PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
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souhaits de bieNvenue aux présidents d'assemblées parlementaires des pays de la Méditerranée occidentale
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, j'ai l'honneur et le grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune présidentielle, des présidents d'assemblées parlementaires des pays de la Méditerranée occidentale, à l'occasion de la deuxième réunion parlementaire organisée dans le cadre du dialogue « 5 + 5 ».
Ce dialogue rassemble, pour le Maghreb, l'Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie, et, pour la rive nord de la Méditerranée occidentale, l'Espagne, l'Italie, Malte et le Portugal.
Les présidents des assemblées et des sénats de ces pays ont participé à nos côtés, hier à l'Assemblée nationale et aujourd'hui au Sénat, à des réunions de travail fructueuses, qui s'inscrivent dans le cadre du dialogue informel établi entre les deux rives de mare nostrum.
Le Sénat de la République française est fier et honoré d'accueillir, ensemble, ces personnalités de premier plan. Leur seule présence parmi nous est un signe fort de la solidarité qui unit Méditerranéens du Nord et Méditerranéens du Sud.
Dans un monde plus tourmenté que jamais et alors que le récent élargissement de l'Union européenne peut faire oublier la dimension méditerranéenne de l'Europe, des rencontres comme celles que le Sénat organise aujourd'hui sont de nature à renforcer nos liens et à créer une unité nécessaire pour lutter contre les risques de fossé entre le Nord et le Sud, l'Orient et l'Occident, l'Islam et la Chrétienté.
Il est essentiel que les démocrates que nous sommes s'allient pour garantir la paix et la stabilité de la Méditerranée, indispensables à la sécurité internationale tant notre histoire, notre culture et notre géographie nous placent au coeur du monde et nous confèrent de ce fait une responsabilité particulière.
La présence des nombreuses et prestigieuses délégations que nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui, et auxquelles j'adresse, au nom du Sénat tout entier, mes souhaits de très cordiale bienvenue, montre que nous partageons ensemble cette ambition de créer entre les hommes solidarité et fraternité.
Soyez sûrs que le Sénat de la République française aura toujours à coeur d'entretenir cette flamme et d'enrichir notre dialogue. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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Modification de l'ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, sur la proposition de la commission des finances et en accord avec le Gouvernement, la discussion des crédits affectés au tourisme, qui était prévue à la fin de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, mercredi 8 décembre 2004, est inscrite au début de l'ordre du jour de la séance du jeudi 9 décembre 2004.
En conséquence, l'ordre du jour de la séance du jeudi 9 décembre 2004 s'établit comme suit :
Le matin, à quinze heures et le soir :
- Projet de loi de finances pour 2005 :
-Equipement, transports, aménagement du territoire, tourisme et mer : IV-Tourisme ;
-Travail, santé et cohésion sociale :
I- Emploi et travail (+ articles 74 à 76) ;
(Procédure de questions et de réponses suivi d'un droit de réplique des sénateurs.)
III- Ville et rénovation urbaine ;
IV- Logement (+ articles 80 et 81) ;
-Ecologie et développement durable.
(Procédure de questions et de réponses suivi d'un droit de réplique des sénateurs.)
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Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Outre-mer (suite)
M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai aucun motif de cacher l'émotion que je ressens au moment de m'exprimer pour la première fois du haut de cette tribune au nom de la population mahoraise.
Mes premiers contacts avec la Haute Assemblée remontent en effet aux années 1974 et 1975, période où le sort et le destin de Mayotte paraissaient bien incertains, et même très compromis.
Je dois dire que, dans notre combat pour Mayotte française avec Marcel Henry, les encouragements et les appuis les plus sûrs nous sont venus de diverses travées de cet hémicycle et de tous bords politiques.
C'est pourquoi je tiens personnellement à rendre un hommage de gratitude à la mémoire de tous ceux qui ont ainsi mérité l'infinie reconnaissance des Mahorais : au président Alain Poher ainsi qu'au directeur adjoint de son cabinet, René Peyrou, au sénateur Baudouin de Hauteclocque, défenseur intransigeant, à la commission des lois, du droit de Mayotte à rester dans la République, à Max Lejeune, à Geoffroy de Montalembert, à Marcel Champeix, président du groupe socialiste au Sénat, qui nous ont aidés, avec quelques autres, à résister à ce que certains appelaient - quelle illusion ! - le « sens de l'histoire » ou le « vent de l'histoire »...
Permettez-moi encore, mes chers collègues, de rappeler très brièvement un ou deux souvenirs qui n'ont rien d'anecdotique.
C'est du bureau de René Peyrou à la présidence du Sénat qu'ont été transmis, par mes soins, les télégrammes adressés aux plus hautes autorités de l'Etat et destinés à placer Mayotte sous la protection de la République et de la loi françaises. C'était, je m'en souviens très bien, le dimanche 6 juillet 1975, le jour même de la proclamation unilatérale de l'indépendance des Comores par les responsables locaux.
Au principe de l'intangibilité de frontières coloniales, nous opposions « le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ».
Mes chers collègues, Mayotte, sur ce point, n'a jamais changé d'opinion ni de discours.
Autre souvenir, un peu plus lointain mais également significatif et combien décisif : l'amendement, adopté le 12 novembre 1974 par la commission des lois du Sénat, substituant au projet de loi organisant une consultation de « la » population un texte prévoyant de consulter « les » populations des Comores.
Cette substitution du pluriel au singulier permettant la consultation île par île de l'archipel comorien résultait de ce fameux amendement, rédigé - avec quelle subtilité ! - par un administrateur de la commission des lois du Sénat, Jean-Dominique Lassaigne. S'il m'entend, qu'il accepte que je le remercie encore une fois !
C'est en s'appuyant sur cette disposition législative et salvatrice que le Conseil constitutionnel a justifié le décompte île par île des résultats et permis d'organiser une nouvelle consultation d'autodétermination à Mayotte.
Depuis lors, les Mahorais n'ont pas cessé, avec le concours de nombreux amis - je songe notamment à M. Didier Béoutis, de l'Association pour Mayotte française, à Me Vallery-Radot, avocat à Paris, ou à M. Pierre Pujo -, de réclamer « l'ancrage » définitif de Mayotte dans la République.
Plus que jamais, les Mahorais souhaitent accéder au statut de département d'outre-mer, qui leur apparaît, à juste titre, comme la plus sûre garantie de leurs libertés et de leurs progrès dans la voie du développement économique, social et culturel.
C'est à ce titre et dans cet esprit, mes chers collègues, que j'aborde maintenant les questions relatives au budget du ministère de l'outre-mer pour 2005, qui est aujourd'hui soumis à l'appréciation et au vote de notre Haute Assemblée.
Ce budget de 1,6 milliards d'euros appelle de ma part deux observations générales et plusieurs interrogations.
Ma première observation a trait à l'évolution affichée de 52 % du montant global de votre projet de budget, madame la ministre, dont vous avez vous-même reconnu, en commission, le caractère quelque peu artificiel.
Une telle hausse est liée à l'intégration dans ce budget de plus de 678 millions d'euros de crédits qui relevaient auparavant du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
Certes, les apparences d'un budget en croissance continue sont sauves, mais je crains qu'une telle démarche, si elle cessait d'être exceptionnelle, n'aboutisse au « désengagement » des ministères vis-à-vis de nos collectivités. Mayotte, qui a tant de mal à obtenir l'intervention des services publics d'Etat sur son territoire, serait ainsi lourdement pénalisée.
Ma seconde observation d'ordre général concerne la mise en oeuvre de l'impératif de rattrapage inscrit depuis longtemps dans les diverses conventions de développement signées depuis 1986, dans la convention Etat-Mayotte 2003-2007 comme dans l'actuel contrat de plan.
Le même objectif de rattrapage est affiché dans la loi statutaire du 11 juillet 2001, dont le titre V traite du développement économique de Mayotte tout en prévoyant, à l'article 43, la création d'un « fonds de développement » financé notamment par les concours de l'Etat, de la collectivité départementale et de la Communauté européenne.
Permettez-moi, madame la ministre, de vous rappeler, à cet égard, que ce même article 43 prescrit l'établissement et la remise au président du conseil général d'un rapport annuel sur le développement économique de Mayotte. Or, sauf erreur de ma part, ce rapport n'a pas été déposé : il serait bon que, dans les prochaines années, ce document de synthèse soit établi et diffusé avant le vote du budget.
Quoi qu'il en soit, j'observe que Mayotte a beaucoup souffert, au cours des récentes années, de diverses mesures de suspension, de réductions ou d'annulations de crédits qui ont été justifiées par des contraintes ou des difficultés budgétaires. Si chacun doit, certes, prendre sa part des mesures de restriction imposées à tous, il serait cependant souhaitable, ces décisions étant d'application indifférenciée ou uniforme, que des priorités soient mieux affirmées pour ne pas priver l'exigence de « mise à niveau » de toute signification.
Ainsi, s'agissant du réseau routier, la réhabilitation ô combien nécessaire des routes nationales, inscrite pour 2 millions d'euros, n'a réuni que 800 000 euros en 2003 et n'a reçu aucune dotation en 2004, de même que diverses opérations, prévues depuis longtemps dans le contrat de plan pour la déviation des villages, attendent pour être réalisées que soient versés les crédits de paiement.
Il en va de même pour les grandes opérations d'équipement, qu'il s'agisse du port de Longoni ou de l'aéroport. Pour ma part, je souhaiterais que le Gouvernement nous apporte enfin une réponse claire sur l'allongement de la piste d'aviation, qui fait l'objet, depuis des années, d'interminables études.
Il est important, madame la ministre, de nous accorder sur la définition et le contenu de l'impératif de rattrapage économique et social voulu par le législateur.
Toujours dans le souci de combler, progressivement et par des moyens adaptés, nos retards, j'en viens, madame la ministre, aux trois questions qu'a fait naître dans mon esprit votre projet de budget pour 2005.
La première concerne les fonds structurels ouverts aux régions dites « ultra-périphériques » d'Europe, les RUP. Les départements français d'outre-mer appartiennent à cette catégorie, et c'est notamment, d'ailleurs, ce qui explique notre volonté, ancienne et renouvelée, d'accéder au statut de DOM. Si nous n'y parvenons pas, nous demeurerons tributaires du Fonds économique de développement, le FED, dont la compétence s'étend aux pays indépendants d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et dont les concours financiers varient dans une proportion de un à douze par rapport aux « fonds structurels ».
Le Président de la République, ayant parfaitement admis nos raisons, avait écrit au Président de la Commission Européenne pour nous défendre et souligner tout l'intérêt qu'avait Mayotte à figurer désormais parmi les RUP. J'ignore quelle a été la réponse de la Commission, mais j'avais cru comprendre qu'il appartenait au Gouvernement d'engager avec les Etats membres les négociations préalables à l'intégration de Mayotte dans les RUP.
Les explications que vous avez données récemment à l'Assemblée nationale semblent ouvrir des perspectives plus favorables.
J'ai bien compris que la situation des quatre DOM se trouvait aujourd'hui consolidée dans le cadre du nouveau traité européen. Toutefois, s'agissant de Mayotte et de son éventuel passage du statut de PTOM à celui de RUP, vous avez indiqué, madame la ministre, qu'il serait nécessaire « de consulter tout le monde » en raison de la « souplesse nouvelle » introduite dans le traité. Qu'en est-il exactement ? Vos explications, qui contribueront à clarifier notre situation, seront attentivement écoutées à Mayotte.
Ma deuxième question concerne la Société immobilière de Mayotte, la SIM, qui demeure depuis plus d'un quart de siècle l'instrument essentiel de la politique du logement dans notre collectivité.
Cette dernière a pu notamment créer, au fil du temps, un modèle original d'habitat social, la « case SIM », bien adaptée aux besoins de la population, et développer avec les artisans mahorais, dans les divers corps de métiers, un système cohérent et très efficace de coopération professionnelle et technique, dont les résultats sont probants si l'on en juge par les distinctions et récompenses nationales et européennes conférées à la SIM.
D'aucuns projettent, dit-on à Mayotte, de nous appliquer dès l'an prochain le droit commun de la construction sociale avec les logements évolutifs sociaux, ou LES. Je pense, pour ma part, qu'une transition doit être observée afin de permettre l'adaptation des méthodes, des moyens et des hommes à ces productions nouvelles.
Il faut maintenir et relancer les « cases SIM », dont la construction a fléchi ces derniers temps, et, à cet effet, augmenter de 8 millions d'euros la dotation de la ligne budgétaire unique, la LBU, pour la mise à niveau de la politique de construction à Mayotte.
Madame la ministre, mes chers collègues, ma dernière question me permettra d'exprimer une conviction très ancienne : les Mahorais doivent être les acteurs vigilants et dynamiques de leur propre développement, et non pas de simples spectateurs. Il n'est ni possible ni souhaitable d'installer Mayotte dans une sorte d'assistanat généralisé. Il faut, en revanche, aider les familles et les personnes les plus démunies en raison de l'âge ou des handicaps sociaux.
Il m'est particulièrement agréable de remercier ma distinguée collègue de la Réunion, Mme Anne-Marie Payet, d'avoir accepté, sur ma demande, de présenter au bénéfice des familles mahoraises un amendement étendant les conditions d'accès aux allocations familiales, jusqu'à présent limitées à trois enfants.
Une telle proposition, qui se fonde à l'évidence sur un impératif de justice et d'égalité devant la loi républicaine, vise aussi à apporter à des familles souvent déshéritées le supplément de ressources indispensable à la santé comme à la bonne éducation des enfants.
Cet amendement présente un autre mérite, madame la ministre : celui de chercher à atténuer les conséquences de l'article 68 de votre loi de programme de 2003, qui interdit à l'avenir la polygamie. En effet, certains maris ayant profité de ces dispositions nouvelles pour les appliquer à titre rétroactif, de nombreuses femmes avec des enfants à charge se retrouvent maintenant seules et sans ressources.
C'est pour pallier, autant que faire se peut, les effets et les « dégâts collatéraux » de ces dispositions qu'il est proposé d'aider ces femmes abandonnées, en leur accordant le bénéfice de l'allocation de parent isolé.
En définitive, en dépit de la rigueur de la conjoncture budgétaire et financière, ce projet de budget pour 2005 me paraît, notamment à la lecture de l'annexe « jaune » de la loi de finances, équilibré et réaliste. Même s'il ne représente que 12 % à 15 % de l'ensemble des crédits publics consacrés à l'outre-mer, il nous donne l'occasion, encore trop rare, d'avoir une réflexion sur la situation et les perspectives des économies et des sociétés d'outre-mer. C'est pourquoi, malgré les insuffisances que j'ai signalées, je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais, pour débuter mon intervention, aborder la crise politique et sociale que connaît actuellement la Polynésie française.
La campagne électorale de mai 2004 a révélé, comme on le sait, un mécontentement croissant de la population et des élus polynésiens concernant la gestion de M. Flosse.
Le rejet d'un système qui a dominé sans partage les institutions depuis deux décennies et la volonté de changement ont abouti au vaste rassemblement formé autour de M. Temaru, qui dépasse très largement, madame la ministre, la seule mouvance indépendantiste.
Pour sortir de cette situation, il n'y a pas d'autre réponse politique que celle de la démocratie et de la justice sociale.
Après l'annulation par le Conseil d'Etat du scrutin du 23 mai dans les îles du Vent - Tahiti et Moorea -, c'est la voie parlementaire qui est envisagée pour rendre possible une nouvelle consultation. Dans le cadre des négociations conduites à Paris, un accord de principe a été signé entre Gaston Flosse et Oscar Temaru sur la tenue d'élections générales dans les territoires. Mais la proposition de M. Flosse d'attendre dix-huit mois pour les futures élections générales a soulevé, encore une fois, l'inquiétude.
Aujourd'hui, force est donc de constater que la résolution de la crise en Polynésie devra encore attendre. Les discussions entamées à Paris ont, en effet; été suspendues, après le départ de Gaston Flosse pour Papeete.
Face à cette crise profonde, le gouvernement français doit intervenir, madame la ministre, en tant que garant de la démocratie et de la justice. Il doit permettre aux Polynésiens de s'exprimer.
