PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Dépôt d'un rapport de la cour des comptes
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier président de la Cour des comptes le rapport d'observations définitives sur les comptes d'emploi 1998 à 2002 des ressources collectées auprès du public par l'Association pour la recherche sur le cancer.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
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Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise (nos 181, 203, 205).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3.
Article 3
I. - 1. Supprimé.
2. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 212-5 du code du travail, et tant que l'accord ou la convention fixant, conformément à cet article, le taux de majoration applicable n'a pas été conclu, le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicable aux entreprises de vingt salariés au plus est fixé à 10 % jusqu'au 31 décembre 2008. Le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du code du travail est fixé pour ces mêmes entreprises à trente-six heures pour les années 2006, 2007 et 2008.
II. - Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévu à l'article L. 227-1 du code du travail et directement applicable, dans les entreprises de vingt salariés au plus, le salarié peut, en accord avec le chef d'entreprise, décider de renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos accordées en application de l'article L. 212-9 ou du III de l'article L. 212-15-3 du même code dans la limite de dix jours par an ou d'effectuer des heures au-delà de la durée prévue par la convention de forfait conclue en application du I ou du II de l'article L. 212-15-3 du même code dans la limite de soixante-dix heures par an. Les heures, demi-journées ou journées effectuées à ce titre donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale à 10 %. Elles ne s'imputent pas sur le contingent légal ou conventionnel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 212-6 du même code. Ce régime prend fin le 31 décembre 2008.
III. - Les dispositions du présent article s'appliquent aux entreprises et aux unités économiques et sociales dont l'effectif est au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la présente loi. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues à l'article L. 620-10 du code du travail.
La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, évoquant cet article 3 le 7 février dernier à l'Assemblée nationale, M. Louis Giscard d'Estaing, député, indiquait qu'il lui paraissait « tout à fait intéressant ».
Finalement, la question est de savoir pour qui il est intéressant. Pour les salariés, ou pour le petit patronat ?
En ce qui me concerne, cet article me paraît scandaleux à deux titres.
En premier lieu, comme à l'article 2, les auteurs de la proposition de loi posent le principe que, pour gagner plus, le salarié doit travailler plus. En un mot, l'augmentation du pouvoir d'achat doit s'accompagner d'une augmentation de la productivité et de la rentabilité. Qu'il s'agisse des grandes entreprises ou des PME, cette exigence m'apparaît inacceptable.
Nous l'avons dit et souvent répété au cours de ce débat, il ne s'agit pas d'une liberté de choix offerte aux salariés. C'est une voie purement libérale qui est suivie, la possibilité d'une redistribution des richesses dans l'entreprise étant écartée par principe.
Comment ne pas s'offusquer de ce détournement d'une juste aspiration à l'augmentation du pouvoir d'achat au profit d'une exploitation toujours accrue du salariat ?
Qui peut nier ici - en tout cas pas vous, monsieur le ministre, car vous devez connaître les chiffres - que, durant la décennie passée, la part du travail dans la valeur ajoutée a considérablement diminué ? C'est là le noeud du problème : ce sont les actionnaires, les marchés financiers qui n'ont cessé de s'enrichir et qui ont tiré, seuls trop souvent, leur épingle du jeu libéral.
Cette affirmation vous déplaît, chers collègues de la majorité sénatoriale, comme on a pu le constater depuis le début de l'examen de ce texte, mais elle correspond à la stricte réalité, dont les médias se sont fait l'écho ces derniers jours.
En second lieu, les dispositions de l'article 3 nous paraissent inacceptables parce que les salariés les moins protégés sont ceux des PME. Comment oublier que la quasi-totalité de ces dernières sont dépourvues de sections syndicales et que l'on y rencontre rarement des délégués du personnel ? La bataille pour le respect du droit du travail est un combat permanent, de chaque jour, de chaque instant dans une large majorité de PME.
Or c'est au bénéfice de ces entreprises que les auteurs de la proposition de loi, le Gouvernement et la majorité sénatoriale entendent proroger encore et toujours une disposition qui, de transitoire, devient pérenne. Cette disposition, c'est la réduction de 25 % à 10 % du taux de majoration de la rémunération des quatre premières heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Nous avions exprimé notre opposition à cette dérogation lors de son instauration, en 2000. Elle devait devenir caduque en 2002. Sa prolongation jusqu'au 31 décembre 2005 par la loi Fillon du 17 janvier 2003 masquait mal la volonté de la pérenniser.
La disposition de l'article 3 du présent texte visant à maintenir la dérogation jusqu'au 31 décembre 2008 s'apparente à une reconduction automatique, ne respectant pas les observations du Conseil constitutionnel relatives à la seconde des lois dites « Aubry ».
En effet, le Conseil constitutionnel avait justifié l'inégalité de traitement ainsi instituée entre salariés par le caractère « temporaire » de la mesure. Cependant, le temporaire tend à s'éterniser, puisque la disposition aura finalement été appliquée pendant huit ans.
Cet article 3 détourne donc la loi. Il instaure une inégalité de traitement entre salariés qui est manifestement inconstitutionnelle, puisque le caractère temporaire de la dérogation en question a disparu de fait.
Pour cet ensemble de raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposeront nettement à l'adoption de l'article 3 de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, sur l'article.
Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, avant d'aborder la discussion des amendements qui ont été déposés sur cet article 3, revenir sur son inconstitutionnalité manifeste. Je l'avais déjà mentionnée lors de mon intervention dans la discussion générale, et j'y étais revenue en défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
C'est la majorité sénatoriale qui, à l'occasion d'un recours formulé devant le Conseil constitutionnel à l'encontre de la seconde loi sur les 35 heures du 20 janvier 2000, avait dénoncé une inégalité de traitement entre les salariés des grandes entreprises et ceux des petites et moyennes entreprises.
Permettez-moi de rappeler la réponse qui avait été faite par le Conseil constitutionnel aux requérants de l'époque.
« Considérant, en premier lieu, que les sénateurs requérants estiment contraire au principe d'égalité la différence de situation entre les salariés qui, jusqu'au 1er janvier 2002, travailleront dans une entreprise encore assujettie à la durée légale du temps de travail de trente-neuf heures et les salariés employés par une entreprise soumise à la nouvelle durée légale... »
Le Conseil constitutionnel avait contré cette argumentation en soulignant le caractère temporaire de la disposition.
Comment ne pas lui soumettre à nouveau cette inégalité de traitement, puisque le caractère temporaire disparaît au profit d'une reconduction régulière, une première fois en 2003 puis une seconde fois en 2005, avec cette proposition de loi qui prévoit la prolongation de la mesure jusqu'en 2008 ?
Le Conseil constitutionnel attendra-t-il 2012 ou 2015 pour dénoncer la rupture d'égalité ?
Cet article 3 est donc particulièrement grave. Il porte atteinte, au-delà des conditions de travail des salariés, au principe d'égalité.
Les salariés des PME, outre les difficultés inhérentes à la reconnaissance de leurs droits dans ces catégories d'entreprises, cumuleront une atteinte particulière, renforcée, à l'encontre de leur pouvoir d'achat.
Monsieur le ministre, avez-vous pris l'avis de personnalités compétentes sur ce point ?
Par ailleurs, l'utilisation de la voie parlementaire a permis à la proposition de loi d'échapper au contrôle du Conseil d'Etat, contrôle qui aurait été, me semble-t-il, particulièrement nécessaire et utile en la matière.
Cependant, si le Gouvernement n'engage pas de telles consultations, les commissions compétentes du Sénat seraient bien inspirées de le faire pour éviter une entorse particulièrement grave à ce principe fondamental de notre droit.
J'attends de la part de la commission saisie au fond, mais aussi du Gouvernement, une argumentation plus solide que celle qui a été avancée jusqu'alors.
Non, il n'est plus possible d'évoquer un caractère temporaire de la disposition car, au-delà des mots, il y a la réalité. Vous ne pouvez pas éternellement contourner le droit, vous devez le respecter !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Un minimum d'articles mais un maximum d'effet, tel pourrait être le résumé de cette proposition de loi.
L'article 3 semble être le plus anodin et, pourtant, c'est bien celui dont les effets pourraient être les plus ravageurs.
En ce qui concerne la prorogation jusqu'en 2008 du régime spécial applicable aux petites et moyennes entreprises, les PME, le risque est de graver dans le marbre une dualité du marché du travail puisque la trente-sixième heure de travail continuera jusqu'en 2008 à ne pas être décomptée dans le contingent d'heures supplémentaires, échappant à toute majoration.
Même l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, dénonce cette disposition qui va nuire à l'attractivité de ces entreprises.
Quant au Conseil constitutionnel, il n'avait accepté la prorogation de ce régime dérogatoire qu'à la condition qu'il soit transitoire. Le sera-t-il encore après l'adoption de cet article ?
Mais le plus dangereux, c'est l'alinéa qui instaure le système de l'opting out, système venu de Grande-Bretagne qui remet totalement en cause l'architecture de notre droit du travail. Pour la première fois, un accord passé entre un salarié et un employeur pourra contredire un accord collectif.
En donnant un avis favorable à cet article, le Gouvernement anticipe la discussion actuellement en cours au niveau européen sur le projet de révision de la directive 2003/88/CE sur le temps de travail.
Ce projet de directive comporte une série de régressions qui, toutes, visent à surflexibiliser le marché du travail.
Il prévoit en effet l'annualisation du temps de référence sur lequel est calculée la durée maximum hebdomadaire de quarante-huit heures de travail, la consécration de l'opting out, la définition plus stricte du temps de travail en distinguant le temps de garde de la « période inactive du temps de garde », c'est-à-dire le temps pendant lequel le travailleur, bien que présent sur son lieu de travail, n'exerce pas ses fonctions.
La Confédération européenne des syndicats et l'ensemble de la gauche européenne sont fermement opposés à cette directive.
Quant au Gouvernement, lors de la réunion des ministres du travail de l'Union européenne du 7 décembre 2004, il s'est dit défavorable au système des dérogations individuelles, mais il le laisse pourtant introduire dans le droit français avec cette proposition de loi. Une nouvelle fois, les actes contredisent le discours !
Le Gouvernement fait mine de dénoncer le chantage à l'emploi de certaines entreprises qui menacent de délocaliser leur activité si leur accord sur les 35 heures n'est pas révisé, mais, en réalité, il introduit par ce texte la même logique au sein de chaque entreprise.
Désormais, c'est l'individualisation du temps de travail qui va primer, le rapport de force étant toujours défavorable au salarié.
Monsieur le ministre, mes collègues et moi-même essaierons de vous démontrer, par nos amendements, la nocivité de cet article 3 auquel nous nous opposerons très fermement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trente-six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 83 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 214 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 83.
Mme Raymonde Le Texier. L'article 3 comporte deux catégories de dispositions sur lesquelles nous sommes totalement en désaccord.
Tout d'abord, vous prolongez une nouvelle fois l'exception qui avait été consentie par la loi relative à la réduction du temps de travail en direction des entreprises de vingt salariés au plus et qui permettait un mode de calcul différent de celui qui a été retenu pour la durée du temps de travail afin de faire commencer le décompte des heures supplémentaires à l'issue d'une durée hebdomadaire de travail de trente-six heures.
Dans un premier temps, sur initiative parlementaire, vous avez prolongé ce régime d'exception jusqu'en 2006. Vous décidez maintenant une nouvelle prolongation jusqu'au 31 décembre 2008.
Cela conduit à maintenir dans ces entreprises le nombre d'heures supplémentaires hors contingent et limite d'autant l'effet du repos compensateur.
Permettez-moi deux observations sur ce point.
Tout d'abord, le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires de gauche, n'a validé la prolongation de cette exception qu'à la condition que la limite dans le temps soit fixée. Il sera intéressant de connaître son opinion sur cette nouvelle prolongation de trois ans ! Cela nous conduit, en effet, à un régime transitoire d'adaptation d'une durée de huit ans. C'est beaucoup !
N'êtes vous pas en train de sous-estimer les capacités d'adaptation et de réactivité de nos petites entreprises, capacités que vous vantez si souvent par ailleurs ?
C'est d'ailleurs ce qui a conduit le Premier ministre, assez flou au départ sur le délai de prolongation, à fixer une date limite.
Notre deuxième observation, c'est que cette prolongation ne fait pas l'unanimité dans les rangs de la majorité. Déjà, à l'Assemblé nationale, Hervé Morin a manifesté sa réticence et, au Sénat, nous allons examiner les amendements déposés par Michel Mercier et ses collègues centristes.
La seconde prolongation que vous nous proposez en direction des petites entreprises est celle de la majoration de 10 % des heures supplémentaires.
Cette mesure est en réalité très inquiétante si on la relie aux dispositions que vous avez introduites dans le code du travail avec la loi de 2003 portant réforme de l'organisation du temps de travail et qui s'appliquent à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Désormais, un accord collectif pourra fixer un taux de majoration de 10 %.
Devons nous dès lors considérer que ces 10 % sont appelés à se généraliser ? Ce serait d'ailleurs une manière de régler définitivement cette question de l'exception, tout simplement en encourageant sa généralisation.
Combiné avec l'affectation de la rémunération sur un compte épargne-temps, la question de la majoration des heures supplémentaires sera donc rapidement réglée.
La deuxième série de dispositions contenues dans cet article 3 concerne également les entreprises de vingt salariés au plus. Elle vise à contourner le fait que les comptes épargne-temps sont encore une rareté dans les petites entreprises, faute des moyens de les mettre en place et faute également de représentants du personnel qui pourraient éventuellement signer des accords collectifs.
Il est vrai aussi, comme nous avons eu l'occasion de l'indiquer, que la formule du compte-épargne temps, surtout avec la transformation radicale que vous réalisez, ne saurait provoquer l'enthousiasme des salariés. Heureusement pour les institutions financières et de prévoyance que les employeurs en auront désormais la maîtrise et décideront souverainement d'y affecter la rémunération des heures supplémentaires !
Mais la rédaction que vous défendez va juridiquement très loin, monsieur le ministre, et vous ne pouvez l'ignorer, puisque vous avez forcément connaissance de la législation du travail de nos voisins. Avec ce texte, vous introduisez en droit français la dérogation individuelle par un prétendu accord entre l'employeur et le salarié.
C'est une dérogation non seulement à l'accord collectif, mais aussi à la loi, puisque vous citez expressément les articles du code du travail auxquels un tel accord pourra déroger.
Bien entendu, cette dérogation individuelle ne sera pas dans l'intérêt du salarié. Dans les faits, c'est une évidence quand on voit le temps de travail qui pourra être effectué, la majoration de 10 % et l'absence d'imputation sur le contingent d'heures supplémentaires, donc l'absence de repos compensateur. C'est tout simplement inadmissible !
Mais c'est juridiquement aussi que se pose le problème. C'est une question de principe : quel que soit le sujet, il est absolument scandaleux qu'un ministre du Gouvernement de la République vienne devant le Parlement proposer un tel déni de droit, à savoir une dérogation individuelle à des dispositions légales d'ordre public social.
C'est une véritable révolution par rapport à la philosophie qui sous-tendait jusqu'à ce jour notre droit du travail.
C'est une attaque frontale, non plus seulement contre la hiérarchie des normes en matière sociale, mais contre l'existence même de dispositions générales, pas seulement conventionnelles mais légales.
C'est l'expression la plus aboutie de la volonté du MEDEF et des autres organisations patronales en France et en Europe de voir détruire les fondements du droit du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 214.
M. Roland Muzeau. Les contraintes inhérentes au fonctionnement des petites entreprises ont décidément bon dos !
Quant à la cohésion juridique et à l'équité, exigences à géométrie variable selon les besoins du Gouvernement et de sa majorité, elles aussi sont invoquées pour justifier des régimes dérogatoires, le renoncement des salariés à la réduction du temps de travail et aux avantages afférents, ou l'institutionnalisation d'inégalités entre salariés selon la taille de leur entreprise.
Votre tactique de camouflage est scandaleuse, nous l'avons déjà dit. Sous couvert de liberté - la liberté de choix des salariés -, vous sacrifiez les droits et les garanties collectives de ces derniers, le code du travail, et même les normes sociales issues de la négociation collective.
Vous ne respectez pas les partenaires sociaux et le dialogue social, que vous dites pourtant vouloir privilégier. Marché oblige !
Vous l'avez compris, l'article 3, dans son ensemble, nous est particulièrement insupportable.
Plusieurs raisons de fond motivent l'amendement de suppression que nous vous présentons.
Tout d'abord, nous ne pouvons accepter la nouvelle prorogation jusqu'en 2008 d'un dispositif spécifique aux entreprises de moins de vingt salariés en matière d'heures supplémentaires, pénalisant financièrement les salariés qui voient le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires bloquées à 10 % et facilitant pour les entreprises le dépassement du contingent annuel en permettant l'imputation des heures supplémentaires sur ce dernier à compter seulement de la trente-septième heure.
En effet, cette dérogation, accordée hier à titre transitoire, devait permettre une adaptation en souplesse des très petites entreprises, les TPE, et des PME à la réduction du temps de travail.
Pourquoi, aujourd'hui, alors que la réduction du temps de travail n'est plus actuelle, chercher à faire de l'exception une règle ?
Pour contenter certaines organisations patronales, dont la CGPME et le MEDEF, en oubliant que d'autres, dont l'UPA, reconnaissent que les distorsions de droits, de salaires, de statuts, entre les grandes et les plus petites entreprises desservent ces dernières, en accentuant les difficultés de recrutement, et donc leurs possibilités de développement.
Le représentant de l'UPA n'a-t-il pas reconnu devant la commission des affaires sociales du Sénat que les entreprises artisanales devraient nécessairement tenir compte des avantages proposés par les grandes entreprises, et que c'était la condition nécessaire pour inciter les candidats à l'emploi à s'intéresser aux PME et aux TPE ?
Craignant la censure du Conseil constitutionnel, qui avait émis un certain nombre de réserves sur la loi Fillon - jugeant notamment recevable l'argument tiré de l'inégalité de traitement entre salariés -, le Premier ministre a cru bon de devoir s'assurer que la solution médiane trouvée, à savoir la prorogation et non la pérennisation, se solderait par une harmonisation par le haut du régime des heures supplémentaire. Permettez-moi d'en douter tant que cela ne se sera pas effectivement concrétisé.
Dans l'immédiat, le Gouvernement dépose des sous-amendements afin de « garantir » le caractère strictement transitoire des règles applicables aux heures supplémentaires dans les petites entreprises.
Nous sommes ravis d'apprendre que, à compter du 1er janvier 2009, ce seront les règles de majoration et de décompte de droit commun qui s'appliqueront, dans la mesure où ce régime de droit commun modifié par M. Fillon laisse, lui aussi, la place à une majoration des heures supplémentaires de 10 % et où le contingent annuel sera, lui aussi, plus facilement contournable et les repos compensateurs plus facilement échangeables.
Reste que, dans l'attente de 2009, les discriminations touchant injustement les salariés des petites entreprises perdureront. Ce qui n'est pas sans paradoxe pour ceux qui prétendent valoriser le travail et fustigent les 35 heures et leur bilan social prétendument calamiteux !
Monsieur le ministre, la seconde série de mesures contenues dans cet article, qui établit - là encore à titre transitoire - un dispositif de renonciation des jours et des heures accordés au titre de la réduction du temps de travail, est tout aussi inadmissible.
Je le répète, vous incitez les salariés placés dans une situation de subordination à renoncer à la réduction du temps de travail effectif dont ils bénéficiaient ainsi qu'aux avantages garantis par l'accord sur les 35 heures ou par la loi. Pour cela, vous introduisez dans le droit français, bien que vous vous en défendiez, la clause d'opting out, qui place le salarié et l'employeur hors convention, hors code du travail, dans une négociation individuelle en vue de troquer des jours de repos contre une hypothétique augmentation salariale.
A la lecture de cet article, nous prenons la mesure de la satisfaction, je dirai même de la joie, du MEDEF et de tous ceux qui souhaitent que les acquis sociaux cèdent le pas à la nécessité économique.
C'est pourquoi nous renouvelons avec force notre demande de suppression de l'article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 215, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... Le quatrième alinéa de l'article L. 212-4 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le temps de déplacement professionnel est constitutif d'un temps de travail effectif. Il est constitué :
« - par le temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif du travail.
« - par le temps de déplacement du salarié commandé par l'exécution de sa mission pour se rendre, à partir de son domicile, sur le lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le lieu habituel de travail. »
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Comme l'indique son objet, cet amendement vise à rétablir la corrélation entre le temps de déplacement professionnel et le temps de travail effectif. Il s'agit d'une proposition particulièrement importante, qui tend à intégrer dans notre droit du travail l'idée que le temps de déplacement professionnel est constitutif d'un temps de travail effectif.
Nous proposons que ce déplacement professionnel soit constitué, d'une part, du temps de trajet effectué par le salarié dans le cadre de sa mission pour le compte de l'entreprise lorsque ce temps coïncide avec l'horaire collectif du travail et, d'autre part, du temps de déplacement du salarié commandé par l'exécution de sa mission pour se rendre, à partir de son domicile, sur le lieu d'exécution du contrat de travail lorsque celui-ci n'est pas le lieu habituel de travail.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, l'amendement n° 215 s'oppose de manière frontale à l'article 69 de la loi dite de « cohésion sociale », qui, lui, pose le principe que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail ne constitue pas un temps de travail effectif lorsque le lieu d'exécution du temps de travail est distinct du lieu habituel.
Cette disposition de la loi de cohésion sociale prend à contre-pied la jurisprudence selon laquelle le temps de déplacement est traité en temps de travail effectif s'il excède le temps normal de trajet d'un salarié se rendant de son domicile à son lieu de travail habituel. Cette jurisprudence résulte, notamment, d'un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 novembre 2003.
Il s'agit d'un débat intéressant, car il démontre bien que la loi de cohésion sociale, au-delà de ses effets d'annonce, de son affichage, regorge de remises en cause d'avancées sociales pourtant reconnues par la société, à commencer par l'autorité judiciaire.
Pour toutes ces raisons le groupe communiste républicain et citoyen demandera que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 216, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail, après les mots : « compensation financière », sont insérés les mots : « dont le taux horaire ne peut être inférieur à 150 % du salaire horaire du salarié concerné ».
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Actuellement, les conditions dans lesquelles sont organisées les astreintes de même que les compensations financières ou en temps de repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspection du travail.
Nous savons tous le peu de garantie qu'offre un tel mode de décision. Ainsi, l'organisation et la rémunération des astreintes sont presque entièrement décidées par l'employeur sans que le salarié ait véritablement voix au chapitre. C'est donc pour éviter que les règles de ce mode particulier de travail soient laissées au libre arbitre de l'employeur que nous présentons cet amendement.
Nous demandons en effet que la loi fixe un seuil minimum de rémunération des heures d'astreinte équivalant à 150 % du salaire horaire perçu par le salarié qui effectue l'astreinte.
M Louis Souvet avait lui-même déclaré, en octobre 2002, au moment où nous débattions ici du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi : « Quand il n'y a pas d'accord et que l'astreinte est mise en place sur la seule initiative de l'employeur, j'observe qu'aucune garantie minimale pour le salarié n'est actuellement prévue dans le code du travail, notamment en matière de compensation. »
Si nous partageons les inquiétudes émises par M. Souvet au sujet de la rémunération des astreintes, on ne peut pas dire la même chose de la majorité, qui, à plusieurs reprises, s'en est prise à ce régime particulier qui ne concerne pas que quelques dizaines de salariés, mais des millions de salariés ! Ainsi, la loi Fillon du 17 janvier 2003 a-t-elle instauré une disposition particulièrement régressive en assimilant les périodes d'astreinte, où le salarié n'a eu besoin ni de se déplacer ni d'intervenir, à des périodes de repos.
En opérant une totale assimilation entre temps de repos et temps d'astreinte, cette disposition a été prise dans un mépris total des contraintes qu'exerce ce régime sur les salariés et, plus généralement, dans un mépris total du droit du travail, puisqu'une telle disposition remet en cause le repos quotidien de onze heures consécutives et le repos hebdomadaire de vingt-quatre heures.
Garantir par la loi un pourcentage minimum déterminant les compensations aux astreintes nous paraît être la meilleure solution pour répondre aux attentes de M. Souvet et, plus généralement, à celles des millions de salariés qui sont contraints d'effectuer des astreintes dans le cadre de leur travail.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 217, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, selon le premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail, « une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise ».
Dès lors, par le fait même de l'astreinte, le salarié est toujours en situation de subordination juridique par rapport à son employeur. Il a en effet l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité et de se tenir constamment prêt à intervenir immédiatement dans la mesure où les périodes d'astreinte sont, par définition, prévues pour pallier la survenue d'incidents soudains nécessitant des travaux urgents, qui ne pourraient être réalisés dans le cadre de travaux planifiés, afin de garantir la sécurité des biens et des personnes. Le salarié d'astreinte doit donc toujours effectuer un travail contraignant pour le compte de son employeur.
Le seul fait de se tenir toujours prêt à intervenir dans l'attente d'une directive de son patron et, au surplus, de demeurer dans un lieu ou à proximité d'un lieu imposé constitue, à l'évidence, une prestation du salarié pour le compte de son employeur, et je dirai même une prestation particulièrement contraignante tant d'un point de vue professionnel que personnel.
Je vous rappelle pour mémoire le cas des salariés des industries électriques et gazières, qui ont été particulièrement sollicités ces dernières années, que ce soit par la tempête de 1999 - véritable catastrophe nationale - ou, plus récemment, par les inondations qui ont touché les départements du Sud-Ouest, il y a tout juste deux ans.
Peut-on réduire le travail qu'ont effectué ces salariés dans ces périodes spécifiques à de simples relations de distance ? Les agents qui ont été confrontés à ces deux catastrophes en ont fait l'expérience, et ils sont loin de partager cet avis.
Face à de telles contraintes, croyez-vous qu'il soit normal que les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées ainsi que les compensations financières ou en temps de repos auxquelles elles donnent lieu soient fixées quasi unilatéralement par l'employeur ? De toute évidence, non !
Il convient alors de supprimer les dispositions de l'article L. 212-4 bis du code du travail qui permettent à l'employeur d'être le seul à décider de la répartition des astreintes, de leur organisation et de leur indemnisation.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 218, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La période d'astreinte ne peut être imposée par l'employeur. Elle doit recueillir l'accord exprès du salarié. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Déposé par des élus de la majorité, un amendement au projet de loi Fillon de 2003 a modifié dans un sens très régressif le régime des astreintes, qui concerne aujourd'hui, nous l'avons dit, des millions de salariés.
Aux termes de cet amendement, le temps d'astreinte est assimilé à du temps de repos si le salarié n'a pas eu à effectuer d'intervention. Pourtant, qu'il y ait intervention ou non, le salarié d'astreinte a bien des contraintes - disponibilité, non-éloignement du lieu de travail, ... -, notamment celle de ne pas disposer de la liberté d'utiliser son temps de repos comme il l'entend.
Cet amendement a eu pour effet de remettre en cause un arrêt de la Cour de cassation du 10 juillet 2002, qui spécifiait que, sans être du travail effectif, les périodes d'astreinte ne pouvaient être considérées comme des temps de repos.
En revenant sur cette jurisprudence, la loi Fillon a représenté un nouvel encouragement pour le patronat à remettre en cause les accords existants. La réforme de la durée du temps de travail n'est d'ailleurs qu'un encouragement supplémentaire, comme en témoignent les nombreux chantages à l'emploi auxquels on assiste depuis quelques mois, et dont j'ai fait la démonstration.
Plus largement, ces différentes régressions sociales sont assez symptomatiques de l'action que mène ce gouvernement, qui oscille entre deux types de manoeuvres politiques.
Premièrement, il cherche à individualiser le plus possible les relations entre les salariés et leurs employeurs. Ainsi, que ce soit avec la loi Fillon, qui abolit l'inversion de la hiérarchie des normes en matière de conventions collectives et qui permet alors aux accords d'entreprise d'avoir le dessus sur les accords de branche, ou avec la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui abolit définitivement la durée légale de 35 heures hebdomadaire pour tous, le Gouvernement cherche à isoler le plus possible les salariés et à les soumettre ainsi à un rapport de forces totalement inégalitaire avec l'employeur.
Deuxièmement, ce gouvernement cherche à donner à l'emploi la définition la plus restreinte possible en excluant tout ce qui découle du travail mais qui n'est pas nécessairement considéré comme tel.
Nous venons de voir le cas de la définition restreinte de l'astreinte donnée par la loi Fillon, mais on retrouve des manoeuvres similaires dans la loi de cohésion sociale - où le temps de trajet a été exclu du temps de travail effectif - et, d'une certaine façon, dans cette proposition de loi, où l'employeur peut exiger de ses salariés des heures supplémentaires sans les payer.
En somme, voilà les deux pendants d'une même volonté : celle de rendre les salariés de ce pays muets et corvéables à merci.
Nous désirons inverser cette tendance. C'est pourquoi nous défendons, par exemple, un tel amendement. Nous demandons, en effet, que la période d'astreinte ne puisse être imposée par l'employeur. Elle doit, selon nous, recueillir d'abord l'accord exprès du salarié, car nous voulons garantir à celui-ci le choix d'effectuer ou non des astreintes.
Mme Eliane Assassi. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 219, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Dans le troisième alinéa de l'article L. 212-5-1 du code du travail, les mots : « vingt salariés » sont remplacés deux fois par les mots : « dix salariés ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Nous nous étions opposés au maintien jusqu'au 31 décembre 2005 du taux transitoire de majoration des heures supplémentaires à 10 % pour les entreprises de moins de vingt salariés. Il est évident que nous nous opposons à la nouvelle prolongation de ce délai jusqu'en 2008.
Deux raisons motivent cette position.
Tout d'abord, nous nous opposons fermement à la perte nette de pouvoir d'achat que subissent les salariés qui font des heures supplémentaires dans les PME. Au lieu de relever le pouvoir d'achat des salaires les plus bas, avec cette proposition de loi, on propose aux salariés, et en premier lieu aux plus mal payés d'entre eux, qui n'ont pas le choix, un marchandage honteux : sacrifier leur temps de vie pour obtenir l'indispensable augmentation de leur rémunération, une augmentation d'ailleurs particulièrement faible dans le cas des PME.
Dans ce marché de dupes, c'est toujours l'employeur qui décide ; le salarié y perd les garanties légales, l'inspection du travail est dépossédée de la faculté de s'opposer au recours abusif aux heures supplémentaires.
Ensuite, il nous parait totalement inacceptable que soit prolongée cette différence de traitement entre les salariés des petites structures et ceux des grandes entreprises. C'est d'autant plus inacceptable que cette mesure avait été présentée comme temporaire et qu'à force de prolongation elle semble s'installer durablement.
Le Gouvernement se réclame des PME pour préconiser des assouplissements. Mais pensez-vous qu'il réponde correctement à leurs problèmes ?
Encourager les PME à ne pas changer l'organisation du travail, c'est creuser encore l'écart entre elles et les grandes entreprises. Pour la plupart, elles subissent de plein fouet la politique d'externalisation des coûts des grands groupes, celle de la sous-traitance en cascade. Aucun gouvernement n'a voulu jusqu'ici s'attaquer à ce problème pourtant essentiel !
Rien ne justifie que les salariés des PME soient exclus des 35 heures. II faut les aider à résister plutôt qu'à se plier aux pressions que leurs employeurs exercent sur eux en leur faisant croire que la RTT amènera immanquablement une baisse de rémunération ou une suppression d'emploi. Leur aspiration à bénéficier de la RTT et de meilleurs salaires est légitime. Elle doit et elle peut être satisfaite.
Nous avons demandé, par le biais d'un autre amendement, que cette prolongation soit annulée. Avec l'amendement n° 219, nous faisons un pas vers vous en proposant que cette prolongation soit valable uniquement pour les entreprises de moins de dix salariés, c'est-à-dire pour les micro-entreprises. En effet, quoi qu'on en dise, les entreprises de plus de dix salariés ont largement eu le temps de s'adapter à la réforme du temps de travail.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 100 rectifié est présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron.
L'amendement n° 220 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l'amendement n° 100 rectifié.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, mon argumentation vaudra également pour les amendements nos 101 rectifié et 102 rectifié, dont l'objet est identique.
Par ces amendements, nous entendons corriger une injustice engendrée par les lois Aubry, injustice que la présente proposition de loi entend perpétuer jusqu'en 2008.
Aujourd'hui, la majoration du paiement des heures supplémentaires varie de 10 % à 25 % selon que l'entreprise emploie plus ou moins de vingt salariés.
La prolongation de ce régime dérogatoire engendre une véritable injustice pour les salariés des entreprises de vingt salariés au plus et crée un effet de seuil qui, nous le pensons, freine l'embauche. En effet, elle constitue une discrimination supplémentaire particulièrement lourde à l'encontre de salariés qui, par ailleurs, bénéficient d'avantages sociaux souvent moindres que ceux qui existent dans les grandes entreprises.
Ces amendements ont donc pour objet de supprimer le régime dérogatoire pour les entreprises de moins de vingt salariés, d'aligner les entreprises de moins de vingt salariés sur le droit commun, de neutraliser le coût de cette majoration pour les entreprises en les faisant bénéficier d'une exonération de cotisations sociales compensant intégralement le surcoût induit par le paiement d'une heure supplémentaire et gagée sur une augmentation de la TVA.
Cette mesure permettra aux salariés de gagner davantage sans que cela alourdisse les charges de l'entreprise. De plus, vous l'aurez compris, elle nous permettra de mettre en oeuvre la TVA sociale.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 220.
M. Roland Muzeau. Nous l'avons dit, l'article 3 proroge jusqu'au 31 décembre 2008 le dispositif transitoire en matière d'heures supplémentaires qui s'applique aux entreprises de moins de vingt salariés.
Vous le savez, les heures supplémentaires s'y déclenchent à partir de la trente-septième heure seulement, au lieu de la trente-sixième dans le régime normal, et elles sont majorées de 10% seulement au lieu de 25% pour les autres entreprises.
Le fait que les entreprises de moins de vingt salariés ne puissent toujours pas passer aux 35 heures est une situation qui ne peut perdurer. Par conséquent, le régime dérogatoire concernant les heures supplémentaires dans ces entreprises n'a plus lieu d'être.
L'article 3 est bien loin de permettre le libre choix des salariés, puisqu'il maintient l'inégalité entre les salariés des petites entreprises et les autres, mais aussi entre petites et grandes entreprises.
Les salariés des petites entreprises sont non seulement soumis à une durée hebdomadaire de travail plus élevée, mais de surcroît leurs heures supplémentaires sont moins bien rémunérées.
Cette inégalité est inacceptable. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression du I de l'article 3, qui maintient contre toute logique une majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés à 10 % seulement.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la première phrase du 2. du I de cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. L'amendement n° 84 a pour objet de mettre un terme au régime transitoire applicable aux entreprises de vingt salariés au plus en matière de rémunération des heures supplémentaires. Ce système existe en effet depuis maintenant cinq ans, et vous entendez le proroger pendant encore trois ans. Or nous considérons qu'il n'a plus lieu d'être, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il crée une double distorsion de concurrence. Nous sommes d'ailleurs étonnés que les représentants de l'ultralibéralisme ne soient pas immédiatement sensibles à un argument aussi puissant au regard de la concurrence pure et parfaite ! Et c'est donc nous, socialistes, qui devons vous faire remarquer cette inégalité !
M. Jean-Jacques Jégou. Nous l'avons dit aussi !
Mme Raymonde Le Texier. Je le reconnais, mon cher collègue.
Nous observons donc en premier lieu qu'il crée une distorsion de concurrence au regard du marché du travail. II est évident que l'absence d'un avantage social qui est acquis dans les autres entreprises a un effet repoussoir sur les jeunes et les moins jeunes en recherche d'emploi, et cela d'autant plus que les salaires et les conditions de travail sont moins favorables dans les petites entreprises, il faut bien le reconnaître.
Certes, vous résolvez le problème en faisant disparaître progressivement du champ du droit du travail les 35 heures dans l'ensemble des entreprises.
Mais la distorsion est aussi inverse : les entreprises qui se sont créées depuis la mise en oeuvre de la loi - et elles sont maintenant nombreuses - ainsi que celles qui ont opté pour les 35 heures afin de fidéliser leurs salariés ou de se réorganiser en vue d'une meilleure réactivité sont défavorisées par rapport à celles qui sont demeurées inertes sur le plan social. Or ce sont précisément ces entreprises les moins dynamiques que vous décidez de favoriser. Du point de vue macroéconomique nous doutons de l'efficacité réelle de votre choix.
Sur le plan social, nous retrouvons encore une fois le hiatus entre votre slogan publicitaire - « Travailler plus pour gagner plus » - et votre texte.
Comment pouvez-vous essayer de faire croire à des salariés de petites entreprises, qui sont déjà contraints d'effectuer des heures supplémentaires avec une rémunération majorée de 10 %, qu'ils vont gagner davantage alors que vous maintenez pour eux ce régime d'exception ?
Mais, en disant cela, j'anticipe sur le paragraphe II de l'article 3 et sur les perspectives que le MEDEF escompte de la procédure de révision de la directive de 1993 sur le temps de travail...
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 103 rectifié est présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron.
L'amendement n° 115 rectifié est présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après les mots :
est fixé à
rédiger comme suit la fin du 2 du I de cet article :
15 % jusqu'au 31 décembre 2006, 20 % jusqu'au 31 décembre 2007 et 25 % au 1er janvier 2008.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° 103 rectifié.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement est motivé par des raisons élémentaires d'équité sociale. Il vise à faire évoluer progressivement le taux de majoration des heures supplémentaires de 10 % à 25 % jusqu'en 2008 dans les entreprises de moins de vingt salariés.
M. le président. L'amendement n° 115 rectifié n'est pas soutenu.
Mme Raymonde Le Texier. Je le reprends, monsieur le président !
M. le président. Ce n'est pas possible, ma chère collègue : je suis obligé d'appliquer le règlement !
Toutefois vous pourrez expliquer votre vote sur l'amendement n° 103 rectifié que vient de défendre Mme Payet.
L'amendement n° 223, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du 2 du I de cet article, remplacer le pourcentage :
10 %
par le pourcentage :
25 %
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je crois qu'il est nécessaire d'insister sur l'inégalité - inconstitutionnelle de surcroît - qui persisterait, si cette proposition de loi était adoptée, entre les salariés des entreprises de moins de vingt salariés et les autres en ce qui concerne la majoration des heures supplémentaires. Ma collègue Eliane Assassi en a d'ailleurs fait une parfaite démonstration voilà quelques minutes.
En effet, maintenir une majoration à 10 % dans les petites entreprises jusqu'en 2008 est contraire à la réserve émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 janvier 2003. Ce dernier était clair sur ce point : il n'avait accepté la prorogation du régime dérogatoire qu'à la condition qu'elle soit transitoire. Or vous persistez à maintenir ce régime dérogatoire jusqu'en 2008.
Autrement dit, entre 2000 et 2008, les salariés des petites entreprises auront été soumis à un régime dérogatoire, ils n'auront pas profité des 35 heures, leurs salaires, du fait de la loi Fillon et des dispositions que vous proposez, n'auront pas augmenté, puisque la trente-sixième heure n'est pas payée comme une heure supplémentaire et que le taux de la majoration des heures supplémentaires est maintenu à 10 %.
Nous ne pouvons admettre un tel acharnement à faire persister une inégalité qui n'a pas lieu d'être. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement, précisant que désormais la majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de moins de vingt salariés devra être de 25 % et non plus de 10 %.
C'est une mesure de simple justice et un gage d'efficacité économique et sociale.
M. le président. L'amendement n° 222, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du 2 du I de cet article, remplacer les mots :
31 décembre 2008
par les mots :
1er mars 2005
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement a un objet simple : il s'agit de faire cesser le régime transitoire des entreprises de moins de vingt salariés concernant le passage aux 35 heures au 1er mars 2005.
Nous pouvons préciser, à ce stade de la discussion, que le dispositif incitatif à la réduction du temps de travail dit « de Robien » date de 1996, que la première loi Aubry a été promulguée en 1998 et que la seconde loi Aubry l'a été en 2000. Si l'on suit la logique du texte qui nous est proposé aujourd'hui, les salariés des PME de moins de vingt salariés auront donc attendu plus de douze ans la réduction de leur temps de travail.
Et comment ne pas rappeler encore l'avenant du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, que vous avez validé, monsieur le ministre, le 30 décembre dernier et qui dispose que, dans ce secteur, la durée de travail hebdomadaire est fixée à trente-neuf heures ?
Il est donc nécessaire de vous rappeler que la durée légale du travail est fixée à 35 heures ; il est donc plus que temps de mettre fin au régime dérogatoire des petites entreprises, extrêmement préjudiciable pour leurs salariés, pour l'économie et pour la vie sociale.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 85 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 221 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer la seconde phrase du 2. du I de cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 85.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement concerne le décompte des heures supplémentaires accomplies par les salariés des petites entreprises.
Avec la seconde phrase du 2 du paragraphe I de l'article 3, vous prorogez le seuil du décompte des heures supplémentaires à trente-six heures jusqu'en 2008, accentuant ainsi le préjudice dont ces salariés sont victimes.
On peut en trouver un exemple très éloquent en examinant le fonctionnement des entreprises de sous-traitance ou des petites sociétés de services aux entreprises, par exemple dans le secteur du nettoyage. En effet, nombre de ces petites entreprises vivent surtout d'activités de sous-traitance. Or, comme vous le savez, les salaires et les conditions de travail dans les entreprises de sous-traitance ne sont pas les mêmes que dans les entreprises donneuses d'ordre. Quant à la durée du travail, elle y est nettement plus élevée que dans les grandes entreprises : en 2003, selon la commission nationale de la négociation collective, 30 % des ouvriers des petites entreprises ont effectué plus de 130 heures supplémentaires alors que les grandes entreprises ont pu jouer sur des accords d'annualisation et des embauches, même précaires.
Pourquoi cette situation ? Tout simplement parce que les grandes entreprises exercent une pression sur les sous-traitants pour obtenir de meilleurs prix, ce qui se répercute en tout premier lieu sur les salariés.
Ce procédé est d'autant plus facile à mettre en oeuvre que les petites entreprises sont en général dépourvues de délégués syndicaux et de représentants du personnel. De ce fait, l'entreprise donneuse d'ordre exerce une pression directe sur les salariés de l'entreprise sous-traitante.
En d'autres termes, chaque fois que le Sénat tente de revenir sur les seuils sociaux, il fait le jeu des grandes entreprises et de leurs fabuleux bénéfices, au détriment des petites entreprises que vous prétendez défendre dans vos départements, chers collègues, et de leurs salariés.
En décidant cette prorogation, vous allez prolonger et encourager ce système d'exploitation profondément pervers.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 221.
M. Guy Fischer. Depuis 2002, le Gouvernement n'a cessé de multiplier les lois, les décrets et les ordonnances pour casser la réduction du temps de travail et, plus largement, les garanties des salariés.
Ecrit sous la dictée du MEDEF, le texte soumis aujourd'hui au Parlement vise à porter l'estocade aux 35 heures.
Pour légitimer ce nouveau recul social, la majorité agite le slogan selon lequel il faut permettre à ceux qui le veulent de « travailler plus pour gagner plus ». A notre sens, c'est un mensonge éhonté ! Le présent texte ignore complètement le sort des millions de salariés qui veulent travailler plus - ou tout simplement travailler ! -, mais à qui l'on impose le chômage, des contrats de travail atypiques, à temps partiel, précaires, bref une vie morcelée.
Derrière le slogan trompeur, quelle est la réalité ? Le présent texte va permettre aux employeurs d'imposer à tous leurs salariés un allongement considérable de leurs horaires de travail, tout en réduisant les garanties et les contreparties dont ils bénéficiaient jusqu'à présent.
Combinées à la hausse du contingent d'heures supplémentaires à 220 heures, à la suppression d'un jour férié, aux 80 heures de formation hors temps de travail autorisées, à la généralisation de la flexibilité, les nouvelles mesures envisagées vont rendre le salarié corvéable à merci !
Au lieu de permettre à ceux qui n'ont pas d'emploi d'en trouver un, le texte va au contraire permettre aux employeurs de ne pas embaucher - M. Dassault l'a dit très clairement hier -,...
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. Guy Fischer. ...en allongeant les horaires des personnels en place, au mépris de leur santé et de leur vie personnelle et familiale.
Au lieu de lutter contre les inégalités entre les salariés des petites et des grandes entreprises, le présent texte va proroger le paiement au rabais des heures supplémentaires et provoquer de fait une augmentation du contingent dans les entreprises de vingt salariés et moins.
Au lieu de favoriser le dialogue social, notamment dans les entreprises de moins de vingt salariés, le texte rompt les équilibres des précédents accords. Il ouvre encore plus la porte du chantage patronal, autorisant, par simple accord direct avec le salarié, le « rachat », à concurrence de dix jours par an, des repos obtenus par la loi et la négociation.
Quant au compte épargne-temps, le présent texte en fait un outil de flexibilité supplémentaire pour l'employeur, qui pourra décider, de sa propre initiative, d'y affecter sans aucune limite les heures effectuées au-delà de l'horaire collectif.
De plus, en incitant les salariés à laisser dans l'entreprise leur temps et leur argent, le présent texte pousse les entreprises à vivre à crédit sur le dos des salariés. Les salariés, dont la rémunération est souvent moyennement élevée, vont donc faire crédit à leur patron, et ce sans réelle garantie sur l'utilisation et la récupération de leurs droits, désormais accumulables sans limites !
Il est de notre devoir de rappeler que les heures effectuées au-delà de la durée légale du temps de travail doivent être, sans exception, majorées de 50 %, et que celles-ci ouvrent droit à des repos compensateurs.
C'est le sens de notre amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 86 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 224 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 86.
Mme Raymonde Le Texier. Avec le paragraphe II de l'article 3, monsieur le ministre, vous faites entrer le droit du travail français dans une ère nouvelle.
Ainsi, dans une entreprise de vingt salariés au plus, et dans l'attente d'un accord mettant en place un compte épargne-temps, le salarié pourra, en accord avec le chef d'entreprise, décider de renoncer à des jours ou à des demi-journées de repos prévus dans le cadre d'un accord de réduction du temps de travail.
Cette disposition sera valable également pour les salariés dont le temps de travail est fixé en forfait horaire ou en forfait jours : dix journées ou soixante-dix heures pourront ainsi être travaillées, toujours pour une majoration de 10 %, sans que ces heures s'imputent sur le contingent d'heures supplémentaires.
Par cette formule, vous mettez fin aux 35 heures dans les petites entreprises où a été mis en place un accord de réduction du temps de travail, et ce alors que ces entreprises pouvaient bénéficier d'un régime transitoire.
Il est vrai que, dans ces entreprises, la carence en représentants du personnel a conduit à ce qu'il soit précisé dans la loi relative à la réduction du temps de travail que les accords de branche sont d'application directe.
Mais cette absence de représentants du personnel, si appréciée des employeurs les plus rétifs au dialogue, se retourne aujourd'hui contre eux, puisqu'elle les empêche de mettre en place sans tarder le compte épargne-temps.
Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensons du compte épargne-temps revu et corrigé par les tenants de l'ultralibéralisme : c'est une formidable escroquerie à l'encontre des salariés, dont la rémunération pourra prendre un caractère virtuel, et un crédit gratuit consenti à l'employeur, doublé d'exonérations fiscales et sociales !
Il faut donc, en attendant que les employeurs de ces petites entreprises puissent aussi bénéficier de la manne du compte épargne-temps, mettre en place un système qui leur permette de faire réaliser par les salariés des heures supplémentaires choisies, l'équivalent des heures choisies créées par l'article 2 de la proposition de loi.
Car, nous y insistons, il s'agit bien d'heures supplémentaires : le temps légal, qui est aussi en l'espèce le temps conventionnel, est de 35 heures.
Les salariés qui renoncent à des heures ou à des jours de repos effectuent des heures supplémentaires. Vous le reconnaissez d'ailleurs, monsieur le ministre, en prévoyant un droit à majoration, fût-il de 10 %. Mais votre volonté d'abroger sans le dire ouvertement la loi de réduction du temps de travail vous conduit à refuser l'imputation sur le contingent d'heures supplémentaires.
Dans ces petites entreprises, donc, pas d'accord possible, sauf à voir apparaître un représentant du personnel, même sous la forme d'un salarié mandaté pour la circonstance !
Selon votre rhétorique, ce sont là des complications, des pertes de temps, que dis-je, des entraves à la compétitivité qu'il faut à tout prix éviter !
La solution est venue de l'extérieur et vous permet de faire « d'une pierre deux coups », si j'ose dire. Vous résolvez le problème pratique immédiat : un accord direct employeur-salarié va permettre de réaliser ces heures supplémentaires. Vous employez en effet le même artifice juridique et de vocabulaire qu'à l'article 2 : le salarié est sensé aller demander à l'employeur la faveur de renoncer à ses jours de repos et de réaliser des heures supplémentaires, et l'employeur va se précipiter pour les lui accorder, surtout s'il n'a pas de travail à lui fournir !
Tout cela est un non-sens absolu et ne parvient pas à masquer un retour autoritaire aux quarante heures d'avant 1982. Vous introduisez la flexibilité à 10 % dans les petites entreprises, dont les salariés vont se voir obligés de renoncer à leurs jours de RTT et de réaliser des heures supplémentaires au gré de la volonté patronale, comme cela a toujours été le cas.
Mais, surtout, vous placez une redoutable innovation dans le droit du travail français : l'accord direct salarié-employeur, cet accord pouvant contredire un accord collectif.
Il ne s'agit même plus d'une modification de la hiérarchie des normes entre la loi et les accords collectifs, ou entre les accords collectifs de différents niveaux ; il s'agit de la suppression pure et simple de l'accord collectif, puisque l'objet de l'accord individuel est précisément de le rendre inopérant !
Nous ne manquerons pas de revenir sur la gravité de l'introduction d'une disposition totalement étrangère, et même contraire, à la philosophie de notre droit.
Dans l'immédiat, nous demandons la suppression de l'article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 224.
M. Guy Fischer. Le paragraphe II de l'article 3 est absolument emblématique de la logique dans laquelle se placent les auteurs de la proposition de loi. Tout se passe en effet comme s'il s'agissait d'aller au plus vite.
« Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévu à l'article L. 227-1 du code du travail et directement applicable, dans les entreprises de vingt salariés au plus, le salarié peut ... »
Ce texte est décidément fascinant : dans l'attente, le salarié peut, sans délai, effectuer des heures de temps de travail choisi que l'on ne gratifiera pas du vilain qualificatif de « supplémentaire », alors même que, pendant ce temps, il ne bénéficiera évidemment pas de l'application des lois relatives à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.
Oui, les salariés des petites et moyennes entreprises sont en mesure de travailler plus - pour ne pas gagner beaucoup plus, d'autant qu'ils sont souvent mal payés et soumis au régime sec des bas salaires -, sans bénéficier de comité d'entreprise, de chèques-vacances, sans jouir d'une véritable reconnaissance de leur qualification, et j'en passe...
Avec ce paragraphe II de l'article 3, ils sont maintenant invités à ne pas attendre la signature des accords de branche et à s'imposer à eux-mêmes de travailler plus, et ce pour quelques menues compensations, avec une majoration de 10 % de la rémunération horaire.
Que l'on ne s'y trompe pas, la mesure qui nous est présentée, alors même que 4 millions de salariés des PME n'auront jamais vu la couleur de la RTT, est une pure et simple escroquerie intellectuelle.
Proposer aux salariés de travailler plus quand les rémunérations horaires se situent entre 1 et 1,2 SMIC, nous comprenons que cela puisse forcer les plus en difficultés sur le plan financier. Entre beaucoup de misère et un peu moins, force est de constater que les salariés ne peuvent bien souvent que dire « oui » et qu'ils n'ont pas vraiment le choix !
Où est la liberté du contrat dont s'inspire assez largement la proposition de loi ? Dans les faits, elle n'existe pas.
Pour ces raisons, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 225, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
ou de l'accord collectif de branche
supprimer les mots :
, de groupe, d'entreprise ou d'établissement
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Cet amendement concerne la question essentielle de la gradation des accords relatifs à l'organisation du temps de travail.
Il est évident que l'on ne peut décemment donner quelque valeur que ce soit aux accords signés au niveau d'une entreprise ou d'un établissement en matière de définition du volant d'heures dites « choisies ». Les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de vingt salariés disposent, dans le meilleur des cas, d'un délégué du personnel, éventuellement mandaté par une organisation syndicale représentative, et sont assez souvent, hélas, privés de toute représentation du personnel.
Dans le cas qui nous occupe, avec qui un accord d'entreprise ou d'établissement se négocie-t-il ? De fait, les accords sur l'organisation du temps de travail dans les PME ne peuvent décemment être passés qu'à partir de la négociation collective de branche.
Prenons un exemple : imaginons que l'on décide d'appliquer les dispositions de l'article 3 dans des secteurs comme le commerce de détail - où les entreprises de moins de vingt salariés sont particulièrement nombreuses -, ou encore dans l'hôtellerie-restauration dite « traditionnelle », dont les unités comptent le plus souvent moins de vingt salariés.
Appliquer cet article reviendrait à permettre aux dirigeants de la Fédération nationale de l'industrie hôtelière, si prompts a exiger la baisse de la TVA, d'imposer à leur personnel de nouveaux dépassements horaires, alors même, monsieur le ministre, que vous venez de valider un avenant à la convention collective qui met purement et simplement un terme à la mise en oeuvre des 35 heures.
Appliquer l'article 3, c'est favoriser une « balkanisation » des conditions de travail des salariés, au petit bonheur la chance, et c'est mettre en place un droit du travail à géométrie variable.
Dans les faits, nous nous trouvons en présence d'une situation où l'on ne peut même pas être sûr que les nouvelles règles imposées aux salariés, en termes d'horaires de travail, respectent parfaitement le principe de concurrence libre et non faussée qui figure en toutes lettres dans le projet de Constitution européenne qui sera bientôt soumis au suffrage des électeurs de notre pays, notamment à celui des salariés.
Le calcul est vite fait, nous l'avons montré : avec une semaine de travail portée, dans les faits, à trente-neuf heures, plus deux cent vingt heures supplémentaires contingentées et soixante-dix heures de temps choisi en sus, on aboutit à des moyennes de travail hebdomadaire supérieures à quarante-cinq heures, c'est-à-dire supérieures à ce que l'on rencontrait dans les années soixante !
A suivre les auteurs de cette proposition de loi, non seulement nous mettrions un terme à l'existence des 35 heures pour les salariés des petites et moyennes entreprises mais, en plus, nous reviendrions sur la semaine de quarante heures, telle qu'elle fut votée en juin 1936, à la suite de la signature des accords de Matignon.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que la Chambre des députés élue au printemps de l'année 1936...
M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Et pourquoi ne pas remonter à 1914-1918 !
Mme Eliane Assassi. ... avait validé à une très large majorité le principe de la semaine de quarante heures et qu'une partie importante de ceux qui vous précédèrent à ces mêmes places avaient manifestement compris que le sens de l'Histoire imposait de lâcher du lest sur cette question ?
Je pose une autre question : comment va-t-on réhabiliter la valeur du travail auprès de certains en durcissant toujours plus les contraintes horaires liées à l'exercice d'une activité professionnelle ?
C'est donc tout à fait naturellement que, pour éviter les dérives potentielles liées à la graduation des accords, je ne peux que vous inviter à adopter cet amendement.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je suis attristé de vous entendre dire cela, chère collègue !
Mme Eliane Assassi. Moi, je ne suis pas attristée de le dire !
M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai l'impression d'entendre parler de l'Allemagne de l'Est !
Mme Eliane Assassi. Le mur est tombé, monsieur Fourcade !
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
dans les entreprises de vingt salariés au plus,
insérer les mots :
lorsqu'il n'occupe pas un poste de travail posté ou organisé par équipes successives, ou avec une amplitude pouvant atteindre une journée de dix heures de travail par jour,
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous revenons, monsieur le ministre, sur les dangers de cette disposition d'opting out que vous introduisez dans notre droit.
Ce système existe déjà en Grande-Bretagne et c'est à la demande de ce pays qu'il avait été introduit dans la directive de 1993 sur le temps de travail, actuellement en cours de révision.
Or ce que vous faites aujourd'hui, c'est une anticipation de la révision de la directive de 1993.
Ce procédé vous permettra ensuite de prétendre, si les conclusions que nous craignons sont adoptées, qu'il n'y a pas de régression par rapport au droit français. Ce ne sera en effet pas le cas puisque le droit du travail français aura régressé préventivement, six mois auparavant !
C'est un peu du bricolage, monsieur le ministre, une sorte de « Meccano » préventif !
Cependant, il faut vous reconnaître une certaine astuce de présentation, même si cela n'abuse personne et en tout cas pas les syndicats.
Le Sénat a déjà travaillé sur cet opting out que vous vous préparez à imposer aux salariés des petites entreprises.
Permettez-moi, mes chers collègues, de citer quelques lignes de l'excellente communication faite le 24 novembre dernier par notre collègue Bernard Frimat devant la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
« La directive de 1993 prévoit qu'un Etat membre a la faculté de ne pas appliquer le principe de la durée maximale hebdomadaire de travail, qui est de quarante-huit heures. Lorsque cette clause est autorisée par l'Etat, l'employeur doit simplement obtenir l'accord individuel du travailleur concerné et tenir un registre des travailleurs ayant accepté cette clause. Les protections sont minimales pour le travailleur : la directive indique simplement que le travailleur ne doit subir aucun préjudice en cas de refus.
« Cette clause avait été introduite à la demande du Royaume-Uni, qui privilégie traditionnellement les systèmes où la liberté individuelle prime sur la négociation collective. »
M. Jean-Pierre Godefroy. « D'ailleurs, seul le Royaume-Uni fait usage de cette clause de manière générale et les statistiques montrent qu'environ 20 % des travailleurs britanniques de l'industrie travaillent habituellement plus de quarante-huit heures par semaine. »
M. Jean-Pierre Fourcade. Et ils n'ont que 5 % de chômage !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous en étions nous-mêmes près il y a quelques années, mais vous l'avez fait remonter à 10 % !
Voilà donc, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, l'avenir que vous préparez aux salariés français !
Vous comprendrez donc aisément pourquoi l'amendement n° 87 tend à interdire d'imposer cette pratique d'opting out aux salariés postés ou dont la durée du travail peut atteindre dix heures par jour.
Autoriser de nouvelles heures supplémentaires est en effet incompatible avec l'exercice d'un métier particulièrement pénible ou comportant une amplitude journalière importante et pour lequel la réduction du temps de travail a constitué un progrès indispensable.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous partagez nos préoccupations puisque vous mettez en oeuvre un plan « Santé au travail » et que vous encouragez les négociations entre les partenaires sociaux sur la pénibilité. C'est du moins ce que vous nous avez dit hier soir...
En conséquence, nous vous demandons comment se concilient, dans votre esprit, la promotion de l'opting out et vos efforts affichés dans ce domaine de la santé au travail.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
dans les entreprises de vingt salariés au plus,
insérer les mots :
lorsqu'il n'occupe pas un poste de travail comportant des contraintes posturales et articulaires ou le port de charges lourdes
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis désolé, monsieur le ministre, de devoir revenir sur la position de la France dans la procédure de révision de la directive de 1993 relative à l'aménagement du temps de travail.
La Commission de Bruxelles s'efforce de concilier des positions difficilement conciliables et il est normal, dans une négociation, si l'on veut avancer, que l'on fasse des concessions. Mais encore faut-il que ces dernières soient raisonnables et ne portent pas atteinte aux intérêts fondamentaux des citoyens.
Or, monsieur le ministre, c'est pour nous un sujet d'étonnement, pour ne pas dire plus : comment avez-vous pu, lors de la réunion des ministres de l'emploi qui s'est tenue le 7 décembre 2004, accepter la proposition d'annualisation des quarante-huit heures maximales hebdomadaires qui figurent dans notre code du travail comme une ultime garantie ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On nous dit - et c'est vrai ! - que les droits nationaux peuvent toujours maintenir des garanties supérieures à celles qui constituent le plus petit dénominateur commun entre les vingt-cinq Etats membres.
Certes ! Cependant, l'annualisation n'est pas la diminution de cette limite de quarante-huit heures, elle n'est qu'un mode de calcul différent.
Ce que nous voyons aujourd'hui n'est pas fait pour nous rassurer : il suffira d'une infime modification, par exemple par voie d'amendement, pour que, au nom de l'harmonisation des législations, le précieux adjectif « hebdomadaire » disparaisse. Les salariés risqueraient alors, comme en Grande-Bretagne, de se voir condamnés à effectuer des semaines de soixante heures.
Ce n'est pas l'Europe qui est condamnable dans cette affaire, c'est le fait que les intérêts des citoyens français n'y soient pas mieux défendus, et que l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe, l'UNICE, y joue le même rôle que le MEDEF auprès du gouvernement français.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous renvoyer fort courtoisement au mémorandum syndical établi par la Confédération européenne des syndicats à l'attention de la présidence luxembourgeoise. Il serait judicieux que les représentants de la France s'en inspirent !
Je vous épargne la perte de temps qu'occasionnerait la lecture de ce mémorandum que nous connaissons tous, monsieur le ministre. Il serait néanmoins vraiment utile que ce point fasse l'objet d'une réflexion et que le Gouvernement français s'applique à respecter ce mémorandum au plus près.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il en est même l'inspirateur pour partie, monsieur le sénateur !
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
le salarié
insérer les mots :
, lorsqu'il ne s'agit pas d'un jeune travailleur de moins de dix-huit ans, d'une femme en état de grossesse ou d'un salarié âgé de plus de cinquante ans ayant effectué des travaux pénibles,
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement va dans le même sens que les précédents.
M. Roland Muzeau. C'est de la pédagogie !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il vise à protéger les catégories de travailleurs les plus fragiles contre le dynamitage de la durée du temps de travail que vous avez entrepris.
Avant 1936 et le gouvernement du Front populaire, le patronat exigeait des salariés qu'ils travaillent 2 000 heures par an. Avec les dispositions que nous voyons poindre, on risque d'atteindre le chiffre effarant de 2 054 heures, en toute légalité !
Qu'en sera-t-il des plus fragiles, de tous ceux qui n'ont pas assez de productivité, qui sont trop inexpérimentés ou déjà usés par les conditions de vie et de travail que connaissent tant de travailleurs ?
Comment une mère de famille monoparentale pourra-t-elle faire valoir sa liberté de choix ? Elle se verra contrainte de renoncer, de manière prétendument volontaire, à ses jours de RTT, sous peine de se voir menacée d'un licenciement sans indemnité pour une faute lourde imaginaire, alors qu'il lui faut s'occuper de ses enfants.
Au demeurant, la situation ne sera pas meilleure s'agissant d'un couple si les deux conjoints se voient obligés périodiquement de réaliser des semaines de quarante-huit heures, voire bientôt de soixante heures.
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Outre la pénibilité de tels horaires, c'est une destruction totale des rythmes familiaux et sociaux que vous organisez.
On ne peut pas tenir un grand discours sur la famille d'un côté et détruire de l'autre, avec le code du travail, la famille : il faut être logique ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. Cela fait mal, mais c'est la vérité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Parfaitement ! Tout le monde n'a pas du personnel de maison chez soi !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Oh ! C'est odieux !
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme si la qualité de vie des salariés, le temps qu'ils peuvent consacrer à leurs enfants, à leur vie associative, à leurs loisirs, ne comptaient pas !
Il est bien évident que, pour les auteurs de cette proposition de loi - il est d'ailleurs dommage que le Gouvernement les soutienne intégralement sur ce point : il aurait pu s'en démarquer - cela ne compte pas, puisque les salariés sont réduits au statut de main-d'oeuvre jamais assez productive mais toujours trop onéreuse, à en croire ce que nous entendons dire continuellement. Car si les dividendes, les salaires des grands patrons ne paraissent pas trop onéreux pour les entreprises, le salaire de l'exécutant, a contrario, coûte lui très cher...
Quant aux chiffres du chômage, qui augmentent, ils suscitent de la part du Premier ministre une verbale désolation.
Pourtant, dans les faits, le Gouvernement défend un texte qui ne fera qu'aggraver les conditions de travail de ceux qui ont déjà un emploi, mais sans créer un seul emploi pour les chômeurs.
Je ne fais que répéter ici ce que j'ai dit hier soir fort tard dans la nuit et que MM. Muzeau ou Fischer viennent de rappeler, après M. Dassault, qui est un expert de votre majorité en la matière : ce texte ne créera pas d'emplois !
M. Roland Muzeau. Parfaitement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce texte témoigne à tous égards d'une absence totale de considération et d'humanisme à l'égard des gens modestes.
Seuls le profit et les sommes colossales qui augmenteront encore la fortune d'une infime minorité sont pris en considération ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du II de cet article, supprimer les mots :
, demi-journées ou journées
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 90, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin de la deuxième phrase du II de cet article, remplacer le taux :
10 %
par le taux :
50 %
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise simplement à faire en sorte que les heures, les demi-journées et les jours supplémentaires que réaliseront les salariés des petites entreprises soient rémunérés au taux de majoration de 50 %, et non au taux de 10 %.
Il est en effet pernicieux de généraliser ainsi à l'ensemble des heures supplémentaires ce taux minimal de 10 %, dont nous voyons bien qu'il serait appelé à se généraliser encore plus si vous deviez parvenir à vos fins.
J'ajoute que, dans le cadre de l'article 3, ce taux sera très probablement celui qui sera appliqué lorsque sera mis en place un compte épargne-temps.
Il risque donc d'y avoir une inégalité prolongée bien au-delà de 2008 entre les salariés des entreprises de moins de vingt et un salariés et ceux des grandes entreprises, qui pourraient encore bénéficier d'accords plus favorables et d'une majoration de 25 % pour les quatre premières heures, et de 50 % au-delà.
Par ailleurs, avec une majoration aussi faible, se pose alors à nouveau la question de la dépréciation progressive des sommes placées sur un compte épargne-temps transformé en épargne retraite. On imagine le profit que peut réaliser un employeur en tenant compte de l'ensemble des exonérations fiscales et sociales !
Il nous semble donc correct que la majoration prévue soit portée à 50 %.
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron, est ainsi libellé :
A la fin de la deuxième phrase du II de cet article, remplacer le pourcentage :
10 %
par le pourcentage :
25 %
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 91, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la troisième phrase du II de cet article.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Il n'y a pas lieu de prévoir que les heures, les demi-journées et les journées réalisées individuellement en violation d'un accord collectif de RTT ne s'imputent pas sur le contingent d'heures supplémentaires.
Prévoir une telle disposition, monsieur le ministre, c'est prévoir, de fait, que la durée du travail légale n'est plus de 35 heures.
Quel intérêt y aurait-il à fixer dans la loi une durée de travail, si ce n'est pour établir un seuil de départ au décompte des heures supplémentaires ? Supprimer ce point de départ, c'est supprimer les 35 heures. Ce n'est pas là un geste anodin !
Par ailleurs, s'agissant des repos compensateurs, vous prolongez en fait, et sans limite dans le temps, le régime dérogatoire dont bénéficient les entreprises de vingt salariés au plus.
Dans ces entreprises, le repos compensateur de 50 % des heures supplémentaires ne s'applique qu'à partir de la quarante-deuxième heure. En vertu de votre texte, le temps de travail dans une petite entreprise pourrait donc être couramment d'au moins quarante et une heures, sans repos compensateur.
Il est dommage, monsieur le ministre, que vous-même ou M. Borloo, d'ordinaire si prompt à s'exprimer, n'ayez pas donné à un tel bouleversement législatif tout le retentissement qu'il mérite et je crains que nous ne soyons obligés de nous y employer à votre place !
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin de la dernière phrase du II de cet article, remplacer la date :
31 décembre 2008
par la date :
16 mai 2005
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement, nous ne vous le cacherons pas plus longtemps, monsieur le ministre, est une provocation.
M. Claude Domeizel. Il prévoit de mettre fin au régime transitoire applicable aux petites entreprises non plus le 31 décembre 2008 mais le 16 mai 2005.
Pourquoi cette date ? Ce n'est pas parce que c'est la Saint-Honoré ; ce n'est pas non plus parce que c'est l'anniversaire de gens que je connais bien ; c'est tout simplement parce que c'est le prochain lundi de Pentecôte (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC).
M. Claude Domeizel. Je rappelle, à ce propos, que je suis celui qui avait été chargé, au nom de mon groupe, de démontrer que cette journée de solidarité était une mascarade.
Notre amendement ne fait que répondre à une provocation beaucoup plus grave : celle qui a consisté à supprimer le lundi de Pentecôte de la liste des jours fériés chômés au motif du financement de la dépendance des personnes âgées et de l'aide aux personnes handicapées.
Je ne reviendrai pas sur la pagaille engendrée par le choix, ou le non-choix, de cette date. Je ne reviendrai pas non plus sur la polémique qui a eu lieu, voilà quelque temps, sur l'affectation finale des fonds ainsi recueillis.
M. Guy Fischer. Des milliards d'euros !
M. Claude Domeizel. Tout le monde s'en souvient et nous verrons bientôt ce qu'il en est vraiment. Espérons simplement que les Français n'auront pas, une fois de plus, été abusés.
Ce qu'il faut pourtant relever, c'est que, comme dans le présent cas, nous avons vu cette idée du jour férié travaillé apparaître sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux, telle une sorte de géniale improvisation.
En réalité, le scénario était le même que pour cette proposition de loi : le Gouvernement ne faisait que reprendre une idée fournie par le MEDEF, lequel le sommait déjà de rallonger la durée du travail par tous les moyens et en saisissant toutes les occasions.
Avec cette proposition de loi, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, vous ne faites que poursuivre dans la même voie : l'augmentation de la durée du travail non rémunéré !
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le refus du salarié d'effectuer ces heures, demi-journées ou jours supplémentaires de travail ne constitue pas une faute ou une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Je défendrai en même temps l'amendement n° 94.
Ces deux amendements ont pour objet d'instituer une protection pour le salarié qui, particulièrement dans une petite entreprise dépourvue de représentant du personnel, serait prié par son employeur de renoncer de son plein gré à des jours de RTT et qui refuserait cette offre.
La proposition de loi ne prévoit aucune formalité pour finaliser l'accord entre le salarié et l'employeur.
Il ne prévoit pas non plus de durée pour un tel accord. Est-il définitif ? Est-il concomitant à la signature du contrat de travail ? Comment le salarié peut-il, s'il le souhaite, y mettre un terme ?
Si l'on en croit les travaux de la Commission européenne sur la révision de la directive de 1993, l'opting out ne devrait pas pouvoir, à l'avenir, être une option définitive du salarié : il faudrait un contrat renouvelable, et le salarié pourrait revenir sur son accord à tout moment.
Ces tentatives de limiter les abus les plus criants sont certes louables, mais nous ignorons si le gouvernement français a l'intention de proposer une réglementation minimale allant dans le même sens.
Ce devrait être le cas, monsieur le ministre, si vous considérez ces heures de renoncement comme n'étant pas des heures supplémentaires, mais, pour le moment, rien n'est clair. Allez-vous nous dire de nouveau que vous vous en remettez à l'accord, s'agissant cette fois d'un accord individuel où le salarié est en position de faiblesse totale ?
C'est là une vraie question, et nous souhaitons obtenir une véritable réponse.
M. le président. L'amendement n° 226, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le refus par un salarié de renoncer à des journées ou demi-journées de repos ne constitue ni une faute, ni un motif de licenciement.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La disposition préconisée par notre amendement pour compléter le II de l'article 3 est une simple mesure de parallélisme des formes.
Ainsi, dans la partie du code du travail portant sur le travail à temps partiel, peut-on lire à l'article L. 212-4-3 les éléments suivants : « Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.
« Le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Il en est de même, à l'intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues. »
Toute modification substantielle du contrat de travail d'un salarié à temps partiel qui est rejetée par ledit salarié ne constitue donc pas une faute ou un motif de licenciement.
C'est pour accorder le même type de garanties au salarié refusant de ne pas bénéficier de journées ou de demi-journées de repos qu'il faut expressément prévoir que ce refus ne peut constituer ni une faute ni un motif de licenciement.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le refus du salarié d'effectuer ces heures, demi-journées ou jours supplémentaires de travail ne constitue pas un refus d'une modification d'un élément essentiel du contrat de travail visé à l'article L. 321-1 du même code.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 104 rectifié est présenté par MM. Mercier et Vanlerenberghe, Mme G. Gautier et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 116 rectifié est présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le II de cet article par neuf alinéas ainsi rédigés :
Dans les entreprises de 20 salariés au plus, l'accord d'entreprise visé à l'article L. 227-1 du code du travail peut être conclu, en l'absence de délégué syndical ou délégué du personnel désigné comme délégué syndical, par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale reconnue représentative, sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
Les organisations syndicales visées ci-dessus doivent être informées au plan départemental ou local par l'employeur de sa décision d'engager des négociations dans le cadre l'article L. 227-1 du code du travail.
Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail.
Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut à tout moment mettre fin au mandat. Le mandat précise également les conditions dans lesquelles le salarié mandaté participe, le cas échéant, au suivi de l'accord, dans la limite de douze mois.
L'accord signé par un salarié mandaté doit avoir été approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Participent à la consultation les salariés satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 433-4 ou L. 423-7 du code du travail. Les modalités d'organisation et de déroulement du vote font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et le salarié mandaté. Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral. Les modalités sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir peuvent être fixées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 433-9 du code du travail. La consultation a lieu pendant le temps de travail.
L'accord est communiqué à la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle.
Le temps passé par les salariés mandatés à la négociation de l'accord ainsi qu'aux réunions nécessaires à son suivi est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l'échéance normale. En cas de contestation par l'employeur de l'usage fait du temps ainsi alloué, il lui appartient de saisir la juridiction compétente.
Le salarié mandaté peut être accompagné lors des séances de négociation par un salarié de l'entreprise auquel sont dans ce cas applicables les dispositions du précédent alinéa.
Les salariés mandatés au titre du présent article bénéficient de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 412-18 du code du travail dès que l'employeur aura eu connaissance de l'imminence de leur désignation. La procédure d'autorisation administrative est applicable au licenciement des anciens salariés mandatés pendant une période de douze mois à compter de la date à laquelle leur mandat a pris fin.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l'amendement n° 104 rectifié.
M. Michel Mercier. Cet amendement est très important aux yeux de mon groupe : il donne son sens à l'ensemble de la loi et illustre la façon dont nous concevons celle-ci.
Hier, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, nous avons adopté un amendement qui a, en quelque sorte, « sanctuarisé » les congés payés tels qu'ils existent dans notre pays.
Aujourd'hui, il s'agit de permettre aux organisations syndicales représentatives de participer, dans le cadre légal, à toutes les négociations relatives au temps de travail, qu'il y ait ou non dans l'entreprise des délégués syndicaux ou des délégués du personnel désignés comme délégués syndicaux pour parler au nom des salariés.
Nous proposons donc la mise en place, dans les entreprises qui n'ont pas de représentants syndicaux, d'un système de mandatement par les organisations syndicales représentatives : celui ou celle qui sera mandaté par l'une de ces organisations sera habilité à signer au nom des salariés de l'entreprise un accord pour mettre en oeuvre les nouvelles dispositions relatives à l'organisation du temps de travail.
Ainsi, le présent amendement prévoit notamment les mesures suivantes : « Dans les entreprises de vingt salariés au plus, l'accord d'entreprise visé à l'article L. 227-1 du code du travail peut être conclu, en l'absence de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale reconnue représentative, sur le plan national ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer ».
Il prévoit également un système d'information afin que les organisations syndicales représentatives puissent pleinement jouer le rôle qui leur sera dévolu si l'amendement est adopté. Les organisations syndicales devront donc « être informées au plan départemental ou local par l'employeur de sa décision d'engager des négociations dans le cadre de l'article L. 227-1 du code du travail ».
Il précise en outre les conditions du mandatement. « Ne peuvent être mandatés les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d'entreprise, ainsi que les salariés apparentés au chef d'entreprise mentionnés au premier alinéa des articles L. 423-8 et L. 433-5 du code du travail. »
« Le mandat ainsi assigné doit préciser les modalités selon lesquelles le salarié a été désigné et fixer précisément les termes de la négociation et les obligations d'information pesant sur le mandataire, notamment les conditions selon lesquelles le projet d'accord est soumis au syndicat mandant au terme de la négociation, ainsi que les conditions dans lesquelles le mandant peut à tout moment mettre fin au mandat. Le mandat précise également les conditions dans lesquelles le salarié mandaté participe, le cas échéant, au suivi de l'accord, dans la limite de douze mois. »
L'amendement que j'ai l'honneur de défendre devant notre Haute Assemblée me semble ainsi prendre pleinement en compte le fait syndical dans notre pays. Son adoption donnerait son sens véritable à la loi que nous nous apprêtons à voter en même temps qu'à la notion d'accord collectif : les salariés, qui seront, bien entendu, les acteurs de ces accords, ne seront pas, notamment dans les petites entreprises, des salariés isolés puisqu'ils pourront bénéficier du soutien et de la protection d'une organisation syndicale représentative.
M. le président. L'amendement n° 116 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Mercier, Vanlerenberghe, Amoudry, Badré, Biwer, J. Boyer et Deneux, Mme Dini, M. Détraigne, Mme Férat, MM. A. Giraud et Jégou, Mme Morin-Desailly, M. Nogrix, Mme Payet, MM. Pozzo di Borgo, Soulage et Merceron, est ainsi libellé :
I. - Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le I de l'article L. 212-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire. Chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 %, et les heures suivantes à une majoration de 50 %.
« Toute heure supplémentaire effectuée par un salarié ouvre droit à une exonération de cotisations sociales équivalente au montant du coût induit par la majoration de la rémunération versée au salarié pour chaque heure supplémentaire effectuée par celui-ci, dans la limite des quatre premières heures supplémentaires. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'exonération de cotisations sociales sur le coût induit par la majoration de la rémunération versée au salarié dans la limite des quatre premières heures supplémentaires sont compensées, à due concurrence, par l'augmentation du taux visé à l'article 278 du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 95 est présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 227 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l'amendement n° 95.
Mme Gisèle Printz. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 227.
M. Roland Muzeau. Le paragraphe III de l'article 3 de la proposition de loi prévoit : « Les dispositions du présent article s'appliquent aux entreprises et aux unités économiques et sociales dont l'effectif est au plus égal à vingt salariés à la date de promulgation de la présente loi. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues à l'article L. 620-10 du code du travail. »
Concrètement, cet intéressant paragraphe, ajouté par amendement à l'Assemblée nationale - amendement présenté par le Gouvernement -, procède à une évaluation légèrement différente de la nature des entreprises concernées par les dispositions de l'article 3.
L'article L. 620-10 du code du travail prévoit en effet ceci : « Pour la mise en oeuvre des dispositions du présent code, les effectifs de l'entreprise sont calculés conformément aux dispositions suivantes.
« Les salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée à temps plein et les travailleurs à domicile sont pris intégralement en compte dans l'effectif de l'entreprise.
« Les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, les salariés titulaires d'un contrat de travail intermittent, les travailleurs mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, y compris les travailleurs temporaires, sont pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence au cours des douze mois précédents. Toutefois, les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée, d'un contrat de travail temporaire ou mis à disposition par une entreprise extérieure sont exclus du décompte des effectifs lorsqu'ils remplacent un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu.
« Les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. »
Les dispositions de cet article L. 620-10 pourraient apparaître comme relativement protectrices au regard de l'application de l'article 3 de la présente proposition de loi en ce sens qu'elles excluent de fait du champ de ce dernier un certain nombre d'entreprises qui peuvent fort bien être des composantes d'un groupe comportant plus de vingt salariés.
Le défaut essentiel de ce paragraphe III est cependant de ne pas remettre en question l'équilibre général de la proposition de loi. On peut d'ailleurs considérer qu'il met en évidence l'une des caractéristiques de cette dernière : si le Gouvernement lui-même a pu juger utile de définir avec le plus d'exactitude possible le seuil à retenir pour l'application de l'article 3, c'est bel et bien parce que le champ d'application de cet article doit être, autant que faire se peut, réduit. Et pourquoi le réduire si ce n'est, précisément, parce que cet article est particulièrement néfaste aux intérêts matériels et moraux des salariés ?
Nous sommes opposés, nous avons eu l'occasion de le rappeler brièvement, au contenu de la proposition de loi et nous sommes donc naturellement opposés à tout ce qui contribue à la rendre « acceptable ». C'est donc par coordination avec notre position de fond que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. Avant la première phrase du III de cet article, ajouter une phrase ainsi rédigée :
Les régimes dérogatoires institués par les I et II du présent article prennent fin le 31 décembre 2008, même en l'absence de conventions ou d'accords collectifs prévus par les articles L. 212-5 et L. 227-1 du code du travail applicables à l'entreprise ou à l'unité économique et sociale.
II. En conséquence :
A. Rédiger comme suit le 2 du I de cet article :
2. Dans l'attente de la convention ou de l'accord collectif fixant, conformément à l'article L. 212-5 du code du travail, le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires :
- le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires applicable aux entreprises de vingt salariés au plus est fixé, par dérogation aux dispositions de cet article, à 10 % ;
- le seuil défini au troisième alinéa de l'article L. 212-6 du même code est fixé, pour ces mêmes entreprises, à trente-six heures.
B. Supprimer la dernière phrase du II de cet article.
C. Rédiger comme suit le début de la première phrase du III de cet article :
Les entreprises et unités économiques et sociales auxquelles sont applicables ces régimes transitoires sont celles dont l'effectif...
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Les deux dispositifs dérogatoires institués par l'article 3 sont justifiés par le souci de permettre aux entreprises de vingt salariés ou plus, qui ne sont pas encore couvertes par une convention ou un accord collectif, de s'approprier les nouveaux outils conventionnels mis en place par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Cette réforme, assez lourde, a beaucoup modifié le cadre de la négociation collective. Il est donc nécessaire de donner aux partenaires sociaux le temps de s'y adapter, plus particulièrement dans les PME.
L'article 3 ouvre donc un délai d'un peu plus de trois ans pour parvenir à des accords fixant les taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires et instituant le compte épargne-temps. Comme le Premier ministre s'y est formellement et publiquement engagé, le 7 février dernier, au cours d'une interview à France Inter, ce délai du 31 décembre 2008 est un buttoir qui ne sera pas dépassé.
Avec cet amendement, la commission des affaires économiques souhaite traduire juridiquement cet engagement du Premier ministre en confirmant, de manière claire et explicite, la disparition des régimes dérogatoires de l'article 3 après le 31 décembre 2008.
M. le président. Le sous-amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de l'amendement n° 5 par une phrase ainsi rédigée :
A compter du 1er janvier 2009, les dispositions des articles L. 212-5 et L 212-6 du code du travail sont applicables à l'ensemble des entreprises quels que soient leurs effectifs.
Le sous-amendement n° 236, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le C du II de l'amendement n° 5, après les mots :
entreprises et unités économiques et sociales
insérer les mots :
, y compris agricoles,
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, permettez-moi d'abord de vous dire le plaisir que nous avons de vous revoir au fauteuil de la présidence après votre brillante réélection d'hier.
Madame Lamure, votre amendement est relatif à la date butoir prévue à l'article 3 pour l'application des dispositions dérogatoires. Le Gouvernement y est favorable, sous réserve de l'adoption des deux sous-amendements qu'il a déposés. Ceux-ci indiquent très clairement que les dispositions des articles L. 212-5 et L. 212-6 du code du travail seront applicables à l'ensemble des entreprises, quels que soient leurs effectifs, et que les régimes transitoires concernent également les entreprises et unités économiques et sociales, « y compris agricoles », afin que ces dernières ne se trouvent pas exclues du dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements et sous-amendements ?
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les amendements identiques nos 83 et 214 visent à supprimer l'article 3. A l'évidence, la commission n'accepte pas de démanteler l'architecture du texte. Elle émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Cela ne vous surprend tout de même pas !
M. Roland Muzeau. Nous pensions que nous avions fini par vous convaincre !
M. Louis Souvet, rapporteur. L'amendement n° 215 tend à assimiler le temps de déplacement professionnel à un temps de travail effectif. Je rappelle que le Parlement a adopté une règle différente lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale, à l'automne dernier. La commission ne souhaite pas ouvrir à nouveau un débat qui a été tranché si récemment et elle émet, là encore, un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 216, son adoption rendrait financièrement dissuasif pour les entreprises le recours au régime de l'astreinte. Les salariés doivent être convenablement indemnisés pour les astreintes qu'ils effectuent, mais le taux de majoration proposé par cet amendement me paraît manifestement excessif, madame Assassi. C'est le meilleur moyen de faire échouer votre demande, car, selon un principe que vous connaissez bien, tout ce qui est excessif est sans portée. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) La commission est donc défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable aux amendements nos 217 et 218, qui ont le même objet. En effet, le code du travail précise que la mise en place de l'astreinte doit pouvoir être décidée unilatéralement par l'employeur en cas d'absence de délégué syndical dans l'entreprise ou en cas d'échec des négociations.
En ce qui concerne l'amendement n° 219, le seuil de vingt salariés est celui qui est habituellement retenu dans notre droit du travail pour distinguer les plus petites entreprises des plus grandes. Ne souhaitant pas introduire un nouveau seuil de dix salariés, comme le proposent les auteurs de l'amendement, la commission émet un avis défavorable.
Les amendements nos 100 rectifié, 101 rectifié et 102 rectifié forment un ensemble cohérent. Ils tendent à mettre fin au régime dérogatoire applicable aux petites entreprises en matière de paiement des heures supplémentaires. Ils prévoient également de créer pour l'ensemble des entreprises un nouveau régime d'allégement des cotisations sociales visant à rendre le paiement des heures supplémentaires neutre financièrement pour l'employeur.
Il s'agit d'un schéma intéressant et ambitieux, mais il risque d'être coûteux pour les finances publiques, dans la mesure où chaque salarié effectue, en moyenne, une soixantaine d'heures supplémentaires par an. La commission souhaite donc entendre l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
L'amendement n° 220, qui tend à supprimer le I de l'article 3, s'oppose à la prolongation du régime dérogatoire applicable aux entreprises de moins de vingt salariés. Comme tous les autres amendements de suppression, il reçoit un avis défavorable de la commission.
Pour ce qui est de l'amendement n° 84, nombre de petites entreprises sont dans une situation financière fragile et supporteraient difficilement une augmentation immédiate du taux de majoration applicable aux heures supplémentaires. D'autant qu'elles sont nombreuses à fonctionner sur la base d'un horaire collectif supérieur à 35 heures par semaine, ce qui implique qu'elles aient recours aux heures supplémentaires de manière habituelle.
A l'évidence, on a un avis différent selon que l'on défend le personnel ou l'entreprise. Mais défendre l'entreprise, n'est-ce pas aussi défendre le personnel ? Quand l'entreprise disparaît, que devient le personnel ?
Mme Raymonde Le Texier. S'il n'y a plus de personnel, il n'y a plus d'entreprise !
M. Louis Souvet, rapporteur. Effectivement, mais il est difficile de ménager la chèvre et le chou, notamment en droit du travail.
J'en viens à l'amendement n° 103 rectifié. La mesure qui est proposée par nos collègues de l'Union centriste...
M. Michel Mercier. De l'UDF ! Il faudra vous y faire, mon cher collègue ! Ce n'est pas une chute mais une élévation ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. La mesure qui est proposée par nos collègues de l'UDF, rejoints par nos collègues écologistes, vise à augmenter graduellement le taux de majoration applicable aux heures supplémentaires effectuées dans les petites entreprises pour le porter, d'ici au 1er janvier 2008, au taux de droit commun de 25 %.
La commission estime que cette suggestion n'est pas inintéressante dans la mesure où elle permettrait de lisser la progression de la rémunération des heures supplémentaires.
M. Michel Mercier. Tout à fait !
M. Louis Souvet, rapporteur. En même temps, la commission observe que l'amendement proposé mettrait fin au régime dérogatoire applicable aux petites entreprises dès le 1er janvier 2008, alors que la proposition de loi, qu'elle a approuvée, propose de prolonger la dérogation une année supplémentaire, c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier 2009. Cela me conduit à répéter le propos que je tenais voilà un instant : on a un avis différent selon que l'on veut défendre l'entreprise ou le personnel.
La commission est également sensible au surcoût que cette mesure provoquerait pour les petites entreprises qui ont souvent une très faible assise financière.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission n'a pas émis un avis favorable sur cet amendement : elle s'en remet seulement à la sagesse du Sénat.
L'amendement n° 223 vise à mettre fin au régime dérogatoire applicable aux petites entreprises en matière de rémunération des heures supplémentaires. La commission ne l'entend évidemment pas de cette oreille et elle émet un avis défavorable.
M. Guy Fischer. On change de langage ! (Sourires.)
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour les mêmes raisons, la commission est également défavorable à l'amendement n° 222 qui s'oppose à la prolongation des mesures particulières applicables aux petites entreprises.
S'agissant des amendements identiques nos 85 et 221, la commission émet, là encore, un avis défavorable. En effet, dans les petites entreprises, les heures supplémentaires s'imputent sur le contingent seulement au-delà de la trente-sixième heure. Il s'agit là d'une mesure de souplesse que la commission ne souhaite pas supprimer, car elle est destinée à rendre plus aisé le passage aux 35 heures dans ces entreprises, grâce à une période de transition. Cette disposition est la preuve du traumatisme que le dispositif des 35 heures a causé dans les petites entreprises.
Les amendements identiques nos 86 et 224 visent à supprimer la possibilité qui est donnée aux salariés des petites entreprises, à titre transitoire et dans l'attente d'un accord collectif, de renoncer à des jours de repos en échange d'un complément de rémunération. Sachant que la pratique de la négociation collective est peu développée dans les très petites entreprises, il est sage de prévoir, comme le fait cet article, des dispositions provisoires. La commission est donc défavorable à ces amendements.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 225, qui est contraire à la démarche suivie par la majorité : favoriser la négociation collective décentralisée, afin de mieux tenir compte des besoins de chaque entreprise.
Quant aux amendements nos 87 et 88, qui ont le même objet, leur adoption réduirait considérablement le champ d'application de l'article 3. Les salariés qui renonceraient à quelques jours de repos dans l'année continueront - cela a été répété à maintes reprises - de bénéficier des garanties prévues dans le code du travail en matière de repos quotidien et hebdomadaire. - onze heures de repos entre deux journées de travail - et de repos hebdomadaire - trente-cinq heures de repos entre deux semaines de travail.
Les risques évoqués pour la santé et la sécurité au travail apparaissent quelque peu exagérés : je doute que la renonciation à quelques jours de repos dans l'année menace sérieusement la santé ou la sécurité des travailleurs.
J'ajoute que la rédaction de l'amendement n° 88 est particulièrement imprécise : par exemple, où commencent les contraintes posturales visées par cet amendement ?
Vous l'aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
S'agissant de l'amendement n° 89, des dispositions protectrices des jeunes travailleurs et des femmes enceintes existent déjà dans le code du travail et je crois savoir, monsieur le ministre, qu'une négociation est en cours sur la pénibilité du travail. Dans ces conditions, la modification proposée n'apparaît pas opportune à la commission, qui émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° 90, porter à 50 % le taux de majoration applicable à ces journées de travail supplémentaires rendrait bien évidemment prohibitif le recours à ce dispositif. La commission y est donc défavorable.
Quant à l'amendement n° 91, les heures ou les journées de travail effectuées sur la base de l'article 3 s'apparentent aux heures choisies. Elles ne sont pas soumises au même régime juridique que les heures supplémentaires. Il n'y a donc aucune raison qu'elles s'imputent sur le contingent d'heures supplémentaires. La commission émet également un avis défavorable.
L'amendement n° 92 vise à mettre fin au régime transitoire applicable aux très petites entreprises dans quelques mois, alors que nous souhaitons, au contraire, le prolonger de trois ans. La commission émet un avis défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° 93, l'accomplissement de ces heures ou journées de travail supplémentaires étant laissé au libre choix du salarié, le refus de les accomplir ne saurait constituer une faute. Cet amendement est donc tout à fait superflu et la commission émet un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 226, la renonciation à des journées de repos étant volontaire, un salarié ne s'expose à aucune sanction s'il décide de les conserver. Cet amendement est donc sans objet, et la commission y est défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 94. La décision du salarié d'effectuer ou non des heures ou des journées de travail supplémentaires est en effet sans incidence sur son contrat de travail.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 104 rectifié, la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a introduit dans le code du travail l'article L. 132-26, qui permet, lorsqu'un accord de branche le prévoit, de négocier un accord collectif avec les représentants du personnel ou avec un salarié mandaté, en l'absence d'un délégué syndical.
Il a donc semblé à la commission que l'objet de cet amendement était déjà satisfait Elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur ce point.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 95 et 227. Le paragraphe III de l'article 3 définit le champ d'application dudit article. La commission est donc bien évidemment opposée à sa suppression.
Quant à l'amendement n° 5 de Mme Lamure, il tend à clarifier la rédaction de l'article 3 : il souligne d'une manière plus nette encore le caractère provisoire des mesures proposées. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
S'agissant enfin des sous-amendements n°s 237 et 236 du Gouvernement, la commission y est favorable.
Le sous-amendement n° 237 est rédactionnel : il vise à affirmer plus clairement le caractère transitoire des mesures dérogatoires visées à l'article 3.
Quant au sous-amendement n° 236, il a pour objet d'étendre le bénéfice de ces dispositions aux professions agricoles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires économiques sur les sous-amendements n°s 237 et 236 ?
Mme Elisabeth Lamure, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques n'a pas examiné ces deux sous-amendements. Toutefois, à titre personnel - et je crois me faire l'interprète de la majorité de la commission -, je suis favorable à leur adoption puisque l'un conforte et l'autre complète l'amendement n° 5, que la commission a adopté sur ma proposition.
Le sous-amendement n° 237 indique très clairement qu'à compter du 1er janvier 2009 les articles du code du travail fixant les conditions générales de rémunération et de décompte des heures supplémentaires seront applicables à toutes les entreprises, sans considération de leurs effectifs. Il renforce ainsi la traduction juridique de l'engagement pris par le Premier ministre et que formalise l'amendement n° 5.
Quant au sous-amendement n° 236, il vise à garantir l'application des dispositifs dérogatoires et temporaires prévus par l'article 3 aux entreprises du monde agricole. Il s'agit évidemment d'un complément tout à fait bienvenu.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements, il me paraît nécessaire de revenir brièvement sur l'équilibre général de l'article 3.
L'objectif est clair : il s'agit d'ouvrir aux petites entreprises une nouvelle période transitoire de trois années au maximum pour mettre en place un régime négocié d'heures supplémentaires, en leur octroyant, dans l'intervalle, un régime adapté pour le décompte des heures supplémentaires et pour la majoration des quatre premières heures.
Il s'agit également d'ouvrir aux salariés qui le souhaitent la possibilité, à titre transitoire, de racheter des jours RTT, dans la limite de dix jours par an, ce dans l'attente de la mise en place d'un compte épargne-temps.
Dans les deux cas, ce sont bien des dispositions transitoires et subsidiaires, qui ont vocation à s'effacer dès qu'un accord portant sur les heures supplémentaires ou sur le compte épargne-temps aura été conclu. L'amendement de la commission des affaires économiques le précise très clairement.
Par ailleurs, le développement progressif des nouvelles procédures de négociation prévues par la loi du 4 mai 2004 - négociation par des salariés élus ou mandatés - devrait permettre d'atteindre cet objectif.
Comme je l'ai indiqué hier soir, deux branches ont d'ores et déjà conclu des accords sur ces nouvelles modalités et plus de cinq autres ont bien avancé dans leurs négociations. Mais il pourrait également être possible de mettre en oeuvre, dans ce cas particulier et à titre transitoire - et je réponds là à la proposition d'amendement de M. Mercier, sur laquelle M. le rapporteur a souhaité entendre l'avis du Gouvernement -, d'autres formes de mandatement.
Il s'agit d'une date butoir. En mécanique, un butoir est aussi un élément servant de levier. Ce délai doit permettre le développement de la négociation dans les entreprises dont les salariés ne sont pas couverts par un accord collectif : ils sont 27 %. Car les entreprises comme les salariés ont intérêt à signer des accords collectifs.
Ce n'est donc pas un dispositif pérenne préfigurant le démantèlement de notre droit du travail.
M. Roland Muzeau. Ah si !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce dispositif s'inscrit, au contraire, dans la continuité du régime transitoire institué par la loi Aubry II de 2000, dont les dispositions ont été clairement inscrites dans le code du travail.
M. Roland Muzeau. Nous l'avions dénoncé !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il ne s'agit pas non plus de faire prévaloir une individualisation des rapports de travail.
M. Roland Muzeau. Ah si !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Telle n'est pas notre philosophie ! J'en veux pour preuve la position défendue par la France dans le cadre de la révision de la directive de 1993 : nous demandons très clairement la disparition progressive de l'opt out, qui symbolise une conception individualiste des rapports sociaux. Madame Printz, monsieur Godefroy, notre position n'a pas varié sur ce point.
A cet égard, je veux rappeler quelques-uns des propos que j'ai tenus au mois de décembre, et qui reprenaient des déclarations que j'avais faites le 4 octobre dernier, lors du Conseil des ministres de l'emploi : « J'ai déjà indiqué, en octobre, tout en reconnaissant à la proposition de la Commission le mérite de poser clairement le principe de la prééminence de la négociation collective par rapport à l'accord individuel, que la suppression à terme de l'opt out prévu à titre transitoire par la directive de 1993 devait être un principe clairement affiché. »
Ces propos attestent que la position de la France est claire à cet égard. Sur d'autres sujets, tel le projet de directive « services », j'ai également eu l'occasion de rappeler ce matin la position tout aussi claire du Gouvernement et du Président de la République.
Il ne s'agit pas non plus d'instaurer, à titre définitif, un traitement différencié des entreprises selon leur taille. Le régime transitoire prendra effectivement fin au 31 décembre 2008. Nous nous fondons ici sur un simple principe de réalité.
Les petites entreprises ont, il est vrai, eu beaucoup de mal à « encaisser » le passage aux 35 heures. Lors de la discussion générale, Mme Gautier a rappelé que, selon une étude de la DARES, moins de 20 % des petites entreprises ont pu passer aux 35 heures.
Le législateur en a d'ailleurs tenu compte dans les lois du 19 janvier 2000 et du 17 janvier 2003.
Les dernières études montrent que, dans les branches dans lesquelles les négociations n'ont pas eu lieu, les petites entreprises rencontrent plus de difficultés que les autres à se saisir des nouveaux outils. C'est pourquoi, répondant par là même à l'amendement du groupe UC-UDF, présenté par M. Jégou, je ne souhaite pas un système du type 10-15-20 ou 10-15-25.
La date butoir doit être claire. Mais, entre-temps, nous devons inciter les entreprises à signer des accords collectifs, qui, parfois, retiennent non pas le taux de 25 %, mais un taux supérieur ou inférieur. L'entreprise a l'occasion de définir, en son sein, d'autres modes d'organisation et pas simplement le régime de rémunération des heures supplémentaires. Voilà pourquoi l'article 3 offre un certain nombre de possibilités.
J'en viens aux astreintes. La loi du 17 janvier 2003 a modifié le droit existant sur les astreintes, et ce pour une raison simple : un salarié ayant normalement travaillé durant la semaine ne pouvait pas, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, être d'astreinte le week-end.
Reconnaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour le secteur médical, cela posait un problème majeur, immédiat et insoluble, sachant que la durée de formation d'un médecin spécialiste est, je le rappelle, de douze années. Cela nous conduit au principe de réalité : les permanences médicales doivent être assurées vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. C'est un sujet que M. Fourcade et moi-même connaissons bien.
J'ajoute, monsieur Fischer, que la réglementation en vigueur n'a rien changé en matière de contrepartie financière ou sous forme de repos. Une réflexion est menée sur cette question à l'échelon européen, notamment au sein des Conseils des ministres « santé » et « emploi ».
Monsieur Muzeau, s'agissant de la constitutionnalité des dispositions, il est vrai que, dans ses décisions de 1998 et de 2000, le Conseil constitutionnel a posé le principe selon lequel les différenciations faites en faveur des entreprises suivant leur taille devaient revêtir un caractère temporaire.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais les faits sont têtus, et ils montrent d'ailleurs que les très petites entreprises se sont heurtées à de grandes difficultés.
Cette situation explique qu'il faille prolonger le délai d'adaptation des petites entreprises en maintenant les dispositions dérogatoires, mais en fixant clairement une date butoir. Il n'est pas question d'introduire, par le biais de l'article 3, une forme de pérennisation d'un droit du travail réduit.
Pour répondre enfin aux préoccupations d'une organisation patronale, l'UPA, que vous avez évoquée, j'ajoute que l'article 3 vise à créer une simple faculté et non pas une obligation : rien n'interdit de prévoir un dispositif plus favorable au niveau de la branche ou de l'entreprise.
Madame Le Texier, il faut cesser d'avoir une vision erronée de la hiérarchie des normes. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, l'article 3 ne permet en aucun cas à l'accord individuel de prévaloir sur l'accord collectif. Ce n'est qu'en l'absence d'accord collectif que peut s'appliquer, dans des conditions définies précisément par la loi et limitées dans le temps, un système de rachat de jours ou d'heures de RTT. Je tenais à apporter cette précision, afin que chacun comprenne bien qu'il ne s'agit pas de bouleverser la hiérarchie des normes,...
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... même si nous l'avons fait évoluer.
Comme le constate le professeur Ray, la hiérarchie des normes est constante. Il n'empêche que les accords dans les entreprises ont commencé avec la loi Auroux de 1982.
M. Claude Domeizel. Mais oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis cette date, nous suivons, les uns et les autres, le même cheminement.
Il était, me semble-t-il, important de rappeler tous ces points, monsieur le président.
M. Roland Muzeau. C'était nécessaire !
M. Claude Domeizel. Y compris la loi Auroux !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous organiserons un colloque relatif à l'évolution du droit du travail sur vingt-trois ans, monsieur Domeizel ! (Sourires.)
Le Gouvernement ne souhaite pas, vous le comprendrez, la suppression de l'article 3. Il est donc défavorable aux amendements identiques nos 83 et 214.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 215 relatif au temps de déplacement professionnel. Je rappelle que l'article 69 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 précise que, si le temps de déplacement professionnel « dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail », une indemnisation doit être « déterminée par convention ou accord collectif ou, à défaut, par décision unilatérale de l'employeur ». Un problème se posait : celui qui allait travailler sur un chantier, par exemple, était-il concerné par cette mesure ? La réponse est négative !
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 216 qui concerne les astreintes. J'ai apporté tout à l'heure un éclairage général sur cette question.
Il est également défavorable aux amendements nos 217 et 218.
La mesure relative au repos compensateur obligatoire que tend à instaurer l'amendement n° 219 n'entre pas dans le cadre des objectifs des auteurs de la proposition de loi et nous paraît dépourvue d'objet. Nous avons déjà débattu de ce sujet. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Lors de l'examen des amendements identiques nos 100 rectifié et 220, M. Jean-Jacques Jégou a proposé de passer à un système égalitaire qui serait financé par l'augmentation du niveau de la TVA, notamment par la création d'une sorte de TVA sociale.
Malgré ce mode de financement, le coût de cette mesure s'élèverait, selon nous, à 500 millions d'euros et l'ensemble des exonérations représenteraient 17,1 milliards d'euros. Peut-on, de façon incidente, sur un sujet aussi important, prévoir une mesure de 500 millions d'euros ? (M. Roland Muzeau s'exclame.)
La TVA sociale est une question importante. Un précédent ministre de l'économie et des finances s'est dit prêt à engager le débat sur ce sujet, notamment avec votre assemblée.
Mme Nicole Bricq. Il n'est plus là !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Mercier, sous le bénéfice de ces explications, peut-être accepterez-vous de retirer cet amendement et d'accepter le dispositif que nous préconisons, d'autant que le Gouvernement est favorable à votre proposition de mandatement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 220, qui vise à prévoir des dérogations dans le paiement des heures supplémentaires, comme il est défavorable à l'amendement n° 84, dont l'objet est comparable.
Je viens de l'annoncer, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 103 rectifié, qui tend à instaurer le mandatement afin de favoriser la négociation collective avant la date butoir du 31 décembre 2008.
L'amendement n° 223 concerne le taux de majoration des quatre premières heures supplémentaires. Le Gouvernement, logiquement, y est défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 222, qui vise à ramener la date d'échéance, initialement prévue au 31 décembre 2008, au 1er mars 2005. Votre amendement n° 92, monsieur Domeizel, a le même objet et propose la date du 16 mai 2005. Ces deux amendements diffèrent simplement sur le calendrier : mars est le mois du renouveau ; mai, celui de Marie ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Todeschini. Et la laïcité ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 85 et 221.
Il est également défavorable aux amendements identiques nos 86 et 224, qui tendent à supprimer la possibilité de rachat des jours de repos par accord individuel ; je me suis déjà expliqué sur ce point.
M. Roland Muzeau. Vous avez tort !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dommage !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 225, qui porte sur le régime de rachat des jours de repos par accord de groupe, c'est-à-dire qui décline le niveau de l'accord.
L'amendement n° 87 porte sur le même sujet. Le Gouvernement n'y est pas favorable.
Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 88 et 89.
Mme Raymonde Le Texier. Au moins pour les femmes enceintes !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'amendement n° 89 concerne, notamment, les femmes en état de grossesse.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous attachons beaucoup d'importance à cet amendement, mais nous sentons bien, à la lumière de l'avis du rapporteur et du vôtre, monsieur le ministre, qu'il n'a aucune chance d'être adopté.
C'est pourquoi je souhaite le rectifier - ce n'est pas que cela me fasse plaisir, mais il y a urgence - pour le « cantonner » - si vous me permettez ce terme - aux femmes en état de grossesse.
Pour les femmes enceintes, renoncer aux congés normaux est inacceptable. La commission des affaires sociales a, par exemple, fait en sorte que les mamans qui ont des prématurés bénéficient d'un allongement de congé de maternité pour pouvoir être avec leur enfant. Demander aux femmes enceintes de travailler, même si elles renoncent à leurs congés de leur plein gré, ce n'est pas rendre service à la santé publique, à la maman, à l'enfant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut penser aux générations futures !
M. Jean-Pierre Godefroy. Limiter cette mesure aux femmes enceintes constituerait déjà un progrès.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut préserver les familles !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
le salarié
insérer les mots :
, lorsqu'il ne s'agit pas d'une femme en état de grossesse,
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 89 rectifié ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Je n'ai pas consulté la commission sur cet amendement rectifié, mais, à titre personnel, je n'y suis pas défavorable.
Mme Nicole Bricq. Donc, vous y êtes favorable !
M. Louis Souvet, rapporteur. Effectivement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cette question constitue l'un des livrets de la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité du travail. Répondant à Mme Luc, hier, j'ai déjà précisé que la négociation interprofessionnelle devait aborder ce sujet.
Nous avons toujours la tentation de préempter, en quelque sorte, par une décision législative qui paraît fondée. Qui, en effet, nierait la réalité de la situation des femmes qui travaillent pendant leur grossesse ? Personne ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cela figure dans l'un des livrets de la négociation interprofessionnelle.
M. Louis Souvet, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis le début du débat, je ne cesse de renvoyer à la négociation interprofessionnelle la définition de ces conditions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si c'est dans la loi, c'est mieux !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Néanmoins, sur cet amendement rectifié, après avoir entendu l'avis personnel du rapporteur, le Gouvernement émettra un avis de sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut favoriser la natalité !
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Serait-il possible de nous mettre d'accord afin de remplacer les mots : « une femme en état de grossesse » par les mots : « une femme enceinte » ? (Marques d'approbation sur l'ensemble des travées.)
M. le président. Monsieur Godefroy, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le vice-président de la commission des affaires sociales ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 89 rectifié bis, présenté par Mmes Le Texier, Printz, Voynet, Schillinger, Alquier, Khiari, Demontes et Campion, MM. Domeizel, Godefroy, Mélenchon, Michel, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, après les mots :
le salarié
insérer les mots :
,lorsqu'il ne s'agit pas d'une femme enceinte,
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 89 rectifié bis ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur le ministre, je vous invite à poursuivre votre intervention relative à l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements présentés à l'article 3.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En ce qui concerne l'amendement n° 90, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 101 rectifié, pour les raisons que j'ai données tout à l'heure, monsieur Mercier.
Sur l'amendement n° 91, le Gouvernement émet un avis défavorable ; je m'en suis déjà expliqué.
Sur l'amendement n° 92, le Gouvernement émet un avis défavorable. J'ai déjà évoqué cette date du 16 mai, qui restera dans l'histoire ! (Sourires.)
L'amendement n° 93 porte sur un sujet que nous avons évoqué hier lorsque nous avons défini l'heure supplémentaire et l'heure choisie. Nous n'y sommes pas favorables, nous avons déjà dit pourquoi. Je répète, même si cela ne figure pas dans le texte, que les heures choisies ne sont pas « pénalisables » et ne constituent pas une cause de rupture du contrat de travail.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 226.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 94, même s'il partage un certain nombre des préoccupations qui ont été exprimées.
Monsieur Mercier, l'amendement n° 104 rectifié tend à instituer un système spécifique de mandatement dans les entreprises de vingt salariés au plus pour permettre la conclusion d'accords sur le compte épargne-temps.
Hier, en répondant à l'un de vos collègues, j'ai souligné que notre objectif était de permettre la diffusion la plus large possible de la négociation collective dans les très petites entreprises, qui rencontrent des difficultés particulières. C'est pourquoi la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a ouvert, par accord de branche préalable, de nouvelles modalités de conclusion. Je rappelle notamment qu'un élu du personnel, qui n'est pas automatiquement un représentant syndical, a la possibilité de négocier et de conclure des accords, qui, sous le contrôle de la commission paritaire nationale, ont leur validité. Il est également possible de recourir au mandatement.
Naturellement, cette période transitoire de trois ans pose problème ; cela nous conduit d'ailleurs à prévoir un rachat direct. C'est pourquoi, et je réponds ainsi à M. le rapporteur, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Cet amendement est important, car il étend, pendant cette période transitoire, les possibilités de négociation collective, notamment dans les petites entreprises. Je constate d'ailleurs que, dans un certain nombre d'organismes qui représentent les petites et les moyennes entreprises, il est envisagé de mettre en place des lieux de dialogue social renforcé.
Le Gouvernement, comme la majorité, croit à la primauté du dialogue social, c'est-à-dire à la priorité de l'accord conventionnel sur le recours incessant à la loi, qui doit fixer les grands principes et les cadres.
Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 102 rectifié. J'ai annoncé le coût des mesures proposées ; nous devons mener une réflexion collective. Les propos qu'a tenus Jean-Pierre Fourcade dans la discussion générale méritent d'être rappelés : plus de 17,1 milliards d'euros sont consacrés aux exonérations ; 22 000 euros de manière pérenne, chaque année, pour les emplois créés, notamment dans le cadre des dispositifs mettant en place les 35 heures.
Il faut veiller à ce que l'argent public soit utilisé de façon efficace, même si, grâce à la loi Fillon, nous avons recentré les exonérations sur les bas salaires, exonérations qui sont créatrices d'emplois.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques n°s 95 et 227, qui sont des amendements de suppression.
Madame le rapporteur pour avis, j'ai indiqué tout à l'heure que le Gouvernement était très favorable à votre amendement qui vise à fixer clairement dans la loi une date butoir, donc à permettre d'engager plus aisément le dialogue social. Celui-ci est d'ailleurs facilité par le mandatement prévu, à titre transitoire, dans l'amendement de M. Mercier.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, la commission demande le vote par priorité de l'amendement n° 5 et des sous-amendements noos237 et 236, avant celui de l'amendement n° 83.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je vais donc mettre aux voix par priorité le sous-amendement n° 237.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote .
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je souhaite auparavant obtenir une précision : le vote par priorité de l'amendement n° 5 ne nous empêchera-t-il pas de nous exprimer sur les différents amendements déposés sur l'article 3, notamment sur l'amendement de suppression de cet article ?
M. Guy Fischer. Si, car une fois cet amendement adopté, les autres n'auront plus d'objet !
M. le président. Mon cher collègue, selon le règlement du Sénat, lorsque la commission demande le vote par priorité d'un amendement et que le Gouvernement donne son accord, la priorité est de droit.
Si cet amendement est adopté, bien entendu, ce vote peut avoir des conséquences sur le sort d'autres amendements déposés sur le même article, qui peuvent ainsi se retrouver sans objet...
M. Roland Muzeau. Voilà !
M. le président. ...tout simplement parce que le point sur lequel ils portaient aura été réglementé par les mesures qui auront été votées.
Mme Hélène Luc. C'est pourquoi nous étions contre la réforme !
M. Guy Fischer. C'est pour museler l'opposition, une fois de plus !
M. Roland Muzeau. Concrètement, monsieur le président, si l'amendement n° 5 est adopté, les amendements de suppression de l'article 3 deviendront-ils sans objet ?
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales et M. Michel Mercier. Bien sûr !
M. le président. A partir du moment où le Sénat aura adopté un amendement précisant certains points de l'article 3, à l'évidence, l'amendement de suppression de cet article n'aura plus d'objet.
Cela dit, nous en sommes aux explications de vote sur le sous-amendement n°237, monsieur Muzeau !
M. Roland Muzeau. Cette explication de vote sur le sous-amendement n° 237 est totalement justifiée. Il n'est pas inutile, en effet, à ce stade de nos débats, qui vont, si j'ai bien compris, être écourtés, tout au moins sur l'article 3,...
M. Guy Fischer. C'est cela !
M. Roland Muzeau. ...que nous vous fassions part de notre position. J'imagine que telle n'est pas votre préoccupation première, mais c'est utile à la qualité des débats.
J'ai le sentiment que, sur cet article 3, un certain nombre de désaccords de fond sont patents entre vous et le groupe auquel j'appartiens. Mais il y a également une quasi-étanchéité entre la logique qui fonde vos décisions et celle que nous essayons de vous faire admettre.
Rendez-vous bien compte, mes chers collègues, qu'au cours de nos débats, hormis Jean-Pierre Godefroy qui est intervenu au sujet des femmes enceintes, nous n'avons pratiquement jamais parlé de la situation des femmes dans l'entreprise. J'ai abordé ce point à plusieurs reprises, mais personne ne l'a repris. La présente proposition de loi ne comprend aucune disposition visant à corriger les injustices - que nul ne conteste, toutes les études les ayant démontrées -dont souffrent les femmes au sein des entreprises : elles sont des victimes privilégiées de l'emploi précaire, des contrats à temps partiel, des horaires décalés, et elles touchent des salaires inférieurs à ceux des hommes de 27 %, comme le dénonce le rapport de Mme Zimmermann à l'Assemblée nationale.
Il est affligeant, après trente ans de politique de réduction des inégalités entre hommes et femmes, d'en arriver là ! Ces questions graves ont été évoquées dans nombre d'amendements que j'ai eu l'honneur de défendre avec mes amis.
La persistance de ce problème motive notre désaccord total sur ces trois malheureux articles d'un texte qui se présente sous la forme d'une proposition de loi parce que le Gouvernement n'a pas eu le courage de déposer un projet de loi.
Nous nous retrouvons donc dans une situation assez ubuesque : on tente de nous faire croire que ces trois malheureux articles apportent de simples ajustements techniques rendus inéluctables par la mauvaise santé de notre économie. Bien évidemment, tel n'est pas le cas, nous avons tenté de le démontrer.
Les arguments que je pourrais avancer sont nombreux, mais le temps qui m'est imparti pour expliquer mon vote est, hélas ! très limité. Je tenais cependant à ne pas laisser passer une modeste occasion de vous faire part de ma désapprobation quant à la tournure de nos débats et à l'impasse qui a été faite par le Gouvernement et par la majorité, tout au long de nos débats, sur sort de certains salariés ; ils sont malheureusement quatre millions à vouloir travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je m'élève avec véhémence contre cette méthode de travail ; je l'ai dit hier et je le répète. Jusqu'à maintenant, étaient d'abord mis aux voix les amendements de suppression d'un article. Si, d'aventure, ils étaient adoptés, la discussion s'arrêtait.
Mme Hélène Luc. Eh oui!
M. Claude Domeizel. Or, aujourd'hui, après la présentation d'une kyrielle d'amendements, le vote par priorité est demandé sur l'amendement n° 5 et sur les deux sous-amendements dont il est assorti. C'est scandaleux, car nous sommes ainsi privés de notre droit à nous exprimer.
Mme Hélène Luc. On donne la priorité au Gouvernement !
M. Laurent Béteille. Nous vous écoutons depuis des heures !
Mme Raymonde Le Texier. Pendant trois jours, nous l'avons remarqué !
M. Claude Domeizel. Mon cher collègue, lorsque le Gouvernement que vous soutenez aura créé deux millions d'emplois et qu'il aura fait baisser le chômage d'un million, vous aurez le droit de m'interrompre ! (M. Jean-Marc Todeschini applaudit.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Que n'avez-vous réduit la dette publique ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Depuis trois ans, qu'avez-vous fait ?
M. Roland Muzeau. Nous venons d'avoir les chiffres : ils ne sont pas brillants !
M. Claude Domeizel. Toujours en ce qui concerne la méthode de travail, l'inversion de l'ordre de discussion des amendements a complètement bouleversé nos emplois du temps. Il est très difficile de suivre le déroulement de nos travaux, donc de pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
Notre collègue Mme Voynet, qui a été très assidue durant ces débats,...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Pas aujourd'hui !
M. Claude Domeizel. ... y compris cette nuit, jusqu'à près de trois heures du matin, avait prévu de présenter l'amendement n° 115 rectifié, lequel n'a pas été soutenu puisqu'elle ne pouvait être parmi nous cet après-midi. Cet amendement était du reste identique à l'amendement n° 103 rectifié de M. Mercier.
Par solidarité de groupe, je vais porter à votre connaissance ce qu'elle aurait dit lors de la présentation de cet amendement ; la tournure que prennent nos débats me permet de le faire.
« La proposition de loi prolonge jusqu'au 31 décembre 2008 le régime dérogatoire pour les PME de vingt salariés, auxquelles elle donne le droit d'appliquer un taux de bonification de 10 % aux heures supplémentaires, au lieu de 25 % dans le cas général.
« Le taux dérogatoire était censé, je le rappelle, disparaître au 31 décembre 2005. Huit ans pour s'adapter, cela commence à faire beaucoup !
« En réalité, c'est l'idée même de RTT qui est mise à bas : la proposition de loi élargit la possibilité pour les salariés des PME, "en accord avec le chef d'entreprise", de renoncer à une partie des journées et des demi-journées de repos accordées au titre de la RTT jusqu'à dix jours par an. Ces heures, rémunérées donc à 110 %, ne s'imputeraient pas sur le contingent d'heures supplémentaires ..
« Le temps de travail pourrait ainsi atteindre 46 heures par semaine, ce qui est absolument intolérable !
« Le "provisoire qui dure" a ses limites : afin d'encadrer, dans les entreprises de moins de vingt salariés, la relation entre employeur et employé et de les ramener effectivement dans le droit commun, je propose donc, par cet amendement, de fixer clairement des délais, des échéances, et qu'on n'y revienne plus ! »
Voilà ce qu'aurait dit Mme Voynet !
Si l'amendement n° 103 rectifié de M. Mercier est maintenu et si le Sénat se prononce par scrutin public, nous le voterons, comme nous y sommes autorisés, au nom des sénateurs rattachés à notre groupe.
M. le président. Nous avons bien pris note de votre explication de vote sur le sous-amendement n° 237, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Claude Domeizel. Ce n'était pas le but ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur le sous-amendement n°236. Ne faites pas référence à d'autres amendements, mon cher collègue !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, j'ai le droit, au cours d'une explication de vote, de dire absolument ce que je veux !
M. le président. Dans le règlement intérieur, que vous connaissez beaucoup mieux que moi, mon cher collègue, il est mentionné qu'un parlementaire ne peut s'exprimer au nom d'un autre.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. le président. Ce rappel étant superflu, puisque vous êtes au courant de cette disposition, veuillez poursuivre, monsieur Domeizel.
M. Claude Domeizel. Nous ne voterons pas le sous-amendement n° 236, mais Mme Voynet, si elle avait été présente, vous aurait dit ceci en présentant son amendement n° 116 rectifié. (Marques d'agacement sur les travées de l'UMP.)
« Comme nombre de syndicalistes, je regrette que les modifications introduites dans la loi sur le dialogue social aient inversé la hiérarchie des normes en donnant la possibilité aux accords d'entreprises de déroger, sur beaucoup de points, aux accords de branches.
« Je constate, en tout état de cause, que le droit du travail, à tort ou à raison, aura de plus en plus tendance à se construire aussi au niveau de l'entreprise.
« Les salariés en général sont-ils préparés à cette évolution ? A l'évidence, non. Tous les analystes notent l'asymétrie de la capacité à négocier à l'avantage des directions. Et c'est bien sûr encore plus vrai dans les entreprises moins importantes.
« La spécificité des PME-TPE, liée à la taille des entreprises et au faible nombre de salariés, nécessite des déclinaisons lors de chaque négociation interprofessionnelle.
« L'écart entre salariés de TPE et salariés de grandes entreprises quant aux chances d'accès à certains droits peut aller de un à six, comme dans l'exemple de la formation professionnelle. De ce fait, les salariés tendent à se détourner de ces entreprises au profit des grandes entreprises censées leur offrir des avantages sociaux.
« Observons également que si les PME-TPE sont les plus créatrices d'emplois et les plus dynamiques en création, elles sont aussi les plus pourvoyeuses, si l'on peut dire, de « licenciements secs ». Les salariés ont très souvent des difficultés à s'organiser collectivement : manque de moyens pour le dialogue social, faiblesse des effectifs, trop grande proximité entre salariés et employeurs, prégnance d'une certaine forme d'individualisme, peur de se syndiquer, conscience du fait que la moindre erreur dans l'activité se paye cher en termes d'emploi et d'avenir pour l'entreprise.
« Le système du mandatement, dans le cadre de la première négociation RTT, a fait la preuve de son efficacité : 40 000 salariés ont été mandatés au total. Le bilan de ces mandatements fait apparaître des résultats positifs en termes de relations sociales, de négociation, de création d'emplois et de syndicalisation.
« S'agissant du temps de travail, tout le monde a pu constater que le nombre d'accords conclus était proportionnel à la taille des entreprises.
« L'amendement proposé a donc pour objet de donner aux salariés une meilleure position dans la renégociation de tout accord sur le temps de travail.
« Je constate que la proposition de loi ne dit rien du mandatement et, par conséquent, risque de le faire disparaître. » Mme Voynet proposait donc de le rétablir.
C'est la raison pour laquelle, si l'amendement n° 104 rectifié de M. Mercier est mis aux voix par scrutin public, je suis autorisé à le voter.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, cet amendement me semble mieux rédigé que le texte initial,...
M. Michel Mercier. Ce sont des députés qui l'ont rédigé !
M. Jean-Pierre Fourcade. ...car il montre clairement que le régime dérogatoire, qui est prolongé, prendra fin en 2008 et que l'objectif visé est de fixer par des conventions ou des accords collectifs des taux de majoration qui sont au minimum à 10 %, mais qui peuvent atteindre 17 % ou 18 %. Il est bien que le Parlement marque de manière claire qu'il souhaite que ces taux de majoration, qui avaient été limités à 10 % pour éviter le désastre des 35 heures sur les petites entreprises, puissent être majorés par des conventions ou par des accords collectifs. Par conséquent, l'amendement de la commission des affaires économiques est très bon.
Cet après-midi, j'ai entendu beaucoup de références historiques. De nombreux éléments macroéconomiques ont été évoqués. Tout cela était très intéressant, mais j'ai relevé des erreurs, que je voudrais essayer de rectifier.
Tout d'abord, l'opposition caricaturale entre les grandes entreprises et les petites entreprises ne correspond pas du tout à la réalité. Le sort d'une caissière de la grande distribution est beaucoup moins favorable que celui d'un compagnon menuisier ou d'un garagiste.
M. Roland Muzeau. Vous auriez dû voter nos amendements !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, dire que les toutes petites entreprises sont misérables par rapport aux grandes, c'est une bêtise sur le plan économique. Il suffit de regarder le monde qui nous entoure pour voir que c'est faux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Ensuite, comme je l'ai dit avant-hier à M. le ministre, il est clair que c'est grâce aux petites entreprises, et notamment aux nouvelles entreprises, que nous pouvons espérer contribuer à la baisse du chômage. Les grandes entreprises, surtout avec les 35 heures, pour lesquelles elles sont subventionnées et ont obtenu une certaine modération des salaires de leurs employés, ne créeront pas beaucoup d'emplois. Au cours des prochaines années, la création d'emplois proviendra des services, et notamment du secteur des services à la personne.
Aussi, le fait de leur octroyer trois années de plus pour s'adapter à ce qui est absolument insupportable pour elles, à savoir les 35 heures,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien d'emplois créés ?
M. Jean-Pierre Fourcade. ...est une manifestation de bon sens, et non pas, comme l'a dit M. Domeizel, l'explosion du code du travail.
Enfin, nous sommes les seuls à nous focaliser sur la durée hebdomadaire du travail. Dans tous les pays modernes qui nous entourent ou qui sont nos concurrents, ou qui le seront demain, ce qui importe, c'est la durée annuelle du travail.
M. Roland Muzeau. C'est pas de durée du tout !
M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, l'objectif, c'est d'avoir une durée annuelle. Il aurait fallu, dans la proposition de loi, prévoir une durée annuelle, avec un maximum, bien sûr, pour éviter de revenir à 1925, c'est-à-dire à 60 heures.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va venir !
M. Jean-Pierre Fourcade. En effet, quel que soit le domaine d'activité, les semaines ne sont pas identiques d'un bout de l'année à l'autre : elles dépendent des saisons, des modifications de production, des carnets de commandes. Il est un peu absurde et irréel de se focaliser sur un problème de durée hebdomadaire.
D'ailleurs, dans beaucoup de pays, il n'existe pas de réglementation de la durée hebdomadaire. Seul est prévu un plafond annuel des heures travaillées, qui est fixé à 1 700 heures, à 1 750 heures ou à 1 800 heures, selon qu'il s'agisse de l'Italie, de l'Espagne ou de la Grande-Bretagne. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Dernier point : je donne mon accord aux amendements identiques présentés par Mme Voynet et le président du groupe de l'UC-UDF. En effet, à partir du moment où nous accordons une dérogation pour faciliter l'adaptation des petites entreprises et pour les inciter à créer des emplois, il faut donner des garanties aux salariés.
Pour ma part, j'en vois trois. Tout d'abord, il faut fixer un plafond annuel des heures de travail. Ensuite, il faut prévoir un mandatement ; l'amendement qui nous a été présenté tout à l'heure permet de mandater le représentant d'un syndicat officiellement agréé. Enfin, pour indiquer la voie dans laquelle nous allons, nous pourrions adopter l'amendement qui prévoit, à défaut d'accord, un système de lissage de l'augmentation du coût des heures supplémentaires, afin de bien montrer que nous devrons parvenir en 2008 à un système satisfaisant.
Avec ces trois garanties, nous offrons les moyens d'assurer une adaptation satisfaisante et, en fait, nous travaillons pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Et alors ?
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 83 et 214 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 215.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 102 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 216.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 218.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 103 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 100 rectifié et 220, les amendements nos 84, 103 rectifié, 223, 222, 85, 221, 86 et 224 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 225.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 101 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 101 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 91.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 92 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 93.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 214 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 108 |
Pour l'adoption | 214 |
Le Sénat a adopté.
M. Jean-Pierre Fourcade. Bravo !
M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 102 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Mercier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 102 rectifié est retiré.
En conséquence, les amendements identiques nos 95 et 227 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté.