix. Merci, monsieur le président.
Nous proposons donc le remplacement du CPE par un CDI à droits progressifs, qui se caractériserait par quatre éléments importants.
Premièrement, la période d'essai serait de six mois, la période de deux ans étant à notre avis beaucoup trop longue. Il nous semble en effet qu'en six mois l'employeur peut juger de la qualité et des compétences de celui qu'il a embauché et que celui-ci peut, en retour, exprimer la totalité de son savoir-faire et de son engagement dans l'entreprise.
Deuxièmement, la rupture du contrat devrait obligatoirement être soumise à motivation. En effet, et nous l'avons répété à maintes reprises en présentant nos amendements, comment peut-on laisser partir un jeune sans lui donner la raison réelle de son licenciement ? Comment pourra-il se reconstruire, modifier son parcours ? Quelle formation choisira-t-il afin d'améliorer son efficacité et d'augmenter son attractivité professionnelle auprès d'un nouvel employeur ?
Troisièmement, nous prévoyons un renforcement progressif, au fil du temps, des droits accumulés, notamment des droits à indemnités des salariés signataires de ce contrat.
Enfin, en cas de rupture du contrat de travail, le salarié devrait bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience. Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez très attentif à cet aspect. En effet, un accompagnement spécifique du salarié par l'Agence nationale pour l'emploi, tel que vous l'avez décrit, est absolument nécessaire.
On va vers une simplification et une flexibilisation du droit du travail : soit ! Cependant, quand on parle de « flexsécurité », je crois que l'on pense beaucoup à la flexibilité et peu à la sécurité. À l'UDF, nous souhaitons qu'il y ait autant de sécurité que de flexibilité.
Dans ce pays, lorsqu'on emploie deux termes juxtaposés, l'un des deux est souvent prédominant. Rappelez-vous nos discussions sur le capital-risque : on parlait beaucoup de capital et très peu de risque. De même, à propos du RMI, il a été beaucoup plus question de revenu minimum que d'insertion. Ne sommes-nous pas dans un cas de figure un peu semblable avec la « flexsécurité » ?
Nous voudrions donc rétablir l'équilibre entre les deux termes. C'est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement, en espérant qu'il sera adopté. En effet, mieux vaut enterrer le CPE et adopter notre CDI à droits progressifs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Tiens, tiens !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Même si ce n'est pas tout à fait sous la même forme, cet amendement reprend certaines des volontés que nous avons affichées dans nos différents amendements. Il présente un certain intérêt puisqu'il y est question d'un contrat à durée indéterminée, qu'il prévoit pour la période d'essai une durée raisonnable, clairement limitée à six mois - durée qui mériterait toutefois d'être examinée - et qu'il institue l'obligation de motiver toute rupture de contrat.
Cet amendement va donc dans le bon sens et il correspond à une optique qui ne s'oppose pas à celle qui pourrait être la nôtre, à savoir un CDI bien aménagé.
Cependant, tel qu'il s'intègre dans ce texte, il nous semble difficile de le voter, d'autant que l'institution d'un CDI qui faciliterait véritablement l'ouverture de l'emploi aux jeunes passerait par une définition beaucoup plus claire du rôle et des moyens que l'on veut donner à ces derniers dans l'entreprise.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra sur l'amendement de nos collègues de l'Union centriste-UDF.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Lors de la discussion générale, nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions des membres du groupe UC-UDF, qui ont exprimé, de façon extrêmement claire, me semble-t-il, un refus du CPE. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Au long de nos débats, ils ont conservé cette ligne de conduite et ils ont multiplié les interventions dénonçant de manière très explicite les aspects néfastes et dangereux du CPE pour les jeunes.
Certes, nous le savons tous, dans le débat parlementaire, après les amendements de départ, qui traduisent la position la plus éloignée du texte, viennent des amendements « de repli », destinés à « limiter la casse » pour les populations que nous voulons défendre.
En l'occurrence, on soumet maintenant à notre vote un amendement qui, comme vient de le dire mon ami Jean-Pierre Godefroy, est porteur d'un certain nombre de dispositions non dépourvues d'intérêt, mais le vote important était celui qui vient d'intervenir sur les amendements de suppression de l'article.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Roland Muzeau. À cet égard, je regrette vivement que nos collègues n'aient pas saisi cette occasion de marquer plus franchement leur désaccord sur le CPE. Convenons-en, avec cet amendement, on descend brutalement de plusieurs crans.
Je crains que la déception que nous pouvons ressentir sur les travées de l'opposition ne soit sans commune mesure avec l'énorme déception des jeunes qui seront victimes du CPE si celui-ci est finalement adopté.
C'est pourquoi le groupe CRC ne participera pas au vote sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mes chers collègues, le moment me semble venu de souligner qu'il se produit à cet instant un événement politique qui n'a pas eu d'équivalent lors du débat à l'Assemblée nationale. C'est donc que le développement du débat a permis que mûrissent les esprits, au point que la majorité gouvernementale - je ne crois pas me tromper sur le terme : il s'agit bien de la majorité gouvernementale - n'est pas d'accord sur l'appréciation qu'il y a lieu de porter quant au CPE.
Je ne ferai pas un usage politicien de cet événement, car je veux m'attacher au fond, mais je tiens à le pointer : il ne saurait être question qu'il soit emporté dans le brouhaha et sa portée réduite à rien.
Vous n'êtes pas d'accord entre vous, et c'est un fait politique parce que ce désaccord tient à des raisons de fond.
Les uns - ils reconnaîtront que nous leur faisons la grâce de les prendre au mot - pensent que le CPE va favoriser l'emploi et manient depuis des heures le paradoxe selon lequel un droit plus grand de licencier faciliterait l'embauche ! Depuis le début du débat, nous leur disons qu'ils se prévalent de leurs propres turpitudes.
Constatant que le niveau d'emploi des premiers entrants dans le travail, que nous nommons « les jeunes », baisse - et cela du fait de quoi, sinon de la politique que vous menez ? - vous proposez, comme remède, l'aggravation des conditions qui conduisent à ce désemploi !
M. Christian Cointat. Et pourquoi, alors, les jeunes partent-ils travailler en Angleterre ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais nous vous prenons au mot : supposons que le but soit bien de favoriser l'emploi et non pas de donner aux patrons un outil de pression de plus sur les jeunes travailleurs. Car, à vingt-six ans, c'est bien de travailleurs et de travailleuses que nous parlons, pas de bambins en culottes courtes ! Supposons donc que vous ne vouliez pas seulement donner un avantage au MEDEF, qui réclame tout et son contraire et qui voudra sans cesse aller plus loin dans l'art de domestiquer les travailleurs. Eh bien, s'il s'agit d'augmenter l'emploi, faites-nous en la démonstration !
Nous continuons à vous dire que le travail fait dans la peur du lendemain sera mal fait. Nous continuons à vous démontrer que, lorsque la qualification existe, l'embauche est meilleure,...
M. Dominique Braye. Et, vous, qu'avez-vous fait lorsque vous étiez ministre ?
M. Jean-Luc Mélenchon. ...que vous développerez l'emploi par la croissance et que l'on développe la croissance par la qualification et par la qualité du travail qui est produit, à moins que ce ne soit par le partage du temps de travail. Il n'existe d'exception à cette règle dans aucune économie développée !
Vous n'avez pas été capables de nous démontrer qu'un seul poste supplémentaire serait créé de la manière que vous nous proposez. Chose incroyable, vous vous prévalez de vos propres turpitudes, c'est-à-dire du désemploi !
M. Dominique Braye. C'est long !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est peut-être long, mais c'est notre argument central : souffrez donc de l'entendre !
Nous ne sommes pas d'accord avec vous et vos collègues de l'UDF non plus. Sur un point au moins, nous sommes d'accord avec eux : ce n'est pas la précarité qui crée l'emploi, mais au contraire la stabilité.
Alors, chers collègues de l'Union centriste-UDF, nous devrions, si nous n'étions que politiciens, pour encourager le mouvement et soutenir l'ambiance, voter avec vous. Nous ne le ferons pas : nous allons nous abstenir de participer au vote. Pourquoi ? Parce que vous maintenez l'illusion de l'encouragement à l'emploi par la précarité. Vous faites à vos collègues de la majorité une concession qui n'a pas de sens : vous ne proposez que de « réduire » la précarité en réduisant la durée de la période d'essai. Or il faut abroger la précarité, il faut éradiquer la précarité ! C'est la condition de la croissance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde convient que le moment est décisif. Il y a, d'un côté, le Gouvernement, accroché à son texte, de l'autre, le pays, et l'on sent bien que ce texte ne le rassure pas !
L'inquiétude est forte dans le pays, mais une opposition frontale ne permettra pas davantage d'apporter les garanties qui restaureraient la confiance. Or l'important, au-delà de nos débats d'assemblée, c'est ce que ressentent tous les jeunes en situation de précarité.
La précarité doit être abolie, et tout doit être fait en ce sens. Bien entendu, l'amendement proposé par nos collègues de l'Union centriste-UDF n'est pas la panacée et il y a des raisons de s'abstenir, mais, en ce qui me concerne, parce que je veux éviter le choc frontal et parce que cet amendement permet sans doute une petite avancée, je le voterai, sans d'ailleurs me faire d'illusions quant au résultat... (Applaudissements sur certaines travées de l'UC-UDF, ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)
MM. Jean-Pierre Raffarin et Dominique Braye. C'est un fait politique majeur ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 501.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 95 :
Nombre de votants | 209 |
Nombre de suffrages exprimés | 208 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 105 |
Pour l'adoption | 40 |
Contre | 168 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l'amendement n° 650.
Mme Évelyne Didier. Je tiens d'abord à dire que je regrette de n'avoir pu défendre l'amendement n° 649 : il est « tombé » parce que le président de séance a souhaité montrer son autorité. C'est le seul que nous n'avons pas pu défendre au cours de ce débat !
Pour présenter cet amendement n° 650, nous avons fait référence à plusieurs reprises au rapport Proglio, du nom du président de Véolia Environnement. Il indique que les avis ne sont pas unanimes dans les rangs des libéraux. Il affirme aussi que les CDI sont la forme normale de l'embauche.
Deux ans ! Comment pouvez-vous vouloir laisser pendant deux ans des personnes en situation précaire ? On ne bâtit pas une vie de cette façon, on ne bâtit pas une relation durable, pérenne avec son employeur. Vraiment, ce n'est pas une solution ! D'ailleurs, certains parmi vous n'y croient même pas.
Les droits sociaux, vous les caricaturez, vous les considérez comme des « problèmes ». Eh bien, les droits sociaux, c'est ce qui garantit, face à un employeur qui a tous les pouvoirs dans l'entreprise, la dignité du salarié. Ils sont donc la réponse normale d'une société évoluée, et il faudra bien vous y habituer !
Je souhaiterais vous poser une question : accepteriez-vous que vos enfants ou vos petits-enfants soient dans cette situation ? Certainement pas !
Je souhaite vraiment que ce débat se poursuive, en espérant qu'ainsi on n'ira pas trop loin dans le « n'importe quoi ». (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l'amendement n° 148.
M. Yannick Bodin. Que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, le mot qui est venu le plus souvent à la bouche de tous ceux qui se sont préoccupés de ce projet de loi - c'est-à-dire, en fait, l'ensemble de nos concitoyens -, c'est le mot « précarité ».
Quelle que soit la conclusion de nos débats, ce projet de loi sera marqué d'une étiquette sur laquelle il sera écrit en gros caractères : « précarité ».
À partir du moment où vous essayez de nous convaincre qu'il ne s'agit pas d'un contrat précaire mais d'un véritable CDI, pourquoi faire une loi instituant le CPE ? Vous auriez tout simplement pu préciser les conditions dans lesquelles vous entendiez favoriser l'embauche des jeunes sur de véritables CDI !
En d'autres termes, vous aviez la possibilité de donner de l'espoir à notre jeunesse, de lui donner des assurances sur son avenir, de lui permettre de croire en son destin. Or aujourd'hui, qui y a-t-il dans l'esprit de la jeunesse ? Il y a de l'inquiétude, il y a de l'angoisse pour l'avenir et il y a le sentiment d'être exclu.
On comprend d'ailleurs que vous ne parliez pas véritablement de CDI puisque, chaque fois que nous avons demandé des garanties quant à la bonne application du code du travail, nous n'avons pas eu de réponse, sinon cette affirmation : « C'est déjà dans le code du travail ! »
Vous le savez, votre projet est rejeté par l'opinion. Malgré toutes les procédures utilisées à l'Assemblée nationale ou ici, c'est un projet dont ne veulent ni le monde du travail ni les jeunes. Or ceux-ci se mobilisent un peu plus chaque jour. Et ce n'est pas terminé, vous le verrez dans les jours prochains !
Ne croyez pas, même si vous arrivez à faire voter cette loi, en particulier cet article, que vous allez remporter une victoire. En réalité, vous allez traîner un boulet ! Tant pis pour vous : c'est votre choix !
Si vous aviez parlé le langage de la vérité, ce contrat, vous l'auriez appelé « contrat précarité-exclusion ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Pour nous, membres du groupe socialiste, il est nécessaire de dire la vérité aux jeunes. Certes, cet amendement peut paraître à certains un peu provocateur. Il n'en reflète pas moins l'exacte vérité.
M. Dominique Braye. Mais non !
M. Jacques Mahéas. Mais si ! Et les jeunes s'en apercevront très vite !
Votre gouvernement est malade du chômage. On l'a vu récemment encore, malgré les dissimulations, avec les derniers chiffres publiés. La baisse de popularité du Gouvernement est manifeste, notamment celle du Premier ministre, qui perd onze points dans les sondages
Vous dites que ce CPE, c'est mieux que rien. Nous, nous disons que c'est pire que tout !
C'est mieux que rien ? C'est même bien pour le patronat, évidemment ! Mais c'est pire que tout pour les jeunes, car vous les dupez. Vous avez inventé le jeune travailleur-Kleenex : on se sert et on jette ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas correct de dire ça !
M. Jacques Mahéas. On ne lui donne aucune garantie. Il pourra être licencié sans motif.
Vous créez la suspicion. Pensez à ce jeune qui, par la suite, présentera un curriculum vitae comportant une succession de CPE : l'employeur éventuel devant lequel il se présentera ensuite ne sera-t-il pas nécessairement suspicieux ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Jacques Mahéas. La concurrence entre générations est évidente puisque vous incluez le CPE dans l'emploi productif. Avec les emplois-jeunes, c'était complètement différent ! (Même mouvement sur les mêmes travées.) En effet, ils n'entraient pas en concurrence avec les autres salariés. Nous avons d'ailleurs, convenez-en, pleinement réussi dans ce domaine.
M. Dominique Braye. Et les 35 heures ?
M. Jacques Mahéas. Ce CPE ne créera pas d'emplois précisément parce qu'il concerne le secteur productif.
L'abandon du CDI est manifeste. Tout à l'heure, on a cité un grand chef d'entreprise. Bien sûr, s'il n'y a pas de jeunes formés qui arrivent sur le marché du travail, les chefs d'entreprise pourront conserver ceux qu'ils ont embauchés, mais ils comprennent très bien que, là où la concurrence est forte, ils pourront prendre un jeune pendant quelque temps, le licencier, en prendre un autre, etc. Ainsi, ils bénéficieront pleinement des avantages du CPE.
M. Dominique Braye. Ce sont les 35 heures qui ont tout détruit !
M. Jacques Mahéas. En fait, les qualifications sont bradées.
Et le bluff vaut aussi en ce qui concerne le Locapass. En tant que maire, je sais bien comment on désigne les locataires d'HLM dans les collectivités territoriales. Bien entendu, nous proposons aux sociétés et offices d'HLM des candidats, mais la pénurie de logements est telle que ce n'est pas le Locapass de quelqu'un qui sera peut-être limogé dans deux ans qui lui permettra d'« emporter le morceau » dans l'attribution de tel ou tel logement !
C'est un cadeau aux entreprises, mais ces exonérations entraîneront automatiquement un déficit supplémentaire de la sécurité sociale
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Un jeune pourra aller de CPE en CPE. Ne pas permettre à des jeunes travailleurs d'avoir, à vingt-six ans, une situation stable et un avenir clair, c'est vraiment les décourager !
Pour conclure, je dirai que l'intitulé exact de ce contrat, c'est « contrat précarité-exclusion ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote sur l'amendement n° 147.
Mme Gisèle Printz. Au risque de me répéter (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP), je dirai que le CPE est un instrument de précarisation pour tous les jeunes qui ne sont pas encore précarisés, car tous les jeunes qui étaient embauchés avec un CDI le seront désormais avec un CPE. Belle façon de débuter une carrière professionnelle, d'entrer dans la vie active !
De plus, rien ne garantit qu'un jeune en recherche d' emploi ne sera pas réduit à enchaîner CPE sur CPE et, avec l'âge, suprême promotion, accéder à un CNE !
Nous sommes en train de faire un gigantesque retour en arrière, un retour à l'époque où les maîtres de forge...
M. Dominique Braye. Ça, c'est vraiment d'actualité !
M. Josselin de Rohan. Pourquoi pas au Moyen Âge ?
Mme Gisèle Printz. ... régnaient souverainement sur le monde du travail, rendant les hommes et les femmes corvéables à merci. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) J'ai fait mon apprentissage à quinze ans : je sais de quoi je parle !
Monsieur le ministre, messieurs, je me suis posé une question : si votre fille ou votre fils était chômeur, irait-il postuler à un CPE ?
M. Dominique Braye. Eh bien oui ! Plutôt que de rester au chômage, comme les vôtres !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous nous rendons compte, en cet instant, des raisons réelles qui vous ont conduit à proposer un tel contrat, monsieur le ministre.
Selon votre motivation affichée, le CPE s'adresse aux jeunes en recherche d'emploi. Or il est clair que tel n'est pas le cas : je pense notamment à la possibilité que vous introduisez, pour une même personne, de cumuler plusieurs CPE, avec le délai de trois mois.
À l'Assemblée nationale, vous êtes même allé plus loin puisque, à une question qui vous était posée, vous avez répondu qu'il serait possible, en cas de licenciement d'un titulaire d'un contrat de CPE, d'embaucher immédiatement une autre personne en CPE, sur le même poste de travail.
Nous sommes donc là au coeur du sujet. Il s'agit en fait ni plus ni moins que d'une facilité offerte aux patrons, notamment à ceux qui, disons-le, sont les moins civiques. Car, je dois le dire - et cela invalide les accusations que vous nous lancez -, les patrons n'ont pas tous recours à de telles facilités. (Ah, tout de même ! sur les travées de l'UMP.) Cependant, en tant que membre du Gouvernement, vous devriez imposer à tous un comportement responsable.
De quoi parle-t-on depuis le début de ce débat sur le projet de loi pour l'égalité des chances ? D'une réalité qui touche au plus profond de chacun d'entre nous.
Nous connaissons tous le désarroi actuel dans lequel est plongée notre jeunesse et nous savons que, grâce à l'éducation, un certain nombre de problèmes pourraient être résolus si l'on y mettait les moyens.
Nous savons tous aussi combien la relation de travail est structurante pour les jeunes. Lutter contre la précarité, c'est donc lutter pour que se reconstitue cette relation de travail structurante qui, il faut le dire, fait défaut depuis presque une génération à une masse de jeunes obligés de se diriger sans attendre sur le marché du travail. À tous ces jeunes, on ne répond que par le chômage ou des contrats à durée déterminée, des petits boulots, etc.
Or la relation de travail n'est structurante que si elle est pérenne et donc sécurisante.
Le Gouvernement ne cesse de dire qu'une société a besoin de sécurité, que nos concitoyens ont besoin de sécurité. Or, sachez-le, monsieur le ministre, les jeunes sont les premiers à réclamer cette sécurité ou à en ressentir le besoin même quand ils ne le formulent pas.
Cette sécurité pourrait s'illustrer de la façon suivante : les jeunes âgés de moins de vingt-six ans qui entrent dans l'emploi, tout en étant pleinement conscients qu'ils ne seront pas véritablement opérationnels tout de suite, faute d'expérience, doivent être sûrs qu'ils ne seront pas sanctionnés pour cette raison, leur contrat leur permettant d'évoluer, de se former, d'apprendre, et qu'ils ne risqueront donc pas à tout moment d'être « virés » ! Telle est la sécurité dont un jeune a besoin.
Dès lors, si vous teniez à créer un contrat précaire de ce type en faveur des patrons, il est une catégorie qu'il aurait fallu protéger : les jeunes. Car ce sont eux qui ont le plus besoin de visibilité, d'avenir, de s'engager en fondant une famille, de se loger, de pouvoir accéder à des prêts bancaires et, surtout, d'être à l'aise dans cette société.
Voilà la réponse qu'il convenait d'apporter aux émeutes des banlieues ! Or vous faites tout l'inverse : vous misez sur le désespoir, en considérant que les jeunes se contenteront de ce que vous leur « offrez » parce qu'ils n'auront pas d'autre choix. Je le répète : vous ne faites là que miser sur le désespoir !
Pour ce qui nous concerne, nous voulons continuer à croire que l'on peut offrir un véritable avenir aux jeunes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
M. Josselin de Rohan. Madame la présidente, je sollicite une suspension de séance d'une dizaine de minutes.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-six, est reprise à vingt-deux heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle avait procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple commises contre les mineurs.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
7
égalité des chances
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.
Article 3 bis (suite)
Vote sur les amendements (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous poursuivons les explications de vote sur les amendements à l'article 3 bis.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 670.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le CPE couplé à des exonérations de charges sociales, c'est, passez-moi l'expression, le beurre et l'argent du beurre.
M. Roland Muzeau. Et le tablier de la crémière ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Mais rien n'est de trop pour les patrons !
Mme Parisot n'a-t-elle pas déclaré, après que M. le Premier ministre eut annoncé en janvier de nouveaux contrats précaires agrémentés d'allégements supplémentaires de charges patronales, que « des étrennes pour l'entreprise, ce sont des étrennes pour tous, le chef d'entreprise comme les salariés » ?
On aimerait lui donner raison ! Malheureusement, la réalité la contredit totalement. Concentrées sur les bas salaires, les exonérations tendent à faire glisser tous les salaires vers le bas. Par ailleurs, leur efficacité sur la création d'emplois est plus que contestable, en raison des effets d'aubaine, de seuil et de substitution entre les emplois qualifiés et rémunérés, d'une part, et les emplois déqualifiés et mal rémunérés ou précaires, d'autre part.
Le CPE en lui-même participera déjà de ce phénomène. Lui adjoindre des exonérations aggraverait encore la situation.
L'efficacité des exonérations de charge en termes quantitatifs sur la création et le maintien de l'emploi reste, au mieux, un voeu pieux. Les zones franches en sont une belle illustration : leur résultat, pour les populations des quartiers concernés, n'est absolument pas probant, ce qui ne vous empêche pas de proposer, dans ce projet de loi, l'instauration de nouvelles zones franches, au nom de l'« égalité des chances » !
Salaires, créations d'emplois : aucun bénéfice donc à attendre de nouvelles exonérations de charge !
Mais ce n'est pas tout, et les jeunes en ont bien conscience. Lors d'une assemblée générale à la fac de Paris-XIII, le 23 février, un étudiant s'inquiétait : « Avec le CPE et ses exonérations de charges, qui va financer notre système social ? ». Agir contre l'emploi en favorisant les exonérations et l'emploi précaire, c'est en effet prendre le risque de déstabiliser encore plus, pour l'avenir, le financement de la protection sociale.
On sait que l'instabilité des trajectoires individuelles et des revenus met en cause le caractère pérenne et stable des cotisations sociales. À l'inverse, on sait aussi qu'un million d'emplois supplémentaires représente 20 milliards d'euros en plus pour la protection sociale, autant que les actuelles exonérations. Ainsi, plus d'emplois stables et bien rémunérés, c'est plus de cotisations, un emploi de meilleure qualité, des salariés plus sécurisés et mieux formés - ce que demandent les jeunes -, un emploi plus efficace et donc plus de richesses produites et disponibles pour financer l'ensemble de la protection sociale : retraites, maladie, famille...
Plutôt que de procéder par le biais de cadeaux aux entreprises sans conséquences positives, mieux vaudrait réfléchir à une « modulation » des cotisations sociales patronales en fonction de la création d'emplois en quantité et en qualité ; nous sommes prêts pour un tel débat.
Pour toutes ces raisons, nous insistons sur la nécessité qu'il y a à voter notre amendement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 149 rectifié et 443.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 651.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui tend à supprimer le CPE !
M. Roland Muzeau. Eh oui ! la suppression du CPE. C'est un beau sujet !
Les dispositions contenues dans ce deuxième paragraphe nous font malheureusement revenir trente ans en arrière, avant la loi du 13 juillet 1973, à l'époque où la rupture du contrat de travail n'était pas un droit avec cause, un droit motivé. À l'appui des nombreuses interventions qu'il a faites, le groupe CRC a rappelé, tout au long de ces débats, l'opinion d'éminents spécialistes : juristes, avocats, experts en droit du travail. Tous ont étayé la défense des amendements que nous avons présentés.
L'employeur n'ayant pas à justifier le motif de la rupture, toute la difficulté pour le salarié sera de prouver que son licenciement est abusif. C'est d'ailleurs l'une des perversions du système que dénoncent tous les juristes et, comme je le disais à l'instant, démonstration en a été faite au cours du débat.
À ce propos, dans un article du journal Le Monde du 11 février dernier, un groupe de juristes souligne que « l'ignorance du motif de licenciement va contraindre le salarié, pour le connaître, à assigner presque systématiquement en justice son employeur... ».
Devant les prud'hommes, le salarié pourra effectivement invoquer la Convention 158 de l'Organisation internationale du travail, et je ne doute pas qu'il lui sera donné raison. Et pour cause, la Convention prohibe le licenciement sans motif valable et stipule que « la charge de prouver l'existence d'un motif valable de licenciement [...] devra incomber à l'employeur ».
Les recours devant les tribunaux se multiplient ; ils se multiplieront encore un peu plus avec le CPE. Aujourd'hui, on voit déjà les premiers effets de la mise en place du contrat nouvelles embauches, dont on attend toujours une première évaluation.
Monsieur le ministre, à l'épreuve d'une telle réalité, comment pouvez-vous encore maintenir un tel projet ? Voilà pourquoi nous soutenons vivement l'amendement n° 651, qui tend à supprimer le II de l'article 3 bis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote sur l'amendement n° 151.
Mme Gisèle Printz. Qu'est-ce qui différenciera le contrat première embauche d'un autre contrat de travail : CDI, CDD ou intérim ? C'est la peur.
Les arguments économiques et juridiques que nous employons les uns et les autres représentent en fait des conceptions radicalement opposées s'agissant des rapports de travail.