Las de la corruption des dirigeants de Papeete, de l'absence de démocratie et de l'accroissement des inégalités sociales qui ravagent leur archipel, les Polynésiens désirent un changement radical. Il est de notre devoir, madame la ministre, de les aider à opérer ce changement. Il est donc désormais urgent de laisser au peuple polynésien, et à lui seul, le libre choix de sa destinée.
Mais j'en viens, madame la ministre, au budget de votre ministère pour 2005, qui s'élève à 1,71 milliard d'euros et enregistre donc, apparemment, une hausse de 52 % par rapport au budget voté en 2004. Cependant, ainsi que vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, il ne s'agit que d'une progression artificielle. En effet, cette hausse est uniquement liée, comme l'a rappelé ce matin M. Henri Torre, rapporteur spécial, au transfert sur le budget de l'outre-mer de crédits destinés à compenser les exonérations fiscales de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, lesquels étaient jusqu'à présent inscrits au budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
En réalité, une comparaison à périmètre constant entre le budget 2004 et le budget 2005 permet de constater que ce dernier s'élève à 1,032 milliard d'euros. Il est donc en diminution de 7,9 % par rapport au budget 2004.
De manière générale, les différentes lignes budgétaires accusent une stagnation, voire une régression si l'on prend en considération une inflation prévisionnelle de 1,8 % en 2005. Concrètement, le budget pour 2005 constitue, madame la ministre, un véritable budget de régression sociale et de désengagement de l'Etat.
Plusieurs évolutions inscrites dans ce budget ne peuvent susciter que l'inquiétude.
Ainsi, les moyens des services, qui représentent 8,7 % du budget, devraient être de 148 millions d'euros, ce qui traduit une baisse de 23 % par rapport à 2004. A cet égard, le maintien de personnels et de moyens de fonctionnements suffisants pour mener à bien les missions du ministère semble fortement compromis.
La réduction de près de 90 millions d'euros - donc de presque un tiers - des crédits du FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, est elle aussi très préoccupante. Alors que l'emploi est supposé constituer une priorité du budget 2005, on peut s'alarmer, madame la ministre, lorsqu'on constate la nette diminution qui affecte le FEDOM, sur lequel sont financés les contrats aidés. Cette mesure s'inscrit, conformément à la logique libérale de votre gouvernement, dans le cadre de la diminution des crédits pour l'emploi.
Par ailleurs, il faut relever la diminution sensible des crédits affectés aux activités culturelles, sportives, sociales et aux activités de la jeunesse, ou encore à la subvention au fonds d'investissement des départements d'outre-mer. Il ne s'agit que de quelques exemples, mais il est important de les relever au moment où l'on nous présente un projet de budget qui affiche la volonté de mettre en oeuvre des mesures à caractère social.
Vous avez indiqué, madame la ministre, que, dans le cadre de la politique de l'emploi, la priorité portera sur le développement de l'emploi dans le secteur marchand. Nous refusons, bien entendu, la logique d'un Etat minimal que sous-tend cet objectif. Au contraire, l'Etat devrait occuper une place importante dans l'outre-mer : la politique de l'emploi ne peut pas reposer simplement sur le secteur marchand.
L'essor de l'emploi doit s'effectuer dans le secteur public et le secteur privé, sans quoi il n'y a pas de développement durable possible. Nous regrettons, madame la ministre, que votre projet de budget ne le permette pas.
Le logement est présenté comme le deuxième axe prioritaire de ce projet de budget. Il s'agit, selon nous, plus que d'une priorité, d'une nécessité impérieuse. L'accroissement de la population, la formation de nombreux jeunes ménages et la croissance des villes rendent nécessaire la construction d'un grand nombre de logements. En effet, le parc actuel est précaire et insalubre,
On constate outre-mer à la fois l'insuffisance du nombre de logements et la persistance d'un habitat insalubre, qui prend parfois la forme de véritables « bidonvilles ». Pour remédier à cette situation catastrophique, il est nécessaire de multiplier les efforts en faveur de la construction de logements sociaux et de la résorption de l'habitat insalubre.
Comment atteindre, madame la ministre, l'objectif de 1 000 nouveaux logements sociaux, quand ce budget se contente de maintenir le niveau d'effort des années 2002 et 2003 ?
Le désengagement opéré par l'Etat dans le domaine du logement a un effet encore plus pervers quand les engagements de l'Etat sont brusquement abandonnés.
A cet égard, la commission des finances de l'Assemblée nationale a fait part de ses inquiétudes quant aux difficultés rencontrées avec la gestion des crédits de l'outre-mer en 2003 et 2004 et sur la ligne budgétaire unique consacrée à la politique du logement. En effet, pendant plusieurs années, l'intégralité des crédits inscrits sur cette ligne n'a pas été consommée en fin d'exercice, ce qui a généré d'importants reports. Le ministère a donc choisi, en 2002 et 2003, de concentrer l'effet des mesures de régulation budgétaire sur cette ligne, entraînant des annulations de crédits importantes et brutales.
Aujourd'hui, les crédits de paiement sont devenus insuffisants au regard des engagements ; des factures impayées sont en instance dans les directions départementales de l'équipement pour un montant global de 20 millions d'euros, comme vous le savez, madame la ministre, alors que 26 millions d'euros de crédits sont gelés en 2004.
Vous prétendez que ce projet de budget favorise également la continuité territoriale. Il s'agit en effet d'un enjeu essentiel pour le développement économique de l'outre-mer et pour l'amélioration du sort des ultramarins vivant en métropole.
En réalité, les crédits n'augmentent que d'un million d'euros dans ce domaine et la dotation pour le passeport mobilité stagne. Or la flambée, depuis trois ans, des prix du transport aérien sur les liaisons aériennes ultramarines pénalise fortement le rapprochement des familles ainsi que le tourisme outre-mer, et l'on ne voit pas comment, dans ces conditions, le principe de continuité territoriale pourrait ne pas être privé de toute effectivité.
L'instauration d'une vraie continuité territoriale passe notamment par l'imposition d'un prix plafond des billets d'avion et la mise en place de tarifs sociaux. Nous regrettons, à cet égard, que le dossier des coûts du transport aérien vers l'outre-mer continue de stagner.
Nous sommes également opposés à votre volonté de faire contribuer les collectivités d'outre-mer au financement de la continuité territoriale. Nous considérons que cela va à l'encontre de la solidarité nationale. Il est nécessaire que l'Etat prenne ses responsabilités face aux abus patents des compagnies aériennes en les obligeant à mettre un terme aux pratiques tarifaires abusives.
A cet égard, on sait que le problème, tant pour les ultramarins que pour l'Etat lorsqu'il paie les billets au titre des congés bonifiés, tient à la situation de quasi-monopole dont Air France bénéficie aujourd'hui. Il est désormais indispensable, madame la ministre, d'imposer des obligations de service public à cette compagnie pour instaurer une continuité territoriale effective.
Concernant le système des congés bonifiés, qui permet aux personnes originaires de l'outre-mer travaillant en métropole de bénéficier, tous les trois ans, de billets d'avion et de deux mois de congés bonifiés outre-mer, vous avez indiqué, madame la ministre, que ce système pourrait être prochainement remplacé par un autre système plus soucieux de l'équilibre budgétaire. Lequel ?
Nous refusons que le système des congés bonifiés soit la cible d'une remise en cause plus générale des droits statutaires des fonctionnaires ultramarins.
La réforme projetée par le Gouvernement s'inscrit dans la ligne des rejets massifs par les employeurs publics des demandes de congés bonifiés et du versement des indemnités d'éloignement des agents. Aussi, nous demandons, madame la ministre, que la transparence sur le contenu et les enjeux de cette réforme soit totale.
Ce projet de budget pour 2005 consacre l'accentuation des désengagements de l'Etat. La solidarité nationale se désagrège toujours plus. Certains ont parlé d'un budget courageux : je ne partage pas cette appréciation. Le sentiment d'abandon, ressenti durement depuis deux ans par nos concitoyens, est consacré officiellement avec votre projet de budget.
C'est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Guadeloupe vit un hivernage douloureux. Des pluies exceptionnelles ont causé des inondations à répétition, particulièrement en Côte-sous-le-Vent, provoquant des dégradations importantes du réseau routier et des habitations privées.
Le 21 novembre 2004, un séisme d'une magnitude rare a frappé la Guadeloupe, particulièrement les Saintes, archipel dans l'archipel, dont les deux communes souffraient déjà des handicaps liés à ce que l'on qualifie désormais de « double insularité ».
Sans une intervention tout à fait exceptionnelle de l'Etat, à la mesure de la gravité des événements, ce séisme pourrait enfermer Terre-de-Haut et Terre-de-Bas dans une troisième insularité. Ces « îles-communes » seraient dès lors menacées à terme de mort.
Madame la ministre, je sais que je parle à une convaincue. En effet, dès le lendemain du séisme, nous étions, vous et moi, ainsi que Mme Michaux-Chevry, sur le même vol transatlantique qui relie Paris à la Guadeloupe.
Je tiens ici à vous féliciter : les habitants de Terre-de-Bas ont apprécié la présence rapide de l'Etat, représenté par votre personne.
Je vous sais également gré de votre décision d'accorder une aide d'urgence exceptionnelle de 200 000 euros aux sinistrés. Mais c'était avant votre visite à Terre-de-Bas et l'évaluation rapide des dégâts à laquelle vous avez pu personnellement procéder à cette occasion, madame la ministre, vous a sans doute montré que nous sommes encore très loin du compte.
C'est d'autant plus vrai que vous n'avez pas pu visiter Terre-de-Haut : des pans entiers du « Pain de sucre » ont été précipités dans l'Atlantique ! Je vous l'assure, le préjudice subi, tant en ce qui concerne les édifices publics que les constructions privées, y est au moins équivalent à celui qui a été subi par Terre-de-Bas.
Madame la ministre, mes chers collègues, avant de poursuivre mon propos, je veux rendre un double hommage, et je suis heureux de pouvoir le faire ici, au Sénat, où je prends la parole pour la première fois, et prendre ainsi à témoin les membres de notre Haute Assemblée.
Tout d'abord, je m'incline respectueusement devant la population des Saintes pour son courage et pour le sang-froid dont elle a fait preuve dans des circonstances qu'on ne peut souhaiter à personne.
Je veux ensuite distinguer deux hommes dont le comportement exemplaire honore tous les élus. Ce sont deux modestes maires : Fred Beaujour et Louis Molinié. Leurs communes font partie des plus petites de l'archipel. Mais je reconnais humblement que, moi-même, maire de la plus grande ville de Guadeloupe, j'aimerais pouvoir affirmer qu'en de telles circonstances, face à une telle adversité, j'aurais su agir avec un égal discernement, avec le même dévouement, avec autant d'efficacité, en somme avec un tel altruisme. Des maires de cette trempe me remplissent d'une légitime fierté, car ce sont les héros républicains d'aujourd'hui.
Si j'en parle en ces termes, madame la ministre, c'est que de tels hommes, de tels élus ne méritent pas qu'on les abandonne sitôt passée l'émotion, les attentions et les bonnes intentions des premiers jours.
C'est pourquoi je demande qu'aux Saintes l'action de l'Etat soit exemplaire, d'autant qu'il s'agit de deux petites collectivités, représentant à peine la population d'un îlot d'immeubles d'un quartier de Paris. Je demande donc que la reconstruction des bâtiments publics les plus symboliques de la République - mairies, écoles - soit prise en charge à 100 % par l'Etat.
C'est avec en mémoire ces images de désolation, mais aussi avec espérance que j'ai examiné, madame la ministre, le projet de budget que vous nous présentez.
C'est aussi avec un esprit ouvert que j'ai étudié ce projet de budget, avec le souci d'y trouver réponse à nos attentes légitimes et à celles de nos populations.
Globalement, madame la ministre, je crois en votre volonté d'établir le meilleur budget possible avec les moyens qui vous sont consentis. Toutefois, en la circonstance, je dois déplorer les limites étroites du possible. En effet, que ce soit en valeur absolue ou en valeur réelle, non seulement votre budget n'augmente pas mais il diminue - on l'a dit avant moi - et, avouons-le franchement, le transfert de crédits venus d'autres ministères provoque une « enflure » qui ne saurait faire illusion.
S'agissant des deux priorités affichées par l'Etat, l'emploi et le logement, si je ne méconnais pas les efforts accomplis depuis quelques années par différents gouvernements, je ne peux, pour autant, être satisfait du résultat.
Tout d'abord, sur la question majeure de l'emploi, il est vrai que nous connaissons un frémissement heureux depuis quelque temps, avec notamment une baisse du chômage outre-mer alors qu'il progressait en métropole.
Mais, hélas ! les taux de chômage recensés par l'INSEE restent très nettement supérieurs à la moyenne nationale. Cela fait si longtemps que cette situation inacceptable dure qu'elle a fini par sembler normale. Non, madame la ministre, 30 % de chômeurs, ce n'est pas normal ! L'affirmer, c'est sans doute la première étape de la lutte qui reste à conduire contre ce fléau.
J'ai noté qu'à défaut de pouvoir augmenter les moyens vous aviez la volonté, madame la ministre, à travers la globalisation des crédits relatifs aux emplois aidés, de renforcer l'efficacité du dispositif général en y introduisant plus de souplesse.
Mais, pour atteindre cet objectif, il faut accroître l'accessibilité aux différentes mesures en intensifiant la bataille de l'information auprès des jeunes, des chômeurs et des petites entreprises. Pour ce faire, il faut notamment exiger une démarche plus volontariste des administrations dans la promotion de ces mesures auprès des publics concernés.
Quant à votre deuxième priorité, le logement, vous savez qu'en Guadeloupe, par exemple, 21 000 habitations, soit 15 % du parc, sont classées insalubres. Cela représente les deux tiers de l'habitat insalubre des départements français d'Amérique. Or je ne trouve pas dans le projet de budget des facteurs susceptibles d'entraîner l'éradication, dans des délais raisonnables, de ce véritable fléau, source par ailleurs d'inégalités supplémentaires de toute nature.
Les efforts en faveur du logement méritent donc d'être renforcés. Des dispositifs tels que la location-accession gagneraient à être davantage promus, car ils s'adressent à des populations de niveau intermédiaire, un peu laissées-pour-compte. De même, on attend encore que le prêt à taux zéro joue le rôle pour lequel il a été instauré.
Ces dispositifs ont le mérite d'exister, madame la ministre, mais il faut se fixer des obligations de résultat dans leur mise en oeuvre.
Toujours à propos d'habitat, je veux exprimer une inquiétude, voire une déception. Elle concerne la régularisation de la situation des ménages habitant dans la zone des cinquante pas géométriques. Cette régularisation, prévue pour la énième fois par la loi du 30 décembre 1996, ne donne pas, une fois de plus, les résultats escomptés. Moins de 1 000 dossiers ont été déposés en Guadeloupe, pour 10 000 cas estimés. Vous avez d'ailleurs avoué que, compte tenu des délais inhérents aux procédures de cession, aucune aide n'a été accordée en 2003 dans le cadre de ce dispositif.
Cet échec repose pour une large part sur l'importance du nombre de refus de validation, que les requérants soient porteurs à titre personnel de leurs titres de propriété ou que leurs droits découlent de ceux de leurs ascendants, acquis depuis parfois plus d'un siècle.
En définitive, après de précédentes opérations de validation ratées- notamment celles qui avaient été engagées par le décret du 30 juin 1955 -, nous sommes restés au point de départ, ou presque, et la précarité reste la règle en Guadeloupe, dans cette zone du littoral déjà bâtie. L'Etat doit donc impérativement reprendre la main dans ce dossier, qui doit fort opportunément prendre le train de la nouvelle loi sur le littoral. Je pense même que notre Haute Assemblée devrait se saisir de ces questions, le cas échéant en créant une mission d'information parlementaire.
Si je reste sur ma faim s'agissant des deux priorités définies par le Gouvernement, vous imaginerez aisément, madame la ministre, que je sois amené à souligner également d'autres motifs de déception pour nous, élus d'outre mer.
