PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98,99).
Solidarité et intégration
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité et intégration » (et articles 88 et 89).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je formulerai deux observations de méthode.
Au 10 octobre, date limite fixée par la LOLF, je n'avais reçu que 27 % des réponses à mon questionnaire budgétaire. Les ministères doivent donc réaliser encore un effort important pour répondre aux exigences de la LOLF.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ils ont des marges de progression, monsieur le rapporteur spécial !
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Par ailleurs, les crédits budgétaires ne donnent pas une vision exhaustive de cette mission. Je voudrais souligner l'importance des dépenses fiscales qui contribuent à titre principal aux actions menées dans le cadre de cette mission : elles s'élèveront à 9,5 milliards d'euros en 2006, contre 12,2 milliards d'euros de crédits.
Cela étant, je formulerai deux remarques de fond.
Tout d'abord, cette mission comprend un programme support qui rassemble des crédits de personnel de programmes relevant de trois missions différentes. Je voudrais rappeler que notre commission s'était prononcée, dès le départ, contre cette solution, qui apparaît contraire à l'esprit de la LOLF. La commission des finances souhaite donc que le ministère de la santé et des solidarités reconsidère le choix qui a été opéré.
Mais la seconde et principale caractéristique de cette mission tient dans l'étroitesse des marges de manoeuvre dont paraissent disposer les gestionnaires concernant les principaux postes de dépenses.
D'une part, les dépenses les plus importantes, comme l'allocation aux adultes handicapés ou l'allocation de parent isolé, sont difficilement maîtrisables, dans la mesure où elles répondent à une logique de guichet au profit des personnes concernées.
D'autre part, plusieurs dépenses font l'objet de sous-évaluations récurrentes qui préemptent les marges de manoeuvre des gestionnaires. À cet égard, le présent projet de budget ne déroge pas à cette tradition, ce qui soulève un réel problème de sincérité budgétaire.
Je m'en tiendrai à trois exemples qui ont particulièrement retenu l'attention de la commission des finances.
La dotation inscrite pour faire face aux dépenses liées à l'aide médicale de l'État est une nouvelle fois maintenue à un montant de 233,5 millions d'euros, alors que la tendance des dépenses sur les quatre derniers trimestres s'élève à 360 millions d'euros.
Les prévisions d'évolution du nombre des bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé et de l'allocation de parent isolé sont très optimistes au regard des évolutions passées. La commission des finances souhaite que le Gouvernement les justifie précisément.
Enfin, les dépenses relatives à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile paraissent également insuffisamment dotées et font régulièrement l'objet d'ouvertures de crédits en cours d'année par le biais de décrets d'avances.
Ma conclusion sera simple : que comptez-vous faire, madame la ministre, monsieur le ministre ?
Sous ces réserves, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur des travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, outre le financement des minima sociaux, les 12,2 milliards d'euros de crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006 doivent permettre de financer deux priorités : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et l'application de la loi « handicap » du 11 février 2005. C'est la raison pour laquelle ces crédits progressent de 3,5 % par rapport à 2005.
La commission des affaires sociales voudrait tout d'abord se féliciter du respect des engagements de l'État dans la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale : la création de nouvelles places d'accueil en centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, ou en maisons relais et en centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA, se poursuit. Les crédits prévus permettront même d'atteindre, avec un an d'avance, l'objectif de 7 000 places fixé par ce plan.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Cet effort s'inscrit dans le cadre d'une politique globale en faveur des immigrants, qui privilégie l'hébergement plutôt que le versement d'une allocation, comme en témoigne le resserrement des conditions d'attribution de l'allocation d'insertion, désormais rebaptisée « allocation temporaire d'attente ».
Le projet de budget pour 2006 traduit par ailleurs le succès du contrat d'accueil et d'intégration pour les étrangers. Sa généralisation à l'ensemble du territoire avant la fin de l'année 2006 est donc une bonne chose.
Dans le domaine du handicap, les programmes de créations de places seront également honorés, qu'il s'agisse des centres d'aide par le travail, les CAT, à la charge de l'État ou des établissements et services financés par l'assurance maladie. Cette année, l'intervention de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, permettra en outre d'amplifier - et non de remplacer - les efforts des financeurs de droit commun, ce qui correspond d'ailleurs davantage au rôle de la Caisse.
Soulignons enfin que les efforts engagés depuis deux ans en matière d'intégration scolaire des enfants handicapés commencent à porter leurs fruits : en deux ans, la scolarisation en milieu ordinaire a progressé de 30 % à l'école primaire et surtout de 70 % dans le secondaire.
Pour autant, la commission des affaires sociales estime que ce projet de budget n'est pas exempt de critiques.
La première concerne les transferts de charge vers la sécurité sociale : les dettes cumulées de l'État à l'égard de l'assurance maladie pour l'aide médicale de l'État s'élevaient à 400 millions d'euros fin 2004, celles à l'égard de la branche famille concernant l'allocation de parent isolé et l'allocation aux adultes handicapés se chiffraient à 337 millions d'euros
De plus, les prévisions de dépenses pour 2006 reposent sur des hypothèses plus qu'optimistes d'évolution du nombre de leurs bénéficiaires. Il nous paraît en effet impossible que les modifications apportées à ces trois prestations puissent avoir un effet positif aussi sensible en un an. S'agissant plus précisément de l'AAH, la prise en compte de l'impact de la loi « handicap » apparaît en outre très partielle. Un dérapage de ces dépenses nous semble donc une nouvelle fois inévitable, mais nous n'en sommes qu'à l'an I de la loi.
La deuxième critique porte sur les transferts opérés cette fois à l'égard des départements : l'augmentation du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion occasionne pour ces derniers un surcoût de 430 millions d'euros, qui n'a pas été compensé par l'État. Le Premier ministre s'est toutefois engagé à compenser intégralement à terme les dépenses liées à la gestion du RMI ; il s'agira donc de veiller à ce que cette compensation soit effective et rapide.
L'année 2006 constituera également pour les départements la première année de mise en oeuvre de la prestation de compensation du handicap. La commission des affaires sociales doute que celle-ci puisse se faire à coût constant pour les conseils généraux, et ce malgré l'apport de la CNSA. En effet, une fois financées la suppression de la condition de ressources et l'amélioration de la prise en charge pour les personnes les plus lourdement handicapées, les crédits seront insuffisants pour permettre une élévation des prestations versées dans les autres cas, sauf à ce que les départements consentent un effort supplémentaire ou que nos concitoyens acceptent de travailler un jour de plus.
M. Guy Fischer. Le 11 novembre ?
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Pourquoi pas, monsieur Fischer ? Je persiste et je signe !
Au lendemain de la guerre de 1914-1918 a été instituée une grande journée de fête nationale le 11 novembre. Depuis, presque tous les anciens combattants ont disparu puisqu'il n'en reste que six. Que faisons-nous pour honorer ces hommes qui ont sacrifié leur vie pour la nation ? Nous faisons la fête, et nous n'arrivons même pas à mobiliser les écoles !
Nous devons faire des sacrifices pour être solidaires de nos anciens combattants - par exemple, augmenter leur retraite - ou mener des actions de solidarité. Nous pourrions donc travailler le 11 novembre !
Mme Raymonde Le Texier. Et le 14 juillet !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Et, ce jour-là, on pratique le devoir de mémoire. Dans toutes les écoles, les enseignants expliquent ce qui s'est passé et le sacrifice de nos anciens.
Je reviens à mon propos sur les crédits de la mission. La commission des affaires sociales regrette que l'État reste en retrait dans la nouvelle architecture institutionnelle créée autour de la prestation de compensation : sa contribution au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et aux fonds départementaux de compensation est une simple reconduction des moyens antérieurement consacrés aux sites pour la vie autonome. Je crains que ce manque de mobilisation ne vienne décourager les efforts des autres financeurs extralégaux.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur des travées de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 15 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme consacré au handicap et à la dépendance représente près des deux tiers du budget de la mission « Solidarité et intégration ».
Je consacrerai donc la moitié de mon intervention aux nombreuses interrogations suscitées par la mise en oeuvre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, votée en février dernier.
Tout d'abord, je formulerai une remarque générale sur les crédits alloués à la politique du handicap cette année.
Je m'interroge - mais je crois malheureusement déjà connaître la réponse - sur le caractère, ou bien très optimiste ou bien non sincère, des chiffres avancés par le Gouvernement.
Je citerai un exemple : le montant attribué pour l'allocation aux adultes handicapés est fondé sur la quasi-stabilité des effectifs, alors qu'ils augmentent de 2,5 % en moyenne chaque année.
Derrière les bonnes intentions affichées par le Gouvernement, les moyens ne suivent pas, pas plus que les décrets d'application qui le contraindraient à tenir ses promesses. Et quand les décrets paraissent, ils provoquent toujours de profondes désillusions pour les personnes handicapées et tous ceux qui travaillent avec elles, en particulier dans les associations.
C'est le cas, en particulier, du décret sur la prestation de compensation, qui n'a en effet plus grand-chose à voir avec un droit, présenté comme universel, de disposer de son avenir, car les propositions sont bâties sur une approche des capacités de la personne, et non de ses projets individuels de vie.
En fin de compte, nous constatons plutôt la volonté de l'État de se tenir en retrait des mesures qu'il avance.
Il en est ainsi, par exemple, du financement des maisons départementales et de la compensation. En effet, on constate avec regret que l'État n'a pas engagé les moyens suffisants pour compenser ce nouveau dispositif, dont la charge est reportée sur les assurés sociaux au travers de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, ou des conseils généraux.
Par ailleurs, je souhaite compléter mon propos en abordant brièvement l'intégration des handicapés à la vie de la cité.
Ainsi, la proposition de financement des aides techniques et d'adaptation de l'habitat est plafonnée à des montants insuffisants par rapport aux surcoûts liés au handicap.
La réglementation de l'accessibilité s'établit a minima et multiplie les dérogations. La nouvelle loi réaffirme pourtant l'obligation d'accessibilité du cadre bâti et fixe un délai maximum de dix ans pour l'adaptation des bâtiments existants. Seule une politique d'accessibilité volontariste et durable permettrait de faire respecter véritablement ce droit.
L'intégration scolaire demeure insuffisante, même si un premier pas a été fait : si l'on fait le point sur la rentrée scolaire, force est de constater le manque d'auxiliaires de vie, qui pénalise de nombreux enfants en situation de handicap, voire les empêche de suivre une scolarité ordinaire.
Pourtant, dans une circulaire spécifique, le ministère de l'éducation nationale a affirmé le droit des élèves handicapés à s'inscrire dans l'école de leur secteur, dès la rentrée 2005. Annoncer un droit sans y associer toujours les moyens nécessaires relève, à nos yeux, de la supercherie.
Quant à l'intégration professionnelle, elle nous apparaît malheureusement quasiment compromise.
Aucune garantie n'est prévue dans le projet de loi de finances quant à la fixation d'une rémunération à 85 % du SMIC pour les personnes handicapées. Les montants alloués garantiront à peine la reconduction des ressources versées l'an passé.
Enfin, la loi du 11 février 2005 instaurait un système d'aide au poste en « entreprise adaptée » et en centre de distribution du travail à domicile.
Nous avons constaté avec colère que le coût unitaire retenu pour l'aide au poste en entreprise adaptée est de 11 400 euros par travailleur handicapé. Ce montant est non conforme aux engagements de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, qui a toujours annoncé un montant de 12 956 euros.
Les entreprises adaptées ne pourront pas supporter, avec seulement 11 400 euros d'aide au poste, les nouvelles charges qui pèsent sur elles. Elles sont dans une situation économique catastrophique.
Je vous rappelle que le chômage des personnes en situation de handicap est trois fois supérieur à celui de l'ensemble de la population.
Il est inacceptable et particulièrement cynique que la politique de non-discrimination se traduise, pour les salariés handicapés, par des files d'attente aux guichets de l'ANPE.
Dans la seconde partie de mon intervention, je dirai un mot sur la situation des familles monoparentales en particulier.
Le dernier rapport concernant les violences faites aux femmes est accablant. Les violences s'étendent et elles sont tristement corrélées aux conditions économiques et sociales que connaissent les familles.
En la matière, les centres d'hébergement d'urgence, ainsi que le nombre de logements pouvant accueillir les femmes victimes de violences, font terriblement défaut, madame la ministre.
M. Guy Fischer. Nous devons lutter contre le phénomène d'exclusion des femmes en s'attaquant à ses racines ; la violence conjugale en est la triste conséquence. La proposition de loi communiste et socialiste renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, adoptée le 29 mars 2005 par le Sénat, n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
M. Guy Fischer. Le texte sera donc examiné incessamment. Je vous remercie, madame la ministre !
Plus largement, les moyens attribués à la prise en charge des femmes victimes restent insuffisants, tout comme, en amont, les moyens qui pourraient garantir un revenu digne aux familles monoparentales, c'est-à-dire aux femmes seules avec enfants.
Avant transferts sociaux, 41,7 % des familles monoparentales - essentiellement des femmes avec enfants -disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté.
Et même en tenant compte de ces transferts, 13,9 % des familles monoparentales vivent dans la pauvreté, voire 20 % pour celles qui ont trois enfants, contre 6,2 % des couples avec enfants. Pourquoi un tel décalage entre l'ampleur de la question et son traitement ? Pourquoi ce manque d'intérêt, notamment lors de la conférence de la famille ? C'est un problème qui devrait être traité.
Le Gouvernement doit expliquer devant la représentation nationale comment il compte parvenir à une baisse du nombre de bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, si ce n'est par le développement de la misère et, à sa suite, le développement des discriminations et des violences.
Je vous rappelle que, selon l'Observatoire des inégalités, 14 % des familles monoparentales vivent dans la pauvreté, contre 6 % des couples avec enfants.
Les femmes sont aujourd'hui les premières victimes de l'exclusion.
Votre politique en matière de minima sociaux est alarmante, discriminatoire et anti-solidaire. Je m'attends au pire quant à la réforme dans ce domaine.
Bien au contraire, il faut tout faire pour ne pas stigmatiser des populations fragiles et il importe de garantir le respect de leur dignité.
L'allocation de parent isolé, qui constitue souvent l'unique ressource des mères isolées, doit continuer de leur garantir un minimum de moyens financiers. Il est important de le dire : ces femmes ne choisissent pas délibérément de demeurer dans l'assistance. C'est la raison pour laquelle nous devons les aider à surmonter les obstacles à leur insertion sociale et professionnelle durable.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Solidarité et intégration » regroupe désormais toutes les actions en faveur des publics les plus fragiles, mais nous constatons malheureusement que, pour 2006, les crédits inscrits sur la totalité de la mission représentent seulement l'équivalent des crédits dépensés en 2004.
La suite de mon intervention portera essentiellement sur les problèmes des chantiers d'insertion et de l'accueil des étrangers.
La fin des contrats emploi-solidarité au profit de nouveaux contrats, mieux rémunérés et donc plus onéreux en fonctionnement, comme les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, inquiète beaucoup les associations d'insertion par l'activité économique, car les chantiers d'insertion, outils essentiels de lutte contre l'exclusion, sont menacés à court terme. En effet, la loi de programmation pour la cohésion sociale impose aux employeurs une obligation de formation, sans financements supplémentaires.
Ces nouveaux contrats entraînent donc des surcoûts importants. Dans ma région, par exemple, selon le nombre de personnes accompagnées par les associations, selon leur adhésion ou non à des conventions collectives, ces surcoûts varient entre 15 000 et 230 000 euros par structure.
Dans cette situation, il est à craindre que les chantiers d'insertion ferment l'un après l'autre. Les associations tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois, sans être entendues. Madame la ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour répondre à leurs inquiétudes ?
J'en arrive au programme consacré à l'accueil des étrangers.
Avec 65 000 demandeurs d'asile, notre pays est le plus sollicité au sein de l'OCDE. À partir d'août 2006, le Gouvernement va créer 2 000 nouvelles places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile, mais c'est insuffisant au regard des besoins qu'il estime lui-même à 30 000. Aujourd'hui, on compte environ 16 000 places. Paradoxalement, le Gouvernement prévoit une diminution des demandes d'asile de l'ordre de 11 % en 2006.
Sur quels éléments se fonde-t-il pour établir de telles prévisions ? Sur le terrain, on observe plutôt l'inverse. Quels sont les indicateurs du Gouvernement ? En outre, il serait intéressant de savoir comment ces nouvelles places seront réparties sur le territoire : les départements frontaliers seront-ils prioritaires ?
Si je prends l'exemple de la Moselle, l'engorgement des structures d'hébergement est régulièrement dénoncé par les associations. Les demandeurs d'asile en attente de régularisation sont donc réorientés vers les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, les hôtels et les logements sociaux. La situation est pire encore en période non hivernale. Ainsi, cet été, à Metz, des familles avec des jeunes enfants ont été délibérément laissées à la rue pendant plusieurs semaines.
Ce sont des associations qui, heureusement, se sont mobilisées pour leur venir en aide. J'en profite pour rendre hommage à tous ces bénévoles qui font face quotidiennement à des situations d'urgence avec des moyens dérisoires. Elles ont droit à notre respect et à toute notre considération.
Sur le terrain de l'insertion, le problème majeur est celui du logement social, y compris pour les demandeurs d'asile acceptés par l'office français de protection des réfugiés apatrides, l'OFPRA. Le Gouvernement semble l'avoir compris, mais il aura fallu les événements des banlieues pour que le Président de la République manifeste sa volonté de faire respecter le seuil de 20 % de logement sociaux figurant dans la loi SRU.
Nous espérons que cette volonté ne restera pas lettre morte et que des dispositions drastiques seront prises. Malheureusement, au vu des débats qui se sont tenus ici même, lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, nous sommes plutôt pessimistes.
Par ailleurs, qu'en est-il de l'application de la directive européenne du 27 novembre 2003 ? Cette dernière prévoit notamment un suivi psychologique des demandeurs d'asile ayant été victimes de tortures. Il serait grand temps que le Gouvernement se mette en conformité avec la réglementation européenne autrement que pour trouver prétexte à ne verser l'allocation temporaire d'attente qu'à partir du moment où la demande d'asile est enregistrée auprès de l'OFPRA et à ne pas la verser en cas de refus d'hébergement dans un centre spécialisé. Il est à craindre, évidemment, que cette condition ne puisse être remplie étant donné l'insuffisance des hébergements.
En outre, avec sa faible dotation, notre politique en matière d'asile n'est respectueuse ni des droits de l'homme ni de la Convention de Genève, alors nous nous honorions, il n'y a pas si longtemps, d'en être les meilleurs défenseurs.
Le suivi sanitaire des demandeurs d'asile pose également un problème. Ce n'est qu'au terme d'une période de trois mois qu'ils peuvent bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU. Les personnes hébergées en hôtel, dans le parc social, ou celles qui sont à la rue ne bénéficient pas de suivi médical durant cette période. Ce délai peut constituer un facteur aggravant des pathologies, voire de contagion.
La question de leur prise en charge sanitaire immédiate doit donc être sérieusement prise en considération.
Enfin, nous ne pouvons que regretter l'amalgame trop fréquent entre la demande d'asile et l'immigration clandestine. Celle-là n'est pas une variante de celle-ci, ni un moyen de fraude aux procédures classiques de regroupement familial ou d'alimentation du travail clandestin. Il s'agit de personnes en danger qui fuient leur pays, et nous avons le devoir de les accueillir dignement à toutes les étapes.
Pour conclure, je souhaite dire un mot sur le programme « Égalité entre les hommes et les femmes ». Bien que son budget n'ait guère augmenté, j'espère qu'il sera une priorité pour le Gouvernement cette année.
Mme Gisèle Printz. Ne l'oublions pas, les femmes représentent 53 % de la population française.
Deux propositions de loi seront discutées à l'Assemblée nationale et au Sénat. Pour l'instant, elles ont connu un parcours très laborieux. L'une, résultant de l'initiative de mon collègue Roland Courteau, au nom du groupe socialiste, concerne les violences faites aux femmes. J'espère qu'elle sera reprise dans les mêmes termes, voire améliorée, par l'Assemblée nationale. L'autre concerne l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ces deux textes sont très attendus, car ils contribueront à améliorer la situation des femmes dans le monde du travail et dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances a profondément rénové l'architecture du budget de l'État, ce qui offre aux parlementaires que nous sommes la possibilité d'apprécier non seulement la pertinence des actions conduites par le Gouvernement, mais également leur efficience.
Il en est ainsi de son action en matière de solidarité et d'intégration.
Sans revenir sur les très nombreuses analyses qui ont suivi les événements récents, je me contenterai de quelques réflexions.
Qu'on le veuille ou non, tout d'abord, le partage des richesses et de la croissance crée de plus en plus d'inégalités dans le monde en général,...
M. Guy Fischer. Et en France en particulier !
Mme Isabelle Debré. ... mais aussi au sein des pays les plus développés.
Qu'on le veuille ou non, la recherche de solutions à ces problèmes de plus en plus complexes relève non seulement de la solidarité humaine, mais aussi de l'intérêt de notre communauté.
Qu'on le veuille ou non, plus personne n'est aujourd'hui à l'abri d'un accident de la vie, les actifs comme les inactifs, les femmes comme les hommes.
La pauvreté, la maladie, l'exclusion sont des réalités aux conséquences considérables.
Non seulement notre collectivité ne peut, par simple humanité, détourner son regard des drames qu'elle recèle, mais il est de son devoir de prendre en charge les mesures nécessaires pour les éviter.
Si je crois profondément que chacun sur terre doit affronter les aléas de la vie, je pense aussi qu'il revient à l'État d'accroître les chances des plus défavorisés, de soutenir les exclus et de donner à chacun les armes pour affronter les difficultés de l'existence.
Le budget de l'État doit donc s'inscrire dans cette nécessité républicaine.
Voilà posées, à mes yeux, mes chers collègues, les vraies questions.
Si la situation est aujourd'hui difficile pour beaucoup de nos concitoyens, je voudrais néanmoins exprimer mon optimisme et ma foi en l'action politique.
En effet, plus personne ne conteste que l'emploi est aujourd'hui au centre du débat politique. Malgré les difficultés que rencontre toujours notre pays à affronter les réformes et les changements pourtant nécessaires, les politiques volontaristes conduites par Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin créent les conditions d'un recul du chômage, d'un retour à la confiance des chefs d'entreprise, de la libération des énergies et de la réhabilitation du travail.
L'année 2005 a été particulièrement riche en initiatives en faveur des entreprises : loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, loi de sauvegarde des entreprises, loi en faveur des petites et moyennes entreprises. Ce sont des signaux forts que nous avons adressés à ceux qui font la prospérité et la vigueur de la France et que l'on a trop longtemps bridés par des lourdeurs administratives.
De même l'administration a-t-elle entrepris sa révolution technologique, plaçant ainsi la France parmi les acteurs les plus actifs dans le monde de l'internet administratif.
La gauche veut le partage et l'administration des emplois ; nous préférons la liberté d'entreprendre, la création de richesses, et l'efficacité du service commun.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Guy Fischer. Ce n'est pas pour demain !
Mme Isabelle Debré. À l'assistance qui déresponsabilise, nous préférons voir chacun disposer de tous les atouts pour choisir et maîtriser lui-même son avenir.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Isabelle Debré. Bien sûr, il reste beaucoup à entreprendre. Je suis néanmoins optimiste, car jamais un gouvernement n'avait autant exprimé la volonté de faire reculer la précarité et de recréer du lien social.
Mme Raymonde Le Texier. Croire au Père Noël, à votre âge !
Mme Isabelle Debré. Dois-je rappeler les apports de la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui s'attaque à toutes les causes de l'exclusion ? Dois-je rappeler nos ambitions contenues dans la loi portant engagement national pour le logement ? Dois-je rappeler notre volonté de lutter contre toutes les formes de discriminations, dont la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est un acteur majeur ? Dois-je, enfin, rappeler les principes d'action contenus dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ?
Ainsi, au-delà des polémiques, j'espère que nous nous retrouverons, à travers ce projet de loi de finances pour 2006, autour d'une volonté commune de faire reculer les inégalités, les égoïsmes et la précarité.
Plus de 1 milliard d'euros seront consacrés aux politiques en faveur de la prévention de la pauvreté et de la lutte contre l'exclusion, ce qui se traduira par un développement sans équivalent des dispositifs d'accueil d'urgence. Nous créerons ainsi 1 500 places nouvelles en maisons-relais et 500 places supplémentaires en centres d'hébergement et de réinsertion sociale.
L'année 2006 verra par ailleurs la montée en puissance de notre effort en faveur des rapatriés,...
M. Guy Fischer. Ah ! N'en parlez pas !
Mme Isabelle Debré. ... conformément aux engagements que nous avons pris dans le cadre de la loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
En ce qui concerne l'accueil des étrangers et l'intégration, parce que nous entendons faire preuve d'humanité tout autant que de sens des responsabilités, nous nous attacherons à développer les capacités d'hébergement des centres d'accueil des demandeurs d'asile, à intensifier les dispositifs favorisant l'intégration, et nous expérimentons depuis le 1er septembre 2005, dans vingt et un départements, une aide au retour pour les déboutés du droit d'asile.
Notre politique en faveur des familles vulnérables se traduira, quant à elle, par un soutien renouvelé et renforcé en faveur des familles monoparentales. Il était notamment de notre devoir d'améliorer l'accompagnement des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé en leur proposant un suivi personnalisé afin de favoriser leur retour à l'emploi.
Une telle politique ne pouvait réussir que si nous nous attachions à favoriser la garde des enfants. La réinsertion des adultes isolés est un objectif que nous atteindrons grâce à l'ambitieux programme de construction de places en crèche - 15 000 ont en effet été annoncées par le Premier ministre en complément des 57 000 places en cours de réalisation -, mais aussi en leur donnant priorité pour l'attribution de ces places.
La politique du handicap que nous développerons en 2006, priorité du quinquennat, s'inscrit pleinement dans le cadre fixé par le Président de la République.
Là encore, nous ferons preuve d'ambition et de volontarisme pour qu'enfin les personnes handicapées soient regardées avec le respect qui leur est dû et avec la compréhension des sujétions particulières de leur situation de handicap.
Ce sont 457 millions d'euros de mesures nouvelles, soit une hausse de près de 6,5 % par rapport à l'an dernier, qui sont programmés pour tenir les promesses de la loi relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et pour favoriser la vie autonome de personnes handicapées. En outre, 340 millions d'euros supplémentaires financeront la réforme de l'allocation aux adultes handicapés et 110 millions d'euros seront consacrés au financement de 2 500 places nouvelles en centres d'aides par le travail.
Enfin, au titre de la protection maladie, 50 millions d'euros seront dégagés pour abonder le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
Telles sont, mes chers collègues, retracées de manière non exhaustive, les grandes lignes de la politique que le Gouvernement entend conduire dans le domaine de la solidarité et en matière d'intégration. Courage, ambition et volontarisme sont les trois moteurs de cette action pour une cohésion sociale renforcée et pour des solidarités renouvelées et efficaces.
Le groupe de l'UMP, conscient des avancées importantes que le projet de loi de finances pour 2006 comporte, soutiendra sans réserves l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur des travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Solidarité et intégration », c'est un beau titre, et ce pourrait être un beau programme.
Hélas, cette appellation masque une dure réalité, faite au quotidien de misère et d'exclusion pour des milliers d'hommes et de femmes, et ce budget, qui regroupe pourtant toutes les actions en faveur des publics les plus fragiles, est un véritable fourre-tout.
Le seul point commun à tous ces publics est la logique que vous leur appliquez. Persuadés que, pour faire baisser la fièvre, rien n'est mieux que de casser le thermomètre, vous avez décidé que, pour éradiquer la misère, il fallait diminuer les aides, tailler dans les budgets et ignorer les besoins.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Et faire diminuer le chômage !
Mme Raymonde Le Texier. Nous en avons débattu avant que vous soyez parmi nous, monsieur le ministre, et nous avons indiqué que nous n'étions pas tout à fait d'accord sur les chiffres !
C'est ainsi que les crédits inscrits pour 2006 sur la totalité de la mission correspondent à l'équivalent des crédits dépensés en 2004, alors même que la situation sur le front de la précarité ne cesse d'empirer. Inutile de dire que, à cette aune, la situation des demandeurs d'asile ne risque pas de s'améliorer.
En diminution par rapport à 2005, ce projet de budget, déjà calculé au plus juste, doit être abondé en cours d'année, alors qu'est dénoncé d'une année sur l'autre le manque d'infrastructures d'accueil, voire l'inhumanité des conditions de vie des demandeurs d'asile. Non seulement le budget est insincère, mais, surtout, il ne répond pas aux exigences de la situation.
C'est à croire, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous faites de la restriction des crédits et de la multiplication des justificatifs la seule réponse politique de votre gouvernement à la question du droit d'asile ou de l'immigration clandestine ! Croyez-vous vraiment que c'est en multipliant les tracasseries administratives, en rognant les droits accordés aux étrangers et en faisant des économies sur leur misère que l'on tarira les flux migratoires ?
C'est oublier que l'on ne quitte pas le lieu où l'on est né par goût du confort, que l'on ne s'exile pas par effet d'aubaine. On se réfugie en Europe parce que souvent, dans son propre pays, on n'a plus d'autre avenir que la soumission stérile ou la mort brutale ; parce que dans nombre de pays, la faim, la maladie, les épidémies, les persécutions, sont le quotidien des hommes ; parce que certains régimes politiques réduisent les hommes à n'être que victimes ou bourreaux.
Quand on connaît les causes des migrations humaines, peut-on réellement penser que la restriction de l'accès à l'aide médicale d'État, le manque de place dans les CADA, ou le durcissement des conditions exigées pour toucher l'allocation temporaire d'attente soient des réponses appropriées ?
Je me souviens de ces Africains qui, voilà quelques mois, se sont jetés, mains nues, sur les barbelés des enclaves espagnoles de Ceuta ou de Melilla. Nous nous souvenons tous de ces hommes et de ces femmes que les gardes marocains ont repris et abandonnés en plein Sahara, sans eau ni nourriture.
M. Pierre André. Ce n'est pas en France !
Mme Raymonde Le Texier. De l'Europe, ils n'auront connu que le rejet, l'expulsion, la violence ; pourtant ils clament leur volonté de revenir, d'essayer, encore et encore...
Lorsque l'on n'a plus rien à perdre, on est prêt à prendre tous les risques. Ce n'est donc pas en renforçant la mesquinerie des conditions d'accueil que l'on supprimera la motivation de ceux qui veulent un avenir meilleur, souvent même, un avenir tout court.
Je sais qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est de Rocard !
Mme Raymonde Le Texier. Mais je sais aussi qu'une Europe forteresse, repliée sur sa richesse, protégée de la misère du reste du monde par des barbelés, des miradors et des fusils, ne serait pas une Europe démocratique. Elle serait la négation même des valeurs qui font notre civilisation : la liberté, l'égalité, la fraternité.
Mme Raymonde Le Texier. Je parle de l'avenir éventuel !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Ce sont des fantasmes !
Mme Raymonde Le Texier. Absolument, ce sont les vôtres !
Parce que les dernières déclarations sur l'immigration clandestine du ministre de l'intérieur comme du Premier ministre m'ont profondément choquée, j'ai finalement choisi d'évoquer ici ce qui me semble être la question de fond, préalable aux aspects techniques du budget qui nous occupe.
En effet, lorsque j'entends M. Sarkozy dire : « Nous ne voulons plus de ceux dont personne ne veut nulle part dans le monde »,...
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il y a longtemps qu'il n'avait pas été cité !
Mme Raymonde Le Texier. ... j'ai froid dans le dos.
Parce que nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde, doit-on mépriser tous ceux qui aspirent à nos conditions de vie ?
Qui sont ces gens dont personne ne veut ? Sont-ce des sous-hommes, des moins que rien ? Sont-ce des hommes dont l'Europe se lave les mains, des hommes que l'on peut abandonner en plein désert, en espérant que la mort ou la peur auront raison de leur désir d'ailleurs ?
Lorsque j'entends M. de Villepin dire : « L'immigration clandestine prépare une société déchirée, fracturée, ghettoïsée. Elle contribue ainsi à produire la haine et la violence sur le territoire national. Les violences urbaines que nous avons connues il y a quelques semaines en sont une triste illustration », je regrette que les statistiques de ses services ne lui aient pas été communiquées.
On estime en effet à 7,5 % le nombre d'étrangers arrêtés à la suite de ces évènements, et seule une infime partie de ces personnes étaient en situation irrégulière. Il ne s'agissait ni de clandestins ni d'enfants de clandestins, et vous le savez très bien !
Ce qui est grave ici, c'est que, pour l'un comme pour l'autre de ces responsables politiques, une situation a été sciemment déformée pour justifier un discours extrêmement anxiogène et violent sur l'immigration.
On ne peut accueillir toute la misère du monde ? C'est malheureusement vrai ! Alors, traitons au moins avec respect et justice ceux que nous accueillons. Mais, surtout, réfléchissons à ce que nous voulons faire du monde que nous laisserons à nos enfants.
En laissant le Sud succomber à la misère, à la guerre et à la maladie, l'Occident a massé à sa porte un nombre toujours plus important d'exclus. Les repousser demandera de plus en plus de moyens et réclamera de plus en plus de violence.
Ce sont finalement les valeurs qui ont fait la République que nous finirons par piétiner.
La France, pays des droits de l'homme, c'est tout de même un plus beau slogan que « la France aux Français », n'est-ce pas ?
Il est temps de placer à nouveau la coopération et l'aide au développement au coeur de nos réflexions et de faire preuve en la matière de volontarisme politique. Sans cela, c'est la peur que nous laisserons en héritage à nos enfants : la peur du privilégié face au démuni, la peur du repu face à l'affamé, la peur de celui qui possède face à celui qui désire.
De cette peur, tous les dérapages verbaux de M. Sarkozy sont pétris. Ne laissons pas le virus se répandre. N'ajoutons pas la haine à la misère, la violence à la désespérance et l'humiliation au rejet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Je vous demande d'être très bref, mon cher collègue, car le temps de parole de votre groupe est quasiment épuisé.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mes deux collègues ont démontré une telle hauteur de vues que je renonce à mon temps de parole, monsieur le président. En outre, MM les rapporteurs et M. le ministre ont déjà entendu ce que j'avais à dire concernant le handicap.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les programmes dont nous discutons aujourd'hui sont au coeur des enjeux actuels de notre cohésion sociale.
Par les moyens qui leur sont consacrés, ces programmes démontrent très clairement que le Gouvernement poursuivra en 2006 la mobilisation engagée depuis 2002 dans le domaine de la lutte contre l'exclusion et la pauvreté et dans celui de l'intégration.
Le programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » vise à prévenir la pauvreté et l'exclusion, à favoriser une sortie de l'assistance des personnes les plus fragiles et à répondre à l'urgence sociale.
En ce qui concerne le dispositif d'accueil et d'hébergement, nous cherchons à améliorer l'offre d'hébergement en proposant un accompagnement social adapté aux publics et en limitant aux seules situations d'urgence le recours à l'hôtel.
Comme vous l'avez souligné, messieurs les rapporteurs, des efforts financiers importants ont été faits en faveur de ce dispositif depuis trois ans. Ils ont été consolidés par le plan de cohésion sociale. Nous les poursuivrons en 2006 dans deux directions.
L'offre d'hébergement d'insertion est augmentée de 500 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, et de 1 500 places en maisons relais. Je partage, messieurs les rapporteurs, votre souci de mieux connaître les publics accueillis dans ce dispositif. J'ai demandé à pouvoir disposer de remontées trimestrielles, département par département.
Comme vous, je considère qu'il est prioritaire de redonner à chaque structure sa vocation originelle : un accueil spécifique pour les demandeurs d'asile dans les CADA, et un accueil pour les autres publics dans les structures plus généralistes de type CHRS. C'est l'objectif qui était visé dans le plan de cohésion sociale à travers l'accroissement de l'offre.
Vous soulignez également, monsieur Blanc, l'allongement des durées de séjour dans les structures, et plus particulièrement dans les CHRS. Vous avez raison !
C'est pourquoi ces créations de places s'accompagnent d'une mobilisation pour accélérer l'accès au logement social des personnes qui peuvent sortir de ce dispositif.
C'est tout le sens du projet de loi portant engagement, national pour le logement, dont vous avez discuté la semaine dernière.
Comme vous, monsieur Blanc, je suis convaincue de l'importance du programme des maisons relais en matière d'insertion, car il donne la possibilité à des personnes très précarisées de trouver enfin non seulement une solution d'hébergement pérenne, mais aussi le moyen de commencer à se reconstruire.
Le Premier ministre l'a annoncé dès le 1er septembre dernier : nous allons créer 5 000 logements d'urgence, car il n'est pas normal que des personnes qui ont fait des efforts de formation et qui ont retrouvé un emploi continuent d'être logées dans des conditions indignes. C'est la raison pour laquelle nous allons également créer 5 000 places nouvelles dans des hôtels sociaux labellisés, où ce travail d'accompagnement social sera possible.
En outre, nous consolidons le financement du dispositif d'accueil, d'urgence et d'insertion. Les crédits relatifs à l'hébergement d'urgence augmentent de 8,2 millions d'euros, soit 6 % de hausse, et ceux des CHRS de 16 millions d'euros.
Monsieur Blanc, je reste vigilante quant aux dotations allouées au CHRS par rapport au financement de l'hébergement d'urgence. Les crédits de ces structures sont préservés et font l'objet d'un suivi particulier.
Pour répondre à vos observations concernant les crédits consacrés au rebasage des CHRS, la mission commune IGAS-IGF, sollicitée en 2004 par Jean-Louis Borloo et Nelly Olin, a conclu à un besoin de 12 millions d'euros. Ce rebasage sera réparti sur deux exercices : 2006 et 2007. Je me suis engagée en ce sens auprès des associations.
Cela nous permettra de mettre en oeuvre les préconisations du rapport des inspections. Le secrétaire général du ministère des affaires sociales a été mandaté pour suivre ce dossier prioritaire, qui porte sur plus de 760 structures et 31 000 places.
Vous évoquez, monsieur le sénateur, le retrait des caisses d'allocations familiales du financement de l'aide personnalisée au logement dans les CHRS. Je tiens à vous informer qu'une réflexion est en cours avec la CNAF sur ce point précis.
Monsieur Cazalet, pour répondre à votre préoccupation de mieux justifier les crédits inscrits au titre des dispositifs d'urgence sociale, notamment au titre de l'hébergement d'urgence, je vous informe que, dans le cadre des audits de modernisation demandés par le ministre chargé de la réforme de l'État, j'ai souhaité que la gestion des crédits d'hébergement d'urgence, qu'ils relèvent de la direction générale des affaires sociales, la DGAS, ou de la direction de la population et des migrations, la DPM, soit inscrite pour 2006.
Cet audit permettra d'analyser les facteurs d'évolution des coûts, la maîtrise de ces coûts et l'amélioration de la qualité des prestations.
Des pistes de réforme pourront ainsi être dégagées pour réaliser des gains de productivité et mieux maîtriser les dépenses.
Enfin, en ce qui concerne les crédits inscrits dans l'action 3, « conduite et animation des politiques de lutte contre l'exclusion », je vous confirme qu'ils concernent pour partie le financement d'une aide au poste dans le cadre de notre contribution au fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, le FONJEP, et le financement des têtes de réseau des grandes associations nationales - Croix-Rouge, FNARS, Restos du Coeur, etc. - pour leurs actions à portée nationale.
Alors que le plan hiver vient d'être activé, chacun connaît le travail remarquable que réalisent toutes ces associations sur le terrain, et ne peut que louer l'action et l'implication de tous ces bénévoles.
Par ailleurs, vous avez abordé la question de la décentralisation du RMI et des politiques d'insertion.
Aujourd'hui, plus des trois quarts des départements ont un programme d'insertion. Des efforts sont faits pour augmenter le taux des contrats d'insertion parmi les allocataires du RMI. Toute notre politique de lutte contre la pauvreté et la précarité est guidée par ce souci d'accompagnement et de retour à l'emploi.
Madame Printz, vous avez abordé le dossier de l'insertion par l'activité économique. Ce sujet, vous le savez, est abordé dans la mission « Travail et emploi ». Je partage votre intérêt pour l'important travail effectué par ces associations et ces entreprises. L'effort de l'État s'élevait, en 2004, à 105 millions d'euros ; il sera de 193 millions d'euros en 2006. C'est dire si, là aussi, le Gouvernement est mobilisé.
Nous savons bien qu'il faut non seulement un accompagnement à la reprise du travail, mais aussi un accompagnement social, parce que, lorsqu'on est dans une situation de précarité absolue, on ne peut pas toujours reprendre tout de suite un emploi. Un accompagnement, une formation, un réapprentissage des codes sociaux sont nécessaires, ce que font très bien les associations et les chantiers d'insertion.
Pour répondre à votre préoccupation en ce qui concerne l'augmentation des dépenses du RMI pour les départements, je vous confirme l'engagement du Premier ministre à les compenser intégralement.
J'en viens au programme « Accueil des étrangers et intégration », dont les crédits augmentent aussi fortement : plus 4 %, soit 22,6 millions d'euros supplémentaires.
Ce programme comporte trois priorités : l'intégration, la prise en charge sociale des demandeurs d'asile et l'aide au retour volontaire.
Je voudrais insister sur les efforts sans précédent qui ont été accomplis depuis 2002 pour améliorer la prise en charge des demandeurs d'asile, en rappelant notamment les objectifs que le Gouvernement s'était fixés dans ce domaine.
Le premier de ces objectifs est de proposer systématiquement un hébergement en CADA aux demandeurs d'asile.
Le nombre de places de CADA est passé de 10 317 en 2002 à 17 570 à la fin de cette année. Les capacités d'hébergement progressent de 69 %. J'ajoute que 2 000 places de CADA supplémentaires seront créées l'année prochaine, ce qui portera leur nombre à 20 000 fin 2006.
En confiant la gestion des places de CADA aux préfets de région, nous allons pouvoir en outre remédier aux déséquilibres entre les départements et éviter au maximum le retour aux chambres d'hôtel.
Madame Le Texier, je partage l'un de vos commentaires : on n'émigre pas, dans la majeure partie des cas, par choix. Vous avez raison ! Notre Gouvernement s'emploie à mettre en place des dispositifs d'accompagnement. Mais vous savez bien que, la seule vraie réponse, c'est le codéveloppement.
Tel était l'objet de la conférence de Barcelone des 27 et 28 octobre dernier, à laquelle assistait le Président de la République. Ce sont des conférences de ce type et des actions de fond qui permettront de répondre effectivement aux besoins de ces populations.
Notre deuxième objectif est de réduire de façon drastique les délais d'instruction des demandes d'asile ; il s'agit d'une question d'humanité. Nous progressons, mais je veux aller plus loin encore, afin que ces délais soient inférieurs à six mois. Ils sont encore aujourd'hui de neuf ou dix mois.
Nous avons par ailleurs calé la durée de versement de l'allocation temporaire d'attente sur celle de l'instruction de la demande d'asile, conformément à la directive européenne de 2003.
La réforme du droit d'asile commence à porter ses fruits ; nous savons que le chemin est long. La prévision du nombre de demandes pour 2005 se situe autour de 61 000, soit une baisse de 8 % par rapport à 2004.
En ce qui concerne l'accueil des nouveaux arrivants, je rappelle que, depuis 2002, nous sommes passés, avec le programme d'intégration, d'une situation d'indifférence à une situation de contrat.
Des outils ont été mis en place, afin de répondre aux besoins de cette politique d'intégration. L'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, qui existe depuis le 1er octobre, accueille les étrangers. Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, complète ce contrat. Le Premier ministre l'a rappelé hier, la Haute autorité sera désormais également dotée de pouvoirs de sanction, qui permettront d'aller plus loin dans la lutte contre les discriminations.
Enfin, la cité nationale de l'histoire de l'immigration est en phase de préfiguration. Elle valorisera l'apport des étrangers au patrimoine français et reflétera la richesse de la diversité assumée par notre société.
C'est dans ce cadre que la nouvelle agence pourra mettre en place un contrat d'objectifs et de gestion, qui couvrira bien sûr les missions actuellement dévolues au FASILD. Ce contrat permettra de fixer des objectifs et donc de mesurer la performance des actions contribuant à l'intégration des personnes issues de l'immigration, comme le souhaite M. Cazalet.
Le contrat d'accueil et d'intégration a été expérimenté ; nous en sommes aux 100 000 contrats signés. Ce contrat sera généralisé à la fin du 1er trimestre 2006.
Nous devons aller plus loin et établir un lien entre la pratique de notre langue et la délivrance de titres de séjour, notamment de longue durée.
Nous devons également veiller au respect des engagements liés au contrat, tels que le suivi des cours de français. Nous savons notamment que la situation des femmes qui arrivent dans notre pays en dépend : c'est pour elles, le premier outil d'intégration. Si nous voulons qu'elles connaissent leurs droits, il faut qu'elles puissent apprendre notre langue de façon à être autonomes.
La lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité des chances sont également des priorités.
Je voudrais répondre à l'inquiétude de Mme Le Texier au sujet de la Haute autorité. Cette Haute autorité, dont vous avez voté la création l'année dernière, sur notre proposition, constitue véritablement le moyen de permettre à l'égalité des chances d'exister dans notre pays.
Monsieur le rapporteur spécial, la qualité d'autorité administrative indépendante de la HALDE ne nous permet pas de lui fixer des objectifs ou des indicateurs de performance. Je sais néanmoins que nous pouvons compter sur le président et son collège pour honorer les missions indispensables qui leur seront confiées.
Une politique d'intégration forte et pleinement assumée doit également lutter efficacement contre l'immigration irrégulière.
C'est pourquoi, outre les reconduites à la frontière, le Gouvernement a mis en place dans vingt et un départements, depuis le 15 septembre dernier, un dispositif expérimental d'aide au retour. Il s'agit d'offrir aux personnes concernées la possibilité de repartir en famille et de réaliser un projet dans leur pays d'origine.
Je voudrais enfin dire un mot sur les crédits en faveur des rapatriés : ils ont augmenté très sensiblement, en raison notamment des mesures prises en application de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
Trois options sont proposées aux bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance en faveur des harkis. Le montant exact de la dépense n'a pu être déterminé que le 1er octobre 2005, après que les bénéficiaires ont effectué leur choix. Les prévisions réalisées en 2004 par la mission étaient de 128 millions d'euros. La dépense prévue en 2006 sera du même montant.
J'en viens au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont le budget modeste ne doit pas cacher l'ambition des objectifs. Ceux-ci sont réunis autour de quatre axes : l'accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision, l'égalité professionnelle, l'égalité en droit et en dignité et l'articulation des temps de vie.
Vous vous interrogez, monsieur le rapporteur spécial, sur la mesure de la performance des actions conduites par les associations financées dans le cadre de ce programme. Je souhaite, comme vous, disposer d'indicateurs pertinents. Ainsi que vous le soulignez dans votre rapport, les principales associations financées font l'objet d'indicateurs satisfaisants. Les subventions qui leur sont allouées représentent un peu plus de 43 % des crédits du programme.
Toutefois, j'entends disposer d'instruments de mesure de l'impact de toutes les interventions du programme « Égalité entre les hommes et les femmes ».
Dans le cadre de la réforme de l'État, une démarche qualité a été lancée, afin d'évaluer la bonne utilisation des crédits affectés aux 174 lieux d'accueil et d'accompagnement des femmes victimes de violences, ainsi que leurs conditions de prise en charge.
Les dispositions prises de manière conventionnelle avec tous les opérateurs nous permettront de construire de nouveaux indicateurs.
Vous vous interrogez également sur l'impact des contrats d'égalité professionnelle et des contrats pour la mixité des emplois. Les deux dispositifs en question sont destinés à diversifier les métiers des femmes et à désenclaver le travail féminin, ainsi que Mme Debré le soulignait à l'instant. Ils visent, en outre, à inciter les employeurs à modifier leur politique de ressources humaines, afin de faire davantage de place aux femmes dans les métiers où elles sont encore peu nombreuses. Il me paraît donc très important d'en développer l'utilisation.
En 2006, la priorité portera sur la conclusion de contrats avec de grandes entreprises, afin d'accroître le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs et de diffuser le plus largement possible les différentes expériences.
Madame Printz, le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Effectivement, une femme meurt tous les quatre jours de violences conjugales.
Le 25 novembre dernier, j'ai annoncé des mesures, parmi lesquelles un renforcement des sanctions contre les auteurs de violences.
Nous agirons rapidement, puisque nous débattrons à l'Assemblée nationale, le 13 décembre prochain, du texte issu des propositions de loi de M. Roland Courteau et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il comportera des mesures visant à réprimer les mutilations sexuelles faites aux femmes. Mais nous travaillerons également sur l'extension de la circonstance aggravante.
De la même manière, je souhaite diversifier les modes d'hébergements des femmes victimes de violences, parce que, là aussi, nous devons accomplir des efforts substantiels, afin d'apporter des réponses à ces femmes qui sont non seulement cassées physiquement, mais également brisées moralement.
Ce sujet mérite véritablement un engagement sans faille de notre part. C'est tout le sens de la campagne de communication que nous mettrons en place l'année prochaine. En effet, le seul moyen d'éradiquer ces drames est d'en parler, afin de sensibiliser l'ensemble de notre société.
Le 12 décembre prochain, je défendrai en deuxième lecture le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui prévoit le refus d'enregistrement des accords collectifs si aucune négociation n'est menée sur l'égalité salariale. C'est, là aussi, une arme très dissuasive.
Qu'elles luttent contre la précarité et la pauvreté, qu'elles cherchent à mieux intégrer les personnes d'origine étrangère ou issues de l'immigration ou qu'elles favorisent l'égalité entre les femmes et les hommes, toutes ces politiques visent le même objectif : promouvoir la cohésion sociale, sans laquelle notre pays ne pourra pas aborder l'avenir avec confiance, ni faire face avec détermination à tous les défis qu'il doit relever. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur des travées du l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite que M le ministre Philippe Bas apporte une réponse aux interrogations exprimées par M. le rapporteur spécial des crédits de la mission « Solidarité et intégration ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons en effet des doutes quant à la sincérité des crédits de la mission en question, (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), notamment ceux qui sont inscrits au titre de l'aide médicale d'État. Nous redoutons que ces crédits ne soient une nouvelle fois sous-évalués.
Nous avons également des craintes quant à l'allocation aux adultes handicapés. Ces craintes existaient avant même que les crédits ne soient redéployés en seconde délibération à l'Assemblée nationale, à l'issue de laquelle les crédits du programme « Handicap et dépendance » ont été amputés de 41,7 millions d'euros.
En outre, nous avons des doutes sur les dépenses relatives à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile.
Nous avons à l'esprit que la loi organique relative aux lois de finances prescrit la sincérité des comptes publics, ce qui est, convenons-en, assez révolutionnaire.
M. Guy Fischer. Je suis assez surpris d'entendre le concept de « révolution » dans votre bouche !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il est vrai que, vous, vous étiez des champions en la matière !
M. Guy Fischer. Nous le sommes toujours !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par conséquent, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éléments de réponse, et sans doute d'apaisement, afin de nous assurer que le budget chemine en effet vers la sincérité ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter un budget qui illustre, par l'augmentation de ses différents postes, l'importance que le Gouvernement accorde aux politiques de l'aide à l'enfance, de l'aide aux personnes handicapées et de l'aide aux personnes âgées dépendantes.
Ce budget vous a été largement présenté par MM. les rapporteurs. Je n'entrerai donc pas dans les détails, qui vous sont désormais parfaitement connus.
Ce n'est certes pas en écoutant Mme Le Texier, tout à l'heure, que nous avons pu en apprendre davantage sur les réalités du présent budget et sur les crédits qu'il comporte. En effet, madame la sénatrice, vous avez réussi le véritable tour de force, du haut des miradors imaginaires que vous avez évoqués, derrière ces grillages que vous semblez tant redouter, de parler de ce budget sans jamais mentionner le moindre chiffre, préférant vous réfugier dans les procès d'intention.
Pour ma part, je m'en tiendrai aux chiffres, ainsi que le président de la commission des finances m'y a invité, à juste titre.
Je remercie d'abord tout particulièrement MM. les rapporteurs, ainsi que tous les orateurs qui se sont succédé, notamment Mme Isabelle Debré, qui a fait une présentation très complète du programme « Handicap et dépendance ». Ce programme se voit doté de 475 millions d'euros supplémentaires en 2006, soit une progression de 6,43 % par rapport à 2005.
Depuis 2002, les budgets successifs consacrés à la politique du handicap ont augmenté d'environ 3 % par an. L'année 2006 constitue donc une accélération très forte. Ces moyens nous permettent de mettre en oeuvre la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Une telle progression constitue, me semble-t-il, un premier élément de réponse aux préoccupations exprimées par le président de la commission des finances.
Cette augmentation significative vise d'abord à financer la réforme de l'AAH, entrée en vigueur le 1er juillet 2005. Cette allocation bénéficiera l'an prochain de 340 millions d'euros supplémentaires. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit en effet un montant de près de 5,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 7 % par rapport au projet de loi de finances pour 2005. Un certain nombre de dispositions vont pouvoir être appliquées grâce à cette augmentation.
Je pense notamment aux mesures qui permettent un cumul partiel entre les revenus d'activité et l'AAH, en cas de reprise d'activité, à la garantie de ressources aux personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler, qui est portée à 80 % du SMIC à compter 1er juillet dernier, ainsi qu'à l'augmentation de ce que l'on appelle le « reste à vivre » des personnes handicapées vivant en établissement, qui s'élève désormais à 30 % de l'AAH, contre un chiffre compris entre 12 % et 17 % précédemment.
J'ai entendu vos interrogations, monsieur le président de la commission des finances - elles relayaient d'ailleurs celles de MM. Cazalet et Blanc - sur le financement de la réforme. Mais les hypothèses retenues se devaient de tenir compte des résultats de la politique engagée depuis trois ans par le Gouvernement, notamment en matière d'emploi. Cela nous permet d'attendre pour l'année prochaine une augmentation du nombre de titulaires de l'AAH, qui pourront retrouver un emploi.
L'augmentation est d'autant plus forte et rapide que, dix-sept ans après l'adoption de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, nous avons, avec la loi du 11 février 2005, un nouvel instrument d'une puissance sans précédent pour l'insertion des personnes handicapées dans l'emploi.
Nous préparons actuellement, en concertation avec toutes les associations de personnes handicapées, les décrets d'application de la partie « emploi » de la loi que je viens d'évoquer. Ces décrets sont aujourd'hui dans leur phase finale et comportent non seulement un volet d'incitation pour les employeurs, mais également un volet de pénalisation pour ceux d'entre ceux qui ne rempliraient leur obligation légale. Je rappelle en effet que 6 % des effectifs de l'entreprise doivent être des personnes handicapées, reconnues comme telles par les instances compétentes.
Nous ne pouvons pas à la fois mettre en oeuvre une telle politique avec des instruments à la fois incitatifs et de pénalisation et ne pas en tenir compte pour l'AAH.
C'est la raison pour laquelle le calcul qui a été effectué prévoit cette augmentation, qui est, je le signale, plus forte que les années précédentes - mais sans doute moins forte que vous pouviez l'imaginer- grâce à cet effort que nous accomplissons.
J'ajoute que les centres d'aide par le travail seront dotés de 110 millions d'euros supplémentaires, ce qui représente une progression de leurs crédits de près de 10 %. Ces crédits supplémentaires permettront de financer 2 500 places nouvelles.
À cet égard, le budget de l'État ne constitue que la moitié des crédits nouveaux qui sont dégagés sur le plan national, en 2006, à destination des personnes handicapées.
Permettez-moi de mentionner l'effort de l'assurance maladie, qui est abondé par la journée nationale de solidarité, c'est-à-dire par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
L'année prochaine, l'effort médicosocial en faveur des personnes âgées augmentera de 13 %, ce qui est sans précédent.
L'effort est comparable pour les personnes handicapées, avec une augmentation de 6,16 %, soit 398 millions d'euros de mesures nouvelles.
Comme vous le voyez, l'action de l'État se conjugue à celles de l'assurance maladie et de la CNSA, ce qui permet de financer la réforme du handicap.
En 2006, l'allocation de parent isolé deviendra une véritable allocation d'insertion, ce qui justifie le chiffre retenu : 875 millions d'euros.
Vous le voyez, ce budget traduit, sur un certain nombre de postes, un effort significatif de l'État en faveur de nos politiques.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nos débats doivent être plus interactifs. Sinon, à quoi bon nous réunir nuitamment pour évoquer le budget de l'année qui vient ?
J'ai bien conscience que les crédits inscrits pour l'allocation aux adultes handicapés pour 2006 progressent substantiellement par rapport au budget de 2005. Toutefois, nous constatons une dérive par rapport aux inscriptions budgétaires de 2005 de l'ordre de 300 millions d'euros. Les crédits pour 2006 correspondent donc à peu près à la dépense effective de 2005. Lors de l'ultime délibération à l'Assemblée nationale, 41 millions d'euros ont été supprimés. J'exprime donc quelques craintes, monsieur le ministre.
Par ailleurs, tous les conseils généraux sont aujourd'hui inquiets et se demandent comment ils pourront faire face aux dépenses...
M. Guy Fischer. Le conseil général du Rhône en a débattu toute une journée !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... liées à la prestation de compensation du handicap.
Nous nous interrogeons sur les fonds qui seront mis à la disposition des conseils généraux. Par ailleurs, nous avons le sentiment que les décrets d'application seront difficiles à mettre en forme.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, pourriez-vous, nous donner quelques précisions à cet égard, afin que nous puissions apaiser les inquiétudes très vives des conseils généraux ?
Nous ne vous faisons pas un procès s'agissant de la loi de finances initiale - la LOLF porte sur l'exécution budgétaire -, mais nous vous demanderons des comptes dans un an, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le président de la commission des finances, je connais, comme vous, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment son article 15, qui donne à tout citoyen le droit, à travers le Parlement, de demander des comptes à tout agent public de son administration. C'est donc bien volontiers que je me plierai à cette discipline républicaine. Je m'y prépare d'ailleurs très sereinement.
Je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits de l'allocation aux adultes handicapés cette année : un effort considérable est accompli pour l'emploi des personnes handicapées. Pour ma part, je crois au succès de cet effort. Effectivement, donnons-nous rendez-vous dans un an pour examiner l'exécution de la loi de finances.
Vous m'avez également interpellé sur la mise en oeuvre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi comporte quatre-vingts décrets d'application ; les plus importants d'entre eux ont déjà fait l'objet d'une concertation et ils peuvent donc aujourd'hui être transmis au Conseil d'État. Parmi eux figure le décret sur la prestation de compensation du handicap.
Comme vous, plusieurs présidents de conseils généraux m'ont fait part de leur inquiétude quant à la mise en place de cette prestation.
Chacun a en effet le souvenir des conditions dans lesquelles l'allocation personnalisée d'autonomie a été instaurée. Cette prestation avait été conçue et calibrée sans que les financements nécessaires aient été mobilisés. Les conseils généraux se sont donc trouvés dans une situation extrêmement difficile, si bien que le premier impératif du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, lorsqu'il est entré en fonction en 2002, a été de trouver les moyens de financer cette allocation.
La prestation de compensation du handicap n'a été calibrée que lorsque son financement a été sécurisé. Celle-ci sera financée à hauteur de 850 millions d'euros par la journée de solidarité. Une partie de ces 850 millions d'euros abondera les crédits de l'assurance maladie en faveur des établissements médicosociaux pour les personnes handicapées. La partie la plus importante - 500 millions d'euros - s'ajoutera aux 580 millions d'euros que les conseils généraux consacrent à l'allocation compensatrice pour tierce personne. Ces sommes permettront de financer la prestation de compensation du handicap. Nous passons donc de 580 millions d'euros à 1,80 milliard d'euros. Donc, avant même que cette prestation existe, des financements très importants sont réunis.
Cette prestation connaîtra-t-elle la même dynamique que l'allocation personnalisée d'autonomie ? Non ! En effet, l'APA est très fortement sollicitée pour des raisons démographiques, le nombre de personnes âgées dépendantes progressant considérablement, encore aujourd'hui.
La population de personnes handicapées ne progresse pas, elle, de la même façon : elle ne croît que très légèrement, du fait du vieillissement des personnes handicapées. De plus, compte tenu des progrès de la médecine, un certain nombre de maladies n'entraînent plus de handicap. Par conséquent, si le nombre de personnes âgées grandement dépendantes augmente, tel n'est pas le cas de la population de personnes handicapées.
Puisque nous disposons aujourd'hui de moyens et que la population de personnes handicapées n'augmente pas fortement, nous sommes, avec la prestation de compensation du handicap, dans une situation totalement différente de celle que nous avons connue pour l'allocation personnalisée d'autonomie.
Enfin, des maisons départementales des personnes handicapées seront mises en place. Ce guichet unique permettra à chacun de connaître ses droits et de les faire valoir auprès d'une commission unique. Ces maisons départementales comporteront une commission d'attribution des droits, au sein de laquelle le conseil général sera majoritaire, chargée d'attribuer les prestations de compensation du handicap.
Pour leur création, les maisons départementales du handicap ont été dotées de 50 millions d'euros. En outre, les personnels de l'État qui instruisaient auparavant les dossiers des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, ainsi que ceux des commissions départementales de l'éducation spéciale seront mis à leur disposition.
En régime de croisière, les maisons départementales du handicap continueront de bénéficier du concours de ces fonctionnaires. De plus, elles seront dotées chaque année de 20 millions d'euros de crédits émanant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Le fonctionnement de la prestation de compensation du handicap sera donc assuré par la solidarité nationale.
Ces dispositifs seront mis en oeuvre en 2006 ; les choses doivent se faire progressivement. J'ai donc annoncé aux présidents de conseils généraux, à l'occasion d'un déplacement que j'ai effectué en Corrèze la semaine dernière (Rires.),...
M. Guy Fischer. Comme par hasard !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...que le Gouvernement allait dégager 20 millions d'euros supplémentaires, afin de permettre aux départements de recruter des agents pour l'année 2006. Les compteurs seront ainsi remis à zéro là où des retards dans le traitement des dossiers des Cotorep ont été constatés. Les maisons départementales du handicap pourront donc démarrer dans les meilleures conditions, et ce dès le 1er janvier prochain. (Le président de la commission des finances fait un signe dubitatif.)
M. le président. Un président de séance n'a pas à donner son avis, mais nous aurons l'occasion, monsieur le ministre, durant toute l'année 2006, de vérifier si vos propos rassurants se traduisent concrètement.
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Solidarité et intégration » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 12 188 721 044 euros ;
Crédits de paiement : 12 169 156 654 euros.
M. le président. L'amendement n° II-90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Politiques en faveur de l'inclusion sociale |
2.959.000 |
|
2.959.000 |
|
Accueil des étrangers et intégration Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Actions en faveur des familles vulnérables |
|
|
|
|
Handicap et dépendance |
|
|
|
|
Protection maladie |
|
|
|
|
Égalité entre les hommes et les femmes Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales Dont Titre 2 |
525.000 525.000 |
130.000 |
525.000 525.000 |
130.000 |
TOTAL |
3.484.000 |
130.000 |
3.484.000 |
130.000 |
SOLDE |
+3.354.000 |
+3.354.000 |
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cet amendement est symétrique à celui que le Sénat a voté ce matin.
Pour évaluer ses actions en matière de cohésion sociale, le Gouvernement a souhaité s'appuyer sur une structure légère qui existe déjà, la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale, la DIES. Il vous demande donc de rattacher les crédits que vous avez retirés ce matin à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » à la mission « Solidarité et intégration ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement est en effet à mettre en relation avec l'amendement n° II-87 du Gouvernement, présenté sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». C'est toutefois le seul point sur lequel nous serons d'accord avec Mme la ministre !
Nous avons en effet une vision moins idyllique de la réalité, masquée par ce mouvement budgétaire, simple en apparence. Il s'agit en fait d'une partition de la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale. Cette partition est l'application d'une décision qui a été prise unilatéralement par le Gouvernement, au mois de septembre dernier, sans aucune concertation préalable avec les composantes de l'économie sociale.
La DIES sera donc remplacée, d'une part, par une direction de la vie associative, de l'emploi et de la formation au sein du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et, d'autre part, par une délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation et à l'économie sociale au ministère de l'emploi.
Nous craignons fort que cette partition ne signe en fait l'arrêt de mort de la délégation interministérielle et de l'engagement de l'État à ses côtés. Il est vrai que l'économie sociale ne recueille pas vraiment les faveurs des ultra-libéraux ! C'est oublier de prendre en considération le rôle économique important de ce secteur qui, sous des formes diverses, représente 2 % du PNB et emploie 1,8 million de personnes.
Afin de ne pas trop attirer l'attention des mutuelles, des coopératives et des associations, la DIES est donc supprimée par un amendement déposé nuitamment au Sénat et réduite à une simple direction au sein du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Quelles seront les attributions exactes de cette direction ? De quelles dotations disposera-t-elle ? Nous n'en savons rien !
Le Gouvernement supprime la référence la plus directe et visible à l'économie sociale dans nos institutions. C'est sans doute conforme à l'air du temps, mais l'on prive ainsi le secteur d'une interface appréciée.
C'est aussi cantonner le mouvement associatif dans un rôle de loisirs et de bienfaisance, conforme à la tradition libérale. Tout autre système que l'économie de marché n'est pas considéré comme recevable. On a même le sentiment que le fait d'accoler les mots « économie » et « solidarité » est une incongruité.
Quant à la nouvelle délégation qui sera désormais placée au sein du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, votre argumentaire, madame la ministre, indique clairement que la majeure partie de la dotation servira à commencer d'éponger la dette de l'État envers les collectivités locales.
Il était donc tentant de faire d'une pierre deux coups : supprimer de fait cette délégation qui, à vos yeux, est inutile, et s'emparer de ses crédits. Ainsi, le ministère de l'emploi récupère 3 484 000 euros. C'est vraiment déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Compte tenu de la priorité que nous accordons à l'action sociale, nous ne pouvons adhérer à cette démarche.
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Solidarité et intégration », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 88, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Solidarité et intégration ».
Solidarité et intégration
Article 88
I. - L'article L. 351-9 du code du travail est remplacé par six articles L. 351-9 à L. 351-9-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 351-9. - I. - Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers ayant atteint l'âge de dix-huit ans révolu dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s'ils satisfont à une condition de ressources.
« Ne peuvent prétendre à cette allocation les personnes qui proviennent, soit d'un pays pour lequel le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a décidé la mise en oeuvre des stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, soit d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, au sens du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
« II. - Peuvent également bénéficier de l'allocation les ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection temporaire, dans les conditions prévues au titre Ier du livre VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire, les ressortissants étrangers auxquels une autorisation provisoire de séjour a été délivrée en application de l'article L. 316-1 du même code, ainsi que certaines catégories de personnes en attente de réinsertion.
« Art. L. 351-9-1. - Les personnes mentionnées à l'article L. 351-9 dont le séjour dans un centre d'hébergement est pris en charge au titre de l'aide sociale ne peuvent bénéficier de l'allocation temporaire d'attente.
« Il en va de même pour les personnes mentionnées à l'article L. 351-9 qui refusent une offre de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa du même article. Si ce refus est manifesté après que l'allocation a été préalablement accordée, le bénéfice de l'allocation est perdu au terme du mois qui suit l'expression de ce refus.
« Les personnes mentionnées à l'article L. 351-9 auxquelles une offre de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa n'a pas été formulée doivent attester de leur adresse de domiciliation effective auprès des organismes chargés du service de l'allocation, sous peine d'en perdre le bénéfice.
« Les autorités compétentes de l'Etat adressent mensuellement aux organismes chargés du service de l'allocation les informations relatives aux offres de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa qui ont été formulées ainsi qu'aux refus auxquels celles-ci ont, le cas échéant, donné lieu.
« Art. L. 351-9-2. - Cette allocation est versée mensuellement, à terme échu, aux personnes dont la demande d'asile n'a pas fait l'objet d'une décision définitive. Le versement de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande.
« Les organismes chargés du service de l'allocation sont destinataires mensuellement des informations relatives à l'état d'avancement de la procédure d'examen du dossier de demande d'asile.
« Art. L. 351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret et est révisé, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année.
« Art. L.351-9-4. - L'allocation est gérée par les institutions mentionnées à l'article L. 351-21, avec lesquelles l'Etat passe une convention.
« Art. L.351-9-5. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les mesures d'application des articles L. 351-9 à L. 351-9-2. »
II. - 1. Dans le troisième alinéa de l'article L. 351-10 du même code, les mots : « mentionné à l'article précédent » sont remplacés par les mots : « de solidarité créé par l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 ».
2. Dans les premier et troisième alinéas de l'article L. 351-10 bis du même code, les mots : « allocation d'insertion » sont remplacés par les mots : « allocation temporaire d'attente ».
3. Dans le cinquième alinéa de l'article L. 351-10-1 du même code, les mots : « mentionné à l'article L. 351-9 » sont remplacés par les mots : « de solidarité créé par l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi ».
M. le président. La parole est à Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 88 vise à créer une allocation temporaire d'attente, qui remplace l'allocation d'insertion.
Cette nouvelle allocation sera désormais versée uniquement pendant la durée de l'instruction de la demande d'asile et les personnes hébergées ou ayant refusé un hébergement en CADA ne pourront plus la percevoir.
Ce durcissement des conditions d'attribution est très représentatif de la vision du Gouvernement quant à l'accueil des publics fragiles ou en difficulté, et il s'agit, cette fois, des personnes immigrées.
Nous l'avions déjà observé avec la restriction de l'accès à l'aide médicale d'Etat : le Gouvernement ne souhaite plus que la France soit une terre d'asile. MM. Sarkozy et de Villepin ont confirmé, dans leurs propos les plus récents, cette volonté.
Les hypothèses avancées sont toujours les mêmes : les conditions de vie offertes aux arrivants seraient trop favorables ; elles auraient donc un effet d'« appel d'air » pour les pays les plus pauvres.
L'ensemble de la politique que le Gouvernement mène, soi-disant, en faveur des étrangers peut donc se résumer ainsi : contenir plus que jamais l'immigration par l'obligation d'être répertorié dans un CADA, ce qui, je le rappelle, conditionnera dorénavant l'obtention de l'allocation, et mettre en place des moyens pour favoriser le retour des demandeurs d'asile dans leur pays d'origine.
La majorité souhaite ainsi développer l'hébergement en centre plutôt que le versement d'une allocation. Or le moyen de dissuader les immigrés de rester sur notre territoire, c'est bien de les contraindre à la tutelle et à la proximité. Au lieu d'offrir aux nouveaux arrivants la possibilité de conquérir progressivement leur autonomie, vous souhaitez contenir ces étrangers dans des lieux spécifiques, tout en faisant quelques économies budgétaires.
Même les crédits prévus au titre de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile sont largement insuffisants, et leur sous-évaluation porte d'ailleurs atteinte à la sincérité du budget.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-61, présenté par M. Mermaz, Mmes Le Texier et Printz, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A. Rédiger comme suit le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9 du code du travail :
I. Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France, s'ils satisfont à une condition de ressources.
B. Remplacer les trois derniers alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Les autorités compétentes de l'Etat adressent mensuellement aux organismes chargés du service de l'allocation les informations relatives aux offres de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa qui ont été formulées.
C. Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-3 du code du travail :
« Art. L. 351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret. Il prend en compte la composition familiale et le mode d'hébergement. Il est révisé, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année. »
D. Pour compenser la perte de recettes résultant des A, B et C ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des modifications des conditions du versement de l'allocation temporaire d'attente sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° II-68, présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
A. Rédiger comme suit le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9 du code du travail :
I. - Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers visés au Titre IV du livre VII du code des étrangers et du droit d'asile, s'ils satisfont à une condition de ressources.
B- Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-1 du même code :
« Art. L.351-9-1. - Lorsque la personne est accueillie dans un centre d'hébergement relevant de l'aide sociale d'Etat, l'allocation temporaire est prise en compte dans le calcul de la participation financière prévue à l'article R. 345-7 du code de l'action sociale. »
C. - Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-3 du même code :
« Art.L.351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret selon les mêmes modalités que le revenu prévu à l'article L.262-2 du code de l'action sociale et des familles. »
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° II-61.
Mme Raymonde Le Texier. L'article 88 du projet de loi de finances pour 2006 introduit une réforme qui entraîne plusieurs carences graves au détriment des demandeurs d'asile.
Tout d'abord, celle-ci ne satisfait pas à la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile, qui prévoit une assistance pour tous les demandeurs d'asile. Il convient donc de prévoir que les droits mentionnés par la directive soient accessibles à l'ensemble des demandeurs d'asile, quelle que soit leur situation.
L'article 88 ne prévoit le versement de la future allocation temporaire d'attente que lorsque la demande d'asile aura été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA. Or l'on sait que cela peut prendre un mois et demi.
Au contraire, il est nécessaire de prévoir le versement d'une allocation ponctuelle pour la personne dès son arrivée sur le territoire, ne serait-ce que pour l'aider à prendre en charge les frais liés à la procédure, tels que les frais de transport ou de traduction. La remise de la demande d'asile doit en effet être rédigée en français dans un délai de vingt et un jours.
Par ailleurs, le projet de loi exclut du bénéfice de l'allocation les jeunes de seize à dix-huit ans, qui peuvent aujourd'hui prétendre à l'allocation d'insertion, et les demandeurs d'asile qui font l'objet d'une procédure prioritaire parce que venant d'un pays jugé a priori sûr, ce qui préjuge donc de la décision finale.
Cette allocation, dont le montant est déjà insuffisant pour une personne seule, devrait aussi prendre en compte le critère de la composition familiale et être modulable en fonction du mode d'hébergement.
De plus, l'article 88 introduit des possibilités de refus de l'allocation temporaire d'attente, notamment si le demandeur refuse une proposition d'accueil dans un centre d'hébergement spécialisé ou, en cas d'absence de proposition d'hébergement, s'il ne peut attester d'une adresse de domiciliation effective.
Il est proposé, par ce projet de loi, d'introduire dans la législation ces mesures restrictives, alors que le dispositif national d'accueil n'est pas en mesure de satisfaire les besoins d'hébergement, il s'en faut de beaucoup.
Seuls 15 % des demandeurs d'asile ont eu accès aux CADA en 2004. Même en prenant en compte la promesse du Gouvernement selon laquelle 21 000 places seront disponibles à la fin de 2007, on est encore très loin de pouvoir répondre aux nécessités.
À la situation très dégradée des demandeurs d'asile, le projet de loi, en son article 88, n'apporte donc pas de réponse. Au lieu de prévoir un dispositif d'accueil des demandeurs d'asile digne de la France, il met en oeuvre des procédés visant à accélérer les refoulements et à réaliser des économies sur l'hébergement. Ces économies marginales au détriment de ceux qui cherchent un refuge dans notre pays auront un coût humain dévastateur et porteront atteinte à notre image sur le plan international.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la réécriture de cet article 88.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, à cette heure avancée de la nuit, je déclare, ce qui nous fera gagner du temps, que l'amendement n° II-61 comme, d'ailleurs, l'amendement n° II-68 sont irrecevables, car il s'agit de dépenses non gagées.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président de la commission des finances, c'est la première fois que vous utilisez cette méthode depuis le début de la discussion du projet de loi de finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est exact !
M. Guy Fischer. C'est une méthode scélérate !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Guy Fischer. Nous n'avons pourtant pas abusé de notre temps de parole, qui est très limité, et nous n'avons déposé que très peu d'amendements. Or il s'agit d'un problème très important, qui fait suite au débat sur la suppression d'une partie du minimum social alloué aux vieux travailleurs étrangers et sur la suppression des allocations familiales pour les familles étrangères. Sur cette question du droit d'asile, on nous empêche de nous exprimer, et c'est scandaleux !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Fischer, l'application de l'article 40 de la Constitution,...
M. Guy Fischer. Je l'attendais !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous n'êtes donc pas déçu !
M. Guy Fischer. Vous vous déconsidérez !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de conférence des présidents, a été validée par la commission des finances.
M. le président. Monsieur Fischer, vous connaissez aussi bien, sinon mieux que moi le fonctionnement de notre assemblée.
Je rappelle à la Haute Assemblée les termes du premier alinéa de l'article 45 du règlement : « L'irrecevabilité est admise de droit, sans qu'il y ait lieu à débat, lorsqu'elle est affirmée par la commission des finances. »
Les amendements nos II-69 et II-71 ne sont donc pas recevables.
M. Guy Fischer. C'est la loi du bâillon ! M. Sarkozy peut être content, on ne nous laisse même pas discuter !
M. le président. J'appelle en discussion l'article 89, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Solidarité et intégration ».
Article 89
Le premier alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les aides personnelles au logement sont prises en compte conformément aux dispositions de l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles et des textes pris pour leur application, pour les premières demandes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 861-5 du présent code à compter du 1er janvier 2006. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-69 est présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° II-71 est présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-69.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Alors, vous vous exprimez !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est tellement difficile de s'exprimer !
M. Guy Fischer. L'article 89 prévoit de modifier les conditions d'accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, de façon à réduire le nombre d'ayants droit, donc à réaliser quelque 21 millions d'euros d'économie.
Cette disposition s'inscrit dans la priorité du Gouvernement de « créer les conditions d'un égal accès aux soins ». Il s'agit là d'ironie de sa part !
Nous ne pouvons accepter cette nouvelle restriction de l'accès aux soins, qui se réduit comme une peau de chagrin. Vous avez déjà durci considérablement les conditions d'accès aux soins pour les personnes qui, bien que résidant sur le territoire français, ne sont ni assurés sociaux ni bénéficiaires de la CMU, avec les décrets relatifs à l'aide médicale d'État, que vous avez délibérément publiés cet été.
Le droit universel à la santé est sans cesse bafoué par ce gouvernement.
Avec l'AME, c'étaient les étrangers en attente de régularisation ou les sans domicile fixe qui étaient visés. Maintenant, ce sont quelques ayants droit à la CMU. C'est ainsi que vous proposez de faire des économies : sur le dos des plus pauvres d'entre nous.
Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !
M. Guy Fischer. Depuis l'arrivée de cette majorité au pouvoir, l'État se désengage de la prise en charge de l'accès aux soins ; il s'écarte de ses fonctions de justice sociale, de solidarité et de garantie de la dignité humaine ; il transfère les dépenses sur l'assurance maladie.
Nous ne cesserons de répéter qu'au-delà des graves préjudices subis par ces populations sur lesquelles vous semblez vous acharner c'est tout notre système démocratique, toute la tradition universaliste de la France, que vous mettez en péril.
Par ailleurs, une fois encore, nous déplorons la politique de minima sociaux que vous programmez. En alignant toutes les aides sociales sur les conditions d'attribution du RMI, vous généralisez le RMI comme revenu d'assistance unique.
Ce faisant, vous faites de notre société une France duale : d'un côté, les inclus, travailleurs et assurés, et, de l'autre, les exclus, condamnés à l'assistance et à la dégradation de leur dignité.
Nous condamnons cette mise en péril de la cohésion sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° II-71.
Mme Gisèle Printz. Notre amendement tend à supprimer l'article 89 rattaché à la mission « Solidarité et intégration », qui porte, en l'occurrence, bien mal son nom.
Les modalités de calcul des plafonds de ressources pris en compte pour l'ouverture du droit à la couverture maladie universelle complémentaire et celles qui sont requises pour l'obtention du RMI ne sont pas exactement les mêmes.
Pour la CMUC, le plafond de ressources atteint un forfait logement d'un montant de 50,15 euros, variable selon la composition de la famille. Pour le RMI, le montant pris en compte est de 51,05 euros pour une personne seule et varie aussi suivant la composition de la famille. Dans les deux cas, ce forfait correspond à la valeur estimée du logement à titre gratuit des personnes concernées, qu'elles soient éventuellement propriétaires, locataires ou hébergées par ailleurs.
L'article 89 propose un alignement des deux régimes tant sur les plafonds de ressources qui seront pris en compte que sur les modalités de versement.
Tout cela a l'air anodin mais ne l'est en réalité pas du tout. Le forfait représentatif des aides personnelles au logement pour la détermination du RMI est calculé par l'application de pourcentages du montant du RMI différents en fonction du nombre de personnes composant le foyer combiné au nombre de personnes retenues au titre de l'aide personnalisée au logement, l'APL.
Pour la CMUC, le calcul est plus simple. On ne prend en compte que le nombre de personnes composant le foyer. Pour une famille de trois personnes, comme l'indique fort bien le rapport de notre collègue Auguste Cazalet, la différence s'élève à 18,80 euros ; pour des familles en grande difficulté, cela n'est pas mince.
Et ce n'est pas l'amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui vise à limiter l'application de cette mesure aux primo-demandeurs à la date du 1er janvier 2006 qui, sur la durée, changera grand-chose, même si le nombre de victimes serait moins élevé dans l'immédiat que prévu.
Compte tenu du nombre de personnes qui relèvent de la CMUC, la mesure devrait rapporter au budget de l'État, en année pleine, 21 millions d'euros. C'est ici que cette mesure atteint sa dimension véritablement choquante, mais il faut bien financer les incroyables cadeaux fiscaux faits aux redevables de l'impôt sur la fortune.
M. Guy Fischer. Ah, l'ISF, ils ne l'oublient pas !
Mme Gisèle Printz. Nous vous l'avons déjà dit et nous aurons malheureusement l'occasion de vous le répéter de nombreuses fois d'ici à la fin de cette discussion budgétaire, tant les coupes que vous pratiquez portent souvent atteinte à l'efficacité de l'action de l'État et aux services publics.
Mais vous vous en prenez ici aux personnes en difficulté en usant de petites manipulations pour trouver de l'argent à leurs dépens, ce qui est d'autant plus grave. Nous sommes évidemment opposés à cette opération et nous demandons le retrait de cet article de la loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Ces mesures relèvent du domaine réglementaire.
Je m'interroge sur l'économie permise par ce dispositif. Initialement, celui-ci devait générer une économie de 21 millions d'euros, qui s'expliquait par la sortie de 67 000 personnes de la CMUC. Or l'amendement adopté par l'Assemblée nationale supprime cet effet.
Je souhaite que le Gouvernement fasse le point sur cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption de ces amendements.
Je vous précise, monsieur Fisher, madame Printz, qu'entre le moment où vous vous êtes penchés sur cette question et le moment où nous l'étudions ensemble, l'Assemblée nationale a amendé le texte du Gouvernement. Nous avons donc maintenant à délibérer d'un texte différent de celui auquel vous prêtiez une économie de 21 millions d'euros.
C'est un texte qui maintient la situation existante quant au calcul des revenus permettant l'accès à la CMUC pour le passé et, pour les nouveaux demandeurs, il aligne les conditions d'appréciation de ce revenu sur celles qui sont appliquées pour l'attribution du RMI.
Est-il logique, voire équitable, de ne pas compter les revenus de la même façon pour l'accès à la CMUC et pour l'accès au RMI ? Jusqu'à présent, on ne les comptait pas de la même façon. À l'avenir, on les comptera de la même façon.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je souhaite insister sur un point. Vous le savez, dans la loi de financement de la sécurité sociale, une disposition très importante a été adoptée : celle du crédit d'impôt pour l'accès à une couverture complémentaire. Chacun a pu reconnaître l'effort que comportait la loi de financement de la sécurité sociale à cet égard.
En 2005, quand on avait moins de vingt-cinq ans, le crédit d'impôt pour l'accès à la CMUC s'élevait à 75 euros ; en 2006, il s'élèvera à 100 euros. Entre vingt-cinq et cinquante-neuf ans, il était de 150 euros ; en 2006, il sera de 200 euros. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. La grande majorité d'entre eux ne sont pas imposables !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Les non imposables peuvent bénéficier du crédit d'impôt, madame Le Texier ! L'État donne la somme correspondante !
Mme Raymonde Le Texier. Ils pourront s'acheter des sucettes en chocolat !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Avant, le crédit d'impôt était de 250 euros pour les plus de soixante ans ; maintenant, il sera de 400 euros, que l'on soit imposable ou non.
Par conséquent, c'est un avantage dont peuvent bénéficier tous les titulaires de faibles revenus. Je crois que cela ne peut pas être contesté. (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons maintenant l'habitude, dans cet hémicycle, de nous voir proposer des mesures qui rognent les prestations des plus démunis. C'est à se demander si vous avez bien conscience que ces petites diminutions, ajoutées les unes aux autres, sont colossales pour les personnes qui ont de très faibles revenus.
Monsieur le ministre, les personnes qui entreront dans le système que vous voulez faire adopter perdront 18 euros environ. Les personnes qui reçoivent moins de 24 euros par mois d'APL ne les toucheront plus, parce que cela coûte trop cher à l'administration.
Mme Raymonde Le Texier. Vous rognez sur tout !
M. Jean-Pierre Godefroy. À chaque consultation médicale, un euro restera à la charge du patient. Et je pourrais citer d'autres exemples !
Monsieur le ministre, vous êtes en train d'inventer le « bouclier fiscal » à l'envers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-69 et II-71.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 89.
(L'article 89 est adopté.)
Article additionnel après l'article 89
M. le président. L'amendement n° II-12 rectifié, présenté par Mmes B. Dupont, Hermange, Rozier et Sittler, MM. Amoudry, P. Blanc et Lardeux, est ainsi libellé :
Après l'article 89, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les arrérages versés par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul des ressources du postulant à l'aide sociale. »
II. Dans la première phrase de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « à l'exception des prestations familiales » sont insérés les mots : « et des arrérages versés par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts ».
III. Dans le dernier alinéa de l'article L. 232-4 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « par la perte d'autonomie de leurs parents, » sont insérés les mots : « les rentes versées par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts, »
IV. L'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale tel qu'issu du I. de l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il n'est pas tenu compte dans le plafond de ressources des arrérages versés par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement vise à régler le problème des parents ayant un enfant handicapé et qui doivent se prémunir au plus tôt pour assurer l'avenir financier de leur enfant après leur disparition.
J'avais déposé cet amendement avec un certain nombre de mes collègues, dont le rapporteur pour avis M. Paul Blanc. Mais je suppose que le président de la commission des finances va le juger irrecevable. Je n'irai donc pas plus loin.
M. le président. L'amendement n° II-12 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Solidarité et intégration ».
santé
M. le président. Le sénat va examiner les crédits de la mission « Santé ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai d'abord une remarque liminaire, qui devient malheureusement une litanie : au 10 octobre 2005, date limite prévue par la LOLF, seules 45 % des réponses au questionnaire budgétaire m'étaient parvenues. Cela est inacceptable ! Nous n'avons pas de réponse du Gouvernement sur ce point, et c'est un vrai problème pour les parlementaires et les rapporteurs spéciaux.
Le ministère de la santé et des solidarités a donc encore de gros efforts à accomplir pour répondre aux exigences de la LOLF.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. La mission ministérielle « Santé » rassemble 399,3 millions d'euros de crédits de paiement, répartis en trois programmes d'importance inégale. Toutefois, ces crédits ne rendent pas bien compte de la réalité de cette mission.
Tout d'abord, cette mission ne comprend pas les crédits de personnel, rassemblés dans le programme support de la mission « Solidarité et intégration ». Ce dernier contribue pour près de 280 millions d'euros à la mission « Santé », ce qui représente l'équivalent d'environ 70 % des crédits de cette mission.
Ensuite, les dépenses fiscales, avec un montant de 1,88 milliard d'euros, représentent près de cinq fois les crédits budgétaires.
Enfin, cette mission apparaît à certains égards comme une mission « annexe » du budget de la sécurité sociale : l'État n'intervient ainsi que pour moins de 1 % du total des dépenses effectuées au titre de l'offre de soins, ce qui pose la question du rapport entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.
Je voudrais maintenant vous faire part de mes principales remarques et questions sur les trois programmes qui composent cette mission.
En ce qui concerne le programme « Santé publique et prévention », certains sujets étant abordés à l'occasion de l'examen des amendements, je formulerai deux remarques.
Premièrement, le financement des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les CAARUD, est transféré à l'assurance maladie. Je m'interroge sur les motivations exactes de ce transfert. Monsieur le ministre, n'ayant pas obtenu de réponse claire lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous repose donc la question aujourd'hui.
Deuxièmement, les auditions auxquelles j'ai procédé ont fait apparaître que les relations entre l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et l'Institut national du cancer n'étaient pas encore stabilisées. Le ministère de la santé et des solidarités devra donc porter une attention particulière à ce point.
S'agissant du programme « Offre de soins et qualité du système de soins », il m'inspire plusieurs observations et une question.
Tout d'abord, deux constats de fond s'imposent : d'une part, les crédits inscrits sur ce programme sont minimes par rapport aux dépenses incombant à l'assurance maladie ; d'autre part, les marges de manoeuvre du ministère apparaissent réduites sur près de la moitié des crédits du programme qui correspondent à la formation des médecins ou à l'organisation de concours.
Ensuite, je voudrais saluer la refonte des objectifs et indicateurs de performance à la suite des remarques des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale : ces objectifs et indicateurs sont désormais en phase avec les leviers d'action du ministère.
Il semble toutefois que la logique de performance soit, dans certains cas, difficile à faire passer. Le ministère m'a ainsi indiqué que la Haute autorité de santé, qui se considère indépendante, était réticente à accepter toute mesure de son efficacité. Il me paraît important d'affirmer que son statut ne doit pas exonérer la Haute autorité de santé de la contrainte de performance qui s'applique à tous.
Par ailleurs, je m'interroge fortement sur l'efficacité des subventions d'investissement accordées dans le cadre de contrats de développement passés avec des collectivités d'outre-mer, subventions sur lesquelles le ministère de la santé et des solidarités n'a pas totalement la main.
J'en viens maintenant à ma question qui a trait non pas directement aux crédits du programme, mais aux évolutions envisagées concernant les compétences de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, la DHOS. Cette direction gère aujourd'hui directement la carrière d'environ 35 000 médecins hospitaliers et de 5 000 directeurs d'hôpitaux, ainsi que des autres personnels de catégorie A de la fonction publique hospitalière.
A terme, on m'a indiqué que la création d'un centre national de gestion, suivant le modèle du centre national de gestion de la fonction publique territoriale, le CNFPT, était envisagée afin de libérer la DHOS de cette tâche, cette solution n'étant pas forcément synonyme d'économies.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous précisiez le calendrier et les modalités, en particulier financières, envisagés par le Gouvernement.
Pour ce qui est du programme « Drogue et toxicomanie », l'examen des amendements nous donnant l'occasion de développer certaines questions, je soulignerai deux points.
Pour conduire ce programme, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, s'appuie sur quatre opérateurs, dont une association qu'elle finance à 100 %. Cette architecture me semble devoir être reconsidérée à l'avenir.
Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur le devenir du fonds de concours alimenté par les saisies de la police et de la gendarmerie, qui devrait rapporter 1,2 million d'euros. Le président de la MILDT m'a indiqué qu'il n'était plus certain que ce fonds de concours « par assimilation » soit rattaché au programme « Drogue et toxicomanie ». Je souhaite donc connaître les intentions précises du Gouvernement à cet égard.
Sous réserve de ces remarques et des amendements qu'elle vous présente, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Santé ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la présentation très complète qui vient d'être faite par mon collègue de la commission des finances, vous comprendrez que je n'entre pas, à mon tour, dans le détail des programmes de la mission « Santé ». Je bornerai donc mon intervention à trois points qui ont retenu plus particulièrement l'attention de la commission des affaires sociales.
Le premier point a trait au financement des plans de santé publique.
Sur les 400 millions d'euros affectés à la mission « Santé » pour l'année 2006, près du quart sera consacré à l'Institut national du cancer et à la poursuite de la mise en oeuvre du plan de lutte contre le cancer.
Si cela est satisfaisant, en revanche, les moyens affectés à la lutte contre les hépatites et aux plans Santé mentale et Maladies rares ne s'élèvent qu'à environ 10 millions d'euros. Ces crédits sont loin d'être à la hauteur des annonces du Gouvernement et des besoins. En effet, pour le seul plan Maladies rares, 20 millions d'euros auraient dû être débloqués cette année, conformément au calendrier initial de mise en oeuvre.
La commission des affaires sociales comprend très bien la priorité donnée, depuis 2002, à la lutte contre le cancer, qui est la cause de centaines de milliers de décès dans notre pays chaque année. Nous regrettons cependant que les autres plans pâtissent de cette primauté et qu'ils deviennent parfois, par manque de moyens, de simples « coquilles vides ».
Le deuxième point concerne l'accès aux soins des plus défavorisés.
Malgré la poursuite des efforts de l'État et de l'assurance maladie en faveur de l'accès aux soins sans discrimination géographique ou sociale, les inégalités subsistent. On constate ainsi un écart persistant, en termes d'espérance de vie, entre les cadres et les professions libérales, d'une part, et les ouvriers, d'autre part. Les catégories sociales les plus défavorisées sont aussi les plus touchées par les naissances prématurées, l'obésité, les infections bucco-dentaires, les maladies psychiatriques, le diabète et certains cancers.
Devant ce constat, la commission des affaires sociales s'inquiète des conséquences des réformes en cours concernant les dispositifs d'accès aux soins des plus défavorisés : l'aide médicale de l'État et la CMU complémentaire.
Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, qu'un bilan soit établi après une année d'application, pour « recalibrer » ces dispositifs s'il s'avérait que l'accès aux soins était devenu plus difficile.
Le troisième point porte sur le pilotage des actions de lutte contre la drogue.
La drogue constitue, nous le savons tous, un facteur majeur de risque sanitaire et d'exclusion sociale et pose un problème évident de sécurité intérieure. Si la consommation de tabac et d'alcool diminue progressivement, celle des drogues illicites continue d'augmenter, comme l'indiquent les derniers chiffres diffusés par l'Observatoire français des drogues et de la toxicomanie.
Pourtant, la lutte contre ce fléau de santé souffre du pilotage incertain des actions menées dans ce domaine. La MILDT ne maîtrise pas, en effet, l'ensemble des leviers nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
Le présent projet de budget confirme cette analyse. Ainsi, il semble que les crédits du fonds de concours correspondant à la valeur des biens et des espèces saisis lors des arrestations de trafiquants, dont le montant atteint 1,2 million d'euros cette année, ne seront plus ventilés par la MILDT entre les différents ministères concernés par la lutte contre la drogue.
Il est, en effet, proposé de confier au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le soin d'assurer lui-même cette répartition, avec le risque que ces crédits soient distribués sans contrôle de leur bonne affectation aux politiques visées. La commission des affaires sociales souhaite donc que la MILDT demeure compétente pour la ventilation de ces fonds ou, à tout le moins, qu'elle puisse en contrôler l'usage.
Par ailleurs, nous nous sommes étonnés de voir figurer les 18 millions d'euros de crédits destinés au financement du plan quinquennal de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool, dans le programme « Santé publique et prévention ». De façon à réaffirmer le rôle de la MILDT dans la mise en oeuvre de ce plan, nous proposerons, par voie d'amendement, de transférer cette enveloppe au programme « Drogue et toxicomanie ». Je pense, monsieur le ministre, que vous aurez des explications à nous donner sur ce sujet.
Sous réserves de ces quelques remarques et de l'amendement qu'elle vous présentera, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 32 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.
Je rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » est emblématique des limites de la démarche de la LOLF : si les crédits inscrits à l'actif de cette mission représentent 409,2 millions d'euros en autorisations d'engagements, ce chiffre ne rend compte ni des dépenses de l'État en matière de santé ni de l'ensemble des dépenses publiques dans ce domaine, devenu l'une des premières préoccupations des Français.
En effet, les limites du périmètre de la mission « Santé », qui comprend trois programmes d'importance très inégale, posent problème.
Premièrement, les crédits de personnel sont exclus du périmètre de la mission. Les programmes supports de la mission « Santé » et de la mission « Solidarité et intégration » ont été fusionnés et regroupés au sein de cette dernière. Comme l'a très justement fait remarquer le rapporteur spécial, M. Jean-Jacques Jégou, un tel regroupement est contraire à l'esprit de la LOLF, qui implique le rattachement des fonctions supports aux missions ou aux programmes correspondants.
Deuxièmement, la mission « Santé » peut apparaître comme une annexe au budget de la sécurité sociale. La plus grande partie des actions menées au titre du programme « Offre de soins et qualité du système de soins » sont financées par le budget de l'assurance maladie, ce qui pose inévitablement la question du partage des compétences entre celle-ci et l'État.
C'est pour le programme « Santé publique et prévention » que cette question se pose avec le plus d'acuité. Aujourd'hui, le partage des compétences entre l'État et la sécurité sociale dans ce domaine apparaît insuffisamment lisible.
Après nous avoir rappelé, lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, que la prévention était une prérogative régalienne de l'État, vous nous proposez, monsieur le ministre, de confier à l'assurance maladie le financement des stocks de médicaments et la préparation des plans en cas de menaces sanitaires graves.
De même, l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 transfère à l'assurance maladie le financement des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, qui était jusqu'ici assuré par le budget de la santé. Le montant de ce transfert s'élève tout de même à 14,9 millions d'euros. A contrario, vous recentralisez les dépistages des cancers, des infections sexuellement transmissibles, ainsi que les vaccinations, sans grande concertation, semble-t-il, avec les conseils généraux. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les critères pris en compte par vos services pour effectuer le partage des compétences en matière de prévention sanitaire ?
Enfin, il est difficile de parler du budget de la santé sans évoquer le montant des dépenses fiscales liées à cette mission. Il atteint 1,88 milliard d'euros, soit presque cinq fois les crédits de la mission. L'essentiel des crédits consacrés à la santé sont ainsi de nature fiscale.
Cela étant, le plus grave est que, même corrigé par ces observations, l'examen du projet de budget de la santé pourrait s'avérer vain. Ce serait le cas si la régulation budgétaire en rendait caduques les principales dispositions. Cette remarque est d'ailleurs valable pour tous les budgets.
Chaque année, souvent dès janvier, Bercy prévoit des gels et des annulations de crédits, qui correspondent le plus souvent aux mesures nouvelles. Il est regrettable que ces gels soient possibles sans débat, car ils vident nos discussions budgétaires de tout intérêt. Cela est particulièrement flagrant en matière de santé publique et de prévention : cette année, les budgets correspondants ont été amputés de 22 millions d'euros, soit près de 10 % des crédits affectés au programme.
Voilà donc, à notre avis, tout ce qu'il faut prendre en considération pour procéder en toute connaissance de cause à l'examen des crédits de la mission « Santé ».
Ces crédits, inégalement répartis entre les trois programmes, reflètent des priorités assez pertinentes en matière de santé.
Le programme « Santé publique et prévention » met en oeuvre la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui comportait quelques avancées notables. Nous avions, en particulier, salué la création d'un Institut national du cancer, auquel seront attribués d'importants moyens destinés à renforcer la prévention et le dépistage. Cet institut a un rôle majeur à jouer pour améliorer la qualité de l'offre de soins dans ce domaine.
Pour le programme « Santé publique et prévention », qui représente à lui seul 65 % des crédits de la mission, seule une incohérence non négligeable, relevée d'ailleurs par M. le rapporteur spécial, nous gêne : au titre de l'action n° 2, « Déterminants de santé », 18 millions d'euros sont destinés au financement de la lutte contre les drogues illicites. Or il existe, au sein de la mission, un programme spécifiquement dédié à la lutte contre les drogues et les toxicomanies. C'est là une incohérence, liée à des raisons de frontières administratives, qui mérite d'être corrigée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre société consacre une part importante de son PIB, à savoir environ 10 % de celui-ci, à son système de santé, ce qui contribue certainement à l'appréciation positive de l'Organisation mondiale de la santé sur la qualité de notre système de soins.
Cela étant, les 400 millions d'euros affectés à la mission « Santé » représentent une très faible part du total des dépenses de santé, puisque c'est l'assurance maladie qui finance l'essentiel des moyens de la politique menée dans ce domaine. Nous avons achevé, voilà quelques jours, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, et vous connaissez notre position sur ce sujet, monsieur le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Cela peut toujours changer ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Pas si vite ! Il faudra aussi que vous y mettiez du vôtre, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Avant toute chose, j'aimerais connaître votre avis, monsieur le ministre, sur une disposition de ce projet de budget concernant la fiscalisation des indemnités journalières accordées aux victimes d'accidents du travail. Je voudrais connaître votre sentiment sur ce point, que nous avons déjà évoqué cet après-midi.
Sur les 400 millions d'euros de crédits de la mission « Santé », 102 millions d'euros sont destinés au financement du programme « Offre de soins et qualité du système de soins ». Je le dis sincèrement, avec le passage à la LOLF, il nous est très difficile d'évaluer l'évolution des moyens par rapport aux années précédentes. Je ferai donc confiance à M. le rapporteur spécial, qui évalue à 10,5 % la baisse de ces dépenses et qui, dans son rapport, évoque un « budget dénué d'envergure » et une « marge de manoeuvre réduite ». Sur ce point, nous sommes d'accord ! (M. le rapporteur pour avis rit.)
Cette baisse risque de renforcer les inégalités en matière d'accès aux soins, puisque ce programme finance notamment des mesures essentielles en matière de démographie médicale.
À cet égard, on le sait, si le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé en France, c'est leur répartition sur le territoire national qui pose problème. Il n'est ni normal ni acceptable de voir se constituer, dans notre pays, des « déserts médicaux », ou de constater que certaines spécialités sont en voie de ne plus être représentées dans certaines zones. C'est l'égal accès aux soins pour tous, principe essentiel de notre système de santé, qui est ainsi remis en cause.
Depuis plusieurs années, des mesures ont été arrêtées pour favoriser l'installation de médecins dans ces zones délaissées par les professionnels de santé mais aussi, souvent, par les personnels paramédicaux, et pour améliorer la permanence des soins. La loi relative au développement des territoires ruraux a été inspirée par un certain nombre de mesures contenues dans la proposition de loi de mon collègue Jean-Marc Pastor. Plusieurs dispositions nouvelles ont également été insérées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Permettez-moi cependant d'insister sur ce point, monsieur le ministre. Il y a un paradoxe que relève la commission « Démographie médicale », présidée par le professeur Berland : les mesures déjà existantes sont totalement inconnues des médecins et des étudiants en médecine, qui sont pourtant les premiers concernés. Pourquoi ? Parce que l'État ne communique peut-être pas à ce sujet et parce leur adoption successive dans des textes différents nuit à leur lisibilité globale.
Une autre explication est que ces mesures ne sont que très faiblement incitatives.
M. Jean-Pierre Godefroy. Pour aller un peu plus loin, la commission Berland propose notamment de régionaliser les épreuves classantes, aujourd'hui nationales, et de répartir les postes d'internes filière par filière et région par région. L'objectif est de stabiliser les étudiants dans la région où ils auront effectué leurs études de troisième cycle par choix, et non par contrainte. Quelle suite comptez-vous donner à ces propositions, monsieur le ministre ? Je rappelle que 51 millions d'euros sont affectés, dans ce budget, à la formation des internes en médecine.
À mon avis, les questions de liberté d'installation et de rémunération des médecins ne doivent plus être taboues ...
M. Jean-Pierre Godefroy. J'y arrive !
Trois pistes, de la moins à la plus contraignante, pourraient être envisagées.
Premièrement, pendant les cinq premières années d'exercice de sa profession, tout médecin débutant pourrait être tenu de respecter l'équilibre du territoire dans le choix de son lieu d'installation, sous peine de se voir refuser le conventionnement à l'assurance maladie en cas d'installation dans une zone bénéficiant déjà d'une présence médicale suffisante.
Ce n'est pas la piste qui a ma préférence, car elle comporte un risque de dérapage...
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous me demandiez des propositions et, si je vous en soumets, c'est pour que nous en débattions, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy. Deuxièmement, on pourrait aussi geler l'installation de nouveaux médecins dans les zones surdotées en ne prévoyant qu'un remplacement nombre par nombre pendant une période déterminée.
M. Paul Blanc. N'importe quoi !
M. Jean-Pierre Godefroy. Enfin, à un stade ultime, il ne faut pas exclure d'appliquer aux médecins la procédure prévue pour les pharmaciens : elle fonctionne très bien et personne ne la conteste ...
Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?
J'espère en tout cas que les crédits de ce programme ne serviront pas à financer la fermeture des services de chirurgie des quelque 150 hôpitaux locaux qui pratiquent moins de 2 000 interventions par an, comme le préconise le rapport du Conseil national de la chirurgie qui vous a été remis au mois de septembre.
La fermeture de ces services serait une catastrophe et une menace pour la survie des établissements : les services rendus aux populations par ces hôpitaux locaux ne sont pas seulement en relation avec la quantité d'activité.
C'est en renforçant la coopération ville-hôpital au travers des réseaux de soins que l'on garantira une prise en charge de qualité des patients de ces zones et que l'on permettra de maintenir a minima l'installation de nouveaux praticiens dans ces secteurs où l'hôpital est souvent le dernier et seul recours et le soutien indispensable aux praticiens libéraux qui acceptent de s'installer.
Je pourrais vous livrer des chiffres concernant la démographie médicale, mais je m'en dispenserai sachant que le temps imparti nous est compté.
Il n'est reste pas moins qu'il existe des disparités énormes ; je n'en prendrai qu'un exemple. Dans l'agglomération qui est le mienne, il ne se trouve pas un seul pédiatre libéral, tandis que dans certains arrondissements de Paris- je n'ai rien contre Paris - pourtant deux fois moins peuplés, ils sont douze ou treize à exercer.
Et, pour introduire une note d'humour dans ce propos, j'ajoute que, dans mon agglomération, qui compte 100 000 habitants, il y a deux psychiatres, alors qu'ils sont 125 pour 50 000 habitants dans un arrondissement parisien !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Naturellement, il y a un inter-secteur psychiatrique dans le Ve arrondissement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il n'empêche que c'est anormal et d'ailleurs, si l'on veut bien étudier la question, il y a aussi de grandes disparités entre les différents arrondissements parisiens : ce ne doit pas être un hasard !
Comme vous le savez, la carte des inégalités de la démographie médicale correspond globalement à la carte des inégalités d'espérance de vie. Certes, l'une n'explique pas l'autre, mais le constat devrait obliger à renforcer les moyens et les structures de soins et de prévention dans ces zones.
Dans mon département, monsieur le ministre, les délais d'attente pour le dépistage du cancer du sein sont longs : jusqu'à neuf mois pour obtenir le double diagnostic ! C'est un non-sens pour une bonne application du plan Cancer, et cela tient à la démographie médicale.
Je m'étonne, par ailleurs, qu'aucun crédit ne semble être prévu, dans ce budget, pour financer les agences régionales de santé, les ARS, qui doivent pourtant être expérimentées à partir de l'année prochaine dans six régions. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Pour finir, permettez-moi d'évoquer deux questions qui ne concernent pas directement le budget, mais qui sont importantes en termes de santé publique. Connaissant votre volonté de dialogue, que vous manifestez à chaque instant, je sais que vous ne m'en voudrez pas de m'y arrêter.
Comment ne pas parler, monsieur le ministre, du rapport qui vient de vous être remis par M Hervé Chabalier concernant la prévention de l'alcoolisme ?
Outre le manque de moyens de structures de soins spécialisées pour les malades de l'alcool, c'est aussi et surtout le déni généralisé et l'incohérence de l'action des pouvoirs publics qu'il dénonce. À cet égard, monsieur le ministre, un évènement récent est particulièrement instructif : encore une fois, l'adoption « à la hussarde » d'un amendement...
M. Guy Fischer. Ah oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. ...qui a donné lieu à polémique sur la création du Conseil de modération et de prévention, son rôle et sa composition, polémique dans laquelle le silence de votre ministère fut pour nous un handicap.
M. Guy Fischer. Vous n'avez rien dit !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous aurions eu besoin de votre soutien pour assurer l'indépendance des campagnes de prévention, conformément aux objectifs définis dans la loi de santé publique, qui devrait imposer un renforcement substantiel des crédits consacrés à cette cause primordiale.
Par rapport au décret du Gouvernement en date du 4 octobre, que j'ai défendu en vain dans cette assemblée, monsieur le ministre,...
M. Jean-Pierre Godefroy. Certes, mais une loi l'a remis en cause !
M. Xavier Bertrand, ministre. Elle a été votée à l'unanimité, y compris donc par les socialistes : bravo !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... il apparaît qu'ont disparu de ce conseil : le représentant du ministère de l'éducation nationale, le représentant du ministère de la jeunesse, celui du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, le délégué interministériel à la sécurité routière.
Puisque nous avons parlé antérieurement des violences faites aux femmes, je précise que l'alcoolisme n'y est pas étranger, pas plus qu'il n'est étranger aux violences faites aux enfants.
Je voudrais également vous rappeler, monsieur le ministre, en tant que rapporteur adjoint de la mission « amiante », que le comité permanent Amiante fut l'un des responsables du drame de l'amiante : le Parlement, à l'époque, n'avait pas à se prononcer.
Pour le Conseil de modération, c'est le Parlement qui déséquilibre la représentation de la santé publique au profit des lobbies professionnels. Que comptez-vous faire, maintenant qu'il figure dans la loi d'orientation agricole ?
Enfin, je ne peux pas ne pas mentionner les accords conclus récemment entre certains groupes alimentaires et des sociétés d'assurance pour rembourser ce que l'on appelle communément certains « alicaments ». Un pas supplémentaire est ainsi franchi dans l'instrumentalisation scandaleuse de la santé à des fins de pur marketing.
N'y a-t-il pas un risque en termes de santé ? N'est-il pas simpliste, en ce qui concerne, par exemple, la réduction du risque coronarien, de se focaliser de manière exclusive sur le cholestérol ?
Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre position à ce sujet, alors que vous déremboursez des médicaments dont le service médical rendu est jugé insuffisant, bien que certains d'entre eux aient parfois des effets très bénéfiques.
Plutôt que de faire passer ces produits pour des médicaments miracles, ces groupes industriels seraient mieux inspirés, à mon avis, de diminuer la matière grasse ou le sucre contenus dans les autres aliments qu'ils fabriquent - glaces, fromage, gâteaux, desserts pour enfants et adolescents - ainsi que l'alcool dans les boissons « premix » La prévention de l'obésité et d'un certain nombre de problèmes de santé en serait facilitée.
Je ne doute pas que, sur tous ces points, vous allez me répondre, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, il me semble que la discussion budgétaire, dont je ne méconnais pas l'importance, peut aussi être l'occasion de poser de vrais problèmes de santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nouveau dispositif budgétaire ne prévoit pas de programme particulier en ce qui concerne la couverture sociale de nos 2 300 000 compatriotes résidant à l'étranger.
Certes, un programme « Français à l'étranger et étrangers en France » existe bien au sein de la mission « Action extérieure de l'État », gérée par le ministère des affaires étrangères, mais, là encore, cela ne se rapporte pas à la couverture sociale des Français expatriés.
Or cette protection sociale est l'une des interrogations décisives de nos compatriotes lorsqu'ils partent s'établir à l'étranger, qu'il s'agisse de la couverture sociale proprement dite - assurance maladie, assurance accident du travail, assurance vieillesse - ou, plus largement, de l'offre de soins en vigueur dans les pays d'accueil et des conditions sanitaires auxquelles ils seront confrontés.
Il me semble donc important d'évoquer certains de ces points devant vous.
Pivot essentiel de la couverture sociale des Français de l'étranger, la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, la CFE, créée en 1984, couvre une population de près de 185 000 personnes, dont la plupart au titre de l'assurance maladie, avec une croissance de 5 % à 6 % pour 2005.
Depuis plus de vingt ans, la CFE, son conseil d'administration, que j'ai l'honneur de présider depuis l'origine, et son personnel, se sont efforcés, avec le soutien des autorités de tutelle, dont votre ministère, d'améliorer la couverture mise en place par la loi du 13 juillet 1984 en développant ses actions, en les adaptant aux situations particulières rencontrées à l'étranger, en multipliant les mesures de justice sociale visant à réduire le coût de l'assurance volontaire maladie et à en permettre l'accès au plus grand nombre. Il a été ainsi procédé à des baisses successives des taux de cotisation et à la création de plusieurs catégories de cotisants.
La CFE, avec des cotisations moindres que celles de métropole, avec des remboursements identiques à ceux qui sont pratiqués en France, réussit à équilibrer ses comptes depuis l'origine, comme cela vient d'être récemment vérifié dans un rapport du COREC, le comité régional d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale - mission conjointe de la Cour des comptes et des autorités de la sécurité sociale - rendu en novembre 2005.
À la suite d'une inspection approfondie de notre caisse, un avis favorable a été rendu, indiquant que la caisse est gérée avec sérieux et efficacité. À l'occasion de ce contrôle, des recommandations positives ont été émises. La CFE ne manquera pas de les suivre, car elles sont de bon sens et permettront d'améliorer encore le service rendu à ses assurés.
Il faut reconnaître que, au-delà de la gestion saine et rigoureuse de la CFE, les Français de l'étranger sont également plus responsables et plus économes de leurs dépenses maladie.
C'est en partie pour ces raisons que, dès l'examen et le vote de la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l'assurance maladie, j'ai demandé à ce que les Français expatriés assurés auprès de la CFE soient exemptés de certaines des mesures mises en place, souvent inapplicables dans leurs pays de résidence.
Vous aviez bien voulu, comme votre prédécesseur, soutenir mes amendements, et c'est ainsi que les adhérents de la CFE ne sont pas soumis à la procédure du médecin traitant, du dossier médical personnalisé, du parcours de soins pour les soins reçus à l'étranger.
Néanmoins, des interrogations subsistent pour les soins reçus en France à l'occasion de séjours temporaires : pour les vacances, par exemple. En effet, la CFE appliquant les mêmes règles que le régime général pour le remboursement des soins et le calcul des prestations, comment appliquer ces mesures à des personnes qui résident habituellement à l'étranger ? Comment, par exemple, appliquer demain la participation forfaitaire de 18 euros sur des actes médicaux lourds intervenus à l'étranger, ou le déremboursement de 156 médicaments, à partir du 1er mars 2006, lorsque ces médicaments sont achetés à l'étranger ?
La CFE est donc de plus en plus souvent conduite à s'écarter des règles strictes du régime général, à prévoir des exceptions ou des dérogations, et le prochain conseil d'administration, qui se réunira les 12 et 13 décembre prochain sera appelé à vous faire un certain nombre de propositions dans ce sens.
Je souhaite qu'elles soient alors entendues par vos services, comme l'ont été en particulier celles qui sont liées au médecin traitant. Je dois reconnaître que les services de la direction de la sécurité sociale ont fait preuve de compréhension par rapport aux problèmes spécifiques de la Caisse des Français de l'étranger et de ses assurés, ce dont je veux les remercier ici en souhaitant qu'ils maintiennent cette attitude responsable et raisonnable.
D'autres sujets, plus complexes, nécessiteront des réponses claires et des décisions précises de vos services. Je pense en particulier au parcours de soins et à la notion de « contrat responsable ».
Les services ministériels nous ont apporté des précisions : « Les assurés de la CFE ne sont pas concernés par le parcours de soin et, lors de soins reçus en France, ils ne doivent supporter ni dépassements d'honoraires, ni majoration de leur participation aux frais ». Cette réponse a fait l'objet d'une correspondance au directeur de la CNAM, mais quelle sera la situation des assurés de la caisse face à certains médecins spécialistes en France qui ne seront pas clairement informés de cette situation et qui factureront des majorations d'honoraires pour situation hors parcours de soins ? Quelle devra être l'attitude de la CFE, et quelle devra être celle des assureurs complémentaires avec qui ses adhérents sont liés ?
Cesseront-ils d'être « responsables » s'ils prennent en charge ces majorations ? Dès lors que le dépassement d'honoraires s'applique à des personnes non concernées par le parcours de soins, la logique voudrait que le contrat complémentaire qui les prend en charge ne soit pas, de ce seul fait, déclaré « irresponsable ».
Je souhaiterais, monsieur le ministre, avoir votre sentiment sur ce sujet d'importance, car nombre d'assurés de la CFE ont souscrit des assurances « complémentaires » qui ont élaboré des produits spécifiques adaptés à l'expatriation et à l'assurance de base proposée par la CFE. La caisse est d'ailleurs liée par convention à une vingtaine d'entre elles, ce qui permet une meilleure coordination pour le versement des prestations, et elle poursuit une politique de guichet unique afin de simplifier les démarches des adhérents. Elle doit donc savoir quelle position adopter vis-à-vis de ces assureurs.
J'aimerais également obtenir des précisions sur deux points au sujet de l'assurance volontaire vieillesse gérée par la CFE pour le compte de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, sur lesquels il existe, me semble-t-il, un certain flou : le premier point se rapporte aux délais d'adhésion, le second intéresse la qualité des personnes pouvant adhérer à cette assurance volontaire vieillesse.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je dirai quelques mots des craintes de nos compatriotes expatriés quant aux risques sanitaires auxquels ils sont confrontés : paludisme, virus Ebola en Afrique et, plus récemment, la grippe aviaire en Asie, avec des risques de propagation dans les pays d'Europe de l'Est.
Les pouvoirs publics français se sont préoccupés du sort des communautés françaises à l'étranger face à ce nouveau virus, et l'on doit les en féliciter. La décision a été prise de doter nos ambassades et nos consulats de médicaments antiviraux et de masques de protection, à l'image de ce qui est fait en métropole. Si un vaccin est mis au point rapidement, ce que nous souhaitons tous, au cas où, malheureusement, la grippe aviaire deviendrait transmissible de l'homme à l'homme, je souhaite vivement que celui-ci soit diffusé largement et prioritairement auprès de nos compatriotes vivant dans les pays d'Asie concernés.
Monsieur le ministre, dans le contexte actuel de risques sanitaires que connaît le monde, il est essentiel que nos compatriotes qui souhaitent s'expatrier, ou qui le sont déjà, puissent être assurés d'avoir une couverture maladie et, plus largement, une couverture sociale française qui leur permette d'être pris en charge face à ces risques exceptionnels, mais aussi face aux risques encourus au quotidien dans le cadre de l'expatriation.
Il est primordial également que ceux-ci puissent bénéficier des mêmes droits qu'en métropole en ce qui concerne les accidents du travail, la retraite, le chômage et les prestations qui en découlent.
C'est pourquoi, tous, ils seront particulièrement attentifs, comme je le serai moi-même, aux positions et aux réponses que vous apporterez dans ces différents domaines, ainsi qu'aux actions que vous entreprendrez pour les soutenir dans leur expatriation.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission qui nous est présentée est en progression de 10 %. Il traduit les priorités du Gouvernement, notamment la lutte contre le sida, et nous pouvons nous féliciter de cette audace. Cependant, monsieur le ministre, je me permettrai d'attirer votre attention sur la situation catastrophique de la santé en Guyane.
De nombreux rapports émanant tant de parlementaires que de hauts fonctionnaires de votre ministère ont largement décrit la situation sanitaire de la Guyane. Ces rapports ne souffrent d'aucune contestation : la situation sanitaire se dégrade de plus en plus. Les indicateurs de santé sont manifestement mauvais : l'espérance de vie est, en Guyane, significativement inférieure à celle de la France hexagonale et le taux de mortalité y est plus élevé.
Cet état des lieux s'explique en partie par l'existence endémique de pathologies spécifiques aux départements d'outre-mer, telles que le paludisme, la tuberculose ou la fièvre jaune.
L'importance de l'alcoolisme et de la toxicomanie y est tout aussi préoccupante, du fait notamment que ces pathologies concernent l'ensemble de la population et touchent les jeunes de plus en plus tôt.
Enfin, le sida mérite une attention particulière : la Guyane est en effet six fois plus touchée que la métropole et figure, selon un rapport des Nations unies, parmi les pays les plus affectés dans l'hémisphère ouest. En 2004, 1,2 % des femmes enceintes étaient atteintes du VIH, ce qui vaut au département d'être classé en zone d'épidémie généralisée, selon les normes de l'Organisation mondiale de la santé. Les femmes sont autant touchées que les hommes et de nombreux enfants de moins de dix ans sont atteints.
Malheureusement, ce véritable fléau ne cesse de se développer. En effet, les frontières étant largement perméables et la France offrant des possibilités de prise en charge, les deux tiers des malades, durement touchés dans leur pays, viennent de l'importante immigration tant légale que clandestine.
Malgré les efforts financiers importants des pouvoirs publics, il reste beaucoup à faire pour enrayer cette pandémie qui ne cesse de progresser de façon préoccupante sur tous les continents.
Il est notamment urgent de promouvoir les actions de prévention, qui se heurtent, encore aujourd'hui, au déni de la maladie et à la stigmatisation des malades. En effet, le sida est encore un sujet extrêmement tabou : être séropositif en Guyane, c'est la mort sociale assurée. De ce fait, de nombreux patients ne révèlent pas leur maladie à leur famille.
La santé en Guyane est également menacée par la pollution au mercure, qui constitue un risque sanitaire très élevé pour les populations guyanaises, victimes d'empoisonnement.
Les activités d'orpaillage exercées en Guyane sont responsables de rejets importants de mercure. Le mercure déposé sur le fond sédimentaire s'accumule dans la chaîne alimentaire et constitue ainsi la source majeure d'exposition à la contamination des populations.
De nombreuses analyses de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, et de l'Institut de veille sanitaire, l'IVS, ont révélé que le niveau de mercure était jusqu'à deux fois supérieur au seuil fixé par l'Organisation mondiale de la santé et qu'il était à l'origine de graves maladies, notamment intestinales et neurologiques.
Certes, le ministre délégué au tourisme s'est engagé à ce que le recours au mercure sur les chantiers aurifères de Guyane soit interdit dès le 1er janvier 2006, mais cette mesure ne permet pas de mettre un terme à l'orpaillage clandestin. Si nous ne faisons rien, les populations amérindiennes seront toujours victimes d'empoisonnement au mercure.
Cette situation alarmante de la santé en Guyane est amplifiée par une immigration galopante, une offre de soins insatisfaisante, une pénurie de professionnels de santé et des équipements sanitaires insuffisants.
S'agissant de l'immigration, il faut rappeler que peu de départements français ont connu une telle explosion démographique : limitée pendant trois siècles à 25 000 habitants, la population guyanaise a été multipliée par sept en moins de cinquante ans.
Blottie entre le Surinam et le Brésil, non loin d'Haïti, l'un des pays les plus pauvres du monde, la Guyane représente un Eldorado et suscite de ce fait la convoitise de ses voisins.
Or, ses 3 000 kilomètres de frontières, constituées de deux fleuves et de forêts, sont franchis allégrement par les clandestins, ce qui rend la maîtrise des flux migratoires quasi impossible et conduit à l'engorgement de ses structures de soins.
Le chef de service de la maternité de l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni explique que, avec 1 900 accouchements par an pour vingt-quatre lits - contre 900 voilà dix ans -, son service est en état de surchauffe permanente et que cette augmentation s'explique en partie par un afflux de Surinamaises, attirées par notre système de santé, fiable et gratuit.
Sur le plan des moyens humains, la situation est tout aussi alarmante puisqu'il y a trois fois moins de médecins en Guyane qu'en France hexagonale. Cette pénurie, qui touche à la fois les généralistes et les spécialistes, concerne également les autres professionnels de santé.
Pour pallier le déficit de médecins et d'infirmières, le centre hospitalier de Cayenne se voit contraint de recruter à prix d'or et pour de courtes missions. Déjà grevé par le coût des soins - jamais remboursés, car dispensés à une population étrangère souvent en situation irrégulière - le budget du centre hospitalier affiche 20 millions d'euros de créances.
Avec une population dont le taux de croissance est de loin le plus important au plan national, la Guyane a la démographie médicale la plus faible de France. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de garder les professionnels de santé qui exercent en Guyane et de rendre attractive la venue de nouveaux professionnels de santé.
La création d'une zone franche sanitaire s'étendant à l'ensemble de la Guyane y contribuerait. La situation sanitaire guyanaise est la plus sinistrée de France. Une telle mesure permettrait une remise à niveau du secteur de la santé, pilier incontournable du développement économique d'une région.
J'apprécierais, monsieur le ministre, que vous me précisiez les engagements que le Gouvernement et singulièrement votre ministère pourraient prendre afin d'apporter des solutions satisfaisantes au grave problème de santé publique que connaît le Guyane.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la faiblesse des crédits alloués à la mission « Santé » fait tristement écho aux débats que nous avons eus lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale voilà à peine dix jours.
À cette occasion, nous avions à maintes reprises dénoncé la contraction drastique des dépenses de santé, qui se traduit nécessairement par une baisse générale de la quantité de prestations et de la qualité des soins, mais aussi par le retrait progressif de l'État au profit des mutuelles, des systèmes d'assurance privés. Bien entendu, les assurés sociaux sont de plus en plus mis à contribution.
M. Guy Fischer. Cette dérive de notre système de santé vers un modèle anglo-saxon, ...
M. Guy Fischer. ...c'est-à-dire une médecine gratuite et solidaire résiduelle, le reste étant pris en charge par des systèmes privés, pose la question de la réalité du principe d'égal accès aux soins sur notre territoire.
En effet, la question se pose avec acuité : la France garantit-elle encore aujourd'hui à tous les hommes et les femmes qui vivent sur son territoire un accès aux soins et un niveau de santé décent ?
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, il nous est malheureusement permis d'en douter.
M. Guy Fischer. Dans le domaine de la santé, les inégalités géographiques, sociales et économiques se creusent. L'enquête décennale relative à la santé menée par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DRESS, publiée en octobre dernier, relève que les écarts restent persistants en termes d'espérance de vie entre, d'une part, les cadres et les professions libérales et, d'autre part, les ouvriers.
De même, ce sont les catégories socioprofessionnelles les plus modestes qui ont l'état de santé le plus fragile, et ce sont elles qui sont les premières touchées par l'obésité, les addictions au tabac ou à l'alcool, les problèmes dentaires ou certains cancers.
M. Guy Fischer. L'une des explications de ce phénomène que fournit l'enquête est que « les différences socio-économiques sont particulièrement marquées pour les recours à la médecine spécialisée : plus le revenu du ménage est faible et moins le niveau d'éducation des personnes est élevé, plus la probabilité qu'elles n'aient pas vu de spécialiste dans les douze derniers mois s'accroît ».
Notre système de santé est donc de plus en plus inégalitaire...
M. Guy Fischer. ...et le recours à un spécialiste ou à certains types de soins devient impossible pour un nombre croissant de personnes.
Entre autres choses, il faut mettre un frein à une présence médicale trop inégalitaire sur notre territoire, monsieur le ministre.
M. Guy Fischer. Cette inégalité dépasse depuis bien longtemps la simple opposition ville-campagne.
Au coeur même des villes, des inégalités se creusent en fonction des quartiers, mais aussi en fonction du type de conventionnement des médecins, comme l'a récemment montré le premier Atlas de la santé en Île-de-France.
Cette étude révèle les profondes disparités territoriales en termes d'espérance de vie et de mortalité infantile, qui sont les conséquences directes d'un inégal accès aux soins au sein même de cette région.
Il faut repenser un mode d'installation des praticiens qui ne répond pas en priorité à l'impératif d'égal accès au système de santé sur notre territoire.
La faiblesse des moyens attribués au programme « Offre de soins et qualité du système de soins » ne permet pas d'aborder les questions de fond.
Comment le Gouvernement entend-il réorganiser la formation médicale initiale ? Il semble que des plans pluriannuels régissant le numerus clausus soient indispensables pour éviter, comme vous l'avez récemment annoncé, monsieur le ministre, de prolonger indéfiniment l'âge d'exercice des médecins.
Ne faut-il pas, par ailleurs, envisager une régionalisation en fonction des besoins de santé, tout en prenant en compte les capacités de formation des universités ?
Dans tous les cas, il faut mener une politique d'aménagement du territoire volontaire, ...
M. Guy Fischer. ...dotée de moyens à la hauteur des enjeux, ce n'est qu'à cette condition que l'égal accès aux soins sur notre territoire pourra être approché.
M. Guy Fischer. Je tiens enfin à attirer votre attention sur un autre point, qui nous paraît essentiel. Pour cela, j'en appelle aux réflexions de M. le rapporteur pour avis, Alain Milon : « Qu'en est-il aujourd'hui de l'état de santé des plus démunis, alors que le Gouvernement a durci les conditions d'accès à l'aide médicale d'État et qu'il vient de proposer la réduction du nombre d'ayants droit à la CMU-C ? »
M. Guy Fischer. Toutes les associations ou organisations avec lesquelles nous travaillons déplorent la dégradation des conditions de soins pour les plus démunis et redoutent une recrudescence des infections contagieuses, que nous avions pourtant quasiment éradiquées de notre territoire.
À présent, je souhaite dire un mot sur deux des parents pauvres de votre budget, alors que vos discours sur ces deux thèmes sont au contraire très volontaristes, je veux parler de la toxicomanie et de la psychiatrie.
Au regard des montants avancés, le volet « soins et réduction des risques en matière de drogue et de toxicomanie » demeure l'un des plus mal lotis de la politique de santé publique.
Les moyens consacrés à la coordination interministérielle et à l'expérimentation de nouveaux dispositifs sont, malheureusement, en chute libre. Sur l'exercice précédent, 3 millions d'euros étaient initialement attribués à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
C'est dans ce contexte très défavorable que se sont mis en place les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, les CAARUD. Le transfert de leur financement à l'assurance maladie a été entériné par le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année.
Cela tend à prouver que ces centres créés par la récente loi relative à la politique de santé publique, verront effectivement le jour, mais cela ne dissipe pas pour autant les incertitudes auxquelles sont confrontées les deux cent soixante-dix structures participant à l'action de réduction des risques.
En effet, on observe que le décret définissant les missions des CAARUD n'est toujours pas paru. Le processus de concertation et d'information entre l'administration et les associations est quasiment inexistant. La liste des quatre-vingts structures pressenties pour être des CAARUD a été établie dans la précipitation par l'administration déconcentrée, et n'a pas été communiquée aux acteurs.
Aussi, quel sera le sort réservé aux cent quatre-vingt-dix structures qui n'auront pas l'honneur d'être labellisées CAARUD ? Seront-elles privées de financement ? Autrement dit, leur capacité d'expertise et leur action de proximité seront-elles sacrifiées sur l'autel de la rationalisation administrative et de la rigueur budgétaire ?
De plus, comment comptez-vous assurer la continuité des financements pour ces futurs CAARUD entre la fin des subventions d'État et le début des dotations assurance maladie ? C'est une question essentielle, s'il en est, puisque le financement de l'assurance maladie devrait être effectif au 1er janvier 2006, alors que les CAARUD ne seront théoriquement agréés qu'en juin prochain !
Ces questions ont été soulevées au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais le Gouvernement ne leur a pas apporté de réponse. Je vous les pose donc de nouveau aujourd'hui.
Quant à la psychiatrie, elle souffre de moyens largement insuffisants. Et l'on s'étonne des drames qui peuvent se produire !
Cette situation est d'autant plus alarmante que l'évolution de la psychiatrie est marquée par une augmentation globale du nombre de prises en charge, dans un contexte de baisse des effectifs médicaux et infirmiers.
La baisse des moyens des établissements, la remise en cause de la spécificité des carrières, la baisse des effectifs vont dans le sens d'une disparition de la psychiatrie en France, alors que le ministre soutient le contraire !
C'est ce qui m'amène à terminer mon propos sur l'insincérité du budget qui nous est présenté.
M. Guy Fischer. Depuis 2002, compte tenu du contexte économique quasi récessif, que la politique gouvernementale ne fait qu'aggraver, le Gouvernement a pris la fâcheuse habitude de multiplier les gels et les annulations de crédits.
M. Guy Fischer. Cette manipulation lui permet de maintenir un affichage budgétaire qui est, certes, flatteur, mais qui ne reflète pas la réalité.
Après 55 millions d'euros annulés en 2003 et 20 millions d'euros en 2004, cette année, c'est bis repetita : plus de 17 millions de crédits de paiement relatifs au programme « Santé publique et prévention » viennent d'être supprimés par décret - n'est-ce pas, monsieur le ministre ?
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, que deviennent la lutte contre l'obésité, la lutte contre le tabagisme, la lutte contre l'alcoolisme ou le plan Santé mentale qui ont fait l'objet de tant d'annonces ?
M. Guy Fischer. Je souscris entièrement aux propos de Jean-Pierre Godefroy sur l'actualité récente, mais je ne m'appesantirai pas là-dessus.
Une telle pratique réduit considérablement la portée de la discussion de ce jour, puisque tout laisse à penser que nous avons affaire à un budget qui, aussitôt voté, risquera d'être amputé.
Dans de telles conditions, il nous est impossible de voter ce budget tel qu'il nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'attarderai tout d'abord quelques instants sur les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, comme l'a fait à l'instant M. Fischer.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 organise le transfert de leur financement à l'assurance maladie pour 15 millions d'euros. Cela tend à prouver que ces centres créés par la récente loi de santé publique verront effectivement le jour, mais cela ne dissipe pas pour autant les incertitudes auxquelles sont confrontées les deux cent soixante-dix structures participant à l'action de réduction des risques.
Ce transfert ne peut manquer de susciter des réflexions légitimes concernant la compétence régalienne de l'État en matière de prévention et de réduction des addictions, donc sur ce qui devrait normalement relever de son budget !
Ainsi, le programme « Drogue et toxicomanie », doté de 37,3 millions d'euros, est en baisse à cause du transfert des crédits des injonctions thérapeutiques vers le programme « Conduites et soutien des politiques sanitaires et sociales ».
Ce programme ne concentre toutefois pas la totalité des moyens de l'État dédiés à la lutte contre la toxicomanie, puisque 13 millions d'euros sont prévus à cette même fin par l'action « Déterminants de santé » dans le programme « Santé publique et prévention ».
Je me contenterai de souligner que les soins et la réduction des risques en matière de drogue et de toxicomanie demeurent les parents les plus pauvres de la politique de santé publique.
Les moyens consacrés à la coordination interministérielle et à l'expérimentation de nouveaux dispositifs sont, malheureusement, en chute libre. Sur l'exercice précédent, 3 millions d'euros étaient initialement attribués à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT.
De plus, le Gouvernement envisage de supprimer le fonds de concours de 1,2 million d'euros que la MILDT répartit traditionnellement entre les ministères concernés pour le financement des actions de lutte contre la drogue.
Le rattachement direct, au ministère des finances, du produit des saisies de biens et de numéraires des trafiquants risque de faire perdre de vue son utilisation pour la seule lutte contre la drogue.
En outre, à la lecture du « bleu » budgétaire, il apparaît que la mise en oeuvre du programme « Drogue et toxicomanie » s'appuie sur quatre opérateurs, financés sur les crédits de l'action « Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif » pour un total de 9 millions d'euros en 2006.
Pour une meilleure efficacité de ces outils de prévention, il me semble nécessaire d'intégrer l'ensemble de ces opérateurs dans la MILDT.
Alors que la consommation de cannabis augmente dans notre pays, les campagnes de prévention ne me paraissent pas être à la hauteur du problème. En effet, la consommation de ce stupéfiant est en recrudescence continue et devient de plus en plus précoce : à dix-huit ans, plus de 50 % des adolescents en ont fait l'expérience ; parmi eux, 24 % des garçons et 9 % des filles en font un usage régulier.
De plus, selon une nouvelle étude scientifique, de nombreux conducteurs impliqués dans un accident avaient consommé ce stupéfiant dans les heures précédant l'accident. Ainsi, près de 40 % des jeunes morts au volant avaient fumé du cannabis.
En ce qui concerne l'alcool, vous me permettrez, monsieur le ministre, de revenir sur l'adoption par le Parlement d'une disposition modifiant la composition du Conseil de modération et de prévention.
Les experts de santé publique dénoncent la modification apportée par l'article 21 A du projet de loi d'orientation agricole à la composition du Conseil de modération et de prévention, créé pourtant par décret en octobre 2005.
Cette modification donne une place importante aux professionnels des filières viticoles et prévoit leur consultation systématique à propos de tout projet de communication ou de tout texte normatif relevant de la compétence du Conseil.
Afin que la mise en oeuvre de la politique de prévention ne soit pas freinée, il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous fassiez rétablir la configuration initiale de ce conseil. En effet, il n'est pas acceptable que des initiatives concernant la santé soient prises à l'occasion de l'élaboration de textes n'ayant a priori aucun lien avec la santé publique, échappant ainsi à votre contrôle.
M. Roger Madec. L'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a accusé l'industrie de l'alcool de mettre en péril la jeunesse en faisant l'apologie de la boisson dans la publicité, envenimant ainsi un problème tragique de santé publique. À l'occasion de l'ouverture d'une conférence ministérielle de trois jours sur les jeunes et l'alcool, la directrice générale de l'OMS avait déclaré : « La jeunesse constitue la cible privilégiée du marketing de l'industrie de l'alcool ».
Enfin, je terminerai mon propos par la lutte contre l'épidémie du sida.
Décrété grande cause nationale pour l'année 2005, le combat contre le sida avait moins besoin de symboles que de véritables moyens financiers pour être efficace.
Face à la recrudescence de l'épidémie depuis quelques années et à l'accroissement des pratiques à risque, il était urgent d'agir. L'année 2005 aurait pu être l'occasion d'une grande mobilisation nationale, d'un engagement fort de l'État et d'une prise de conscience de la gravité de la situation.
Malheureusement, un an après - je ne cherche pas à être polémique -, le bilan du Gouvernement est négatif en termes de résultat. D'après les statistiques de l'Institut de veille sanitaire, de plus en plus de Français vivent avec cette maladie. Ce sont 7 000 personnes qui ont découvert leur séropositivité en 2004, soit 15 % d'augmentation par rapport à 2003. La transmission du sida augmente chez les homosexuels, les migrants et les femmes. Enfin, le taux de rapports non protégés augmente depuis 2003 et a doublé depuis 1997.
Le Conseil national du sida, le CNS, rendait mercredi 23 novembre un rapport, cinglant pour le Gouvernement, qui souligne que l'engagement de l'État en faveur de la prévention de l'infection est insuffisant et que les réponses apportées paraissent faibles au regard des enjeux.
En effet, alors que tous les indicateurs montrent depuis plusieurs années que les contaminations et les rapports non protégés sont en augmentation et trahissent une nette recrudescence de la maladie, aucune campagne de prévention de grande ampleur n'a été mise en place. Rien n'a été entrepris pour faciliter l'accès à la prévention - préservatifs masculin et féminin, dépistage - ; rien n'a été proposé en matière d'éducation et de prévention en milieu scolaire ; rien n'a été fait contre les discriminations en matière d'emploi, dans le travail et dans le logement.
Le CNS critique « les politiques gouvernementales qui empêchent le bon déroulement d'actions de prévention réputées efficaces » et fustige « les politiques du ministère de l'intérieur à l'égard des prostitué(e)s des usagers de drogue et des migrants, qui éloignent ces personnes des associations de prévention et augmentent leurs risques d'exposition ».
Face à la résurgence de l'épidémie, il est urgent de rompre avec l'inertie des politiques de prévention et d'éducation à la sexualité.
Pour cela, nous considérons que des campagnes de prévention de très grande envergure pour tout public, mais aussi des campagnes plus ciblées - jeunes, couples, homosexuels, femmes, migrants - doivent être mises en place.
Tels sont les éléments que je souhaitais aborder à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Santé » pour 2006. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de santé publique constitue l'une des missions essentielles de l'État tel que nous le concevons aujourd'hui.
Nous sommes particulièrement attentifs au respect de l'exigence d'accès à des soins de qualité pour tous, notamment pour les plus vulnérables.
Par ailleurs, cette mission nous commande également d'associer tous les acteurs à la mise en oeuvre d'une politique résolument volontariste et tournée vers l'avenir.
Ces défis expliquent que les moyens consacrés à la santé publique augmentent en 2006 - comme cela a été rappelé tout à l'heure - avec une mission « Santé » dotée de 400 millions d'euros, soit une progression de 10 % par rapport à 2005.
Je veux indiquer à M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, que mon ministère a eu à coeur de répondre au mieux aux questions posées par les parlementaires. Certes, le taux de réponse était de 45 % à la mi-octobre, comme vous l'avez souligné, mais j'ai donné comme consigne expresse à l'ensemble des services du ministère et à l'ensemble des collaborateurs de mon cabinet de fournir un effort supplémentaire, ce qui les a conduits à travailler bien au-delà des 35 heures réglementaires ! Ce taux de réponse s'établissait donc à 85 % au 15 novembre, sachant que 914 questions ont été posées, contre 530 questions l'année précédente, monsieur le rapporteur spécial.
Vous savez que j'ai toujours eu à coeur de répondre au mieux aux questions des parlementaires. J'ai tenu cette année à apporter le plus de réponses possible et des réponses qui soient les plus précises. La masse de travail que cela requiert ne permet pas au ministère, hélas ! d'atteindre le taux de réponse de 100 % comme je le souhaiterais. Cependant, les auditions en commission auxquelles vous n'avez pas manqué de procéder nous ont permis de vous offrir la vision la plus large et la plus exhaustive possible sur ces questions.
Je veux vous donner quelques précisions sur l'évolution des différents programmes. Chaque fois que le montant dévolu à un programme ou à une action est en diminution pour les crédits de l'État, c'est la conséquence, soit d'une nouvelle répartition entre l'État et l'assurance maladie, soit de la mise en oeuvre de mesures de décentralisation.
Ces crédits sont en fait toujours maintenus, ou même augmentés. Chaque fois que nous procédons à ces réattributions, c'est en vue d'atteindre l'objectif d'une plus grande rationalité, d'une meilleure gestion et d'une qualité accrue.
Je veux également rappeler les raisons qui nous ont conduits à rassembler les moyens en fonctionnement et en personnel au sein d'une seule mission, la mission « Solidarité et intégration ».
Certains, comme MM Jégou et Milon, s'interrogent sur ce choix. Je comprends que l'idée d'une séparation des dépenses selon les missions, voire selon les programmes, puisse apparaître satisfaisante sur le papier. Mais notre administration risquerait d'être rigidifiée par un éclatement entre trois missions, voire entre onze programmes.
Sur près de 15 000 agents de l'administration sanitaire et sociale, seuls 2 000 exercent leurs fonctions au sein de l'administration centrale. Les services déconcentrés sont en effet très polyvalents, ce qui constitue d'ailleurs un atout indéniable. Il nous était donc difficile de répartir les effectifs en missions. Notre choix n'empêche pas d'être fidèle à l'esprit de responsabilisation et d'information de la LOLF.
Le programme finançant les actions en faveur de la santé publique et de la prévention mobilise 260 millions d'euros. La progression de plus de 23 % de ces crédits s'explique d'abord par la volonté de tout mettre en oeuvre pour assurer le succès total de nos grands plans de santé publique, au premier rang desquels le plan Cancer. C'est ensuite la conséquence d'une exigence d'efficacité, mais aussi d'équité territoriale, qui conduit à la recentralisation de certaines compétences, notamment en vertu de la loi du 19 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Je suis très attaché à l'équité territoriale et à l'égalité d'accès aux soins. Comme les sénateurs, je suis aussi un élu local. Dans ma région, la Picardie, je vois bien que l'égalité d'accès aux soins n'est pas une valeur théorique. Mais il nous faut également prendre en compte les différences de mortalité et de morbidité qui existent sur notre territoire. Cet impératif s'impose bien évidemment à tous. Je tenais à apporter ces éléments de réponse à M. Fischer.
Monsieur Jégou, je veux répondre à votre souhait de connaître les départements qui n'ont pas souhaité la recentralisation des compétences et qui ont donc passé une convention avec l'État. En fait, quarante-six départements ont recentralisé leurs compétences en matière de lutte contre la tuberculose, vingt-trois pour les maladies sexuellement transmissibles, sujet évoqué Mme Payet, cinquante-quatre pour le cancer, quatre-vingt-cinq pour la lèpre et quarante-deux pour les vaccinations. Je tiens bien sûr le détail à la disposition de tous ceux qui souhaiteraient le connaître.
Le plan de lutte contre le cancer bénéficie d'un quart des crédits consacrés à la mission. Au total, les moyens dévolus par l'État à cette priorité voulue par le Président de la République progressent de 32 % en 2006.
Vous avez également évoqué la situation de l'Institut national du cancer. Je lui ai confié la coordination des actions de dépistage. Aujourd'hui, nous lui apportons les moyens de réaliser cette politique. La prévention joue en effet un rôle primordial en matière de lutte contre le cancer.
Je sais que vous vous interrogez sur les rapports exacts qu'entretiennent l'INCA et l'INPES. La coordination entre ces deux institutions n'a pas encore été formalisée, mais elle existe déjà, et elle est de grande qualité. J'y ai veillé en prenant mes fonctions, et je continue à m'en occuper régulièrement.
Cette coordination se fonde sur un partage simple : si l'INCA est leader sur les sujets de prévention touchant principalement aux cancers, vous avez pu le lire encore récemment dans la presse, l'INPES s'occupe de toutes les autres actions, même si celles-ci évoquent en incidente la lutte contre le cancer. Je pense, par exemple, aux campagnes de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Je profite de cette occasion pour dire très clairement que ces campagnes de prévention ne seront pas mises sous tutelle. Celles-ci incombent à l'INPES sous la seule responsabilité du ministère de la santé.
M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Anne-Marie Payet. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Qu'il puisse y avoir des campagnes d'information à un moment donné, soit ! Mais il n'y aura pas de coécriture du scénario. Je tiens d'autant plus à le dire que j'ai entendu des reproches de la part de MM. Madec et Godefroy. Ils devraient plutôt les adresser aux députés du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, qui n'ont pas manqué de voter l'amendement qu'ils réprouvent.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes d'accord : nos collègues ont eu tort, comme les autres !
M. Roger Madec. Absolument !
M. Xavier Bertrand, ministre. Les acquiescements qui sont les vôtres montrent que je ne me suis pas trompé en la matière.
J'ai veillé personnellement, lors de l'élaboration du budget, à ne pas pénaliser la mise en place des différents plans figurant dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Il faut en effet aujourd'hui les faire vivre en les appliquant sur le terrain. Les crédits supplémentaires consacrés notamment à la lutte contre le cancer ne proviennent pas des autres plans, dont certains voient d'ailleurs leur dotation augmenter en 2006.
Monsieur Jégou, l'effort public concernant la prévention et le traitement du sida, des hépatites et des autres maladies infectieuses, ainsi que la prévention des conduites à risques, est maintenu à hauteur de 70 millions d'euros répartis entre l'assurance maladie et le budget de l'État. M. Othily s'en est d'ailleurs félicité. Du reste, ces crédits sont intégralement reconduits depuis 2002. Ainsi, le financement des associations est rigoureusement identique et nous recherchons également à renforcer la cohérence des dispositifs actuels. C'est notamment le cas pour les CAARUD, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, dont le financement, soit 14,9 millions d'euros, revient désormais à l'assurance maladie.
Vous avez appelé mon attention sur ces CAARUD. Il est normal que ces centres adossés aux établissements médicosociaux soient financés par l'assurance maladie dans la mesure où ils constituent l'un des volets de l'offre de ces établissements. Il s'agit donc avant tout une mesure de rationalisation et de simplification de la gestion.
Je pense répondre à vos interrogations, monsieur Madec, en soulignant que, dans ces conditions, et dans l'intérêt de tous ceux qui fréquentent ces centres, il était légitime de procéder à cet aménagement. Il en est de même pour la recentralisation de la prévention et du dépistage.
Les décrets ont désormais passé l'étape du Conseil d'État et, dans le cadre du processus interministériel, ils sont prêts à être signés. Ils pourront donc bientôt entrer en vigueur. Je suis heureux d'avoir pu vous apporter cette information.
Sur un sujet aussi sensible que celui du sida, il est nécessaire d'éviter toute polémique. Les chiffres révélés la semaine dernière par l'Institut de veille sanitaire sont inquiétants. Mais cela ne veut pas dire qu'il y a une fatalité. Il faut tout simplement avoir le courage de dire que le sida continue à progresser et qu'il tue toujours. Pourtant, nous pouvons agir en repensant, par exemple, un certain nombre de politiques de prévention.
Vous avez dit que l'année 2005 n'avait pas été à la hauteur des espérances. Avez-vous interrogé les associations ? Elles nous disent qu'il faut lutter contre la banalisation et la lassitude. En effet, de nombreux militants associatifs, plus de vingt ans après la découverte du sida et depuis une dernière décennie qui a vu notamment apparaître les trithérapies, ont parfois tendance à baisser les bras.
Or, en cette année 2005, toutes ces associations se sont rassemblées - elles reconnaissent elles-mêmes que ce n'était pourtant pas gagné d'avance - et ont davantage voulu travailler avec les pouvoirs publics, le Gouvernement comme les élus locaux. Tout cela constitue une force qui permettra certainement d'être plus efficace encore en 2006.
Concernant la prévention, le Président de la République a souhaité que, sans tabou, nous installions dans tous les lycées des distributeurs de préservatifs accessibles à tous. Ce sera l'occasion de rappeler aux jeunes, comme à d'autres, que la protection permet d'éviter la contamination par le sida. Nous avons déjà pu le constater pour les toxicomanes, ces politiques volontaristes produisent des effets en matière de réduction des risques.
Cela étant, il faut tordre le cou à certaines idées reçues, surtout lorsque l'on sait que 38 % des personnes interrogées estiment que l'on peut être contaminé en donnant son sang, 20 % en étant piqué par un moustique, 15 % en allant aux toilettes publiques ou 8 % en buvant dans le verre d'une personne atteinte du sida. En lisant ce type d'étude, on s'aperçoit qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire !
Comme le souligne M. Othily, il faut également lutter contre les discriminations. Il ne doit pas y avoir de différence dans la lutte contre le sida selon l'endroit où l'on se trouve. Les départements français d'Amérique ont donc besoin d'actions de prévention encore plus ciblées, surtout lorsque l'on entend dire, et je vous cite, monsieur le sénateur, qu'être séropositif en Guyane, c'est la mort sociale. Malheureusement, ce qui est vrai en Guyane l'est tout autant dans d'autres départements.
Ce matin, j'ai tenu à me rendre moi-même devant le comité de suivi de la convention Belorgey pour y représenter le ministère de la santé. Cette convention, qui existe depuis 2001, avait pour objectif de mettre un terme aux discriminations d'accès aux crédits et à l'assurance. Force est de reconnaître que, quatre ans après, l'esprit de cette convention n'est pas respecté.
Le Président de la République et le Premier ministre m'ont chargé de mettre un terme à cette situation scandaleuse. En effet, si vous êtes locataire, que vous rencontrez la maladie, que vous la combattez et que vous la surmontez, vous ne pourrez jamais devenir propriétaire dans notre pays, même si vous avez des revenus suffisants. C'est un véritable scandale !
J'ai donc demandé à M. Belorgey, le président de ce comité de suivi, de me remettre des propositions avant la fin du mois de décembre. Soit nous sommes capables de mettre un terme à ces discriminations dans le cadre conventionnel, soit le Gouvernement sera amené à proposer au Parlement de changer la règle afin que cessent enfin ces discriminations.
D'autres sujets de santé publique sont tout aussi importants. Je pense ainsi au plan Nutrition et santé et à la lutte contre l'obésité, dont les crédits, en hausse, atteignent 5,3 millions d'euros. Ne doutez donc pas de la détermination du Gouvernement en la matière.
Cela étant, il faudrait sortir de la logique d'affrontement entre les partisans de la santé publique et ceux qui ont longtemps été considérés comme ses adversaires, alors qu'il n'y a pas lieu de les opposer de façon factice.
Le décret sur les messages publicitaires est en cours de finalisation. Quant à l'arrêté portant sur le SAF, le syndrome d'alcoolisme foetal, il a été transmis à la Communauté européenne. Philippe Douste-Blazy s'y était engagé et j'ai bien évidemment continué ce travail.
Nous parlions de l'obésité. À cet égard, j'aimerais dire un mot des alicaments. Ces différents produits sont pris en charge par une seule mutuelle. Cela étant, il ne doit pas y avoir confusion des genres : un alicament n'est pas un médicament. Je préfère donc que les mutuelles complémentaires se consacrent à de véritables actes de prévention - d'ailleurs, la réforme de l'assurance maladie le prévoit - comme ceux qui sont préconisés par la Haute Autorité de santé. Ainsi, dans la lutte contre l'obésité, leur rôle est indispensable.
Je voudrais aussi souligner votre intérêt, monsieur Milon, pour le plan Maladies rares. Au moment où nous parlons, se tient, comme chaque année maintenant, un grand rendez-vous, qui nous permet de faire notamment reculer les maladies rares.
Je veux aussi vous rappeler l'importance des fonds que nous consacrons à la recherche sur les maladies rares. À cet égard, je viens de désigner trente-trois nouveaux centres de références pour la recherche et les traitements des maladies rares, portant leur nombre à soixante-sept.
La prévention est aussi un élément central du programme de lutte contre les drogues et les toxicomanies. Le 25 juillet 2004, le Premier ministre a validé le plan quinquennal contre les drogues et les toxicomanies. En 2006, 38 millions d'euros seront attribués à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT. Toutefois, messieurs les rapporteurs, celle-ci n'a pas la responsabilité de la mise en oeuvre du volet sanitaire du plan, ce qui explique que les crédits de lutte contre les drogues soient aujourd'hui - et je dis bien aujourd'hui - répartis entre deux programmes. Ce choix traduit une logique de simplification et d'efficacité. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point plus en détail lors de l'examen des amendements.
Le Gouvernement est particulièrement attaché à la pérennité des sources de financement de la MILDT. Ses crédits bénéficient de l'augmentation du rendement du fonds de concours rattaché à la mission, ce qui a apporté 1,2 million d'euros supplémentaires en 2005. La réforme budgétaire rend caduc ce fonds de concours, comme vous l'avez souligné, monsieur Milon. Je tiens à vous dire d'ores et déjà qu'un dispositif financier de substitution est à l'étude. Je veillerai personnellement à ce que ce dispositif soit piloté par la MILDT, que ce soit pour la répartition des ressources ou pour le choix des actions.
La MILDT s'appuie sur plusieurs organismes, comme la ligne téléphonique Drogues alcool tabac info service. Messieurs les rapporteurs, je crois à la complémentarité de ces différentes institutions, qui nous permettent de couvrir tout le champ de la lutte contre les drogues et les toxicomanies.
Le programme « Offre de soins » témoigne pour sa part de l'importance de la politique hospitalière de l'État, et de celle que nous accordons au pilotage et donc à l'efficacité des actions que nous entreprenons. Afin d'améliorer encore la qualité de l'offre de soins, qui est déjà d'un bon niveau, la dotation s'élèvera à 70 millions d'euros. Comme vous le savez, monsieur Godefroy, l'orientation de notre système de santé vers la qualité des soins et la sécurité des patients est l'un des axes majeurs de la réforme de l'assurance maladie.
Il faut savoir que 32 millions d'euros permettront le financement du fonctionnement des acteurs qui interviennent dans le champ hospitalier, comme les agences régionales de l'hospitalisation ou la Haute Autorité de santé.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour parler de l'accessibilité de l'offre de soins, car le sujet a été évoqué par M. Fischer et par d'autres intervenants.
Oui, il nous faut une meilleure répartition sur le territoire national. Oui, il nous faut une démographie médicale adaptée aux défis de santé que nous aurons à relever. Je vous propose de soutenir le plan de démographie médicale que je présenterai avant la fin de l'année pour bien montrer qu'il n'y a aucune fatalité à voir se créer des déserts médicaux et qu'il y a des initiatives à la fois ambitieuses et pragmatiques à mettre en avant.
Certains amendements ont été votés à l'unanimité, notamment à l'Assemblée nationale, et je m'en réjouis, mais il y a aujourd'hui une opportunité à saisir pour faire reculer ces déserts médicaux qui se forment aujourd'hui sur notre territoire et qui risquent de se développer si nous ne faisons rien.
Je suis, comme M. Pierre André, élu d'une région, la Picardie, qui compte le plus bas taux de médecins généralistes de notre pays, ce qui montre bien qu'aucune région n'est épargnée. Ce constat montre bien que le problème existe en métropole comme dans l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer.
Monsieur le rapporteur pour avis, le fonds de la CMU, qui poursuit l'objectif d'universalité énoncé par les fondateurs de la sécurité sociale, verra sa stabilité financière confortée par la dotation d'équilibre. Quant à la CMU-C, une mesure d'aide financière qui a déjà profité à plus de 250 000 personnes, son champ a été étendu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
J'aborderai enfin deux thèmes transversaux de santé publique : la recherche et la spécificité des mesures de santé publique à destination des Français de l'outre-mer et des Français de l'étranger.
La recherche en santé publique est fondamentale, dans la mesure où la recherche d'aujourd'hui, ce sont les thérapies de demain. Nous souhaitons renforcer les échanges, au sein des CHU, entre soins, enseignement et recherche, avec notamment un développement de la recherche clinique sous la houlette de l'INSERM.
Je voudrais revenir sur la question des années recherche à destination des internes les mieux classés. Ce sont environ deux cents internes qui peuvent bénéficier de cette mesure, monsieur le rapporteur, mais tous n'utilisent pas aujourd'hui cette possibilité.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'accès aux soins dans les collectivités d'outre-mer et à l'étranger, il est aujourd'hui important que nous soyons toutes et tous attentifs à ce que les subventions accordées dans le cadre des contrats de développement soient réellement consacrées à la modernisation des établissements de santé. Cela répond à notre impératif d'égalité de traitement des patients sur notre territoire, et je veux redire à M. Othily combien nous sommes conscients de la situation guyanaise.
À cet égard, la circulaire budgétaire du 18 octobre 2005 vise à couvrir les créances irrécouvrables des hôpitaux de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni.
Concernant le déficit de professionnels de santé constaté, nous avons pris un arrêté qui définit la quasi-totalité de la Guyane comme zone déficitaire et la rend donc éligible aux aides à l'installation pour les médecins qui choisissent d'y exercer, sans parler des facilités qui sont accordées à ceux qui y exercent déjà.
En outre, en Guyane, depuis 2005, le préfet peut désormais autoriser l'exercice médical à des praticiens étrangers ; nous sommes particulièrement vigilants quant aux conditions d'application de cette mesure. Je sais que c'est aussi l'un de vos souhaits.
Quant à M. Cantegrit, il a choisi cette discussion pour aborder la question de la Caisse des Français de l'étranger. Nous connaissons les réussites de la Caisse, vous les aviez rappelées et je l'avais souligné lors de l'examen de la réforme de l'assurance maladie en 2004, monsieur le sénateur. La santé et la sécurité de nos concitoyens à l'étranger sont primordiales à mes yeux et l'accès à la protection sociale en est un préalable. Je sais combien vous êtes attachés aux financements de la CFE, notamment à leur pérennisation.
Je tiens également à dire que l'égalité de traitement entre les Français qui résident sur le territoire national et ceux qui sont à l'étranger est pour moi une priorité.
Je viens de passer trois jours en Asie pour travailler sur le problème de la grippe aviaire. J'y suis allé pour rencontrer les autorités locales, mais aussi et peut-être surtout pour porter un message très clair à nos concitoyens expatriés, pour leur dire qu, s'ils pensent souvent à la France, la France pense également à eux. Elle leur assurera l'information, mais aussi la protection à laquelle ils ont droit, car ils résident ou travaillent dans des pays qui sont aujourd'hui en première ligne face à la grippe aviaire.
Des masques et des médicaments antiviraux sont déjà à la disposition des postes diplomatiques dans ces pays, et j'ai eu l'occasion de rencontrer ce matin l'ensemble des médecins correspondants de nos postes diplomatiques, afin de leur confirmer les propos que je tiens ce soir à la tribune du Sénat.
Monsieur Othily, mon ministère a à coeur de se saisir de toutes vos préoccupations concernant les risques d'exposition alimentaire au mercure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pourrions afficher de telles ambitions en matière de santé publique, qui engagent l'ensemble de la société, sans la participation et le soutien de la représentation nationale. Je vous remercie de votre patience, de votre écoute et surtout de votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Santé » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 407 854 985 euros ;
Crédits de paiement : 397 975 632 euros.
M. le président. L'amendement n° II-91, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Santé publique et prévention |
1.180.141 |
|
1.180.141 |
|
Offre de soins et qualité du système de soins |
|
|
|
|
Drogue et toxicomanie |
|
|
|
|
TOTAL |
1.180.141 |
|
1.180.141 |
|
SOLDE |
+ 1.180.141 |
+ 1.180.141 |
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement prévoit de majorer les ouvertures de crédits sur le programme « Santé publique et prévention » à hauteur de 1 180 141 euros. Dans l'attente d'une connaissance précise du niveau des crédits faisant l'objet d'une recentralisation, une provision de 42 millions d'euros a d'ores et déjà été inscrite au programme « Santé publique et prévention ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement.
Dans mon rapport, je m'étais interrogé sur le montant de 41,7 millions d'euros inscrit au titre de la recentralisation des compétences de la prévention sanitaire. Or une mission confiée à trois inspections générales aboutit à la conclusion que, si tous les départements décidaient de ne plus mener d'action à ce titre, le coût de la recentralisation complète de ces compétences serait de 137,8 millions d'euros.
J'ai souhaité tout à l'heure savoir quels départements avaient choisi de signer ces conventions avec l'État. Monsieur le ministre, vous m'avez apporté des précisions et donné les moyens d'en savoir encore plus, ce dont je vous remercie.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° II-18, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Santé publique et prévention |
|
105.000 |
|
100.000 |
Offre de soins et qualité du système de soins |
105.000 |
|
100.000 |
|
Drogue et toxicomanie |
|
|
|
|
TOTAL |
105.000 |
105.000 |
100.000 |
100.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Le présent amendement a pour objet de se conformer à la règle de la justification au premier euro.
Monsieur le ministre, tous les membres de la Haute Assemblée, et pas seulement les membres de la commission des finances, souhaiteraient que nous ayons une discussion budgétaire plus « lolfienne ».
On peut, en effet, se vanter d'avoir un budget en augmentation de 10 %, mais ce qui nous intéresse aussi, c'est de mesurer son efficacité. Tout au long des prochaines discussions, vous nous entendrez sur ce thème, non pas que nous voulions vous être désagréables, car vous êtes particulièrement attentif à l'écoute du Parlement en matière de LOLF, mais nous sommes pour la première fois confrontés à ce débat et nous souhaitons donc poursuivre dans ce domaine.
La justification au premier euro est présentée dans le « bleu » pour l'action n° 3 « Pathologies à forte morbidité/ mortalité » du programme « Santé publique et prévention ».
La justification des crédits fait apparaître une différence de 105 000 euros en autorisations d'engagement et de 100 000 euros en crédits de paiement par rapport aux demandes formulées.
En conséquence, je vous propose de réduire du même montant les crédits du programme « Santé publique et prévention » au titre de cette action n° 3 et de transférer ces crédits vers l'action n° 3 « Soutien » du programme « Offre de soins et qualité du système de soins », afin de renforcer les outils de pilotage des agences régionales de l'hospitalisation, dont vous avez vanté l'efficacité tout à l'heure, et qui se verront ainsi mieux dotées encore.
Cet amendement est également l'occasion d'attirer l'attention du ministère de la santé sur la nécessité de justifier avec attention les crédits demandés. La justification au premier euro présentée pour le programme « Santé publique et prévention » est notoirement insuffisante, et tout particulièrement pour ce qui constitue le coeur des dépenses du programme, à savoir les plans et programmes de santé publique visant des pathologies particulières.
En effet, les auditions auxquelles j'ai procédé ont montré les incertitudes entourant l'efficacité de certains de ces crédits, voire plus simplement la destination de ceux-ci. Si je comprends que la justification au premier euro puisse constituer une véritable révolution dans la manière de construire le budget, une telle situation ne saurait se reproduire.
Monsieur le ministre, j'y insiste, nous ne voulons pas vous mettre dans l'embarras, il s'agit simplement de pouvoir évoluer dans notre discussion qui était un peu convenue jusqu'à présent et que la LOLF nous permet d'approfondir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le rapporteur, le document budgétaire qui vous a été présenté comportait une erreur technique, vous étiez donc tout à fait fondé à vous demander si cette justification au premier euro était suffisante. Il ne s'agissait que de cela et de rien de plus.
En revanche, si votre amendement était adopté, il remettrait en cause, notamment la participation au financement de la convention entre l'État et la ville de Marseille pour la partie relative à la lutte contre le sida et la toxicomanie. Par conséquent, nous aurions de véritables difficultés pour que l'État puisse honorer ses engagements sur une politique qui est particulièrement importante, à savoir la prévention en matière de sida et de toxicomanie.
J'ai reconnu que le document budgétaire qui avait été présenté comportait une anomalie. Bien évidemment, cela ne remet pas en cause la justification au premier euro, je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-18 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, je n'ai pas envie de nuire à la lutte contre le sida à Marseille, c'est bien évident. Reste que l'on peut douter que tout le dispositif soit remis en question pour 100 000 euros.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Je vais retirer l'amendement, car nous avons d'autres questions à aborder, et de plus graves encore, mais je souhaite que nous ayons l'occasion d'y revenir, parce que tout cela ne me paraît pas très sérieux.
M. le président. L'amendement n° II-18 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-17 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-10 est présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Santé publique et prévention |
|
18.061.178 |
|
18.061.178 |
Offre de soins et qualité du système de soins |
|
|
|
|
Drogue et toxicomanie |
18.061.178 |
|
18.061.178 |
|
TOTAL |
18.061.178 |
18.061.178 |
18.061.178 |
18.061.178 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-17.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à transférer 18 061 178 euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Santé publique et prévention », au titre de l'action n° 2 « Déterminants de santé », vers le programme « Drogue et toxicomanie », au titre de l'action n° 1 « Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif ».
En effet, monsieur le ministre, ces 18 millions d'euros correspondent à la mise en oeuvre de la partie sanitaire du plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool pour la période 2004-2008 et à d'autres actions visant notamment à subventionner des réseaux de soutien ou des structures d'accueil pour toxicomanes.
Cela n'apparaît pas cohérent avec l'existence, au sein de la mission « Santé », d'un programme spécifiquement dédié à la lutte contre les drogues et les toxicomanies. Ce choix a clairement été guidé par une logique de frontières administratives, le programme « Santé publique et prévention » étant placé sous la responsabilité du directeur général de la santé, tandis que le programme « Drogue et toxicomanie » est placé sous celle du président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, qui nous a lui-même indiqué qu'il était directement placé « sous Matignon », pour reprendre sa propre expression.
Aussi, sans méconnaître les spécificités liées à la vocation interministérielle de la MILDT, je vous propose de transférer ces 18 millions d'euros vers le programme « Drogue et toxicomanie ».
Monsieur le ministre, tout à l'heure vous avez évoqué votre volonté de simplification. Le transfert de ces crédits permettrait de clarifier l'architecture de la mission « Santé », de conférer une véritable portée à l'autorisation parlementaire en la matière et de traiter le programme « Drogue et toxicomanie » dans une même unité.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-10.
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales a présenté un amendement identique à celui de la commission des finances sans que M. Jégou et moi-même nous soyons concertés. Cela témoigne de l'importance que les deux commissions lui accordent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements et il demande aux deux rapporteurs de bien vouloir les retirer, bien qu'ils aient été adoptés en commission.
Je comprends votre souhait, messieurs les rapporteurs. Si j'avais le temps de procéder aux modifications nécessaires, le Gouvernement serait prêt à réserver un avis favorable à ces amendements. Je suis même disposé, si vous le souhaitez, à m'engager sur ce point pour le prochain examen budgétaire.
Mais aujourd'hui, messieurs les rapporteurs, une telle décision est impossible. Je ne sais pas si vous avez sollicité la MILDT afin de savoir si vos propositions pourraient être applicables dès cette année. Car la MILDT est bel et bien l'opérateur du programme auquel vous voulez rattacher ces crédits.
J'ignore donc si vous avez consulté la MILDT, mais, en revanche, je sais que la MILDT n'est pas demandeur. Le décret du 15 septembre 1999, relatif au comité interministériel de lutte contre la drogue et les toxicomanies, précise que la MILDT « anime et coordonne les actions des ministères compétents en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, en particulier dans les domaines de l'observation et de la prévention, de l'accueil, des soins, de la formation des personnes ».
Or le transfert que vous souhaitez voir entrer en vigueur au 1er janvier 2006 risque, je le dis en toute sincérité et en toute clarté, de remettre en cause le financement d'un certain nombre d'actions d'information et d'éducation, qui portent à la fois sur la nutrition, les activités physiques, l'alcool, le tabac, les traumatismes par accidents et les violences, notamment la violence routière. Mais, surtout, c'est par les crédits de cette action que le ministère de la santé, par l'intermédiaire de la Direction générale de la santé, la DGS, peut intervenir auprès de certaines associations, par exemple la Croix d'Or, la Croix Bleue et le mouvement Vie Libre.
L'adoption de ces amendements n'irait pas sans risque parce que vous changeriez le programme attributaire sans savoir si la MILDT est en mesure d'assurer sans rupture le versement à ces associations des subventions dont elle aurait désormais la charge.
Si vous le souhaitez, je suis prêt à engager une réflexion avec la MILDT qui, aujourd'hui, je le répète, n'est pas demandeur, afin d'adapter ses modes de fonctionnement aux nouvelles responsabilités que vous voulez lui confier. Vos amendements pourraient alors être adoptés lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007. Il m'est tout à fait possible d'exaucer votre demande si telle est votre volonté. En revanche, adopter aujourd'hui ces amendements reviendrait à prendre un risque.
Je comprends, je le répète, votre souci de lisibilité et je veux bien y souscrire. Mais je vais être très clair et faire preuve de transparence : pour des raisons qui tiennent au bon fonctionnement du dispositif et pour des considérations d'ordre pratique, il n'est pas possible de mettre en place les dispositions que vous préconisez dès le 1er janvier sans faire courir aux associations concernées un risque quant à la continuité de leur financement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, nous éprouvons l'un pour l'autre, je le crois, une certaine sympathie. Mais la vérité m'oblige à vous dire que là, vous n'êtes pas sérieux !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Vous voulez nous faire croire, ce matin, à deux heures, que des problèmes internes à votre administration sont en fait des impossibilités techniques. Monsieur le ministre, je vais à mon tour être très clair : il s'agit d'un problème lié à l'organisation interne de votre ministère. C'est la DGS qui refuse, ce n'est pas vous. Or le Parlement n'a pas à tenir compte de ces considérations.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Vous nous avez donné lecture d'un décret. Mais nous sommes au Parlement, nous nous intéressons à la loi et non pas au règlement. Les décrets ne nous concernent pas !
Je considère, en toute sincérité, que vous mésestimez les capacités de la MILDT. Voilà un instant, vous m'avez fait le coup du sida à Marseille pour justifier votre demande de retrait de l'amendement n° II-18. Cette fois-ci, vous pouvez me faire le coup de la Croix Bleue, mais cela ne marchera pas ! Monsieur le ministre, il n'est pas compliqué de doter des associations pour des missions que l'on connaît.
Monsieur le ministre, je ne veux pas être désagréable, mais ne prenez pas les parlementaires pour des petits garçons ! (M. le ministre s'exclame.)
Ces amendements correspondent à une volonté commune de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.
La commission des finances, et je parle sous le contrôle de M Arthuis, souhaite la plus grande transparence. Nous considérons qu'il est préférable que ces quelque 18 millions d'euros figurent sur un programme unique plutôt que d'être répartis sur plusieurs programmes.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Accélérez les procédures. (M. le ministre sourit.)
Vous souriez, monsieur le ministre, mais il n'est pas rare que le Gouvernement annonce en urgence des mesures dont la mise en place est autrement plus compliquée que le fait d'assurer le versement de subventions à des associations dont les actions sont connues de la France entière.
Je ne sais pas ce que fera M. Milon, mais, pour ma part, je maintiens l'amendement n° II-17.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-10 est-il également maintenu ?
M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous sommes animés par une seule idée : vous aider. Nous souhaitons que la LOLF soit autre chose qu'une couche de peinture que l'on étale sur un édifice dont la structure ne change pas. Nous voulons vous aider pour exercer une pression sur les inerties qui parfois caractérisent certaines administrations centrales.
Le Parlement est dans l'exercice de ses prérogatives. En fait, nous vous adressons une invite forte, car nous souhaitons que la logique de performance l'emporte sur la logique de moyens.
Je ne doute pas que, l'année prochaine, vous nous direz que vous avez un bon budget, non parce qu'il augmente de 10 %, mais parce que vous vous êtes donné les instruments dont vous aviez besoin pour réorganiser vos services et pour aller vers une efficacité accrue.
Pour l'heure, je ne vois pas ce qui pourrait vous empêcher de verser des fonds à la Croix d'Or, à la Croix Bleue et à d'autres associations !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les crédits qui correspondent à ces subventions sont transférés non pas à MILDT, mais sur le programme « Drogue et toxicomanie » que le Gouvernement a créé. C'est une question de lisibilité.
Si d'aventure une difficulté insurmontable surgissait, il serait toujours temps d'aviser dans deux semaines, à l'occasion de la réunion de la commission mixte paritaire.
Mais ce soir, il me semble que le Sénat est dans son rôle en exprimant sa détermination à améliorer la lisibilité des actions que vous menez, monsieur le ministre. Vous agissez avec beaucoup de conviction et de détermination, nous le savons et nous vous faisons confiance. Mais, sur ce point particulier, nous souhaitons vous adresser un signal.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne sais pas s'il est d'usage d'interroger les rapporteurs, mais pourriez-vous me dire, messieurs, si vous avez consulté les responsables de la MILDT.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Oui !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Ils n'ont pas précisé quelles étaient les capacités de la MILDT.
M. Xavier Bertrand, ministre. C'est dommage !
Monsieur le président de la commission des finances, le responsable de ce programme, c'est la MILDT, et personne d'autre : un responsable, un programme.
Le principe qui s'applique au moment de cette discussion, c'est tout simplement le principe de réalité.
Mme Isabelle Debré. Pourquoi ne pas résoudre cette question en commission mixte paritaire ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, j'ai cru déceler une contradiction dans vos propos. Mais peut-être est-ce l'heure ...
Vous avez reconnu que j'étais attentif aux souhaits du Parlement, puis vous avez déclaré, peut-être dans un moment d'emportement, qu'il ne fallait pas que je considère les parlementaires comme des petits garçons.
Monsieur le rapporteur spécial, je passe assez de temps au Parlement et je porte suffisamment d'intérêt à l'ensemble des parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, pour considérer que votre observation ne me concerne pas directement.
J'ai été membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Puis, au nom du Gouvernement, j'ai présenté, devant les députés et devant les sénateurs, le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.
Je puis vous assurer que, pour avoir la même logique s'agissant des finances de la sécurité sociale, d'une part, et des finances de l'État, d'autre part, il nous a fallu aller vers la lisibilité et vers la performance. C'est ce que je n'ai cessé de faire, et au Parlement et dans mon action ministérielle. Tout cela pour dire que, ce que vous souhaitez, je le souhaite également.
Mais il est aussi dans mes prérogatives et dans mes responsabilités de vous dire clairement que cette mesure, prise aujourd'hui, le 2 décembre...
M. Guy Fischer. Le 3 décembre !
M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, vous avez raison, monsieur Fischer, et je vous remercie de votre souci d'exactitude. Cette mesure, donc prise le 3 décembre 2005, ne nous permettra pas de tenir nos engagements au 1er janvier 2006.
Il ne suffit pas de dire que, lorsque l'on veut, on peut. La MILDT n'a pas à ce jour les prérogatives pour assurer l'exécution du programme que vous voulez lui confier.
J'ajoute que, si vous voulez aller au bout de votre logique, il vous faudrait présenter des amendements analogues s'agissant des douanes, de la gendarmerie ou de la police pour un certain nombre d'autres aspects.
Même si votre volonté rejoint la mienne sur ce sujet, je me dois de souligner que, pour des raisons d'ordre opérationnel et pratique, l'adoption de ces amendements risque de causer un vrai préjudice pour les associations que j'ai mentionnées, pour ne citer que celles-là.
Telles sont les précisions que je tenais à vous apporter. Maintenant, chacun est en face de ses responsabilités.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, il semble que nous ne nous comprenions pas. Il ne s'agit pas du programme de la MILDT.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Non, il s'agit du programme « Drogue et toxicomanie ». Je suis désolé !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Qu'est-ce qui empêche le président de la MILDT de recevoir la responsabilité d'un nouveau programme ? Il serait alors amené à exercer ses prérogatives de président de la MILDT, tout en ayant la charge de l'exécution des actions qui figurent au programme « Drogue et toxicomanie ».
Il ne s'agit que de cela, monsieur le ministre. Vous devez pouvoir trouver des dispositions opérationnelles.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission mixte paritaire se réunira dans moins de trois semaines.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, vous ne semblez pas sûr de vous !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, si le Sénat adopte ces amendements, vous repartirez avec un message. Peut-être aurez-vous un moyen d'exercer une pression sur vos propres services pour que le processus s'accélère !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai beaucoup de respect pour la rigueur dont font preuve - c'était déjà le cas hier pour la mission « Enseignement scolaire » - nos collègues de la commission des finances, notamment M. Jégou. Mais j'aurais bien aimé qu'ils fassent preuve d'autant de rigueur ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela ne va pas recommencer !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... concernant l'amendement relatif à la fiscalisation des indemnités de réparation servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, en consultant au moins les membres de la commission des affaires sociales du Sénat. Ce qui vaut dans un sens vaut dans l'autre, d'autant que nous avions peut-être un avis à donner qui aurait pu vous intéresser, voire vous éclairer, chers collègues ! Mais nous avons été mis devant le fait accompli !
On nous a refusé une seconde délibération. Mais le Gouvernement, même après la commission mixte paritaire, peut toujours déposer un amendement, en l'occurrence pour revenir sur une disposition qui nous a été imposée par M. Jégou sans que la commission des affaires sociales ait été consultée !
Hier déjà, donc, nous avons connu une situation identique lors de l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». En effet, s'agissant des postes occupés par des enseignants qui n'exercent pas leur fonction, M. le ministre de l'éducation nationale nous a fait part de la grande difficulté dans laquelle vous alliez le mettre, car l'adoption de l'amendement concerné revendrait à lui « couper les jambes » ; ce sont les termes qu'il a employés.
Ce qui me surprend, monsieur le rapporteur spécial, c'est l'intégrisme dont vous faites preuve pour la première année d'exécution de la LOLF !
M. le ministre vient de vous dire - c'est quand même assez paradoxal que ce soit un membre de l'opposition qui prenne parti pour le ministre ! - qu'en adoptant ces amendements identiques vous prenez le risque de remettre en cause le financement de certaines associations, et non des moindres : quand il s'agit d'une association comme la Croix d'Or, je pense que la rigueur budgétaire peut attendre un an, et cela d'autant plus que M. le ministre a pris un engagement !
Cet après-midi, concernant les exonérations fiscales accordées aux restaurateurs, alors que ces derniers n'ont pas tenu compte des exigences du Gouvernement, j'aurais bien aimé, monsieur le président de la commission des finances, que vous affichiez la même volonté, face à la commission des affaires économiques, pour que la disposition figurant à l'article 91 ne soit pas reconduite ! Je constate que les comportements sont différents selon les cas !
C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons la position de M. le ministre de la santé en votant contre ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous aurons la même attitude que celle de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Aujourd'hui, nous avons eu la preuve que le président de la commission des finances n'avait pas tout à fait la même rigueur selon les sujets traités !
En effet, lors du débat de cet après-midi sur l'aide apportée aux restaurateurs, un chèque en blanc leur a été à nouveau délivré. Or, ce soir, on veut priver un certain nombre d'associations de crédits qui sont pourtant vitaux pour elles !
De plus, alors que nous souhaitons vraiment que la commission des affaires sociales aborde des problèmes importants, nous n'avons pas été consultés sur les indemnités de réparation servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, ce qui, si vous me permettez l'expression, nous reste en travers de la gorge !
C'est vraiment la preuve qu'il y a deux poids et deux mesures dans les décisions qui sont prises ! Par conséquent, nous voterons contre les amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Pierre André, pour explication de vote.
M. Pierre André. La rigueur budgétaire ne doit pas masquer la réalité.
Nous examinons dans l'urgence des problèmes importants. De plus, le ministre a pris l'engagement très précis de revenir sur cette question l'année prochaine, ce qui donne le temps d'y travailler sérieusement. Alors, je vous en prie !
Pour ma part, au nom de tous ceux qui pourraient avoir à souffrir du vote de vos amendements, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, je soutiendrai le Gouvernement et je voterai contre.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-17 et II-10.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Jean-Pierre Godefroy. À un cheveu près !
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Santé », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Santé ».