Nous estimons que le salarié a droit à un contrat de travail qui lui assure une visibilité suffisante pour construire sa vie personnelle et familiale. Nous estimons aussi que le salarié a droit à un salaire qui lui permette d'acquérir les biens et services dont il a besoin pour vivre correctement. Nous estimons enfin que le salarié a droit à des conditions de travail qui garantissent sa sécurité, sa santé et son intégrité physique et morale. Bien sûr, vous respectez tout cela formellement. Mais vous mettez tout en place pour que le code du travail ne soit bientôt plus qu'une forteresse vide. Vous ne détruisez pas les droits formels, pour paraphraser un auteur bien connu du XIXe siècle, mais vous réduisez à néant la capacité des salariés à faire respecter leurs droits réels.
Avec ces contrats volatils et sans aucune visibilité que sont le CPE et le CNE, vous fondez la relation de travail sur l'angoisse, une angoisse qui viendra s'insinuer dans le rapport de travail à tout moment, le structurer et le polluer. Comment peut-on imaginer que des salariés seront productifs et efficaces dans des telles conditions ?
On sait que la productivité d'un salarié est largement liée à son identification et à son attachement à l'entreprise, au fait qu'il partage les pseudo-valeurs que cette dernière met en avant. Quel va être l'attachement d'un salarié qui sera là pour un temps qu'il ne connaît même pas ? Déjà, la question se pose pour les salariés en contrat précaire, CDD ou intérim.
Mais - et c'est le plus terrible ! - quel sera l'état d'esprit dans lequel se trouvera le salarié qui, après deux CPE, trois peut-être, attaquera un CDD en espérant que celui-ci sera peut-être ensuite transformé en CNE ?
Selon vous, que pensent les salariés qui vivent la précarité aujourd'hui et dont la situation demain - ils en sont conscients - sera pire pour eux et leurs enfants ?
Peut-on bâtir le développement des entreprises et la croissance économique sur la peur, la précarité et les bas salaires ? Peut-on faire vivre les entreprises avec, pour mode de gestion du personnel, la peur du lendemain ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Une entreprise a maintenant à sa disposition un large éventail de contrats pour embaucher : le contrat à durée indéterminée, qui reste à nos yeux le meilleur, mais on peut d'ores et déjà s'interroger sur la limitation du nombre de contrats pour les entreprises qui n'embaucheraient que des personnes de manière extrêmement précaire et, on le sait, certaines entreprises, notamment des entreprises à forte demande de main-d'oeuvre, vont procéder ainsi ; le contrat à durée déterminée, utile pour effectuer un travail supplémentaire ou plus spécialisé ; l'intérim, même si c'est beaucoup plus coûteux ; le contrat nouvelles embauches et maintenant le CPE.
Très franchement, nous nous demandons si le Gouvernement n'a pas l'intention d'unifier quelque peu tous ces contrats pour proposer en quelque sorte un contrat unique. À force de donner des coups de griffe dans le code du travail, il le modifie complètement en faisant en sorte de généraliser la précarité et en donnant à l'employeur la toute-puissance de décider de licencier tel ou tel salarié.
Par cet amendement, nous voulons faire en sorte que le CPE respecte le code du travail. Bien évidemment, vous me rétorquerez, mes chers collègues, que ce dispositif a été justement prévu pour ne pas le respecter, et c'est là qu'il y a une grande différence entre la droite et la gauche.
Pour notre part, nous sommes vraiment convaincus que notre pays ne s'en sortira qu'avec des travailleurs qui ne craignent pas le lendemain.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mahéas. La grande diversité des contrats va conduire à la psychose, monsieur le ministre, et nous allons certainement encore élaborer d'autres dispositifs, et les employeurs auront alors le choix entre six ou sept contrats différents. Cela va non seulement entraîner des anomalies dans les procédures, mais également engendrer des jalousies au sein de l'entreprise, ce qui peut créer une atmosphère tout à fait néfaste pour l'entreprise elle-même.
Monsieur le ministre, vous nous aviez promis quelques informations supplémentaires sur le contrat nouvelles embauches ; je forme le voeu que nous les ayons, et que nous puissions faire le bilan du CPE dans un an.
Quoi qu'il en soit, pour notre part, nous sommes attachés au code du travail, et nous espérons qu'un jour nous reviendrons à la situation normale, à savoir que les seuls CDI et le CDD soient la règle pour embaucher. (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)
M. Jacques Mahéas. Je n'ai pas convaincu !
M. René-Pierre Signé. Il est difficile de les convaincre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote sur l'amendement n° 152.
Mme Gisèle Printz. Avec la mise en place du CPE, nous installons la jeunesse dans la pauvreté et dans la précarité. Le CPE et le CNE vont faire partie de ces emplois qui créent des travailleurs pauvres, lesquels sont donc obligés d'avoir un deuxième emploi, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre.
Le nombre de pauvres ne cesse d'augmenter en France. L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale nous alerte régulièrement, car le nombre de jeunes vivant dans la misère va croissant, mais cela vous laisse indifférent !
Je le répète, le CPE est fait pour habituer nos jeunes à devenir des travailleurs dociles, pauvres et précaires. Ils sauront, dès leur entrée dans le monde du travail, ce qui les attend : être soumis, obéissants, sans projet d'avenir et à la merci de leur employeur.
M. Roland Courteau. C'est clair !
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l'amendement n° 155.
M. Yannick Bodin. À partir du moment où un jeune est embauché dans une entreprise, il est évident qu'il ne peut se satisfaire d'un CPE.
En effet, ce qui compte pour lui, c'est qu'il puisse assurer son avenir, savoir où il va et donc pouvoir, le plus rapidement possible, bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, contrat qui constitue, à nos yeux, l'unique entrée dans le monde réel de l'emploi.
Pour permettre à ce jeune de franchir un pas en vue l'obtention d'un CDI, il nous semble intéressant de favoriser son insertion en demandant à un tuteur de l'accompagner.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote sur l'amendement n° 502 rectifié.
Mme Valérie Létard. Réduire, comme le prévoit cet amendement, à un an la période de consolidation, pour ne pas dire la période d'essai, est essentiel à nos yeux, aussi essentiel que le « contrat progressif » et que la motivation du licenciement.
Les trois amendements que nous avons déposés en ce sens sont incontournables pour le groupe Union centriste-UDF. Ils constituent les fondements de la position de vote des membres de mon groupe. Le sort qui sera réservé au présent amendement influencera fortement notre vote final. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, si nous voulons engager demain une réflexion sur une plus grande flexibilité, encore faut-il, pour qu'elle soit acceptée, que les parlementaires aient la possibilité de faire remonter les avis émanant de tous les partenaires, à savoir les syndicats, les entreprises, les acteurs de terrain, les élus locaux, c'est-à-dire tous ceux qui entendent au quotidien les attentes de la population. Pour ce faire, il faut que nous soyons soutenus sur des amendements de bon sens.
Nous espérons donc que vous voterez en faveur de cet amendement, mes chers collègues.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Madame Létard, un CPE de deux ans, c'est certes tout à fait condamnable, mais un CPE d'un an, c'est kif-kif bourricot ! (Rires.)
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. N'importe quoi !
M. Roland Muzeau. Que le CPE soit d'une durée de douze mois, de seize mois, de dix-huit mois, de vingt-quatre mois ou plus, qu'importe, car c'est le CPE que nous condamnons, et que vous avez, vous aussi, condamné dès le début de la discussion, chers collègues du groupe de l'Union centriste-UDF !
En conséquence, nous voterons contre cet amendement.
M. René-Pierre Signé. Querelle de famille !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 667.
M. Guy Fischer. Nous avons pris l'habitude de nous méfier des méthodes de ce gouvernement, qui, depuis 2002, démantèle progressivement le code du travail, par petites touches successives, et supprime « en douce » des droits aux travailleurs.
C'est la méthode qui a été employée, par exemple, pour étendre à tous les salariés non cadres le forfait jours, qui a fait exploser la limitation hebdomadaire du temps de travail.
C'est une fois encore ce qui se passe ici. Outre les éléments qui ont été précédemment énoncés, le cinquième alinéa de l'article 3 bis comporte une autre disposition qui est loin d'être anodine : les salariés employés dans le cadre d'un contrat première embauche ne relèveraient pas de l'article L. 122-14-14 du code du travail.
Or cet article ouvre la sous-section 2 relative au conseiller du salarié. Il dispose que l'employeur est tenu de laisser au conseiller du salarié dans son entreprise le temps nécessaire à l'exercice de sa mission. Quel rapport avec le CPE ? Pourquoi le salarié embauché en CPE ne pourrait-il pas se prévaloir de cet article ?
Une fois encore, nous pouvons craindre que le Gouvernement ne souhaite, par ce biais, casser le droit à la représentation et à l'aide des travailleurs dans leur entreprise. Cette volonté et cette méthode sont, à nos yeux, inacceptables.
En votant cet amendement, nous rétablirons les droits bafoués des travailleurs qui seront embauchés en contrat première embauche.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 154.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement vise à restreindre les effets d'aubaine générés par le CPE.
Malheureusement, il est non pas le fruit de la suspicion, mais le résultat de l'expérience. Avec les premiers contentieux prud'homaux sur le CNE, on peut tirer un premier bilan des abus en tout genre auquel ce contrat donne lieu.
J'en veux pour preuve le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Longjumeau, et qui a été évoqué à plusieurs reprises aujourd'hui. L'entreprise visée a été condamnée, et les attendus du jugement sont sévères : « Le conseil considère que la rupture de la période d'essai par l'entreprise est abusive, n'ayant pas pour motif le manque de compétence du salarié, mais étant destinée à éluder l'application du droit protecteur du licenciement par le recours au contrat nouvelles embauches au sein d'un proche partenaire de l'employeur. »
À cette occasion, certains principes ont été rappelés par le conseil : « Le contrat nouvelles embauches est destiné à rassurer les chefs d'entreprise ayant des difficultés à anticiper l'évolution de la conjoncture ou à apprécier les qualités du salarié. Il est destiné, comme son nom l'indique, à favoriser de nouvelles embauches. Il ne peut être utilisé dans le seul but de précariser la situation d'un salarié ou d'éluder le droit du licenciement. »
Ce jugement témoigne de la façon dont le CNE est utilisé aujourd'hui et de la manière dont le CPE sera utilisé demain. Il s'agit là d'une substitution d'un contrat à un autre.
Que va-t-il se passer le plus souvent dans les entreprises avec l'arrivée du CPE ? La même chose qu'avec le CNE ! L'entreprise mettra fin à des contrats d'intérim, à des CDI ou à des CDD pour les remplacer par des CPE ou des CNE, après un délai de décence afin que cela ne soit pas trop voyant.
Or, monsieur le ministre, votre texte est muet sur cette question. Pourtant, on l'a vu, à trop compter sur le comportement vertueux des employeurs, ce sont les intérêts des salariés qu'on brade.
En outre, vous savez bien qu'il n'est pas si facile d'ester en justice. Nombreux sont ceux qui y renoncent d'emblée, par crainte des procédures qui s'éternisent, des frais de justice élevés, ou simplement par méconnaissance de leurs droits. Plus on est précaire, plus le recours à la justice est compliqué.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
Mme Raymonde Le Texier. Nous vous avons dit tout le mal que nous pensons de ce texte. Cette loi sera source d'abus. Puisqu'elle ne comportera aucun garde-fou, nombreux sont les salariés qui en pâtiront.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Franchement, mes chers collègues, si vous ne votez pas en faveur de cet amendement, je ne comprends pas certaines de vos explications !
Néanmoins, c'est possible et même probable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est étonnant ! (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. Vous prétendez qu'une entreprise ne sait pas toujours très bien si, en raison des difficultés que cela représente, elle peut embaucher un jeune, quand bien même elle enregistre un surcroît d'activité. Vous ajoutez qu'une embauche ordinaire représente un coût qui peut mettre à mal son équilibre financier. À la limite, on peut objectivement voir les choses de la sorte. Mais alors, si cette situation est bien réelle, comment expliquer que cette entreprise ait procédé à des licenciements quelque temps auparavant ?
C'est la raison pour laquelle nous proposons d'interdire tout licenciement économique dans les six mois précédant la conclusion d'un CPE - nous sommes prêts à réduire ce délai à trois mois. En effet, il serait totalement illogique de procéder à des licenciements et, trois mois ou six mois après, d'embaucher en CPE. De la sorte, l'entreprise substituerait à ses salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée ou déterminée des salariés titulaires d'un CPE, qui, en réalité, feraient le même travail.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Jacques Mahéas. En outre, s'ils coûteront moins cher à l'entreprise, les CPE coûteront en revanche plus cher à la sécurité sociale.
Vous devez faire en sorte que ces situations ne surviennent pas et, par la même voie, éviter les procédures prud'homales. Nous savons tous que, en raison de leur longueur, elles découragent bien des travailleurs. Au conseil de prud'hommes de Bobigny,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Et nous, pendant ce temps-là, nous attendons !
M. Jacques Mahéas. ...l'attente pour certaines affaires excède parfois un ou deux ans.
En adoptant cet amendement, nous susciterions l'espoir chez les jeunes et nous définirions des limites à l'action de l'entreprise qui ne contreviendraient aucunement à la philosophie que vous avez maintes fois définie ici même.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.
M. René-Pierre Signé. M. Mahéas a parlé de découragement. Je connais des jeunes qui sont recrutés en CPE... (Vives exclamations sur les travées de l'UMP), et qui, assez naïvement, y croient encore ainsi qu'à la parole des patrons.
M. Dominique Braye. Le CPE n'est pas encore entré en vigueur ! Ça, c'est Signé ! (Rires sur les mêmes travées.)
M. René-Pierre Signé. En tout cas, ils espèrent encore bénéficier d'un contrat durable. À cette fin, ils se donnent au maximum, ils travaillent bien, ils font preuve d'enthousiasme, ils satisfont aux désirs de leur patron. Malgré tout, quoi qu'ils fassent, quel que soit leur enthousiasme, quelle que soit leur efficacité, quel que soit leur travail, ils sont au bout du compte licenciés, parce que, comme l'a dit Jacques Mahéas, le CPE est précaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie, écoutez l'orateur.
M. René-Pierre Signé. Moi qui suis médecin, j'ai constaté les dégâts psychologiques que peut causer un licenciement chez un jeune. Bien qu'il ait travaillé avec force et enthousiasme, dans l'espoir d'entrer dans la vie active, quoi qu'il ait fait, quels qu'aient été sa réussite, son travail et son efficacité, il sait qu'au bout du compte il sera licencié pour laisser sa place à un autre. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Vous cassez tout espoir chez ces jeunes. Comment voulez-vous qu'ils puissent faire preuve du même enthousiasme s'ils sont de nouveau embauchés. Vous les avez cassés, c'est fini !
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. René-Pierre Signé. Et on sait bien que tous les emplois seront désormais des CPE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Merci de ce bilan du CPE !
Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Je veux réagir à ce qui vient d'être dit,...
M. François-Noël Buffet. ...qui témoigne d'une méconnaissance totale du fonctionnement de l'entreprise. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je ne connais aucun employeur qui, après avoir embauché une personne dont il a entière satisfaction, décide de la licencier afin de pouvoir en recruter une autre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous rêvez !
M. François-Noël Buffet. Un salarié, il faut d'abord le former, lui apprendre le métier. Pour une entreprise, c'est un investissement. C'est la raison pour laquelle, en général, lorsque les choses se passent bien, l'entreprise garde le salarié qui lui donne satisfaction.
Affirmer le contraire, c'est méconnaître le fonctionnement de l'entreprise ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Georges Mouly applaudit également.)
M. Bruno Sido. Ils ne connaissent pas l'entreprise : ils sont tous fonctionnaires !
M. Dominique Braye. Ils sont tous profs !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l'amendement n° 156.
M. Claude Domeizel. Chers collègues de la majorité, vous êtes juste bons à rire d'un lapsus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.) Depuis quatre jours, vous vous contentez de rire, à défaut de dire quoi que ce soit.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont le soutien muet du Gouvernement !
M. Claude Domeizel. Il est vrai que vous êtes un peu plus nombreux ce soir. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela vous embête !
M. Claude Domeizel. Mais depuis deux ou trois jours,...
M. Roland Courteau. C'était le désert !
M. Dominique Braye. Pas de leçons !
M. Claude Domeizel. ...vous n'êtes qu'une poignée,...
M. Josselin de Rohan. Vous allez voir si nous ne sommes qu'une poignée !
M. Claude Domeizel. ...et cela montre que la méthode suivie est absurde.
M. Dominique Braye. Vous pouvez parler !
M. Claude Domeizel. Hier, j'ai défendu l'amendement n° 156. Aujourd'hui, nous allons le voter (Non ! sur les travées de l'UMP)...
M. Josselin de Rohan. Non, il va être soumis au vote !
M. Claude Domeizel. ...plus précisément, il va être soumis au vote. (Oui ! sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Et c'est un professeur qui s'exprime comme ça !
M. Claude Domeizel. L'inconvénient, c'est que vous ne savez pas de quoi nous allons parler. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C'est la raison pour laquelle je crois devoir vous rappeler succinctement ce à quoi vise cet amendement.
M. Josselin de Rohan. Il y a cinq minutes que vous auriez dû le faire !
M. Dominique Braye. M. Domeizel a d'ailleurs épuisé son temps de parole !
M. Claude Domeizel. Tout aussi succinctement, je vous remémorerai la réponse du rapporteur et du ministre.
Quelle est la problématique ? (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Écoutez bien, mes chers collègues !
M. Claude Domeizel. Le code du travail interdit à l'employeur de faire appel à une entreprise de travail temporaire ou de recourir à un contrat à durée déterminée pour remplacer un gréviste. En revanche, rien n'interdit de recourir à ces modalités même pendant la grève. Aussi, on peut imaginer qu'un CPE soit recruté pour remplacer un gréviste ou une personne qui remplacerait elle-même un gréviste. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est impossible !
M. Claude Domeizel. Après la grève, on peut imaginer que des CPE soient conclus pour faire face à un surcroît d'activité. Certains découvrent que si des salariés non grévistes sont affectés au remplacement des grévistes, ils ne peuvent être eux-mêmes remplacés par des travailleurs temporaires recrutés à cet effet. Mais il est admis que le recrutement de travailleurs temporaires juste avant la grève reste licite. Alors qu'en sera-t-il pour les jeunes recrutés en CPE alors qu'un préavis de grève aura été par ailleurs tout juste déposé ?
M. le rapporteur nous répond que le CPE ne sera utilisé pour des remplacements que dans la perspective d'une embauche permanente.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je le confirme !
M. Claude Domeizel. C'est vous qui le dites, monsieur le rapporteur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas lui le patron !
M. Claude Domeizel. « La précision que vous entendez apporter - il s'adressait à moi - laisserait penser que le CPE peut être utilisé sans perspective de pérennisation. » Tu parles ! C'est tout l'objectif du CPE, et c'est bien ce que je veux démontrer.
M. Josselin de Rohan. C'est de la mauvaise foi !
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, dans un premier temps, vous aviez dit : « Le CPE n'est pas un CDD : défavorable. » Nos protestations vous ont obligé à apporter quelques précisions. Vous avez alors dit : « Je le répète, ni le CNE ni le CPE ne sont faits pour porter atteinte au droit de grève ». Vous avez ajouté : « Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de l'exercice normal du droit de grève. »
Mais il ne s'agit pas de l'atteinte au droit de grève ; il s'agit du remplacement de grévistes par des salariés en CPE. Vous ne répondez pas aux questions.
M. Dominique Braye. M. Domeizel parle depuis dix minutes ! Il faudrait peut-être faire respecter le temps de parole !
M. Claude Domeizel. Enfin, vous avez parlé d'exigences vestimentaires. Mes chers collègues, on est en train de se moquer de vous... (Oui ! sur les travées du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Totalement !
M. Claude Domeizel. En effet, pendant toute la soirée, vous allez voter sans connaître l'argumentation ni la réponse de M. le rapporteur et de M. le ministre. (Nouvelles exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Domeizel, veuillez conclure.
M. Claude Domeizel. Ce soir, vous êtes nombreux, c'est bien, mais vous êtes aussi, excusez-moi de vous le dire, de nombreux godillots ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Mes chers collègues, je ne sais pas si vous avez compris quelque chose à l'intervention qui vient d'être faite. (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. On n'a rien compris !
M. Dominique Braye. Heureusement que M. Domeizel est sénateur et qu'il n'est plus professeur !
M. André Lardeux. Je ne voudrais pas faire injure à M. Domeizel,...
M. Dominique Braye. Mais on n'a rien compris !
M. André Lardeux. ...mais, lorsqu'il nous reproche de voter sans savoir, c'est à la limite de la correction. Cela supposerait en effet que les sénateurs de la majorité se prononcent sur le texte en question sans l'avoir étudié. Je voudrais rassurer M. Domeizel : nous l'avons examiné aussi attentivement que lui.
Un sénateur socialiste. Oui, mais nous, nous l'avons compris !
M. André Lardeux. Si j'ai bien compris, malgré tout, certains passages de son intervention,...
M. Dominique Braye. Vous êtes bien le seul !
M. André Lardeux. ...cela m'inquiète. En effet, j'ai l'impression que M. Domeizel et certains de ses amis se font une idée du CPE telle que s'ils le mettaient eux-mêmes en oeuvre celui-ci serait extrêmement dangereux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le problème, ce sont les patrons et non les sénateurs !
M. André Lardeux. Mais ce genre d'idées ne peut provenir que de la gauche de l'hémicycle. À droite, nous estimons que les entreprises sont là pour produire et procurer les meilleures conditions possibles de travail à leurs salariés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Éric Doligé. Madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement, car il existe des règles essentielles en ce qui concerne le fonctionnement du Sénat, notamment celles de l'article 36, selon lequel chaque intervenant ne doit pas trop dépasser son temps de parole.
Si nous avons bien compris les propos de M. Domeizel hier soir, en revanche, son intervention était totalement incompréhensible aujourd'hui.
Mme Hélène Luc. C'est votre avis !
M. Éric Doligé. Il n'était donc pas nécessaire qu'il s'exprime pendant dix minutes, alors qu'il n'a droit qu'à cinq minutes.
Madame la présidente, je souhaiterais que les temps de parole soient respectés. Ainsi, débat pourrait avoir lieu dans de bien meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Doligé, je vous rassure : en dehors des interruptions, M. Domeizel n'est intervenu que six minutes. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Soit une minute de trop !
M. Bernard Frimat. Je voudrais faire, à l'intention de notre collège Doligé, un rappel au règlement concernant l'article 36, et féliciter Mme la présidente de la façon dont elle préside la séance, avec la sérénité que chacun lui connaît.
L'article 36, alinéa 6, du règlement du Sénat dispose : « S'il l'estime nécessaire pour l'information du Sénat, le Président peut autoriser exceptionnellement un orateur à poursuivre son intervention au-delà du temps maximum prévu par le règlement ».
M. Dominique Braye. S'il le demande !
M. Robert Del Picchia. C'est l'exception !
M. Bernard Frimat. Donc, Mme la présidente n'a fait qu'appliquer cette disposition, et je l'en remercie. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 156.
M. David Assouline. Monsieur Doligé, puisque vous n'avez apparemment pas compris l'intervention de M. Domeizel, je vais tenter d'expliquer... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Traduction de M. Domeizel par M. Assouline !
M. David Assouline. Vos exclamations me donnent l'occasion de vous faire remarquer qu'une intervention peut dépasser le temps imparti si elle est interrompue de manière répétée. Ainsi, une intervention de deux minutes en temps de parole réel, peut durer en fait sept minutes si les interruptions sont nombreuses. Donc, si vous êtes pressés, votre intérêt n'est pas de continuer ainsi.
M. Robert Del Picchia. Nous avons tout le temps !
M. Josselin de Rohan. Nous ne sommes pas pressés !
M. David Assouline. Si vous n'êtes pas pressés, c'est bien !
Dans l'intervention de mon collègue Domeizel, quelque chose était très clair.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ah bon ?
M. David Assouline. Un vrai problème est en effet posé dans la discussion ce soir. Hier, de manière lancinante et jusqu'à une heure du matin,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous étiez opposés au titre Ier !
M. David Assouline. ...il y a eu un tunnel de défense d'amendements avec un nombre restreint de membres de l'UMP dans l'hémicycle,...
M. Éric Doligé. Ce n'est pas vrai !
M. David Assouline. ...avec des réponses assez précises et complètes de M. Larcher,...
M. Charles Revet. Il faut le souligner, parce M. le ministre parle clairement !
M. David Assouline. ...mais sans aucun débat contradictoire ni explication de vote. Or, si le règlement prévoit ces prises de parole, c'est précisément pour favoriser les échanges et rendre le débat plus vivant.
Aujourd'hui, nous faisons ces explications de vote, avec un ministre muet, qui prend des notes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh !
M. David Assouline. Si les trois quarts des membres de l'UMP présents dans l'hémicycle ont effectivement étudié les amendements, en tout cas, ils n'ont pas entendu les arguments ni les précisions de M. le ministre. C'est un fait ! Rien n'empêche d'embaucher un salarié en CPE pour remplacer un gréviste.
M. André Lardeux. C'est ce que vous croyez, vous, pas nous !
M. David Assouline. Jamais un patron ne reconnaîtra qu'il embauche une personne en CPE pour remplacer un gréviste, et qu'il attente au droit de grève. Mais c'est pourtant ce qui se passera de façon indirecte.
Les choses sont simples, si vous n'aviez pas compris. En fait, je crois que vous avez très bien compris. Vous ne pouvez ignorer ces effets pervers, qui n'étaient certainement pas voulus au départ. Ils montrent que le CPE est un contrat fait de bric et de broc, niché dans un projet de loi qui lui est totalement étranger, et que l'on veut faire passer « à la hussarde », parce qu'il faut absolument commencer à casser le code du travail. En le cassant pour les jeunes, vous visez le point le plus fragile. Ces effets pervers, nous continuerons à les énumérer tout au long de la soirée.
M. Dominique Braye. Samedi et dimanche aussi !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Souvet, pour explication de vote.
M. Louis Souvet. Dans cette assemblée, je souffre...
M. Louis Souvet. ...d'un handicap insurmontable. J'ai longtemps été ouvrier. Puis j'ai exercé des fonctions d'encadrement dans l'industrie.
M. René-Pierre Signé. PSA !
M. Louis Souvet. J'entends ici des propos qui sont loin, très loin, de la réalité,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Ils n'ont jamais été en entreprise !
M. Louis Souvet. ...et que je qualifierai de propos d'intellectuels. Je me dis que ceux qui en parlent autant n'ont pas dû souvent mettre les pieds dans une entreprise et s'atteler à un travail d'ouvrier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas pour pointer au conseil d'administration !