Vous savez mieux que quiconque les difficultés financières auxquelles sont confrontés les conseils municipaux des communes d'outre mer. Qu'il me soit permis d'affirmer ici solennellement que l'idée selon laquelle les maires de Guadeloupe et leurs conseils municipaux seraient moins aptes que leurs homologues exerçant sous d'autres cieux à remplir leurs fonctions ne saurait raisonnablement prospérer dès lors que l'on prend en compte la réalité du contexte dans lequel ils évoluent.
Très clairement, dans une situation de chômage massif telle qu'elle a été évoquée tout à l'heure, les maires qui nous ont précédé, voilà vingt ou trente ans, furent des précurseurs dans le traitement social du chômage. En effet, il est bon de rappeler que, à cette époque, l'indemnisation du chômage n'avait pas cours chez nous, le RMI n'existait pas, et il a fallu mettre en oeuvre des recrutements sociaux, qui se traduisent aujourd'hui par des sureffectifs chroniques.
C'est dans un tel contexte que l'Etat, fort généreusement bien sûr, a décidé de réduire la précarité dans l'emploi public, notamment en 1996, 1998 et 2001. Dès lors, comment ignorer les effets mécaniques de ces dispositions légales, qui ont plongé les communes dans une recherche d'équilibre budgétaire frisant la mission impossible, sachant que le passage des agents de la situation de contractuel au statut de fonctionnaire entraîne ipso facto un surcoût de 40 % sur la rémunération des personnels ?
De plus, toutes nos municipalités doivent supporter le choc des frais d'approche sur leurs achats, qui s'élèvent, chacun en convient, à près de 20 %.
Tout cela pour vous dire, madame la ministre, que la détermination de nos dotations globales ne prend pas suffisamment en compte ces éléments discriminants. Et, même avec la réforme projetée de la dotation globale de fonctionnement des communes, le compte n'y sera pas, car le problème de fond demeure : l'inégalité intrinsèque.
Madame la ministre, puisque vous êtes parfaitement informée de ce problème, acceptez-vous de franchir le pas, de mettre la question à plat ? Les élus de la Guadeloupe sont prêts à entreprendre une opération vérité qui ferait la part entre le handicap et d'éventuelles décisions de gestion inadaptées. L'économie et la société guadeloupéennes souffrent des difficultés des communes. Il faut donc traiter ce mal-là aussi.
Voilà qui me conduit à vous dire que les Saintes constituent un condensé de la Guadeloupe tout entière. J'appelle donc votre attention, solennellement là encore, sur l'urgence d'une mise aux normes actuelles des bâtiments publics, une majorité d'entre eux - notamment les écoles, les mairies, les églises - datant de plus d'un demi-siècle. On ne peut pas attendre dans l'inertie que la catastrophe survienne, alors que l'on sait que les communes n'ont pas les moyens de relever le défi de la sécurité de leurs administrés face aux risques majeurs.
C'est un défi que l'Etat doit relever avec nous, et de façon urgente.
Toujours dans le prolongement de la question des dotations financières, vous savez, madame la ministre, que les communes de Guadeloupe ont un contentieux avec l'Etat.
Le bien-fondé de notre revendication est établi puisque, saisie par trois communes, la juridiction administrative a admis cette dernière. Dès lors, pourquoi ne pas commencer par nous rendre ce qui nous est moralement et juridiquement dû ? Là encore, il est urgent que l'Etat agisse en toute équité.
Dans ce même registre, je vous dirai, madame la ministre, que, dans votre projet de budget, vous effleurez la question de la continuité territoriale. C'est bien, et je devrais vous en féliciter, mais les montants affectés sont si faibles que je me demande comment nous allons véritablement avancer. Je pense qu'il n'est pas normal que les régions d'outre-mer soient obligées de faire l'effort !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Marsin. Au total, madame la ministre, nous comptons sur votre volonté de mener une politique qui change réellement la donne en Guadeloupe et dans l'outre-mer en général, une politique qui ne nous laisse pas le sentiment que seules les générations futures auront une chance de voir un jour la Guadeloupe nouvelle que nous appelons de nos voeux.
Vos réponses à toutes ces questions détermineront mon vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, le budget de l'outre-mer bénéficie d'une présentation beaucoup trop avantageuse par rapport à la réalité. Il paraît en hausse alors qu'il est en baisse,...
M. Robert Bret. En trompe-l'oeil !
M. Claude Lise. ... il affiche des priorités qui correspondent bien aux besoins et aux attentes mais qui ne sont pas dotées en conséquence sur le plan budgétaire !
Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne méthode pour éviter certaines critiques !
Cela dit, je ne vais pas vous chercher querelle sur l'augmentation de 52 % : j'ai bien noté que vous vous démarquiez de ceux qui ont cru que l'on pouvait en tirer quelque avantage.
Je ne vais pas entrer non plus dans le débat sur le pourcentage de diminution de ce budget : la question de savoir s'il s'élève à 8 % ou à 2,5 % n'est pas d'un très grand intérêt.
Mes critiques, vous l'avez compris, porteront beaucoup plus sur le sort réservé aux deux grandes priorités affichées : l'emploi et le logement. Voilà bien deux domaines où l'on attend, en effet, une politique offensive. Mais force est de constater que les moyens ne suivent pas, notamment en ce qui concerne les départements d'outre-mer.
C'est ainsi que l'on voit le fonds pour l'emploi des DOM diminuer - cela a été dit - de 28,4 %, alors même que le chômage repart à la hausse depuis quelques mois.
Il avait, certes, baissé de quelques points depuis 1999, sous les effets successifs et complémentaires de la loi d'orientation pour l'outre-mer, puis de votre loi de programme pour l'outre-mer. Mais, l'année dernière déjà, cette tendance à la baisse a marqué le pas.
En Martinique, le phénomène est d'autant plus prononcé que la crise de la banane, que j'ai évoquée dans le rapport pour avis que j'ai présenté au nom de la commission des affaires économiques, a déjà provoqué la perte de près de 600 emplois depuis le début de l'année.
L'insuffisance de moyens que je viens de dénoncer est, par ailleurs, mise au service d'une conception qui, en matière d'emplois aidés, fait la part trop belle à l'incantation.
Il ne suffit pas de prendre avantageusement parti pour l'emploi marchand, comme s'il y avait, en face, des tenants fanatiques de l'emploi non marchand. L'emploi marchand ne se décrète pas, hélas ! Et vous savez bien que, malgré le dynamisme d'acteurs économiques davantage créateurs d'entreprises et d'emplois que dans l'Hexagone, l'offre d'emplois dans le secteur marchand est loin de se situer, dans les DOM, à la hauteur de la demande.
Dès lors, faut-il, par rigidité idéologique, laisser sombrer des pans entiers de notre population - et surtout de notre jeunesse - dans l'exclusion et la désespérance ?
Je refuse de m'y résoudre, tout simplement parce que j'en évalue bien les conséquences. Et c'est pourquoi je vous demande avec insistance, madame la ministre, de maintenir un volet suffisant d'emplois aidés, qui ont fait leur preuve : je pense notamment aux contrats emploi-solidarité, les CES, aux contrats emplois consolidés, les CEC, et, surtout, aux emplois-jeunes.
Je veux attirer aussi votre attention sur la nécessité d'accentuer l'effort, en matière d'emplois marchands, sur des dispositifs qui sont quelque peu négligés alors qu'ils donnent de très bons résultats lorsqu'ils sont mis en oeuvre : le congé solidarité et le projet initiative-jeune.
La deuxième priorité affichée dans ce budget a trait au logement social. C'est un domaine où un retard considérable doit être rattrapé. Or que révèle l'examen de la ligne budgétaire unique ? Force est de constater une baisse de 6,5 % des autorisations de programme et la simple reconduction des crédits de paiement, alors que les dotations stagnent depuis deux ans et que des gels et des annulations de crédits sont venus brutalement réduire, en cours d'année, les moyens mis à la disposition des opérateurs sociaux.
Je vous ai d'ailleurs adressé une question écrite, madame la ministre, faisant état de la situation en Martinique où, sur 41,7 millions d'euros programmés par le conseil départemental de l'habitat, le CDH, en début d'année - en tenant compte des réductions observées en 2003 -, seuls 25,8 millions d'euros ont été délégués en autorisations de programme.
En outre, il manque toujours, à l'heure actuelle, plus de 8 millions d'euros de crédits de paiement pour payer des entreprises et éviter l'arrêt de certains chantiers.
Il est donc urgent que des crédits supplémentaires soient débloqués pour éviter de réduire encore l'offre de logements sociaux et de pénaliser à la fois un grand nombre de familles en attente et, ne l'oublions pas, un secteur économique éminemment créateur d'emplois.
Peut-on, dans ces conditions, parler de priorité budgétaire ? Nous avons plutôt le sentiment d'être incités à freiner le rythme de réalisation des logements sociaux, alors même qu'il existe - notamment en Martinique, et je peux en témoigner - d'évidentes possibilités d'en construire davantage et que de réels efforts sont consentis dans ce sens.
Mais, là encore, l'insuffisance des moyens est aggravée par la politique menée, qui n'accorde pas toute l'attention nécessaire à la prise en compte des réalités locales.
Ainsi, comment peut-on appliquer sans précaution un dispositif tel que celui qui est prévu pour le logement dans la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales dans des départements qui souffrent déjà d'enchevêtrements de compétences paralysants ?
Multiplier les intervenants dans un domaine où les conseils généraux des DOM avaient fait leurs preuves et avaient vu leurs compétences renforcées par la loi d'orientation ne conduira pas à de meilleurs résultats, bien au contraire. Les frais de fonctionnement s'accroîtront et, surtout, il deviendra beaucoup plus difficile d'obtenir une appréhension globale et une mise en oeuvre cohérente des politiques.
Vous allez m'objecter, madame la ministre, que, s'agissant du logement comme d'ailleurs du transport, des possibilités d'adaptation des textes législatifs sont offertes aux collectivités locales par l'article 73 de la Constitution. C'est tout à fait exact, mais ces adaptations nécessitent, comme vous le savez, l'adoption préalable par le Parlement d'une loi organique, celle-là même que d'aucuns s'étaient amusés à présenter comme un épouvantail voilà un an ! (M. Robert Bret s'exclame.)
A-t-on une chance de voir voter cette dernière courant 2005 ? Il ne s'agirait là que d'une première étape de la résolution du problème, puisqu'il resterait encore à soumettre au Parlement un texte d'habilitation.
D'ici là, je ne suis pas sûr que nous ne serons pas déjà confrontés à une situation catastrophique dans ce domaine.
C'est pourquoi il me paraît beaucoup plus simple que le Gouvernement rattrape son erreur en présentant rapidement au Parlement une mesure législative visant à suspendre l'application de toute une série de dispositions de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui posent des problèmes dans les DOM.
Je pourrais encore illustrer le décalage qu'affiche ce projet de budget entre certains objectifs annoncés et les moyens qui sont effectivement prévus par un autre exemple : celui de la politique de continuité territoriale.
Je ne m'attarderai pas sur ce point, mais, dans la mesure où il donne lieu à un appel à contribution de la part des collectivités territoriales, il me permet de faire la transition avec une question que je ne peux passer sous silence, qui concerne précisément la situation des collectivités territoriales dans les DOM.
Vous connaissez l'insuffisance de leurs ressources face à la masse de besoins qu'elles doivent satisfaire et aux charges qu'elles doivent supporter, qui sont beaucoup plus importantes que celles que doivent assumer leurs homologues en métropole. D'où l'intérêt de l'article 47 de votre loi de programme, madame la ministre, qui dispose que : « Les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales d'outre-mer font l'objet de dispositions particulières qui tiennent compte de leurs caractères spécifiques ».
Or, s'agissant de la dotation globale de fonctionnement des communes, les dispositions relatives aux collectivités territoriales qui ont été votées à l'article 29 du présent projet de loi de finances n'en donnent qu'une assez pâle traduction.
Par ailleurs, la situation particulière des collectivités qui se verront transférer des compétences est très loin d'être prise en compte.
En ce qui concerne le RMI, par exemple, en Martinique, le différentiel entre les allocations versées en 2004 et les remboursements effectués par l'Etat dépasse déjà 6 millions d'euros ! Vous devinez les menaces que cette somme fait planer sur le budget du conseil général !
Vous comprendrez aussi que cette expérience nous incite à nous opposer fermement au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, de l'éducation nationale.
Madame la ministre, je n'ignore évidemment pas le contexte de restriction budgétaire dans lequel vous avez dû élaborer votre projet de budget pour 2005. Mais vous connaissez trop bien les problèmes, notamment économiques et sociaux, qui se posent dans les départements d'outre-mer pour ne pas comprendre l'insatisfaction que j'éprouve et qui est, en réalité, largement partagée.
En fait, les arbitrages budgétaires - dont je préfère croire que vous avez été victime - ne sont pas équitables et révèlent un singulier manque de clairvoyance.
Ils ne sont pas équitables, dans la mesure où, d'une part, ils ne prennent pas suffisamment en compte le poids de certains handicaps qui relèvent autant de l'histoire - ne l'oublions pas - que de la géographie et où, d'autre part, ils semblent sous-estimer excessivement l'importance des efforts qui sont consentis localement pour surmonter ces handicaps.
Ils traduisent aussi un manque de clairvoyance, parce qu'ils font fi des enjeux réels de développement, en privilégiant ce qu'il faut bien appeler une logique purement comptable.
C'est une logique à laquelle nous ne sommes que trop habitués et qui est faussée, de surcroît, par l'idée que nos départements croulent sous l'assistance.
Cependant, par habitant, les dépenses publiques y sont nettement inférieures à la moyenne française - 9 500 euros contre 12 500 euros en 2000 -, tout comme le montant des prestations sociales - 4 200 euros contre 7 400 euros en 2000.
C'est une logique qui gagnerait parfois à s'appuyer davantage sur des études précises. Je pense, par exemple, au dispositif qui a été évoqué à plusieurs reprises de la TVA non perçue mais récupérable. Cette formule quelque peu amusante désigne une disposition qui mériterait cependant un débat beaucoup plus sérieux que celui que nous avons pour l'instant.
Il devient donc urgent de sortir de cette logique comptable qui ne cesse, dans les faits, de se révéler contre-productive, ainsi que de la logique uniformisatrice que l'on voit encore à l'oeuvre actuellement avec l'application sans discernement du deuxième volet de la décentralisation.
Cela implique évidemment une autre vision des départements d'outre-mer, de leurs réalités, de leurs potentialités, du rôle qu'ils pourraient jouer dans les régions du monde où ils se situent.
Madame la ministre, seule une telle vision peut inspirer une politique cohérente, la politique d'envergure que l'on attend toujours et qu'il est nécessaire de mettre en place si l'on veut changer le cours des choses dans nos départements d'outre-mer et enfin dégager pour leurs peuples de vraies perspectives d'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Madame la ministre, les excellents rapporteurs qui viennent de se succéder à la tribune ont déjà fort bien exposé l'économie générale de votre projet de budget. Aussi me contenterai-je, comme c'est un peu la coutume, de revenir sur certains points qui intéressent au premier chef le territoire des îles Wallis-et-Futuna, et je vous soumettrai quelques questions auxquelles, je le sais, vous ne manquerez pas de répondre.
Avant tout, je souhaite, madame la ministre, rendre hommage à votre action incessante en faveur de l'outre-mer et à la pugnacité avec laquelle vous défendez ses intérêts, ...
M. Jean-Louis Carrère. Et voici les violons !
M. Robert Laufoaulu. ... dans un contexte budgétaire qui est encore et toujours difficile. Ainsi, des efforts importants ont été consentis par le Gouvernement pour favoriser le développement des collectivités ultramarines en général, et des îles Wallis-et-Futuna en particulier.
Ma première préoccupation, en tant qu'élu, concerne la jeunesse, qui est l'avenir de notre territoire. Le ministère de l'outre-mer s'est engagé dans une politique volontariste en faveur de la formation professionnelle, et c'est un élément très positif.
L'opération « 40 cadres » a désormais atteint sa vitesse de croisière ; le premier comité de suivi s'est tenu la semaine dernière à Wallis pour prendre en compte la situation de neuf personnes, dont l'une est rentrée sur le territoire et travaille maintenant dans le délicat domaine de la santé animale.
Le dispositif porte donc déjà ses fruits, et nous souhaitons pouvoir l'utiliser pour répondre aux nombreux besoins recensés pour le développement du territoire, parmi lesquels les besoins urgents exprimés par l'agence de santé, notamment pour ce qui concerne la formation de sages-femmes. En effet, pour exercer cette profession, les étudiants doivent, préalablement à la spécialisation, suivre une première année de médecine. Pourriez-vous, madame la ministre, nous aider à trouver des partenariats avec des établissements universitaires afin que ces jeunes puissent suivre le cursus des sages-femmes ainsi que celui des infirmiers d'Etat ?
Madame la ministre, je tiens également à vous remercier de la convention qui vient d'être signée et qui permet le détachement sur le territoire de Wallis-et-Futuna d'un cadre de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, qui est chargé de la mise en place à Wallis du centre de formation professionnelle pour adultes et de la préparation des candidats stagiaires à l'AFPA et à l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT. Je tiens d'ailleurs à souligner l'action efficace et déterminée de cette dernière agence, qui relève de la tutelle de votre ministère. Elle assure l'accueil, la formation et le suivi en métropole de nombreux jeunes Wallisiens et Futuniens qui ont quitté le système scolaire sans qualification.
En ce qui concerne les bourses d'études accordées par le ministère de l'outre-mer aux jeunes bacheliers désirant poursuivre des études supérieures et qui sont pour cela obligés de quitter le territoire de Wallis-et-Futuna, leur nombre est en nette augmentation : il est de quarante-six depuis la rentrée de septembre de 2004. Soyez-en remerciée, madame la ministre, mais permettez-moi d'exprimer une inquiétude quant à la pérennisation de ce système. La réforme étant « dans les tubes », qu'en sera-t-il lorsque ces bourses seront transférées au ministère de l'éducation nationale ? Pouvez-vous me rassurer sur cette question, madame la ministre ?
Hier soir, lors de l'examen du projet de budget de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. François Fillon m'a répondu qu'il engagerait rapidement une réflexion approfondie sur l'enseignement à Wallis-et-Futuna. Madame la ministre, je tiens à vous dire que nous comptons beaucoup sur l'assistance de vos collaborateurs, que je sais très attentifs à nos problèmes, pour que cette négociation aboutisse aux meilleurs résultats possibles pour la jeunesse de la collectivité.
Par ailleurs, je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour revenir sur deux dispositions qui ont été adoptées lors de l'examen du projet de loi de programme pour l'outre-mer.
Tout d'abord, à l'instar de ce qui avait été prévu initialement pour Mayotte, une prime à la création d'emploi a été instituée à Wallis-et-Futuna. Cette disposition, que j'avais proposée ici même en première lecture et qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, entraîne un coût minime pour l'Etat. Toutefois, le montant de la prime a été fixé à un niveau très bas. En réponse à mon collègue député M. Victor Brial, vous avez estimé souhaitable, madame la ministre, de procéder à une première évaluation de la mesure avant d'envisager une modification des taux. Qui la fera, et quand ?
L'article 18 de la loi de programme pour l'outre-mer a également prévu la mise en place d'un dispositif à destination des élèves en grande difficulté scolaire. L'article 55 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, que nous avons tout récemment examiné, permet d'avoir recours à des groupements d'intérêt public pour la création d'équipes de réussite éducative destinées à apporter un soutien éducatif, culturel, social et sanitaire aux élèves des premier et second degrés de l'enseignement. Il est précisé que ces groupements pourront être mis en place à Wallis-et-Futuna. Madame la ministre, comment cette disposition s'articule-t-elle avec l'article 18 de la loi de programme ? Pensez-vous vraiment que la formule juridique du groupement d'intérêt public puisse être appliquée, à Wallis-et-Futuna, à la réussite éducative ?
Dans un tout autre domaine, je tiens à souligner - et je vous en remercie - la grande avancée réalisée dans le domaine de la continuité territoriale avec la métropole, grâce au passeport mobilité, ainsi que les efforts qui sont consentis dans ce projet de budget en faveur de l'agence de santé, dont le budget passe à 16 millions d'euros en 2005, ou de la desserte aérienne entre Wallis et Futuna.
Sur ce dernier point, je tiens cependant à souligner les grandes perturbations entraînées par les pannes fréquentes du Twin-Otter qui assure la liaison entre les deux îles, pannes qui confinent Futuna dans un isolement total pendant parfois plusieurs jours.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est vrai !
M. Robert Laufoaulu. La convention passée entre le territoire de Wallis-et-Futuna et la compagnie Air Calédonie International, Aircalin, doit être revue. Nous souhaitons que l'administrateur supérieur du territoire prenne ce point à coeur, et nous comptons sur le ministère de l'outre-mer pour nous aider dans ces discussions avec Aircalin.
Quant à la desserte extérieure, je ressens de plus de plus un malaise au sein de la population, qui trouve les tarifs excessifs, les horaires peu adaptés et le service insuffisant. En un mot, elle se sent peu considérée. La collectivité, une fois sa dette apurée, doit renouer avec la compagnie pour aboutir à une plus grande transparence et lever les malentendus.
En ce qui concerne la dotation globale de fonctionnement, un amendement a été voté la semaine dernière au Sénat visant à créer une dotation d'ultrapériphéricité ; auparavant, deux amendements avaient été adoptés par l'Assemblée nationale, tendant à prendre en compte les problèmes particuliers de l'outre-mer, d'une part en majorant les dotations de péréquation diverses, d'autre part en faisant bénéficier la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon d'une quote-part de la dotation nationale de péréquation. Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si ces dispositions sont appelées à être pérennes.
Enfin, pour terminer, je reviens vers vous, madame la ministre - comme tous les ans, hélas ! - pour appeler votre attention sur des problèmes récurrents pour lesquels nous sollicitons votre appui.
Dans le cadre du contrat de développement de Wallis-et-Futuna, je veux ainsi aborder la question du retard important pris par certains ministères quant au mandatement des dépenses. II s'agit notamment des ministères de l'écologie, de la culture, des sports et de l'équipement. Peut-être pourriez-vous nous aider, madame la ministre, en insistant auprès de vos collègues du Gouvernement pour qu'ils remédient à ces retards qui sont préjudiciables pour le territoire.
Enfin, je dois de nouveau vous signaler que nous souffrons toujours d'un manque de personnel technique pour faire avancer les travaux.
Madame la ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien apporter aux quelques problèmes que j'ai soulevés, et je voterai, bien entendu, votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre, cette année, de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ne facilite pas, c'est sûr, la comparaison des crédits consacrés à l'outre-mer en 2004 et en 2005. Vous l'avez d'ailleurs souligné, messieurs les rapporteurs, en indiquant que la hausse du budget de 52 % résultait surtout des transferts de crédits provenant d'autres ministères.
En réalité, à périmètre constant, les dotations réservées à l'outre-mer pour 2005 diminuent de 2,8 % par rapport à la loi de finances de 2004. Il est donc clair que ce budget ne figure pas parmi les priorités du Gouvernement.
Pourtant, même si les DOM ont amélioré leurs performances en matière d'emploi au cours de ces deux dernières années, l'outre-mer connaît, dans son ensemble, des difficultés économiques plus sensibles qu'en métropole. Nous en connaissons les raisons ; pour la plupart, elles sont structurelles : la question géographique, le dynamisme de la démographie et l'importance des flux d'immigration nécessitent une politique de soutien plus volontariste, notamment en matière d'emploi, de logement et d'aide à la mobilité.
L'amputation de 130 millions d'euros réalisée au sein du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, la stagnation de la dotation pour le logement ou encore la faible progression des moyens consacrés à la continuité territoriale ne sont pas le signe d'une attention soutenue de la part du Gouvernement à l'égard de l'outre-mer. Tout cela est bien regrettable.
Après ce passage obligé sur l'équilibre général du présent budget, vous me permettrez, madame la ministre, - et c'est l'une des raisons pour lesquelles je souhaitais m'exprimer aujourd'hui - de faire une digression sur un problème politique qui agite depuis quelques mois les eaux du Pacifique. Vous l'aurez compris, je veux parler de la Polynésie française et du désordre qui s'y est installé depuis le renversement du gouvernement d'Oscar Temaru par la motion de censure déposée par le camp de Gaston Flosse.
En effet, depuis le 9 octobre dernier, la Polynésie française traverse une crise sans précédent. A l'Assemblée nationale, vous avez déclaré, madame la ministre : « Il n'y a pas de blocage institutionnel en Polynésie. » On joue sur les mots ! Vous le savez, de la crise politique à la crise institutionnelle, il n'y a qu'un pas et ce territoire est aujourd'hui dans une situation critique.
Sous toutes les latitudes, le vote d'une motion de censure est une sanction exceptionnelle. La seule qui ait été adoptée sous la Ve République remonte au 4 octobre 1962. Ensuite, plus personne ne s'y est aventuré !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et sous la IVe République ?
M. Charles Pasqua. Vous n'avez guère de mémoire, monsieur Baylet !
M. Jean-Michel Baylet. En Polynésie française, cette motion de censure est intervenue quatre mois seulement après qu'Oscar Temaru eut pris le pouvoir et, hasard troublant, à l'approche d'un audit sur les finances publiques.
Madame la ministre, que fallait-il de plus pour provoquer des élections générales ?
Aujourd'hui, l'échec de la table ronde - et même, d'une certaine manière, le mépris de certains à l'égard de celle-ci - conduit à des élections partielles aux Iles-du-Vent. Vous vous êtes réfugiée derrière tous les arguments juridiques pour laisser perdurer une situation qui est inadmissible au sein de la République.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comment cela ?
M. Jean-Michel Baylet. Vous êtes restée sourde aux manifestations des Polynésiens ainsi qu'aux appels à la dissolution de l'Assemblée territoriale réclamée par l'union plurielle, soutenue en cela par beaucoup d'entre nous ici en métropole ainsi que par 28 % des électeurs inscrits en Polynésie.
Vous écartez également l'article 157 du statut qui prévoit explicitement que l'assemblée peut être dissoute par décret en conseil des ministres dès lors que le fonctionnement des institutions de la Polynésie française se révèle impossible.
De même, lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics, vous avez opposé des arguments techniques très contestables - et d'ailleurs contestés par mes collègues de l'opposition - pour repousser notre légitime souci de transparence.
J'ai eu la faiblesse de croire un moment que le pouvoir exécutif de notre pays se limiterait, dans cette affaire, à une certaine neutralité. Tout démontre, au contraire, qu'existe au sommet de l'Etat une volonté de protéger ce système clientéliste.
M. Jean-Michel Baylet. Or la démocratie ne peut se satisfaire uniquement de la loi du plus fort.
M. Charles Pasqua. Cela n'a jamais été votre cas !
M. Jean-Michel Baylet. Le sens de l'intérêt général doit prévaloir sur l'intérêt particulier. Les Polynésiens ont exprimé le voeu du changement et, d'une façon ou d'une autre et au nom de la paix civile, il vous faudra les écouter.
Madame la ministre, nous attendons que l'on tienne enfin compte des justes revendications démocratiques des Polynésiens. En attendant, très modestement en ce qui me concerne, je censurerai votre budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mes amis sénateurs d'outre-mer, Claude Lise il y a quelques minutes, Serge Larcher et Jacques Gillot dans la suite de ce débat budgétaire, ont détaillé et détailleront les considérations que nous inspire votre budget.
En ce qui me concerne, je centrerai mon propos sur la situation en Polynésie, poursuivant ainsi l'échange commencé dans cet hémicycle lors d'une récente séance de questions d'actualité et prolongé lors de votre venue devant la commission des lois.
Cela fait maintenant plusieurs semaines que la question polynésienne est au coeur de la vie politique française et que les événements qui s'y déroulent, du fait de leur forte charge symbolique, trouvent un écho important dans les médias métropolitains.
La crise polynésienne s'est ouverte à l'occasion d'une motion censurant le gouvernement du président Oscar Temaru. Cette motion était consécutive non pas à un renversement d'alliance permettant l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle coalition de partis politiques polynésiens, mais uniquement au changement de camp d'un unique conseiller de l'assemblée polynésienne qui, élu sur la liste d'Oscar Temaru, a décidé de rejoindre les partisans de Gaston Flosse. (M. le président de la commission des lois s'exclame.)
Après cette défection individuelle, les Polynésiens n'ont, à aucun moment, été consultés sur ce changement d'orientation politique, qui leur a donc été imposé.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils ne l'ont pas été avant non plus !
M. Bernard Frimat. Monsieur Hyest, j'attends du président de la commission des lois qu'il ait un comportement un peu plus calme !
M. Charles Pasqua. Il est très calme !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, je suis très calme !
M. Charles Pasqua. Monsieur Frimat, vous attaquez le président de la commission des lois !
M. Bernard Frimat. En réclamant la dissolution, les participants à l'immense manifestation pacifique du 16 octobre, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, n'avaient d'autre but, madame la ministre, que de demander au Président de la République de faire trancher la question par le peuple polynésien, lui permettant ainsi d'exprimer à nouveau clairement son choix : soit le retour au système Flosse, soit la poursuite du changement intervenu au printemps.
En dépit d'un statut taillé sur mesure, d'un mode de scrutin imposé par amendement au Sénat,...
M. Jean-Louis Carrère. Il y a des spécialistes du coup fourré, au Sénat !
M. Bernard Frimat. ... d'une dissolution de convenance et de la mise à sa disposition des moyens du gouvernement polynésien, Gaston Flosse a subi un échec électoral important dans la mesure où les partis de l'opposition réunis ont obtenu plus de voix que le Tahoeraa.
Cet échec n'a jamais été accepté ni par lui-même, ce qui peut se comprendre, ni par le Gouvernement, ce qui se comprend moins.
J'ai exprimé plusieurs fois, madame la ministre, le profond désaccord des sénateurs socialistes sur la manière dont vous gérez la situation de la Polynésie. Je persiste à penser que la meilleure solution pour mettre fin à l'altération évidente du fonctionnement des institutions de la Polynésie réside dans des élections générales, et qu'il ne faut pas soumettre l'éventualité de ces élections à la réforme du mode de scrutin.
Au moment de la rupture des négociations entre les formations politiques polynésiennes, consécutive au départ de la délégation de M. Flosse, vous aviez semblé marquer votre préférence pour une démarche qui apparaît bien compliquée : d'abord des élections partielles dans les Iles-du-Vent, puis d'éventuelles élections générales dans le délai d'un an, une fois modifiée la loi organique portant statut de la Polynésie pour changer le mode de scrutin.
Or, au-delà des clivages traditionnels, l'immense majorité des forces politiques et certaines hautes autorités de l'Etat se sont prononcées pour un retour rapide devant le peuple et pour l'élection d'une nouvelle assemblée. Cette perspective, je le crois, reste de très loin la meilleure.
L'assemblée de Polynésie ne compte plus aujourd'hui, suite à l'annulation du scrutin dans les Iles-du-Vent, que vingt membres sur cinquante-sept. Quelle valeur politique peuvent avoir les décisions qu'elle serait amenée à prendre ?
L'acceptation d'une modification de la loi organique prévoyant le renouvellement intégral de l'assemblée de Polynésie dans le cas où elle perdrait les trois cinquièmes de ses représentants permettrait d'organiser à brève échéance des élections générales en Polynésie sans modifier le mode de scrutin, comme vous l'avez fait au début de l'année 2004. Mais vous avez refusé, à ce jour, de retenir cette solution facile à mettre en oeuvre et respectueuse du droit, auquel vous vous référez si souvent. Je le regrette.
Sauf initiative contraire de votre part, il est aujourd'hui acquis que des élections partielles se dérouleront au début de l'année 2005 dans les Iles-du-Vent, suite à la décision du Conseil d'Etat et à l'échec des négociations.
De ces élections dépendra, nous le savons tous, le choix de l'homme et de l'équipe qui seront amenés à diriger le gouvernement de la Polynésie. Il est donc indispensable que ces élections se déroulent dans une parfaite régularité et dans la plus grande transparence.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Bernard Frimat. Il y va de l'honneur de la République et de l'image de la France dans le Pacifique.
Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que tout sera mis en oeuvre, compte tenu de l'importance du résultat, pour que des magistrats indépendants puissent opérer dès maintenant tous les contrôles nécessaires, notamment sur la régularité des inscriptions nouvelles sur les listes électorales, et pour que la sincérité du vote soit respectée ?
Le Gouvernement a le devoir d'assurer à nos compatriotes polynésiens le strict respect de la démocratie. M. Oscar Temaru m'a personnellement fait part au Sénat, la semaine dernière, de son désir que cette consultation soit exemplaire. Il a, depuis, lancé de Tahiti un appel en ce sens. Je souhaite, madame la ministre, qu'il soit entendu, tant pour le respect du peuple polynésien que pour celui de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par courtoisie, je ne vous ai pas interrompu, monsieur Frimat...
M. Jean-Louis Carrère. C'est un artifice !
M. Charles Pasqua. M. Hyest a été attaqué !
M. Bernard Frimat. Vous avez parlé très longuement tout à l'heure...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Permettez-moi quand même d'intervenir !
M. Jean-Louis Carrère. Allez-y ! C'est un grand plaisir de vous entendre !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai le droit de parler et, surtout, le droit de dire le droit !
M. Jean-Pierre Bel. N'en abusez pas !
M. Jean-Louis Carrère. Quelle pantomime !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je ne vous permets pas ! Vous êtes coutumier du fait, vous ne faites que cela !
M. Jean-Louis Carrère. Je vous dis que c'est une pantomime !
M. Charles Pasqua. Demandez la censure !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J'ai donc le droit de dire qu'un gouvernement a été censuré et que des élections ont été annulées par le Conseil d'Etat parce que M. Temaru et ses amis ont vicié le scrutin, qu'ils n'ont gagné, malgré cela, que par 235 voix ; cela, on oublie de le dire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. C'est incroyable de dire cela !
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez touché là où ça gratouillait, monsieur Frimat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Demander la dissolution, comme vous le faites depuis longtemps, est juridiquement impossible. La dissolution ne peut avoir lieu que si la vie institutionnelle est bloquée. Or un gouvernement a été élu.
Je rappelle à ce propos le cas de la Corse, que l'on oublie toujours : des élections ont été annulées dans un des deux départements, mais, après l'organisation d'élection partielles, les institutions ont fonctionné normalement.
Nous sommes en présence, en Polynésie, d'un acte administratif qui n'a aucun rapport avec la dissolution de l'Assemblée par le Président de la République telle qu'elle est prévue par la Constitution. Et cet acte peut très bien être contesté devant le Conseil d'Etat.
Dans ces conditions, vous risquez de provoquer un imbroglio juridique alors qu'aujourd'hui la situation est claire. Les élections ont été partiellement annulées ? Eh bien, attendons les nouvelles élections ! La presse est unanime pour dire que c'est la meilleure solution !
M. Jean-Louis Carrère. M. Hyest s'exprime-t-il au nom du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si un consensus est trouvé, rien n'interdit ensuite de modifier le mode de scrutin et de refaire des élections. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'êtes pas membre du Gouvernement !
M. Robert Bret. Ni inscrit dans la discussion !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quand j'entends des arguments contraires au droit, je me crois obligé de rappeler la règle de droit ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Quel bazar !
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous réagissons parce qu'il y aurait beaucoup à dire, tant sur la forme que sur le fond, aux explications de M. Hyest.
Il trouve tout à fait normal que ceux qui ont obtenu 55 % des voix soient considérés comme des fauteurs de troubles empêchant les institutions de fonctionner.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Pierre Bel. Je crois qu'il est inutile d'aller plus loin. Tout le monde est suffisamment informé aujourd'hui pour que je n'aie pas à m'expliquer.
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Alors, laissez le débat se poursuivre !
M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes ici minoritaires, nous en sommes très conscients : entre les rapporteurs, les ministres et les sénateurs de la majorité, le temps est largement suffisant pour que vous puissiez vous exprimer ; mais lorsqu'un sénateur socialiste ou un membre de l'opposition a le malheur d'intervenir à la tribune pour donner un jugement différent de celui que vous portez, cela provoque votre ire au point que le président de la commission des lois se sent obligé de venir au secours de Mme la ministre.
M. Jean-Pierre Bel. Il nous reproche de penser ce que nous pensons alors que Mme la ministre sera parfaitement capable de nous répondre, le moment venu. De cette manière, il contribue à une certaine dérive, à un dysfonctionnement de notre assemblée, et pratique un certain abus de pouvoir dans ses fonctions de président de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. C'est scandaleux !
M. le président. L'incident est clos.
M. Jean-Pierre Bel. Il ne faut pas exagérer !
M. le président. Monsieur Bel, je vous en prie ! Tout à l'heure, pour la clarté du débat, je n'ai pas voulu interrompre M. Frimat qui, lui-même, avait été un peu provocateur !
M. Bernard Frimat. M. Hyest m'a interrompu quatre fois !
M. le président. Essayons, mes chers collègues, de faire en sorte que le débat se déroule dans la sérénité.
La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne me livrerai pas à une analyse détaillée du budget de l'outre-mer. Cela ne ferait qu'ajouter de l'eau au moulin de la polémique, et cela ne m'intéresse guère.
La grande question pour vous, madame la ministre, est de savoir si votre budget est un bon budget. Or, pour moi, ce n'est pas un bon budget : s'il était possible d'établir un bon budget, cela se saurait ! Un bon budget nous permettrait d'aller au bout de nos idées, de nos projets et, pourquoi pas, de nos rêves. Malheureusement, cela n'existe pas. Toutefois, dans le contexte économique actuel, je ne pense pas qu'il était possible de faire mieux. Je voterai donc le budget que vous nous présentez.
Ayant dit cela, j'utiliserai le temps qui m'est imparti pour plaider la cause de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
J'aimerais tout d'abord faire un bref rappel historique, en remontant aux années 1992 et 1993. L'archipel a en effet subi coup sur coup deux catastrophes économiques avec la délimitation injuste de nos eaux territoriales par le tribunal arbitral de New York et la décision canadienne de moratoire sur la pêche à la morue.
Bien sûr, l'arrêt de la pêche se justifiait par la nécessité de sauvegarder la ressource. Mais nous cantonner dans une zone économique réduite à un mouchoir de poche constituait une véritable spoliation des droits durement acquis par nos ancêtres sur les bancs de Terre-Neuve, ces ancêtres pêcheurs qui étaient venus de toute la côte française de l'Atlantique et de la Manche.
Plus grave encore, ces eaux territoriales ne débouchent même pas en zone internationale, ce qui fait de Saint-Pierre-et-Miquelon une véritable enclave française en Amérique du Nord. C'est, me semble-t-il, contraire au droit international et cela fait de l'archipel un cas d'école, mais dans le mauvais sens du terme, vous l'aurez compris ! Autant j'aimerais que les livres scolaires parlent plus de nous, autant je préférerais que ce soit pour d'autres raisons.
Comment, dans ces conditions, faire valoir aujourd'hui des droits en matière de navigation et de pêche, ou encore dans le domaine de la recherche lorsque celle-ci tend, notamment, à l'exploitation d'hydrocarbures présents dans le sous-sol au large de nos côtes ?
Madame la ministre, je reconnais les efforts d'investissement consentis par l'Etat à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans le secteur du bâtiment et des travaux publics par exemple, pour nous faire subsister depuis ces terribles décisions. Mais passer son temps à quémander des subventions n'est pas chose valorisante, ni pour l'élu que je suis ni pour la population, qui ne fait que survivre au détriment, parfois, de sa dignité.
La population de Saint-Pierre-et-Miquelon et tous ses élus souhaitent vivre plus dignement que grâce aux seuls subsides de l'Etat, même si, encore une fois, ces subsides les aident bien, et j'en remercie le Gouvernement. Nous tenons vraiment à ce que ce dernier nous vienne en aide d'une autre façon : en nous redonnant vraiment les moyens de travailler et en affirmant la position non seulement de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais aussi de la France, en Amérique du Nord.
Aujourd'hui, on met l'accent sur la consolidation des relations avec notre grand voisin, le Canada. Je suis tout à fait d'accord sur ce principe et je ferai mon possible pour y contribuer. Je me sens d'ailleurs très proche de nos amis canadiens, notamment s'agissant des Acadiens.
A ce sujet, je dois signaler qu'un projet de valorisation de notre histoire et de notre patrimoine commun est en cours. Ce projet avec l'Acadie aboutira au développement d'un réel produit touristique dans l'archipel et dans la région.
Je suis donc favorable à ces bonnes relations. Mais avoir de bonnes relations ne signifie pas tout accepter en bloc, sans jamais faire entendre ses droits légitimes.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Denis Detcheverry. Il ne s'agit pas pour Saint-Pierre-et-Miquelon de se faire assimiler, d'être dilué dans la masse nord-américaine. De véritables négociations ne peuvent exister que quand les deux parties peuvent échanger concrètement, avec transparence et pragmatisme. Tel est le sens que nous devons donner à la coopération régionale.
L'archipel est un avant-poste de la France en Amérique du Nord, et c'est aussi pour cela que le Gouvernement a tout intérêt à défendre ses droits dans la zone.
Outre ces deux événements graves, la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon connaît des difficultés structurelles : l'éloignement et l'enclavement.
Madame la ministre, mes chers collègues, la France connaît en ce moment quelques difficultés économiques et monétaires dues à la puissance de l'euro par rapport au dollar. Ce décalage représente un frein à l'exportation, car les prix européens sont trop élevés pour que les entreprises soient compétitives.
Si cette situation est, nous l'espérons tous, momentanée, à Saint-Pierre-et-Miquelon, elle est structurelle. En effet, les entreprises locales qui exploitent les produits de la mer, de l'aquaculture ou encore de l'agriculture sont confrontées à des coûts de transport démesurés au long de l'année. Si nous voulons leur donner une chance, il est indispensable de mettre en place une politique d'aide à l'exportation. Une telle solution est-elle envisageable ?
Toujours concernant le transport, l'archipel rencontre depuis maintenant deux ans de graves problèmes de desserte maritime des marchandises. Une convention de délégation de service public doit être signée entre l'Etat et un armateur local. Compte tenu de la crise que traverse actuellement le commerce local, pouvez-vous m'assurer, madame la ministre, qu'aucune incidence négative n'en découlera pour le consommateur et pour la profession ?
D'une manière générale, comme nous n'avons plus d'outil de travail, que nous n'avons même plus accès aux eaux internationales, que nous ne pouvons plus servir, comme par le passé, de station-service, de base logistique pour les bateaux étrangers nécessitant du ravitaillement, que les entreprises locales peinent à prospérer, le budget du conseil général est exsangue. De ce fait, les retombées sur les communes le sont également et les trois collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon se retrouvent dans une situation financière désastreuse.
La solution ne réside pas, à long terme, dans la seule attribution continuelle de nouvelles subventions, qui provoque un maintien en vie artificiel. Il nous faut aussi rechercher de manière effective de réels outils de travail pour l'archipel qui puissent redonner au conseil général les moyens de vivre dignement en faisant vivre honorablement les communes.
Je suis sûr qu'il est possible de faire vivre un peu plus dignement cette petite population de 6 500 personnes située aux portes de la plus grande puissance du monde !
Pour conclure, madame la ministre, je dirais que, au-delà de votre budget qui, j'en suis convaincu - et pour le bien de l'outre-mer -, sera adopté, un véritable problème d'avenir se pose à Saint-Pierre-et-Miquelon. Outre son soutien financier, le Gouvernement est-il prêt à apporter un soutien technique et politique dans la recherche de solutions pérennes et adaptées à notre contexte régional ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation actuelle des finances de l'Etat nous interdit d'espérer une augmentation du budget de l'outre-mer, tant nous savons qu'il ne représente qu'une part minoritaire des sommes consacrées par l'Etat à nos pays.
Le chiffre de 1,7 milliard d'euros prévu pour 2005 ne me paraît pas devoir faire l'objet de commentaires approfondis, sachant que le « périmètre budgétaire » de votre compétence, madame la ministre, évolue sans cesse. Cette année, les 678 millions d'euros d'exonérations de charges qui sont désormais sous votre responsabilité conduisent à une augmentation apparente sur laquelle personne ne se trompe.
Une question mérite dès lors de vous être posée, madame la ministre : compte tenu des retards que l'Histoire nous a légués, l'Etat consacre-t-il par habitant plus ou moins d'euros à l'outre-mer qu'à la métropole ? J'ose espérer que c'est beaucoup plus, ne serait-ce que pour tenter de compenser les volumes impressionnants de richesses de toutes sortes qui, dans le passé, ont effectué le trajet de l'outre-mer vers l'Europe. S'il en était autrement, l'évolution que l'on peut souhaiter serait alors claire !
Je suis, par ailleurs, parfaitement conscient que les fonds d'investissement de l'Etat, quel que soit leur volume, viendront de plus en plus en accompagnement des efforts réalisés localement, à la fois par les entreprises, les collectivités locales et les autres acteurs socioéconomiques pour faire reculer notre principal fléau, cause de beaucoup d'autres, qu'est le chômage. La responsabilité des acteurs locaux est donc de premier plan quant à l'élaboration de projets de développement globaux et équilibrés visant à soutenir la croissance économique et la cohésion sociale dans le respect de l'environnement.
Que l'on ne nous demande pas, cependant, l'impossible ! Comment, en quelques années, absorber des compétences décentralisées avec des ressources économiques, et donc fiscales, sans rapport avec celles de la plupart des collectivités métropolitaines pour lesquelles les lois de décentralisation ont été conçues ?
L'Etat n'hésite pas à nous transférer collèges, lycées, transports - c'est bien ! -, mais avec des retards d'équipement criants, reconnus par les autorités européennes elles-mêmes, obligeant ainsi les collectivités locales à mettre dans le béton et le bitume des sommes colossales, au détriment d'opérations innovantes et productives. Alors, comment s'étonner que ces collectivités se trouvent en difficulté financière ?
J'en viens, dans ces conditions, à l'analyse du budget de l'outre-mer pour 2005.
Pour ce qui relève de la ligne budgétaire unique, la LBU, madame la ministre, j'ai eu l'occasion, fin octobre, de m'entretenir avec vous sur les conséquences pour le département de la Martinique du gel des crédits correspondants.
Vous avez promis d'obtenir le dégel de 26 millions d'euros et de puiser dans vos dotations pour aider les entreprises martiniquaises confrontées à des difficultés particulières. Malgré un déblocage partiel, nombre de chantiers en construction sont encore aujourd'hui interrompus. Savez-vous que la Martinique enregistre le plus faible taux de LBU par habitant depuis cinq ans ? Il faut absolument remédier à cette situation.
Aujourd'hui, les professionnels de la construction de logements sociaux sont unanimes à reconnaître que l'aide à l'amélioration de l'habitat et le logement évolutif social constituent des réponses durables pour le logement, mais aussi pour l'emploi. Les opérateurs sociaux et les sous-traitants seront d'autant plus enclins à embaucher qu'ils auront reçu l'assurance du versement des crédits de la LBU. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui !
Les enjeux en matière d'habitat sont donc considérables. Mais le Gouvernement procède depuis trois ans, par le biais d'annulations et de gels de crédits, à une baisse régulière des financements de la LBU. Cette baisse se traduit par une diminution importante de la production de logements locatifs sociaux, les LLS. Et le phénomène est amplifié par la rareté du foncier aménagé, qui renchérit le coût de la construction. Résultat, le nombre de logements neufs locatifs sociaux financés en 2003 est le plus bas depuis plus de quatorze ans : 687 logements seulement.
La programmation de la LBU doit être pluriannuelle pour permettre à la filière de mieux se structurer. Il convient également d'opérer un véritable rattrapage proportionnel aux besoins réels de nos populations plutôt que de se fonder uniquement sur le montant de la LBU attribué au cours des dernières années.
En conclusion, madame la ministre, je dirai que la LBU joue indéniablement un rôle d'entraînement de la commande dans le bâtiment avec un effet levier sensible, de l'ordre de un à trois en moyenne, sur le plan économique. Nos départements ont donc besoin d'un montant plus important de LBU, tant en autorisations de programmes qu'en crédits de paiement.
En outre, je tiens à ajouter que, compte tenu des difficultés d'accès au logement des ménages de condition modeste dans les DOM, il convient d'améliorer de toute urgence les modalités d'attribution de l'allocation logement.
Il conviendrait, premièrement, de calculer l'allocation logement dans les DOM selon les mêmes conditions que pour les logements relevant de la zone I - il s'agit de la région parisienne - compte tenu des coûts actuels de la construction outre-mer ; deuxièmement, de revaloriser le forfait « charges » à hauteur minimale de 70 % de celui qui est applicable en Métropole ; enfin, troisièmement, de calculer l'allocation logement en tenant compte de la composition effective du foyer, sans limitation du nombre de parts. Là encore, madame la ministre, c'est une question de justice sociale !
En ce qui concerne maintenant la titularisation du personnel communal, les maires sont prêts à assumer toutes leurs responsabilités pour la réaliser. Toutefois, ils demandent à l'Etat de faire de même, par la mise en place d'une dotation spécifique.
Les trente-quatre maires de la Martinique ont déjà accompli dans leur commune des efforts considérables. Ils doivent à la fois résorber les emplois précaires dans la fonction publique territoriale en titularisant le personnel communal - c'est une mesure de justice sociale - et développer les équipements structurants en répondant aux besoins élémentaires de la population, tout en alimentant la commande publique.
Qui peut affirmer aujourd'hui que nos départements n'auraient pas explosé, notamment dans les grandes agglomérations, si les mairies n'avaient pas cherché à assurer un salaire dans un certain nombre de familles particulièrement nécessiteuses ? Sur ce point, il est impératif que la concertation déjà entamée aboutisse et que des solutions équilibrées soient trouvées très rapidement. En effet, il n'existe pas de pire injustice que de traiter uniformément des populations qui sont dans des situations très différentes. Cela contribue à accentuer les inégalités et à renforcer un sentiment d'exclusion de la solidarité républicaine.
Certes, madame la ministre, lors de la journée consacrée à l'outre-mer, le lundi 15 novembre dernier, vous avez annoncé l'indexation de la DGF à plus 3,29 %. J'en prends acte. Cependant, une telle indexation ne permettra pas aux communes de compenser les efforts financiers dus à la titularisation. Je vous demande donc de bien vouloir accélérer les études que vous avez engagées pour justifier la mise en place d'une dotation spécifique outre-mer, qui aurait pour objet principal de compenser les retards d'investissements des collectivités ultramarines.
Permettez-moi, madame la ministre, de vous parler maintenant du financement des offices de l'eau. Ils apparaissent clairement dans les DOM comme de véritables agences de l'eau dans leurs fonctions comme dans leurs relations avec les comités de bassin et les autres acteurs du secteur.
Les défis qu'ils doivent relever sont sans commune mesure avec leurs ressources, car ils sont liés à la spécificité des îles bassins et à l'application tardive de la réglementation et de la politique nationale et européenne de gestion de l'eau.
La première loi sur l'eau de 1964 n'a pas été appliquée aux DOM, ce qui a entraîné un retard de plusieurs décennies dans la gestion de l'eau et des milieux aquatiques, aggravé par une forte pollution des sols en Martinique. Aussi, une diminution des crédits affectés aux offices locaux des DOM est particulièrement inopportune. Or il s'agit, en l'occurrence, d'une baisse de 24 % pour 2005.
Enfin, je ne saurais passer sous silence votre politique d'aide à la création d'emplois. A cet égard, on ne peut que regretter la baisse des crédits affectés à l'emploi alors que, me semble-t-il, l'emploi doit être une priorité de ce Gouvernement. Nous n'aurons de cesse de dénoncer le fait que les dispositifs d'aide à l'emploi existants sont trop nombreux, trop changeants pour être vraiment efficaces, et ce malgré les comparaisons flatteuses avec la métropole auxquelles vous vous livrez, madame la ministre, en termes de créations d'emplois.
Les messages émis par les dispositifs d'aide et d'incitation doivent être beaucoup plus clairs et les agences départementales d'insertion pourraient à ce sujet s'impliquer davantage.
Pour ma part, je crois aussi beaucoup à la mise en route de grands chantiers structurants qui permettraient à la fois d'utiliser les profils de main-d'oeuvre effectivement présents dans les fichiers de l'ANPE et de répondre aux besoins de la population.
En clair, madame la ministre, vous nous proposez un projet de budget en baisse qui non seulement asphyxie un peu plus les collectivités d'outre-mer, mais n'apporte pas les réponses adéquates à nos principales préoccupations que sont l'emploi et le logement.
Le Gouvernement prend également le risque de freiner le rythme actuellement soutenu du rattrapage économique et social entre les DOM et l'hexagone. Pourtant, nous savons tous combien les retards restent importants.
En conclusion, je voudrais vous dire, madame la ministre, que nous sommes toujours, comme l'a souligné M. Claude Lise, dans l'attente de la loi organique prévue à l'article 73 de la Constitution, qui ouvre des possibilités d'adaptations législatives et qui permettrait pour le moins de mettre fin à un certain nombre d'aberrations, notamment dans les domaines du transport, du logement et de l'urbanisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Madame la ministre, à travers ce projet de budget, vous nous soumettez les outils financiers de la politique que vous entendez conduire outre-mer en 2005.
Je ne souhaite pas m'attarder sur le volume des crédits du ministère de l'outre-mer, dont l'insuffisance par rapport aux besoins conduira les collectivités locales à assumer sur leurs fonds propres des responsabilités qui relèvent pourtant des compétences de l'Etat.
En revanche, j'entends attirer votre attention sur des actions précises car, à mon sens, un budget ne vaut que par les politiques à travers lesquelles il se traduit. Si certaines de ces actions relèvent du strict périmètre de votre ministère, d'autres ressortissent à votre capacité d'intervention et d'impulsion auprès de vos collègues du Gouvernement.
La présentation de votre projet de budget, madame la ministre, intervient alors que la Guadeloupe s'efforce de panser ses plaies après le séisme qui l'a secouée le 21 novembre dernier. A cet égard, nous avons beaucoup apprécié la diligence avec laquelle vous vous êtes rendue dans le département afin de constater par vous-même l'ampleur des dégâts.
Naturellement, les collectivités locales - département, région, communes - prendront leurs responsabilités, mais, devant l'ampleur de la catastrophe, elles attendent aussi une manifestation exceptionnelle de la solidarité nationale.
Je tiens ici à mettre l'accent sur l'indispensable assouplissement des modalités d'accès aux aides au logement et à insister pour que la reconstruction et la réparation des bâtiments publics soient prises en charge par l'inscription effective de crédits au chapitre 67-54 intitulé « subventions d'équipement aux collectivités pour les dégâts causés par les calamités publiques ».
Pour en revenir à votre budget, madame la ministre, sachez que j'ai pris bonne note de votre volonté affichée de faire du logement et de l'emploi votre priorité.
Le logement est, en effet, un vecteur incontestable de cohésion social. Pourtant, 19 000 Guadeloupéens sont à ce jour en attente d'un logement de type HLM ! Nous devons donc absolument parvenir à juguler cette demande encore trop importante.
Toutefois, cet objectif ne pourra être atteint que si tous les partenaires se mobilisent de façon solidaire. Or la ligne budgétaire unique, la LBU, a connu des annulations de crédits de l'ordre de 26 millions d'euros en 2004, avec pour conséquence des crédits de paiement qui se situent largement en deçà des engagements, et des factures impayées d'un montant de plusieurs millions d'euros.
J'ai bien pris note, par ailleurs, de votre volonté d'étendre et de diversifier les produits destinés à l'accès au logement. Encore faut-il que l'offre en matière de logements soit à la hauteur de la demande !
A cet égard, ne serait-il pas possible d'abonder la LBU d'une ligne destinée au financement exclusif de l'acquisition de foncier par les collectivités en vue de la mise à disposition des bailleurs sociaux ?
Je souhaite que cette situation fasse l'objet d'une attention particulière de votre part, madame la ministre, afin que les crédits alloués au logement soient à l'abri des gels interministériels qui interviendront en 2005.
J'en arrive à l'emploi.
L'amélioration des chiffres de l'emploi dans nos collectivités n'est pas encore inscrite dans la durée. De surcroît, la réduction des crédits du FEDOM de 90 millions d'euros, conjuguée à la sortie prévue de bénéficiaires d'emplois aidés du secteur non marchand, me préoccupe au plus haut point.
Cette inquiétude est renforcée par les incertitudes concernant les effets de l'entrée en vigueur de la loi de programmation pour la cohésion sociale.
Ainsi, pouvez-vous, madame la ministre, garantir que tous les contrats aidés, même ceux dont la dénomination disparaîtra, seront financés jusqu'à leur terme ?
Je le rappelle, ces emplois ont joué, dans nos départements plus qu'ailleurs, un rôle de régulateur destiné à permettre un traitement social du chômage, en remplissant cependant les missions du service public, notamment dans l'éducation.
A ce titre, le transfert des personnels TOS au 1er janvier 2005 laisse augurer une fois de plus que les collectivités - région et département - devront prendre en charge ceux qui auront été laissés au bord de la route par l'Etat, car seuls les salariés titulaires et contractuels seront pris en compte dans le calcul de la dotation de transfert.
J'aborderai maintenant un autre élément de solidarité et de cohésion sociale : la politique en faveur des personnes âgées.
Dans ce domaine, madame la ministre, je compte sur votre intervention auprès du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie afin de favoriser une prise en compte budgétaire susceptible de répondre à la situation constatée en Guadeloupe.
Enfin, l'archipel recoupe une diversité de préoccupations que je ne saurais ici omettre de préciser.
Tout d'abord, les projets de loi organique relatifs au statut des communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin sont en cours d'élaboration.
Si le processus semble bien engagé pour Saint- Barthélemy, la situation de Saint-Martin requiert, selon moi, la mise en place de dispositifs d'accompagnement au plan budgétaire afin de donner à cette île les moyens d'accéder à la volonté exprimée par les Saint-Martinois.
Ensuite, dans les îles du Sud, votre rencontre avec les socioprofessionnels a suscité de nombreuses attentes qui seront, je l'espère, satisfaites grâce à des mesures budgétaires tangibles, ainsi, bien sûr, que par l'organisation des états généraux de développement des îles du Sud.
Enfin, la sécurisation de nos frontières et la lutte contre l'immigration clandestine soulèvent des questions qui devraient trouver une réponse efficace dans ce projet de budget.
Tels sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques axes forts qu'il m'importait d'évoquer devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord, avant d'aborder le projet de budget de l'outre-mer proprement dit, remercier la Haute Assemblée des gestes de solidarité et de sympathie dont elle a fait preuve à l'égard des populations de la Guadeloupe, en particulier des Saintes, qui viennent d'être très durement touchées par un tremblement de terre. Je vous remercie d'avoir programmé une mission sénatoriale sur place, mission qui vous permettra de mesurer l'ampleur des dégâts que j'ai moi-même pu constater dès le lendemain de ce séisme de forte puissance.
Je tiens à saluer les sénateurs de Guadeloupe ici présents, MM. Gillot et Marsin, et, à travers eux, tous les élus qui se sont dépensés sans compter aux côtés des services de l'Etat pour apporter aide et soutien à nos compatriotes sinistrés. Et je voudrais que nous ayons tous une pensée pour les familles des victimes aujourd'hui dans la peine et dans la détresse.
Bien entendu - j'en renouvelle devant vous l'engagement - l'Etat apportera toute sa part à l'effort de reconstruction en faveur de la Guadeloupe. A cet effet, et au- delà de la mobilisation des crédits d'investissement de droit commun de mon ministère, plusieurs dispositifs spécifiques d'indemnisation sont d'ores et déjà mis en place par l'Etat. Je veux mentionner ici non seulement l'attribution de 200 000 euros de secours d'urgence qui ont été distribués aux familles les plus sinistrées, mais aussi la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, qui permettra l'indemnisation des biens assurés, sans oublier la mise à contribution du Comité interministériel du fonds de secours destiné à indemniser plus spécialement les biens non assurés, au profit tant des particuliers que des collectivités territoriales.
A travers cette mobilisation, il s'agit donc bien pour l'Etat de concrétiser le principe de solidarité nationale, qui se doit de remplir son rôle en pareille circonstance. Vous pouvez compter, messieurs Gillot et Marsin, sur ma détermination dans ce domaine.
Je remercie MM. les rapporteurs spéciaux et pour avis d'avoir enrichi nos débats, par la qualité de leurs travaux et la pertinence de leurs interrogations.
Vous vous êtes montré critique à l'égard de mes services, monsieur Torre, s'agissant de la qualité et de la quantité des réponses fournies aux questionnaires parlementaires. Je vous ai bien entendu. Cependant, je souhaiterais attirer votre attention sur deux points : d'une part, la taille de mon ministère pour faire face à cet exercice difficile - je ne dispose que de 300 agents, ce n'est pas Bercy ! - et, d'autre part, la multitude et la diversité des questions posées.
Lors de la mise en oeuvre de la LOLF, je demanderai bien évidemment à mes services d'améliorer la qualité de l'information due au Parlement. Je me permettrai néanmoins d'émettre le souhait que nous tendions vers une meilleure coordination des services du Sénat dans l'élaboration des questionnaires. En effet, nous recevons souvent des questions portant sur le même sujet mais présentées sous un angle différent et il serait bon que nos efforts conjoints puissent aboutir à une amélioration réciproque de notre information.
Si le projet de budget du ministère de l'outre-mer pour 2005 s'élève à 1,71 milliard d'euros, soit une progression de 52 % par rapport au budget que je vous ai présenté l'an dernier, je reconnais, comme nombre d'entre vous, le caractère artificiel de cette progression. En effet, cette hausse très importante est liée au transfert sur mon budget de 678 millions d'euros de crédits destinés à la compensation des exonérations de cotisations sociales dans les départements d'outre-mer, qui étaient jusque-là inscrits sur le budget du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
Par conséquent, comme vous l'indiquez, monsieur Torre, il ne s'agit pas d'une dépense nouvelle, même si j'ai tenu à ce qu'elle figure dès 2005 dans mon budget, par anticipation de la réforme de la gestion publique introduite par la nouvelle loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
En effet, dans le cadre de la nouvelle présentation de la loi de finances au sens de la LOLF, il m'est apparu cohérent de faire figurer dans mon budget l'ensemble des dispositifs visant à relancer l'emploi, dont les exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale qui figurent dans la loi de programme. Cela devrait, monsieur Cointat, répondre à votre souci d'une meilleure lisibilité du budget de l'outre-mer.
L'esprit de la LOLF, c'est aussi la globalisation de tous les moyens affectés au fonctionnement des préfectures d'outre-mer, via le transfert des crédits de personnel et de fonctionnement des préfectures au ministère de l'intérieur, qui gère déjà les crédits d'équipement.
A travers ces deux exemples, vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, que des mouvements en sens contraire affectent, comme les années précédentes, le budget de l'outre-mer. En conséquence, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont souligné, il est extrêmement difficile de juger l'évolution des crédits du ministère de l'outre-mer à périmètre constant.
Avec la LOLF, cette notion de périmètre constant n'aura d'ailleurs plus aucun sens, puisque vous vous intéresserez désormais non plus au taux d'évolution des crédits de mon ministère mais bien aux résultats que j'aurai obtenus compte tenu des moyens mobilisés et par rapport aux objectifs fixés.
