Mme la présidente. L'amendement n° I-2 rectifié bis, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I.- Le 1° du III bis de l'article 125 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est également applicable aux intérêts des plans d'épargne-logement ne bénéficiant pas de l'exonération mentionnée au 9° bis de l'article 157 ; ».
II.- Au 9° bis de l'article 157 du code général des impôts, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les plans d'épargne-logement, cette exonération est limitée à la fraction des intérêts et à la prime d'épargne acquises au cours des douze premières années du plan ou, pour les plans ouverts avant le 1er avril 1992, jusqu'à leur date d'échéance ; ».
III.- Au 1° du 1 de l'article 242 ter du code général des impôts, après les mots : « les produits » sont insérés les mots : « et intérêts exonérés » et après les mots : « 7° ter, » sont insérés les mots : « 7° quater, ».
IV.- L'article 1678 quater du code général des impôts est ainsi modifié :
A. Les trois alinéas sont regroupés sous un I ;
B. Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. 1. Le prélèvement prévu au I de l'article 125 A dû par les établissements payeurs, au titre du mois de décembre, sur les intérêts des plans d'épargne-logement mentionnés au troisième alinéa du 1° du III bis du même article 125 A fait l'objet d'un versement déterminé d'après les intérêts des mêmes placements soumis au prélèvement précité au titre du mois de décembre de l'année précédente et retenus à hauteur de 90 % de leur montant.
Ce versement est égal au produit de l'assiette de référence ainsi déterminée par le taux du prélèvement prévu au 1° du III bis de l'article 125 A pour les intérêts des plans d'épargne-logement. Son paiement doit intervenir au plus tard le 25 novembre.
2. Lors du dépôt de la déclaration en janvier, l'établissement payeur procède à la liquidation du prélèvement. Lorsque le versement effectué en application du 1 est supérieur au prélèvement réellement dû, le surplus est imputé sur le prélèvement dû à raison des autres produits de placement et, le cas échéant, sur les autres prélèvements ; l'excédent éventuel est restitué. ».
V.- Le premier alinéa du 1 du IV de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions s'appliquent également à la contribution sociale généralisée prévue au I et due, au titre du mois de décembre, sur les intérêts des plans d'épargne-logement mentionnés au troisième alinéa du 1° du III bis de l'article 125 A du code général des impôts. ».
VI.- Le dernier alinéa de l'article L. 315-5 du code de la construction et de l'habitation est supprimé.
VII.- Pour l'application des dispositions du II de l'article 1678 quater du code général des impôts institué par le B du IV du présent article et celles de la deuxième phrase du premier alinéa du 1 du IV de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale instituée par le V du présent article, l'assiette de référence, retenue pour le calcul du versement mentionné au II de l'article 1678 quater précité ainsi que de celui prévu à la deuxième phrase du premier alinéa du 1 du IV de l'article L. 136-7 précité dus au titre de l'année 2006, est égale à 70 % du montant des intérêts inscrits en compte le 31 décembre 2005 sur des plans d'épargne-logement de plus de douze ans ou dont la durée est échue à cette date.
VIII.- Les dispositions du présent article sont applicables aux intérêts courus et inscrits en compte à compter du 1er janvier 2006.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous abordons là une initiative à laquelle la commission des finances est très attachée.
Cet amendement porte sur la politique fiscale de l'épargne, plus précisément sur les plans d'épargne-logement.
Il faut rappeler que ce dispositif contractuel ne peut être d'une durée inférieure à quatre ans mais ne peut être d'une durée supérieur à dix ans. Toutefois, au-delà de cette durée de dix ans, les fonds qui se trouvent sur le plan peuvent y être maintenus et continuent à porter intérêts.
Le régime des plans d'épargne-logement est attractif, car les épargnants reçoivent tout d'abord de l'État une prime d'épargne-logement. Celle-ci doit être consacrée à souscrire un prêt immobilier et c'est sur l'initiative de la commission des finances du Sénat, lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2003, que ce lien entre la prime et la souscription d'un prêt immobilier a été réaffirmé et renforcé.