M. Louis Souvet. Je crois qu'ils connaissent l'entreprise par le biais d'études et de livres.
J'ai entendu des propos visionnaires voilà un instant. Il a été dit, par exemple, que l'on pourrait embaucher quelqu'un pour remplacer un gréviste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les conseils d'administration et les salariés ne sont pas au même étage !
M. Louis Souvet. Je voudrais vous dire que le code du travail interdit ce remplacement. Et s'il est possible de remplacer un gréviste, cela devient un peu plus compliqué quand il y en a cinquante, cent ou deux cents. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Robert Bret. C'est possible aussi !
M. Louis Souvet. S'il n'y a qu'un gréviste, l'entreprise ne s'arrête pas. En revanche, s'il y en a quelques centaines, son fonctionnement est compromis. (M. David Assouline s'exclame.) Monsieur Assouline, je ne vous ai pas interrompu ; je vous serai donc reconnaissant de me laisser poursuivre, d'autant que je prétends connaître le sujet, et sûrement mieux que vous ! (M. David Assouline fait un signe de dénégation.)
Le licenciement, et on l'oublie un peu trop, est toujours un échec alors que l'embauche caractérise le succès d'une entreprise. Quand on embauche quelqu'un, c'est pour travailler avec lui. Je crois qu'il faut remettre les choses à leur place.
Je l'ai dit à la présidente du MEDEF et en présence de nombreux collègues, nous sommes en panne de travail parce que nous n'avons pas pu exporter les 35 heures. On s'est imaginé un jour que tout le monde allait choisir cette idée formidable susceptible d'augmenter la productivité. Je crois que nous sommes loin du compte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous signale que nous sommes le premier pays en termes de productivité !
M. Louis Souvet. Je prendrai un exemple. Morez, en Franche-Comté, était la capitale mondiale de la lunetterie. Voilà une paire de lunettes (M. Louis Souvet montre les siennes) qui a été vendue quinze francs.
M. Jacques Mahéas. Afflelou !
M. Louis Souvet. La matière première que nous achetons ici nous coûte plus cher que la paire de lunettes qui vient de Chine. Comme voulez-vous que l'on puisse travailler dans ces conditions ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Selon vous, il faut payer les salariés 50 euros par mois !
M. Louis Souvet. Comment augmenter la productivité ? Tout cela n'est pas possible. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Je voudrais dire, pour terminer, que nous donnons ici un spectacle attristant.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Louis Souvet. Je ne pensais pas que l'on puisse, au Sénat, descendre à ce niveau. (Oh ! sur les travées du groupe CRC.)
MM. Robert Bret et Roland Muzeau. En tout cas, ce n'est pas vous qui l'avez remonté !
M. Louis Souvet. Si les gens que nous voulons défendre nous voyaient, ils seraient surpris et bien déçus ! (Bravo ! sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 660.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vas-y Roland, toi qui connais l'entreprise !
M. Roland Muzeau. J'ai été ajusteur pendant vingt ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà ! Ce n'est pas au même étage que vous, monsieur Souvet !
M. Roland Muzeau. Je connais même les prud'hommes, puisque j'y suis allé quatre fois, et on peut donc en parler si vous le souhaitez.
La précarisation est à la base du contrat nouvelles embauches comme du contrat première embauche. En toute bonne foi, on ne peut les assimiler à des contrats à durée indéterminée.
Ce qui caractérise la durée indéterminée, c'est, par définition, la durée indéterminée de l'emploi et les protections qu'il assure. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, plusieurs dizaines d'articles du code du travail seront « liquidés » par la mise en place de ce nouveau contrat. On ne peut rompre sans motif le contrat à durée indéterminée et il faut respecter une procédure contradictoire : l'entretien préalable et la notification.
Toutes ces garanties sont précisément celles que le contrat nouvelles embauches comme le contrat première embauche ont pour objet d'écarter, et cela a fait l'objet de toute notre discussion.
Le CNE et le CPE présentent donc intrinsèquement les caractéristiques d'un contrat très précaire.
Vous répétez que la difficulté de licencier un salarié est un frein à l'embauche, et vous vous attaquez à ces protections.
Hier, on disait que les licenciements d'aujourd'hui seraient les emplois de demain...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. Roland Muzeau. Bref, à chaque période son slogan. Toujours est-il qu'il y a toujours plus de chômeurs, de sans-emploi, de RMIstes et de personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.
Nous le savons, l'objectif affiché de ces contrats n'est autre que de réduire la complexité prétendue des modalités de licenciement, présentée sans aucun élément d'appréciation comme une entrave au travail et à l'embauche.
Je rappelle à cet égard que la présidente du Centre des jeunes dirigeants a indiqué qu'il n'y avait pas de difficulté majeure à procéder à un licenciement dans les deux ans,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est clair !
M. Roland Muzeau. ...et que les coûts étaient minimes.
Donc, en vous opposant à cet amendement, vous apporterez la preuve que le flou créé par ce nouveau contrat sert vos intentions. Sinon comment justifier qu'un salarié privé d'emploi en raison d'un sinistre, donc indépendamment de sa volonté, se trouve privé d'une indemnité compensatrice ?
Je formulerai un regret sur la manière dont nos débats ont été organisés. Aujourd'hui, lorsque nous nous exprimons sur nos amendements, il nous est difficile de nous remémorer l'argumentation du rapporteur et du ministre, car ils se sont exprimés précédemment. Toutefois, en l'occurrence, je n'ai pas eu trop de difficulté. En effet, M. le rapporteur avait simplement dit : « Avis défavorable ». Quant au ministre, il s'était levé, de manière rigoureuse et véhémente, et avait dit, lui aussi, « Avis défavorable ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans justification !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas vrai ! Il vous a dit que le 3° du II prévoyait les conditions dans lesquelles il y avait indemnisation.
M. Roland Muzeau. Menteur ! (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.) Vous ne pouvez pas vous rappeler de cela ! (huées sur les mêmes travées.) Dans ces conditions, je demande une suspension de séance pour que nous puissions consulter le compte rendu des débats !
M. Dominique Braye. Rappel au règlement ! Vous êtes un « Frêche bis » !
M. Roland Muzeau. On ne peut pas discuter avec vous, monsieur Braye ! Vous n'y connaissez rien ! (protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Frêche bis !
M. Roland Muzeau. M. le président de la commission est un spécialiste, lui !
M. Dominique Braye. Frêche bis !
M. Roland Muzeau. Vous n'êtes qu'un agitateur politique ! Rien d'autre ! Vous ne connaissez rien !
M. Dominique Braye. Ferme ton museau, Frêche bis ! (Marques d'indignation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Madame la présidente, je souhaiterais que vous fassiez respecter la politesse dans cet hémicycle ! (Huées sur les travées de l'UMP.)
Si vous avez quelque chose à me dire, monsieur Braye, venez dans le couloir, il est juste derrière nous ! (Le brouhaha est à son comble.) D'accord ? Venez, espèce de rigolo !
M. Dominique Braye. Comme dans les banlieues ? C'est scandaleux ! Il est gonflé !
Mme la présidente. La parole est à M. Josselin de Rohan,... si vos collègues veulent bien vous écouter !
M. Josselin de Rohan. Madame la présidente, je demande un retour à un minimum de sérénité dans ce débat.
Traiter quelqu'un de menteur est une injure et une diffamation qui relèvent du code pénal. Je demande à M. Muzeau de retirer immédiatement ses propos et de présenter ses excuses, sinon je demande une suspension de séance de dix minutes à titre de protestation contre ce genre de comportement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Gisèle Gautier applaudit également.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes sans cesse injuriés, je vous signale !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En ce qui me concerne, je n'ai pas pris les propos de M. Muzeau comme une agression. Je sais qu'il a l'habitude de traiter même ses amis de menteurs ! (Rires.) Cela me paraît donc presque un compliment lorsque cela s'adresse à moi ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Cela étant dit, si j'en crois le compte rendu analytique officiel de la séance du 27 février, que j'ai lu moi aussi, le rapporteur a exprimé l'avis suivant : « L'alinéa 2 de l'article 3 bis fixe les conditions de rupture du contrat parmi lesquelles le versement d'indemnités, y compris dans le cas de force majeure. ». Il n'a donc pas dit simplement « Avis défavorable ». Par conséquent, je vous demande de m'en donner acte. Je n'ai pas menti ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Gisèle Gautier applaudit également.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dont acte !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Il paraît que, au moment de donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement, je me suis levé d'une manière naturellement majestueuse (Sourires) pour exprimer un bref propos. Je vous renvoie à la page 92 du compte rendu analytique de la séance du 27 février, qui montre que si mon propos fut concis, il n'en fut pas moins dense ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)
Mme la présidente. Pouvons-nous considérer, monsieur le président de la commission, que l'incident est clos ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En ce qui me concerne, il est clos, madame la présidente. (Protestations sur les travées de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Suspension de séance !
Mme la présidente. Les principaux intéressés, M. About et M. Muzeau, ont pris position.
Nous en revenons à l'amendement n° 660.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 153.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à modifier la période dite d'essai, afin que sa durée soit beaucoup plus courte et soit compatible avec une période d'essai.
Je rappelle que, sur le plan juridique, on ne sait pas ce qu'est la période actuellement proposée dans le projet de loi, mais nous reviendrons sur ce point.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une période d'essai doit avoir une durée raisonnable. Nous verrons quelle sera l'appréciation en ce qui concerne le CPE, d'autant que les réponses qui nous ont été apportées à cet égard par M. le ministre délégué cet après-midi ne nous ont pas convaincus. C'est la raison pour laquelle il nous paraît important que le Sénat vote en faveur de cet amendement.
Je profite de cette brève explication de vote - il n'est pas nécessaire de s'étendre sur cet amendement, qui est compris de tous -, pour dire que chacun découvre l'entreprise de son côté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Certains collègues de la majorité ont affirmé que nous ne connaissions pas l'entreprise. Tout comme M. Muzeau, qui a apporté son témoignage, je connais l'entreprise, mais pas du même côté que vous ! (Voilà ! sur les travées du groupe socialiste.) Sans m'étendre sur mon cas personnel - chacun voudrait parler de soi ! -, je tiens à vous dire que nous sommes autant habilités que vous à parler de l'entreprise. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Non, non !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, l'entreprise fonctionne en binôme. S'il n'y a pas de bons salariés, de bons travailleurs, de bons ingénieurs, de bons cadres, s'ils ne sont pas respectés, si le code du travail n'est pas appliqué, si les conditions de sécurité ne sont pas réunies, l'entreprise ne marche pas. Elle ne peut fonctionner que s'il y a un accord.
À cet égard, l'amendement n° 156, sur lequel M. Claude Domeizel est intervenu tout à l'heure, est extrêmement important. Pour l'avoir vécu moi-même, je peux vous dire qu'il existe des entreprises dans lesquelles des salariés ne peuvent accéder aux chantiers pour des raisons politiques ou syndicales. C'est une entrave à la liberté du travail.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous qui connaissez l'entreprise, cher collègue Souvet, vous avez dit qu'on ne pouvait licencier cinquante grévistes. C'est à voir ! Peut-être ne le fera-t-on pas ? En revanche, on voit communément licencier des délégués syndicaux pour empêcher la représentation des personnels. Seront-ils remplacés par des jeunes en CPE ?
Par ailleurs, il importe de se soucier des conditions de travail de ces derniers. Une mission d'information a été constituée au Sénat sur le drame de l'amiante en France. Je connais l'amiante, pour avoir travaillé dans dès milieux amiantés dès l'âge de quinze ans et pendant vingt ans. Il est normal que nous nous souciions de préserver les jeunes en CPE de tous ces dangers qui menacent leur santé au travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je me demande si nous vivons, ce soir, un moment de démocratie ou de vérité ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les deux !
M. Jacques Mahéas. Peut-être les deux à la fois !
M. Dominique Braye. Il ne peut pas concevoir que les deux soient liés !
M. Jacques Mahéas. Si M. Braye veut bien m'écouter,... je m'explique.
Je suis tout de même très surpris que vous n'entendiez pas nos explications de vote.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On n'entend que ça !
M. Jacques Mahéas. Ainsi, sur l'amendement n° 156, lorsque nous avons commis un petit lapsus en disant : « Vous allez le voter », M. de Rohan, sans avoir écouté l'explication, s'est aussitôt écrié: « Non, il va être soumis au vote ! ».
M. Dominique Braye. Parce que examiné avant !
M. Jacques Mahéas. C'est formidable ! Vous êtes très forts : vous lisez dans nos pensées s'agissant des propos que nous allons tenir en explication de vote.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, mais nous sommes maintenant sur l'amendement n° 153 !
M. Christian Cointat. En effet, on s'écarte du sujet !
M. Jacques Mahéas. Certes, on s'écarte du sujet, mais il arrive même au ministre de s'en écarter. Il a dit qu'il s'était levé majestueusement pour tenir un propos concis mais dense. Ce sont ces petites phrases qui ponctuent les délibérations de notre assemblée, et c'est très bien ainsi !
M. Dominique Braye. On ne comprend rien à cette intervention !
M. Jacques Mahéas. Moment de vérité, disais-je. C'est lorsque notre collègue Louis Souvet, après avoir indiqué qu'il avait une expérience de l'entreprise en tant qu'ouvrier, ce qui est tout à son honneur, a brandi sa paire de lunettes en disant que notre pays n'est plus compétitif dans ce domaine, la production se fait ailleurs.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas une explication de vote !
M. Jacques Mahéas. J'y viens ! Si, là encore, vous lisiez dans nos pensées, vous l'auriez deviné !
Grâce au CPE, le coût du travail va diminuer.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela n'a rien à voir avec l'amendement !
M. Jacques Mahéas. C'est, à vos yeux, l'idée essentielle...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. Jacques Mahéas. ...et c'est celle du MEDEF.
Il s'agit, d'une part, d'abaisser le coût du travail, puisqu'il n'y aura pas de charges sociales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout à fait !
M. Jacques Mahéas. Il s'agit, d'autre part, d'avoir une main-d'oeuvre corvéable à merci, puisqu'il sera possible de la licencier plus facilement.
Par cet amendement, nous demandons de nommer la période. Ce n'est pas grand-chose : nous voulons simplement appeler un chat un chat. Puisqu'il s'agit d'une période d'essai, il faut le dire nommément, sinon ce peut être n'importe quoi !
C'est un simple amendement de précision, présenté par l'opposition. Comme il n'engage pas l'avenir du CPE, vous pourriez, pour une fois, vous prononcer positivement.
M. Alain Gournac, rapporteur. On répond ce qu'on veut !
M. Jacques Mahéas. Il est vrai qu'il vous est difficile de répondre positivement au groupe socialiste ou au groupe communiste républicain et citoyen, alors que vous refusez déjà l'ensemble des amendements du groupe UC-UDF, qui soutient jusqu'à présent ce gouvernement, et l'on s'en est encore aperçu lors du dernier vote !
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait, et cela ne vous regarde pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je me fais un devoir d'intervenir, quoique j'aie manqué une petite partie de la discussion.
Cet exemple de la lunette est excellent...
Mme Hélène Luc. Il est en effet très bon !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... et je ne suis pas étonné que ce soit M. Souvet qui l'ait soulevé.
En effet, M. Souvet est un élu de Franche-Comté, région où la lunetterie joue un très grand rôle, en particulier dans le Haut-Jura, où s'est constituée la première classe ouvrière organisée de notre pays.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cet exemple mérite donc notre attention.
J'ai expliqué cet après-midi les deux leviers de la création d'emploi : le premier relais a trait à la diminution du temps de travail, qui permet à tous de travailler. C'est un sujet que nous n'allons pas reprendre ce soir.
M. Alain Gournac, rapporteur. On a déjà donné cet après-midi !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous vous faisons la démonstration quand vous voulez que la réduction du temps de travail a créé 400 000 emplois dans ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Faux !
M. Philippe Marini. Totalement faux !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il n'en est pas de même de vos fumées idéologiques. Ainsi, la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, dont nous avons discuté dans cet hémicycle à trois reprises - je m'en souviens -, qui devait créer 400 000 emplois, n'en a pas créé un seul, pas même un emploi de licencieur !
M. Josselin de Rohan. Même Ségolène n'y croit plus ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Le second relais est constitué par la croissance. Elle repose sur deux moteurs, en premier lieu sur la consommation populaire. Mais c'est un sujet que l'on ne peut évoquer avec vous, car il s'agit d'augmenter les salaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout le monde au SMIC ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. En vingt ans, les ouvriers et les employés ont vu leurs droits reculer et dix points de la richesse de ce pays sont passés des mains des salariés aux autres.
M. Dominique Braye. C'est grâce à Jospin !
M. Jean-Luc Mélenchon. Voyez le résultat : misère et gêne de tous côtés ! (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
L'autre moteur, c'est le progrès technique. M. Souvet nous dit que ses lunettes ne peuvent plus être produites en France à un tel prix de revient.
M. Josselin de Rohan. Non !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous parlez d'un secteur où le patronat s'est montré le plus libéral et le plus ouvert lors des années soixante-dix, à l'époque où M. Giscard d'Estaing prétendait que la France n'avait qu'à liquider les canards boiteux et à s'installer dans certains créneaux du marché international. On allait voir ce qu'on allait voir !
M. Alain Gournac, rapporteur. Oh là là !
M. Jean Bizet. Il refait l'histoire !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et l'on a vu ce secteur parmi ceux qui ont le plus mal traité leurs ouvriers et les ont pris à la gorge. (M. Louis Souvet s'esclaffe.) Vous le savez bien, monsieur Souvet, vous qui connaissez tous ces secteurs.
Pour quel résultat ? Les patrons viennent aujourd'hui nous dire : « Il y a encore plus misérable que vous ! Comme on ne saurait payer quelqu'un avec une biscotte beurrée, nous allons fabriquer ce produit ailleurs et vous pouvez crever ! » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Est-ce une explication de vote sur l'amendement, madame la présidente ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Sommes-nous bien sur l'amendement ?
M. Jean-Luc Mélenchon. Or, monsieur Souvet, la situation est différente maintenant. Si vous allez dans les lycées professionnels du Haut-Jura, au lycée de la lunetterie de Morez (M. Dominique Braye s'exclame), vous y apprendrez quelque chose au passage. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Que sommes-nous en train de faire, nous, les Français ? Nous essayons d'avoir l'avantage technique. Chacun sait que la production de lunettes, comme celles-ci (L'orateur brandit ses lunettes), est condamnée, non seulement pour nous, mais aussi pour les Chinois, et pour tout le monde, en raison des opérations qui se font directement sur l'oeil, avec des machines très perfectionnées, que l'on ne peut faire fonctionner qu'avec des ouvriers de très haut niveau.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y aura plus de lunettes !
M. Jean-Luc Mélenchon. Les mêmes travailleurs sont donc en train de se reconvertir à la nouvelle technique de l'holographie. (Exclamations prolongées sur les travées de l'UMP.) Si la production, l'avantage technique ne vous intéressent pas, ne venez pas nous jouer ici les messieurs qui connaissent l'entreprise !
M. Alain Gournac, rapporteur. Quand va-t-on travailler ? Je vais faire des déclarations pendant une heure, madame la présidente, et vous ne me couperez pas la parole, parce que je suis rapporteur !
M. Jean-Luc Mélenchon. De la vérité de l'entreprise, vous ne connaissez que le compte des bénéfices à la fin de l'année, et non la classe ouvrière qui produit ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.) Vous n'avez rien à dire ! Démontrez-moi que j'ai tort. Vous êtes du côté du fouet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 652.
Un sénateur de l'UMP. Menteur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne vous en lassez pas !
M. Roland Muzeau. Nous avons beaucoup travaillé, du moins certains d'entre nous, sur la question de la période dite de consolidation. C'est en réalité une période d'essai déguisée, exorbitante par sa durée - elle est normalement comprise entre un et trois mois - et détournée de son objet - elle devrait servir à évaluer les compétences professionnelles du salarié. Durant cette période, nous l'avons démontré au cours de la discussion, le CPE est un contrat indéterminé, et non un contrat à durée indéterminée.
Pendant celle-ci, le salarié est exposé à l'arbitraire de l'employeur, à l'incertitude permanente, du fait notamment des règles dérogatoires au droit commun régissant la rupture du contrat, mais aussi en raison de l'absence de fixation d'un terme précis.
L'amendement n° 652 - qu'il faut bien évidemment lire comme un amendement de repli, puisque nous sommes contre le CPE -, traite de cette difficulté et montre, si besoin en est encore, que le dispositif hybride envisagé par le Gouvernement relève de l'escroquerie.
Nous proposons, par cet amendement, de préciser le régime juridique du CPE en complétant les dispositions permettant de déduire de la période de consolidation les périodes de formation en alternance, de stage, ou toute autre période d'emploi.
Ainsi, nous pensons que dans le contrat de travail, que vous avez voulu nécessairement écrit - c'est une autre différence avec le CDI -, devrait figurer comme dans tout contrat temporaire « le terme de la période de consolidation », laquelle est calculée en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise. Le contrat devrait également mentionner lesdites périodes décomptées.
L'amendement n° 652 vise donc à préciser que « le troisième alinéa du II de cet article est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le contrat de travail stipule le terme de la période de consolidation en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise qui doivent être mentionnées au contrat. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 157.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à travers cet amendement, auquel nous attachons une grande importance, nous voulons tenter de réformer la rédaction de l'article 3 bis en y supprimant les quatre alinéas qui portent sur le licenciement.
En effet, depuis que ce débat a commencé, nous avons posé à de nombreuses reprises et sous de multiples formes la même question : pourquoi pensez-vous, mes chers collègues, qu'il soit désormais nécessaire d'instaurer pour les jeunes de moins de vingt-six ans, et pour eux seuls, le licenciement sans motif ?
D'abord, le licenciement sans motif est très difficile à comprendre, à justifier. Nous avons entendu d'excellents propos, tout particulièrement de la part de nos collègues de l'UMP, nous expliquant que jamais un chef d'entreprise ne licenciait par plaisir.
Un sénateur de l'UMP. C'est bien vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah non ! Pas par plaisir : par intérêt !
M. Jean-Pierre Sueur. Si on licencie, nous a-t-on affirmé, c'est qu'il y a une raison. Je crois effectivement qu'il y a en général une raison, car je ne fais pas de procès d'intention. Mais, dans ce cas, quelle difficulté empêche de dire ce motif ? Pourquoi ne pas énoncer le motif, et pourquoi le fait de ne pas l'énoncer ne doit-il s'appliquer qu'aux jeunes et serait-il interdit, illégal, immoral et inacceptable dès lors qu'il s'agirait de quelqu'un de plus de vingt-six ans ?
C'est là une question très simple ; pourtant, depuis trois jours, nous n'avons pas le plus petit début de commencement de réponse. C'est cela qui ne va pas !
La société française traverse aujourd'hui un malaise, on le sent bien de tous côtés, qui provient de ce qu'il est clair que l'on veut faire l'assimilation entre jeunesse et précarité, entre jeunesse et licenciement sans cause, sans raison et sans motif. Et c'est là une chose qui est mal vécue par les jeunes, qui est mal comprise, et qui explique tout ce qui arrive aujourd'hui : le fait que le Gouvernement soit en difficulté, le fait même que les ministres chargés de présenter le projet de loi aient tant de mal à le défendre. J'en viens à me demander s'ils sont eux-mêmes convaincus de sa nécessité.
Nous avons d'innombrables témoignages de cette difficulté. L'un d'eux, hier soir, m'a particulièrement frappé : lorsque nous vous avons interrogé sur les raisons de ce licenciement sans cause pour les jeunes, monsieur le ministre, vous avez répondu qu'il ne fallait pas confondre la justification et la motivation.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est effectivement pas la même chose !
M. Jean-Pierre Sueur. Et moi, dans mon quartier, là où les jeunes connaissent un taux de chômage de 40 %, je devrais leur expliquer qu'ils vont pouvoir être licenciés sans cause, mais que ce n'est pas grave puisque M. le ministre nous a bien expliqué que la justification n'était pas la même chose que la motivation ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ne sont pas à l'essai, ils sont en consolidation !
M. Jean-Pierre Sueur. Est-il quelqu'un dans la République française qui puisse comprendre ce raisonnement ? Personne !
C'est bien pourquoi, mes chers collègues, nous allons vous sortir de ce mauvais pas : vous allez voter avec nous cet amendement et retirer du projet de loi ces alinéas qui sont inutiles, dangereux, et tellement difficiles à expliquer que vous n'y parvenez pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous vous aidons ! Il faut appeler un chat un chat et une période d'essai une période d'essai !
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. En présentant cet amendement, j'avais fait valoir que l'équilibre des contrats n'était pas respecté dans le projet de loi : le CPE conduit en effet à des liens de soumission puisqu'il implique que l'une des parties contractantes signe un contrat contraire à ses propres intérêts.
Les liens entre salarié et employeur sont par nature inégaux et, depuis quelques décennies maintenant, le code du travail joue un rôle régulateur dans ces relations par nature déséquilibrées. En supprimant les protections qui y sont attachées, vous revenez à des relations employeur-salarié qui appartiennent au siècle passé et vous détricotez notre modèle social en le vidant de sa substance.
Est-ce une période d'essai, monsieur le ministre, ou est-ce une période de consolidation ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne veut rien dire, « période de consolidation » !
Mme Bariza Khiari. En termes de consolidation, je ne connaissais pour ma part que les bilans consolidés des entreprises que vous voulez favoriser, mes chers collègues. M. Muzeau m'a appris que l'on parle aussi de consolidation en matière de sécurité sociale. En vous fréquentant, monsieur Muzeau, on devient plus intelligent. C'est agréable !
M. Robert Bret. Il aura plus de mal avec M. Braye !
Mme Bariza Khiari. Vous ne savez donc pas nommer les choses, mes chers collègues : c'est dire l'embarras qui est le vôtre !
Mal nommer les choses, disait Camus, c'est participer au malheur du monde.
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo !
Mme Bariza Khiari. Si vous ne participez pas au malheur du monde, vous participez au moins à la désespérance de la jeunesse de notre pays en lui proposant comme horizon professionnel un contrat journalier de nature féodale et en lui refusant l'autonomie dont elle a besoin.
Bien évidemment, mes chers collègues, je souhaite que vous votiez avec nous cet amendement qui tend à rétablir les conditions normales d'un licenciement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 158.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous allons faire une nouvelle tentative pour essayer, autant que faire se peut, d'améliorer ce texte.
Il s'agit bien entendu d'un amendement de repli. Mais vous constatez vous-mêmes, mes chers collègues, que, ce qui ne va pas, c'est que la période de précarité dure deux ans. Mme Bariza Khiari vient à juste titre de citer Albert Camus, qui connaissait si bien le langage, le sens des mots, la beauté des phrases, et qui soulignait que c'était finalement faire une injure que de ne pas employer les mots avec le sens qu'ils ont, le sens qu'ils portent dans leur substance même.