Pour autant, je n'ai pas à rougir d'une baisse qui traduirait la participation de mon ministère à l'effort national de maîtrise de la dépense publique. Dans vos rapports écrits, madame Payet, monsieur Torre, vous estimez cette diminution à 2,5 %. Je souscris, certes, à votre analyse, mais je tiens néanmoins à faire remarquer que le calcul est fondé sur la loi de finances initiale de 2004, qui ne peut être considérée comme le socle de mon budget à périmètre constant.
Pour autant, cet effort est l'occasion de recentrer les interventions du ministère de l'outre-mer sur les deux priorités qui sont les siennes, à savoir l'emploi et le logement, et qui représentent plus des trois quarts de mon budget.
L'esprit de la LOLF, c'est-à-dire le passage d'une logique de moyens à une culture du résultat, préside à la gestion de ces deux priorités de mon action politique.
La politique pour l'emploi, tout abord, mobilise près de 67 % des crédits. Avec les crédits du FEDOM, dont la complète fongibilité me permettra d'assurer, avec une souplesse et une efficacité accrues, le financement des mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion des publics les plus démunis, avec les exonérations de cotisations sociales, qui contribuent à faire progresser l'emploi salarié, avec la formation professionnelle des jeunes, débouchant directement sur le secteur marchand, menée par les unités du service militaire adapté, le SMA, c'est un total de 1,150 milliard d'euros que je vais pouvoir pleinement consacrer à l'emploi.
Par ailleurs, il est envisagé de transférer sur mon budget, en cours de gestion 2005, des crédits destinés au financement des mesures relevant des stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, et des stages d'accès à l'entreprise, les SAE, gérés jusqu'alors par le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale et supprimés en 2005 par le projet de loi de cohésion sociale.
L'expérimentation effectuée à la Martinique en 2004, qui consiste à globaliser - et donc à rendre fongibles - les crédits des différentes mesures en faveur de l'emploi sera poursuivie en 2005.
Vous vous félicitez, monsieur Torre, de mon objectif de rééquilibrage des dispositifs en faveur de l'emploi dans le secteur marchand, sans lequel il n'y a, en effet, pas de développement durable possible. Il s'agit notamment des contrats d'accès à l'emploi et des dispositifs créés par la loi de programme du 21 juillet 2003 en faveur des jeunes diplômés, très fortement touchés par le chômage, et en faveur des jeunes, à Mayotte et à Wallis-et-Futuna.
Participent également à cette politique de formation et d'insertion des jeunes les unités du service militaire adapté que nous avons maintenues outre-mer. Et je vous rassure à ce sujet, madame Payet : les crédits du service militaire adapté seront intégralement reconduits dans le budget de 2005 et des mesures nouvelles de repyramidage de l'encadrement permettront d'améliorer encore la formation des jeunes ultramarins effectuée au travers de ce dispositif, dont la qualité et l'efficacité sont unanimement reconnues.
En 2004, ce sont ainsi près de 2 000 jeunes qui auront été formés par le SMA, avec un taux d'insertion professionnelle supérieur à 71 %. Ce taux atteint 83 % à la Martinique et de 94 % en Guadeloupe.
Enfin, les nouvelles mesures en faveur de l'emploi créées par le plan national de cohésion sociale de mon collègue Jean-Louis Borloo seront bien entendu mises en oeuvre outre-mer, n'en doutez pas, madame Payet. Il s'agit notamment des Maisons de l'emploi, de la modernisation et du développement de l'apprentissage et du contrat d'avenir, destiné à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation de parent isolé.
De même, un accompagnement renforcé de chaque jeune en difficulté d'insertion sera mis en place et constituera naturellement pour ces jeunes une réelle incitation à utiliser les services de l'ANPE. Je vous précise par ailleurs que le dispositif des contrats-jeunes, dit « Fillon », a profité à 380 jeunes dans les départements d'outre-mer.
De plus, je vous confirme, madame Payet, que les contrats emploi-solidarité et les contrats emploi consolidé sont maintenus en 2005 outre-mer et que les modalités de leur mise en oeuvre ne sont pas modifiées. L'entrée en vigueur de la loi de cohésion sociale permettra dans tous les cas, monsieur Gillot, la poursuite des contrats aidés en cours.
Pour autant, je vous rassure, madame Payet, le contrat d'accompagnement dans l'emploi, qui a vocation à remplacer les CES, présente les mêmes caractéristiques - même public, même employeur, même type de contrat de travail - mais le service public de l'emploi local pourra le mettre en oeuvre avec plus de souplesse. Il pourra notamment moduler l'aide de l'Etat en fonction des priorités qui auront été définies localement.
Vous m'avez demandé, monsieur Laufoaulu, de vous préciser quand interviendra l'évaluation du dispositif des primes à l'emploi, créé à Wallis-et-Futuna par la loi de programme de juillet 2003. Les services de l'Etat réaliseront la première évaluation en 2006, comme le prévoit la loi. Leurs conclusions, de même que celles qui porteront sur l'ensemble des dispositifs en faveur de l'emploi créés par la loi de programme, seront transmises au Parlement.
J'observe que les résultats de la politique que nous menons sont encourageants, comme l'ont rappelé à juste titre MM. Balarello et Virapoullé.
La mise en oeuvre de la loi de programme appelle trois observations.
Premièrement, l'emploi salarié dans le secteur marchand a augmenté de 2,2 % dans les départements d'outre-mer, alors qu'il a diminué de 0,3 % en métropole.
Deuxièmement, le rythme de création d'entreprises s'est accéléré, notamment dans les secteurs des services, du commerce et des réparations. Ainsi, par rapport au premier trimestre de 2003, les créations d'entreprises ont augmenté, au premier trimestre de 2004, de 24,5 % en Guadeloupe et en Guyane, de 15 % à la Réunion et de plus de 5 % en Martinique.
Troisièmement, à la fin octobre 2004, le taux global de chômage dans les départements d'outre-mer était en recul de 3,2 % par rapport à l'année précédente, alors qu'il a augmenté de 0,2 % en métropole. Le chômage des jeunes a notamment diminué de 0,1 %, alors qu'il s'accroissait de 1,8 % en métropole.
En outre, la défiscalisation constitue un puissant levier pour le développement économique de l'outre-mer. Au 30 septembre dernier, 257 dossiers avaient été déposés auprès du ministère de l'économie et des finances, soit l'équivalent du nombre de dossiers déposés sur l'ensemble de l'année 2003.
Ces dossiers représentent un total d'investissements de plus de 1,3 milliard d'euros. J'y vois l'amorce franche d'une reprise de l'investissement outre-mer en 2004. Je précise que ce montant n'inclut pas l'effort de l'Etat pour les deux usines de nickel de Nouvelle-Calédonie, sur lesquelles vous avez très justement insisté, monsieur Cointat.
Monsieur Virapoullé, vous avez évoqué les effets qu'auraient, selon vous, les nouvelles dispositions en matière de défiscalisation dans le domaine du logement. Je souscris à votre souhait et je demanderai qu'une étude soit menée à ce sujet, tant en termes d'impact sur le prix du foncier que sur celui de la construction.
J'ai, vous le savez, encouragé les monteurs de projets en défiscalisation à mettre en place une charte de qualité, afin de renforcer l'éthique et le professionnalisme de ce type d'activités. Cette charte, signée en ma présence le mois dernier, vise à donner une meilleure image de la défiscalisation et à en renforcer l'efficacité.
En améliorant l'image de la défiscalisation, qui fait encore trop souvent l'objet de critiques injustes, nous améliorons aussi celle de l'outre-mer. En renforçant l'efficacité de la défiscalisation, nous optimisons l'effort de l'Etat.
Mais, au-delà des crédits directement consacrés à l'emploi et à l'insertion sociale, deux dispositifs, pour lesquels nous intervenons en partenariat avec les collectivités locales, contribuent à répondre aux enjeux spécifiques de l'outre-mer en matière de formation et de mobilité professionnelle. Il s'agit de la dotation de continuité territoriale et du passeport mobilité, comme vous l'avez rappelé, monsieur Virapoullé.
Je me félicite avec vous, monsieur Lise, que la dotation de continuité territoriale soit enfin inscrite sur le budget de l'outre-mer, ce qui constitue une véritable mesure nouvelle. C'est un montant de 31 millions d'euros qui est ainsi inscrit dans mon budget pour 2005.
Cette dotation, gérée de façon décentralisée, doit permettre, je vous le rappelle, la prise en charge de tout ou partie du coût d'un billet d'avion entre les collectivités territoriales d'outre-mer et la métropole. Mon objectif est d'aider environ 200 000 passages par an, à hauteur, en moyenne, de 30 % du coût du billet.
Je constate que huit collectivités sur neuf ont délibéré à ce jour. Les premières aides sont délivrées depuis quelques semaines, en particulier dans les trois collectivités du Pacifique, ainsi qu'en Guadeloupe, puisque la Commission européenne a validé le dispositif guadeloupéen, le 20 octobre dernier. Pour la Martinique et la Réunion, la notification est intervenue au début de novembre.
Je pense que l'on pourra tirer un premier bilan pertinent de la mise en oeuvre de ce dispositif à la fin de l'année prochaine.
Le passeport mobilité rencontre, quant à lui, un incontestable succès, et je m'en félicite. On peut estimer à plus de 12 000 le nombre de passeports qui auront été délivrés pour l'année, soit une augmentation de plus de 10 % par rapport à 2003. Les crédits qui y seront consacrés en 2005 sont à un niveau équivalent à celui de 2004.
Autre priorité outre-mer, la politique du logement, qui doit s'inscrire, comme vous le soulignez, madame Payet, dans un contexte de contraintes spécifiques. J'en citerai trois. Tout d'abord, il existe des besoins très importants liés à une croissance démographique forte - 1,6 % par an - ainsi qu'à un revenu moyen moins élevé qu'en métropole. Ensuite, il faut tenir compte de disponibilités foncières limitées, d'un sous-équipement des villes et des quartiers et de l'existence d'un important parc de logements insalubres. Enfin, les collectivités locales connaissent une situation financière difficile.
Pour répondre à l'ampleur et à la diversité des besoins dans les départements d'outre-mer, l'Etat privilégie les aides à la pierre, regroupées sur la ligne budgétaire unique, la LBU. Totalement fongibles, elles laissent des possibilités d'adaptation à l'échelon local.
Les crédits inscrits en 2005 sur la LBU sont stables, à 270 millions d'euros, compte tenu de la réforme en cours du prêt à taux zéro, qui deviendra un dispositif fiscal à compter de l'année prochaine et qui permettra de réduire de 12 millions d'euros les engagements sur la LBU.
Avec ces moyens importants, je me fixe trois objectifs pour l'année 2005.
Tout d'abord, je souhaite que nous maintenions un effort soutenu dans le domaine de la résorption de l'habitat insalubre. Près de 45 millions d'euros auront été consacrés par l'Etat à cette politique en 2004. En outre, le cadre réglementaire des résorptions d'habitants insalubres a été modernisé dans la circulaire du 26 juillet 2004 qui prévoit que, désormais, l'instruction des dossiers est faite à l'échelon local. En 2005, il nous faut poursuivre ces actions.
Ensuite, deuxième priorité, il faut diversifier l'offre de logements sociaux. Il est nécessaire de permettre des parcours résidentiels plus variés et de répondre à la forte demande dans le domaine de l'accession sociale à la propriété. Aussi, pour l'année prochaine, je souhaite que nous maintenions le niveau de 8 000 logements sociaux neufs et que l'on puisse lancer, en complément, la construction d'un millier de logements supplémentaires, à partir des nouveaux produits applicables dans les départements d'outre-mer, à compter de 2005. Le prêt locatif social, le PLS, sera ainsi étendu à l'outre-mer en 2005.
Dans le domaine de l'accession à la propriété, la mise en place du prêt social à la location accession, le PSLA, doit permettre de relancer la politique de location-accession, qui pourra trouver outre-mer un terrain d'expérimentation particulier, compte tenu de la possibilité de couplage de ce produit avec la défiscalisation.
Comme vous l'avez souligné, madame Payet, le LES est un produit essentiel pour l'équilibre social des départements d'outre-mer. Il doit être consolidé ; c'est le sens du travail de refonte du LES que j'ai engagé sur le plan interministériel et qui s'achèvera dans les prochaines semaines.
Enfin, troisième priorité, il faut mettre en place des outils adaptés pour l'aménagement foncier, préalable essentiel à la réussite de la politique du logement outre-mer. Le fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU, en est l'outil principal, permettant de concevoir une politique d'aménagement impliquant les acteurs locaux. La mise en place du FRAFU en Guyane, en 2003, et la participation du conseil général de la Réunion, dans le cadre de son plan départemental de cohésion sociale pour abonder, aux cotés de l'Etat, le FRAFU secondaire réunionnais, constituent à cet égard des avancées importantes.
Vous avez souligné, monsieur Marsin, la régularisation foncière dans la zone des cinquante pas géométriques.
Comme vous le savez, j'ai mandaté en 2003 une mission d'évaluation, qui a confirmé que le dossier progressait s'agissant aussi bien de la régularisation que de l'aménagement de cette zone. Plus de 300 cessions sont en cours en Guadeloupe, avec l'aide financière de l'Etat. Ce processus doit se poursuivre. Je m'emploie donc à apporter les simplifications nécessaires.
L'Etat a également apporté en 2004 une réponse qualitative en instituant la participation à l'aménagement des quartiers, la PAQ, dispositif qui s'appuie sur des démarches d'aménagement globales et de qualité engagées par les élus locaux afin de mieux insérer le logement social dans la ville.
Enfin, je rappelle que l'Agence française de développement a mis en place, depuis cette année, un produit financier dédié aux opérations d'aménagement qui en facilitera le montage financier.
L'ensemble des départements d'outre-mer souffrent d'un manque de places en matière de logement d'urgence. Le projet de loi relatif à la cohésion sociale a prévu la création de 9 800 places d'ici à 2009 et, dans cette optique, des discussions ont été engagées avec le ministère chargé de la lutte contre l'exclusion pour que la situation des départements d'outre-mer soit particulièrement prise en compte.
Enfin, l'effort budgétaire de l'Etat en faveur de la construction de logements sociaux en accession à la propriété et en location sera renforcé, en 2005, par la montée en puissance des dispositions fiscales de la loi de programme pour l'outre-mer. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a chiffré à 35 millions d'euros la dépense fiscale qui sera ainsi injectée dans le BTP outre-mer.
Au total, les moyens fiscaux et budgétaires pour répondre aux enjeux spécifiques du logement outre-mer seront donc en augmentation de 6 %.
Monsieur Torre, je partage votre souci de voir améliorer les indicateurs qui rendront compte, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, de la pertinence de l'utilisation de l'ensemble de ces moyens. Ces indicateurs, j'en ai reçu l'assurance de la part du ministère des finances, ne sont pas définitifs. Ils pourront en conséquence être améliorés dans le sens que vous souhaitez, et je m'y emploierai.
Vous m'avez interrogée, monsieur Giraud, sur la situation de la Société immobilière de Mayotte, la SIM. Comme vous le savez, cette société traverse actuellement une crise qui nous impose d'engager ensemble une action énergique. Certaines pratiques ont, en effet, été dénoncées, voire portées à la connaissance de la justice par l'Inspection générale des finances. Dans ces conditions, une réforme s'impose.
Une des voies du redressement réside dans la définition d'un nouveau produit de logement social, qui devrait être présenté au début de l'année prochaine.
Il n'est pas question pour autant d'une disparition brutale de la « case SIM » au 1er janvier 2005. Une période de transition devra être organisée pour faire en sorte de répondre aux attentes des Mahorais les plus démunis tout en organisant un redressement durable de la SIM.
