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nomination d'un membre d'un ORGANISME extraPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement du Sénat.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Francis Grignon membre de la Conférence permanente « habitat-construction-développement durable ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
8
Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
a) le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le collège est composé de dix-huit membres : »
b) les dixième et onzième alinéas sont ainsi rédigés :
« 9° Trois représentants des salariés actionnaires désignés par le ministre chargé de l'économie après consultation des organisations syndicales et des associations représentatives.
« Le président de l'Autorité des marchés financiers a qualité pour agir au nom de celle-ci. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a fixé, dans les faits, les règles de composition du collège de l'Autorité des marchés financiers, dont les membres sont, pour l'essentiel, des « professionnels de la profession » et des personnalités qualifiées, désignées, soit dit en passant, par le ministre chargé de l'économie.
Autorité indépendante, l'AMF apparaît donc clairement, selon les dispositions de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, comme l'outil fondamental de l'autorégulation des marchés financiers, destiné à assurer la mise en oeuvre des bonnes pratiques et la transparence des activités.
Je voudrais rappeler, à cet instant, les termes de l'article L. 621-1 du même code : « L'Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers. Elle apporte son concours à la régulation de ces marchés aux échelons européen et international. »
En pratique, l'AMF est donc clairement l'outil de la régulation des marchés. Elle s'autosaisit, en quelque sorte, des troubles et manquements éventuels aux règles de fonctionnement des marchés, mais comme ses enquêteurs et agents sont soumis au secret professionnel, tout se traite dans le monde plus ou moins clos des marchés, entre professionnels, quoi qu'on en dise, et les débats ne franchissent les portes du palais Brongniart qu'en cas d'audience publique devant les juridictions compétentes.
Cette question de la publicité de l'activité de l'AMF est assez récurrente, et se pose de fait depuis la mise en place de cette instance. Elle renvoie naturellement à la question de la composition de celle-ci.
Notre amendement vise donc, tout simplement, à renforcer la place spécifique des représentants des salariés au sein du collège de l'AMF, en portant leur nombre à trois, afin que puisse être mieux respectée la diversité du mouvement syndical dans notre pays.
Sous le bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement, pour deux raisons.
D'une part, la création de l'AMF est récente. Le Parlement a bien veillé à équilibrer sa composition, et il nous semble donc pour le moins prématuré de vouloir remettre en cause cette dernière.
D'autre part, siège actuellement au sein du collège de l'AMF un représentant des salariés actionnaires, à savoir M. Jean-Claude Mothié, qui s'investit pleinement dans la très grande activité de cette instance. Il devrait d'ailleurs, me dit-on, soumettre très prochainement au collège un rapport sur l'éducation et la formation continue des épargnants.
Je crois donc, mon cher collègue, que la loi de sécurité financière a déjà très largement donné une réponse satisfaisante à vos préoccupations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je n'ai rien à retrancher à ce que vient de dire M. le rapporteur. Il s'agit en effet d'une institution jeune, qui maintenant fonctionne bien et compte au sein de son collège, comme l'a rappelé M. Marini, un représentant des salariés actionnaires. Je pense que les choses doivent rester en l'état. C'est la raison pour laquelle je préconise le rejet de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Les propos que viennent de tenir M. le rapporteur et M. le ministre sont significatifs. On veut bien que les salariés soient actionnaires - c'est ce que l'on demande souvent sur les travées de la majorité sénatoriale -, mais il ne faut pas qu'ils soient trop bien représentés. Que les salariés actionnaires ne comptent qu'un seul représentant au sein du collège de l'AMF satisfait donc complètement M. le rapporteur. Pour notre part, porter cette représentation à trois membres ne nous paraîtrait pourtant nullement excessif !
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 621-7 du code monétaire et financier est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les conditions selon lesquelles toute personne physique ou morale peut saisir l'Autorité de toute situation lui paraissant contraire aux missions prévues à l'article L. 621-1 et peut être informée par l'Autorité des suites y étant données. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Comme nous l'avons déjà souligné, l'Autorité des marchés financiers applique, pour l'essentiel de ses activités, le principe du secret professionnel. Néanmoins, sa revue mensuelle et certaines de ses autres publications font état des procédures disciplinaires menées à l'encontre de certains intervenants indélicats sur les marchés financiers.
Quoi qu'il en soit, il semble bien que nous devions donner au règlement général de l'AMF un contenu plus précis en matière d'information du public, au-delà naturellement des seuls initiés, passez-moi l'expression, qui, notamment pour des raisons professionnelles, s'intéressent aux activités de cette autorité.
Notre amendement tend donc à créer le socle d'une modification du règlement général de l'AMF, afin de permettre la saisine de celle-ci par toute personne morale ou physique, et l'information ultérieure de cette personne par ladite autorité.
Sont notamment visées les associations de défense des investisseurs telles que définies aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du code monétaire et financier, comme les organisations de consommateurs agréées en vertu du code de la consommation ou encore les organisations syndicales représentatives de salariés, qui doivent pouvoir solliciter l'AMF pour toute affaire concernant, par exemple, le devenir de l'emploi dans les entreprises placées au centre de certaines opérations boursières.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement, car elle le juge redondant.
D'une part, il existe un médiateur de l'AMF, qui est directement accessible, notamment par le biais du site Internet de cette autorité.
D'autre part, l'article 1er et l'article 4 du présent projet de loi visent l'établissement de listes d'opérations suspectes et de listes d'initiés, qui participe pleinement de l'association des émetteurs et de certains tiers à l'exercice de la mission de régulation de l'AMF.
Ainsi, et sous réserve des appréciations complémentaires que le Gouvernement pourrait être amené à porter, la commission n'a pas été convaincue du bien-fondé de cet amendement et appelle à son rejet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je voudrais rappeler au Sénat que l'article L. 621-19 du code monétaire et financier comporte déjà des dispositions tout à fait équivalentes à celles qui sont présentées au travers de cet amendement, lequel me semble donc inutile.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l'amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :
L'article L. 225-252 du code de commerce est rédigé comme suit :
« Art. L. 225-252. - Les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les actionnaires peuvent, pour les mêmes faits et simultanément, intenter une action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, en réparation du préjudice, direct ou indirect, qu'ils ont subi personnellement. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Ce projet de loi instaure une obligation de déclaration de soupçon et une obligation d'information, qui incombent aux dirigeants de sociétés visées par le texte. Ces nouvelles obligations auront un effet juridique contraignant, à condition que leur violation soit sanctionnée par une action en responsabilité civile.
Actuellement, le régime général de l'action en responsabilité contre les dirigeants, tel que prévu par le code de commerce, n'est que très faiblement efficace. Le droit des sociétés est organisé de telle façon qu'il est rarissime que les actionnaires victimes des agissements de leurs dirigeants intentent directement une action en responsabilité contre eux. En effet, la loi et la jurisprudence ne permettent pas de reconnaître le préjudice propre à l'actionnaire.
Lorsque la société est également victime des agissements de ses dirigeants - lorsque l'intérêt social a été méconnu -, le code de commerce oblige les actionnaires à avoir recours à l'action sociale afin de mettre en cause la responsabilité des dirigeants. Pour les actionnaires demandeurs, le mécanisme de l'action sociale écarte toute perspective de réparation directe, puisque les dommages et intérêts ne seront perçus que par la société considérée comme seule victime de la mauvaise gestion de ses dirigeants. Les actionnaires n'ont donc aucun intérêt, ou presque, à engager une procédure coûteuse.
C'est la raison pour laquelle il importe, à nos yeux, de prévoir l'hypothèse du cumul des actions sociales et individuelles.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'a pas été convaincue par cet amendement. D'ailleurs, la question que soulève notre collègue François Marc est bien connue et elle a déjà donné lieu à débat au Parlement lors de l'examen de textes concernant le droit des sociétés. Au cours de l'examen du projet de loi de sécurité financière, notre collègue député Philippe Houillon, bien que n'adhérant pas à la même philosophie politique que M. Marc,...
M. Daniel Raoul. Personne n'est parfait ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur. ...avait ainsi poursuivi la même finalité, mais avec une formulation différente. L'Assemblée nationale l'avait suivi, mais le Sénat avait rejeté cette disposition, qui ne figure donc pas dans la loi de sécurité financière.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir quelques instants sur ce sujet.
L'action en responsabilité contre les dirigeants et les administrateurs peut consister soit en une action individuelle, exercée par la personne ayant subi un préjudice direct, certain et personnel indépendant de celui subi - ou susceptible d'avoir été subi - par la société, soit en une action sociale ut singuli destinée à réparer le préjudice subi par la société et donc exercée en son nom, qui peut être intentée par un ou plusieurs actionnaires.
La responsabilité des administrateurs est susceptible d'être engagée dans trois cas : infractions aux dispositions législatives et réglementaires, violation des statuts ou fautes de gestion.
La victime d'une faute d'un dirigeant ne peut, en l'état actuel du droit, mettre en cause la responsabilité personnelle de ce dernier et doit agir contre la société, sauf si le dommage trouve sa cause dans une faute détachable ou séparable des fonctions de ce dirigeant. Cette solution résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre commerciale en date du 20 mai 2003.
A ce stade, la commission demande donc aux auteurs de l'amendement n° 10 de bien vouloir le retirer, pour deux raisons.
Tout d'abord, une réflexion sur le thème de l'action collective est en cours. Celle-ci est intéressante, mais elle peut nous mener loin. En d'autres termes, monsieur le ministre, la class action est-elle compatible avec le droit français ? Comporte-t-elle plus d'avantages que d'inconvénients ? Il conviendrait au minimum d'y voir clair et de vider ce débat avant d'engager une démarche voisine.
Ensuite et surtout, l'indemnisation du préjudice indirect, car il s'agit bien de cela, ouvrirait la voie à une véritable inflation du contentieux car les procédures seraient fondées sur le préjudice matériel allégué par un actionnaire, c'est-à-dire la perte de valeur des actions que celui-ci détient.
Faut-il vraiment inciter à l'encombrement des prétoires par toutes les procédures des actionnaires qui auraient plus ou moins de bonnes raisons d'invoquer des erreurs de gestion de la part des administrateurs et des dirigeants d'entreprise quand le cours de l'action chute ? Faut-il, mes chers collègues du groupe socialiste, surtout de votre part, inciter à l'accroissement du contentieux financier à partir de la seule observation du cours des actions ? Dans un assez grand nombre de cas, ce serait un détournement de la mise en cause de la responsabilité et cela comporterait des risques de déresponsabilisation de l'actionnaire.
L'actionnaire, M. le ministre le disait tout à l'heure, est un associé, ce n'est pas un tiers consommateur. Il doit réaliser que la détention de parts de capital d'une entreprise suppose d'entrer dans un système de responsabilités partagées.
Il n'en demeure pas moins que le régime de responsabilité pourrait sans doute être amélioré, car le préjudice personnel de l'actionnaire est peu reconnu et la faute détachable fait l'objet d'une interprétation jurisprudentielle particulièrement stricte.
Peut-être pourrait-on admettre, monsieur le ministre, à titre de première avancée, que l'entreprise finance l'action en justice, du moins fasse l'avance des frais, en cas d'action ut singuli. C'est une demande régulièrement faite par les associations d'actionnaires. J'ai notamment entendu Mme Colette Neuville défendre cette idée, et je me permets de verser à mon tour cette suggestion à nos présents débats.
Il serait donc utile de vous entendre sur ce thème. J'espère que, d'ici au texte que vous nous présenterez dans quelques semaines, cette question aura un peu avancé. Il est à noter qu'un nombre significatif, notamment sur le plan qualitatif, de nos collègues députés sont également très sensibilisés à ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, je voudrais vous apporter deux éléments avant de répondre plus directement à M. Marc.
D'abord, vous avez mentionné les termes de class action, c'est-à-dire d'action de classe. Comme vous le savez, nous réfléchissons en ce moment, avec le garde des sceaux, M. Dominique Perben, et M. Christian Jacob, à ces sujets. Nous avons créé un groupe chargé précisément de les étudier. La réflexion pourra donc être élargie aux suggestions que vous venez de formuler.
Ensuite, s'agissant du second volet de vos suggestions, j'ai noté vos recommandations et je vais en discuter avec M. Perben. Nous pourrons en reparler un peu plus tard, puisque nous aurons l'occasion, comme vous l'avez rappelé, de nous revoir avant l'été, si le calendrier parlementaire le permet.
Monsieur Marc, si j'ai bien compris, votre amendement permettrait à un actionnaire de poursuivre les dirigeants de la société s'il estime avoir subi un préjudice direct ou indirect. Autrement dit, vous souhaiteriez permettre à un actionnaire de poursuivre les dirigeants d'une société, en particulier si le cours de l'action baisse.
Cet amendement est assez représentatif de la conception rappelée par M. le rapporteur et selon laquelle les actionnaires seraient des créanciers-consommateurs plutôt que de véritables associés. Il est donc en contradiction avec le principe même d'une société représentant une collectivité d'intérêts s'exprimant par le biais - il ne faut pas l'oublier - des votes en assemblée générale.
De plus, en cas de variation de cours, la première victime est la société, dont les capacités financières et l'image sont atteintes.
Le droit actuel permet justement aux actionnaires d'agir au nom de la société à l'encontre des dirigeants sans imposer à ces derniers une double indemnisation du préjudice indirect des actionnaires, à savoir en indemnisant à la fois la société et les actionnaires, comme vous le proposez. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, comme la commission, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. François Marc. Je pourrais reprendre les arguments avancés par M. le rapporteur et les retourner à mon profit afin de prouver que cet amendement a bien sa place dans le projet de loi.
M. le rapporteur a en effet indiqué qu'un débat va s'ouvrir, dont nous ignorons la durée et les conséquences. Il serait donc peut-être prudent d'adopter dès aujourd'hui une disposition générale permettant de saisir la justice.
Il a également indiqué que l'on risquait d'encombrer les prétoires. Je ne suis pas sûr que cet argument soit recevable. Si ce risque existe, c'est qu'il y a bien un certain nombre de pratiques répréhensibles, même aux yeux de M. le rapporteur. Il conviendrait donc d'arriver à les mettre en avant au travers de l'action rendue possible grâce à cet amendement.
Au regard de ces arguments, il me paraît tout à fait justifié de maintenir notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement prouve qu'il existe un réel débat. Dès lors, nous le maintenons et nous voterons en faveur de celui-ci.
Monsieur le rapporteur, vous nous indiquez que cette discussion est prématurée puisqu'une réflexion est en cours sur l'action collective et que nous examinerons de toute façon un projet de loi au mois de juin. J'ai lu le texte qui nous sera soumis d'ici à quelques semaines par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : il ne comporte pas de disposition sur ce thème !
S'agissant de la réflexion sur l'action collective, il faudra bien la mener ici. Elle devient publique et est maintenant développée dans d'autres enceintes. Voilà quinze jours, j'ai assisté à un travail qui a été fait sur l'initiative du Medef - vous le voyez, je ne suis pas sectaire - et j'ai constaté que cette question commençait à prendre sa place dans le débat public. Par conséquent, il ne me semble pas prématuré d'en débattre aujourd'hui dans cette enceinte, même s'il ne s'agit que d'un aspect et d'une réflexion générale. Il n'y a nulle interdiction à ce que le Parlement soit en phase avec la société civile !
Quant à l'argument du risque qui découlerait de la reconnaissance du préjudice indirect, il va de soi qu'à partir du moment où l'on accorde un droit nouveau, cela ne va jamais sans risque : c'est ce qu'on appelle la démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
I. - A la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code monétaire et financier, la sous-section 5 devient la sous-section 6.
II. - Après l'article L. 621-17 du même code, il est ajouté une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Déclaration d'opérations suspectes
« Art. L. 621-17-1. - Les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 sont tenus de déclarer sans délai à l'Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé, effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu'elle pourrait constituer une opération d'initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
« Art. L. 621-17-2. - Lorsque l'Autorité des marchés financiers transmet, conformément aux articles L. 621-15-1 et L. 621-20-1, certains faits ou informations au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, la déclaration prévue à l'article L. 621-17-1, dont le procureur de la République est avisé, ne figure pas au dossier de la procédure.
« Art. L. 621-17-3. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise les conditions dans lesquelles est faite la déclaration prévue à l'article L. 621-17- 1.
« La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l'Autorité des marchés financiers peut en demander une confirmation par écrit.
« La déclaration doit contenir :
« 1° Une description des opérations, en particulier du type d'ordre et du mode de négociation utilisés ;
« 2° Les raisons conduisant à soupçonner que les opérations déclarées constituent une opération d'initié ou une manipulation de cours ;
« 3° Les moyens d'identification des personnes pour le compte de qui les opérations ont été réalisées et de toute autre personne impliquée dans ces opérations ;
« 4° L'indication que les opérations ont été effectuées pour compte propre ou pour compte de tiers ;
« 5° Toute autre information pertinente concernant les opérations déclarées.
« Lorsque certains de ces éléments ne sont pas disponibles au moment de la déclaration, celle-ci doit au moins indiquer les raisons mentionnées au 2°. Les informations complémentaires sont communiquées à l'Autorité des marchés financiers dès qu'elles deviennent disponibles.
« Art. L. 621-17-4. - Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1, de porter à la connaissance des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l'existence de la déclaration ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.
« Art. L. 621-17-5. - Sans préjudice de l'article 40 du code de procédure pénale, des articles L. 621-15-1, L. 621-17-2, L. 621-20-1 et de l'exercice de ses pouvoirs par l'Autorité des marchés financiers, il est interdit à cette dernière, ainsi qu'à chacun de ses membres, experts nommés dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, membres de son personnel et préposés de révéler les informations recueillies en application de l'article L. 621-17-1. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, cette interdiction s'applique également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.
« Le fait pour un membre de l'Autorité des marchés financiers, un expert nommé dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, un membre de son personnel ou un préposé, de révéler le contenu de la déclaration ou l'identité des personnes qu'elle concerne, est puni des peines prévues à l'article L. 642-1. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, ces peines s'appliquent également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.
« Lorsque des opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence d'une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'Autorité des marchés financiers transmet sans délai la déclaration à cette dernière.
« Art. L. 621-17-6. - Concernant les opérations ayant fait l'objet de la déclaration mentionnée à l'article L. 621-17-1, aucune poursuite fondée sur l'article 226-13 du code pénal ne peut être intentée contre les dirigeants et les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1 qui, de bonne foi, ont effectué cette déclaration.
« Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée contre une personne mentionnée à l'article L. 621 - 17- 1, ses dirigeants ou ses préposés qui ont effectué de bonne foi cette déclaration.
« Sauf concertation frauduleuse avec l'auteur de l'opération ayant fait l'objet de la déclaration, le déclarant est dégagé de toute responsabilité : aucune poursuite pénale ne peut être engagée contre ses dirigeants ou ses préposés par application de l'article L. 465-1 et du premier alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier et des articles 321-1 à 321-3 du code pénal, et aucune procédure de sanction administrative ne peut être engagée à leur encontre pour des faits liés à une opération d'initié ou à une manipulation de cours.
« Les dispositions du présent article s'appliquent même si la preuve du caractère fautif ou délictueux des faits à l'origine de la déclaration n'est pas rapportée ou si ces faits font l'objet d'une décision de non-lieu ou de relaxe et n'ont donné lieu à aucune sanction de la part de l'Autorité des marchés financiers ou de l'autorité compétente mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 621-17-5. »
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier, après les mots :
un marché réglementé
insérer les mots :
ou non
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'obligation de réaliser une déclaration d'opérations suspectes ne peut pas se limiter aux seules opérations portant sur des titres cotés, et ce pour deux raisons.
D'une part, le considérant 2 de la directive du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive « Abus de marché » prévoit que les pratiques observées sur les marchés non réglementés doivent faire l'objet d'une surveillance accrue. Il est bien spécifié, dans cette même directive, qu'il s'agit des marchés, qu'ils soient ou non réglementés. Ce projet de loi doit donc prendre acte de l'extension du champ d'application de la directive « Abus de marché » aux marchés non réglementés, la rédaction de cet article devant être modifiée en conséquence. Mais ce n'est pas la seule raison qui a motivé cet amendement.
D'autre part, en effet, la transposition de la directive MIF supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés. Par conséquent, de nombreuses opérations financières se dérouleront en dehors des marchés réglementés, dans la zone dite « hors marché ». Les émetteurs seront donc en situation de négocier des titres non admis à la négociation sur un marché réglementé. Tel est le cas des MTF comme Alternext pour le marché français.
Pour garantir l'intégrité de toutes les transactions financières, on ne peut pas limiter le champ d'application de cette directive aux seules transactions qui auraient lieu sur les marchés réglementés, au demeurant de moins en moins nombreuses.
Il importe donc de préciser que l'abus de marché est également applicable aux titres non admis aux négociations sur les marchés réglementés. De même, il convient de prévoir que la déclaration de soupçon doit être mise en oeuvre quel que soit le type d'instruments financiers concernés, qu'il s'agisse d'instruments admis aux négociations sur les marchés réglementés ou non.
Il n'y a aucune raison de limiter le champ d'application de cet article. C'est pourquoi nous proposons d'en modifier la rédaction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souscris tout à fait aux objectifs que M. Marc cherche à atteindre en la matière. La question est de savoir comment il convient de répartir cette même matière entre les deux textes qui vont se succéder, autrement dit entre, d'une part, le présent projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers et, d'autre part, le futur projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
En ce qui concerne le premier texte, dont nous débattons ce jour, le choix a été fait d'une transposition « pure et dure », si l'on veut bien me permettre cette expression. C'est pourquoi nous nous sommes assez largement autocensurés.
En effet, il eût été possible de rattacher à une telle transposition toute une série d'améliorations souhaitables de la législation. A ce titre, je puis vous assurer que j'ai en réserve, sur ces matières de droit financier, un ensemble de propositions qui pourraient sans doute faire l'objet de discussions. Néanmoins, j'ai, en quelque sorte, réfréné mes ardeurs législatives, ayant bien compris qu'il s'agissait d'un pur et simple exercice de transposition. (Sourires.)
La directive-cadre « Abus de marché », dont il est question ici, s'applique aux instruments financiers cotés sur un marché réglementé ou qui ont fait l'objet d'une demande d'admission à la cote, et ce, j'y insiste à nouveau, indépendamment du lieu d'exécution des ordres.
Si nous en restons, comme cela nous est proposé, à la transposition stricte, l'amendement de notre collègue François Marc est « ultra-transposition » et, en tant que tel, figure au nombre de ces mesures législatives nouvelles en matière de droit financier et de droit des marchés qu'il serait sans doute bon d'examiner.
Par ailleurs, j'ai lu, comme Mme Bricq tout à l'heure, l'actuel projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. L'article 10 de ce texte, en particulier, devrait permettre d'étendre le pouvoir de sanction des abus de marché de l'AMF à l'ensemble des configurations de marchés d'instruments financiers, c'est-à-dire aux transactions réalisées sur des marchés réglementés ou non.
Je comprends que ce champ d'application sera large, qu'il concernera les titres émis par une personne faisant appel public à l'épargne, notion qui inclut la cotation sur un marché, quel qu'il soit, ainsi que les titres émis sur un marché non réglementé sans appel public à l'épargne.
Toutefois, il me semblerait contestable d'anticiper aujourd'hui, alors que la question posée pourrait trouver tout à fait naturellement sa solution lors de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Je souhaiterais enfin évoquer un aspect particulier qui concerne les marchés de gré à gré. En effet, dans ce cas, et il faut bien en prendre conscience, le régime de l'abus de marché n'a pas lieu d'être, puisque les transactions dont il s'agit alors sont contractuelles et qu'elles ne donnent pas lieu à des procédures d'information du public. Lorsque l'on se livre à des transactions sur un marché de gré à gré, on en accepte, en principe, les règles en toute connaissance de cause.
Aussi, tout en partageant assez largement, sur le fond, la préoccupation de M. Marc et de ses collègues, la commission sollicite le retrait de cet amendement et sera bien entendu très attentive aux explications du ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Marc, il me semble que votre amendement résulte d'une lecture un peu trop restrictive de la directive.
En effet, la directive « Abus de marché » ne s'applique qu'aux instruments financiers cotés sur un marché réglementé. En revanche, elle produit ses effets quel que soit le mode de négociation de ces instruments financiers : de gré à gré, par l'intermédiaire d'instruments financiers dérivés... Les cas visés par votre présentation sont donc, me semble-t-il, parfaitement couverts. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je voudrais toutefois préciser un certain nombre de points puisque M. le rapporteur a fait référence, à juste titre, au projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie qui sera débattu dans cet hémicycle au mois de juin. Monsieur le rapporteur, vous nous avez, en quelque sorte, mis l'eau à la bouche en nous indiquant que vous aviez beaucoup d'idées.
M. Robert Del Picchia. Il en a toujours !
M. Thierry Breton, ministre. Nous attendons, nous aussi, avec beaucoup d'intérêt, de pouvoir en débattre avec vous !
J'indiquerai tout simplement, pour aller dans votre sens, que ce projet de loi prévoit d'étendre le champ des titres qui seront soumis au contrôle de l'AMF, qui sera désormais compétente non seulement pour les marchés réglementés, mais également pour les marchés non réglementés ou pour des titres d'émetteurs faisant, par exemple, appel public à l'épargne.
Néanmoins, afin que le dispositif conserve une certaine souplesse, ce sera au règlement général de l'AMF de préciser lesquels des marchés non réglementés seront soumis à ces règles. Ainsi, conformément aux souhaits de ses promoteurs, le futur marché Alternext, par exemple, sera soumis à la réglementation relative à l'abus de marché.
Monsieur Marc, j'espère que ces propos auront contribué à vous éclairer un peu plus. Nous pourrons nous retrouver sur ces questions à l'occasion de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ou, à défaut, son rejet.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
M. François Marc. J'ai bien entendu les arguments qui viennent d'être présentés aussi bien par M. le rapporteur que par M. le ministre.
J'ai bien conscience qu'il y a une volonté d'avancer, même si l'on nous renvoie à l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui doit avoir lieu au mois de juin. Je vais donc accéder à la demande de la commission et du Gouvernement en retirant cet amendement.
Toutefois, je pense qu'il y a un malentendu quelque part ! En effet, je n'ai pas tout à fait le sentiment que la directive prenne en considération l'ensemble des situations, puisque le texte qui nous est soumis ne concerne que des titres soumis à marché réglementé, et eux seuls.
M. Philippe Marini, rapporteur. Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?
M. François Marc. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mon cher collègue, le champ de la directive couvre l'ensemble des titres qui sont listés pour faire l'objet de transactions sur un marché réglementé.
Toutefois, je me permets de le rappeler, ces titres-là peuvent fort bien faire l'objet de transactions ailleurs que sur un marché réglementé. C'est ce qu'indiquait M. le ministre en citant l'exemple des marchés de gré à gré, sur lesquels peuvent être échangés des titres par ailleurs listés sur un marché réglementé ou, plus exactement, listés par l'entreprise de marché qui gère les transactions sur un marché réglementé.
Tel est, exactement, le champ de la directive ; il ne peut y avoir aucune ambiguïté sur ce point.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Marc.
M. François Marc. M. le rapporteur a apporté une précision utile en évoquant les titres listés. Mais, s'il existe des titres listés, il en existe certains qui ne le sont pas. Or les titres non listés sont l'objet de notre préoccupation, car ils ne sont pas traités dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. On nous dit que cela va être le cas en juin, j'en donne acte à M. le ministre et à vous-même, monsieur le rapporteur. Nous attendons donc ce débat pour évoquer à nouveau cette question qui, je l'espère, trouvera une solution à cette occasion.
En conséquence, je retire l'amendement n° 11.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 16, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier, après les mots :
admis à la négociation sur un marché réglementé
insérer les mots :
, ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a précisément pour objet d'étendre le champ d'application au maximum de ce que permet la stricte transposition de la directive : non seulement les instruments déjà cotés sur un marché réglementé, déjà « listés » - pour utiliser ce mauvais anglicisme -, mais aussi ceux qui sont en train de le devenir, donc ceux dont l'admission à une telle cote est sollicitée. De la sorte, nous pourrons achever la transposition sous la forme la plus protectrice possible.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-3 du code monétaire et financier :
« La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l'Autorité des marchés financiers en demande une confirmation par écrit.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Toujours dans la perspective d'une meilleure protection, cet amendement a pour objet de rendre obligatoire, et non plus facultative, la confirmation écrite auprès de l'AMF d'une déclaration d'opérations suspectes qu'un émetteur aurait préalablement transmise par voie verbale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-4 du code monétaire et financier :
« Art. L. 621-17-4. - Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1, de porter à la connaissance de quiconque, et en particulier des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l'existence de la déclaration ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. De la même manière que précédemment, il s'agit d'aller au bout de la transposition et, précisément, d'étendre à toute personne le champ de l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes qui procèdent à la déclaration d'opérations suspectes, pour qu'il ne soit plus limité aux seules personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées auraient été effectuées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Pour des raisons de bon sens, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-5 du code monétaire et financier :
« Lorsque des opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence d'une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'Autorité des marchés financiers transmet sans délai la déclaration à cette autorité, ainsi que les éventuels compléments d'information fournis par le déclarant à la demande de cette dernière, dans les conditions prévues à l'article L. 621-21.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement, assez technique, tend à préciser les modalités de transmission des informations par l'AMF à l'autorité de tutelle d'un autre Etat membre lorsque les opérations dont il s'agit relèvent de la compétence de cette autorité.
Nous précisons, en outre, que cette transmission, qui doit être réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 621-21 du code monétaire et financier, fait l'objet, d'abord, d'une communication à l'AMF, puis d'une retransmission par cette dernière à l'autorité étrangère compétente.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, votre amendement tend à préciser que l'AMF demeure le point de passage des échanges d'informations entre l'entreprise qui a fait une déclaration de transaction suspecte et l'autorité étrangère compétente.
Je souscris tout à fait à cette précision ; c'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la référence :
L. 621-17-1
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-6 du code monétaire et financier :
qui a effectué de bonne foi cette déclaration.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'article 1er prévoit d'exonérer les dirigeants ayant effectué la déclaration de soupçons « de bonne foi » de toute action en responsabilité civile.
Comment donner une efficacité à l'obligation de déclaration de soupçon quand la loi ne prévoit aucune sanction dans le cas de sa violation ? Il n'était donc pas opportun, à nos yeux, d'exonérer de toute responsabilité les dirigeants des sociétés soumises à l'obligation de déclaration de soupçon. Cette procédure ne pourra être réellement utile qu'à la condition qu'elle fasse partie des obligations qui incombent aux dirigeants.
Ainsi, le non-respect par les dirigeants des dispositions de l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier devrait entraîner la mise en cause de leur responsabilité civile, dont le régime juridique devrait être amélioré.
Dans la rédaction que nous proposons, l'exonération de responsabilité ne devrait concerner que les prestataires de services d'investissement en tant que personnes morales.
Pour répondre aux exigences qui se font jour sur le thème de la responsabilité des dirigeants, nous cherchons ici à prévoir la possibilité d'une sanction. A défaut, nous craignons que le dispositif ne fonctionne pas de façon satisfaisante.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est hostile à cet amendement.
En effet, si l'exonération de responsabilité civile pour les déclarations effectuées de bonne foi ne s'applique qu'aux personnes morales et non aux personnes physiques, comment inciter les personnes physiques à remplir leurs obligations légales ? C'est bien notre crainte !
L'efficacité de la prévention de l'abus de marché repose sur un système déclaratif. Nous pouvons tout à fait nous référer à la notion de bonne foi, qu'il s'agisse des personnes morales ou des personnes physiques. A cet égard, la jurisprudence est ancienne et constante, du moins au niveau de la Cour de cassation.
Par ailleurs, la rédaction de nos collègues du groupe socialiste ne paraît pas strictement conforme à la directive européenne qu'il s'agit de transposer. A ce seul titre, il ne serait pas possible d'accéder à leur demande, car, je le rappelle, la transposition est une obligation.
D'aucuns ont évoqué, dans des sens d'ailleurs opposés, l'évolution éventuelle du cadre du droit public européen. Quoi qu'il en soit, une directive est un acte de droit positif communautaire qui doit être transposé conformément à son texte même. Nous ne sommes donc pas en mesure d'opérer des substitutions par rapport à une disposition d'une directive, ni d'entériner une rédaction plus large, comme nous le propose notre collègue François Marc.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le sénateur, par votre amendement, vous limitez en fait l'exonération de responsabilité dont bénéficie l'auteur de la déclaration de transactions suspectes aux seules personnes morales. Je ne comprends pas très bien votre objectif.
Il convient de permettre que les personnes physiques soient également protégées, tout comme elles le sont, par exemple, pour les déclarations de soupçons en matière de blanchiment. Faute de cette protection, qui ne s'applique qu'en cas de bonne foi, l'efficacité de la procédure sera diminuée.
C'est la raison pour laquelle, en m'associant aux explications de M. le rapporteur, je demande, au nom du Gouvernement, le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. François Marc. En France comme dans nombreux autres pays occidentaux, on entend maints commentaires sur la question de la responsabilité des dirigeants. Il nous semblait donc opportun d'indiquer dans ce texte que les dirigeants d'entreprise ayant enfreint certaines règles pouvaient être sanctionnés.
Dans le même temps, c'est bien la multiplication des déclarations de soupçons qui est recherchée et je comprends l'argumentation selon laquelle cette disposition réduirait sans doute leur nombre.
Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 12.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)