À cet égard, parler pour ces deux années de « consolidation », c'est totalement incompréhensible puisque pendant deux ans, tous les jours, on peut se faire renvoyer. Lorsqu'un édifice est plein de fissures, tient à peine debout, est en équilibre instable, il est très difficile de prétendre que l'on est dans la consolidation ! C'est même s'exprimer par antiphrase, parce que ce que vous proposez est le contraire de la consolidation : chaque jour, ce sera la précarité. Ce n'est pas de la consolidation ! Il y a donc un certain cynisme à parler de consolidation.
Il aurait été beaucoup plus clair de dire qu'à l'issue de ce que l'on aurait qualifié de période d'essai les personnes seraient embauchées dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée de droit commun. C'est en fin de compte ce que nous vous proposons de faire, mes chers collègues, plutôt que de constater que l'on peut licencier à tout moment, sans motif et sans cause, pendant deux ans. Certes, ce ne serait pas l'idéal à nos yeux, mais ce serait déjà mieux si la période d'essai était nommée et limitée à deux mois.
À cet égard, j'insiste beaucoup sur la jurisprudence de la Cour de cassation, car je crois, mes chers collègues, que nous devons en tenir le plus grand compte. Or vous savez bien que ce dispositif vous place dans une situation de grande fragilité juridique puisque la Cour a estimé que les périodes d'essai devaient, selon les métiers, être de trois mois, de six mois ou d'un an afin de pouvoir être qualifiées de « raisonnables », par référence à la convention 158 de l'OIT que nous avons si souvent citée. Il est tout à fait clair qu'une durée de deux ans ne relève pas de ce que la Cour pourra qualifier de raisonnable.
Instaurez une période d'essai de deux mois ! Ce ne sera pas l'idéal, mais ce sera mieux que ce que vous avez l'aplomb d'appeler « consolidation » et qui, vous le savez, est le contraire de la consolidation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Si vous aviez voté l'amendement précédent, celui-ci aurait immédiatement perdu tout objet, et nous aurions gagné du temps.
M. Dominique Braye. Nous avons le temps !
M. Jacques Mahéas. Mais nous insistons beaucoup, et c'est là une différence essentielle entre vous et nous, mes chers collègues, sur la rupture sans motif ni formalité, possible, qui plus est, sur une longue durée.
Il nous semble vraiment indécent...
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le mot !
M. Jacques Mahéas. ...que les parlementaires puissent dire à des jeunes que, pendant deux ans, ceux-ci seront susceptibles, sans motif ni formalité, d'être licenciés.
M. Robert Bret. Kleenex !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est comme les élus : tous les six ans !
M. Jacques Mahéas. Le Premier ministre a souhaité, lors de ses voeux à la presse, un peu d'humour et beaucoup de tendresse. Vous n'êtes pas vraiment très tendres pour ces jeunes-là ! Quant à l'humour, c'est de l'humour noir !
M. Bernard Frimat. Voilà !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas ce que nous disent les jeunes qui n'ont pas de travail !
M. Jacques Mahéas. Nous gagnerions certainement à qualifier de « période d'essai » cette période où le licenciement est possible sans formalité de la part de l'employeur et sans qu'il soit tenu d'en indiquer le motif, et à la limiter aux deux premiers mois ; mais vous avez refusé cette option tout à l'heure en rejetant nos amendements.
Votre choix est provocateur en soi, puisque le jeune, dans ces premiers mois, se sera « accroché », aura certainement donné le meilleur de lui-même. Et il se trouverait licencié, c'est-à-dire que l'on prendrait les affaires qu'il aura mises dans son casier et qu'on les lui renverrait par la poste !
Un sénateur de l'UMP. Ce n'est pas ainsi que cela se passe !
M. Jacques Mahéas. C'est arrivé, même dans un licenciement ordinaire ! Alors, avec les facilités qu'offre le CPE, on peut aller jusque-là : un paquet-poste, et vous êtes licencié, sans motif, sans rien du tout.
Supposons qu'ensuite ce jeune cherche un travail : il va inscrire sur son curriculum vitae que, de CPE en CPE, il a été licencié. Vous imaginez ce CV dans les mains d'un employeur potentiel ? C'est bien évidemment une très forte discrimination !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, on a compris ! Ce n'est plus une explication de vote, c'est un roman !
M. Jacques Mahéas. Si ce jeune est capable de dire : j'ai été licencié pour tel motif, c'est logique car j'ai commis telle bêtise - cela peut arriver -,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas le sujet !
M. Jacques Mahéas. ...je n'étais pas performant, ou ce métier ne me plaisait pas, j'ai donc rompu mon contrat, c'est une autre méthode.
Mais ne rien expliquer au jeune est inadmissible. Avant de devenir parlementaire, j'ai été pédagogue et je sais à quel point expliquer est essentiel. Les conflits entre les générations tiennent justement à un manque d'explication. Et voilà que vous en faites une règle dans le code du travail. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel acharnement mis par M. le ministre à nous dire que le CPE est un contrat à durée indéterminée, alors que rien ne peut laisser penser que tel est le cas, et qu'il introduit non pas une période d'essai, mais une période de consolidation, concept que nous ne connaissions pas en matière de droit du travail mais que le Gouvernement a créé ! Cela montre, s'il en était besoin, que vous avez de grandes difficultés à vous expliquer sur ce contrat, sauf à dire la vérité, car elle vous placerait en contradiction avec la convention de l'OIT et la jurisprudence en matière de période d'essai.
Le caractère totalement hybride de ce contrat sur le plan juridique - non pas pour les salariés pour lesquels il est très néfaste - fait que l'on commence à dire qu'il va provoquer un imbroglio, parce qu'il n'a aucune base juridique. La période d'essai est de deux ans, le patron n'est pas obligé de motiver son licenciement et il s'agit en fait d'un contrat à durée déterminée caché, puisque la durée n'est pas indiquée à l'avance.
Pour vous sortir de cet imbroglio juridique qui sera très dommageable, surtout pour les salariés, mais aussi pour les patrons qui vous ont déjà dit que ce dispositif leur posait des problèmes, vous devriez accepter nos amendements qui permettent de recadrer ce contrat sur le plan juridique et, surtout, de le rendre clair pour les salariés et pour les jeunes, sinon ils en feront les frais.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 159 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise à rétablir les conditions de forme du licenciement et essentiellement à indiquer qu'il doit être motivé.
Je reviens sur ce point car l'attitude de la majorité et du Gouvernement me semble incompréhensible. En effet, il n'y a pas dans ce texte de disposition plus inutile et plus scandaleuse que celle qui vise à dispenser l'employeur de l'obligation de motiver le licenciement.
Plus inutile, et je parle sous le contrôle de ceux qui connaissent l'entreprise. Dans la majorité des cas, si le chef d'entreprise licencie, c'est parce qu'il ne peut pas faire autrement et dès lors il n'a aucune difficulté à motiver le licenciement, à moins que cette disposition - vous vous en défendez et je veux bien croire que c'est à juste titre - ne soit un blanc-seing donné aux trafiquants de main-d'oeuvre. En effet, je ne vois vraiment pas pourquoi il n'y aurait pas de motivation, puisque nous sommes tous d'accord pour dire que les chefs d'entreprise licencient non par plaisir mais parce qu'ils ne peuvent faire autrement.
Par conséquent, ceux que vous dispensez de cette procédure, ce ne sont pas les chefs d'entreprise honnêtes, ce sont ceux qui sont malhonnêtes.
Par ailleurs, quel message envoyez-vous à la jeunesse ? Vous lui envoyez ce message terrible : vous comptez si peu que l'on n'est même pas tenu de vous donner le motif de votre éjection de la vie active.
M. Roland Courteau. C'est la triste vérité !
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues de la majorité, j'y insiste, adopter cet amendement ne remet nullement en cause les bienfaits que vous trouvez au CPE - pour notre part, nous n'en avons pas trouvé. Cela n'entacherait en rien l'économie générale du dispositif, dont vous attendez monts et merveilles. Je serais donc étonné que vous ne votiez pas en faveur de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est dommage qu'aucun sénateur de la majorité ne veuille se donner la peine de répondre aux arguments sur le fond, parce que je pense que cela nous est dû.
J'ai essayé d'en présenter quelques-uns qui complètent ceux de mes camarades et qui concernent la production, puisque c'est d'elle dont vous vous réclamez.
Mais je pose la question : qui vous a demandé de faire ce contrat ? L'avez-vous trouvé vous-mêmes dans le secret de vos réunions, de vos colloques ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas le thème de l'amendement !
M. Jean-Luc Mélenchon. L'un d'entre vous a-t-il été soudain inspiré et a dit : voilà la solution dont nous avons besoin !
Qui l'a demandé ? Pas les centrales ouvrières, nous en sommes sûrs.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne parle pas pour explication de vote sur l'amendement, il refait le débat !
M. Jean-Luc Mélenchon. Peut-être va-t-on dire que c'est le patronat.
Plusieurs de nos collègues ont fait la démonstration, texte à la main, que le MEDEF en effet le demandait.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est incroyable : tout à l'heure il y avait Giscard d'Estaing, maintenant il y a le MEDEF !
M. Jean-Luc Mélenchon. Le MEDEF, ce n'est pas le patronat dans sa totalité, c'est une partie du patronat et ce n'est pas le patronat de la petite entreprise. Et qui domine à l'intérieur du MEDEF ?
Cette question a une grande importance car ce que vous ne semblez pas prendre en compte, lorsque vous vous adressez à nous s'agissant de l'entreprise,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur Mélenchon, vous ne parlez pas sur l'amendement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Une explication de vote dure cinq minutes !
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela suffit, parlez sur l'amendement, monsieur Mélenchon !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est ce que je suis en train de faire, ne vous fâchez pas, je parle de l'amendement, je vous explique ma logique politique. Si vous ne le supportez pas, renvoyez-moi à ma place, mais vous devriez m'écouter car j'ai peut-être une chance de vous convaincre ou vous avez peut-être une chance de m'apporter une réponse qui soit pertinente et qui me cloue le bec.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela suffit !
Mme la présidente. Je vous prie de conclure, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. J'accélère et je conclus, madame la présidente.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Prenez votre temps, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je reprendrai la parole tout à l'heure pour vous expliquez pourquoi vous vous trompez.
S'agissant de l'entreprise, nous pouvons trouver des accords avec le secteur du patronat productif, sauf que le MEDEF est dominé depuis maintenant cinq ans par le patronat des finances et le patronat des services qui ont une vision de la gestion des comptes de l'entreprise selon laquelle il s'agit de donner des gages aux actionnaires en licenciant des travailleurs.
Or, comme un cycle de croissance dure aujourd'hui trois à quatre ans, quand on met bout à bout les opportunités de votre dispositif, il s'agit de transformer tous les nouveaux entrants dans le travail en main-d'oeuvre éjectable au premier revers de conjoncture, c'est-à-dire de donner un signal trois ans à l'avance aux actionnaires selon lequel, en toute hypothèse, ils n'y perdront jamais, parce que le patron pourra virer les ouvriers avant que la tendance du marché se soit retournée.
Vous faites donc tout cela pour le patronat du secteur financier, pas pour le patronat du secteur productif. Je vous expliquerai tout à l'heure ce qu'est le patronat du secteur productif ; en effet, il faut que ce soit la gauche qui vous l'explique car vous ne le connaissez même plus. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour explication de vote sur l'amendement n° 503.
Mme Gisèle Gautier. Je m'efforcerai d'être synthétique sur cet amendement que le groupe UC-UDF considère comme majeur.
En effet, il pose le principe en vertu duquel toute rupture d'un CPE pendant la période de consolidation devra non seulement être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception mais aussi justifié.
Nous ne pouvons accepter en effet que pendant deux ans à compter de la signature du contrat le jeune puisse être renvoyé sans savoir pour quelle raison.
L'absence de justification de la rupture du contrat est choquante pour trois raisons.
Premièrement, le droit de pouvoir se défendre est un principe constitutionnel que l'on dénie au signataire du CPE.
Deuxièmement, la possibilité de rompre ce CPE sans justifier la rupture est contraire aux engagements internationaux pris par la France, en particulier à la convention 158 de l'OIT que nous avons ratifiée et qui oblige à établir les motifs d'un licenciement.
Nous ne voyons pas quels enseignements pourront tirer les jeunes dont le contrat sera rompu, si aucune justification ne leur est donnée. Ils peuvent se poser légitimement des questions : ai-je mal agi ? Ai-je mal travaillé ? Puis-je m'améliorer ? Quelles conclusions dois-je en tirer ? Ce sont des questions qui demeureront sans réponse, le doute s'installera chez le jeune et cela peut éventuellement hypothéquer son avenir. À ce moment-là, ce jeune pourra passer par pertes et profits. Je trouve cela un peu dommage.
Troisièmement, pouvoir renvoyer quelqu'un sans qu'il sache pourquoi ne correspond vraiment pas à l'idée que nous nous faisons de l'équité et de la justice sociale.
Pour ces trois raisons qui me semblent fondamentales, nous estimons que toute rupture d'un CPE doit être justifiée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement, car le droit commun devrait s'appliquer dans cette circonstance aux jeunes de moins de vingt-six ans comme aux adultes de plus de vingt-six ans - d'ailleurs on est adulte bien avant vingt-six ans. Nous le demandons depuis le début. On pourrait comprendre qu'il y ait une période d'essai, d'ailleurs régie par le code du travail qui comporte à cet égard des précisions importantes, mais nous pensons qu'il faut en rester au droit commun.
Cependant si j'interviens, c'est pour souligner un point qui me choque particulièrement. En effet, j'ai cru comprendre, hier, que le Gouvernement s'était opposé à cet amendement. Et quand M. Biwer propose que, lorsqu'on envoie à un jeune une lettre recommandée avec accusé de réception pour lui annoncer la triste nouvelle de son licenciement, le motif soit indiqué,...
M. Dominique Braye. Alors votez pour ! Ne soyez pas hypocrites !
M. Jean-Pierre Sueur. ...il demande quelque chose qui va dans le bon sens ; néanmoins, c'est refusé.
M. Josselin de Rohan. Et vous vous abstenez !
M. Dominique Braye. Bonjour le courage !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons dit pourquoi nous allions nous abstenir.
Je voudrais comprendre les raisons pour lesquelles le Gouvernement refuse obstinément de faire le moindre pas en avant, même trop petit selon nous, vers la possibilité de comprendre et d'expliquer une décision.
Nous sommes en pleine absurdité. En effet, vous vous obstinez à dire qu'il faut ne pas expliquer, qu'il est bon de ne pas motiver, qu'il est magnifique de ne pas justifier une telle décision qui, pour un jeune, est toujours grave et difficile.
M. Dominique Braye. Et vous vous abstiendrez quand même !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous ne sommes pas favorables à cet amendement.
Je ne pense pas trahir une confidence en disant que, tout à l'heure, M. About déclarait, en aparté : si le Sénat adopte un amendement visant à obliger l'employeur à motiver une rupture de contrat, il n'y aura plus de CPE. Pourquoi le CPE tient-il à cela ? Pourquoi ne faites-vous pas même plaisir aux membres de l'UC-UDF en adoptant son petit amendement ?
M. Dominique Braye. Parce que vous ne voulez pas voter cet amendement !
M. David Assouline. En fait, et c'est me semble-t-il la raison profonde qui explique cette attitude, cela constituerait un aveu par rapport à l'objectif du CPE.
Je connais un peu le monde de l'entreprise.
M. Dominique Braye. Bien peu !
M. Josselin de Rohan. De très loin !
M. David Assouline. Les petits patrons expliquent qu'ils peuvent embaucher lorsque leur carnet de commandes est bien rempli, mais qu'ils préfèrent y renoncer s'ils sont liés par un contrat à durée indéterminée. Telle est leur motivation. Mais si c'est le cas, il n'y a pas de licenciement sans motif. Une entreprise licencie quand elle ne peut plus faire face car elle n'a plus de commandes.
En réalité, le contrat nouvelles embauches va beaucoup plus loin. Il vise à individualiser le licenciement et à permettre à l'employeur, par la simple évocation d'un licenciement qui n'aura pas à être justifié, d'exercer une pression psychologique sur son salarié et d'obtenir sa soumission. Ce dernier craindra de perdre son emploi et on pourra obtenir ce que l'on veut de lui.
Même si l'objectif n'est pas le licenciement, cette menace journalière pèsera sur sa capacité à faire valoir ses droits, à se syndiquer, à s'organiser, à contester et l'incitera à rester tranquille et à ne pas avoir de problème avec sa hiérarchie. C'est un des objectifs du CPE, qui est très important et que vous voulez cacher !
M. Jean-Luc Mélenchon. Cela vous laisse K.-O. ! Vous ne savez plus que dire !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Comme l'a indiqué Mme Gautier, cet amendement nous paraît très important, pour le fonctionnement même de tout contrat de travail et notamment du CPE tel qu'il nous est proposé.
Nous aurions préféré, et nous avons expliqué notre position au début de la soirée, une autre forme de contrat.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous aussi !
M. Michel Mercier. Nous n'avons pas été suivis.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous non plus !
M. Michel Mercier. Ce sont les lois de la démocratie parlementaire et nous nous y plions volontiers.
M. Jacques Mahéas. Vous n'influencez pas la majorité !
M. Michel Mercier. Lorsque je vous vois à l'oeuvre ce soir, je me dis que j'ai autant d'influence que vous. On ne peut pas dire que vous ayez construit grand-chose. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Mais nous, nous sommes dans l'opposition ! Vous, vous êtes dans la majorité !
M. Michel Mercier. Vous êtes ce que vous voulez. Je constate simplement que vous vous contentez de peu. Pour ma part, je m'efforce de faire avancer les choses.
M. Roland Courteau. Des mots !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n'avance pas du tout !
M. Jean-Luc Mélenchon. Écoutez ce que vos autres collègues vous disent, monsieur Mercier.
M. Michel Mercier. Pour l'instant, ils n'ont rien dit ! M. Mahéas m'a cherché, il m'a trouvé ! Seul M. Mahéas m'a interpellé, sinon je ne lui aurais rien dit.
M. Jacques Mahéas. C'est exact !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On vous écoute, monsieur Mercier.
M. Michel Mercier. Je disais que nous avons expliqué pourquoi nous souhaitions un autre type de contrat mais que nous n'avions pas été suivis.
Aussi, l'amendement n °503, comme d'autres, vise à améliorer le CPE. Nous considérons qu'il est très important, d'abord pour des raisons pratiques.
En effet, s'il n'y a pas de motivation, il n'y a pas pour autant absence de motif. Les personnes qui verront leur contrat interrompu recourront au juge pour les aider à trouver ce motif. Et nous savons fort bien que le juge les y aidera. Le droit français comporte, et c'est heureux, suffisamment d'instruments juridiques pour que l'on recherche le motif qui n'aura pas été donné.
Afin que les choses se passent bien, Il serait à nos yeux préférable de donner la justification d'emblée, pour deux raisons.
D'une part, pour la vie même du contrat : si le salarié n'est pas informé de la justification de son licenciement, il la recherchera.
D'autre part, et c'est important, pour le jeune lui-même. Si l'on veut que ce contrat constitue un vrai progrès, qu'il aide le jeune, il faut lui dire pourquoi son contrat a été rompu, dans quel domaine il n'a pas été assez performant, quelles formations il doit suivre pour devenir meilleur et avoir des chances accrues, lors du prochain contrat, de conserver son emploi.
Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes très attachés à cet amendement et nous vous demandons de bien vouloir l'adopter.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Enfin un membre de l'UMP s'exprime !
M. Hugues Portelli. Mes chers collègues, la difficulté de cette discussion tient au fait que nous n'avons pas la même lecture du contrat dont nous parlons.
Mme Nicole Bricq. C'est clair !
M. Hugues Portelli. Nous, nous partons de l'idée selon laquelle le contrat de droit commun est le contrat à durée indéterminée.
Voilà quelques mois, je vous le rappelle, c'est nous qui avons sorti des tiroirs du gouvernement Jospin la directive européenne qui demandait que le contrat à durée indéterminé devienne le contrat de droit commun pour tous les employés du secteur public, notamment pour ceux des collectivités territoriales, qui étaient jusqu'alors en CDD.
M. Jacques Mahéas. Et pour la fonction publique territoriale.
M. Hugues Portelli. Alors ne nous faites pas le procès d'être contre le contrat à durée indéterminée !
Le CPE vise à limiter la précarité de ceux qui n'ont pas de contrat ou qui n'ont que des CDD à court terme. C'est pour eux que le CPE a été fait. C'est cette philosophie que nous partageons avec le Gouvernement.
Cela dit, à titre personnel, je suis d'accord avec l'amendement n° 503. En effet, le juge en matière de droit du travail, la chambre sociale de la Cour de cassation a le devoir d'appliquer les principes généraux du droit et les conventions internationales que nous avons signées, qui s'imposent aux lois que nous votons, même si elles sont postérieures à ces principes.
Mme Hélène Luc. Mme Parisot veut rediscuter tout cela !
M. Hugues Portelli. Lorsque le juge aura à se prononcer sur des contrats de travail qui ne respecteront pas les principes généraux du droit du travail et les conventions internationales, il aura le devoir d'imposer la primauté de ces conventions sur les lois que nous aurons votées. Aussi est-il préférable que les lois votées par le Parlement intègrent ce qui est prévu en termes de droit du travail dans les conventions internationales. Le fait qu'une lettre de licenciement justifie la raison pour laquelle on est licencié est un principe général du droit. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 503.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 655.
M. Roland Muzeau. S'agissant des licenciements collectifs de CPE entrant pourtant dans le cadre des licenciements pour motif économique, la seule règle actuelle qui continuera à s'appliquer concerne la procédure d'information et de consultation des représentants du personnel. On ne sait d'ailleurs pas comment cette obligation pourra s'appliquer, car les élus du personnel n'auront pas la possibilité de contester le bien-fondé de la décision prise dans la mesure où cette dernière n'aura pas à être motivée.
Notre amendement vise à réintroduire dans le texte l'obligation d'accompagner le CPE d'une démarche de reclassement. Le troisième alinéa de l'article L. 321-1 du code du travail met à la charge de l'employeur une obligation individuelle de reclassement des salariés. Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été faits et que son reclassement ne peut être réalisé dans l'entreprise ou dans le groupe auquel l'entreprise appartient.
Même si, et nous le regrettons, cette obligation de reclassement ne contraint pas l'employeur à un résultat, même si le non-respect de cette obligation n'est pas sanctionné par la nullité de la procédure de licenciement, elle rappelle néanmoins l'employeur à sa responsabilité. Et même si cette responsabilité doit être renforcée afin de ne plus autoriser l'employeur à proposer des reclassements sur les emplois de catégorie inférieure, rien ne justifie qu'en raison de leur âge et du type d'emploi qu'ils occupent, en l'occurrence un CPE, de jeunes salariés soient exclus du champ de cette obligation de reclassement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote sur l'amendement n° 161.
Mme Gisèle Printz. Nous maintenons avec beaucoup de fermeté que le CPE et le CNE sont des instruments inventés pour renforcer la précarisation des salariés.
Permettez-moi de citer quelques lignes publiées le 19 octobre 2005 dans La Tribune de l'économie, journal de gauche bien connu, dans la rubrique consacrée au droit social. Ces lignes concernent le CNE mais elles sont, bien entendu, directement applicables au CPE.
« La fermeture d'un établissement par décision préfectorale ne constitue pas un cas de force majeure pouvant justifier la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée. C'est ce que vient de décider la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 28 juin dernier concernant un magasin qui avait été fermé à la suite d'une rixe. La Haute Cour confirme ainsi que la rupture d'un CDD avant son terme reste difficilement admise. Les cas de rupture anticipée de CDD sont limitativement prévus par la loi. En vertu de l'article L. 122-3-8 du code du travail, le CDD ne peut être rompu avant son terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure et dans certains cas particuliers.
« La force majeure est une cause de rupture de contrat rarement retenue par les tribunaux. La partie qui l'invoque doit établir que des circonstances extérieures, imprévisibles et insurmontables l'ont empêchée de poursuivre l'exécution du contrat.
« La force majeure est devenue une cause archaïque de rupture du contrat de travail. Le souci de protection des droits du salarié et les conditions strictes de sa reconnaissance font qu'elle ne peut quasiment plus être mise en oeuvre. »
Mais, note maître Taquet, il existe désormais un moyen de mettre plus aisément fin à un contrat de travail. C'est le fameux CNE - ainsi bientôt que le CPE, pouvons-nous ajouter. Pendant les deux premières années, une simple lettre recommandée avec accusé de réception suffira.
L'article se termine par l'évocation du motif d'abus de droit qui peut toujours être invoqué par les salariés avec cette phrase prémonitoire : « Reste à savoir comment les tribunaux vont évaluer les cas de rupture abusive. ».
Le jugement du conseil des prud'hommes de Longjumeau nous en donne une première idée, qui devrait faire réfléchir les patrons prêts à suivre M. de Villepin.
Mme la présidente. La parole est à M. André Vallet, pour explication de vote sur l'amendement n° 509.
M. André Vallet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement a pour objet d'éviter que les établissements bancaires ne puissent invoquer le contrat de première embauche pour refuser à un salarié l'accès au crédit. Les salariés en CPE doivent pouvoir bénéficier, à l'instar de n'importe quel autre salarié, d'ouvertures de crédit pour l'achat de mobilier ou d'un véhicule, par exemple.
C'est un droit essentiel, une protection élémentaire. Il devrait semble-t-il rassembler les suffrages de tous nos collègues, car je n'ose penser que d'un côté et de l'autre de cet hémicycle consigne ait été donnée de refuser tout amendement provenant du groupe de l'Union centriste-UDF. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote sur l'amendement n° 163.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement prévoit que tous les compléments ou accessoires de salaire - treizième mois, double salaire, primes - soient inclus dans le salaire brut afin que celui-ci soit respecté par l'employeur et lisible en toute clarté par le salarié.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, les jeunes constituent une population fragile qui souffre souvent de la méconnaissance des lois et de ses droits, et vous en profitez.
Vous n'abondez ni dans le sens des jeunes, ni dans le nôtre. Et surtout, les entreprises seront-elles contrôlées ? Quelques mois après son licenciement, loin de l'entreprise, un jeune aura-t-il la force et les moyens de réclamer son dû ? Aura-t-il un ticket à points pour les prud'hommes ?
À force d'ajouter contrat sur contrat, pensez-vous encourager les entreprises à embaucher ? Avez-vous songé à toutes les charges que vont engendrer pour celles-ci toute cette panoplie juridique et les recours devant les prud'hommes qui en résulteront ? Disposez-vous d'un rapport précis sur les entreprises qui comptent réellement embaucher sous CPE dans les prochains mois ?
Nous ne sommes pas du tout convaincus de l'efficacité du CPE. Monsieur le ministre, ce n'est pas en travaillant en commission que l'on trouvera la solution, c'est en créant une mission parlementaire de terrain. C'est là que vous trouverez des réponses et que vous aurez des chances d'être efficace.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 164 et 668.
M. Claude Domeizel. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce matin la présentation de l'amendement n° 164 par notre collègue Raymonde Le Texier. À la lecture, quelqu'un qui ne disposerait pas du texte complet ne comprendrait pas très bien, puisqu'il est précisé : « remplacer le pourcentage 8 % par le pourcentage 15 % ».
Je pense qu'il est bon de rappeler que, lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, et sauf faute grave du salarié, l'employeur verse au salarié, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et des indemnités de congés payés, une indemnité égale à 8 % du montant total des rémunérations brutes dues au salarié depuis la conclusion du contrat.
Nous demandons tout simplement que ce pourcentage soit porté à 15 % parce que la précarité d'un jeune en CPE est bien plus grave encore que celle d'un salarié en CDD ou en intérim, puisqu'il peut être licencié à tout moment et sans motif. Ce n'est pas le cas du salarié en CDD qui ira, lui, jusqu'au terme de son contrat, sauf faute grave.
Nous pensons qu'il convient de tenir compte de cette angoisse permanente du jeune salarié. De plus, ce jeune ne pourra pas construire convenablement sa vie dans de telles conditions. C'est la raison pour laquelle nous voterons en faveur de l'amendement n° 164.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 et 668.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 445.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous remercie pour les arguments que vous avez opposés à mes arguments. J'en ai pris bonne note : vous n'avez rien dit !
Il faut peut-être que le débat avance plus vite, mais il y a quand même des gens qui vont nous lire, et écouter ce dont nous avons traité !
J'ai posé une question tout à l'heure en montrant comment il pouvait y avoir plusieurs catégories de patronat auxquelles, sous couvert de législation pour les jeunes et de CPE, vous accordez des garanties.
Tout à l'heure, M. Souvet a soulevé le problème de la lunetterie. C'est un bon exemple et je le reprends. Je voudrais savoir s'il y a un CPE en Suisse.
Voyez-vous, ce qui pend au nez de la production en France, c'est la pénurie de main d'oeuvre qualifiée ! Vous ne le savez peut-être pas, mais ça vient ! Nous allons manquer de plusieurs centaines de milliers de travailleurs qualifiés, en relation avec les départs à la retraite.
Sans immigration qualifiée, personne ne saura comment faire face. Car, faute de temps, les gains de productivité ou les sauts technologiques qui nous permettraient de compenser ce manque de main d'oeuvre ne seront pas réalisés. C'est une vérité.
Vous êtes dans le Haut-Jura, où il y a encore une production de lunetterie. Y a-t-il un CPE en Suisse ? Je vous le dis tout de suite : s'il n'y a pas de CPE en Suisse, les travailleurs qualifiés formés dans le Haut-Jura iront travailler en Suisse, dans des productions qui ne seront plus des productions nationales.
M. Dominique Braye. Ils y vont déjà ! C'est n'importe quoi !
M. Jean-Luc Mélenchon. Et nous aurons tout perdu ! Premièrement, nous aurons payé la formation, deuxièmement, nous n'aurons plus les entreprises et, troisièmement, nous n'aurons que vos histoires et fumées idéologiques de contrat première embauche !
Je vous redis que ce n'est pas comme cela que l'on construit un pays puissant et productif en matière d'industrie. Je ne vous répète pas les arguments sur la précarité, je vous parle de production ! Que quelqu'un me démontre que je me trompe ! Et que le ministre, que j'apprécie par ailleurs beaucoup sur un plan personnel, ne me dise pas en souriant : « Vous vous faites le porte-parole de l'UIMM ».
Je connais aussi très bien les représentants de l'UIMM. Dans leurs réunions publiques, ils tiennent un discours où il n'est question que de libéraliser, mais quand ils rencontrent les autorités de l'État, ils changent de musique : il faut sécuriser les marchés, sécuriser la production, sécuriser les diplômes. Ce qu'ils veulent, une fois qu'ils ont fini leur blabla, c'est quand même des gens qui produisent, et qui produisent bien !
La France ne peut pas être une grande puissance, quand elle n'a aucune ressource naturelle, autrement que par l'intelligence de son peuple et de ses travailleurs ! Si vous leur flanquez la trouille toute l'année pour savoir s'ils auront du boulot le jour d'après, tous les frontaliers ficheront le camp ! Qu'est-ce qu'on fait dans ce cas-là ? Quelle réponse apportez-vous, vous qui parlez sans arrêt de patriotisme économique ? Le premier patriotisme économique, c'est de respecter les travailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. J'admire toujours l'éloquence de M. Mélenchon, mais je suis quelquefois un peu surpris par ses arguments. Tout à l'heure, il nous a fait un éloge extraordinaire du partage du travail par la réduction du temps de travail et, à l'instant, il vient de nous expliquer exactement l'inverse s'agissant du manque de main d'oeuvre qualifiée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Je vais vous régaler du contraire dans une seconde !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement no 669.
M. Guy Fischer. Cette contribution supplémentaire versée par l'employeur en cas de licenciement ne masquera pas pour autant la perte nette du salarié en matière d'indemnisation du chômage.
Même si les montants versés contribueront à financer des actions en vue du retour à l'emploi, il n'y aura pas d'augmentation de l'indemnité d'assurance chômage pour le salarié.
Sur ce point, une fois encore, les salariés embauchés en CPE seront perdants. Le montant de l'allocation forfaitaire versée durant deux mois par les Assedic au salarié qui n'a pas droit au chômage s'élève à 16,40 euros par jour, soit 492 euros par mois, à condition d'avoir travaillé au moins 4 mois en CPE. Si ce n'est pas le cas, le jeune salarié n'aura droit à rien.
Cette allocation forfaitaire n'est pas cumulable avec l'ASS, ni avec le versement de l'allocation chômage classique. Cette allocation est en fait largement inférieure à l'allocation minimale des ASSEDIC, à la fois en montant - qui s'élève, je le rappelle, à 21,01 euros par jour - et en durée - d'un minimum de 7 mois pour les prestations chômage.
Une fois encore, ce sont les plus modestes, les travailleurs-assurés sociaux, qui paieront la facture des économies que vous souhaitez réaliser.
Au contraire, pour des raisons de justice sociale, il est normal que les entreprises contribuent à la hauteur du risque qu'elles font peser sur leurs salariés. Tel est l'objet de cet amendement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'amendement n° 165.
Mme Christiane Demontès. Avec cette explication de vote, je voudrais rappeler que le CPE aggrave la précarité pour l'ensemble de notre jeunesse. En effet, l'utilisation abusive de ce contrat qui, contrairement à ce que vous dites, n'a rien à voir avec un CDI - et les dénégations de M. le rapporteur et du Gouvernement n'y changeront rien - sera bien évidemment génératrice de précarité, nous pouvons le craindre.
Cette crainte est d'autant plus grande que nous pouvons avoir une idée, même si pour le moment nous ne disposons que de statistiques partielles, des conséquences de la fragilisation des relations entre salariés et employeurs instituée par le CNE - un grand quotidien du soir s'en faisait l'écho hier. Le récent jugement du conseil des prud'hommes de Longjumeau est à ce sujet on ne peut plus clair, mais il a déjà été évoqué par d'autres orateurs.
À la différence de ce gouvernement et de cette majorité, la protection des salariés nous tient à coeur, et nous estimons indispensable que le salarié titulaire du contrat première embauche puisse bénéficier du droit individuel à la formation, mais également des dispositions contenues dans l'article L. 321-4-2 du code du travail concernant l'accès aux conventions de reclassement personnalisé.
Rappelons que ce dispositif remplace le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, et s'adresse aux salariés en cours de licenciement pour motif économique. Certes, avec le CPE, aucun motif ne sera exigé de la part de l'employeur puisqu'il disposera d'une main d'oeuvre jetable et que les relations entre employeurs et salariés se trouveront complètement faussées. Il n'en demeure pas moins que face à une telle remise en cause de la condition même de salarié, il apparaît essentiel de sécuriser un tant soit peu les sorties de CPE.
C'est donc dans ce cadre que nous vous proposons de permettre l'accès à la convention de reclassement personnalisé. Grâce à cette convention, le salarié pourra à la fois bénéficier d'une information concernant son propre avenir, puisqu'il devra se prononcer sur la proposition de convention que l'employeur est tenu de faire en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article L. 321-4-2 du code du travail.
Ces dernières précisent en effet que l'employeur devra obligatoirement « proposer à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé lui permettant de bénéficier, après la rupture de son contrat de travail, d'actions de soutien psychologique, d'orientation, d'accompagnement, d'évaluation des compétences professionnelles et de formation destinées à favoriser son reclassement ».
Bien évidemment, le jeune licencié ne pourra pas bénéficier de l'allocation spécifique égale à 70 % de son salaire puisque cette dernière est conditionnée par une ancienneté de deux ans.
Il pourra toutefois avoir accès à l'allocation de recherche d'emploi. C'est la moindre des choses, si l'on songe que des licenciements abusifs seront possibles après vingt-trois mois de CPE !
Dans ce cas, le jeune licencié pourrait bénéficier, dans les huit jours suivant son renvoi, d'un entretien individuel de prébilan, réalisé par un conseiller de l'ANPE, qui procéderait à l'examen de ses compétences professionnelles.
Il se verrait attribuer un référent unique, qui l'accompagnerait chaque mois pendant toute la durée de la convention. On lui proposerait des offres d'emploi. Il aurait accès aux services de l'ANPE et ferait l'objet d'un suivi de six mois dans l'emploi, pour prévenir ou surmonter les difficultés liées à l'adaptation à un nouveau poste et à un nouvel environnement.
Lors de ma présentation de cet amendement, ce matin, j'ai expliqué tout l'intérêt qu'il y avait, dans le cas d'une rupture de CPE, à tenter de limiter les dégâts, par le biais d'une convention de reclassement personnalisée pour le jeune.
Il nous semble vraiment que l'accès à cette convention représente à tout le moins un élément de prévention, face à l'arbitraire que le contrat de première embauche instaure pour le jeune.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je crois, mes chers collègues, que nous ne nous convaincrons pas les uns les autres.
Nous sommes pour la mise en place de ce CPE.
Mme Hélène Luc. Nous l'avions compris !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il y a une grande différence entre vous et nous,...
Mme Christiane Demontès. C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Alain Gournac, rapporteur. ...je l'ai d'ailleurs dit lors du débat. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Vous pensez que la précarité se trouve à l'intérieur de l'entreprise. Nous pensons, nous, que la précarité, au contraire, c'est de ne pas entrer dans l'entreprise.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les deux !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous pensons le contraire de tout ce que vous venez de dire.
À vous écouter, le CPE, bien sûr, c'est affreux !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons jamais dit cela !
M. Alain Gournac, rapporteur. Les patrons, d'ailleurs, sont affreux, ils ne pensent qu'à une chose : faire entrer des personnels dans l'entreprise pour mieux les jeter, vous l'avez dit, comme des Kleenex !
Mme Hélène Luc. Certains le font !
M. Robert Bret. Il faut sortir du Sénat, de temps en temps !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je n'approuve pas de tels propos, et je trouve même scandaleux que l'on puisse les proférer dans cet hémicycle ! Je le répète, il est scandaleux de dire que l'on jette les gens comme des Kleenex ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Robert Bret. C'est pourtant ce qui se passe !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous pouvez nous sortir tous les arguments que vous voudrez, nous sommes, quant à nous, pour le CPE, et nous le défendons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez donc voir comment on traite les jeunes !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l'amendement n° 165.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le rapporteur, vous vous trompez totalement. Vous ne nous avez pas écoutés avec assez de soin. (M. le rapporteur s'esclaffe.)
Dès lors que vous mettez en place le CPE, un effet mécanique se produit. Il me semble que tout le monde peut le comprendre. Un bon patron, qui tient bien les comptes de son entreprise et qui a des actionnaires, ne peut faire autrement que de généraliser le CPE, quoi qu'il en pense par ailleurs.
Ce type de contrat devient en effet un critère d'appréciation de la valeur de l'entreprise.
Le CPE, par conséquent, est contagieux.
M. Josselin de Rohan. Quoi ? Mais vous n'êtes jamais allé dans une entreprise !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous savons bien que, comme vous êtes passés du CNE au CPE, vous viendrez bientôt nous proposer une généralisation du CPE à tous les travailleurs. Pourquoi en effet le limiter aux moins de vingt-six ans si, comme vous le dites, vous connaissez des difficultés avec les travailleurs de quarante ans, de trente-cinq ans, et ainsi de suite ?
Tout le monde a des problèmes pour entrer dans l'emploi. La question n'est pas de savoir si l'on se situe dans ou en dehors de l'entreprise, comme vous le prétendez ; la question, c'est l'emploi et la croissance.
Je redoute souvent les répliques de notre collègue M. Girod, qui est assez efficace, en général. Ce n'est pas le cas ce soir : vous n'avez pas bien suivi mon raisonnement, monsieur Girod.
Il y a deux stratégies de développement économique.
La première consiste à compter sur la financiarisation de l'économie et sur l'intervention de puissances financières. Elles portent un nom : ce sont les fonds de pension. Vos propositions se résument à un signal, adressé à la finance internationale, à qui vous dites : « Venez chez nous ! ». (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Arrêtez, je vous en prie, avec votre « finance internationale » !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous vous trompez : la France n'a pas besoin de ce signal pour être productive et pour attirer le capital.
C'est pourtant la stratégie de développement que vous adoptez.
Il existe une autre stratégie, sur laquelle on peut trouver les moyens d'un compromis, mes chers collègues.
Les propos que vous nous prêtez à l'égard du patronat ne correspondent pas à notre position : nous connaissons bien sûr des « patrons voyous », des patrons qui licencient à la minute - ou bien alors vous n'avez pas rencontré de travailleurs depuis longtemps (M. le rapporteur s'esclaffe) -, de tels patrons, il y en a partout. Il suffit de se pencher sur la condition des travailleurs dans les entreprises où l'emploi n'est protégé par aucune garantie.
On peut en revanche s'entendre avec le patronat productif.
Ce que vous faites, c'est offrir des garanties à la première catégorie de patrons. Vous voulez donner à la gestion des entreprises une tournure qui nous conduit à la ruine. Vous le voyez, je me situe de votre point de vue pour ma démonstration.
La question n'est pas de savoir si l'on va entrer plus vite dans l'entreprise avec le CPE ou en sortir plus vite. C'est tranché : on en sortira plus vite.
La question est de savoir sur quel modèle de croissance vous fondez votre politique actuelle. Or vous fondez cette politique sur l'idée que la financiarisation de l'économie est une bonne chose. Vous poussez pour cela les travailleurs dans l'insécurité. Vous vous trompez, y compris du point de vue des objectifs que vous vous donnez. Le contraire de vos objectifs se réalisera, hélas pour nous !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous l'avez déjà dit à propos du CNE !
M. Jean-Luc Mélenchon. Le CNE n'a pas fonctionné : il a juste produit un effet d'aubaine.
Si vous voyez la jeunesse et les travailleurs se mettre en mouvement le 7 mars prochain, monsieur le rapporteur, vous saurez pourquoi.
Quant à moi, je souhaite de tout coeur que l'on invente un « villepinomètre », comme on avait inventé un « juppémètre » à l'époque, pour mesurer la longueur des cortèges qui s'ébranlent pour vous chasser.
M. Dominique Braye. Et un « mélenchonmètre » !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 656.
M. Roland Muzeau. Lors de la défense d'un précédent amendement, nous faisions remarquer que les dispositions portées par l'article créant le CPE avaient également pour conséquence de priver les salariés sous CPE licenciés collectivement pour motif économique des garanties de droit commun, dont l'obligation de reclassement mais aussi la priorité de réembauchage.
L'article L. 321-14 du code du travail dispose en effet que tout « salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il manifeste le désir d'user de cette priorité au cours de cette année ».
L'employeur est bien évidemment tenu de respecter ces dispositions, en informant les salariés des emplois devenus disponibles et compatibles avec la qualification du salarié.
Il n'est pas inutile de signaler, au passage, que la jurisprudence considère systématiquement qu'un poste occupé par un stagiaire est un poste disponible. Nous avons eu plusieurs fois l'occasion d'aborder ce point.
Si l'employeur manque à ces obligations, il est passible d'une sanction financière.
Cette priorité de réembauchage doit être mentionnée dans la lettre de licenciement ou dans le document écrit adressé au salarié qui énonce le motif de licenciement. Or ce motif est justement absent lors de la rupture du CPE.
Si, comme on l'a tout à l'heure prétendu, le CPE est destiné à sécuriser les parcours professionnels, et donc les parcours de vie des jeunes auquel il s'adresse, il me semble pour le moins paradoxal de ne pas prévoir que les salariés dont le contrat est rompu bénéficient d'une priorité de réembauchage pendant un an dans l'entreprise.
Il est tout aussi paradoxal de ne pas avoir envisagé sérieusement la mise en place d'autres outils financés.
Indiquons de plus que, en cas de rupture du contrat, le titulaire d'un CPE ne pourra pas prétendre de plein droit à l'indemnisation du chômage. Il entrera éventuellement dans le cadre des conventions de reclassement personnalisé. Avec plus de chance, il pourrait se voir proposer un autre CPE.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Puis un CNE !
M. Roland Muzeau. Nous vous proposons donc de corriger ces inconvénients majeurs en adoptant l'amendement n° 656, qui vise à prévoir que la priorité de réembauchage, telle qu'elle figure à l'article L. 321-14 du code du travail, soit applicable à la rupture du contrat première embauche.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 661.
M. Roland Muzeau. La politique libérale du Gouvernement, dont il a été longuement question, est fondée sur la baisse, par tous les moyens, du coût du travail. Cette politique s'attache à démanteler le code du travail à toute occasion, et ces occasions ne manquent pas !
Tout est fait pour servir un patronat toujours avide d'aller plus loin. Dans les intentions les plus extrêmes, cela conduit à la pauvreté des salariés ainsi qu'à la pauvreté de notre pays.
Mme Parisot avance la flexibilité et la déréglementation comme réponse à la précarité. Par petites touches successives mais particulièrement efficaces, le code du travail se trouve vidé de son sens et de sa pertinence.
Depuis 2002, nous avons assisté à la remise en cause des 35 heures, qui ne représentent plus aujourd'hui qu'une coquille vide. Nous avons également vu se généraliser le recours au forfait-jours, qui permet aux entreprises de se soustraire au respect d'un temps de travail hebdomadaire.
Mais on pourrait sans épuiser le sujet donner bien d'autres exemples de cette politique, notamment la réintroduction du travail de nuit et du travail le dimanche ou les jours fériés pour les mineurs, la multiplication des possibilités de déroger aux accords collectifs par de simples accords internes aux entreprises ou encore l'assouplissement des règles encadrant les licenciements économiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les licenciements préventifs !
M. Roland Muzeau. Absolument !
Le huitième alinéa du II de l'article 3 bis se situe dans la suite de ces dispositions. Il introduit un délai de prescription pour le recours devant les tribunaux. Cette restriction des droits des travailleurs pourrait bientôt être étendue à tous. Je jurerais que, si le nouveau contrat unique voit le jour, cet alinéa s'y retrouvera.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de faire preuve de vigilance et de voter cet amendement.
Rappelons tout de même que, par ce projet de loi, le délai de prescription serait réduit à un an, alors qu'il est actuellement de trente ans, selon le code du travail !
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote sur l'amendement n° 166.
Mme Gisèle Printz. Ce n'est pas encore un raz-de-marée, mais le contentieux sur le CNE ne cesse de croître. Il ne faut pas douter qu'il en sera bientôt de même pour le CPE.
Le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Longjumeau présidé par un employeur a représenté un premier avertissement. Combien y en aura-t-il encore ?
À Quimper, la CGT du Finistère a décidé, le jeudi 23 février, de saisir le conseil de prud'hommes après la rupture de quatorze contrats en trois mois dans un même commerce de Douarnenez. Sur vingt-deux salariés embauchés sur cette période, quatorze ont été licenciés, quatre sont partis et un autre est en arrêt de travail.
Un dossier sera bientôt jugé à Fontainebleau, d'autres à Bordeaux, Aix-en-Provence et Lyon.
Ce qui nous frappe dans les cas cités par les centrales syndicales ou mentionnés dans la presse, c'est que les salariés licenciés viennent de toutes les branches, de tous les secteurs. Ce sont des cadres aussi bien que des employés. Certains ont conservé leur emploi trois semaines, le temps d'un « coup de feu ». On remarque notamment des serveurs ou des vendeurs, qui avaient été recrutés pour les périodes de solde ou les fêtes de fin d'année.
Nous voyons bien pourquoi le Gouvernement a interdit le recours au CPE et au CNE à la place des contrats saisonniers. Ce n'est pas seulement, monsieur le ministre délégué, parce que vous avez mis au point le « contrat vendanges » et que des améliorations du sort des saisonniers ont été douloureusement négociées. C'est aussi parce que vous savez pertinemment que le CPE et le CNE sont particulièrement alléchants pour un employeur qui, pour quelques jours, a besoin de personnel supplémentaire et veut pouvoir s'en débarrasser si le commerce va mal ou si la récolte est mauvaise.
Pourquoi s'embarrasser de formalités ? Un simple « au revoir » par lettre recommandée est bien plus aisé et permet de ne pas perdre de temps, ce qui nuirait sans doute à la compétitivité de l'entreprise.
Les faux CDI que sont les CNE et CPE sont moins contraignants encore qu'un contrat à durée déterminée.
Vous vous méfiez vous-même, en fait, du texte que vous proposez. Vous connaissez les dangers qu'il recèle. Ce serait vous faire insulte, monsieur le ministre délégué, vous qui êtes un ancien collègue sénateur, que de croire que vous n'avez pas mesuré tous les périls d'une aventure dans laquelle vous avez pourtant accepté de vous lancer.
CPE et CNE sont des instruments pervers de lutte contre le mouvement social. À trop vouloir gagner contre les salariés en s'attaquant au droit, le patronat va engendrer une situation nettement plus conflictuelle encore, qui se soldera par une multitude de procès, finalement beaucoup plus coûteux.
La judiciarisation des rapports sociaux est en marche. Ce n'est pas le signe d'une société qui évolue harmonieusement, mais bien la manifestation d'une absence de dialogue, d'une forme policée de violence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l'amendement n° 167.
M. Yannick Bodin. Chacun le sait, tous les hommes sont vertueux. J'oserais dire que les patrons, bien sûr, le sont tout particulièrement. Mais je ne voudrais pas ce soir tenir sur ce thème des propos qui puissent choquer qui que ce soit.
Cela dit, chacun sait que, dans l'entreprise, tous les hommes sont égaux, mais certains sont plus égaux que les autres, comme disait Coluche, après d'autres.
En particulier, il y en a qui ont le pouvoir de décider, d'embaucher et de mettre à la porte. Et puis, il y a celui qui peut être embauché et qui, du jour au lendemain, peut être mis à la porte. Vous voyez où est l'équité en la matière !
Je ne cherche pas à faire de procès d'intention à qui que ce soit (exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF), mais il n'empêche que celui qui décide, c'est-à-dire celui qui est le plus fort, peut être parfois tenté de faire pression sur son personnel. Or s'il est un sujet qui se prête aux pressions, c'est bien celui du temps de travail.
En effet, qu'y a-t-il de plus facile quand les relations au sein de l'entreprise sont bonnes, voire quasi fraternelles, que de faire pression sur un employé pour lui demander de travailler un quart d'heure ou une demi-heure de plus, d'arriver plus tôt le matin et ainsi de suite ? Si l'employé refuse et invoque les droits qui lui sont reconnus par la législation du travail, alors le patron pourra lui répondre que, comble de malchance, il a été embauché en CPE, et que lui, patron, n'est donc pas tenu de justifier le licenciement d'un salarié décidément pas assez accommodant !
Si vous voulez éviter que de tels patrons puissent exister, il vaut mieux voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote sur l'amendement n° 506.
M. Éric Doligé. Nous venons d'écouter dans le plus grand silence Yannick Bodin, dont les propos me paraissent scandaleux et inadmissibles. Pourquoi montrez-vous du doigt les patrons ? Vous pourriez en être un vous-même, monsieur Bodin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous pourriez être un employé, mettez-vous à leur place !
M. Éric Doligé. Qu'est-ce que c'est qu'un patron ? C'est quelqu'un qui accepte de prendre des responsabilités dans la société, c'est quelqu'un qui accepte de développer une entreprise, qui accepte d'embaucher des personnes. Ce n'est pas systématiquement quelqu'un qui licencie, comme vous le décrivez.
J'ai été patron pendant vingt-cinq ans, monsieur Bodin, alors, arrêtez de raconter de telles inepties, c'est insupportable ! Je n'ai pas passé mon temps à embaucher des gens pour les licencier ! J'ai travaillé pour embaucher des gens, pour leur permettre de gagner leur vie et de faire vivre leur famille. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Arrêtez de raconter des salades, c'est scandaleux ! (Applaudissements renouvelés sur les travées de l'UMP.)
Pourquoi vous, socialistes ou communistes, refusez-vous d'être patrons ? C'est probablement parce que vous en êtes incapables, et je le regrette pour notre pays ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne parle pas de nos cas particuliers !
M. Éric Doligé. Faites des efforts, montez des entreprises, embauchez tout le monde en CDI, ne vous gênez pas, faites travailler les gens 32 heures et payez-les 40 % au-dessus du SMIC, vous verrez bien ce qui se passera ! Il n'y aura bientôt plus d'entreprise !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas le sujet !
M. Éric Doligé. Réfléchissez un peu et arrêtez de caricaturer, de montrer les gens du doigt, sinon on vous montrera du doigt aussi ! Vous êtes en train de détruire notre société ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Nous nous sommes suffisamment expliqués sur cet amendement.
Je demande donc, en application de l'article 38, alinéa 2, du règlement, la clôture de la discussion de cet amendement.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
Mme la présidente. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisie par M. de Rohan d'une demande de clôture de la discussion de l'amendement n° 506.
M. David Assouline. On recommence le coup de force ! La droite veut passer en force !
M. Paul Girod. Pas de rappel au règlement sur la clôture !
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, la clôture est de droit « lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus ». Or M. Doligé est le seul à s'être exprimé à l'occasion de la mise aux voix de l'amendement n° 506, et encore était-ce pour répondre à notre collègue Yannick Bodin sur le précédent amendement.
De toute manière, monsieur de Rohan, un seul orateur s'étant exprimé, la clôture n'est pas possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Au surplus, vous avez satisfaction, puisqu'il n'y avait pas d'autres orateurs inscrits sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, nous sommes en pleine confusion. Nous avions dit que nous ne souhaitions pas nous exprimer l'amendement sur l'amendement n° 506.
En ce qui concerne M. Doligé, il a répondu à M. Bodin sur l'amendement n° 167, même s'il avait déjà été rejeté. Personne n'est réellement intervenu sur l'amendement n° 506.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Madame la présidente, vous avez donné la parole en explication de vote sur l'amendement n° 506 ; nous avions décidé de le voter, sans expliquer notre vote, qui se déduisait de nos propos antérieurs. Puis M. Doligé a souhaité s'exprimer, mais en fait sur l'amendement précédent. Donc, personne ne s'est exprimé sur l'amendement n° 506, et personne ne souhaitait le faire...
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 169 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Christian Poncelet remplace Mme Michèle André au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 450 et 664.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur l'amendement n° 662.
Mme Hélène Luc. Les amendements nos 664 et 662 ont tous deux pour objet de limiter les effets néfastes du CPE en matière de licenciement.
En effet, non content de segmenter le monde du travail et d'organiser la mise en concurrence entre les salariés, le CPE, comme le CNE, est une attaque juridique sans précédent contre le code du travail.
Dans la mesure où, durant les deux premières années, l'employeur n'a pas besoin de fournir un motif de licenciement valable pour se séparer de son salarié quand il le veut, ce dernier devra systématiquement en référer aux tribunaux pour faire valoir ses droits. Cela constitue une différence de taille !
Le CPE conduit donc à un renversement de la preuve, puisque ce sera au salarié de prouver pour quel motif il a été licencié.
Encore qu'il y ait des patrons qui n'attendent pas le CPE !
J'attire votre attention, monsieur le ministre délégué, sur un exemple que vous connaissez bien, celui de l'entreprise Cofrafer située à Bonneuil-sur-Marne. Je vous ai saisi de cette affaire et vous m'avez soutenue.
Mme Hélène Luc. Mais le patron de cette entreprise ne vous a pas écouté : il est aux prud'hommes. Il a licencié dix-neuf ouvriers qui ont fait la grève après la mort d'un cariste.
Imaginez ce que cela sera lorsque le CPE sera voté !
La vérité, c'est que ce patron veut se séparer de ses travailleurs parce qu'ils ont fait valoir leurs droits.
J'en viens à la protection de la maternité, qui fait l'objet d'une convention internationale soumise à la ratification des États par l'Organisation internationale du travail.
Aujourd'hui encore, la maternité est toujours insuffisamment protégée. En effet, deux millions de salariés sont exposés à des produits qui peuvent être toxiques pour la procréation. La dégradation des conditions de travail observée ces dernières années touche de nombreuses femmes occupant des postes avec des charges de travail physique élevées, exposant leur bébé à des risques de prématurité et de retard de croissance foetale.
Les dispositions légales qui existent pour protéger les futures mères sont contournées ou non appliquées, car 7 % des femmes occupant un emploi le perdent pendant leur grossesse ou dans les semaines suivant la reprise du travail.
De nombreuses maternités ferment faute de moyens suffisants pour assurer la sécurité des mères et des nouveaux-nés. Dans le même temps, l'éloignement des services performants crée de nouveaux dangers.
La maternité et la grossesse doivent être pleinement reconnues et respectées dans les entreprises et dans la société par les salariés eux-mêmes.
La maternité doit cesser d'être un facteur discriminant dans l'engagement professionnel des femmes. Pour cela, il faut briser le silence et les non-dits qui entourent ces questions.
Hommes et femmes salariés doivent saisir les organisations syndicales pour parvenir à une meilleure connaissance du vécu des femmes enceintes, des atteintes à leurs droits, à leur dignité, pour que, à partir de la réalité, nous puissions construire une offensive propre à faire appliquer les droits actuels et à en conquérir de nouveaux.
Cet amendement vise donc à encourager les femmes à se prémunir des abus implicites contenus dans le CPE.
Mais j'en viens à l'amendement n° 662. Le Gouvernement organise une véritable campagne médiatique pour faire apparaître les assurés sociaux comme des fraudeurs aux yeux de l'opinion publique.
Cette même campagne de culpabilisation, cette même chasse aux fraudeurs touche aussi les bénéficiaires de minima sociaux.
On a pu clairement le constater dans les derniers textes que nous avons examinés. Les dispositions fleurissent pour augmenter les sanctions pénales ou les sanctions administratives contre les assurés sociaux, comme dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, ou bien contre les allocataires, avec le projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi.
On sait, par exemple, que le Gouvernement s'est trouvé comme cheval de bataille la lutte contre les arrêts maladie, qu'il estime trop importants, culpabilisant de ce fait les médecins. Il s'enorgueillit même de faire baisser les statistiques de prise en charge en matière d'arrêts maladie.
Cette campagne est largement préjudiciable aux salariés. Elle rend du même coup légitime le recours croissant des employeurs à des cabinets privés pour le contrôle des salariés en arrêt maladie.
M. Alain Gournac, rapporteur. Quel rapport avec le CPE ?
Mme Hélène Luc. Pour des raisons de respect de la liberté et de la dignité, le Gouvernement devrait au contraire dénoncer de telles pratiques. Mais la suspicion qui pèse sur les salariés sert directement ses intérêts.
C'est pourquoi les salariés n'ont vraiment pas besoin de la pression supplémentaire qu'instaure le CPE. Cet amendement aura le mérite de les protéger quelque peu. Par conséquent, mes chers collègues, je vous encourage vivement à le voter.
M. Robert Bret. C'est désespérant !
Mme Hélène Luc. Et vous vous dites, chers collègues, des défenseurs de la famille !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 448.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement va exactement dans le même sens que les précédents. Je veux cependant préciser, à la faveur de la mise aux voix d'un amendement qui vise à donner quelques protections notamment aux salariés en arrêt maladie, que, dans cet hémicycle, il n'y a pas, d'un côté, ceux qui défendent l'entreprise et, de l'autre, ceux qui y sont hostiles. Nous sommes pour le développement économique de notre pays et pour les entreprises.
M. Éric Doligé. Il fallait le dire !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Doligé, vous nous avez fait part de votre expérience. Permettez-moi de vous faire observer que vous avez mené cette expérience, qui a contribué au développement d'un département que nous connaissons bien, sans avoir besoin de recourir en quoi que ce soit au CPE.
Jusqu'ici, ce contrat n'existait pas, ce qui n'a pas empêché les entreprises de se développer dans notre pays.
Nous ne comprenons vraiment pas la raison pour laquelle il faut instaurer ce dispositif.
M. Christian Cambon. Le chômage des jeunes a doublé !
M. Robert Del Picchia. Il atteint 23% !
M. Jean-Pierre Sueur. En quoi le fait de mettre en oeuvre un dispositif qui prive de toute garantie et de toute explication le licenciement de jeunes est-il bon pour l'entreprise ? En quoi une telle mesure va-t-elle contribuer au développement économique ? En quoi rendra-t-elle nos entreprises plus attractives ? En quoi ouvrira-t-elle à notre pays des marchés à l'étranger ?
Je ne comprends pas cette disposition et j'estime qu'il est préférable de jouer la carte de la confiance avec les jeunes. Il faut leur dire que l'on a besoin d'eux, que l'on est heureux qu'ils viennent travailler dans l'entreprise. Si, pour une quelconque raison, il est nécessaire de les licencier, il faut leur expliquer les raisons de leur licenciement.
Je ne comprends vraiment pas le raisonnement selon lequel la bonne marche d'une entreprise justifierait que les motifs du licenciement ne soient pas expliqués au salarié, même si celui-ci est en arrêt maladie ou s'il s'agit d'une femme en congé de maternité. Nous n'avons toujours pas obtenu de réponse sur ce point. C'est pourquoi les membres du groupe socialiste voteront cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 658.
M. Roland Muzeau. Selon nous, il faut absolument éviter qu'il n'y ait plus aucun garde-fou contre les substitutions d'emploi, contre les renouvellements successifs et indéfinis du CPE.
Pour éviter les abus en matière de CPE, l'amendement n° 658 revient sur les termes de ce contrat et sur la volonté de ses géniteurs, « l'accession à un emploi stable ». Nous posons une règle simple : « En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié. »
Nous admettons toutefois une dérogation à cette règle. La relation contractuelle pourra être poursuivie entre l'employeur et l'ex-titulaire du CPE, à une condition. Le rapport de M. Proglio recommandant aux entreprises de nouer avec leurs salariés une relation pérenne, nous posons comme principe que cela se fasse dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela paraît logique !
M. Roland Muzeau. Mes chers collègues, cet amendement de fond, même de repli, est important.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il me semble que vous avez voté la réembauche prioritaire !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 170 rectifié, 507 rectifié et 657.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit également d'amendements de repli.
Imaginons que, malgré toutes nos explications, le CPE soit mis en oeuvre. Les jeunes de moins de vingt-six ans concernés seraient donc employés pour une durée de deux ans, mais l'employeur pourrait les licencier à tout moment, sans motif. Franchement, quelle justification peut-on donner à la dernière partie du onzième alinéa du paragraphe II de l'article 3 bis selon lequel trois mois après la rupture du contrat première embauche, un employeur peut réembaucher le même jeune en ayant toujours recours à un CPE ?
Dans l'hypothèse où cette disposition serait adoptée, il ne faut pas dénommer le contrat que nous étudions actuellement « contrat première embauche » puisqu'il pourra s'agir en fait du contrat première, deuxième, troisième, énième embauche. Quelqu'un peut-il m'expliquer la raison pour laquelle il faudrait adopter une telle mesure ?
Chers collègues de la majorité, tout en étant favorables au CPE, vous pensez qu'il est possible de licencier un jeune sans motif et, au bout de trois mois, de le réembaucher, puis de le licencier de nouveau pendant six mois, par exemple, et de l'employer encore une fois ultérieurement, ainsi de suite. Existe-t-il dans un seul pays au monde un tel dispositif ? Pour ma part, je n'en connais pas. J'estime que c'est le contraire du droit. C'est même complètement aberrant. Et il est encore plus aberrant que personne dans cette enceinte ne justifie un tel système.
Si une majorité se dégage dans cette assemblée pour voter une telle mesure, j'aimerais que l'un de ses membres ait le courage de nous expliquer pourquoi il faut l'adopter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. De deux choses l'une : l'employeur licencie soit pour insuffisance, soit pour des raisons économiques, dans les deux cas sans motif. La fin du onzième alinéa du II de l'article 3 bis prévoit qu'un employeur peut reprendre un salarié en CPE licencié après l'expiration d'un délai de trois mois. Dans le premier cas, on ne peut envisager que l'employeur reprenne son salarié, étant donné la raison de la rupture du contrat. Dans le second cas, il peut le réembaucher, mais alors pourquoi ne lui a-t-il pas communiqué le motif du licenciement ? Est-ce honteux de rencontrer des difficultés économiques ?
On nous a expliqué précédemment que le CPE avait justement été créé pour favoriser l'embauche et, parallèlement, pour pouvoir licencier si des difficultés survenaient dans l'entreprise. Mais, en réalité, ce n'est pas cela non plus que l'on nous vend puisque l'intitulé exact du contrat en question est « contrat première embauche », lequel est destiné à favoriser l'insertion du jeune dans l'entreprise.
Tout à l'heure, M. Gournac disait : « Sus à la précarité ! Il faut favoriser l'insertion des jeunes dans l'entreprise. » Mais personne ne nous explique les raisons pour lesquelles l'employeur devrait pouvoir se séparer de son salarié quand son entreprise connaît des difficultés économiques sans motiver sa décision.
Mes chers collègues, vous qui siégez tant à droite qu'à gauche de cet hémicycle, nous avons tout à l'heure perdu une occasion unique de faire reculer le CPE dans ce qu'il a de plus absurde, incohérent, inadmissible, à savoir le refus de motiver la raison de son licenciement à un jeune qui démarre dans la vie. Je compte sur vous pour « rectifier le tir » en votant cet amendement, qui permet tout simplement de rétablir la vérité des mots ; il doit s'agir d'un contrat favorisant la première embauche stricto sensu et non pas les embauches successives. (M. Michel Mercier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je veux tout d'abord développer un premier argument en faveur de l'adoption de cet amendement. Il convient de relever que le CPE porte une dénomination impropre.
En effet, un même salarié titulaire d'un contrat première embauche pourrait être employé de nouveau trois mois après la rupture dudit contrat. En réalité, dans ce cas de figure, il s'agit d'une deuxième embauche. Nous vous demandons d'utiliser à bon escient la langue française et de respecter le sens des mots, chers collègues.
Par ailleurs, tout à l'heure, l'un de nos collègues nous a fait la leçon, nous expliquant qu'il fallait comprendre les patrons, que nous pourrions nous-mêmes être patrons.
M. Éric Doligé. Pas vous !
M. Josselin de Rohan. Non, pas vous !
M. David Assouline. Il nous a demandé pourquoi nous les détestions (Protestations sur les travées de l'UMP.) Mais enfin, les patrons sont comme les autres : quand une législation est assez mal bordée pour permettre des actes immoraux ou voyous, elle encourage de tels comportements, et cela concerne alors l'ensemble de la société. C'est pour éviter cela qu'il y a des cadres, des lois, des contraintes : ce sont autant de moyens d'éduquer, de ne pas tenter le diable.
Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur les patrons. Mais quand de telles lois permettent de lâcher le môme pendant une période de vacances, puis de le reprendre après, certains patrons - certes, pas tous, mais ils seront plus nombreux qu'aujourd'hui quand la loi le leur permettra - seront tentés de le faire. Pourquoi voulez-vous encourager de tels comportements? (Exclamations sur les mêmes travées.)
Ce CPE n'est pas seulement un contrat précaire ; il permet tout, ouvre toutes les possibilités, et conduira de ce fait à dégrader les relations du travail, voire la moralité du patronat, à qui il permettra de « se lâcher ».
Or, dans les pays où il n'existe pas ce type de législation, les « patrons voyous » sont plus nombreux. Pourtant, ils sont patrons comme les autres. En France, l'existence d'un code du travail, de droits acquis, de contraintes, fait qu'il y a moins de ces « patrons voyous », et nous ne souhaitons pas les encourager à se multiplier.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je voulais juste faire observer la contradiction qui peut apparaître à la lecture de ces amendements. Par l'amendement n° 656, qui a été voté par le groupe CRC et le groupe socialiste, le groupe CRC exigeait la priorité de réembauchage. Or, maintenant, on nous dit qu'il n'est pas question d'avoir une succession de contrats dans la même entreprise !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En CDI !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'était pas fait état de CDI dans l'amendement. C'était le contrat de première embauche qui permettait le réembauchage en priorité.
Voyez le paradoxe ! L'important étant, toutefois, de faire durer le débat (M. le rapporteur rit), on peut défendre tout et son contraire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On peut toujours s'amuser à la critique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne s'amuse pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous savez que nous sommes défavorables au CPE, donc favorables à une embauche sous CDI.
J'approuve bien évidemment ce qui a été dit sur la légitimité de ces amendements identiques, mais je tiens à faire une remarque : monsieur le ministre délégué, vous nous avez expliqué plusieurs fois, avec une certaine insistance, d'ailleurs - c'est la méthode Coué ! - que les jeunes, à l'heure actuelle, sont tous dans la précarité, travaillent en intérim, et que le contrat première embauche, ce n'est ni de l'intérim, ni un CDD, mais un contrat à durée indéterminée.
Maintenant, vous refusez absolument qu'on ne puisse pas pratiquer une sorte d'intérim ou embaucher sous CDD successifs.
De plus, la terminologie est impropre, puisqu'il s'agirait non plus d'un contrat de première embauche, mais de contrats successifs, première, deuxième, troisième, quatrième embauche, et ainsi de suite, peut-être jusqu'à ce que le jeune en question puisse prétendre à un contrat qui, lui, serait un contrat « senior » prématuré et également, d'ailleurs, un contrat précaire ?
En fait, vous donnez la possibilité aux patrons, non pas, comme vous le prétendez, d'embaucher sous prochain contrat à durée indéterminée assorti d'une période de consolidation - nous n'avons pas encore compris de quoi il s'agissait, mais cela ne fait rien ! - mais bien, au contraire, d'embaucher sous un nombre indéterminé de contrats successifs. C'est, grosso modo, de l'intérim !
Pourquoi ne pas dire clairement que, désormais, un jeune devra satisfaire à plusieurs périodes d'essai ? Après qu'il aura été embauché à l'essai pour trois mois, on lui dira qu'il ne fait pas l'affaire ; un peu plus tard, on le prendra pour un deuxième essai, puis un troisième, et peut-être d'autres essais encore, jusqu'à ce qu'on le mette définitivement à la porte et qu'il soit obligé de retourner à la case départ !
Franchement, monsieur le ministre délégué, vous seriez bien avisé, pour être logique et respecter l'appellation que vous avez choisie de « contrat première embauche », d'accepter ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 170 rectifié, 507 rectifié et 657.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 171 et 665.
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'aura échappé à personne, dans cette enceinte, qu'il s'agit pour nous d'un nouvel amendement de repli. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Très replié !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne sommes pas du tout favorables à ce dispositif mais, puisque dispositif il doit y avoir, nous estimons qu'il serait « moins pire », si je puis dire, de prévoir un an plutôt que trois mois, mais c'est là effectivement le repli du repli !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Nous venons tous d'avoir connaissance de la première condamnation d'une PME pour rupture abusive de contrat « nouvelles embauches » par le conseil des prud'hommes de Longjumeau, dans l'Essonne. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. On l'a entendu !
M. Robert Bret. Oui, mais c'est la méthode Coué !
Mme Hélène Luc. C'est important !
M. Roland Muzeau. Ce dernier s'est prononcé en la défaveur de l'entreprise, qui a été reconnue coupable d'avoir motivé le licenciement de son salarié par simple effet d'aubaine pour profiter, justement, du caractère laxiste du CNE.
L'entreprise avait, en effet, prolongé à deux reprises la période d'essai du salarié avant de l'embaucher en CNE pour, au final, le licencier moins d'un mois après.
La décision des prud'hommes a été sans appel : non seulement la première rupture de période d'essai est abusive, puisqu'elle ne visait qu'à profiter d'un effet d'aubaine - le motif n'était pas le manque de compétence du salarié en CNE mais la volonté d'éluder l'application du droit protecteur du licenciement - mais, de plus, le recours au CNE est lui aussi abusif, puisque l'utilisation du contrat nouvelles embauches n'est en aucun cas justifiée par le fait que l'employeur ne pouvait avoir recours au CDI ou, si besoin, au CDD de remplacement de salariés en congé pendant le mois d'août.
Cette décision ne restera sans doute pas isolée. Elle illustre déjà les dérives vers lesquelles nous fait aller le Gouvernement et elle ne peut que nous inciter à renforcer les garanties des travailleurs grâce à des amendements de repli comme ceux-ci.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 171 et 665.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 442.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre collègue M. Desessard a fait preuve de beaucoup d'imagination pour inventer un nouveau repli, dans l'espérance que vous pourriez, monsieur le ministre délégué, être quelque peu touché par notre argumentation et comprendre que ce que vous appelez « contrat » est, en fait, à peine un contrat : c'est une forme d'embauche à durée tout à fait précaire pour des phases de travail en pointillé soumises à des ruptures perpétuelles et à des recommencements aléatoires et itératifs.
Si, chers collègues, vous pensez qu'un tel système est justifiable, votez pour ! Cependant, je constate une fois de plus avec beaucoup de regret que nul, dans cet hémicycle - ce qui est tout de même tout à fait étrange, sur le plan intellectuel - ne justifie son appréciation favorable sur un tel article.
C'est là, je crois, une bonne illustration du malaise qui règne dans cet hémicycle, comme du reste dans la société française. Vous l'avez d'ailleurs bien ressenti, monsieur le président.
M. David Assouline. C'est du cynisme !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l'amendement n° 505.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je rappelle que cet amendement a pour objet d'institutionnaliser un bilan d'étape semestriel entre l'employeur et le salarié signataire d'un CPE durant la période de consolidation.
Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé tout à l'heure, à propos de cet amendement, placer le projet économique au coeur du dispositif, car il est, selon vous, ce qui mérite la plus grande attention.
Vous considérez de ce fait - vous nous l'avez dit - l'évaluation individuelle comme étant secondaire et inefficace.
De vos propos, je retiens donc que vous ramenez le CPE à un simple outil, que l'emploi des jeunes est la variable d'ajustement à l'économie, que la qualité de leur travail ainsi que leur potentiel de progression deviennent tout à fait secondaires.
J'avais cru pourtant comprendre, pour vous avoir maintes fois entendu l'affirmer, que le CPE était aussi une façon de mettre le pied à l'étrier pour certains de ces jeunes, nombreux, trop nombreux, aujourd'hui au chômage.
Si nous sommes favorables à une plus grande flexibilité - nous l'avons démontré en proposant un CDI à droits progressifs - nous estimons cependant que l'être humain doit rester au coeur du dispositif, quel qu'il soit, et nous considérons à ce titre comme essentiel qu'un projet de loi sur l'égalité des chances donne avant tout, autant que faire se peut, tous les moyens de tendre vers celle-ci, apporte des méthodes permettant aux jeunes de s'améliorer, de se corriger, de suivre une formation complémentaire.
Croyez-vous donc normal, chers collègues - j'en appelle à votre sagesse, moi aussi - qu'on ne dise rien à un jeune, qu'on ne l'encourage pas à progresser et qu'au bout du compte, on le laisse dans son ignorance, sur son échec ? C'est bien ce qui va se produire désormais, car il verra son contrat interrompu du jour au lendemain sans justification,...
Mme Hélène Luc. Pourquoi n'a-elle pas voté contre ?
Mme Catherine Morin-Desailly. ... l'amendement n° 503, que nous avons défendu tout à l'heure, n'ayant pas, selon nous, été soutenu comme il aurait dû l'être.
Je vous en conjure, mes chers collègues : à défaut d'avoir voté pour l'amendement visant à ce que le motif du licenciement soit précisé, votez au moins pour celui qui prévoit le principe de cette évaluation ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme Hélène Luc. Vous auriez dû voter contre !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous ne les avez pas soutenus, ces amendements !
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote sur l'amendement n° 173.
Mme Patricia Schillinger. Il est prévu, dans le projet de loi, qu'un salarié en CPE doit justifier d'une durée de quatre mois d'activité pour bénéficier du versement d'une allocation forfaitaire.
Nous demandons que cette durée d'activité soit réduite à deux mois. Vous ne prévoyez rien, monsieur le ministre délégué, pour le cas où un jeune n'aurait pas travaillé six mois au cours des vingt-deux derniers mois.
Ce contrat est précaire et favorise les licenciements. Votre système de consommation et d'utilisation des jeunes n'est pas à l'image de notre pays.
Je m'oppose à de telles procédures. Mes enfants n'ont pas à subir votre politique, qui n'est pas à leur écoute !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit de donner un peu plus de droits à ceux qui seront les victimes du dispositif arbitraire et non justifié que, chers collègues de la majorité, vous persistez à vouloir adopter.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des droits pour ceux qui n'en ont aucun !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Frimat remarquait, à l'instant même, que si M. Larcher est, lui, fidèle au poste, M. Borloo, en revanche, n'est pas venu.
Je note un certain nombre d'absences...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est en CPE, M. Borloo !
M. Jean-Pierre Sueur. En quelque sorte, c'est une manière de rendre hommage à M. Larcher : il est tellement difficile de défendre un tel système ! Quand on ne nous oppose pas un mutisme total, on fait montre du plus grand cynisme, et tout cela pour faire adopter le CPE. (M. Gérard Larcher, ministre délégué, proteste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. On s'est expliqué toute la journée !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas expliqué pourquoi un employeur pourrait réembaucher pour un deuxième et un troisième CPE la même personne. Vous ne l'avez pas justifié parce que franchement, c'est injustifiable !
C'est pourquoi nous souhaitons que, pour compenser un peu ce caractère injustifiable du dispositif, vous fassiez en sorte que ceux qui en seront victimes soient mieux protégés, même si nous persistons à espérer qu'il ne sera jamais mis en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l'amendement n° 174.
M. Yannick Bodin. Il s'agit, là encore, d'un amendement de repli. Il ne nous satisfait pas pleinement - nul, dans cet hémicycle, n'ignore notre point de vue sur le CPE, nous l'avons assez répété ! - mais, puisque CPE il risque d'y avoir, nous demandons l'allongement de la durée d'indemnisation du salarié licencié.
Toute peine méritant salaire, nous pensons que tout risque mérite indemnité. Et plus le risque est grand, plus l'indemnité devrait être conséquente.
Le risque encouru étant en l'occurrence celui d'être licencié sans contrepartie et sans motif, je vous le dis par une formule toute simple, deux mois d'indemnité, cela nous paraît un peu radin !
M. Jean-Pierre Sueur. Pingre !
M. Yannick Bodin. Prévoir des indemnités correspondant à une période de six mois nous paraît plus raisonnable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 452.
M. Jean-Pierre Sueur. À l'appui de cet amendement, M. Desessard et ses amis font une remarque très pertinente, selon laquelle il serait bon de prévoir les conséquences du dispositif s'agissant de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS. En effet, si vous voulez financer le CPE, il est tout à fait nécessaire, dans un souci de cohérence, d'abonder les fonds qui permettent d'ouvrir le droit à cette allocation.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai ! Ils n'y avaient pas pensé !
M. Jean-Pierre Sueur. Il serait dommage que notre assemblée passe à côté de cette intéressante remarque de M. Desessard.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 175.
Mme Raymonde Le Texier. L'article L. 432-4-1 du code du travail dispose que, chaque trimestre ou chaque semestre, selon la taille des entreprises, « le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise de la situation de l'emploi qui est analysée en retraçant, mois par mois, l'évolution des effectifs et de la qualification des salariés par sexe », en faisant apparaître le nombre de salariés sous contrat de travail à temps partiel, à durée indéterminée, à durée déterminée, sous contrat de travail temporaire et le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure.
Le chef d'entreprise doit également indiquer au comité d'entreprise les motifs qui l'ont amené à recourir à des contrats de travail autres que des CDI et le nombre de journées de travail effectuées sous ce type de contrat.
Le CPE étant, comme le CNE, une nouvelle catégorie de contrats, il apparaît souhaitable et nécessaire d'ajouter l'un et l'autre à la liste des contrats devant faire l'objet de l'information prévue de la part de l'employeur, en raison même des arguments avancés par le Gouvernement. En effet, si le CPE a vocation, comme vous le prétendez, à devenir un CDI, il serait utile de mesurer combien de CPE arrivant à leur terme sont transformés en CDI.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 176.
Mme Raymonde Le Texier. J'expliquerai mon vote à la fois sur les amendements nos 176 et 177.
Nous ne cessons de dire que le CPE n'est qu'une machine à effet d'aubaine et les premiers résultats connus sur le contrat nouvelles embauches le confirment.