Les sommes inscrites au compte d'un souscripteur de plan d'épargne-logement portent intérêt à un taux fixé actuellement à 2,5 % pendant toute la durée de vie du plan. Cette rémunération est complétée en cas de réalisation d'un prêt d'épargne logement par la prime d'État de 1 %, à laquelle j'ai déjà fait allusion.
Surtout, les intérêts perçus ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu bien qu'ils soient soumis aux prélèvements sociaux selon des modalités qui, d'ailleurs, vont évoluer en fonction du vote tout récent de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Je rappelle que l'encours des plans d'épargne-logement est tout à fait considérable : 226,3 milliards d'euros au 31 décembre 2004.
Non moins considérable est la dépense fiscale liée au caractère non imposable des intérêts acquis sur un plan d'épargne-logement ou compte épargne-logement : elle représente aujourd'hui 1,7 milliard d'euros.
Or seulement 6,7 % des dépôts d'épargne-logement ont été transformés en prêts en 2004 et la tendance se dégrade, puisque ce taux était de 8,1 % en 2003.
Cela veut dire que ces sommes d'argent considérables qui bénéficient d'intérêts défiscalisés pour une dépense fiscale considérable ne sont pas suffisamment utilisées pour financer des projets immobiliers au moment où notre pays a besoin d'une relance de l'effort de construction.
C'est dans ce contexte que la commission des finances s'est posé la question de savoir si cette épargne liquide, sans risque, était aussi bien orientée qu'il le faudrait et, en vue d'adapter les choses tout en les rendant plus conformes aux objectifs économiques de ces dispositifs, elle propose que, pour les plans de plus de douze ans - nous envisageons ce décalage, monsieur le ministre, pour que notre mesure n'apparaisse pas comme trop brutale -, et ce à compter du 1er janvier 2006, les intérêts perçus ne soient plus défiscalisés. Ils feront donc l'objet d'un prélèvement à la source tous les ans dès 2006, conformément à la règle généralement applicable aux produits de placement analogues.
Je rappelle que les intérêts qui deviendraient ainsi fiscalisés n'ont jusqu'ici aucune incidence sur les droits à prêts et donc sur l'investissement dans le logement des épargnants. Au-delà de dix ans et, a fortiori, au-delà de douze ans, il y a déconnexion complète entre, d'une part, les encaisses de trésorerie placées et, d'autre part, le financement de projets immobiliers.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Voilà un amendement qui pourrait presque être adopté à l'unanimité.
En effet, les produits financiers en question, du moins tels que M. le rapporteur général les propose, serait d'une durée contractuelle supérieure à dix ans, en l'occurrence douze ans. Or, chacun sait que la durée contractuelle des PEL est dix ans, période au cours de laquelle leurs titulaires se constituent une épargne en vue d'une future accession à la propriété.
Au-delà de ce délai de dix ans, l'objectif recherché par l'épargnant n'est plus l'acquisition d'un logement ; nous sommes dès lors en présence d'un produit d'épargne classique, mais défiscalisé. Dans cette perspective, chacun peut constater que ces plans, que je qualifierais de « vieux PEL », qui ont perdu leur finalité d'aide à l'accession à la propriété, sont rémunérés à des taux extrêmement favorables.
En effet, lors de l'ouverture de ces PEL, les taux de rémunération dépassaient sensiblement les 8 %, soit quatre fois plus que le taux actuel du livret A.
Je le dis ici très clairement : ajouter une défiscalisation à ces plans est, à mon sens, faire un usage inapproprié de la dépense fiscale.
M. Jean Arthuis, président de la commission de la commission des finances. Oh oui !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous faisons beaucoup, me semble-t-il, en termes d'incitation, et ce dans de nombreux domaines. Mais, au-delà de dix ans, nous ne sommes plus en présence d'un produit d'accession ou d'aide à l'accession à la propriété, mais bien en présence d'un produit d'épargne classique, pour lequel une défiscalisation totale ne se justifie pas.
En outre, cette mesure, rappelons-le, ne s'appliquerait naturellement que dans l'avenir ; elle ne serait pas rétroactive et ne concernerait donc pas le stock actuel.
Par conséquent, il s'agit, à mes yeux, d'une mesure d'équité. Honnêtement, je ne vois pas bien quels arguments pourraient être invoqués à l'encontre de ce dispositif.
J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. M. le rapporteur général nous propose des moyens pour réduire autant que faire se peut le déficit budgétaire. Excusez-moi, monsieur le ministre, de ne pas partager votre optimisme. En effet, je ne pense pas que tout le monde puisse voter cet amendement. En l'occurrence, nous n'approuvons pas vos choix.
Il nous est en effet proposé de modifier les règles applicables aux PEL. Ainsi que cela a été rappelé tout à l'heure, le coût fiscal de la mesure concernée serait de 1,7 milliard d'euros. Vous nous dites que cela fait beaucoup, monsieur le ministre. Pour ma part, je considère que c'est peu, au regard du volume de l'épargne ainsi collectée.
À ce sujet, j'observe que la réduction du taux de rémunération des PEL se traduit par une baisse du coût fiscal du dispositif. Celui-ci a en effet diminué de 200 millions d'euros.
Je rappelle par ailleurs que cette épargne est utile et qu'elle a d'ailleurs été employée de manière tout à fait positive. Elle permet en effet aux titulaires des PEL de se constituer un apport intéressant afin d'acheter un appartement ou une maison individuelle. C'est, me semble-t-il, très important.
À cet égard, j'ai lu avec attention les propos que M. le ministre de l'intérieur a tenus sur cette question à l'occasion du congrès des maires de France. M. le ministre a ainsi déclaré que, selon lui, une bonne politique du logement ne consistait pas à « couvrir la France de logements sociaux » - nous aurions peut-être pu en discuter ce matin, à l'occasion du débat sur le projet de loi portant engagement national pour le logement -, mais à « permettre aux salariés modestes d'être propriétaires de leur logement », afin de « libérer des HLM pour ceux qui n'ont pas les moyens d'être propriétaires ».
Si nous voulons permettre à des gens de devenir propriétaires, encore faut-il leur en donner les moyens !
Or le PEL est, pour un certain nombre d'épargnants, un instrument adapté pour atteindre un tel objectif. Mais peut-être préféreriez-vous que les épargnants concernés optent pour un autre placement, peut-être sur les marchés financiers, où les gains capitalisables sont d'une tout autre nature que ceux d'un PEL !
Nous devrions plutôt, me semble-t-il, examiner attentivement les raisons pour lesquelles les PEL ne donnent pas obligatoirement lieu à l'acquisition d'un bien immobilier. Il faut regarder la réalité en face ! Pourquoi ces plans ne sont-ils pas utilisés au terme de dix ans, comme cela avait été envisagé lors de leur ouverture ?
En fait, nombre d'épargnants, qui avaient espéré utiliser leur PEL pour acquérir un bien, se trouvent aujourd'hui confrontés à la pression sur les prix de l'immobilier et à des difficultés pour s'engager dans une démarche d'acquisition. En l'occurrence, les risques d'endettement les placeraient dans des situations telles que l'État serait sollicité, sous une autre forme, et contraint d'accompagner ces accédants à la propriété en difficulté. Ce n'est sans doute pas ce que nous souhaitons.
Tenter de détourner du PEL les salariés désireux d'accéder à la propriété ne nous semble pas une bonne politique, même si ces personnes n'arrivent pas toujours à mettre en oeuvre leur projet dans les dix ans, ainsi qu'elles l'avaient initialement souhaité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans les douze ans !
Mme Marie-France Beaufils. J'ai dit : « ainsi qu'ils l'avaient initialement souhaité » lors de l'ouverture du PEL, c'est-à-dire dans un délai de dix ans.
J'aimerais bien que nous analysions - cela pourrait se révéler très intéressant - la situation actuelle des souscripteurs de PEL, afin d'évaluer précisément leurs difficultés par rapport à leur objectif initial, puisque nous sommes aujourd'hui confrontés à ce problème.
En outre, je trouve surprenant de s'en prendre à l'épargne-logement, dont le plafond de capitalisation s'élève aujourd'hui à 23 000 euros, alors que, dans le même temps, le Gouvernement et la majorité acceptent des dispositions autorisant, entre autres, les transmissions de patrimoine sans droits de mutation, à hauteur de 30 000 euros par donataire.
Par conséquent, je trouve que vous avez, monsieur le ministre, une bien étrange conception de la justice fiscale. Vous avez évoqué l'« équité » ; permettez-moi de préférer le terme de « justice fiscale ». Les deux notions n'ont, me semble-t-il, pas exactement le même contenu.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame Beaufils, permettez-moi de tenter de vous convaincre.
Si vous m'y autorisez, je vous suggérerai - mais ne le prenez surtout pas en mauvaise part - d'oublier toutes les fiches que vous venez de consulter et de m'écouter un instant. Je crains en effet que vos fiches ne comportent quelques informations qui ont peut-être été rédigées à la hâte et ne sont pas totalement exactes.
À titre d'illustration, permettez-moi d'attirer votre attention sur deux éléments.
D'abord, le plafond de versement est non pas de 23 000 euros, mais de 61 000 euros. Ce n'est tout de même pas exactement le même ordre de grandeur !
Ensuite, vous avez évoqué le chiffre de 1,7 milliard de dépenses fiscales ; il ne s'agit pas du tout de cela.
Mme Marie-France Beaufils. C'est pourtant le chiffre annoncé par M. le rapporteur général !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Madame Beaufils, il n'est pas du tout question de réaliser une économie d'un montant de 1,7 milliard de dépenses fiscales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Hélas non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit simplement de renoncer à une dépense fiscale de l'ordre de 200 millions à 230 millions d'euros.
Mon but, madame Marie-France Beaufils, est non pas de réaliser une économie - j'ai de nombreuses autres occasions de le faire si je le souhaite -, mais simplement de mettre en oeuvre une mesure d'équité.
Pour vous convaincre, j'évoquerai d'abord le mode d'imposition des intérêts tel qu'on l'imagine. En l'occurrence, comme d'ailleurs pour n'importe quel autre produit, il y a deux options. On peut en effet opter soit pour un prélèvement libératoire à 16 %, soit pour le barème.
Tous les gens modestes qui se trouveront dans la situation que vous avez évoquée opteront pour le barème ; dès lors, ils ne seront pas imposables. Ils ne seront donc pas concernés par cette mesure.
Lorsque j'ai dit tout à l'heure que cette mesure pourrait être votée à l'unanimité, ce n'était pas par hasard ; le cas est tout de même assez rare. Le point que je viens de vous exposer, est, me semble-t-il, très important.
Ensuite, madame Beaufils, vous jugez curieux que l'on porte atteinte à un système destiné à faciliter l'accession à la propriété.
Mais, si des gens n'utilisent pas leur PEL au-delà de dix ans pour acquérir un bien immobilier, c'est tout simplement parce que le retour qu'ils en ont en tant que produit financier est aujourd'hui beaucoup plus intéressant.
Mme Marie-France Beaufils. Mais non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bien sûr que si ! Avec des taux d'intérêt à 8 %, un tel comportement est normal ; vous avez vu les taux actuels ?
En l'occurrence, je n'incite pas ces personnes à renoncer au PEL tel qu'il existe actuellement et à cesser d'en tirer un revenu. Je dis simplement que, dans ce contexte, maintenir l'exonération fiscale au-delà de douze ans n'a aucun sens.
Mme Marie-France Beaufils. Mais vous ne tenez pas compte de la hausse des prix de l'immobilier !
Mme Marie-France Beaufils. Mais non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. De toute façon, ce n'est pas le problème. L'imposition ne portera que sur les intérêts futurs. Nous agissons sur le flux et non sur le stock.
Ainsi, je crois vous avoir donné, madame Beaufils, tous les éléments vous permettant d'apprécier cette mesure en conscience, en dehors de tout clivage politique.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La précision que M. le ministre vient d'apporter aura, je l'espère, convaincu Mme Beaufils.
En effet, les contribuables qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu ou dont le taux marginal est inférieur à 16 % resteront dans le régime d'imposition.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils ajouteront à leur revenu imposable le montant des intérêts.
Je souhaite toutefois apporter un élément supplémentaire.
Certains détenteurs de PEL depuis plus de dix ans ont sans doute choisi de ne pas acquérir de bien immobilier pour des raisons de bonne gestion de leur patrimoine. Cependant, monsieur le ministre, certains, notamment en région parisienne, n'ont probablement pas pu débloquer leur PEL, car les prix de l'immobilier sont si élevés qu'ils n'ont pas pu concrétiser leur projet.
Mme Nicole Bricq. Exactement ! C'est ce que je voulais dire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je pense que nous devons avoir cela à l'esprit.
Au demeurant, ce n'est pas parce que leurs intérêts seront soumis à l'impôt que ces personnes perdront la possibilité de valider leur PEL et de s'engager dans une opération immobilière.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. La mesure proposée par M. le rapporteur général est séduisante, notamment pour tous ceux - et nous en faisons partie, moi et les membres de mon groupe - qui préfèrent l'argent productif à l'argent dormant. J'évoquerai d'ailleurs de nouveau ce point tout à l'heure à propos des donations et des successions.
Mais je crois que la précision qu'a donnée M. le ministre est utile. La question que nous posions est effectivement de savoir pourquoi certains détenteurs de PEL choisissent ne pas acquérir de bien immobilier. Ils ont sans doute, pour partie, des motivations d'ordre de gestion patrimoniale.
Mme Marie-France Beaufils. Dans quelles proportions ?
Mme Nicole Bricq. Mais il y a sans doute également des gens qui ne sont pas en capacité de briser leur PEL.
La précision que vient d'apporter M. le président de la commission des finances porte sur un sujet qui me préoccupe, car je sais que les prix de l'immobilier ont beaucoup évolué. J'en veux pour preuve le fait que les crédits immobiliers ne cessent de s'allonger. On parle désormais de crédits immobiliers sur vingt-cinq ou trente ans.
Il y a donc bien un véritable problème d'acquisition aujourd'hui, notamment là où les prix de l'immobilier ont flambé. Ainsi, pour un jeune couple de trente-cinq ans, avec des revenus corrects, il est aujourd'hui quasiment impossible d'accéder à la propriété, non seulement à Paris - je n'en parle même pas -, mais même en petite couronne.
Nous sommes prêts à voter votre amendement, monsieur le rapporteur général, pour la raison que j'indiquais tout à l'heure. En cette période où il est nécessaire de favoriser l'acquisition de logements, il me semble bon d'inciter les fonds bloqués dans les PEL à repartir dans le circuit de l'économie.
Au demeurant, il est difficile de connaître le nombre de ceux qui ne souhaitent pas faire un placement patrimonial et qui aimeraient effectivement accéder à la propriété. Peut-être M. le ministre dispose-t-il de ces éléments ?
Aussi, nous voulons bien voter cet amendement, mais sous réserve. Nous souhaiterions, avant la fin du débat sur le projet de loi de finances, obtenir les éléments d'appréciation de nature à nous permettre de mesurer la portée de cette décision.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous allons y travailler, ma chère collègue.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Afin de dissiper tout malentendu, je précise que nous visons simplement les PEL qui ne correspondent plus à un projet immobilier.
Il y un autre frein au dispositif. En effet, lorsque l'on dénoue un PEL, on contracte un emprunt dont le taux est souvent de l'ordre de 4,5 %, alors que le marché propose des taux autour de 3,5 % ou 4 %. Les taux, historiquement bas, font qu'il n'est pas intéressant de débloquer un PEL et que, en revanche, il peut être tentant de laisser ce produit de placement prospérer sans difficulté.
Si, demain, les taux d'intérêt venaient à augmenter, nombre de PEL seraient certainement débloqués, d'abord parce que les prix de l'immobilier baisseraient, ensuite parce que les taux de rémunération proposés pour d'autres produits rattraperaient probablement ceux de ces formules contractuelles.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 3.
Article 4
Dans le deuxième alinéa de l'article 784 du code général des impôts, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « six ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. L'article 4 est pour nous l'occasion d'un débat de fond sur l'idée que l'on se fait de l'égalité des chances dans notre pays.
En effet, les gouvernements qui se sont succédé depuis 2002, Raffarin I, Raffarin II et Villepin - un précédent ministre de l'économie et des finances y a particulièrement mis la main - ont multiplié les dispositifs visant à réduire l'imposition sur la fortune, en s'appuyant notamment sur le désir légitime de transmission d'une génération à l'autre. Mis bout à bout, ces dispositifs sont considérables.
Dans le droit-fil de ces dispositions, vous proposez, dans le projet de loi de finances pour 2006, d'autoriser la transmission par donation, tous les six ans et non plus tous les dix ans, de 50 000 euros à chacun des enfants du donateur et de 30 000 euros à chacun de ses petits-enfants. De telles sommes paraîtront astronomiques à ceux, les plus nombreux, qui n'ont rien à transmettre.
Si l'on rapproche ces mesures de la baisse de l'impôt sur le revenu, de celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, même si celle-ci est plus déguisée que d'autres, des baisses de l'imposition sur les dividendes d'actions et les plus-values que vous avez annoncées - nous en discuterons notamment lors du collectif budgétaire -, force est de constater que l'ensemble forme un véritable arsenal, qui limite fortement la redistribution des cartes et donne un avantage considérable aux détenteurs de revenus du patrimoine.
Nous divergeons de manière essentielle sur ce point, monsieur le ministre. En effet, au lieu d'encourager l'innovation, le mérite, le travail, vous favorisez la rente et tous ceux qui détiennent un capital hérité de leurs parents, tout en appauvrissant un peu plus la puissance publique.
L'économie de marché devrait pouvoir assurer les bases collectives de la richesse future, récompenser la créativité et le travail productif. Là encore, nous voyons bien que nous avons deux visions différentes de la société.
L'année dernière, j'avais rappelé, à l'occasion du vote de mesures d'exonération que, dans ce domaine, les États-Unis avaient choisi - Dieu sait pourtant si leur système est libéral ! -...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ultralibéral !
Mme Nicole Bricq. ... de fixer des taux d'imposition très élevés. Ce sont sans doute les plus élevés du monde. À cet égard, je vous recommande de vous intéresser aux travaux d'un éminent économiste, Roger Godinot. Celui-ci propose d'affecter le fruit de l'impôt sur les successions au financement d'une dotation en capital universel, que chaque Français toucherait à sa majorité. Cette idée est proche du Child Trust Fund instauré en Grande-Bretagne par Gordon Brown, ministre des finances. Ainsi, depuis 2003, chaque enfant naissant sur le sol britannique est doté d'un petit capital. Cette mesure vise à corriger les profondes inégalités de transmission du patrimoine entre générations.
C'est peu de dire, monsieur le ministre que votre philosophie fiscale est à l'opposé ! Elle concentre en effet les richesses dans les mains de ceux qui en ont déjà.
En conclusion, permettez-moi de vous rappeler la belle phrase de Beaumarchais : « Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus. » (M. le ministre rit.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le propos est sorti de son contexte !
Mme Nicole Bricq. Non ! Beaumarchais parlait bien des mêmes !
Mme la présidente. L'amendement n° I-65, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Pour des raisons qui nous paraissent assez éloignées des objectifs affichés dans le projet de loi de finances, comme le soutien à la croissance ou l'aide à la création d'emplois, l'article 4, ainsi que les suivants, vise à alléger les droits sur les donations, sans toutefois augmenter le pouvoir d'achat des plus modestes.
En effet, dans le droit-fil des dispositions votées l'an dernier, qui permettaient déjà la transmission d'un patrimoine important, vous nous proposez aujourd'hui d'autoriser les donations tous les six ans sans assujettissement à l'impôt.
Certains spécialistes de la fiscalité du patrimoine ont fait les calculs : en douze ans, avec deux enfants, il sera possible de transmettre 300 000 euros sans acquitter le moindre droit.
Je rappelle que le patrimoine médian de nos compatriotes est d'une valeur de 67 000 euros et qu'il est essentiellement constitué de leur habitation principale. Quant à l'épargne financière des ménages salariés, elle est souvent limitée aux produits d'épargne défiscalisée et aux contrats d'assurance vie.
Cette mesure ne concernera donc que 10 % des ménages, ceux dont le patrimoine, d'une valeur supérieure à 300 000 euros, se compose d'un peu plus qu'un pavillon de banlieue et dont l'épargne financière se répartit en actions, en titres et en parts de sociétés ou est constituée d'un fonds de commerce. En fait, on vise directement une catégorie bien connue de contribuables : ceux qui, par ailleurs, sont assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune !
Non seulement cette mesure constituera une source d'optimisation fiscale, mais elle permettra aux détenteurs de patrimoine de payer moins d'impôt de solidarité sur la fortune.
Quant aux effets de cet article en termes de croissance et d'emploi, nous n'en voyons pas !
Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à adopter l'amendement n° I-65 tendant à supprimer l'article 4.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Contrairement à vous, monsieur Vera, la commission pense que cet article est très bon.
Nous estimons en effet que tout ce qui peut être fait pour que le patrimoine détenu par les personnes âgées, voire très âgées, puisse être transmis par anticipation à leurs descendants est bon pour l'activité, l'emploi et la croissance.
Tels sont les arguments qui justifient cette mesure.
Par ailleurs, pardonnez-nous, monsieur Vera, de ne pas être d'accord avec votre raisonnement sur le patrimoine médian. Vous avez en effet une vision très uniforme et réductrice de la France. La limite, selon vous, c'est un pavillon, dont la surface et les façades font tant de mètres carrés au maximum, qui comprend tant de fenêtres. Votre vision est égalitaire ou égalisatrice. Elle ne tient aucun compte des effets de leviers dans une économie. C'est ce qui sous sépare fondamentalement.
La majorité sénatoriale considère qu'une mesure permettant à des personnes d'âge et d'expérience, ayant probablement un peu perdu de leur esprit d'entreprise, de transmettre plus facilement leur patrimoine et leurs richesses aux plus jeunes, plus actifs et plus entreprenants, est bonne pour la croissance, pour l'activité, pour l'équilibre et l'harmonie de notre société.
La commission des finances ne peut donc qu'être très défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Très honnêtement, autant je considérais tout à l'heure que je pouvais demander à la gauche de voter l'amendement précédent, autant je comprends que celle-ci ne veuille pas voter l'article 4, qui vise à accélérer le rythme des donations. En effet, le dogme et le temple s'écrouleraient, notamment pour le groupe communiste !
Mme Marie-France Beaufils. Le dogme n'est pas de notre côté ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette mesure est pourtant le fruit d'observations pratiques. En effet, compte tenu de la manière dont est organisée la vie des familles françaises, de l'allongement de la durée de la vie, des difficultés que rencontrent les jeunes par rapport à leurs aînés, cela a évidemment un sens d'accélérer les donations. C'est la vie qui y pousse !
Je ne nourrissais donc pas d'espoir du coté du groupe communiste. En revanche, madame Bricq, vous m'avez un peu déçu.
Mme Nicole Bricq. Je vous ai donné des idées !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, mais sachant que vous incarnez plutôt la gauche strauss-kahnienne, ...
Mme Nicole Bricq. Justement !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... cette gauche moderne qui considère la situation sur le terrain, qui voit bien que, sur ces sujets, il faut bouger, j'avais un espoir.
En vous écoutant citer Beaumarchais, j'ai pensé à Aldous Huxley, qui disait que le secret du bonheur et de la vertu, c'est d'aimer ce qu'on est obligé de faire. Je me suis donc dit, madame Bricq, que vous essayiez d'aimer ce que vous êtes obligée de faire, c'est-à-dire défendre l'indéfendable, ...
Mme Nicole Bricq. Non, non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... une théorie obscure, alors que, à l'évidence, il faut encourager le plus vite possible les donations afin que les jeunes puissent porter l'avenir de la France.
Objectivement, dans ce domaine, j'aurais bien aimé que vous fassiez un petit effort. Cela dit, j'ai été très sensible à votre geste précédent, frappé au coin du pragmatisme.
Bref, la mesure proposée me paraît de bon sens. J'encourage donc la Haute Assemblée à repousser l'amendement du groupe CRC et à adopter l'article 4 en l'état.