PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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modification de l'ordre du jour
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement retire de l'ordre du jour du Sénat de ce mercredi 12 octobre, en accord avec son auteur, la question orale avec débat de M. Alain Lambert sur les infrastructures de transports.
« Ce point sera réinscrit à l'ordre du jour du Sénat à une date très prochaine.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments fidèles et dévoués.
« Henri Cuq »
Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour de la présente séance est modifié en conséquence.
M. Thierry Repentin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, je suis de ceux qui ont fait le déplacement depuis la province pour débattre d'une question qui, hier, a fortement mobilisé nos collègues de l'Assemblée nationale. Ces derniers ont eu la chance de participer à un débat de fond sur un sujet essentiel, puisque qu'il s'agit de savoir comment, dans les années qui viennent, nous allons pouvoir réaliser un certain nombre de projets d'infrastructures de transports.
Je tiens aussi vous indiquer que mon collègue M. Krattinger, avec qui je me suis entretenu il y a quelques instants, est également venu spécialement de Montpellier pour participer à ce débat.
Je pense qu'il eût été décent de nous prévenir de cette modification au moins dans le courant de l'après-midi, pour nous permettre à tous de prendre nos dispositions.
Je me devais de vous faire part, monsieur le président, de la déception d'un certain nombre d'entre nous face à ce qui peut être considéré comme un manque d'élémentaire courtoisie à l'égard de parlementaires qui ont travaillé et se sont déplacés spécialement pour cette séance.
M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration et je vous indique, mon cher collègue, que je n'ai moi-même été ni consulté ni informé préalablement de cette modification, dont j'ai pris connaissance en même temps que vous.
Il me paraît néanmoins objectivement plus sage de débattre d'un sujet aussi important à un horaire moins déraisonnable, ce qui sera fait très prochainement à en croire le courrier de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement. Nous aurons alors l'occasion de nous exprimer et d'interroger le Gouvernement.
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règlement définitif du budget de 2004
Suite de la discussion et adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2004.
Débat sur les crédits du ministère de la culture et de la communication
M. le président. Nous passons au débat sur les crédits du ministère de la culture et de la communication.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je comprends la déception de ceux de nos collègues qui, venus ce soir dans cet hémicycle pour évoquer les questions relatives aux transports, n'y entendront parler que de culture : ce sont effectivement des sujets qui n'appartiennent pas tout à fait au même registre. (Sourires.) J'aurais d'ailleurs aimé participer moi-même au débat suscité par la question orale de notre ami M. Alain Lambert, mais je pense qu'il est plus digne pour lui que cette discussion soit reportée à un horaire plus décent que celui où nous auraient conduits les moments que nous allons passer maintenant avec la complicité du ministre de la culture.
Je ne vais pas reprendre les propos tenus par tous les orateurs qui se sont exprimés sur cette loi de règlement et sur la novation importante, voulue par le président de la commission des finances, qui consiste à prendre en compte l'importance de la loi de règlement au sein de la discussion budgétaire en anticipant l'application de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances. En cela, Sénat prend une sorte « d'avance à l'allumage » par rapport à l'Assemblée nationale, qui en est restée à la méthode traditionnelle.
Le ministre de la culture, comme deux de ses collègues, a accepté de participer à cette nouvelle expérience et je l'en remercie vivement, sachant que l'exercice n'est facile ni pour lui ni pour nous.
Mon propos s'articulera autour de deux axes : premièrement, je traiterai des difficultés qui, à la lecture de la loi de règlement, ont affecté le budget du ministère de la culture en 2004 ; deuxièmement, je porterai une sorte de jugement global sur l'attitude du ministère de la culture vis-à-vis de la LOLF. Si la première partie comportera quelques épines, la seconde ne sera que douceur et confiture... (Sourires.)
L'exécution du budget 2004 du ministère de la culture s'est caractérisée par trois crises : le financement du patrimoine monumental, ce que l'on appeler le « krach financier » de l'Institut national des recherches archéologiques préventives, l'INRAP, et la crise des intermittents, qui n'a d'ailleurs que peu de conséquences budgétaires directes.
Ces trois crises ont eu des répercussions financières inégales, mais elles témoignent toutes d'un certain décalage entre l'autorisation donnée par le Parlement en loi de finances initiale et la gestion des crédits en cours d'année budgétaire. La loi de règlement démontre d'ailleurs ici toute son utilité : il s'agit d'étudier plus précisément la portée de ce décalage, qui en l'occurrence n'est d'ailleurs pas le fait du seul ministère de la culture, car il tient également un peu aux circonstances.
La crise du patrimoine monumental permet de mettre en relief l'importance d'un débat politique sur la loi de règlement.
L'année 2004 a été marquée par une crise de paiement dans le secteur du patrimoine monumental, qui a ému les élus locaux comme les parlementaires et qui reste malheureusement, cette année encore, d'actualité.
Le ministère de la culture s'est longtemps vu reprocher, que ce soit au travers du rapport de M. Rémi Labrusse ou par moi-même dans mes fonctions de rapporteur spécial, l'insuffisance des taux de consommation des crédits des titres V et VI de son budget destinés au patrimoine monumental et l'importance des reports de crédits.
Sous la pression de la représentation nationale - il faut bien le dire -, il a engagé une action de sincérité budgétaire, qui remonte d'ailleurs aux prédécesseurs de M. Donnedieu de Vabres, en réduisant les crédits qu'il demandait au titre du patrimoine afin qu'ils correspondent à sa capacité de consommation.
Le ministère a été, en quelque sorte, victime de son succès en la matière et, compte tenu des efforts accomplis dans les conservations régionales des monuments historiques, les dotations pour 2004 en crédits de paiement se sont révélées insuffisantes, au point de déboucher sur des crises de paiement dans de nombreuses régions et sur l'arrêt des travaux entrepris.
Les impayés du ministère de la culture dans ce domaine s'élevaient à 70 millions d'euros le 1er juillet 2004. Un redéploiement à hauteur de 20 millions d'euros des crédits de l'administration centrale vers les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, a été décidé à l'automne 2004 pour pallier les conséquences les plus graves de ce manque de crédits.
Cet effort n'a cependant pas permis de régler la situation et, en loi de finances rectificative pour 2004, une ouverture de crédits de près de 31 millions d'euros a dû être demandée. Les 70 millions d'euros impayés n'ont ainsi été couverts qu'à hauteur de 20 millions d'euros plus 31 millions d'euros, soit de 51 millions d'euros. Il restait donc un report de charges de 19 millions d'euros.
Examinons plus précisément les dotations du chapitre budgétaire 56-20, « Patrimoine monumental », pour l'exécution de 2004.
La dotation prévue par la loi de finances pour 2005 s'élevait à 122 millions d'euros, et l'on constate, en fin de course, que le total net des crédits de ce chapitre en 2004 s'est élevé à 301,8 millions d'euros. Cela signifie donc que l'autorisation parlementaire n'a porté que sur 40,5 %, soit moins de la moitié, des crédits de ce chapitre.
Comment expliquer le décalage entre la dotation initiale votée et les dépenses nettes ? Les 31 millions d'euros votés en loi de finances rectificative pour 2004, que j'évoquais précédemment, n'y suffisent pas. Il faut y ajouter 3,6 millions d'euros de transferts de crédits en répartition; des reports de crédits de la gestion précédente, à hauteur de 80,5 millions d'euros, et un abondement en fonds de concours de 64,6 millions d'euros.
L'importance des reports de crédits est un héritage long à expurger mais dont nous avons déjà longuement discuté. En revanche, le montant des fonds de concours est édifiant : il représente près de la moitié de la dotation votée par le Parlement et nous montre - ce que nous savions déjà par notre expérience sur le terrain - que, lorsque le ministère de la culture finance à hauteur de 2 millions d'euros la restauration d'un monument, les collectivités locales renforcent cette action et apportent une contribution de 1 million d'euros.
Il me semble essentiel que la LOLF prévoie dorénavant l'inscription des fonds de concours en loi de finances initiale : l'information du Parlement s'en trouvera complétée et la sincérité du budget accrue.
Si l'on se réfère maintenant aux dépenses nettes du chapitre budgétaire 56-20, on constate qu'elles sont plus de deux fois supérieures à la dotation initiale votée par le Parlement et qu'elles atteignent 262,9 millions d'euros. La différence entre le montant total des crédits et les dépenses nettes correspond aux reports de crédits à la gestion suivante, soit 38,85 millions d'euros.
Notons au passage que le ministère, fidèle aux engagements pris, réduit peu à peu le montant des reports de crédits et le « matelas » des réserves de crédits non consommés accumulés au cours des années, puisque le montant des reports de 2003 attribués à l'année 2004 est deux fois moindre que celui qui a été constaté en 2004 pour l'année 2005. Cet effort doit être salué, car il est conforme à l'esprit de la LOLF visant à limiter les reports de crédits d'une année sur l'autre.
Une question s'impose toutefois : comment expliquer un tel montant de reports de crédits alors que les travaux ont été arrêtés en 2004, que des factures sont restées impayées et que les responsables des entreprises du groupe des monuments historiques, le GMH, ont attiré mon attention sur les risques de faillite et de suppressions d'emplois - notamment d'emplois de compagnons, véritables trésors vivants - liés à la réduction du nombre et du montant des marchés, estimant que 100 millions d'euros supplémentaires étaient nécessaires pour garantir la bonne santé économique de ce secteur ?
Ces 100 millions d'euros correspondent à peu près aux dotations en capital pour les investissements patrimoniaux que M. le ministre a obtenus dans le cadre de l'affectation spéciale des cessions d'actifs, c'est-à-dire des privatisations. Y a-t-il correspondance point par point ? J'en doute ! Quoi qu'il en soit, le Sénat observera certainement avec beaucoup d'attention l'affectation de ces 100 millions d'euros miraculeux.
Aujourd'hui, le Parlement ne peut prendre la mesure de l'ampleur de la crise que connaît le patrimoine monumental. Qui faut-il croire ? Les services, qui assurent qu'il n'y a pas de factures impayées à ce jour ? Les conservateurs régionaux des monuments historiques, qui arrêtent les travaux dès juillet faute de crédits ? Les entreprises spécialisées, qui tirent la sonnette d'alarme peut-être exagérément ?
Qui est aujourd'hui capable de dire avec précision le montant des crédits alloués en 2005 au patrimoine monumental ? En tant que rapporteur spécial, je ne peux que faire preuve de prudence dans ce domaine, car je suis conscient du caractère limité des informations que donnent les documents budgétaires de « l'avant-LOLF ».
Venons-en au deuxième « krach », celui de l'Institut national des recherches archéologiques préventives, l'INRAP.
Le déficit cumulé de l'INRAP atteignait 39 millions d'euros en 2003. En 2004, alors qu'aucune dotation initiale n'était prévue par la loi de finances, le solde des déficits antérieurs, soit 11,5 millions d'euros, a dû être couvert par le redéploiement de 3,3 millions d'euros pris sur le chapitre 36-60, « Subventions aux établissements nationaux », et par l'ouverture de 8,2 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 2004.
L'INRAP, pour des raisons que j'ai détaillées dans mon récent rapport d'information intitulé Pour une politique volontariste de l'archéologie préventive, a encore connu un déficit de 12,3 millions d'euros en 2004. Comme le note la Cour des comptes dans son rapport annexé à la loi de règlement, le ministère de la culture a donc dû lui verser près de 25 millions d'euros, soit environ 1 % de son budget, alors que le Parlement n'avait voté aucun crédit pour subventionner ainsi cet établissement public.
Ce montant de 25 millions d'euros correspond aux mesures nouvelles votées en loi de finances pour 2004 pour les chapitres budgétaires 43-20, « Interventions d'intérêt national », 43-30, « Interventions déconcentrées », et 43-92, « Achats d'oeuvres et commandes aux artistes ». Il faut donc croire que certains sacrifices ont été consentis en compensation.
Je souhaite que M. le ministre de la culture puisse nous dire quels sont les projets qui, inscrits sur ces chapitres, n'ont ainsi pas pu être financés.
Notons que la crise qu'a subie l'INRAP en 2004 s'explique en partie par la modification de la redevance d'archéologie préventive prévue par l'article 17 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement, qui a certes permis de résoudre les cas aberrants en supprimant l'unité foncière, mais qui a aussi réduit l'assiette de cette redevance et qui a entraîné un retard conséquent de perception en permettant aux redevables de choisir jusqu'au 3l décembre 2004 entre la redevance 2003 et sa version réformée de 2004. A cela, il convient d'ajouter des problèmes de recouvrement dans les directions régionales des affaires culturelles ainsi que dans les trésoreries générales.
Le ministère de la culture a pleinement conscience des difficultés de l'INRAP, et le directeur de l'architecture et du patrimoine a pris des engagements vis-à-vis de la commission des finances et de son rapporteur spécial, dont le plus important est sans doute la mise en oeuvre d'une politique volontariste de l'archéologie préventive. Cette politique devra être fondée sur des critères scientifiques validés par le Conseil national de la recherche archéologique, qui est présidé par le ministre de la culture, et par les commissions interrégionales.
« La recherche archéologique ne présente un intérêt par rapport à la préservation des vestiges archéologiques que si elle permet de valider ou d'infirmer une hypothèse technique ou scientifique nouvelle. L'archéologie doit donc être définie et non réalisée au coup par coup à l'occasion de chaque nouveau chantier. » Ce n'est pas moi qui le dit, mais le directeur de l'architecture et du patrimoine.
Je suis par ailleurs convaincu qu'une audition de suivi du contrôle budgétaire devra être organisée au premier trimestre de 2006, sur le modèle de celles qui ont déjà été réalisées au premier semestre de 2005, afin de maintenir une utile attention sur un dossier complexe.
J'évoquerai enfin rapidement la troisième grande crise qui a caractérisé l'année 2004, car elle n'a pratiquement pas eu de conséquence sur le budget du ministère de la culture, celle des intermittents du spectacle.
La crise consécutive à la réforme du régime d'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle avait durement frappé les festivals. Le ministre a réagi avec maestria, et la prise en charge des congés maladie et des congés maternité des intermittents ainsi que la création du fonds spécifique provisoire ont occupé une part importante des débats sur les crédits du ministère de la culture lors de l'examen de la loi de finances pour 2004.
Ce sujet est essentiel pour l'avenir du spectacle vivant en France, mais il convient de rappeler que ses répercussions sur les crédits du ministère de la culture sont limitées. En effet, tout cela passe par des avances périodiques qui sont versées par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.
J'en viens au deuxième point de mon intervention pour faire l'éloge de la façon dont les fonctionnaires du ministère de la culture ont pris en main le dossier de la LOLF. Le budget de la mission « Culture » est ainsi structuré en trois grands chapitres : patrimoine, création et transmission des savoirs et démocratisation de la culture.
Les remarques de la commission des finances sur la définition des programmes, sur la nécessaire adaptation des structures du ministère aux programmes et sur l'amélioration de certains indicateurs ont été entendues, et je m'en félicite. Certaines directions du ministère ont d'ores et déjà été réformées dans ce sens et l'articulation des différents objectifs entre eux, comme l'adaptation des indicateurs, sont bien avancées.
Enfin, il convient de noter que, dès 2004, sur le plan régional, le ministère de la culture a conduit - avec succès semble-t-il - des expérimentations de fongibilité des crédits qui sont tout à fait dans l'esprit de la LOLF.
Vous semblez bien placé, monsieur le ministre, pour tirer les bénéfices de la LOLF, notamment en ce qui concerne la fongibilité des dépenses de personnel au sein du titre II.
Enfin, la mise en oeuvre anticipée de la LOLF était l'occasion de poser sans tabou la question de l'organisation optimale des services déconcentrés en région et je suis, pour ma part, favorable au rattachement des services départementaux de l'architecture et du patrimoine aux régions. De ce point de vue, vos services et vous même avez bien travaillé, même si vous avez été confrontés à des problèmes que vous n'aviez pas la capacité de régler immédiatement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève compte tenu du délai qui m'est imparti dans cette nouvelle procédure d'examen de la loi de règlement dans le cadre de la LOLF.
Je me félicite que M. le ministre de la culture ait accepté que son budget soit, si j'ose dire pour une oeuvre d'art comme le sien, « sur la sellette » devant le Sénat. Mais il sait l'intérêt que la Haute Assemblée porte à la politique culturelle.
Comme le montre le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004, cette année aura marqué une étape significative dans le retour à une présentation plus sincère du budget du ministère de la culture.
Dès 2003, le Gouvernement avait souhaité rompre avec une pratique que personne ne songeait à remettre en cause et qui avait vu se creuser l'écart entre les dépenses nettes d'une part et les crédits votés d'autre part.
Cet écart, particulièrement sensible en matière de dépenses d'investissement, faussait l'autorisation budgétaire et dispensait en quelque sorte le ministère de se livrer à une évaluation précise de ses besoins effectifs.
Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 2004, la Cour des comptes enregistrait un renversement de tendance positif puisque le taux de consommation des crédits de paiement avait augmenté, pour s'établir à plus de 90 % contre 72,4 % en 2003. Et, à la fin de l'exercice 2004, le ministère a résorbé l'essentiel des reports excédentaires qui n'avaient cessé de croître au cours des années précédentes.
Cette opération vérité était nécessaire - et de nécessité il fallait faire vertu -, d'autant que les dispositions de l'article 15 de la LOLF limitent à 3 % les possibilités de report de crédits d'un exercice sur le suivant.
Cette discipline budgétaire rendra toute sa réalité à l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement. Elle vous imposera également, monsieur le ministre, une programmation très fine, reposant sur une évaluation plus précise des besoins réels du ministère.
Cette tâche ne sera pas facile, l'exemple que vient d'évoquer Yann Gaillard sur les crédits consacrés au patrimoine architectural dans la loi de finances pour 2004 le montre bien.
Dans le projet de loi de finances pour 2004, il était prévu une augmentation des enveloppes consacrées à la restauration des monuments historiques, hors grandes opérations, de 10 %. Le montant des autorisations de programme était ainsi passé de 204 millions d'euros en 2003 à 224 millions d'euros en 2004. Le Sénat s'en était réjoui, et j'avais salué, dans le rapport que j'avais présenté au nom de la commission des affaires culturelles, cet effort particulier réalisé dans un domaine qui revêt depuis longtemps pour la Haute Assemblée une importance particulière.
Mais faute de pouvoir continuer à puiser, comme les années précédentes, dans les confortables réserves des reports de crédits, le ministère s'est retrouvé dans une situation délicate pour honorer ses engagements.
Je ne reviendrai pas sur ce que vient de dire parfaitement Yann Gaillard, mais j'observe que dans de nombreux départements les chantiers ont été ralentis, voire suspendus, et que les appels d'offres correspondant au lancement de nouvelles opérations se sont raréfiés. Les entreprises spécialisées, qui sont habituellement plutôt modérées, ont tiré le signal d'alarme et ont indiqué que certaines se trouvaient dans des situations difficiles, au point que quelques-unes avaient dû déposer leur bilan.
Ces tensions se sont manifestées malgré l'effort réel réalisé par le Gouvernement. Je tiens d'ailleurs à vous rendre un hommage particulier, monsieur le ministre, parce que vous avez pu obtenir 20 millions d'euros de redéploiements de crédits et 31 millions d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative, auxquels s'ajouteront les engagements d'affectation au patrimoine historique d'une partie des recettes dites de privatisation.
Les règles nouvelles de la LOLF vont vous imposer, monsieur le ministre, de persévérer dans la voie de la vérité des comptes que le Gouvernement avait choisie de privilégier dès 2003. Nous devons donc tirer tous les enseignements des difficultés rencontrées dans l'exécution du budget de 2004, de façon à parvenir à un meilleur ajustement des moyens et des besoins de votre ministère.
Ces difficultés m'inspirent deux voeux - j'espère qu'il ne s'agira pas de voeux pieux - et trois brèves questions.
Je souhaite tout d'abord que le ministère poursuive les efforts engagés sous votre impulsion - une impulsion que je tiens à saluer - pour se doter d'une programmation mieux ajustée de ses dépenses, à l'échelon national comme à l'échelon déconcentré.
Cette programmation ne sera cependant possible que si votre ministère sait pouvoir compter sur les crédits que lui ouvre la loi de finances initiale. J'espère, et c'est mon second voeu, que le Gouvernement fera preuve d'une très grande modération - et c'est un euphémisme - dans la pratique des gels et des annulations de crédits dans ce que l'on appelle pudiquement la « régulation budgétaire », qui a produit des effets désastreux à maintes reprises, notamment dans le domaine du patrimoine historique.
J'en viens à mes trois brèves questions:
Tout d'abord, quelles conclusions pouvons-nous tirer des tensions constatées en 2004 quant au niveau souhaitable des moyens de paiement consacrés au patrimoine historique ? Ensuite, quels objectifs vous fixez-vous dans ce domaine ? Enfin, comment ces objectifs peuvent-ils s'inscrire dans les perspectives qui avaient été ouvertes par le plan national de septembre 2003 pour le patrimoine et qui avaient pour ambition de porter ces enveloppes financières, hors grandes opérations, à 260 millions d'euros en 2008 ?
Je vous remercie des précisions que vous pourrez nous apporter, monsieur le ministre, car elles contribueront à nourrir la réflexion que va engager la commission des affaires culturelles en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, dans le cadre de la mission d'information sur le patrimoine dont le bureau du Sénat vient d'autoriser la création. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis.
M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève, mais sa brièveté ne devra pas cacher l'intérêt que la commission des affaires culturelles porte à l'ensemble des crédits de la communication, M. Nachbar vient de s'en faire l'écho.
Le président de notre commission, M. Jacques Valade, interviendra dans un instant sur un sujet qui nous est cher : la chaîne d'information internationale. Quant à moi, je me bornerai à trois remarques relatives à la presse.
La première, qui n'est pas nouvelle - vous m'avez déjà entendu sur ce sujet et vous m'entendrez à nouveau - concerne le recouvrement de la taxe sur les dépenses hors médias, une taxe qui a été inventée par un de nos collègues député chargé de financer le fonds de modernisation de la presse.
J'ai conscience, monsieur le ministre, que cette taxe n'a jamais constitué, ne constitue pas encore et ne constituera pas demain - du moins je l'espère - une priorité pour les services de Bercy et qu'il est de toute évidence budgétairement plus intéressant pour un trésorier-payeur général ou pour un directeur de services fiscaux de faire progresser le recouvrement, par exemple, de la TVA.
Néanmoins, pour en revenir au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004, l'écart entre la base taxable et les sommes effectivement collectées est tel qu'il mérite d'être souligné à l'encre rouge. Le groupe « Parlement et publicité », créé par des sénateurs et des députés, a consulté l'Institut de recherches et d'études publicitaires, l'IREP : les dépenses hors médias - mais vous connaissez ces chiffres, mes chers collègues - s'élèvent à 20 milliards d'euros par an. Or les recettes de la taxe en question, qui devraient s'élever à 1 % de ce montant, soit à 200 millions d'euros, atteignent péniblement 30 millions d'euros. Potentiellement - et il est légitime que la commission des affaires culturelles s'interroge -, il manque 170 millions d'euros : il n'est pas nécessaire d'avoir fait mathématiques spéciales pour réussir à effectuer cette opération !
Que se passe-t-il, monsieur le ministre, à l'heure où l'argent public est rare ? C'est une première question.
Dans ces conditions, je souhaiterais que l'on m'explique - j'allais dire : « une bonne fois pour toutes », parce que nous le demandons dans tous nos rapports depuis quelques années - pour quelle raison cette taxe n'est pas complètement recouvrée, ou tout du moins, plus modestement puisqu'il faut avancer pas à pas, pourquoi aucun effort suffisant n'a été engagé pour augmenter progressivement son taux de recouvrement, qui pourrait passer de 15 % à 20 %, puis à 30 %, puis à 40 %...
Cette taxe permettrait de dégager de véritables marges, dont la presse en a un immense besoin ; vous le savez aussi bien que moi, sinon mieux que moi, monsieur le ministre !
Mes deux autres interrogations concernent deux mesures importantes, arrêtées dans le collectif budgétaire pour 2004, sur la mise en oeuvre desquelles, monsieur le ministre, je souhaiterais obtenir des informations.
La première question concerne l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale, destinée au cofinancement - souvent important, puisque l'Etat assume 40 % à 50 % des dépenses - de l'organisation du travail dans un domaine délicat qui connaît des mutations industrielles importantes : celui de l'impression et, surtout, du pré-presse. Les métiers changent, le Gouvernement a raison d'accompagner cette mutation.
La seconde question est relative à la modernisation des diffuseurs de presse : la presse doit être accessible, visible, proche.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous fassiez le point sur la mise en oeuvre de ces deux mesures du collectif budgétaire en faveur de cette profession en difficulté.
Dois-je insister, monsieur le ministre ? Je connais l'importance qu'attache le Gouvernement à ce sujet, et je sais l'engagement qui fut le vôtre à l'occasion de l'examen de tous les projets de loi de finances. Quoi qu'il en soit, le voeu de la commission des affaires culturelles est de défendre non pas seulement un audiovisuel de qualité, mais aussi la presse sous toutes ses formes, à tous ses échelons, dans toutes ses périodicités.
Le Gouvernement et le Parlement ont eu raison, année après année, d'insister sur les crédits importants qui doivent y être consacrés, et je sais que ce fut le cas en 2005. Et je crois par ailleurs savoir - peut-être serai-je en mesure de l'annoncer lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 - que les crédits seront maintenus à un niveau élevé, voire qu'ils seront augmentés.
Ce qui m'importe, c'est que nous partions du bon pied, et c'est là ce qui motive mes trois questions se rapportant à l'exercice 2004.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour me réjouir de la tenue de ce débat associant pour la première fois l'ensemble des acteurs chargés d'élaborer, de voter et de contrôler le budget de l'Etat. J'ai en effet souvent regretté que, une fois le projet de loi de finances adopté, les commissions pour avis en soient dessaisies et restent tenues à l'écart des discussions relatives à l'exécution des crédits votés.
La mise en oeuvre de la LOLF permet de corriger cette lacune, et, comme les orateurs qui m'ont précédé, je ne peux que m'en féliciter : monsieur le président de la commission des finances, vous avez eu raison d'anticiper et de nous permettre cet exercice préparatoire.
Nos excellents rapporteurs, le rapporteur spécial, Yann Gaillard, pour la commission des finances, les rapporteurs pour avis, Philippe Nachbar et Louis de Broissia, pour la commission des affaires culturelles, ont présenté des observations tout à fait pertinentes auxquelles je m'associe bien volontiers. Je souhaite quant à moi, monsieur le ministre, aborder ici le sujet de la chaîne d'information internationale.
Nous avons l'an dernier, et dans les conditions que tout le monde connaît, voté au titre du « collectif 2004 », qui vient d'être évoqué, une majoration de crédits de 30 millions d'euros destinée au financement de cette chaîne, dont l'objet est de faire entendre la voix de la France dans le monde, objet auquel notre commission a toujours été favorable : elle a toujours été solidaire de ce projet de création et a déjà beaucoup travaillé à sa mise en oeuvre.
Ces 30 millions d'euros, que l'on nous avait pourtant présentés comme indispensables au lancement d'un projet dont le bien-fondé n'est pas en cause, n'ont semble-t-il pas permis d'atteindre l'objectif escompté. Chacun a pu se rendre compte non seulement que la chaîne n'était toujours pas lancée, mais encore que ses modalités de mise en oeuvre - je pense bien sûr à l'association entre France Télévisions et TF1 - étaient de plus en plus contestées.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, ma question sera double.
D'une part, qu'est-il advenu des 30 millions d'euros votés en urgence par le Parlement ? Ont-ils été utilisés pour le financement de frais d'études, par exemple, ou bien « tomberont »-ils en fin d'année, cette seconde hypothèse tendant à faire penser que la précipitation initiale n'était peut être pas nécessaire ?
D'autre part, où en est-on de l'association entre les deux groupes audiovisuels les plus importants du pays, voulue en son temps par le Premier ministre ? Est-elle toujours d'actualité ? Les informations contradictoires s'étant multipliées au cours des semaines passées, tous mes collègues apprécieraient d'obtenir ce soir des précisions à ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais me réjouir du débat qui nous rassemble ce soir et vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir accepté de participer à cet exercice et de vous prêter à ce questionnement. Cela constitue, en quelque sorte, une préfiguration de ce que sera demain, lorsque la loi organique relative aux lois de finances sera en application, la discussion des projets de loi de règlement.
Chacun comprend qu'il s'agit aussi de préparer la discussion de la loi de finances pour l'année qui suit et je ne doute pas que, sous votre autorité, monsieur le ministre, votre administration apportera toute sa contribution à la réforme de l'Etat.
Nous sommes tous malheureux lorsque nous constatons que vos services, sur le terrain, éprouvent des difficultés pour liquider les engagements. Peut-être pourrez-vous nous livrer non pas vos confidences, mais vos appréciations sur ce point ? Peut-être y a-t-il ici ou là des impayés, des régulations qui vous ont posé des problèmes ?
Jacques Valade évoquait à l'instant les fruits de la loi de finances rectificative pour 2004, dans laquelle avait été prévue l'inscription des crédits pour la chaîne internationale. C'était une loi bien extraordinaire, puisque c'était une loi de finances rectificative à la fois pour 2004 et pour 2005 : étrange pratique, sans doute, caractéristique de ce que nous ne voulons plus revoir, car notre volonté est de tendre vers la sincérité budgétaire.
A cet égard, nous sommes conscients qu'il ne doit pas être simple d'être à la tête du ministère de la culture et, comme tous ceux qui se sont exprimés, je salue le talent de Renaud Donnedieu de Vabres. C'est sûrement un engagement délicat, car il faut beaucoup promettre alors que le budget n'est pas extensible et que les sollicitations sont multiples.
Nous commençons tout juste l'analyse du projet de loi de finances pour 2006, et nous apprenons que le produit de la privatisation des concessions autoroutières - quoi qu'on en pense et, à titre personnel, je m'apprêtais à prendre part au débat qui devait suivre ce soir, mais qui semble dorénavant reporté - semble devoir aller partiellement à vos services sous la forme d'une dotation complémentaire. Le projet de loi de finances pour 2006 serait donc déjà corrigé à la hausse !
Voilà quelques heures à peine, M. Copé nous exposait la fierté du Gouvernement d'avoir pu tenir la dépense publique en 2006 par rapport à 2005, et maintenant, si je comprends bien, 100 millions d'euros supplémentaires doivent être inscrits pour le financement d'opérations diverses, au demeurant essentiellement parisiennes. Devons-nous comprendre, monsieur le ministre, que votre projet de budget pour 2006 est d'ores et déjà augmenté de cette somme, c'est-à-dire d'un peu plus de 5 % de son montant initial ?
Encore une fois, je vous remercie, monsieur le ministre, de participer à ce débat, préfiguration à nos yeux de la discussion des projets de loi de règlement à venir, la loi de règlement étant la loi de vérité budgétaire et de préparation de l'examen de la loi de finances à venir. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président de la commission des finances, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invité à participer à ce débat sur le projet de loi de règlement, modernisation du travail parlementaire sur les lois de finances permise par la loi organique relative aux lois de finances.
Je suis particulièrement heureux de venir devant vous non pas en tant que ministre « dépensier », mais en tant que ministre « gestionnaire ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Si j'ai d'abord une ambition politique, celle de placer la culture au coeur de la cité, celle d'inscrire l'action culturelle dans la stratégie d'attractivité de notre pays, je me réjouis que cette nouvelle étape dans les relations fructueuses que nous entretenons entre le Sénat et le ministère me permette de vous montrer que le ministère de la culture et de la communication est bien géré, et de mieux en mieux géré.
Vous me permettrez tout d'abord de vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre présence permanente dans les grands enjeux culturels de notre pays. Il n'est pas facile, c'est certain, de créer la dynamique nécessaire ; c'est pourquoi je suis très heureux de participer à ce débat, car il m'appartient de savoir concilier l'acte immatériel de la création, ce qui a trait à la liberté de l'esprit, avec la réalité financière et économique, en termes d'attractivité et d'emploi, que représente la culture dans notre pays.
Parler d'emploi, parler d'attractivité n'est en aucune manière remettre en cause le talent - dans ce qu'il a non pas de déconnecté du travail, mais de spirituel - que déploient les artistes.
Par ailleurs, je suis le ministre d'un secteur essentiel pour l'activité économique de notre pays, et ce d'autant plus que la conjoncture internationale, que la mondialisation oblige chaque pays à aller au maximum de ses talents et de ses capacités. Cette alliance particulière entre le patrimoine et la création n'est pas pour notre pays un supplément d'âme, quelque chose de sympathique, de marginal : elle est essentielle pour le rayonnement de notre pays.
Je pourrais ainsi affirmer que, grâce à l'importance que revêt l'action culturelle et artistique, je suis une sorte de ministre d'Etat. (Sourires.) Je le dis, évidemment, avec une pointe d'humour et toute la philosophie que cela implique, mais je n'en suis pas moins très sérieux : mon objectif est d'une certaine manière, vis-à-vis de l'opinion publique, de démarginaliser la perception de l'action culturelle dans notre pays, et j'organiserai au mois de décembre une réunion, à laquelle j'espère que vous serez nombreux à participer, pour susciter cette prise de conscience du lien entre l'attractivité de la France et la culture.
Je suis donc heureux de pouvoir rendre hommage devant vous au travail de modernisation accompli par les fonctionnaires du ministère de la culture pour répondre à tous les défis. En effet, on dit souvent de mon ministère que c'est un « bazar », qu'il est mal géré et qu'il ne communique pas la réalité des chiffres. Or je suis, quant à moi, pour la transparence absolue.
Il est vrai que nous avions des progrès à faire ; toutefois, ceux qui ont eu à gérer avec moi certaines crises sociales et économiques savent que, s'il m'était arrivé un accident et si j'avais disparu avec les membres de mon cabinet, la mémoire stratégique et l'action opérationnelle auraient peut-être fait défaut, mais la continuité aurait été assurée grâce à une meilleure prise en compte des réalités économiques et financières dans la gestion de ce grand département ministériel.
Les moyens, les objectifs, la mesure des résultats ne sont que des outils pour faire connaître et reconnaître l'action de la rue de Valois comme partie intégrante de la politique globale menée par le Gouvernement pour l'emploi, pour la cohésion sociale, pour l'attractivité du territoire et pour la préparation de l'avenir. J'ai pu m'en rendre compte en visitant cet après-midi, à l'issue des questions d'actualité au Palais-Bourbon, une grande entreprise française de création de jeux vidéo qui est engagée dans une grande bagarre mondiale où les enjeux économiques et financiers sont confrontés à la création artistique dans ce qu'elle a à la fois d'immatériel et de très incarné.
Je suis donc heureux de faire le point avec vous sur la vérité des chiffres et sur la nécessaire modernisation du ministère de la culture.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez parlé de l'année 2004 comme de l'année des « trois crises ». C'est aussi l'année où nos concitoyens ont pris conscience de l'importance du patrimoine et du spectacle vivant pour le rayonnement de leurs régions, de leurs territoires, peut-être d'ailleurs malheureusement a contrario par les conséquences de la paralysie ou de l'arrêt d'un certain nombre de spectacles.
J'entends mettre en valeur aussi bien le patrimoine que le spectacle vivant. Et parler du patrimoine, je le répète, c'est parler non pas d'une nostalgie mais d'un capital d'avenir.
Monsieur le président de la commission des finances, j'évoquerai les chiffres avec beaucoup de liberté, parce que j'ai bien conscience que les batailles se gagnent en amont. En effet, si l'on n'a pas d'abord redéfini un certain nombre de concepts, on est fragile et vulnérable, et tout mon travail rue de Valois depuis dix-neuf mois que j'exerce la magnifique responsabilité qui m'a été confiée consiste à faire comprendre la nature exacte des enjeux qui sont les nôtres.
Nous sommes ainsi en passe de gagner la bataille de la diversité culturelle à l'UNESCO, même si nous devons faire face encore à quelques réticences : en effet, le concept que nous avons défini a la peau dure et il résiste aux altercations et aux contradictions.
La culture est un domaine fragile si, en amont, le concept n'a pas été suffisamment étayé. : je ne veux pas que l'on me dise que ce que je propose est sympathique, que j'ai réussi un certain nombre de choses, que vivre au milieu des artistes est bien ; tout cela me va droit au coeur, mais mon véritable objectif est de redéfinir l'aspect stratégique de la culture pour le développement de notre pays.
Vous avez façonné et lancé cette dynamique puisque 2004 a été l'année d'une mobilisation sans précédent des élus, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. En témoigne le débat qui s'est tenu ici même le 1er février dernier, sous la présidence de M. Christian Poncelet.
Lorsque je pratique une politique de relocalisation et d'ouverture de notre patrimoine aux tournages et au spectacle vivant, peu importe que certains de mes détracteurs disent que je me prends pour le « patron d'Hollywood », cela m'est complètement indifférent ! Mon objectif est de faire en sorte que chaque lieu dont j'ai la responsabilité puisse servir à toutes les formes d'expression artistique, qu'il s'agisse du spectacle vivant, du cinéma ou de l'audiovisuel.
Là encore, les résultats se mesurent immédiatement. L'extension du crédit d'impôt au cinéma et à l'audiovisuel que vous avez votée a permis de créer ou de sauvegarder 3 000 emplois, et les discussions que j'ai eues récemment à Bruxelles pour conforter les aides françaises au cinéma ou à l'audiovisuel ainsi que celles que j'aurai demain pour obtenir un crédit d'impôt pour les jeux vidéo ont des conséquences directes et immédiates sur l'emploi et sur le rayonnement de notre pays.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comme le plafonnement de la taxe professionnelle !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est bien dans cet esprit que j'ai engagé mon ministère tout entier dans la préparation et l'application de cette « révolution copernicienne » que représente la LOLF, et nous n'avons pas été en retard, certains d'entre vous ont eu la gentillesse de le remarquer, pour mener des expérimentations. Par conséquent, ce ministère de « l'immatériel », avec tout le mépris que cette expression comporte parfois, a été très en avance dans l'action pour la modernisation de l'Etat.
Mes ambitions pour le patrimoine, la création, le spectacle vivant, exigent des moyens importants qui doivent être optimisés. Ainsi, je partage la remarque de la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution du budget de 2004 concernant, par exemple, les crédits du patrimoine : « La réussite de la stratégie du programme "Patrimoines" se lira moins dans ces multiples objectifs et indicateurs de performance que dans l'ampleur des moyens qui seront attribués à l'entretien et à la restauration du patrimoine. » Nous voilà rappelés à nos responsabilités !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s'agit d'une logique de moyens !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Grâce à la décision d'un de vos nouveaux collègues, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le ministère de la culture et de la communication n'a pas, au titre de 2004, été soumis à la régulation budgétaire. En effet, l'ensemble des crédits dont vous aviez bien voulu le doter pour l'année 2004, reports de crédit 2003 sur 2004 inclus, sont restés libres d'emploi. C'est très important !
Désormais, ce ministère ne vit plus sur les reports. Même si, sur le plan de l'orthodoxie budgétaire, cela pouvait paraître choquant, pour le ministre, c'était une bouffée d'oxygène qui lui permettait de faire face à un certain nombre d'obligations. Mais, aujourd'hui, rue de Valois, « on en est à l'os », pour employer une expression triviale. A partir du moment où ligne par ligne, capacité d'intervention par capacité d'intervention, mes marges de manoeuvres et mes ajustements d'une priorité à une autre sont totalement restreints, les principes très féconds de la fongibilité, qui sont les principes mêmes de la LOLF, ne me permettent plus de bénéficier de reports de crédits.
La période faste est derrière nous, j'ai la franchise de le dire. Comme le montre l'exécution du budget pour 2004, mon ministère a consommé l'ensemble des crédits ouverts, avec des taux compris entre 90 % et 100 %, voire supérieurs à 100 %... ce qui signifie qu'il y a des impayés dans l'air. Oui, c'est la vérité, et c'est la raison pour laquelle je me bats pour redéfinir en amont les concepts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si le ministère de la culture et de la communication est libre d'utiliser les crédits que vous votez, il peut alors exécuter strictement et régulièrement la loi de finances et présenter les résultats que vous attendez. En revanche, si l'on en revient à l'exercice néfaste des gels et dégels de crédits, ce ministère, ayant trop peu de marges de manoeuvre, sera obligé d'annuler ou de reporter des pans entiers de son action, ce qui créera des reports de charges et de crédits, faisant ainsi apparaître les orientations nouvelles comme vides de contenu.
Certains me reprochent de « flécher » des crédits. Ainsi, lorsque je prends des engagements - ce que j'ai fait pour la politique de l'emploi dans le domaine du spectacle vivant -, au moment où j'individualise les crédits en disant que telle somme ira pour telle région et pour telle mesure de soutien à l'emploi, on m'objecte qu'il faut affecter l'ensemble des mesures nouvelles à la création. Flécher des dizaines de millions d'euros suppose toutefois des contraintes redoutables !
J'entends la valse des mouvements browniens, mais j'essaie de faire en sorte que toutes les politiques contractuelles de l'Etat profitent à l'action culturelle et je regrette aujourd'hui - je réunirai bientôt les préfets de région sur cette question - que, dans la politique de la ville, dans la politique de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, ou dans la politique du logement social, une partie des actions culturelles et artistiques ait tendance à disparaître. C'est pour moi une nécessité absolue : dans un certain nombre de mes domaines d'intervention, les chiffres paraissent peu importants, mais ils symbolisent des actions concrètes dans la palette et la diversité de mes responsabilités.
Lorsqu'on s'engage dans ce type d'exercice, on est très vulnérable. Et je ne ferai pas trop de commentaires sur ces problèmes de gels de crédits ou d'annulations, parce que, si j'échappe à un certain nombre de rigueurs, je n'ai pas trop envie que cela se sache et je souhaite que l'on puisse confirmer mes financements...
Enfin, on ne peut pas gérer convenablement des chantiers dans ces conditions. Je sais que les élus locaux le comprennent et je les remercie par avance de leur soutien dans ce combat.
S'agissant des redéploiements, j'ai dû notamment procéder au refinancement en 2004 de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP, mais aussi à des dépenses en capital.
En ce qui concerne la situation particulière de l'INRAP en 2004, ainsi que la Cour des comptes l'a noté, 11,5 millions d'euros ont été redéployés à partir des titres III et IV du ministère pour assurer le financement de l'Institut en raison du rendement insuffisant de la redevance.
Nous n'avons franchi qu'une étape, mais nous avons progressé parce que chacun d'entre vous, lors des questions d'actualité tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, nous informait de situations aberrantes et que, à force de recenser les aberrations du système, nous avons modifié le dispositif global. C'était urgent, car on risquait de faire voler en éclat les équilibres fragiles auxquels nous étions parvenus pour faire en sorte que l'archéologie préventive reste populaire et apparaisse conciliable avec le développement.
Nous devons maintenant achever cette réforme parce que, tant que l'archéologie préventive ne bénéficiera pas d'un financement durable, solide et équitable, nous devrons nous livrer à des jeux d'écriture complexes. J'espère donc être en mesure de reprendre le plus rapidement possible les propositions que vous avez élaborées sur ces questions.
Nous réfléchissons avec l'ensemble des ministères concernés à la nécessaire évolution de ce système. J'ai mobilisé les uns et les autres, notamment les préfets de région, pour leur demander d'activer le rendement de la recette. Cela va beaucoup mieux aujourd'hui, mais je demeure prudent car les chiffres ne sont pas encore définitivement confirmés.
Le rapport prévu par la loi de 2003 relative à l'archéologie préventive sera présenté au Parlement à la fin de l'année. Parallèlement, une mission conjointe d'inspection, fruit d'une collaboration entre le ministère de l'économie et des finances et mon propre ministère, continue ses travaux. Et je sais aussi, monsieur le rapporteur spécial, que vous préparez de votre côté un second rapport sur ce sujet pour la fin de cette année. Sachez que la collaboration de mes services vous est plus qu'acquise, car je suis impatient que l'on remédie à cette difficulté.
J'en viens aux crédits du patrimoine. Avant ma prise de fonction, les taux de consommation de ces crédits étaient traditionnellement bas. Aujourd'hui, cette situation est révolue et nous avons amélioré les procédures afin d'accélérer la consommation des crédits, qui a augmenté de plus de 15 % entre 2003 et 2004.
Les crédits de paiement sont soumis à une gestion très tendue. A la fin de 2004, dans les régions, les impayés s'élevaient à 90 millions d'euros. J'ai donc demandé l'ouverture nette de 35 millions d'euros de crédits dans la loi de finances rectificative de 2004, crédits que je vous remercie d'avoir votés, mesdames, messieurs les sénateurs.
Si le cap de 2004 a pu être franchi, celui de 2005 se révèle très difficile, j'en suis bien conscient, malgré les hausses de crédits qui ont été décidées en loi de finances initiale ou en loi de finances rectificative, et en dépit des redéploiements qui ont été effectués.
Sur ce sujet aussi, nous vous devons la vérité des chiffres, dans la transparence absolue. Mais il ne faut pas pour autant raconter n'importe quoi ! Ainsi, en 1999, aucun de nous ne l'a oublié, notre pays a été touché par deux tempêtes. Nous avons donc prévu, en 2000, 2001 et 2002, les crédits nécessaires à la réparation des dommages provoqués par ces catastrophes naturelles et ces sommes sont venues s'ajouter aux crédits budgétaires « classiques », destinés à assurer l'entretien des monuments historiques et de l'ensemble de notre patrimoine. Espérons que de tels aléas climatiques nous épargneront à l'avenir !
Les crédits du patrimoine sont un élément essentiel de notre politique. Ils assurent la constitution d'un capital d'avenir pour notre pays. Si nous voulons que la France reste la première destination touristique mondiale, si nous voulons que notre patrimoine continue de rayonner dans le monde et de servir l'activité culturelle et artistique, il faut faire face à nos responsabilités.
Pour répondre à une question qui m'a été posée, sachez que les crédits prévus à cet effet s'élèvent à 305 millions d'euros, 220 millions d'euros provenant de la loi de finances initiale, 60 millions d'euros des crédits de report, et 25 millions d'euros des fonds de concours.
Ces chiffres ont pu être supérieurs dans les années qui ont suivi la survenue des catastrophes puisque les sommes consacrées à la réparation des dégâts subis venaient alors s'ajouter aux crédits d'entretien normal.
Je souhaite que nous franchissions une étape supplémentaire parce que, là encore, il s'agit de préparer l'avenir. J'ai donc demandé à mes services d'élaborer pour 2006 un outil de gestion performant afin de me permettre de piloter dans le temps les autorisations d'engagement et les crédits de paiement, en consolidant en permanence tous les besoins de trésorerie liés à nos projets d'investissement dans tout le pays.
Il ne s'agit ni de remettre en cause le système des crédits déconcentrés vers les DRAC, ni de tout « caporaliser ». Il s'agit tout simplement de disposer, grâce à l'informatique de gestion, d'un tableau en temps réel qui me permettra d'apprécier les besoins, département par département, site par site.
J'ajoute que nous avons enfin mis un terme au scandale de la maîtrise d'ouvrage. Afin que les financements d'Etat ne bloquent pas la poursuite des chantiers, je dois être en mesure d'apprécier, en termes d'analyse et de programmation pluriannuelle, l'état d'avancement des chantiers et des besoins. Mais l'informatique de gestion est un outil renforcé et nouveau de nature à permettre des progrès utiles.
Dans cet esprit, je me félicite de la création par la commission des affaires culturelles du Sénat d'une mission d'information sur la sauvegarde et sur l'entretien du patrimoine architectural. Nous avons le devoir, dans l'intérêt de tous nos concitoyens, de réussir cette mobilisation politique.
J'ai lu ici et là que le fait d'avoir placé les Journées du patrimoine sous le slogan « J'aime mon patrimoine » traduisait le vide de mon crâne. Chacun a le droit que dire ce qu'il veut : vive la liberté d'expression ! J'estime cependant pour ma part que la mobilisation politique en faveur du patrimoine est un facteur essentiel, pour deux raisons : d'une part, l'argent investi dans le patrimoine est créateur d'activités immédiates et, d'autre part, c'est un élément majeur du rayonnement de notre pays.
Monsieur le président de la commission des finances, puisque vous avez évoqué la question, sachez que j'ai obtenu, à la suite d'un arbitrage rendu par M. le Premier ministre - et obtenir des arbitrages suppose beaucoup d'énergie, croyez-moi -, l'attribution de 100 millions d'euros de crédits issus des privatisations, des mises sur le marché d'actifs publics. Je compte évidemment sur le soutien de la Haute Assemblée pour donner une valeur juridique et financière définitive à cet arbitrage essentiel. En effet, cette aide n'est pas seulement un soutien en faveur du patrimoine, elle est aussi un soutien à l'emploi dans un secteur très sensible aux à-coups des commandes publiques. Elle est, enfin, symbolique : la vente du patrimoine de l'Etat va au patrimoine.
J'ajoute, pour lever toute ambiguïté, que pas un seul euro de cette dotation ne servira à combler le déficit de fonctionnement d'un quelconque établissement dépendant de mon département ministériel, parce que je tiens beaucoup à ce que ces crédits soient affectés directement au patrimoine. Il s'agira bien d'investissements en capital et je vous demande de m'aider à mobiliser ces fonds et à obtenir leur progression.
Les crédits doivent être débloqués d'ici à la fin de l'année puisque, en 2006, la LOLF interdira aux établissements publics de recevoir des dotations en capital.
Les besoins sont nombreux, et certains méritent d'être satisfaits. Mais ces crédits ne serviront en aucune manière, je le répète une nouvelle fois, monsieur le président de la commission, à financer les dépenses de fonctionnement des établissements publics : ils seront affectés aux grandes opérations patrimoniales qui sont devenues nécessaires.
M. Jean Arthuis président de la commission des finances. C'est de la dépense publique !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Oui, monsieur Arthuis, mais tournée vers le soutien à l'emploi et à l'activité ! Les dépenses d'avenir visent en effet non seulement l'éducation et la recherche, mais aussi la culture.
Ces crédits ne serviront donc en aucun cas à financer des frais de fonctionnement.
J'en viens aux crédits destinés à la communication, car je ne veux pas éluder les questions qui m'ont été posées sur ce sujet.
Un palier très important a été franchi en 2005 et l'évolution engagée sera confirmée en 2006. Il s'agit de crédits « déclencheurs », qui s'articulent parfois avec des réformes - au demeurant nécessaires - et avec des négociations sociales.
Si certains secteurs de mon département ministériel sont soumis à des tensions, sur ce sujet, en revanche, je suis en position de force car les demandes et les projets ne sont pas surabondants. L'Etat joue ici un rôle moteur et met sur la table de la négociation les crédits nécessaires pour accompagner la modernisation des entreprises.
Si le Sénat est un des temples de la démocratie politique, la vitalité de la presse écrite et de l'ensemble du secteur audiovisuel en est un autre. C'est pourquoi l'Etat a mobilisé les crédits nécessaires pour remédier aux questions urgentes qui se posent, qu'il s'agisse de la presse quotidienne, nationale et régionale, ou encore des diffuseurs de presse, auxquels 3,5 millions d'euros - cette somme sera d'ailleurs majorée dans le projet de budget pour 2006 - ont été consacrés.
M. le président de la commission des affaires culturelles m'a interrogé, au sujet de la chaîne d'information internationale, sur les décisions de fond qui doivent être prises, d'abord sous un angle budgétaire, puis sous un angle plus politique.
Je commencerai par l'aspect budgétaire. Les crédits de la chaîne internationale sont inscrits sur les lignes du budget du Premier ministre, conformément à une demande précise et expresse du précédent ministre des affaires étrangères. Les décisions sont sur la table, tout le monde s'en fait l'écho.
La priorité politique est de réaffirmer la nécessité stratégique de la chaîne d'information internationale, dont la mission se distingue de celle qui a été dévolue à TV5, à savoir la promotion de la langue française et de la francophonie.
Dans la conjoncture internationale actuelle, répondre à cette nécessité stratégique, c'est émettre dans toutes les principales langues, c'est donc assurer, sur tous les théâtres d'opérations, la présence de la démocratie française grâce aux journalistes qui en sont les porteurs, c'est faire connaître tous les événements, toutes les fureurs du monde mais aussi toutes ses réussites.
Nous devons aussi déterminer de quelle manière nos concitoyens peuvent accéder à cette information diffusée en différentes langues étrangères. Sur ce sujet, le Gouvernement a entendu les recommandations chaleureuses et pressantes exprimées par la Haute Assemblée, par l'Assemblée nationale et par un certain nombre de professionnels. S'il considère qu'il est légitime de vouloir que les citoyens français reçoivent cette chaîne d'information internationale, il restera à définir les supports de sa réception.
Un autre point du débat porte sur ce que j'appelle l'attelage, l'équipage. Je tiens ici à dissiper une idée fausse : la future chaîne d'information internationale ne devra pas être une mosaïque, une collection de journalistes portant des tee-shirts à l'effigie de leur maison d'origine. Il s'agit d'un projet nouveau, d'une grande ambition : une nouvelle rédaction devra voir le jour pour traiter toutes les informations et intervenir partout où ce sera nécessaire.
A l'heure actuelle, le débat se concentre sur deux sociétés : France Télévisions et TF1. Mais c'est méconnaître les autres acteurs du monde de l'audiovisuel, qui exercent pourtant des responsabilités remarquables dans le domaine de l'information internationale : je pense à l'AFP, à RFI, à tous les correspondants qui sont sur le terrain. Ils ont tous vocation à participer, d'une manière ou d'une autre, à la diffusion de la chaîne d'information internationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je peux en tout cas vous assurer que, si nous sommes passionnés par l'enjeu, nous nous efforçons de dépassionner les conflits. Les positions des différentes parties sont certes toutes légitimes, mais il faut « désantagoniser » le débat.
Ai-je besoin d'ajouter que ce sujet passionne aussi bien le Premier ministre que le Président de la République : le Premier ministre, qui n'a pas oublié les responsabilités qu'il a assumées au ministère des affaires étrangères, le Président de la République, qui est le chef de notre diplomatie et le chef des armées et qui, à ce titre, est plus que quiconque en première ligne. Il travaille donc à la réussite de ce dossier.
Enfin, je vous indique que les crédits qui n'ont pas été dépensés en 2005 pourront l'être en 2006, à la hauteur qui sera nécessaire pour faire monter en puissance cette nouvelle chaîne.
J'en viens - pardonnez-moi d'être aussi long - aux progrès qu'apportera la LOLF dans le fonctionnement du ministère de la culture et de la communication.
D'emblée, et c'est essentiel, mon ministère a joué le jeu de la LOLF et la réflexion stratégique s'est affranchie des contraintes organisationnelles en retenant trois programmes là où dix directions d'administrations centrales ou délégations existent actuellement.
Le chantier relatif aux objectifs et indicateurs de performances a démarré tôt et a permis de présenter, dès le projet de loi de finances pour 2005, une première liste d'objectifs et d'indicateurs par programme. La richesse du débat parlementaire nous a ainsi permis de présenter une copie plus resserrée et plus cohérente des priorités ministérielles par programme.
Le nombre significatif d'indicateurs reflète la diversité des métiers de la culture et la variété des champs couverts. La recherche de la performance est concentrée sur les orientations prioritaires du ministère et intègre les priorités actuelles du Gouvernement en matière d'emploi et de soutien à l'environnement économique du secteur culturel, qu'il s'agisse du patrimoine ou de la création.
Le rapport publié en mars 2005 par MM. Lambert et Migaud a souligné l'impossibilité de mesurer certains aspects de nos métiers : « La performance de la mission "Culture" peut-elle être évaluée ? Il peut être difficile de lier l'évaluation de la dépense publique à la qualité de la création. Ainsi, l'accroissement de la vente de places par un spectacle n'est pas le gage de son intérêt artistique... » - mais on ne peut pas non plus considérer qu'un spectacle magnifiquement accueilli et vivement applaudi est frappé d'infamie et, comme toujours, il faut avoir le sens de la mesure ! - « Pour autant, peut-on renoncer à l'évaluation de la politique culturelle, dès lors que le contribuable est invité à un effort financier ? »
Je ne saurais mieux dire que cette feuille de route que vous m'avez tracée !
J'en viens aux décisions prises pour réussir la réforme de la nouvelle gestion publique, et notamment à la question délicate de l'organisation administrative de mon ministère, abordée par votre Haute Assemblée et par la Cour des comptes.
Les relations entre les responsables de programme et les responsables de budgets opérationnels de programme sont clairement définis depuis 2004.
M. le président. Monsieur le ministre, vous serait-il possible de vous diriger vers votre conclusion ?...
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je conclus, monsieur le président !
Il reste que la relation avec les DRAC est plus complexe à mettre en oeuvre. Elle est facilitée par le travail de synthèse du département de l'action territoriale de la direction de l'administration générale du ministère.
Elle se concrétisera aussi par la conférence de l'action culturelle de l'Etat, que j'ai instituée afin que le ministre, les directions de l'administration centrale, les directions régionales des affaires culturelles et les présidents d'établissement public soient régulièrement réunis. Je suis respectueux des responsabilités de chacun, mais il n'y a qu'une politique culturelle de l'Etat et chacun doit y participer en fonction de ses responsabilités.
La formalisation des engagements des responsables de programme dans le projet annuel de performance du programme sera complétée par une lettre de mission personnalisée, que je leur adresserai avant le début de la gestion 2006.
Les engagements des responsables de budgets opérationnels de programme que sont les administrations centrales et les directions régionales des affaires culturelles sont inscrits dans ces budgets, qui seront tous rédigés à la fin du mois.
Enfin, j'ai personnellement validé la novation importante et exemplaire de « contrat de performance » avec les soixante-dix établissements publics qui dépendent de mon ministère. Par le biais des contrats d'objectifs et de moyens, j'ai des discussions sur le contenu des objectifs avec celles et ceux avec qui j'ai des relations contractuelles très satisfaisantes.
Mon action vise à renforcer la chaîne de responsabilité autour des responsables de programme, en leur donnant la légitimité et les outils nécessaires au pilotage de leur programme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, donner des moyens à la culture, ce n'est pas une gabegie, ce n'est pas non plus de l'argent qui sera mal géré, c'est tout simplement faire oeuvre utile pour l'attractivité de notre pays, pour le rayonnement de sa culture, pour le travail des artistes et des techniciens.
Enfin, si les crédits nécessaires au fonds de transition figurent non pas dans le budget du ministère de la culture mais dans celui du ministère des affaires sociales, c'est le fruit d'une volonté absolument délibérée de ma part. En effet, je ne voulais pas que des dépenses à caractère social puissent être prélevées sur les crédits nécessaires à la création et au patrimoine. J'ai déjà suffisamment de difficultés pour ne pas en rajouter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos sur les grandes stratégies de votre ministère et de vos réponses très fouillées sur tous les sujets qui ont été abordés.
Cela étant, nous sommes encore en période d'expérimentation et, dans la pratique, il nous faudra sans doute songer à adapter les temps de parole ! (Sourires.)
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais d'abord saluer l'élan du ministre de la culture : quand on aime, on ne compte pas ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, j'ai bien noté que vous étiez en charge de la créativité, mais je voudrais être sûr qu'il n'y a pas rue de Valois de créativité conceptuelle au regard de la LOLF et de l'exigence de sincérité des comptes publics.
J'ai en main la liste des opérations qui, semble-t-il, auraient fait l'objet d'un arbitrage et qui seraient financées par un prélèvement sur le produit des privatisations des concessions autoroutières.
S'agissant d'investissements, ces fonds peuvent, selon vous, ne pas être inscrits dans votre budget. Est-ce à dire qu'ils passeront par la loi de finances rectificative pour 2005 ? Si tel était le cas, je vous rends attentif au fait que cela constituerait la même infraction que celle qui a marqué la loi de finances rectificatives pour 2004 ! Par conséquent, vous ne serez pas étonné de la protestation que nous élèverons alors, car ce « match retour » de la loi de finances initiale serait en contradiction avec les propos de M. Copé cet après-midi, selon lesquels la loi de finances rectificative pour 2005 sera de cristal : il s'est porté garant qu'elle serait la pureté même, qu'elle ne comporterait aucune scorie, c'est-à-dire aucune tentative d'inscription de dépenses pour 2006. Je veux croire que nous ne nous méprenons pas sur ce point !
L'aide financière qui vous a été attribuée servira, avez-vous dit, à créer de l'emploi. Pourtant, dans la liste du patrimoine concerné, figure l'immeuble des Bons Enfants, qui a déjà été inauguré. Cela ne va donc pas créer d'emplois en 2006 ! J'ai donc plutôt tendance à penser que vous avez sous le coude des factures qui n'ont pas été payées...
Cette liste répond-elle à des arriérés d'investissements, en quelque sorte ? En effet, parfois, l'Etat engage des travaux sans avoir les crédits nécessaires pour y faire face. Il en résulte beaucoup d'intérêts moratoires, ou encore des arrangements qui trahissent l'autorité de l'Etat.
J'ai bien noté votre attachement, dont je ne doute pas, au respect de la LOLF et de ses principes. Toutefois, je m'interroge et j'aimerais, si cela est possible, que vous dissipiez mes inquiétudes.
Ainsi, je croyais que les travaux du Grand Palais, qui figurent aussi sur la liste, étaient achevés. Reste-t-il encore réellement 9 millions d'euros de travaux à réaliser ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Figurent également sur cette liste le Palais de Chaillot, le schéma directeur d'aménagement du Grand Versailles, le musée de l'Orangerie, l'Union centrale des Arts décoratifs, la Cinémathèque française, l'Odéon - théâtre de l'Europe, l'école d'architecture de Paris - Val-de-Seine, l'école d'architecture de Nantes - voilà au moins un investissement qui n'est pas parisien ! -,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... l'école d'architecture de Paris - Belleville - Diderot, l'école d'architecture de Versailles, la Cité nationale de l'histoire de l'immigration au Palais de la Porte Dorée et, enfin, l'immeuble des Bons Enfants, que je croyais terminé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Transparence de cristal, avez-vous dit ? Moi, j'aime bien ce qui est gravé dans le marbre, surtout s'agissant de questions budgétaires ! J'ai donc veillé à ce que l'arbitrage du Premier ministre le soit.
L'attribution de crédits qui en résulte n'est pas liée à la loi de finances rectificative, elle figurera dans un compte d'affectation spéciale, sur décision du ministre des finances, et sera confirmée officiellement. Les crédits seront mis à disposition de mon ministère avant la fin de l'année 2005, et j'espère qu'il y aura d'autres ajouts !
Comme je vous l'ai indiqué, des opérations lourdes d'investissements sont devant nous. Ainsi, lundi dernier, le Premier ministre a annoncé la réhabilitation de plusieurs milliers de mètres carrés du Palais de Tokyo.
Quant au Grand Palais, ne croyez pas que tout soit terminé ! Certes - j'en profite pour le dire -, il a rouvert ses portes, mais se profile l'éventualité de certains travaux complémentaires qui se révèlent nécessaires. En effet, aujourd'hui, les pieux en chêne des sous-sols ont été supprimés et remplacés par des pieux en béton de douze mètres et l'intégralité de la verrière est terminée, ce qui représente 100 millions d'euros. Mais il reste encore un certain nombre d'installations techniques à réaliser pour un bon fonctionnement du Grand Palais, que je considère comme étant un phare culturel. C'est pourquoi j'ai pris la décision, que j'assume, d'avoir interrompu l'appel d'offres qui avait été lancé, car j'estime qu'en période de trouble identitaire cette mission relève des responsabilités régaliennes de l'Etat, même si je n'exclus pas les partenariats ni le fait que des entreprises privées puissent effectuer certains travaux.
Notre mission est bien de réaliser des opérations d'investissement : je pense au Fort Saint-Jean à Marseille ou aux écoles d'architecture.
Votre critique peut porter sur le fait que, de toute façon, nous aurions été amenés à payer de telles opérations d'investissement, le schéma directeur du Grand Versailles par exemple. Mais ces opérations seront financées grâce à l'Etablissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, et permettront d'autres investissements - il ne s'agit en aucun cas ici de fonctionnement - dans des monuments historiques où nous avons un retard considérable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous comprends bien, monsieur le ministre, mais j'essaie de faire un lien entre ces décisions et le discours tenu par le ministre des finances et par son ministre délégué au budget sur le thème de la maîtrise de la dépense publique. C'est tout !
Si l'on doit dépenser plus que ce qui a été annoncé, je demande qu'on le dise franchement. Sinon, toute pédagogie vis-à-vis des Français est impossible !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. La pédagogie - que je trouve structurellement et politiquement remarquable - de la part du Premier ministre et du ministre de l'économie et des finances consiste à ce que le produit d'une privatisation, totale ou partielle, ou encore d'une mise sur le marché d'actifs publics soit réaffecté au patrimoine de la nation, dont l'Etat a la charge. Il ne s'agit pas uniquement d'une ligne budgétaire supplémentaire ! Cela a un sens et, surtout, une valeur symbolique. C'est donc une très bonne chose ! Et l'on ne peut pas parler de dépenses de fonctionnement, puisque c'est de l'investissement !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'entends bien, mais la valeur de ce patrimoine, c'est la valeur des revenus attendus de ce patrimoine. Or vendre ce patrimoine, c'est se priver, demain, des revenus qu'il représente !
Je comprends bien l'habileté du propos, mais je voudrais que le débat budgétaire ne nous donne pas l'occasion de nous raconter des histoires. Ainsi, pour ce qui concerne les arbitrages du Gouvernement, je souhaite que la dépense publique soit clairement transcrite dans la loi de finances. On ne doit plus faire passer habilement les dépenses par des lois de finances rectificatives, car ces dernières ne peuvent avoir d'autre objet que de corriger les lois de finances qui ont été votées auparavant. Je ne demande rien d'autre !
M. le président. Nous avons pu constater l'engagement du ministre de la culture à défendre son budget !
Quant aux propos du président de la commission des finances, que chacun comprend et que nous sommes nombreux à partager, ils s'adressent en grande partie, bien sûr, au ministre des finances, qui a la responsabilité de la stratégie et de la cohérence de l'ensemble des actions.
Nous donnons acte, en tout cas, au président de la commission des finances de sa perspicacité et de son insistance pour que les budgets soient présentés de façon telle que ceux-ci soient parfaitement compris. Et je le remercie d'autant plus que nous sommes nombreux, là encore, à partager cette vision.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote relatif au budget exécuté a toujours connu un certain désintérêt, car il était considéré comme une formalité annuelle.
La LOLF crée les conditions d'une revalorisation importante de la loi de règlement. La commission des finances du Sénat a souhaité, dès l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004, prendre le temps d'évoquer la situation de trois ministères. Je salue cette démarche engagée par le président de la commission des finances, Jean Arthuis.
Il m'a semblé utile de saisir cette opportunité pour évoquer, à mon tour, la question de la sincérité du budget de la culture.
Yann Gaillard a rappelé l'historique de ce budget. Auparavant, le ministère de la culture avait la tentation d'inscrire à son budget des crédits plus importants qu'il ne pouvait consommer, s'agissant notamment de la restauration du patrimoine. On a alors observé un phénomène de dégradation du taux de consommation des crédits d'investissement et un report de ceux-ci.
Depuis 2003, date à laquelle le ministère a lancé une « opération vérité » sur les crédits de paiement qui n'étaient pas immédiatement nécessaires, le phénomène inverse s'est produit, avec une certaine tension sur les crédits, dans un contexte où leur annulation constitue désormais le principal outil de régulation budgétaire.
Le budget de 2004, nous en convenons tous, présente un point d'équilibre par rapport à ces deux tendances. On ne peut pas en dire autant de l'année 2005, au cours de laquelle il semblerait, sans qu'il soit possible de chiffrer précisément la tendance, que d'importantes annulations de crédits ou des redéploiements de crédits soient intervenus.
Sur le terrain, en Alsace comme dans toutes les autres régions, les annulations de commandes se sont multipliées, de nombreux chantiers ont été annulés, les directions régionales des affaires culturelles ont supprimé des programmes.
Le tarissement des crédits concerne au premier chef la programmation des travaux de restauration de monuments historiques classés dont l'Etat assure la maîtrise d'ouvrage ; vous l'avez d'ailleurs évoqué vous-même tout à l'heure, monsieur le ministre. Mais ces travaux n'ont pas été les seuls touchés.
Les crédits de soutien à la création, secteur qui vous est cher, monsieur le ministre, et à la diffusion de spectacles vivants, ainsi que les importants crédits de soutien consacrés à l'éducation artistique sont également affectés.
Vous le savez, monsieur le ministre, en Alsace, la DRAC a fait une croix sur des crédits d'un montant de 440 000 euros, dont certains étaient destinés à abonder le budget de fonctionnement du Conservatoire national de région de Strasbourg, celui de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg, celui de l'Ecole supérieure des arts décoratifs, et à faciliter un certain nombre d'expositions et manifestations organisées par les musées ou les bibliothèques. Il s'agit d'un véritable problème pour ces structures, ces annulations intervenant à un moment où elles ont très largement engagé les dépenses nécessaires. Ces annulations ou redéploiements de crédits posent une question importante non seulement sur le fond, mais également sur la forme.
Pour ce qui est de la forme, le Parlement est trop souvent réduit à constater a posteriori l'appréciation du Gouvernement dans la mise en oeuvre des dépenses. Bien sûr, la loi de finances ne crée pas une obligation de dépenser. On peut même souligner que la LOLF renforce les marges de manoeuvre des responsables de programme - les vôtres aussi, monsieur le ministre -, responsables qui peuvent désormais redéployer leurs crédits.
Toutefois, nous pouvons également nous interroger sur les moyens de mieux concilier l'efficacité de la gestion publique et les prérogatives parlementaires.
Nous le savons, les annulations de crédits sont devenues une pratique régulière de réajustement en cours d'exécution. Si l'on peut comprendre le souci de régulation budgétaire, on peut aussi s'interroger sur les effets négatifs du procédé au regard même du principe d'efficacité de la gestion publique : incertitude des services quant à la disponibilité des crédits votés, phénomène de report de charges sur l'exercice suivant, segmentation des engagements de crédits. C'est finalement une gestion à court terme qui est conduite, un pilotage à vue en quelque sorte, alors même que les projets que les crédits sont censés financer concernent souvent plusieurs exercices budgétaires. Or c'est bien une vision à long terme qui devrait être privilégiée.
Je veux insister sur cette réelle difficulté que nous vivons très concrètement. Il est tout à fait inhabituel de changer de règles en milieu d'exercice. En effet, des institutions importantes ou des structures culturelles ayant établi leur programmation en fonction d'un budget prévu et annoncé en début d'année ne sont pas en mesure de procéder instantanément aux ajustements nécessaires.
Pour l'anecdote, monsieur le ministre, on me demande de supprimer deux contrebasses au sein de l'Orchestre philharmonique de Strasbourg, qui en compte normalement huit, le nombre des musiciens étant la seule variable d'ajustement dont nous disposons !
S'agissant du programme patrimonial, je veux, à mon tour, souligner les incidences des arbitrages non seulement pour les monuments eux-mêmes, dont l'état est, nous le savons tous, préoccupant, mais également pour les entreprises spécialisées, au savoir-faire reconnu et à la main-d'oeuvre très qualifiée, mais qui sont confrontées à de vraies difficultés.
Les collectivités locales, de leur côté, n'ont pas hésité à engager d'importants moyens dans la restauration du patrimoine. Ainsi, aujourd'hui, la ville de Strasbourg, par le biais d'une fondation historique qui a huit siècles, investit plus que l'Etat en faveur de sa cathédrale, alors même que ce bâtiment hautement symbolique est la propriété de l'Etat. Pour moi, c'est une source de fierté, mais aussi d'inquiétude.
Les collectivités ont trop souvent l'impression que l'Etat se désengage ; elles s'inquiètent du fait que l'Etat leur restitue la maîtrise d'ouvrage des travaux de conservation alors qu'elles n'ont pas toujours les compétences techniques et humaines pour l'assumer.
S'agissant du développement économique, on ne soulignera jamais assez à quel point la richesse de notre patrimoine historique et culturel contribue à faire de la France et de ses régions la première destination touristique au monde.
Nous connaissons bien les problèmes auxquels se heurte la politique de restauration du patrimoine : l'insuffisance chronique des crédits et la priorité trop souvent accordée aux constructions nouvelles de prestige se traduisent par une dégradation accélérée des monuments historiques laquelle engendre des charges croissantes au titre de restaurations ultérieures.
La Cour des comptes dans son rapport relatif à l'exécution du budget de 2004 souligne une fois encore cet état de fait récurrent. Mon collègue Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, a évoqué tout à l'heure, au sein même de l'action « patrimoine », le problème du financement de l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques préventives, qui prend une place de plus en plus importante dans les budgets. Monsieur le ministre, vous pourriez peut-être préciser quelles sont vos perspectives en la matière et quel est notamment l'impact de la loi de 2004 modifiant le régime de la redevance d'archéologie préventive.
Enfin, je vous rappelle pour mémoire, mes chers collègues, que le projet de loi de finances pour 2006 contient une mesure très sensible, à savoir le plafonnement global à 8 000 euros par foyer des économies d'impôts générées par les différents dispositifs existants.
Cette mesure risque de neutraliser fortement le dispositif Malraux, qui constitue aujourd'hui le principal outil de valorisation du logement en secteur sauvegardé et en zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager, ou ZPPAUP. Il est important que nous en débattions.
Puisque je cite Malraux, je propose que nous nous inspirions des grands plans quinquennaux qu'il a jadis déployés en faveur de la sauvegarde du patrimoine, à une époque où il s'agissait d'une grande cause d'intérêt national et où les Français se rassemblaient derrière leur téléviseur pour suivre avec passion une émission qui s'intitulait Chefs-d'oeuvre en péril.
Pour toutes ces raisons, je forme le voeu que l'ambition du Gouvernement pour la culture et le patrimoine nous permette de progresser ensemble sur les moyens qu'il convient de mettre en oeuvre pour mieux informer le Parlement. S'agissant de l'exécution de votre budget, monsieur le ministre, vous pouvez certainement nous donner des assurances à ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une première : dans le cadre de l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004, un débat sur les crédits du ministère de la culture et de la communication est organisé. Quel honneur pour le ministère de la culture et de la communication d'avoir été choisi comme champ d'expérimentation pour les débats budgétaires à venir ! Ce sont des débats si techniques que, habituellement, seuls les spécialistes des finances publiques y prennent la parole.
La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances aura eu cet effet inattendu : faire parler, une nouvelle fois, de politique culturelle au Parlement. Faut-il en déduire que la culture devient, depuis le débat sur le spectacle vivant organisé en février dernier par le Sénat, un sujet majeur des débats de la Haute Assemblée ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
Mme Catherine Morin-Desailly. Si tel est le cas, nous ne pouvons que nous en réjouir et remercier nos collègues de la commission des finances, particulièrement son président, Jean Arthuis.
On peut dire que le budget de la culture de 2004 était un bon budget, tant en termes de masse financière que de priorité. La loi de finances de 2004 avait ouvert des autorisations de programme à hauteur de 567,5 millions d'euros et des crédits de paiement à hauteur de 2,639 milliards d'euros, soit une hausse de 5,79 % par rapport à 2003. Ce budget représentait alors 1,05 % du budget de l'Etat.
Notre perception de ce budget est d'autant plus favorable que son exécution a été en adéquation avec les objectifs fixés dans le projet de loi de finances initiale.
En effet, le ministère de la culture a été épargné, en 2004, par les gels et annulations de crédits qui ont été décidés par le ministère des finances.
Nous souscrivons pleinement aux trois priorités qui ont été fixées par ce budget. La première concernait la mise en valeur et la restauration du patrimoine par le biais du plan national pour le patrimoine monumental. La deuxième priorité concernait, à la suite de l'annulation des festivals de l'été 2003, le devenir du spectacle vivant. Enfin, la troisième priorité était la politique en faveur du livre, dont l'objectif de développement de la lecture publique et de soutien à l'économie du secteur est essentiel pour la démocratisation de la culture, un sujet qui a été peu évoqué ce soir. Ces axes budgétaires ont d'ailleurs été, à juste titre, poursuivis dans le cadre de la loi de finances pour 2005, et nous souhaitons qu'il en soit de même en 2006.
Comme le soulignent l'ensemble des rapports techniques rédigés par les commissions parlementaires, les budgets de 2003 et de 2004 marquent un retour à la vérité des comptes.
Dès 2003, le ministère a souhaité rompre avec la tradition d'affichage qui le conduisait à présenter des budgets flatteurs qu'il n'arrivait pas, en pratique, à dépenser. L'incapacité chronique du ministère à consommer ses crédits s'était, en effet, accentuée pendant la période 1999-2001. Le taux de consommation des crédits de paiement avait alors fortement diminué, passant de 82 % en 1998 à 57,2 % en 2001. Le budget et son analyse s'en trouvaient faussés, nous conduisant chaque année à prendre des mesures de régulation budgétaire. Cette présentation plus sincère traduit une meilleure gestion des crédits, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Par ailleurs, je note que le budget de 2004 a été bien exécuté : à la suite à l'opération vérité menée par le ministère en 2003, le taux de consommation des crédits est satisfaisant. Il traduit la normalisation de la situation du ministère de la culture : les reports ont été moindres et, pour la plupart, ils ont été absorbés par l'accélération des procédures. Les reports de crédits de 2003 sur 2004 sont restés limités à 274,4 millions d'euros, contre 449,4 millions d'euros en 2003. C'est à souligner, car ces reports de crédits atteignaient un niveau très élevé avant 2003, produisant un budget en trompe-l'oeil.
Enfin, la consommation satisfaisante des crédits s'explique par la dynamisation des dépenses par le ministère afin d'accélérer, grâce à une augmentation de la consommation effective des crédits, l'utilisation des moyens ouverts en faveur de l'action culturelle. Cette tendance à l'amélioration de la consommation du budget de la culture, perceptible dès 2003, se poursuit sur l'année 2004.
En outre, et contrairement à l'image que l'on a de cette administration, le ministère de la culture est un bon élève de la réforme de l'Etat.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est juste !
Mme Catherine Morin-Desailly. La LOLF a pour objectif de conduire l'ensemble des administrations à une meilleure gestion de leurs crédits, en adoptant une logique de résultats ; la bonne gestion financière du ministère de la culture y concourt. Ainsi, il participe proportionnellement plus que les autres ministères à la réduction des effectifs, avec 191 postes non remplacés alors que le ministère ne compte stricto sensu que 4 756 agents.
Le ministère de la culture et de la communication a également entrepris des réformes de structure dans ses relations avec les services déconcentrés ainsi qu'avec les établissements publics, afin d'en améliorer la gestion. C'est le cas, par exemple, avec le contrat d'objectifs et de moyens conclu avec le Louvre.
Dans le cadre de la LOLF, la réforme de l'administration centrale a déjà été entreprise. De même, une meilleure coordination des services déconcentrés avec un rapprochement entre les DRAC et les services départementaux de l'architecture et du patrimoine est engagée, afin de favoriser les synergies entre ces services aux vocations complémentaires ; c'est un rapprochement qu'il conviendra de poursuivre.
Par ailleurs, une révision du périmètre d'intervention du ministère de la culture est en cours avec la création de nouveaux établissements publics et le recours au secteur privé pour l'accomplissement de certaines missions. Cependant, il ne faudrait pas que le ministère se désengage d'un certain nombre de ses responsabilités, ce qui obligerait les collectivités locales, qui contribuent déjà massivement, je le rappelle, au financement des politiques culturelles, à compenser le manque à gagner.
Enfin, il est à noter que, dès 2004, le ministère a expérimenté la LOLF, par le biais de la DRAC de Rhône-Alpes. Ainsi, dans le cadre de la mission Culture, les trois programmes créés, « patrimoines », « création » et « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ont été mis en pratique. Plus précisément, pouvez-vous nous dire aujourd'hui, monsieur le ministre, en quoi cette expérimentation a nourri la mise en oeuvre du budget relatif à la culture pour 2006 ? En matière de gestion, quels gains avez-vous retirés de cette expérience ? Dans le cadre du budget qui nous réunit ce soir, voilà, me semble-t-il, une question intéressante.
Plus globalement, dans cette nouvelle architecture budgétaire, quels critères avez-vous retenus, monsieur le ministre, alors que la mise en place d'indicateurs de performance est particulièrement délicate dans un domaine aussi qualitatif que les activités culturelles ? On le sait bien, ce secteur se prête mal à une évaluation uniquement comptable de ses résultats. Comme l'a rappelé le président de la commission des finances, ce n'est pas si simple d'être ministre de la culture, car, derrière les comptes, se trouvent les hommes, les artistes et les produits culturels, qui ne sont pas des marchandises comme les autres.
Parallèlement à cette question, à l'occasion de ce débat sur les crédits du ministère de la culture et de la communication, je souhaiterais m'arrêter un instant, comme certains de mes collègues, sur la politique patrimoniale, car, en tant qu'élus locaux, nous sommes confrontés aux difficultés que connaît actuellement ce secteur et sommes sollicités en premier.
La politique patrimoniale est en partie la conséquence de l'opération vérité menée en 2003 par le ministère de la culture que j'ai évoquée tout à l'heure.
Alors que le ministère avait pris pour habitude d'ouvrir des crédits de paiement bien supérieurs à ce qu'il pouvait réellement consommer, il a décidé, en 2003, de réduire drastiquement ces crédits pour en améliorer la consommation. Notre collègue Yann Gaillard a bien analysé l'effet paradoxal de cette mesure : les entreprises ont engagé des travaux de restauration alors que les crédits de paiement étaient insuffisants pour faire face aux opérations lancées. C'est cette situation qui a conduit à la crise que nous connaissons tous aujourd'hui.
Considérant l'arrêt de nombreux chantiers cet été et la mobilisation des professionnels du secteur, il semble que les crédits de paiement budgétés aient été insuffisants cette année. Vous avez obtenu en urgence, monsieur le ministre, une rallonge budgétaire de 10 millions d'euros pour faire face aux impayés et vous avez annoncé une dotation exceptionnelle de 100 millions d'euros pour 2006. Ces crédits exceptionnels font partie, je suppose, du plan pluriannuel décidé en faveur des monuments historiques, qui prévoyait un effort budgétaire soutenu et durable.
Toutefois, je souhaiterais savoir si les mesures législatives et réglementaires annoncées en 2004 et visant à mieux associer non seulement les collectivités locales, les propriétaires privés, mais également le mécénat à la protection et à la sauvegarde du patrimoine monumental, ont produit leurs effets.
Concernant le spectacle vivant, je me réjouis de constater qu'il est, depuis 2004, le premier poste budgétaire du ministère de la culture. La crise de l'été 2003 consécutive à la réforme des annexes 8 et 10 du régime d'indemnisation du chômage a durement frappé les festivals, qui, on le sait, contribuent à la vitalité culturelle et au rayonnement de notre pays.
Pour répondre à la crise de l'intermittence, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, dans une politique de pérennisation de l'emploi culturel. Comptez-vous poursuivre cette politique à laquelle vous avez d'ailleurs sensibilisé les collectivités locales ? Où en sont les initiatives que vous avez prises dans ce domaine ?
C'est désormais dans le cadre de la nouvelle Constitution financière que vous aurez à répondre à tous ces défis et, vous l'avez vous-même rappelé, cela ne sera sans doute pas simple. Votre ministère a déjà prouvé sa capacité d'adaptation avec les changements imposés par la LOLF. Les trois programmes définis au sein de la mission Culture traduisent clairement les objectifs que le ministère a définis pour les années à venir.
Vous avez également été en pointe en matière d'expérimentation. Le passage d'une logique de moyens à une logique de résultats doit en effet s'accompagner de la définition d'indicateurs de performance. Monsieur le ministre, comment comptez-vous évaluer plus largement, dès l'année prochaine, l'efficacité de vos politiques publiques en matière de patrimoine et de spectacle vivant, deux sujets sur lesquels j'ai beaucoup insisté ?
Dans un cadre budgétaire contraint, où les marges de manoeuvre sont très réduites, comme vous avez eu la franchise de le reconnaître, monsieur le ministre, comment la LOLF sera-t-elle un outil pour mieux dépenser les crédits dont vous disposerez en 2006 ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, quel serait, de votre point de vue, le montant optimal des crédits de paiement, en année courante, permettant de conduire des programmes à cinq ans. C'est que la conduite de chantiers, notamment, ne s'improvise pas d'une année sur l'autre. Il faut absolument prendre en compte la question de la durée.
Certes, nous sommes soumis aux règles de l'annualité budgétaire. J'aimerais néanmoins que l'on puisse déterminer un montant optimal. Vous avez sûrement une idée sur la question. Ce montant ne serait pas nécessairement atteint ; à tout le moins, on aurait une idée du chiffre auquel il faudrait tendre pour pouvoir répondre à une demande de l'Etat, des collectivités locales et des particuliers. Il serait bien de pouvoir disposer de cette référence.
Je suis heureux que vous parliez de lisibilité et de transparence, mais avouez - tout le monde s'accorde ici sur ce point - que, depuis trois ans, tout est illisible et incompréhensible. Les dégâts sont considérables, alors même que chacun se plaît à reconnaître les efforts que vous faites.
Monsieur le ministre, votre ministère a été maltraité.
M. Yves Dauge. Je ne mets pas en cause votre responsabilité personnelle. Franchement, la question des reports a été très mal gérée. Vous même l'avez reconnu. Pourquoi ces reports ? Pour comprendre, il faut remonter deux ou trois ans en arrière. Vous avez évoqué à juste titre la question de la tempête. Des crédits importants ont été dégagés, mais ils ont disparu, faute d'avoir été consommés. La raison en est que, compte tenu de l'ampleur des dégâts, on ne pouvait pas engager des travaux comme cela, du jour au lendemain, ne serait-ce qu'en raison des expertises et des études préalables nécessaires. La tâche était si complexe qu'elle n'a pas été accomplie, et la Cour des comptes n'a pu que constater l'ampleur des reports budgétaires.
A la suite de quoi a été réclamée une « opération vérité ». Des crédits ont été supprimés - sans doute pour une bonne cause - mais il en a résulté une crise - et le mot n'est pas de moi.
C'est désolant. C'est de la mauvaise gestion, disons-le. On ne va pas épiloguer, ce qui est fait est fait. Mais il faut clarifier cette question de la programmation des crédits.
Il faut s'entendre sur les titres v et vi. On nous a annoncé une baisse des crédits inscrits au titre v et leurs transferts vers le titre vi sous prétexte que l'Etat abandonne la maîtrise d'ouvrage, au motif qu'il n'est peut-être pas le plus apte à exercer cette responsabilité pour le compte d'autrui alors qu'il n'est pas lui-même propriétaire. Malheureusement, le titre vi n'a pas été abondé. Les crédits qui y sont inscrits ont même tendance à diminuer. Le principe, par conséquent, n'a pas fonctionné.
Quelle serait la masse budgétaire qui nous permettrait de nous mettre à niveau, de sortir la tête de l'eau ? Nos interlocuteurs ont convenu qu'une somme d'environ 100 millions d'euros de crédits de paiement serait nécessaire, à ne pas confondre avec les autres 100 millions d'euros dont il a été question tout à l'heure. J'ai mon opinion sur la question, mais je ne veux pas rouvrir le débat sur cette affaire des autoroutes.
M. Yves Dauge. Mais je ne vous ai livré qu'un ordre de grandeur ; pour remettre à flot les chantiers en cours dans ce pays 80 millions d'euros suffiraient peut-être. Vous avez annoncé tout à l'heure une rallonge de 35 millions d'euros, me semble-t-il. Est-ce à dire que, année après année, il faudra recourir à ces rallonges de quelques dizaines de millions d'euros pour essayer de sortir la tête de l'eau ? Nous n'y réussirons pas, d'autant moins que l'on continuera parallèlement à geler certains de vos crédits. Il nous a été donné de le constater durant les derniers exercices budgétaires, si difficiles.
M. Yves Dauge. Monsieur le ministre, à moins que mes informations ne soient erronées, 20 millions d'euros du titre vi seront gelés en 2005.
En dehors de toute polémique, ce dossier, sur lequel tout le monde ici dit à peu près la même chose, mérite effectivement une clarification et requiert d'être géré sérieusement et dans la durée. Vous-même le demandez, monsieur le ministre. Ce n'est pas une critique que je vous fais, c'est une recommandation. On ne peut pas continuer ainsi.
Je ne conteste pas le principe de la suppression des reports. Cependant, ce n'est pas sans conséquence : monsieur le ministre, on arrête du jour au lendemain des chantiers. Ainsi, en Alsace, tous les chantiers ont été stoppés, pour être repris six mois plus tard. Voyez les à-coups ! Cela fait mauvais effet. L'Etat et les directions régionales des affaires culturelles perdent leur crédibilité. Je trouve cela dommage, d'autant que je suis le premier à défendre ces DRAC qui sont si injustement attaquées et critiquées. Comme mes collègues, je suis désolée de devoir constater une telle situation.
J'approuve Mme Keller lorsqu'elle remarque que, au moment où tout le monde s'inquiète tant pour le patrimoine, on nous propose un dispositif fiscal qui revient à annuler la loi Malraux. Avouez que cela tombe mal ! Il vaudrait mieux différer ce projet et rediscuter de la loi Malraux, à tête reposée.
S'agissant de l'INRAP, monsieur le ministre, vous avez manifesté la même honnêteté que dans le reste de votre intervention. Vous ne nous avez pas rassurés pour autant, confessant devoir être vous-même très prudent. En réalité, le déficit perdurera et il vous incombera de le combler au moyen des crédits dévolus au patrimoine, car personne ne vous aidera à faire autrement.
Nous sommes nombreux ici à avoir pu mesurer les progrès qui ont été réalisés, mais j'ai été de ceux qui ont considéré que nous n'étions pas au bout, que nous pouvions parvenir à l'équilibre financier.
J'ai suggéré que les constructeurs de lotissements privés paient comme tout le monde. Ils ne paient pas aujourd'hui parce que le lobby des constructeurs de maisons individuelles a obtenu que ces derniers soient dispensés du paiement de la redevance. Que craint-on en leur accordant une telle dispense? Qu'ils ne construisent plus sinon ? C'est inadmissible.
Que le logement social en soit dispensé, je suis d'accord. Mais, dans le cas des constructeurs de maisons individuelles, ce n'est pas correct.
De surcroît, la plupart de ces opérations d'urbanisme sont néfastes dans la mesure où elles « consomment » des terrains de manière excessive à la périphérie des villes pour y faire du lotissement à tout va.
Il faut revenir sur ces exemptions. Le lobby des lotisseurs a fait pression sur le ministère de l'équipement, lequel a lui-même fait pression sur qui de droit.
Il est absolument fondamental d'aboutir à un point d'équilibre s'agissant de l'INRAP. Vous avez honnêtement fait part de la nécessité dans laquelle vous êtes d'être prudent. Mais atteindre l'équilibre implique de prendre des mesures courageuses. A défaut, le patrimoine paie !
Avec certains collègues, nous avons reçu des directeurs d'écoles d'architecture. Dans l'intervention que vous avez faite à Lille, vous annonciez des mesures nouvelles à hauteur de 2 millions d'euros en 2006. Ce sera sans doute apprécié. Il n'en demeure pas moins que 50 % des enseignants sont des vacataires. Cette situation ne date d'ailleurs pas d'hier. Combien de temps encore allons-nous l'accepter et combien de postes allons-nous progressivement créer pour essayer de hisser nos écoles d'architecture au niveau européen ?
Le coût d'un élève français en architecture est très inférieur au coût d'un élève européen. Il est à peine l'équivalent du coût d'un lycéen. Même l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts, qui n'est pourtant pas tellement bien traitée, l'est deux fois mieux, si l'on s'en tient à son coût par élève.
Je reconnais les efforts que vous avez faits, notamment en matière d'investissement. Les 2 millions d'euros que vous apportez sont les bienvenus : cela fera à peu près 100 000 euros par école. C'est toujours cela ! J'aimerais néanmoins que nous puissions un jour discuter de cette question des postes. Mais cela nous renvoie au budget pour 2006 ! (M. Jack Ralite applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat parlementaire sur l'exécution du budget pour 2004 offre aujourd'hui la possibilité aux membres de la commission des affaires culturelles de commenter les engagements de l'Etat et n'est plus réservé au regard aiguisé voire soupçonneux des seuls membres de la commission des finances. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Hélas ! nous sommes bien mal outillés, et qui voudrait mesurer le détail du devenir, par exemple, des 415 millions d'euros d'aide aux troupes, festivals et scènes subventionnées ne trouvera pas de réponse dans les rapports de la commission des finances. J'ai la nostalgie de la clarté des comptes administratifs de ma région !
Mais, parce que nous avons accompagné, en les approuvant ou en les contestant, les politiques culturelles, nous nous réjouissons de ce débat, même si nous savons l'absence d'enjeu stratégique majeur.
Jean-François Copé nous le disait il y a quelques heures, c'est aussi l'efficacité de la dépense publique qui est en débat. « L'efficacité en matière de dépense culturelle » : beau sujet pour un séminaire de Bercy ! Je crains un grand désaccord sur les critères.
Revenons aux chiffres.
Il y a deux ans, l'environnement budgétaire est favorable ; le rapporteur évoque une « bouffée d'oxygène budgétaire ». Hélas ! pour beaucoup d'acteurs culturels, ce sera l'année de l'asphyxie.
Le rapporteur nous signale une chose inédite : on ne dépense, toutes politiques confondues, que ce qui était strictement prévu et on réduit même de 13 milliards d'euros le déficit budgétaire.
C'était donc l'année de possibles marges de manoeuvre pour la culture, dont le rapport Guillot nous rappelle combien elle est intimement liée à la production de richesse : richesse humaine de lien, de local, d'universel, d'épanouissement, d'émancipation, mais aussi, les chiffres le prouvent, richesse matérielle, équivalant, par ses retombées, au chiffre d'affaires de l'industrie automobile. Le secteur génère 20 milliards d'euros, connaît une croissance de 5 %, emploie 300 000 personnes. Hélas, c'était en 2004 que s'appliquait le protocole d'accord du 26 juin 2003, suicidaire pour une société à préoccupation humaniste.
Et nous n'oublions ni les effets durables de la baisse du budget de la culture en 2003 - il a diminué de 4,3 % -, ni les dégâts des gels managés par les DRAC. D'ailleurs, si l'on met en perspective cette baisse avec la hausse de 2004, on se rend compte que la culture ne retrouve pas, à la fin de l'année 2004, les moyens dont elle disposait avant son amputation en 2003.
La LOLF instaurera, nous dit-on, « les moyens de rapprocher les résultats obtenus par le Gouvernement des intentions qu'il avait exprimées ». Eh bien, en 2004, le Gouvernement avait les moyens de mieux faire : par son autorité, en dénonçant le protocole de 2003, et en promulguant une loi, comme l'avait fait Catherine Tasca ; par ses financements, en épaulant encore mieux le spectacle vivant dans sa diversité, car, comme chacun le souhaite, c'est non pas le chômage mais l'emploi culturel qu'il est souhaitable de financer. Hélas, le protocole était dur pour les plus fragiles et favorable aux plus nantis, paradoxalement dispendieux. Il n'a donc pas répondu à cette attente.
Le Gouvernement pouvait aussi s'engager sur l'efficacité des palliatifs enfin, en veillant à l'utilisation réelle du fonds provisoire issu de la Convention avec l'UNEDIC. En effet, s'il est juste, monsieur le ministre, de reconnaître votre capacité de négociation et votre engagement sur certaines propositions du comité de suivi, l'accès des intéressés- les exclus du nouveau système d'indemnisation - au fonds spécifique fut largement entravé.
Les 20 millions d'euros initialement prévus, les 80 millions d'euros en 2004 pour 13 000 allocataires potentiels, n'ont pas dû faire l'objet de nombreuses avances. Au 21 septembre 2004 on en était à 961 000 euros : localement, les portes se fermaient, les demandeurs étant déboutés ou mal informés. Quant à la plaquette informative, nous l'avons découverte en novembre 2004 !
Cela étant, je sais que les moyens dont il est question se situent aux frontières du ministère de l'emploi, de celui de la culture, et de l'UNEDIC. Mais ne sommes-nous pas prêts à aborder, comme la LOLF l'inspire, les sujets pas missions et programmes ?
Aujourd'hui, nous mesurons les effets dommageables des résistances de certains partenaires : des techniciens et artistes découragés et exclus, parce qu'ils n'ont pas trouvé à temps les réponses nécessaires ; des réalisateurs aux abois, en particulier dans le domaine du documentaire, parce qu'ils se trouvent sous les coups cumulés des distributeurs et de leur formatage, des règles du protocole qui leur imposent de rassembler un certain nombre d'heures, et même de leur propre société de perception des droits d'auteur, désormais régie par des critères anti-culturels.
Pendant ce temps, certaines sociétés de production surfent sur l'argent et les commandes publiques, en amont, et vampirisent le système de l'intermittence, en aval. C'est comme cela qu'elles construisent leurs bénéfices. Et je ne parle pas des salaires exorbitants des concepteurs d'émissions, fussent-elles aliénantes ou dégradantes.
Autre dommage : un budget de l'UNEDIC coincé entre déficit et opacité. Pourtant, les partenaires s'obstinent à couvrir les mauvais procédés, comme l'absence coûteuse de plafonnement du cumul « salaires et indemnités » dans les annexes 8 et 10.
Enfin, parmi les épées de Damoclès, FO, le MEDEF et la CFDT n'ont-ils pas refusé de réunir un groupe de travail pour étudier la renégociation et d'établir un calendrier ? L'issue favorable ne s'est-elle pas encore éloignée hier, le 11 octobre 2005, date qui assombrit sérieusement la méthode de patience et d'ouverture ?
Pourtant, les partenaires ont été respectés par le Gouvernement et par les parlementaires. L'expertise indépendante du rapport Guillot ainsi que sa participation donnent à tous des outils d'analyse honnêtes.
Monsieur le ministre, je ne trahirai pas vos paroles en rappelant que vous affirmiez « être prêt le temps venu à prendre vos responsabilités par voie législative, si la discussion ne reprenait pas ».
Notre commission, sous la présidence de Jacques Valade, a fait son travail avec la mission sur la création artistique. Nous, parlementaires, avons fait notre travail, au sein du comité de suivi, puis au sein des groupes : les signataires de la proposition de loi représentent aujourd'hui, dans les deux chambres, des députés et des sénateurs de tous horizons politiques, soit plus de 470 représentants nationaux des électeurs !
La mise à l'ordre du jour de cette proposition de loi relève, aujourd'hui, de la responsabilité du Gouvernement, et elle devient une urgence démocratique : le 31 décembre 2005 s'approche à grands pas...
En effet, aucun budget ne peut prendre chair s'il n'y a pas d'acteurs de terrain. Je pense aux moyens humains dont dispose votre ministère, particulièrement dans les services déconcentrés, et je ne me réjouis pas des 94 départs à la retraite en 2004, non remplacés, qui leur auraient été bien utiles.
Je pense bien sûr aux artistes, techniciens, et réalisateurs et, ce faisant, aux habitants, qui, plus que jamais, face aux mutations très profondes qui s'ébauchent sur la planète, auront besoin de ceux qui donnent à voir et à comprendre le monde, pour que la culture et le respect de l'autre l'emportent sur les tentations barbares.
Voilà où nous plaçons « l'efficacité » de la dépense publique culturelle. La réussite se perçoit, et ne se mesure pas toujours, en intelligence, en beauté, en bonheur. L'échec se ressentirait en agressions, en replis identitaires, en conflits. Certes, je m'indigne que l'on brade le revenu futur des autoroutes ; mais au moins, si 100 ou 150 millions d'euros sont alloués à la culture plutôt qu'aux sous-marins et porte-avions nucléaires ou aux activités polluantes, nous aurons choisi l'avenir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. J'ai compris, monsieur le président, que j'avais une obligation de brièveté, inversement proportionnelle à l'ampleur de mes besoins et du budget de la culture ! (Sourires.)
Je voudrais dire tout d'abord à Fabienne Keller que les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales sont toujours très complexes : chacun est tenté d'accuser l'autre de se désengager, et des évolutions se dessinent parfois en cours d'année sur un certain nombre de lignes budgétaires.
Je ne nie pas cette réalité, mais je mets en garde contre les fausses nouvelles et les rumeurs, notamment en ce qui concerne le spectacle vivant. Je notifie actuellement un certain nombre d'éléments aux directions régionales des affaires culturelles ; nous en sommes aux derniers ajustements, aux derniers réglages, aux individualisations. Alors, ne prêtez pas trop d'attention à ceux qui, versant dans le catastrophisme, pleurent après des crédits qu'on leur aurait pris : pour le moment, c'est faux, puisque la décision n'a pas encore été prise par le ministre.
J'essaie d'additionner les énergies et les concours financiers des uns et des autres. Cela étant, vous avez raison, toutes politiques confondues, pour un certain nombre d'interventions, les collectivités territoriales financent plus que l'Etat, et c'est notamment vrai en matière culturelle.
C'est la raison pour laquelle aussi je m'attache à mobiliser le partenariat des entreprises privées à travers le mécénat, dont le Premier ministre vient d'étendre le champ d'application notamment à l'art contemporain et aux artistes vivants.
Mettre en valeur le mécénat et ses dispositions fiscales incitatives n'est en aucune manière annoncer ou préparer diplomatiquement un désengagement de l'Etat. Je souhaite que l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises privées, quelle que soit leur taille - pas uniquement les plus grandes, mais aussi les petites et moyennes entreprises - intègrent ces mesures et soutiennent davantage l'activité culturelle et artistique.
Je citerai à cet égard la fondation pour la cathédrale de Strasbourg. Peut-être pourrait-on reproduire sur l'ensemble du territoire national les dispositions spécifiques qui sont appliquées à Strasbourg. Mais la Haute Assemblée doit savoir que la grande vivacité de cette fondation s'explique par l'existence d'un droit fiscal spécifique à la région et qui n'est pas adapté à l'ensemble du territoire.
J'en viens à l'INRAP, dont la situation a été évoquée à juste titre.
Je n'accepte pas, sur le plan des principes comme au regard des conséquences concrètes du procédé, d'être contraint à financer, sous enveloppe, les déficits de l'INRAP. Je suis parfois obligé de le faire ; d'ailleurs, cela fait partie des discussions conflictuelles classiques que j'ai avec le ministère de l'économie, des finances, et de l'industrie. C'est néanmoins une situation aberrante à laquelle il faut remédier.
Vous avez fait des propositions, et vous continuerez à le faire. L'Inspection générale des finances et l'Inspection du ministère de la culture sont saisies du dossier. Je compte et j'espère, d'ici à la fin de l'année, être en mesure d'aller dans le sens de vos recommandations pour que nous sortions de cette situation. Sinon, effectivement, mes priorités n'ont plus de sens. Je ne conteste aucunement l'utilité des dépenses, mais elles n'ont pas à être financées ainsi.
Madame Morin-Desailly, vous avez évoqué, et je vous en remercie, la complexité avec laquelle il faut analyser un budget culturel, pas uniquement comme un exercice comptable, mais en fonction des valeurs concrètes qu'il sert. Vous avez notamment abordé, comme l'a fait Marie-Christine Blandin, la question des artistes et des techniciens des annexes 8 et 10.
Vous me permettrez, à cet égard, de m'écarter un peu du champ initialement prévu pour ce débat afin de faire le point sur les événements récents.
La question a été réglée au mois de juin dernier ; personne, ni le MEDEF, ni la CFDT, ni la CGT, ni FO, ni la CFTC, ni la CGC, ni l'UPA , ni la CGPME, ne conteste la nécessité de trouver un système spécifique pour les artistes et les techniciens et de faire en sorte que leur situation, au regard de l'indemnisation du chômage, soit traitée par l'assurance chômage et par la solidarité interprofessionnelle.
Reste la question du calendrier ; elle a été évoqué avant-hier, 11 octobre, lors d'une réunion que je qualifierai de satisfaisante, et je ne dis pas cela pour me rassurer à bon compte : elle revêt pour moi une grande importance. Un débat s'est instauré pour savoir s'il était nécessaire d'attendre les conclusions d'une sorte de groupe technique diligenté directement par les organisations interprofessionnelles ou s'il fallait que la négociation puisse commencer sans délai. J'avais proposé l'intervention du groupe technique, estimant qu'il permettait de préparer la négociation. Mais certains partenaires sociaux au niveau interprofessionnel ont considéré que ce groupe risquait de peser sur leurs discussions et qu'il favoriserait, en outre, des manoeuvres dilatoires.
Les partenaires sociaux annonceront le calendrier de la négociation dans les tout prochains jours. Comme j'ai pu le constater, et chacun des participants pourra vous le confirmer, ils ont parfaitement conscience qu'il n'y aura pas de « grand soir » : ce n'est pas dans la journée du 31 décembre que tout pourra être réglé.
La discussion qui va s'engager est difficile d'un point de vue technique. Je suis très vigilant. M. Gérard Larcher et moi-même étions présents, ainsi que les présidents de la commission des affaires culturelles du Sénat et de l'Assemblée nationale lors de la réunion qui a malheureusement été perturbée.
Nous avons manifesté notre disponibilité de deux manières : en premier lieu, nous avons reconduit la mission de Jean-Paul Guillot, qui reste donc à la disposition des partenaires sociaux pour chiffrer en tant réel chacune de leurs hypothèses ; en second lieu, Gérard Larcher et moi-même avons annoncé que nous étions prêts, à tout moment, au cours des négociations menées par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, à discuter si besoin était de l'intervention de l'Etat.
Selon moi, une sorte de Yalta est intervenu en Avignon. Il revient à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux entreprises, par le biais du mécénat, et évidemment aux citoyens, de financer la politique de l'emploi culturel. Les partenaires sociaux, quant à eux, dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, doivent définir les règles de l'indemnisation du chômage. Je sais très bien que nous pourrons être sollicités ; cela a déjà été le cas dans le cadre du fonds de transition.
Les mesures que j'avais décidées sont entrées progressivement en vigueur, j'en conviens. Je vous rends cependant attentifs aux chiffres, puisque ce sont près de 13 000 artistes et techniciens qui ont aujourd'hui été réintégrés dans leurs droits des annexes 8 et 10 grâce aux mesures prises par le fonds de transition. Cela n'a donc rien de marginal, même si les mesures ont eu du mal à se faire connaître.
M. Yves Dauge m'a interrogé sur l'application de la loi Malraux et des dispositions fiscales évoquées pour la préparation du budget 2006. Cette question est digne d'intérêt. Le régime prévu pour les monuments historiques, qui a donné toute satisfaction, doit peut-être nous inspirer pour le prochain projet de loi de finances.
Sans trahir quoi que ce soit ni assumer des responsabilités qui ne sont pas les miennes, je peux dire que les initiatives parlementaires permettant de rétablir certaines mesures d'équité sur ce sujet devraient être positivement analysées, parce qu'il s'agit tout simplement de soutenir directement l'activité, l'emploi.
En ce qui concerne l'architecture, j'ai effectivement pris part, vendredi dernier, à l'occasion de la rentrée, à un débat avec les étudiants de l'école d'architecture de Lille. Nombreuses sont les questions qui se posent, je ne le nie pas, mais je tiens également à rappeler un certain nombre de réalités.
A cet égard, je voudrais couper court à la rumeur : il n'y aura pas de numerus clausus et les différentes étapes seront franchies, bien sûr, en fonction des réussites scolaires. L'architecture reste un diplôme d'Etat, même si la professionnalisation est nécessaire, notamment les stages.
La question des vacataires est complexe, dans la mesure où nous avons bien évidemment intérêt à permettre une sorte de mixité du corps enseignant dans les écoles d'architecture par la présence de professionnels. Nous titularisons progressivement de nombreux vacataires en programmant des concours de recrutements de maîtres-assistants. Nous traitons aussi ce problème, monsieur Dauge, en contractualisant les vacataires, mais cette piste doit être explorée de manière progressive.
En ce qui concerne la programmation, il n'existe pas de chiffre idéal. Comme je vous l'ai indiqué, le rythme annuel pour le patrimoine et les monuments historiques a été, bon an mal an, de 300 millions d'euros, hors intempéries.
Le budget 2006 permettra une montée en puissance considérable puisque 100 millions d'euro s'ajoutent aux 300 millions d'euros que je viens d'évoquer. Toutefois, la franchise me conduit à vous préciser que cette augmentation doit me permettre d'honorer toutes sortes d'impayés.
Si nous voulons faire face à nos obligations dans de bonnes conditions, nous devons franchir la barre du rythme annuel de 400 millions d'euros. J'ai commandé une étude pour obtenir les chiffres les plus précis possible. La direction de l'architecture et du patrimoine m'indique en effet, un peu « à la louche », que 6 milliards d'euros de travaux doivent être réalisés dans un proche avenir, dont 2 milliards d'euros de travaux très urgents. Il convient donc d'affiner ces données.
Il faut tout de même mesurer l'importance de l'effort consenti pour 2006 - nous aurons l'occasion d'y revenir. Je ne veux par relancer le débat, mais il s'agit non seulement d'argent, mais aussi d'une mesure à caractère symbolique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce sont de vraies dépenses !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Mme Marie-Christine Blandin parlait d'efficacité. Je soulignerai, en guise de conclusion, la complexité de la question : au-delà du caractère immatériel de la liberté de l'esprit et de la création artistique, je veux montrer, et je l'assume, que le secteur culturel et artistique, sans même parler des retombées commerciales liées à l'hôtellerie, à la restauration, entre autres, est un immense gisement d'emplois pour notre pays, pour peu que nous réussissions l'alliance entre le patrimoine et la création.
Regardez les véritables stratégies culturelles que certaines villes françaises déploient pour accroître leur attractivité : il faut faire de même à l'échelle du pays !
Il est évident que l'on ne saurait juger de l'efficacité de l'action du ministère de la culture exclusivement selon le nombre de spectateurs dans les salles ou celui des emplois créés. Pour autant, ces indicateurs économiques ne doivent pas être négligés ; ils ont une réalité, une pertinence, car la culture est aussi un immense secteur d'activité économique pour nos concitoyens.
Telles sont les réponses, dont je vous prie d'excuser la trop grande brièveté, que je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs. Je me tiens naturellement à votre disposition pour répondre par écrit aux questions que je n'aurais par eu le temps d'aborder. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous vous en remercions, monsieur le ministre.
M. le président. Le débat sur les crédits du ministère de la culture et de la communication est clos.
Je mets aux voix l'ensemble de l'article 3 et du tableau B annexé.
(L'ensemble de l'article 3 et du tableau B annexé est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 4 et du tableau C annexé.
(L'ensemble de l'article 4 et du tableau C annexé est adopté.)