Une récente enquête réalisée par Fiducial est révélatrice à cet égard : elle montre que ce qui devait libérer l'embauche ne fait qu'accroître la précarité. Or le CPE étant le clone du CNE, il n'y a pas de raison que les choses se passent différemment.
Il nous paraît donc essentiel de faire régulièrement le point sur le nombre de créations nettes d'emplois imputables au CPE, et ce dès la fin de 2006.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre délégué, avec le CPE, vous bouleversez nos compromis sociaux et vous détricotez le code du travail. Vous nous vendez ce contrat comme l'alpha et l'oméga du contrat de travail, de la modernité et de la flexibilité, dont notre économie aurait besoin.
Si ce contrat est aussi efficace que vous le dites, nous devrions en sentir les effets dans les mois à venir. Dans ces conditions, pourquoi reporter son évaluation à 2008 ?
Il faut avoir le courage de rendre compte devant les Français de ses résultats en produisant une évaluation objective, quantitative et qualitative, avant les échéances électorales de 2007, ...
M. Jean-Pierre Sueur. Oui !
M. Patrice Gélard. C'est impossible, il faut deux ans !
Mme Bariza Khiari. ...car je ne doute pas que le CPE aura des effets collatéraux négatifs sur notre jeunesse.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Mon explication de vote sera très brève, afin de compenser le temps de parole que j'ai utilisé tout à l'heure. Elle portera à la fois sur les amendements nos 176 et 177.
Je voterai évidemment l'amendement n° 176.
Quant à l'amendement n° 177, nous aurions tous pu le voter, car il tend simplement à soumettre à évaluation les conditions de mise en oeuvre du contrat premières embauches et ses effets sur l'emploi, au plus tard le 31 décembre « 2006 », et non pas « 2008 ».
Cela fait quatre jours que vous nous dites qu'il faut faire vite. Alors, pour une fois que l'on vous propose de raccourcir les délais, vous pourriez voter cet amendement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce serait bien !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 666.
M. Roland Muzeau. Lors des discussions sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, il y a quelques semaines à peine, nous avions déjà proposé que ce fonds de solidarité soit abondé par une contribution spécifique des entreprises qui auraient recours au contrat nouvelles embauches.
Nous proposons désormais l'extension de cette contribution au contrat première embauche, car il nous semble que ce serait une juste contrepartie à l'instabilité sociale, économique et familiale que vont provoquer ces deux nouveaux contrats.
Lorsque la question du financement de ce fonds face à ses montées en charge est venue en discussion, le rapporteur, M. Seillier, nous avait répondu ceci : « Les statuts du fonds de solidarité prévoient que ses ressources sont complétées par une subvention d'équilibre de l'État. Le financement de la nouvelle prime de 1 000 euros se traduira donc par une augmentation de cette subvention. C'est d'ailleurs en partie l'objet de l'enveloppe des 240 millions d'euros dégagée par le Gouvernement pour le financement des primes ».
Très bien, pourrait-on dire. Mais, au regard de la politique de « casse » de l'emploi menée par le Gouvernement, mieux vaut prévenir que guérir !
M. Seillier a ajouté par la suite : « En outre, les nouvelles recettes que les auteurs de l'amendement envisagent d'attribuer au fonds de solidarité sont en réalité déjà affectées à d'autres dépenses. Ainsi, la contribution de précarité due au titre des contrats nouvelles embauches doit déjà servir à financer un accompagnement renforcé des titulaires du contrat nouvelles embauches en cas de rupture de leur contrat. Adopter cet amendement reviendrait donc à déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
Or nous ne proposons pas de substituer cette contribution à la prime de précarité versée par les employeurs en cas de licenciement dans le cadre d'un CNE ou d'un CPE. Nous proposons au contraire une contribution supplémentaire, de façon à financer l'intégration des travailleurs qui se trouvent éloignés de l'emploi, directement ou indirectement du fait de la mise en place de ces nouveaux contrats de précarité.
Cet éclaircissement opéré, rien ne s'oppose aujourd'hui à sa mise en place, puisque nous ne « déshabillerons pas Pierre pour habiller Paul ».
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 671.
M. Roland Muzeau. Au nom d'une diminution du « coût » du travail prétendument nécessaire, dans l'intérêt de ce même travail, il faudrait, à vous écouter, toujours plus d'exonérations de charges pour les entreprises.
Nous avons démontré les effets pervers de ce système.
Nous avons aussi défendu une idée simple : l'entreprise qui bénéficie d'exonérations indues, puisqu'elle licencie, doit rembourser ce qu'elle a perçu.
Nous savons bien que la politique libérale du Gouvernement tend à favoriser, et c'est un euphémisme, le secteur privé par rapport au secteur public : privatisations, déstructuration des services publics, volonté de favoriser la concurrence, et j'en passe. Nous ne l'acceptons pas.
Et alors que Bruxelles veut empêcher l'État de contribuer aux services publics, des entreprises pourraient, sans contrepartie et, en tout état de cause, sans acquitter de pénalités, percevoir à perte des fonds publics par le biais d'exonérations de charges sociales, au prétexte que le fait d'embaucher et de garder un salarié coûterait trop cher.
Mais permettez-moi une remarque : le travail n'est pas un coût à réduire par tous les moyens ; il est au contraire le moyen de créer des richesses au service du progrès humain, au service de tous.
Les charges sociales y participent : les dépenses de santé, et donc leur financement, sont un facteur de développement économique. Et l'articulation du financement de la protection sociale à la production de richesses par les salariés constitue, depuis qu'elle existe, une très grande force pour notre pays.
Les entreprises qui, en dépit de cela, bénéficient d'exonérations avant de licencier les jeunes, doivent donc rembourser les sommes correspondantes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 671.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble de l'article
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de l'article 3 bis, je donne la parole à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous voilà donc parvenus au terme de cette discussion longue et animée au cours de laquelle tout, je crois, a été dit et même répété sur le contrat première embauche. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. À juste titre !
M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-il être aurait-il fallu encore quelques heures ...
Néanmoins, vous serez certainement heureux de m'entendre récapituler notre position sur ce dispositif et sur la façon dont les évènements se sont déroulés.
L'été dernier est apparu dans le droit du travail français un OVNI, un projet qui n'était pas tout à fait improvisé puisqu'il attendait dans les cartons du MEDEF depuis quelque temps.
D'autres pays avaient déjà, sans bruit, commencé à autoriser la prolongation de la période d'essai du contrat de travail jusqu'à deux ans, par exemple l'Allemagne. Fallait-il pour autant se précipiter pour imiter un dispositif qui provoque déjà quelques difficultés dans ce pays ?
M. de Villepin est un homme au dynamisme exceptionnel ; il n'a donc pas hésité à s'engager en faveur de cette nouvelle cause, baptisée « libération de l'embauche », et il l'a fait avec une vivacité qui confine à la brutalité,...
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'a pas fait attention !
M. Jean-Pierre Godefroy. ...en recourant à la procédure des ordonnances.
Pourquoi donc fallait-il une ordonnance pour créer un nouveau contrat de travail, alors que le Parlement est rompu à l'exercice pour avoir depuis trente ans créer et abroger une multitude de contrats aidés ?
La raison tient à ce que le CNE n'est pas un contrat ordinaire. C'est en effet le premier contrat de travail dans notre droit dont la caractéristique fondamentale, et même la raison d'être, est de se situer partiellement hors du droit du travail.
Contrairement à ce que beaucoup, abusés par la propagande gouvernementale, ont pu croire, il ne s'agit pas d'un nouveau contrat aidé pour les chômeurs. C'est un contrat qui est non pas pour, mais contre, et notamment contre le contrat à durée indéterminée. Mes chers collègues, qu'est-ce qui caractérise en effet un contrat à durée indéterminée ? C'est justement que, pour y mettre un terme, il faut respecter une procédure et dire au salarié pourquoi on le licencie.
Il ne fallait donc pas faire savoir sur la place publique que l'on créait un tel contrat. C'est donc pendant les vacances, le Gouvernement ayant superbement contourné le Parlement et le débat public grâce à une ordonnance, que le CNE est arrivé.
Ce contrat entré presque clandestinement dans notre droit est désormais appliqué dans les entreprises. Aujourd'hui, les procès et les jugements commencent à pleuvoir. Il semble maintenant que, même au-delà de la gauche, on considère que cette superbe idée présente quelques inconvénients...
Comme nous l'avions pressenti, c'est précisément parce qu'un tel contrat est hors du droit du travail, et non pas parce qu'il « libère l'embauche », qu'il a tenté les patrons les moins scrupuleux.
Quant aux autres - les plus nombreux peut-être -, ils se sont contentés d'embaucher en CNE au lieu d'embaucher en CDI. On a ainsi obtenu un magnifique effet de substitution et d'aubaine, mais pas de créations nettes d'emplois.
M. Bernard Frimat. C'est évident !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les chiffres du chômage qui viennent d'être publiés sont déjà une condamnation de ce dispositif sur le plan de l'emploi : ils font la démonstration de son inutilité. Quant aux procès que l'on voit naître, ils démontrent toute sa perversité.
M. de Villepin aurait dû s'informer avant de décider, un dimanche soir de janvier à Matignon, comme la presse l'a relaté, d'appliquer une copie du CNE à la jeunesse. Car la jeunesse aussi est dynamique, elle a des espoirs et encore quelques illusions. Mais M. de Villepin a décidé de poursuivre dans la voie qui lui avait si bien réussi.
Puisqu'il n'y avait plus de support législatif pour une ordonnance, M. de Villepin a donné l'ordre de présenter un amendement sur un texte que beaucoup dans cet hémicycle ont qualifié de « fourre-tout », texte qui n'avait rien à voir avec le CPE et qui était déjà bien chargé avec l'apprentissage à quatorze ans.
C'était sans doute une erreur. Depuis, le contenu du CNE a été révélé à tous les Français, qui savent qu'ils ne sont pas à l'abri de ce contrat à durée indéterminée renouvelable chaque jour. Le CPE est donc apparu en pleine lumière.
Sur le plan du droit, cette disposition et la manière dont elle est venue devant le Parlement resteront dans les annales comme autant de « modèles » pour la démocratie. Un dispositif important qui crée une exception au droit a ainsi été présenté par amendement à l'Assemblée nationale, où le débat n'est pas allé à sont terme dans des conditions normales. Pour en finir, le Premier ministre a invoqué l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il en résulte que le Sénat sera la seule chambre à pouvoir examiner toutes les dispositions - et certaines ne sont pas dénuées d'importance - qui suivent l'article 3 bis dans ce projet de loi.
En somme, le Gouvernement a réinventé l'unicaméralisme, comme en 1793, ce qui n'est pas le moindre paradoxe s'agissant d'imposer un texte aussi profondément réactionnaire !
Sur le fond, mes chers collègues, le CPE a socialement les mêmes effets négatifs et présente les mêmes perversités que le CNE : si ce texte devait être appliqué, les tribunaux en jugeront !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. En quoi le CPE va-t-il améliorer l'emploi, les conditions de travail, le dialogue social ? En quoi va-t-il même aider les employeurs de bonne foi, tous ces patrons de terrain qui sont tellement maltraités par les grosses entreprises ? En quoi va-t-il redonner un peu de confiance, un peu de motivation ? En quoi va-t-il permettre de faire redémarrer la consommation et la croissance ?
Quel que soit l'aspect sous lequel on l'examine, le CPE est donc non seulement inutile, il est aussi nuisible - économiquement, socialement et politiquement - et nous l'avons longuement démontré.
Si ce texte passe dans ces conditions insensées, le Gouvernement aura prouvé qu'il peut ne pas tenir compte des nombreuses réticences et des oppositions des parlementaires, et cela quelles que soient leurs opinions. Dans un contexte économique et social aussi difficile, il y a là un vrai danger pour la démocratie.
M. le président. Concluez, maintenant, cher collègue !
M. Jean-Pierre Godefroy. Bien sûr, les banques et les groupes multinationaux se vantent de réaliser encore plus de profits dans les pays en voie de développement où règnent parfois des dictatures plutôt que dans nos démocraties, où il faut encore payer les salariés et leur assurer une protection sociale.
Il faut savoir ce que nous souhaitons pour l'avenir de notre jeunesse et de notre pays. Il nous appartient de prendre nos responsabilités. Nous l'avons fait tout au long de ce débat en essayant de convaincre nos collègues de la majorité de ne pas adopter le CPE et, sur cet article 3 bis, nous demanderons un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Nous avons résisté à toutes les manoeuvres qu'ont tentées la majorité et le Gouvernement pour empêcher un débat serein, transparent, suffisant, bref, démocratique...
M. André Lardeux. Plus c'est gros, mieux ça passe !
M. David Assouline. ...sur le projet de loi pour l'égalité des chances en général et sur l'article 3 bis en particulier.
Cet article, que l'on va voter tout à l'heure,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu'ils vont voter !
M. David Assouline. ...a à ce point attiré l'attention du Gouvernement que nous n'avons encore discuté ni de l'article 2 ni de l'article 3. À cela, il y a à l'évidence une raison !
Non seulement cet article est venu capter le débat sur l'égalité des chances, un débat pourtant nécessaire après la crise des banlieues, que nous proposait M. Borloo...
M. Bernard Frimat. Qui n'est pas là !
M. David Assouline. ...et qui aurait dû porter sur les quartiers populaires, sur l'éducation, sur les discriminations, questions très importantes sur lesquelles, forcément, nous n'aurions pas été d'accord, mais au moins en aurions-nous débattu, mais encore il introduit un contrat qui « casse » le code du travail sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux, alors que vous avez vous-mêmes inscrit en 2004 dans la loi le principe de la concertation avec les partenaires sociaux avant toute modification relative aux relations du travail.
Ajoutons que le débat parlementaire a été arrêté à l'Assemblée nationale et, s'il a pu avoir lieu ici, c'et parce que nous nous sommes battus comme des lions contre toutes les manoeuvres du Gouvernement pour l'empêcher ; quant aux négociations avec les partenaires sociaux, il n'y en a tout simplement pas eu !
Le mouvement social qui est en train de se développer est donc absolument légitime. Vous ne pouvez pas ne pas écouter la rue, comme c'est souvent votre doctrine : vous n'avez pas discuté avec les partenaires sociaux et il est légitime qu'ils utilisent les seuls moyens dont ils disposent pour se faire entendre.
Le 7 mars, les confédérations syndicales dans leur majorité vont appeler à une grève, et pas seulement à une manifestation. Déjà, dans les principaux campus, notamment en région parisienne, il y a des grèves et quelque chose se met en mouvement. Les lycéens, ici et là, se mobilisent aussi. La province, qui va rentrer de vacances, pourra elle aussi faire entendre sa voix.
Et considérez, mes chers collègues, vous qui êtes des parlementaires, que ce mouvement est salutaire. Ne le montrez pas du doigt parce que, quand la protestation, la revendication, sont collectives et s'expriment par la grève et dans la rue, elles concourent à la vie civique, à la vie démocratique, à l'intégration politique des jeunes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Pour finir, je veux interroger M. le ministre délégué, qui peut-être n'était pas personnellement favorable à cette précipitation.
Tiendrez-vous compte, monsieur le ministre délégué, de ce débat parlementaire et du fait qu'il n'y a pas eu de négociation, si les observateurs - dont vous faites vous-même partie, même si vous êtes aussi acteur - devaient juger, de façon absolument impartiale, que ce qui se passe dans le pays n'est pas rien et doit être entendu ? Seriez-vous prêt à rouvrir le dossier ou resteriez-vous fermé à la discussion après avoir fait « passer », au petit matin, le CPE au Sénat ?
Vous avez d'ailleurs couru pour rien puisque, tant que la loi pour l'égalité des chances n'est pas votée, le CPE n'existe pas juridiquement. Il n'existera donc pas juridiquement mardi prochain quand les manifestants seront dans la rue. Êtes-vous prêt à les écouter mardi ? Êtes-vous prêt à recevoir les jeunes pour discuter et à faire ce que vous n'avez pas fait avant le débat sur ce projet de loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'article 3 bis procède d'un constat que l'on ne peut que partager : le chômage touche de façon particulièrement préoccupante et calamiteuse les jeunes. On nous propose une explication : la raison de cette situation serait d'ordre psychologique. Si les chefs d'entreprise n'embauchent pas, c'est qu'ils craignent de ne pouvoir licencier si le cas échéant.
Cette explication est un peu courte et mérite quelque examen.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. N'étant pas spécialiste de la psychologie des chefs d'entreprise, je présupposerai simplement que ce sont des gens de bon sens, des responsables dont le comportement est d'abord rationnel. Il y a donc tout lieu de penser qu'ils n'embauchent pas en fonction des évolutions du droit du travail mais parce qu'ils ont besoin d'embaucher.
Certes, ils préféreront le faire avec le maximum d'avantages - et, sur ce plan, vous n'êtes pas chiches -, mais, quels que soient ces avantages, ils n'embaucheront pas quelqu'un dont ils n'ont pas besoin.
Mme Gisèle Printz. C'est évident !
M. Pierre-Yves Collombat. Par parenthèse, si, conformément à la version pour enfants qui nous a été régulièrement servie, le CPE donne au salarié plus de garanties que le CDI ordinaire, on voit encore moins pourquoi il y aurait embauche, et cela même en se plaçant dans votre logique qui lie chômage et coût du travail.
Pour qu'un chef d'entreprise embauche, il faut donc qu'il trouve des gens à embaucher, ce qui est un problème de formation et non de forme de contrat, point important déjà souligné par Jean-Luc Mélenchon.
Il faut aussi que la demande pour ce qu'il produit soit suffisante, ce qui est un problème de politique économique.
Vos remèdes contre le chômage des jeunes me font penser aux tentatives de sauveteurs qui prétendraient réanimer un noyé en le laissant dans l'eau, que dis-je ? en lui maintenant la tête sous l'eau !
M. Jean-Pierre Sueur. Excellente comparaison !
M. Pierre-Yves Collombat. Il en sera ainsi tant que l'objectif du Gouvernement restera la lutte contre une inflation qui n'existe pas, le développement de l'épargne obligatoire à travers la privatisation des dispositifs de retraite et de santé, la réduction des dépenses de l'État et d'un endettement des agents économiques, au reste pourtant inférieur à celui de nos partenaires étrangers si l'on veut bien considérer, outre l'endettement de l'État, celui des ménages et des entreprises.
Tant que l'objectif de la politique économique du Gouvernement ne sera pas le plein-emploi, tous les dispositifs que vous pourrez inventer ne seront que cautère sur jambe de bois !
M. Larcher a évoqué à plusieurs reprises le succès des Espagnols dans leur lutte contre le chômage, dont le taux a effectivement été ramené de 22 % en 1995 à 10 % environ aujourd'hui. L'usage extensif des contrats de type CPE et des contrats précaires en serait la cause. En Espagne, 33 % des contrats correspondent, en effet, à des emplois temporaires.
Ce que vous oubliez de dire, monsieur le ministre délégué, c'est que la raison fondamentale de la décrue du chômage en Espagne est une croissance de l'activité économique bien supérieure à celle de la France, croissance dont les principales causes sont l'injection de crédits européens équivalant à 1 % du PIB, ce qui n'est pas rien, et un endettement massif des ménages - de l'ordre de 15 % par an depuis 1995 et de 20 % en 2005 -, qui dope la consommation ainsi que l'inflation, 4,2 % sur douze mois.
Aujourd'hui, l'endettement des ménages espagnols est de l'ordre de 120 % de leur revenu disponible brut contre 65 % en France, c'est-à-dire le double. Quant à l'endettement, il est essentiellement à taux variable, et actuellement inférieur à l'inflation. On imagine ce qui se passerait si la tendance s'inversait : 33 % des contrats précaires, précarisation financière massive des ménages, inflation record !
Voilà le miracle espagnol, voilà vos châteaux en Espagne, monsieur le ministre délégué !
M. André Lardeux. Vive Zapatero !
M. Pierre-Yves Collombat. Prétendre lutter contre le chômage sans changer de politique économique est un leurre.
J'irai plus loin : en limitant encore un peu plus la lisibilité que chacun des jeunes peut avoir de son avenir, et, indirectement, celle des parents qui, lorsqu'ils le peuvent, les soutiennent dans leur entrée dans la vie, vous diminuez la consommation et, donc, par contrecoup, la propension des entreprises à investir, vous alimentez le chômage, comme l'actualité vient de nous le rappeler.
Comme l'ont souligné de nombreux intervenants, à gauche comme au centre, vous envoyez aussi ce message terrible à notre jeunesse : vous comptez si peu que l'on n'est pas même tenu de vous donner le motif de votre éjection de la vie active.
Votre premier souci, ce sont les jeunes, dites-vous. Vous les aimez, ces jeunes...comme l'ogre aime les enfants ! (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
Vous comprendrez qu'il ne soit pas possible de vous suivre sur ce terrain antiéconomique, socialement et humainement calamiteux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, permettez-moi plusieurs remarques en conclusion de l'examen de l'article 3 bis instituant le contrat dit de première embauche.
En introduisant, par voie d'amendement, un dispositif rejeté par les Français, non examiné par les partenaires sociaux, dans un texte sur lequel l'urgence était déclarée, M. de Villepin a montré, une nouvelle fois, qu'il était l'homme de tous les coups de force.
Coups de force contre toutes les organisations syndicales : CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC, UNEF, syndicats lycéens...
Coup de force permanent contre la démocratie et le Parlement, confirmé au Sénat, où les parlementaires de la majorité, muselés, ont respecté la consigne donnée de ne pas amender un article. Résultat ? Le CPE est en passe d'être adopté conforme, et ce malgré les questions qu'il soulève. Aucun des 81 amendements mis en discussion n'a été retenu. L'UMP, droite dans ses bottes, s'est bouchée les oreilles pour ne pas entendre la réprobation populaire, notamment celle des jeunes.
Coup de force idéologique également, puisque le CPE s'impose désormais comme la clé de voûte d'un projet de loi pour l'égalité des chances, alors que, justement, il légalise la précarisation des conditions d'existence des jeunes salariés, jeunes que ses auteurs considèrent comme une charge.
Nous ne pouvons accepter qu'au nom de l'emploi, après le vote du 29 mai et après les graves évènements de novembre dernier, ce gouvernement légitime aujourd'hui toute une série de réformes accentuant l'insécurité sociale des salariés.
Le CPE comme le CNE viennent faire écho aux demandes du MEDEF et des ultralibéraux attribuant au code du travail, aux droits et garanties collectives, la responsabilité du chômage. Ils sont une réponse à leur désir d'une flexibilité quasi complète du licenciement.
Avant tout, ces nouveaux contrats, échéance de 2007 oblige, répondent à un objectif de diminution rapide des chiffres du chômage. On utilisera donc s'il le faut les pires méthodes. Le Gouvernement cherche à doper les embauches et non à augmenter le volume d'emplois, à substituer des emplois très précaires à d'autres emplois précaires.
Les résultats des premières enquêtes destinées à faire apparaître l'impact du CNE sur le chômage, l'emploi et le bien-être valident cette observation quant aux effets limités sur les créations nettes d'emplois. D'après les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo, le CNE ne créerait que 70 000 postes de plus. En outre, pour eux, « il est possible que ces emplois créés soient détruits afin d'éviter d'entrer dans un régime de protection de l'emploi contraignant, un CDI avec déjà deux ans d'ancienneté. » En revanche, l'impact négatif du CNE sur les conditions de vie des salariés est, lui, réel et durable.
Le CPE étant un copier-coller du CNE, ses effets seront identiques et tout aussi redoutables.
Nous avons démontré, au fil de nos amendements, que le CPE soulevait une question de principe tout d'abord, dans la mesure où, contrairement à la convention 158 de l'OIT, ratifiée par la France, il permet le licenciement d'un travailleur sans motif valable et sérieux, d'une part, et sans procédure contradictoire, d'autre part.
Nous avons vu que ce dispositif, excluant, en raison de leur âge, une catégorie de salariés, des garanties des règles de droit commun en matière de licenciement, introduisait une discrimination injustifiable entre les jeunes de moins de vingt-six ans et les autres salariés.
Plus grave peut-être encore, nous avons fait la démonstration que le fait de pouvoir licencier à tout moment, pendant deux ans, déséquilibrait la relation de travail au profit de l'employeur, mettait les jeunes dans une position de totale soumission, exposait ces derniers à l'arbitraire, bref, que le CPE précarisait les conditions d'existence des jeunes salariés en laissant ces derniers « dans un état de parfaite indétermination quant à leur avenir. »
Convaincus de la perversité immédiate du CPE pour le jeune salarié et des dangers potentiels qu'il recèle pour l'ensemble des salariés - le CPE n'étant qu'une première étape dans la réforme voulue du contrat de travail en général -, nous voterons résolument contre.
Pour reprendre la conclusion d'une tribune publiée dans Le Monde et signée par un collectif de juristes de droit social, « Non, décidément, l'espoir très aléatoire d'une amélioration de l'emploi ne peut justifier l'existence d'une catégorie de salariés corvéables à merci et l'effacement de trente-deux années d'acquis sociaux, ainsi que la négation de principes fondamentaux internationalement reconnus. »
Cet avis, mes chers collègues, est majoritairement partagé par nos concitoyens. Nous sommes à leurs côtés, ici comme dans la rue. Nous voterons contre le CPE ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, nous voici au terme de deux jours consacrés au CPE.
D'incidents de procédures en lecture contestable du règlement, tout aura été fait par cette majorité pour contourner une discussion de fond sur le CPE, discussion que nous étions prêts à mener.
Vous aurez tout tenté, et même vous aurez innové en matière de procédure pour ne pas parler de cette disposition.
C'est plus que regrettable, car le contenu de ce contrat première embauche demandait pourtant à être véritablement débattu.
Sur les principes d'abord, ce CPE est inacceptable dans la mesure où il conduit à faire reposer la précarité sur les jeunes générations, à l'inverse de l'objectif affiché d'intégration sociale et professionnelle des jeunes.
Au contraire, le CPE aboutira à mettre dos à dos les salariés sur un marché du travail de plus en plus concurrentiel. Il entretiendra cette tendance à constituer une offre de travail « au moins disant », où les travailleurs ne sont plus évalués que sur le critère unique du coût du travail que représente leur salaire.
Qui peut encore croire que cette disposition a sa place dans un texte initialement consacré à l'égalité des chances ?
Par ailleurs, ce CPE nourrit de nombreuses remarques de fond. En lui faisant prendre la suite du contrat nouvelles embauches, le Gouvernement porte ici un nouveau coup de canif au code du travail.
Ce contrat répond pleinement à la logique libérale de déréglementation du marché du travail que le MEDEF souffle à cette majorité depuis son accession au pouvoir.
Le code du travail et les droits protecteurs des salariés sont présentés comme des entraves insupportables au bon fonctionnement du marché du travail et expliqueraient largement le chômage.
Ce positionnement idéologique, que rien ne confirme dans les faits, a guidé la rédaction de ce contrat première embauche.
On se retrouve ainsi avec un contrat où, durant les deux premières années, les employeurs n'auront pas à faire la preuve de la justification du licenciement de leur salarié. Ce sera donc devant les tribunaux que les salariés pourront faire valoir leurs droits, au regard des législations européennes et des conventions internationales.
On se retrouve aussi avec un contrat où les droits ouverts à l'assurance chômage sont moins importants que dans les contrats existants.
Ce CPE est une aberration juridique, en plus de son caractère antisocial. Si vous croyez avoir répondu à la crise des banlieues, vous n'aurez fait que raviver le feu qui couvait.
Tous les appels à la raison que nous avons pu vous adresser, au travers de nos amendements, n'y ont pourtant rien fait. Vous n'entendez pas quand nous vous disons les nombreux dysfonctionnements auxquels ce CPE va mener.
Aucune de nos propositions pour tenter d'atténuer la dégradation manifeste des droits des travailleurs n'a été retenue dans ce débat « mascarade ».
Vous avez manipulé pendant deux jours des notions que vous avez vidées de leur sens.
Vous avez parlé « d'intégration des jeunes salariés », de « sécurisation des parcours professionnels », « d'accompagnement dans l'emploi », alors que c'est l'inverse que vous généralisez avec le CPE.
Nous voterons résolument contre cet article, véritable institutionnalisation de la pauvreté et de la précarité, mise au service de la rentabilité économique et financière des entreprises, auxquelles ce gouvernement est décidément entièrement dévoué. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, malgré la somme d'interventions vous démontrant, point par point, pourquoi le CPE n'est pas la réponse adaptée aux besoins des jeunes en matière d'emploi, malgré la colère qu'exprime aujourd'hui largement la jeunesse dans sa diversité sociale, malgré des avis d'experts qui rejettent ce contrat et d'autres qui démontrent que ce contrat ne va quasiment pas créer d'emplois, vous persistez à vouloir faire entrer ce CPE dans la vie de milliers de jeunes en utilisant en filigrane l'argument selon lequel « le CPE serait mieux que rien ».
Sauf que, chers collègues de la majorité, monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur, sauf que, à l'instar des jeunes de la Seine-Saint-Denis qui ont exprimé leurs besoins de reconnaissance par notre République, aujourd'hui des milliers d'autres jeunes disent, eux aussi, à leur manière, et écoutez bien : « Nous ne sommes pas des moins que rien ! » Avec le CPE, vous offrez du « mieux que rien » à ceux qui ne veulent pas être traités comme des « moins que rien ».
Ce faisant, vous n'êtes pas seulement atteints de surdité, vous souffrez aussi et surtout d'un certain mépris à l'égard d'une partie de la population.
Quels qu'aient été vos arguments, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre délégué, tout au long de l'examen de cet article 3 bis, ils n'ont pas convaincu. Nous savons bien que le CPE est un maillon de votre stratégie politique qui vise, d'une part, à favoriser le patronat et, d'autre part, à installer la jeunesse d'aujourd'hui dans l'idée que la précarité sera désormais un mode de vie auquel elle devra s'adapter pour construire son projet de vie.
Comme le CNE, le CPE ouvre un peu plus encore la voie à la remise en cause de la protection des droits pour tous, des jeunes, mais aussi des moins jeunes.
Ce qui est inacceptable, c'est que vous avez voulu réduire ici le temps du débat en utilisant tout l'arsenal procédurier à votre disposition pour tenter de faire taire les élus communistes et, plus largement, les élus de gauche. Au moins, là, vous avez été battus.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas vrai !
Mme Éliane Assassi. Cela dit, les pesants silences dans les rangs de l'UMP sont révélateurs in fine de la posture plus défensive qu'offensive dans laquelle sont placés les sénatrices et sénateurs concernés.
Permettez-moi de vous dire que j'aurais préféré ici une confrontation d'idées sur un projet aussi fondamental pour l'avenir de la jeunesse de notre pays.
Pour le moins, cela aurait éclairé cette jeunesse et cela aurait également donné du relief à la démocratie, à l'heure où certains évoquent ici la crise de la politique.
C'est une partie des raisons pour lesquelles nous voterons contre cet article et contre ce CPE, qui est une discrimination supplémentaire faite à la jeunesse de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je voudrais d'abord saluer le travail courageux et continu du président de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, qui ont avancé beaucoup d'arguments et passé beaucoup de temps pour répondre aux auteurs des 81 amendements que nous venons d'examiner depuis deux jours, je dis bien 81 amendements déposés sur un seul article, ce qui mérite tout de même d'être souligné ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci !
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, après avoir tout entendu dans cet hémicycle, et, notamment, après avoir reçu des leçons d'économie politique et de direction des affaires de la part d'éminents professeurs de gauche, je dois dire que je suis frappé du caractère exclusivement franco-français du débat qui nous réunit depuis hier matin. À croire que la nostalgie de 1981 l'emporte sur les réalités de 2006 (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), à croire que nous sommes seuls au monde, que l'Union européenne n'existe pas, qu'il n'y a pas de mondialisation et que l'émergence de grands pays comme la Chine et comme l'Inde est quantité négligeable ! (M. Jean-Luc Mélenchon proteste vivement.)
M. le président. Monsieur Mélenchon, je vous en prie !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je vous ai écouté, mes chers collègues. Soyez donc convenables et écoutez-moi à votre tour, quelle que soit l'heure. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Roland Muzeau renchérissent.)
Quant à vous, monsieur Mélenchon, je ne me suis pas personnellement adressé à vous, je ne vous ai pas nommément visé. J'ai simplement évoqué d'éminents professeurs, ce dont vous devriez être satisfait ! (Protestations renouvelées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je disais donc que la nostalgie de 1981, époque à laquelle tout était possible dans une France totalement isolée, l'emporte sur la réalité d'aujourd'hui, alors que nous sommes confrontés à une mondialisation très forte et qu'il nous faut essayer d'offrir aux jeunes des capacités de développement et d'épanouissement en dépit des difficultés qu'ils vont devoir affronter au cours des prochaines années. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Telle est donc la situation actuelle, et je suis étonné que la quasi-totalité des arguments qui ont été longuement développés depuis hier matin soient centrés sur un seul sujet, à savoir l'intangibilité de notre code du travail.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez pas bien entendu !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je considère, pour ma part, que c'est un peu court, notamment s'il s'agit de répondre aux aspirations des jeunes, de répondre au légitime désir de développement des entreprises, de répondre aux dégâts causés par les 35 heures (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous y voilà !
M. Jean-Pierre Fourcade. ...ou par l'interdiction d'introduire dans ce pays les fonds de pension, oui, c'est un peu court, car ce sont actuellement autant de graves freins pour notre développement économique.
En réalité, je me suis posé trois questions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Copiez donc la Grande-Bretagne !
M. Christian Cambon. Mais écoutez donc M. Fourcade !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je vous ai écoutée sans vous interrompre, ma chère collègue, je n'ai jamais crié dans cet hémicycle !
Première question : existe-t-il, oui ou non, dans notre pays, un chômage spécifique des jeunes de moins de vingt-six ans et plus spécialement des jeunes qui sortent de notre système scolaire, très largement représenté ici, sans aucune qualification ? La réponse est oui !
Mme Hélène Luc. Bien sûr, qu'il existe !
M. Jean-Pierre Fourcade. Deuxième question : cette situation particulière du chômage des jeunes est-elle plus grave en France qu'elle ne l'est dans tous les autres pays qui nous entourent,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a plus de jeunes en France. Tenez compte de notre démographie !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qu'il s'agisse de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal, de la Grande-Bretagne ou des Pays-Bas ? La réponse est encore oui !
Troisième et dernière question : le contrat première embauche est-il de nature à faciliter, enfin, le contact entre les jeunes de moins de vingt-six ans et des entreprises performantes, qui se développent et parviennent à relever le défi de la compétition internationale, situation préférable à une orientation vers les diverses fonctions publiques ou sur la voie du RMI ? La réponse est toujours oui ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Parce que mon groupe et moi-même répondons de manière affirmative à ces trois questions, sans état d'âme, et sans participer au malaise qu'a longuement distillé M. Sueur, nous voterons l'article 3 bis. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Robert Bret. Vous n'avez, en effet, aucun état d'âme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel discours !
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, je suis de ceux qui ont attentivement écouté, et pendant plusieurs jours, les débats sans forcément y participer de vive voix. Cela étant dit, il me semble que, s'agissant d'un article de cette nature, chacun d'entre nous devrait prendre la parole pour expliquer son vote, tant il est important de par ses conséquences potentielles sur la société.
Il est évident que je ne voterai pas cet article, tant pour des raisons de forme que pour des raisons de fond.
En effet, la disposition prévue dans cet article 3 bis est issue, cela est reconnu, de la décision d'un seul homme politique, même si ce dernier est, entouré, il est vrai, de conseillers. Or un seul homme, fût-il Premier ministre, peut-il avoir raison contre tous, y compris ceux des élus de sa propre famille politique qui acceptent de s'exprimer, l'incitant pour certains à renoncer à un projet de loi qui, s'il était adopté, scinderait la société française de façon durable - on le voit bien à travers la nature des échanges qui ont eu lieu ici depuis trois jours - et conduirait à opposer deux parties de la société ?
Rappelons une fois de plus, même si cela a déjà été dit à plusieurs reprises, que, s'agissant de la procédure de prise de décision du chef du Gouvernement, la législation du droit du travail étant de fait modifiée, il eût été de bon ton de respecter la règle de concertation préalable des partenaires sociaux, règle qui a été oubliée ; mais il y a fort à parier que, lors des prochaines discussions, les partenaires sociaux se souviendront de cet oubli !
En d'autres termes, pour ce qui est des modifications apportées au droit du travail et à la législation, il faudra sans doute réparer tout ce qui aura été cassé à l'occasion de la discussion de ce projet de loi.
Je souhaiterais également revenir, puisque M. Fourcade vient d'y faire allusion, sur les explications données par mon collègue Jean-Pierre Sueur. Personnellement, je dois avouer, après avoir bien suivi les débats, ma complète incompréhension quant à l'argumentation que certains d'entre vous, chers collègues de la majorité, ont développée. Pour vous, les employeurs sont prêts à jurer la main sur le coeur qu'ils n'ont aucun intérêt à se séparer de salariés qu'ils ont embauchés. Une telle situation est pourtant, selon nous, compréhensible, notamment en cas de diminution du carnet de commandes ou si le profil du salarié ne correspond pas réellement à l'emploi qui est à pourvoir dans l'entreprise ; cela, nous pouvons le comprendre.
Dès lors, si l'employeur n'a vraiment aucun intérêt à se séparer sans motif d'un salarié, je ne parviens pas à comprendre, même à deux heures du matin, pourquoi il est demandé au Parlement d'autoriser le licenciement sans cause, disposition qui s'appliquerait uniquement aux jeunes de moins de vingt-six ans. Cela, je ne peux le comprendre !
Je m'adresserai maintenant à M. Fourcade, qui se demandait à l'instant s'il existait un problème de chômage particulier pour les moins de vingt-six ans. Vous êtes tous d'accord, semble-t-il, mes chers collègues, pour admettre que tel est bien le cas. C'est peut-être vrai.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas « peut-être », c'est sûr !
M. Thierry Repentin. Toutefois, je voudrais vous demander, monsieur le rapporteur, vous qui m'interpellez, si la solution à cette éventuelle réalité d'un chômage massif des moins de vingt-six ans réside dans l'invention, pour ces jeunes précisément, du licenciement sans cause. Franchement, je ne vois pas le rapport entre le problème à traiter et la solution que l'on nous propose.
Je ne voterai donc pas cet article, car, en introduisant en dernière minute cette disposition, le Gouvernement, peut-être involontairement, a focalisé le débat que l'on nous avait promis en réponse au malaise des banlieues sur le seul CPE. L'échange de vues que étions nombreux à attendre, confrontés comme nous le sommes aux problèmes des grands ensembles, se trouve ainsi irrémédiablement vicié jusqu'à la fin de l'examen de l'ensemble du projet de loi pour l'égalité des chances.
Je rappellerai simplement, pour ma part, que ce malaise des banlieues fait suite au fait que deux jeunes sont morts de peur, en voulant se protéger d'une institution républicaine et que, trois jours auparavant, ce qui, selon moi est aussi important, un père de famille avait été tué sous les yeux de son épouse et de sa fille tout simplement parce que d'autres jeunes ne craignaient absolument plus rien de l'institution républicaine.
J'attendais donc beaucoup du débat que l'on nous avait fait miroiter après la crise dans les banlieues. Or le fait d'insérer certaines dispositions à la toute dernière minute a, hélas, complètement focalisé la discussion sur le seul CPE et nous a empêchés de tirer les conséquences de ce qui s'est passé en novembre 2005.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l'article 3 bis, qui institue le CPE, pas plus, je tiens à le dire, que je ne voterai la suppression des allocations familiales par les présidents de conseils généraux, pas plus que je ne voterai la transformation du maire en procureur de la République ou la libéralisation des règles dans les zones urbaines sensibles afin de faciliter l'implantation de multiplex ou de supermarchés. Comme si tout cela - je m'adresse ici à des gens qui connaissent bien le sujet - était de nature à répondre à ce qui s'est passé voilà quelques mois !
En conclusion, je voudrais dire à M. le ministre délégué, Gérard Larcher, dont je salue la présence dans cet hémicycle cette nuit, que j'ai été quelque peu étonné de la réponse qu'il a apportée à notre collègue Charles Gautier lors d'une récente séance de questions d'actualité.
En effet, à notre collègue Charles Gautier, qui vous demandait si le CPE était effectivement susceptible de répondre aux problèmes posés par le chômage des jeunes et qui signalait que les étudiants manifestaient au même moment dans la rue, vous avez, monsieur le ministre délégué, d'une façon pour le moins maladroite, indiqué que si les étudiants vous intéressaient, les jeunes des banlieues ne vous intéressaient pas moins ! Est-ce à dire que, dans votre esprit, les étudiants sont différents des jeunes des banlieues ? (M. Gérard Larcher, ministre délégué, manifeste son mécontentement.)
Il s'agit là, malheureusement, d'une réponse assez révélatrice d'un certain état d'esprit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je ferai quelques brèves observations, car il est bien tard.
M. le président. Dites plutôt qu'il est bien tôt !
M. Michel Mercier. Je voudrais tout d'abord remercier tous ceux qui ont permis ce débat. Rien n'était moins sûr ; or une discussion fort intéressante s'est vraiment instaurée au sujet du CPE.
Je tiens ici à remercier M. le ministre délégué de nous avoir apporté des réponses hier, même si toutes - j'y reviendrai - ne nous ont pas satisfaits. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Il faut dire que c'est nous qui avons imposé ce débat !
M. Michel Mercier. Mes chers collègues, vous sembliez bien endormis tout au long de cette soirée. Restez-le donc jusqu'à ce que j'en aie terminé et tout sera parfait ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. C'est de la provocation !
M. Michel Mercier. Je voudrais également remercier non seulement M. le président de la commission des affaires sociales ainsi que M. le rapporteur, dont le rôle n'était pas toujours très facile, mais aussi vous-même, monsieur le président, qui vous êtes beaucoup investi pour que le débat aille jusqu'à son terme. Je pense que cette attitude est préférable au recours à je ne sais quelle procédure qui aurait été de nature à empêcher ce débat. Il s'agit là d'une victoire que nous avons, ensemble, remportée ce soir.
M. le président. C'est une victoire pour l'institution au sein de laquelle nous siégeons !
M. Michel Mercier. Et peut-être aussi pour la démocratie parlementaire, ce qui n'est pas si mal !
Nous voici donc amenés à nous prononcer sur l'article 3 bis instituant le CPE.
Pour sa part, le groupe UC-UDF a, dès le début, tenu à indiquer qu'il était favorable à des modifications profondes de notre droit du travail, qui ne saurait être figé une fois pour toutes. Notre groupe a également rappelé que les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont plus celles que nous avons connues il y a vingt, trente ou cinquante ans, que la mondialisation nous conduit à tenir compte de certains paramètres et que nous acceptons tout à fait l'idée selon laquelle il faut introduire plus de flexibilité dans l'entreprise en demandant à celle-ci d'être d'abord un lieu d'activité et de fournir plus de travail. Par ailleurs, il nous a semblé qu'il n'était pas possible d'attendre de l'entreprise qu'elle finance, par exemple, la protection sociale, voire l'ensemble des mesures de solidarité dans notre pays.
Nous sommes donc en faveur de la flexibilité, à condition toutefois que les salariés et les employés bénéficient de plus de sécurité. Il convient donc de prendre des mesures en faveur de cette dernière, rendue nécessaire, il faut le dire, au temps où nous vivons.
C'est d'ailleurs ce que nous avons essayé de dire à travers un amendement tendant à supprimer le CPE pour le remplacer par un contrat à durée indéterminée à droit progressif. Or, si chacun s'est accordé à reconnaître que l'idée n'était pas inintéressante, nous avons été les seuls à voter cet amendement. Cela prouve simplement que des combats peuvent être menés et se poursuivre.
Nous avons souligné, en outre, que la réponse apportée par le CPE n'était pas la bonne et je voudrais brièvement m'en expliquer.
Tout d'abord, se pose un problème de méthode : on ne peut avoir raison tout seul. Même si l'on a l'impression de s'exprimer mieux que les autres, il reste encore à faire partager ses propres convictions et, pour cela, il faut dialoguer avec les partenaires sociaux - cela n'a pas eu lieu, nous le savons tous -comme il faut dialoguer avec les parlementaires, ce qui, je dois le reconnaître, s'est révélé plus positif.
Nous avons donc tenu à affirmer que la méthode retenue plombait en quelque sorte la réforme. Certes, certains se seraient forcément déclarés contre, monsieur le ministre délégué, mais le fait de ne pas même avoir essayé de rechercher l'accord, le consensus, restera véritablement un défaut de votre projet de loi.
Sur le fond, ensuite, il nous semblait que certains efforts devaient être accomplis pour que ce contrat soit acceptable. Vous pouviez agir sur au moins deux points : d'une part, la durée de la période de consolidation, que nous vous proposions de fixer à un an au lieu de deux ans, ce que vous avez refusé ; d'autre part, la motivation du licenciement. Nous avions déposé sur ce thème un amendement auquel nous tenions beaucoup, pour la raison tout simple que, comme nous l'avons souligné, le licenciement sans justification du salarié en contrat nouvelle embauche ne tient pas la route !
Nous vous avons proposé d'obliger les employeurs à justifier ce licenciement, pour des raisons que le professeur Portelli a fort bien expliquées tout à l'heure. En effet, que nous inscrivions ou non dans la loi cette obligation, le juge l'exigera. Pourquoi ne pas prévoir expressément ce qui correspond à l'application d'un principe fondamental de notre droit, à savoir l'obligation de motivation ?
Car, même si le licenciement n'est pas motivé, cela ne signifie pas qu'il est dépourvu de motif, et le juge le recherchera ! Ce ne sera certes pas facile, mais la Cour de cassation ira jusqu'au bout du principe d'obligation de motivation, qu'il aurait été tellement plus simple d'inscrire dans la loi ! Le contrat première embauche en aurait été plus crédible.
Vous avez choisi une autre voie, ce qui est tout à fait votre droit, et la majorité l'emportera. Toutefois, nous aurions préféré que vous nous entendiez. Or, vous avez fait le choix de repousser tous nos amendements, et c'est pourquoi la très grande majorité des membres de notre groupe refusera de voter cet article 3 bis. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - Certains membres du groupe socialiste applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je voudrais d'abord me réjouir : tout à l'heure, le premier orateur socialiste à s'exprimer s'est déclaré ravi que le Sénat ait rempli son rôle et soit allé au bout de ce débat.
Mme Hélène Luc. Parce que nous l'avons imposé !
M. Éric Doligé. Cela m'a fait plaisir, car je me souviens que certains de ses collègues, voilà quelques années, souhaitaient la suppression du Sénat, mais il est vrai qu'ils se sont empressés de s'y faire élire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Daniel Raoul. Vos propos sont honteux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel niveau !
M. Roland Muzeau. L'élection au Sénat, c'est l'égalité des chances ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. Il s'agit d'une véritable reconnaissance pour notre institution et je vous en remercie. Ce débat vous aura au moins permis de parvenir à la conclusion que notre assemblée est utile !
Néanmoins, comme l'a souligné tout à l'heure l'un de nos collègues, nous ne sommes pas seuls au monde ! Ce n'est pas seulement dans cet hémicycle que se décide l'avenir de nos entreprises et de notre économie. Notre avenir se décide dans le monde entier, et ce ne sont pas vos déclarations hostiles à l'entreprise qui nous aideront à sauver notre économie nationale. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'ailleurs bien mal partie avec votre gouvernement !
M. Éric Doligé. Nous devons faire preuve d'une plus grande ouverture d'esprit. Or, me semble-t-il, quand, il n'y a pas si longtemps, nous avons tenté de nous ouvrir à l'Europe, certains se sont montrés très fermés et ont mené un combat qui n'était pas bon pour notre économie. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Les Français ont tranché !
M. David Assouline. Oui, le peuple a tranché !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Changez de peuple, monsieur Doligé !
M. Éric Doligé. Notre économie a besoin de s'ouvrir au monde. Elle a besoin des entreprises et des patrons aussi bien que des salariés, car, contrairement à ce que vous pensez, il s'agit du même monde. En dépit de ce que M. Assouline a répété à l'envi, il n'existe pas deux univers séparés, celui des patrons voyous d'un côté ; celui des salariés, de l'autre. Il s'agit du même monde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas tout à fait quand même !
M. Robert Bret. Ce ne sont ni les mêmes salaires ni les mêmes conditions de travail !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ni les mêmes droits !
M. Éric Doligé. Nous agissons tous dans le même sens, nous tentons tous de faire en sorte que l'économie de notre pays réussisse et puisse montrer au monde les exemples de son succès.
Chers collègues, j'ai entendu beaucoup d'entre vous avouer que vous ne compreniez pas. Bien évidemment, vous ne pouvez pas comprendre ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parce que nous sommes idiots ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. ... puisque vous n'avez jamais pris de responsabilités dans l'entreprise. (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Bel. Qu'en savez-vous ?
M. Paul Raoult. Vos propos sont scandaleux !
Mme Hélène Luc. Demandez aux employeurs des départements dirigés par la gauche quelles relations ils entretiennent avec les conseils généraux ! Vous n'avez pas le monopole des entreprises !
M. Éric Doligé. Ce soir, vous vous êtes arrogé tous les droits, vous nous avez traités de voyous. Permettez-moi de dire que je respecte les patrons. Ils sont plus d'un million en France, et ce n'est pas parce que des abus ont été commis par l'un d'entre eux, comme l'atteste le jugement de Longjumeau, que nous devons les montrer tous du doigt, de même que ce n'est pas parce que, de temps à autre, tel ou tel syndicaliste commet un écart de conduite que nous devons traiter tous les syndicalistes de voyous !
M. David Assouline. Mais ils exploitent qui, les syndicalistes ?
M. Éric Doligé. Pour ma part, je respecte les patrons et travaille et discute avec eux pour faire avancer notre économie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes plus au Sénat mais au MEDEF !
M. Éric Doligé. Cessez de faire des amalgames, nous devons faire avancer notre société. Pourquoi refusez-vous de comprendre que les chefs d'entreprise s'efforcent de créer des emplois, de faire en sorte que les salariés soient payés à la fin du mois !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sortez les mouchoirs !
M. Éric Doligé. Vous avez passé votre temps à nous donner une image négative de l'entreprise ; je voudrais, pour ma part, en offrir une image positive. Il est des patrons qui respectent les salariés et sont heureux de leur donner du travail, de même qu'il est des salariés qui sont heureux de travailler avec leurs patrons.
Notre véritable problème, aujourd'hui, ce sont les jeunes. Mais je vous assure que, pour moi comme pour tous mes collègues, un salarié qui perd son emploi, c'est un drame.
Or, tout à l'heure, j'ai eu le sentiment que certains d'entre vous évoquaient les chiffres en hausse du chômage avec quelque satisfaction. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Bel. Vos propos sont scandaleux !
M. Éric Doligé. Le chômage est un drame, une catastrophe, j'ose le dire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un drame pour les chômeurs, pas pour les patrons !
M. David Assouline. Vous faites de la provocation !
M. Éric Doligé. Je ne fais pas de la provocation : j'ai vu sourire certains d'entre vous. Quand vous évoquiez la hausse du chômage, ils étaient ravis ! (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.)
Vous pouvez protester autant que vous le voulez ! Vous nous avez injuriés pendant une bonne partie de la soirée, permettez-moi donc d'exprimer ce que j'ai sur le coeur. Je me suis senti visé lorsque vous nous avez traités de voyous, et je ne l'admets pas !
Pour moi, même si vous n'aimez pas ce terme, le CPE permet un assouplissement. Depuis des années, nous enserrons notre économie dans des carcans qu'elle ne peut plus supporter. Nous vivons dans un monde économiquement ouvert, auquel nous devons absolument nous adapter. Je souhaite que certains d'entre vous ouvrent les yeux et reconnaissent que le CPE est positif pour nos jeunes.
En tout cas, pour ma part, à chaque fois que je verrai un jeune entrer dans une entreprise grâce au CPE, y passer deux ans puis y rester, je considérerai qu'il s'agit d'une victoire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Et quand il sera licencié ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà, le MEDEF s'est exprimé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...
Je mets aux voix l'article 3 bis.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe CRC, la deuxième, du groupe socialiste et, la troisième, du groupe UMP.
M. Robert Bret. Et le RDSE ? (Sourires.)
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 96 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 172 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP- Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
8
NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Henri de Richemont, Patrice Gélard, Philippe Goujon, François Zocchetto, Mmes Michèle André et Josiane Mathon-Poinat.
Suppléants : MM. Nicolas Alfonsi, Yves Détraigne, Charles Guené, Jean-René Lecerf, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. Richard Yung.
9
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de Mme Bariza Khiari, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives au tourisme.
Le rapport sera imprimé sous le n° 227 et distribué.
10
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 1er mars 2006, à neuf heures trente, quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 203, 2005 2006) un projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence ;
Rapport (n° 210, 2005-2006) présenté par M. Alain Gournac, au nom de la commission des affaires sociales ;
Avis (n° 211, 2005-2006) présenté par M. Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles ;
Avis (n° 212, 2005-2006) présenté par M. Pierre André, au nom de la commission des affaires économiques ;
Avis (n° 213, 2005-2006) présenté par M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation ;
Avis (n° 214, 2005-2006) présenté par M. Jean-René Lecerf, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi modifié par une lettre rectificative relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (n° 326 rectifié, 2001 2002) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mars 2006, à onze heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 mars 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 1er mars 2006, à deux heures trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD