M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 78 est-il maintenu ?
M. Bernard Vera. J'ai écouté attentivement M. le rapporteur général et M. le ministre délégué, mais leurs explications ne m'ont pas convaincu. Je ne sais d'ailleurs pas s'ils sont eux-mêmes convaincus. (M. le ministre délégué s'exclame.)
Au regard de la lucidité et du courage, je crois qu'il serait bon que nous votions ces amendements ce soir. Nous maintenons le nôtre !
M. le président. Madame Létard, l'amendement n° 125 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Je vais le maintenir, même si cela doit décevoir M. le ministre délégué, ce qui n'est certainement pas mon but.
Vous avez affirmé, monsieur le ministre délégué, que cet amendement avait été examiné et voté dans l'urgence. Or il a été longuement débattu et adopté tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Valérie Létard. Il a même été réécrit au sein de la commission des finances de notre assemblée avant d'être présenté en séance publique par Mme Keller et de recevoir le soutien d'une large majorité des sénateurs, toutes tendances politiques confondues.
Cela étant, je m'étais engagée dans la vie parlementaire en pensant que le Sénat et l'Assemblée nationale pouvaient véritablement contribuer à faire progresser et à enrichir les débats, or voilà deux fois, en quelques semaines, que l'on nous impose une seconde délibération.
Je dois avouer qu'il est très décourageant, lorsque l'on est convaincu d'avoir un travail tout de même important à accomplir, ce qui est notre cas à tous dans cet hémicycle, de se voir opposer ces secondes délibérations si des votes ne sont pas conformes à ce qui était attendu. Je pense vraiment que le Parlement doit pouvoir s'exprimer sans être contrecarré à chaque fois de cette façon. En tout cas, cela me pose problème en tant que jeune parlementaire.
Enfin, s'agissant de la concurrence de la Chine et de la nécessité, que vous avez évoquée, de ne pas mettre en péril la filière textile française, je redis que plus de 80 % du textile à recycler provient de pays à bas coûts de production. Pour notre part, nous fabriquons plutôt des produits textiles à forte valeur ajoutée, qui seront moins taxés parce qu'ils sont fabriqués en moins grande quantité. Les produits importés de Chine seront certainement plus lourdement taxés, eu égard à leur volume, que les nôtres.
Je tiens d'ailleurs à rappeler qu'aucune distorsion de concurrence n'est à redouter, puisque la taxe s'appliquera au stade de la grande distribution, donc autant aux marchandises importées qu'aux produits fabriqués sur le territoire national.
Nous travaillerons peut-être ultérieurement sur ce dossier, monsieur le ministre délégué, mais, pour l'heure, je souhaite maintenir mon amendement.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je prends la parole sur cet amendement en tant qu'élu d'une zone à forte vocation textile. D'ailleurs, dès demain matin, je participerai à la tentative de sauvetage du dernier tissage de mon canton.
Je sais bien que ce n'est pas cette taxe qui condamnera ou sauvera notre industrie textile. Pour autant, elle n'est pas neutre.
Je souhaite, en ce qui me concerne, que l'on parvienne à financer une filière textile complète depuis la fabrication du produit jusqu'à son recyclage, en passant par toute la phase créative. Dans cette perspective, il serait inopportun de sortir l'activité d'Emmaüs de cette filière globale où elle a toute sa place. Vouloir opposer les ateliers d'Emmaüs à la filière textile serait une erreur et signerait la fin et du textile et des activités de recyclage.
Il faut garder bien présente à l'esprit cette vision globale de cette filière pour lui donner à toute sa vigueur.
Par ailleurs, les deux chambres du Parlement se sont prononcées à deux reprises en faveur d'une proposition visant à financer l'activité de recyclage. En dépit de tout ce qui peut se dire sur la versatilité des majorités parlementaires, en l'occurrence, deux expressions majoritaires se sont dégagées sur deux textes différents.
Pour ma part, j'ai été impressionné par M. le rapporteur général, qui s'est montré très responsable dans son propos.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comme toujours !
M. Robert Del Picchia. Comme d'habitude !
M. Michel Mercier. Sans doute, mais j'aime garder mon indépendance de jugement et le fait de souligner cette caractéristique n'en donne que plus de poids à mon compliment.
Quoi qu'il en soit, son intervention devrait nous conduire à réfléchir.
Nous avons voté à deux reprises des amendements dont on ne peut pas dire que les signataires - je ne les nommerai pas, chacun les connaît ici - seraient de dangereux révolutionnaires qui souhaitent la mort de la filière textile.
Cette situation pose un vrai problème : celui de la prise en compte des souhaits majoritaires du Parlement. Dès lors que deux majorités se sont exprimées sur des propositions qu'il juge imparfaites, le Gouvernement n'a-t-il pas le devoir de proposer un texte correctement rédigé et acceptable par tous ?
Mme Jacqueline Gourault. Eh oui !
M. Michel Mercier. Faute de l'avoir fait, nous avons perdu du temps !
Il ne nous appartient pas, monsieur le ministre délégué, de donner des ordres à l'exécutif, mais si vous nous proposiez un vrai calendrier, avec des dates claires qui témoignent fortement de votre engagement, nous pourrions envisager les choses avec plus d'optimisme.
Le Gouvernement ne pourrait-il pas à la faveur du projet de loi pour le retour à l'emploi, dont nous savons qu'il viendra en discussion devant le Sénat vers la fin du mois de janvier, déposer un amendement ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce serait un amendement de caractère financier.
M. Michel Mercier. Certes, mais, si nous devons attendre l'examen du prochain projet de loi de finances, nous perdrons encore un an !
Puisque de nouveaux textes vont être discutés, je veux savoir si le Gouvernement peut, à partir d'un calendrier clair, prendre des engagements précis. Je crois que cela satisferait tout le monde...
M. Jean Desessard. Pas nous !
M. Michel Mercier. ...et permettrait à Mme Létard d'appréhender plus sereinement la situation que lorsqu'elle vous voit ignorer les votes intervenus, à deux reprises, à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Si vous voulez aller plus loin, monsieur le ministre délégué, soyez précis dans vos engagements !
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, il nous est proposé, une nouvelle fois, d'instaurer une taxe sur la distribution de produits d'habillement afin de financer le recyclage des vêtements.
Je tiens à souligner que nous avons déjà longuement discuté, à deux reprises et récemment, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, de cette proposition. Nous l'avons fait pour la première fois le 4 décembre, dans le cadre de nos travaux sur la mission « Écologie et développement durable ». Nous avions alors longuement débattu de cette question et j'avais moi-même, en tant que rapporteur de la commission des affaires économiques, déposé un amendement qui différait de celui de Mme Keller.
Il s'est trouvé qu'à la suite des explications très précises fournies par Mme Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, la très grande majorité du groupe UMP n'a pas apporté son soutien à l'amendement de Mme Keller et que j'ai donc retiré le mien.
Nous estimions qu'il n'était pas nécessaire de légiférer dans l'immédiat et dans l'urgence sur ce sujet. En outre, toujours au cours du même débat, Mme Olin avait rappelé que, en tant que ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, elle s'était déjà préoccupée de la situation particulière de l'association Le Relais en s'engageant à l'aider à hauteur de 500 000 euros pendant trois ans.
Cette position avait été confirmée lorsque, pour la deuxième fois, nous avons eu l'occasion d'aborder cette question, à l'occasion de la deuxième délibération, le 12 décembre dernier, alors que M. Jean-François Copé se trouvait déjà au banc du Gouvernement.
Aujourd'hui, nous sommes le 20 décembre : pourquoi notre position aurait-elle varié dans un si court intervalle ? Il n'y a pas de raison véritable raison pour cela : les arguments qui étaient valables le 4 et le 12 décembre le restent aujourd'hui. De plus, le dispositif que l'on nous propose par cet amendement est loin d'être stabilisé. Il n'a pas plus été l'objet d'études de faisabilité ou d'impact que d'évaluations chiffrées. La collecte de ladite taxe s'avérerait, en outre, excessivement coûteuse.
Dans ces conditions, il nous apparaît que la position la plus sage serait de continuer à travailler sur ce dossier, d'autant qu'à l'instar de Mme Nelly Olin M. le ministre a proposé de créer un groupe de travail avec l'ensemble des acteurs impliqués pour trouver une issue équilibrée pour tous.
Le Sénat est réputé pour légiférer dans la sérénité. Cela signifie qu'il le fait généralement après avoir analysé en profondeur le texte qui lui est soumis. La précipitation ne peut en effet qu'être mauvaise conseillère, surtout lorsqu'il s'agit de créer une taxe nouvelle.
Vous l'aurez compris, monsieur le président, il ne s'agit nullement d'éluder la question qui nous est posée mais, au contraire, d'y trouver une réponse juste et responsable. C'est pourquoi le groupe UMP ne votera pas ces amendements.
M. Jean Desessard. Curieuse façon de faire !
M. Jean Bizet. Je salue l'élan de coeur et de générosité de nos collègues qui, en signant ces amendements, ont relancé le débat, mais je remarque, comme lors de la discussion précédente, que les collectivités locales sont absentes de toute cette opération de grand tri sélectif. J'insiste donc sur la nécessité de remettre à plat, dans un souci d'efficacité et de justice, tous les éléments de ce dossier.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. À cette heure tardive et à ce stade de notre débat, je voudrais rappeler que nous avons eu déjà cette discussion à plusieurs reprises.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Bizet, dont j'ai apprécié le propos à la fois sage et mesuré.
M. Jean Desessard. Bien sûr, c'est la même que le vôtre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous êtes drôle, vous : il peut m'arriver d'être sage ! (Sourires.)
On a donc déjà beaucoup parlé de tout cela ...
Mme Valérie Létard. Et nous avons voté !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui, à ma connaissance, vous avez même voté à deux reprises : en première et en seconde délibération !
Les propos de M. Bizet m'ont fait penser qu'après s'être exprimé, le Gouvernement pourrait se contenter d'attendre le vote dont tout laisse à penser qu'il aboutirait au rejet de ces amendements.
Je voudrais, moi, essayer d'aller un peu plus loin : puisse cet échange, que j'ai pour la première fois avec Mme Létard, bien se terminer ! Essayons de croire en l'avenir.
Peut-on imaginer que la proposition que j'ai faite, en rebondissant sur l'intervention de M. Mercier, de travailler ensemble s'inscrive dans une perspective immédiate ? Non ! Pour autant le calendrier de nos travaux ne sera pas repoussé de dix ans, mais seulement jusqu'aux premières semaines de l'année 2006.
Vous avez fait état du prochain examen du projet loi pour le retour à l'emploi que défendra devant vous, à la fin du mois de janvier, M. Borloo : je ne pense pas que nous serons prêts pour cette date, mais rien ne nous empêchera, en revanche, d'avoir un débat de fond et pas seulement en séance.
Puisqu'il s'agit de créer une taxe et que les hasards de la vie font que mon ministère a quelque chose à voir avec le budget (sourires), vous me permettrez de m'étonner que M. Jego que, par ailleurs, j'aime bien et qui est élu d'un très beau département, n'ait pas pensé une seule seconde à associer à son projet le ministre délégué au budget. Étant de très aimable commerce, je m'empresse de préciser que je le dis sans la moindre susceptibilité, mais il n'empêche que je trouve un peu énorme que, sur des sujets aussi essentiels, on parle de tout, partout, et avec tout le monde, sauf avec le ministre chargé du budget ! (Sourires.)
J'ai envie de livrer ma part de vérité et, éventuellement, de susciter un débat en demandant aux parlementaires concernés par cette question, toutes tendances confondues, de vérifier que c'est bien la meilleure formule et qu'il n'en existe pas d'autre.
Il me semble que ce débat est loin d'être inintéressant et que nous pouvons l'engager. Si votre argument, madame Létard, qui consiste à dire « nous l'avons eu sans vous et le Parlement a tous ses droits » est imparable, il n'en reste pas moins que le ministre chargé de veiller à ce que la taxe soit appliquée est le ministre délégué au budget et que si ledit ministre ne publie pas les deux ou trois décrets qui s'imposent, la taxe ne verra jamais le jour...
Voulez-vous que nous tournions autour du pot ou que nous jouions au chat et à la souris ? Bien sûr que non ! Nous avons intérêt à essayer d'avancer ensemble, et c'est tout le sens de ma proposition. N'y voyez aucune arrière-pensée !
Voilà pourquoi, madame Létard, je rebondis volontiers sur le propos de M. Mercier en vous proposant de retirer votre amendement au bénéfice d'un travail que nous conduirions en commun, et sérieusement, sur cette question parce que, si nous visons le même objectif, j'ai quelques hésitations sur les moyens de l'atteindre.
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Au-delà d'une certaine heure, il n'est plus tard, il est tôt !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... et que nous avons encore un certain nombre d'amendements à examiner, vous pourriez accepter ma proposition.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce débat, extrêmement riche, nous met au coeur de toutes nos contradictions et de toutes nos attentes.
Je l'ai vécu une première fois dans la nuit du 3 au 4 décembre, entre deux heures trente et quatre heures du matin et il est vrai que le Sénat s'est, ce jour-là, prononcé à une majorité, très courte, mais néanmoins incontestable, pour l'amendement que Mme Keller présentait au nom de la commission des finances.
Sur le fond, ce texte n'est techniquement pas au point. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission avait reporté son application au 1er janvier 2007, et non pas au 1er janvier 2006 comme l'avaient souhaité les députés.
Ce soir-là, j'ai voté cet amendement. J'ai participé à la commission mixte paritaire et je me suis rallié à l'idée de travailler cette question, car c'est une ardente obligation.
Nous venons de voter un amendement présenté par MM. de Montesquiou et Mercier. Il concernait les déchets issus des industries électroniques, mais ses dispositions étant encadrées par une directive européenne, la CEEE, leur application sera la même en France que dans les autres pays de l'Union européenne.
À l'inverse, l'initiative qui nous est présentée ne visera que la France, et c'est en quoi le dispositif est imparfait : pensez que pour les achats effectués à distance et dans un autre pays de l'Union européenne, les consommateurs ne participeront pas au paiement de cette taxe ! Je sais qu'elle est modique, mais demandons-nous comment elle pourra être mise en recouvrement : sur ce point, le texte dans sa rédaction actuelle est encore très imparfait.
Je pense que, sur le fond, nous sommes tous d'accord sur cette fiscalité écologique, mais je ne souscris pas à vos propos, madame Létard, quand vous déclarez que la Chine exporte des produits « bas de gamme » : j'ai rencontré, il y a quarante-huit heures, un chef d'entreprise travaillant dans le secteur de la maroquinerie, qui m'a confirmé que cette industrie de luxe était aujourd'hui directement concurrencée par les producteurs chinois et autres.
Mes chers collègues, il reste encore quelques industriels en France dans le secteur du textile, dans le secteur du cuir et de la chaussure. Or, vous n'ignorez pas que, lorsque vous créez une taxe sur la distribution, - et je le répéterai ultérieurement à propos de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA - elle pèse en fait sur la production.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, les distributeurs n'augmentent jamais les prix ; toutes les publicités sont faites en référence aux prix et chacun veut prendre des parts de marché en baissant les prix.
Par conséquent, à chaque fois que vous mettez une charge sur la distribution, vous la mettez en fait sur la production.
Cela n'est pas gênant quand le producteur est en Chine ou ailleurs, mais c'est extrêmement gênant quand le producteur est en France, parce que vous fragilisez un peu plus les entreprises qui sont encore sur le territoire national.
Je voudrais vraiment qu'autour de ces questions, qui sont vitales, nous puissions ensemble prendre un moment de respiration et de réflexion pour aller jusqu'au bout des réformes à accomplir.
C'est en ce sens que la commission des finances imagine, par exemple, un autre financement de la protection sociale. J'espère que nous réussirons un jour à vous convaincre, monsieur le ministre délégué, et qu'enfin vous avancerez dans cette direction.
Quand on évoque la TVA sociale, on pense toujours à une charge supplémentaire. En fait, dans notre esprit, ce sont des charges en moins pour alléger le coût du travail et redonner de la compétitivité à ce qui se fait en France.
Mme Marie-France Beaufils. C'est une charge supplémentaire pour ceux qui achètent !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Létard, monsieur Vera, il serait vraiment dommage que le dispositif que vous proposez soit mis en minorité au moment du vote, car, sur le fond, je suis convaincu que nous y sommes tous favorables, à condition de l'ajuster et de nous prémunir contre les effets néfastes que je me suis permis d'indiquer devant vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être pourrais-je ajouter, monsieur le ministre délégué, que nous aurons des rendez-vous l'année prochaine, qu'il s'agisse du projet de loi présenté très prochainement par Jean-Louis Borloo, mais aussi, nous l'espérons, d'un indispensable projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique, financier et fiscal, au cours du premier semestre de 2006.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas bien délibérer sous pression. Ayons la lucidité de le constater : nous sommes sous la pression extérieure.
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. François Marc. Mais non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais si, mes chers collègues ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Nous ne pouvons pas faire, sur un sujet aussi délicat, avec les effets contradictoires qui peuvent en résulter, une bonne législation dans de telles conditions.
Il importe de saisir la perche qui a été tendue très opportunément par le M. Michel Mercier : un calendrier, un but et des résultats, dans quelques mois, que nous puissions tous assumer ! Car, ce soir, nous risquons de nous diviser sur un sujet qui devrait, au contraire, nous rassembler et faire l'unité.
M. Thierry Repentin. Une synthèse ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel sens aurait en effet une décision qui serait obtenue à l'arraché, à quelques voix près ?
M. Jean Desessard. C'est cela, la démocratie !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devrions accepter de reprendre ce sujet calmement : saisir à la fois la proposition du ministre délégué au budget et celle de M. Michel Mercier, tenir compte des remarques judicieuses de notre collègue Jean Bizet, de celles et ceux qui se sont exprimés, remettre cela sur le métier et aboutir dans les mois qui viennent. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean Desessard. Le rapporteur répond au ministre, qui répond au rapporteur, pourtant ils sont d'accord !
M. François Marc. Ah bon ?
M. Jean Desessard. Vous avancez entre vous !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je crois comprendre que nous nous rejoignons sur l'idée de travailler plus avant un sujet extrêmement complexe, aux interactions nombreuses.
Je propose donc d'être parmi ceux qui piloteront ce groupe de travail avec vous. Je ne peux vous donner avec précision le calendrier. À la fin du mois de janvier ? Le délai serait trop court, mais nul n'imagine attendre le prochain projet de loi de finances : je pense donc que nous pourrions envisager un prochain DDOEFF.
Je vous demande de prendre l'engagement de travailler sur tous les aspects, même si cela doit vous conduire à vous interroger sur le principe même de la taxe, qui n'est peut-être pas après tout la meilleure formule, de telle sorte que nous étudions tous les scénarios possibles. Dès lors, pour reprendre la préoccupation du président de la commission des finances et du rapporteur général, nous ne serons plus dans l'urgence, mais bien dans la réflexion.
De surcroît, je veux absolument que la réflexion au sujet de la répercussion des taxes sur les prix des producteurs par rapport à la distribution, évoquée par M. Arthuis, figure dans ce débat, car elle est essentielle.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 125 rectifié est-il maintenu, madame Létard ?
Mme Valérie Létard. On ne peut que souscrire au but visé par cet amendement, puisqu'il s'agit de préserver la filière textile, à laquelle nous tenons tous. Le secteur d'activité dont il s'agit, je le répète, a montré toute son utilité sociale, et aurait vocation à se développer, au-delà de l'économie solidaire, en s'ouvrant à d'autres secteurs de l'activité économique marchande.
Évidemment, je ne cherche pas à mettre les uns et les autres en difficulté, mais il s'agit bien pour moi de trouver une solution dans des délais relativement brefs.
Puisque vous vous engagez à ce qu'une réflexion partagée, avec une vision à la fois économique et sociale, respectueuse de la filière textile, aboutisse, avant le prochain budget, à une solution dont tout le monde sortira gagnant, et dans laquelle on préservera une filière aujourd'hui en péril, je vous fais confiance, monsieur le ministre délégué, et, dans ces conditions, j'accepte de retirer mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 125 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 78.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai écouté les arguments qui ont été avancés : on ne peut affirmer sérieusement que la mesure que nous proposons pourrait mettre en cause l'industrie textile ! Nous savons très bien que cette mise en cause a commencé quand l'activité textile a été déplacée dans les pays du Maghreb pour diminuer les coûts salariaux.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas la peine d'en rajouter !
Mme Marie-France Beaufils. Ensuite, si l'amendement n'est pas complètement au point, comme M. le ministre délégué vient de l'indiquer, sa mise en oeuvre nécessitera des décrets d'application. Installons plutôt un groupe de travail sur ces textes d'application. Et si vous estimez que le texte doit évoluer, vous pourrez toujours saisir l'occasion de la discussion des autres projets de loi que M. le ministre délégué a mentionnés.
Par conséquent, nous devrions plutôt adopter cet amendement. Ainsi, la Haute Assemblée signifierait qu'elle veut avancer sur ce sujet. Les délais ne cessant de s'allonger, nous devons affirmer qu'il importe qu'une position soit prise dès aujourd'hui.
Vous l'aurez compris, nous maintenons l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 78.
M. Jean Desessard. Je voudrais tout d'abord rappeler à M. le ministre délégué, qui indiquait que nous ne pouvions pas voter une telle mesure, brutalement, ce soir, que la discussion a été longue ici, dans la nuit du 3 au 4 décembre, et qu'il y a eu plusieurs échanges avec l'Assemblée nationale.
Il n'en a pas été de même d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale, sur le Syndicat des transports d'Île-de-France, ...
M. Jean Desessard. ...voté brutalement, violemment, à la sauvette, pour que la région d'Île-de-France n'ait plus la responsabilité des transports et soit soumise au diktat de quelques conseillers généraux de droite !
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Jean Desessard. Vous auriez mieux fait de prendre le temps de réfléchir et d'installer sur ce sujet un groupe de travail avec les intéressés, monsieur le ministre délégué.
M. Jean Desessard. En ce qui concerne la faisabilité, ma collègue communiste a souligné le rôle des décrets. (Mais non ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Pas en matière fiscale, vous vous trompez !
M. Jean Desessard. Vous vous engagez à organiser un groupe de travail et vous demandez à Mme Létard de vous faire confiance, or je doute que vous vous accordiez sur le principe même d'une taxe, sinon il serait facile de voter l'amendement dès aujourd'hui. En réalité, le fait de taxer les producteurs de textile, qu'ils soient à l'étranger ou en France, suscite un véritable désaccord.
Et vous vous trompez !
C'est une mesure écologique, puisqu'elle permet le recyclage des vêtements qui peuvent encore servir - c'est une mesure d'économie, c'est une mesure écologique.
C'est une mesure sociale, puisqu'elle permet la réinsertion dans le monde du travail d'une catégorie de personnes qui en était éloignées.
C'est une mesure économique, puisque l'on crée des emplois.
C'est une mesure pour la production de proximité, puisque la contribution demandée, 10 centimes d'euro par kilo, est la même pour les produits importés et pour les produits fabriqués en France.
Les produits les moins chers sont les produits importés, donc cette taxe pèse davantage sur les produits importés par rapport aux produits créés en France et limite même l'effet de la concurrence. De ce point de vue aussi, nous pourrions même dire qu'elle est économique.
Cette mesure ne serait pas intéressante au niveau économique, monsieur le rapporteur général. Que voulez-vous dire par là ? Que les personnes qui retrouveraient un emploi grâce à cette taxe ne devraient pas en retrouver ? En fait, nous ne sommes pas dans cet élan du coeur que vous avez invoqué, nous sommes seulement séduits par l'idée.
Soit nous ne créons pas les emplois, les gens restent dans la rue, et cette taxe est effectivement inutile ; soit nous voulons leur trouver un emploi autrement, mais il convient alors de préciser qui va payer : l'État, les ASSEDIC ?
Et ici, nous refuserions une mesure favorable à l'insertion simple, écologique, économique et de proximité ? Quel dommage !
Madame Létard, vous avez eu tort de retirer votre amendement, car je doute que le groupe de travail décide d'instaurer une taxe sur les produits textiles : les nouveaux métiers de recyclage des vêtements usagers ne seront pas créés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ces nouveaux métiers existent, monsieur le ministre délégué, il ne s'agit pas de les créer, mais bien de les sauver.
M. Jean Desessard. Je suis d'accord !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je suis ingénieur et j'ai travaillé dans le textile ; je viens de sauver une entreprise de ce secteur, avec l'aide, d'ailleurs, de votre collègue M. Larcher.
M. Auguste Cazalet. Très bien !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cette taxe, selon moi, ne menace en rien la filière textile. Nous devons nous en convaincre les uns et les autres, à gauche comme à droite. Ensuite, nous pourrons construire quelque chose de nouveau.
Qu'il y ait une taxe ou pas, ce n'est pas un centime d'euro sur une chemise, par exemple, que nous payons 50 ou 60 euros, qui aura une incidence... Il faut être raisonnable ! (Protestations sur certaines travées de l'UMP.)
J'ai vu disparaître des pans entiers de l'industrie textile, sous des prétextes fallacieux,...
M. Jean Desessard. Absolument !
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ...en tant qu'ingénieur chargé de l'organisation.
Nous devons réagir face à ces fantasmes, il y va de l'honneur du Parlement. Il s'agit en réalité de taxer l'industrie chinoise, et nous sommes tout à fait dans l'esprit d'une TVA sociale, que je soutiens totalement.
Je demande à M. le ministre délégué de s'engager solennellement à créer cet outil nécessaire au développement du recyclage.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il ne s'agit pas simplement d'emplois sociaux, il s'agit aussi de la filière du recyclage. Nous l'avons fait avec la société Éco-Emballages, et cela fonctionne très bien. Pourquoi ne serait-ce pas possible pour les produits textiles ?
Nous devons prendre solennellement l'engagement, ce soir, de créer une taxe très modeste de 1 centime d'euro sur un produit qui peut valoir, au plus bas prix, dix euros. C'est peu, 1 centime d'euro !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais on l'a pris !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En ce qui concerne les distributeurs, je sais qu'il existe des problèmes techniques, et ils doivent être réglés. Je n'ignore pas cette problématique, mais je demande réellement à M. le ministre délégué de prendre l'engagement ...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ... de créer cette taxe, et non de promettre d'essayer de trouver éventuellement un moyen de la créer !
Je demande un réel engagement de la part du Gouvernement et j'attends, ce soir, que la voix des deux assemblées soit entendue !
En tout état de cause, je n'ai pas été convaincu par les propos de M. le ministre délégué ! (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Dans cet hémicycle comme à l'Assemblée nationale des votes tout à fait clairs ont déjà eu lieu sur ce sujet.
Un engagement de principe se révèle aujourd'hui nécessaire et notre groupe a été favorable, au travers de tous les votes par lesquels il s'est exprimé, à la création de cette taxe.
Il s'agit de développement durable, de recyclage et de consolidation d'emplois stables dans une filière. Nous savons tous qu'il y a, dans chaque filière économique, un maillon qui est plus faible que les autres.
Nous évoquons souvent l'agriculture et l'agroalimentaire, et nous savons que la difficulté aujourd'hui pour les agriculteurs est d'arriver à tirer un revenu correct de leurs produits. Voilà le maillon faible du secteur.
Dans le textile, le maillon faible est l'aval de la filière et le recyclage nécessaire des produits, voire leur élimination.
Soit nous nous engageons à recycler davantage, et nous trouvons des solutions acceptables, soit nous allons vers l'élimination. Dans ce dernier cas de figure, les collectivités publiques se verront confier la mission de l'élimination des déchets, avec évidemment toutes les conséquences que l'on sait. Les chiffrages ont été réalisés et nous savons ce que coûtera au contribuable.
L'enjeu est considérable et un engagement de principe du Parlement, sur ce point, dans un contexte où il est tant question de développement durable, me paraît être très important.
Avons-nous été convaincus par les nouveaux arguments qui ont nous ont été présentés aujourd'hui ? La réponse est négative.
Quatre arguments ont été utilisés contre cet amendement.
Premièrement, on nous a fait valoir les inconvénients qu'il y aurait à créer une taxe supplémentaire. Or j'attire votre attention sur le fait qu'au moins quatre ou cinq taxes ont été instaurées ces quinze derniers jours : la taxe sur les éoliennes, la taxe sur l'abattage, les taxes sur l'environnement, la taxe pour les collectivités qui accepteront sur leur territoire des décharges de classe II et j'en passe un certain nombre !
Deuxièmement, quant à pénaliser la mesure filière, mon collègue a indiqué à l'instant à quel point cet argument ne tenait pas : 80 % des textiles sont importés et il ne s'agit, au fond, que d'une taxation de 1 centime d'euro par vêtement. La filière ne saurait être mise en péril !
Troisièmement, on nous a dit que le recouvrement serait rendu plus complexe. M. le ministre délégué n'accorde pourtant pas habituellement un grand crédit à ce genre d'arguments - mais je sais que sa position est déjà prise - puisque les dispositions qui ont été votées ces derniers jours engendreront, elles aussi, de nombreuses complexités administratives supplémentaires !
Quatrièmement, enfin, on nous oppose qu'une telle mesure porterait atteinte à la filière du recyclage que l'on souhaite précisément aider. Pour ma part, je ne comprends pas cet argument : la filière demande de l'aide et l'aide qu'elle demande la mettrait en difficulté ?
Nous avons tous bien conscience de la gravité du problème ici posé. Il s'agit de consolider aujourd'hui 3 000 emplois, de permettre la création de nouveaux emplois dans le secteur du recyclage, de favoriser le développement durable et de traiter de la question de l'insertion.
Tout cela, mes chers collègues, justifie pleinement que nous nous prononcions par un vote de principe sur ce sujet sensible. Des dispositions pratiques doivent être mises au point le plus rapidement possible, mais, à défaut d'un tel engagement de principe du Parlement, je crains que la concertation annoncée pour les mois à venir ne trouve un aboutissement que dans plusieurs mois, voire dans plusieurs années !
Il est donc important que nous votions dès aujourd'hui sur le principe. C'est la raison pour laquelle cet amendement est tout à fait justifié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)