Pour ce qui est du passeport logement, complément indispensable au passeport mobilité - vous l'avez rappelé, monsieur Virapoullé -, il est prévu de réserver des places en foyer de jeunes travailleurs afin d'accueillir les étudiants et travailleurs ultramarins dans le cadre d'une convention entre mon ministère et l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT. De nouvelles mesures seront prises en 2005 pour appuyer les initiatives des collectivités d'outre-mer, telle celle du Comité national de l'action des Réunionnais en mobilité, le CNARM, qui va effectuer des réservations dans le parc d'HLM de certaines villes de la métropole.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur le gel des crédits de la ligne budgétaire unique. Comme l'a rappelé M. Torre, j'ai obtenu le dégel de 16 millions d'euros de crédits de paiement et j'ai obtenu l'assurance que 10 millions d'euros seraient débloqués dès le début de l'année 2005. En autorisations de programme, je suis actuellement en discussion avec mes collègues Jean-Louis Borloo et Hervé Gaymard afin de dégager 30 millions à 45 millions d'euros destinés à maintenir l'effort de l'Etat : ils seront notamment affectés à la poursuite de la mise aux normes antisismiques du parc de logements sociaux, en particulier aux Antilles, et permettront d'éviter que certaines sociétés n'éprouvent les difficultés que vous m'avez signalées.
Emploi et logement doivent contribuer au développement économique durable de l'outre-mer, au travers de l'insertion professionnelle des jeunes et du soutien de l'économie. Sans développement économique, il n'y a pas de développement social, sauf à entrer dans une logique d'assistanat que nous réprouvons tous.
Vous avez bien voulu relever, monsieur Lise, que le projet de budget pour 2005 préservait pour l'outre-mer le volet relatif au développement économique, grâce notamment à un effort particulier en faveur des collectivités locales. Comme M. Larcher, vous souhaitez que cet effort soit poursuivi et amplifié.
Le fonds intercommunal de péréquation de la Polynésie française sera financé à partir de 2005 sur le budget du ministère de l'outre-mer, pour un montant de 8,19 millions d'euros.
Un effort particulier est également consenti pour les dessertes des collectivités d'outre-mer les plus isolées, comme la desserte aérienne de Wallis-et-Futuna et la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui bénéficient d'une mesure nouvelle de 1 million d'euros, soit 500 000 euros chacune.
Cette dotation, monsieur Laufoaulu, permettra à la collectivité territoriale de Wallis-et-Futuna d'augmenter les fréquences aériennes. L'Etat, bien entendu, assistera votre collectivité lors des négociations concernant les modalités d'exploitation de la desserte aérienne entre Wallis et Futuna.
Concernant la question de l'enseignement à Wallis-et-Futuna, qui, touchant les jeunes générations, concerne l'avenir du développement de ce territoire, il me paraît indispensable de remettre à plat l'ensemble du dossier et d'étudier les solutions possibles en étroite concertation avec le ministère de l'éducation nationale. Cela nous permettra notamment d'adapter aux spécificités du territoire les dispositifs prévus à l'article 18 de la loi de programme pour l'outre-mer ainsi que ceux qu'autorise l'article 55 de la loi de programmation de cohésion sociale, au bénéfice des élèves wallisiens et futuniens. Cette analyse nous permettra également de mettre en adéquation le nombre de bourses d'Etat allouées pour le territoire avec les besoins réels, en complément des bourses territoriales, dont la réforme est effective depuis le début de cette année.
Enfin, monsieur le sénateur de Wallis-et-Futuna, vous m'avez signalé les retards pris par certains ministères dans leur contribution respective au contrat de développement du territoire. Vous pouvez compter sur moi pour rappeler leurs engagements à mes collègues concernés.
Au sujet du manque de personnel technique sur le territoire, permettez-moi, monsieur le sénateur, de vous annoncer de bonnes nouvelles. Après avoir rencontré quelques difficultés dans le traitement de ces dossiers, nous avons trouvé les deux candidats compétents pour occuper ces postes.
M. Jean-Louis Carrère. C'est Noël !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Les deux agents retenus prendront leurs fonctions prochainement, puisque l'adjoint au chef des travaux publics de Futuna quittera la métropole le 23 janvier 2005 et que le contrôleur principal en charge des travaux routiers rejoindra Wallis le 6 février prochain.
S'agissant de Mayotte, le budget de l'outre-mer, conformément à l'article 65 de la loi du 11 juillet 2001, remboursera la collectivité départementale de ses dépenses de personnel. Une mesure nouvelle de 2,4 millions d'euros est inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2005.
Quant à la coopération régionale entre les collectivités ultramarines et les pays périphériques, elle sera intensifiée en 2005 et les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2005 permettront d'accroître de 18 % la capacité d'engager des actions nouvelles.
Votre intervention en faveur de Saint-Pierre-et-Miquelon, monsieur Detcheverry, est juste et la situation fragile de l'archipel requiert toute notre attention.
L'accord franco-canadien sur l'exploitation des hydrocarbures, que nous allons signer, permet de faire reconnaître une ouverture des Canadiens sur l'avitaillement des plates-formes pétrolières. Les autorités françaises ont en outre décidé de déposer à la Commission de l'ONU un dossier d'extension du plateau continental.
Sur la pêche, même s'il reste matière à préoccupation, on enregistre aussi des progrès. Ainsi, Saint-Pierre-et-Miquelon a pu récupérer à l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest, l'OPANO, des quotas supplémentaires prometteurs pour l'archipel.
Enfin, les dotations inscrites sur l'investissement au titre du FIDOM, du FIDES et des infrastructures seront assurées en 2005 au même niveau que dans le budget précédent et permettront de poursuivre la contractualisation, avec pour priorité le soutien des équipements publics.
Comme vous le savez, les contrats de plan ont été prolongés d'une année, voire de deux ans dans le cas particulier de Mayotte. Ce délai supplémentaire, monsieur Giraud, devrait permettre à cette collectivité d'accéder au statut de région ultrapériphérique et de bénéficier ainsi des fonds structurels européens dans le cadre du document unique de programmation, ou DOCUP, qui sera établi pour la période 2007-2013.
Vous m'avez interrogée, monsieur Virapoullé, sur les suites du mémorandum - d'ailleurs inspiré par votre rapport - que la France, l'Espagne et le Portugal ont remis à la Commission en juin 2003. La Commission, dans sa communication du 26 mai et dans son rapport du 6 août 2004, a repris les principales suggestions qui y figuraient et a proposé la création d'un fonds spécifique de compensation des surcoûts, doté de 1,1 milliard d'euros. Nous travaillons avec les services de la Commission sur les modalités concrètes d'application de cette décision.
Je vous fais part de ma très grande vigilance sur ce dossier, et je puis vous affirmer que nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les collectivités d'outre-mer concernées : en ont témoigné les travaux de novembre dernier sur les accords de partenariat économique qui se sont tenus en Guadeloupe pour les Antilles-Guyane et à la Réunion pour l'océan Indien.
Par ailleurs, le Gouvernement a mené à bien l'importante réforme de l'octroi de mer, confortant ainsi un régime qui était gravement menacé de disparaître. Par cette réforme, que vous avez votée l'été dernier, la part essentielle des ressources des collectivités locales issues de l'octroi de mer est préservée. En outre, une véritable avancée a été réalisée, comme l'ont souligné plusieurs d'entre vous, en particulier M. Lise : les communes recevront de nouvelles ressources d'investissement, puisque 80 % du montant du fonds régional pour le développement et l'emploi, le FRDE, viendront dorénavant abonder directement la section d'investissement de leurs budgets. Cela représente une recette d'investissement supplémentaire et libre d'emploi de l'ordre de 40 millions d'euros.
Au-delà du budget de l'outre-mer, vous le savez, j'ai demandé et obtenu que soit prise en compte dans le cadre de la réforme de la dotation globale de fonctionnement la spécificité des communes d'outre-mer, conformément à l'article 47 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, qui dispose que « les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales d'outre-mer font l'objet de dispositions particulières qui tiennent compte de leurs caractères spécifiques ».
Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2005, il est tenu compte du critère de la superficie pour le calcul de la DGF des communes. J'ai souhaité qu'il soit introduit notamment pour régler les problèmes particuliers des communes de Guyane. Grâce à l'amendement, soutenu par le Gouvernement, que vous avez adopté dans cette enceinte mercredi dernier, le plafonnement de cette mesure a été élevé au double de la dotation de base. Cette mesure, qui procurera un gain supplémentaire de 3 millions d'euros pour la DGF des communes de Guyane, contribuera à répondre à la préoccupation que m'ont maintes fois exposée les élus de ce département.
Par ailleurs, le coefficient de majoration du ratio démographique permettant de calculer la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été majoré. Cette augmentation, grâce à un amendement soutenu par le Gouvernement, passe de 10 % à 33 %.
Enfin, la dotation nationale de péréquation, la DNP, dans le calcul de la quote-part outre-mer de la dotation d'aménagement a été étendue aux collectivités d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie, qui jusqu'à présent n'en bénéficiaient pas.
Grâce à un amendement présenté par MM. Virapoullé et Detcheverry et soutenu par mon collègue Jean-François Copé, mon projet de création d'une quote-part « ultrapériphéricité », destinée à compenser une partie des handicaps structurels des communes ultramarines, a enfin pu aboutir. Toutes les communes d'outre-mer, y compris les trois circonscriptions des îles Wallis et Futuna, bénéficieront ainsi d'un abondement supplémentaire tenant compte de leur spécificité, notamment de leur éloignement géographique de la métropole et de leur insularité.
Ainsi, les communes d'outre-mer pourront bénéficier globalement d'un rattrapage qui avait été évalué à environ 30 millions d'euros par le comité des finances locales. Ce montant s'ajoute, bien entendu, aux mesures liées à l'indexation de la DGF, qui représente une augmentation de 3,29 %.
S'agissant de la piste de Mayotte, monsieur Giraud, je peux vous apporter quelques précisions. En effet, en février dernier, le Gouvernement a validé les conclusions de l'étude du schéma directeur comportant la réalisation d'une nouvelle piste dite « convergente » sur le site actuel de l'aéroport. Cette opération est essentielle pour l'avenir de Mayotte et, à la suite des importants travaux d'élargissement de la piste actuelle et d'agrandissement de l'aérogare, 500 000 euros ont été délégués au préfet de Mayotte pour lancer les premières études techniques de l'avant-projet de cette nouvelle piste, conformément au calendrier prévu.
Vous m'avez interrogée, monsieur Gillot, sur la situation budgétaire de la commune de Saint-Martin.
La future collectivité recevra la pleine compétence fiscale ; il lui incombera donc de dégager les ressources qui lui permettront de financer elle-même l'exercice de ses compétences. En outre, elle recevra, à due proportion des publics concernés, les dotations de l'Etat actuellement versées au département et à la région de la Guadeloupe pour l'exercice des compétences départementales et régionales qui lui auront été transférées.
Il appartiendra donc aux élus de la future collectivité d'arrêter les indispensables mesures de redressement financier, en concertation avec l'Etat. Celui-ci sera leur partenaire naturel et attentif dans l'apprentissage de l'exercice des compétences nouvelles ; car, loin d'envisager d'abandonner Saint-Martin, nous entendons l'aider à bien réaliser ce transfert.
A ce propos, je me félicite de la mission prochaine de la commission des lois de votre assemblée dans les îles du Nord, et je souhaite travailler en étroite liaison avec elle à la mise en place des futurs statuts de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
Je vous rassure, monsieur Balarello, et je le répète : nous sommes très vigilants, car nous souhaitons éviter toute dérive dans quelque domaine que ce soit.
Vous m'avez interrogée, monsieur Lise, monsieur Larcher, sur l'application des nouvelles dispositions de l'article 73 de la Constitution relatives aux nouveaux pouvoirs normatifs des départements et des régions d'outre-mer.
Je vous confirme qu'il entre bien dans les intentions du Gouvernement de faire adopter les dispositions nécessaires à l'entrée en vigueur de l'article 73, dispositions qui relèvent de loi organique. Elles seront donc incluses dans le projet de loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, qui sera déposé sur le bureau de votre assemblée au début de l'année prochaine. Ce projet de loi organique comprendra également les dispositions statutaires relatives à Saint-Barthélemy et Saint-Martin ainsi que diverses actualisations des statuts en vigueur, qui doivent être mis en harmonie avec la Constitution révisée le 28 mars 2003.
Le problème lié à la décentralisation, que vous avez abordé, monsieur Lise, est une préoccupation que partage également M. Larcher. Il pourrait trouver une solution dans le cadre des potentialités de l'article 73 de la Constitution, dont la rédaction, vous le savez, a été notablement assouplie par la révision du 28 mars 2003. Je suis pour ma part ouverte à toute proposition en ce domaine, et je suis prête à examiner dans quelle mesure vos préoccupations pourront être prises en compte dans le projet de loi que je viens d'évoquer.
Je voudrais, avant de terminer, dire quelques mots de la Polynésie française, puisque plusieurs d'entre vous l'ont évoquée, et faire avec vous le point sur ce dossier à l'issue des négociations qui ont eu lieu récemment à Paris.
Les réunions de travail qui se sont tenues au ministère de l'outre-mer à partir du mardi 23 novembre 2004, auxquelles participaient les forces politiques de Polynésie française, ont permis de dégager des points de convergence entre la délégation conduite par M. Gaston Flosse, président en exercice de la Polynésie française, et celle que dirigeait M. Oscar Temaru. Un communiqué signé le 27 novembre par ces deux leaders politiques a ainsi validé plusieurs points.
Premièrement, le principe d'un renouvellement général de l'Assemblée de Polynésie française était admis par les deux parties, les divergences portant sur le calendrier. En effet, M. Flosse souhaitait que ce renouvellement général ait lieu douze mois après l'élection partielle imposée par l'annulation du scrutin dans la circonscription des Iles-du-Vent, et M. Temaru, pour sa part, souhaitait que cette élection partielle n'ait pas lieu et que le scrutin de renouvellement général s'y substitue.
Deuxièmement, au-delà de ce principe de renouvellement général de l'assemblée, les parties sont convenues que la dissolution de l'assemblée de Polynésie française était impossible.
Que voulez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le droit est le droit ! Après deux mois de débats et de polémiques, tout le monde a fini par comprendre que le Conseil d'Etat risquait, statuant en référé, de suspendre immédiatement, puis d'annuler, un décret de dissolution soumis à la signature du Président de la République. On en serait alors revenu au même point !
Tous en sont donc convenus, la voie menant à des élections générales n'empruntant pas celle de la dissolution, il fallait par conséquent recourir à une loi organique.
La reprise des travaux était subordonnée à la libération des bâtiments publics avant le dimanche 28 novembre, à midi. Cela avait fait l'objet d'un accord, signé à la fois par M. Flosse et par M. Temaru, document dans lequel il était bien précisé que les travaux ne se poursuivraient qu'à la condition que tous les bâtiments publics occupés de façon illégale par les partisans de M. Temaru soient libérés.
Je dis bien « de façon illégale » puisque, au moment où nous discutions, une ordonnance du Conseil d'Etat est intervenue exigeant la libération, dans les soixante-douze heures, de l'ensemble des locaux occupés de façon irrégulière par les militants proches de la mouvance politique de M. Temaru.
Or, malgré l'engagement écrit qu'il avait pris, M. Temaru n'a pas respecté cette condition. Il est donc responsable, et lui seul, de la suspension des travaux que, pour ma part, je suis prête à reprendre avec les deux parties, dès que les locaux occupés auront été libérés.
En tout état de cause, le Gouvernement se doit de respecter les dispositions de la loi organique du 27 février 2004, ce qui implique que l'élection dans la circonscription des Iles-du-Vent doit être organisée dans un délai de trois mois à partir de la date de l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 novembre 2004. En conséquence, un décret de convocation des électeurs interviendra prochainement afin d'organiser cette élection partielle le dimanche 13 février 2005.
A partir des déclarations des uns et des autres, je comprends que tout le monde semble maintenant souhaiter ces élections partielles. Dans l'hypothèse où un accord sur le renouvellement intégral de l'assemblée interviendrait, le Gouvernement engagerait les procédures nécessaires afin, notamment, de modifier le calendrier électoral. Quant à la forme du texte, une proposition de loi organique serait plus judicieuse, si l'on veut respecter les délais très brefs qui restent à courir d'ici au 13 février 2005. Mais, je le redis, les conditions de l'accord que tout le monde a signé doivent être respectées et les négociations ne pourront reprendre qu'après libération complète de l'ensemble des bâtiments publics.
En examinant sans parti pris et en toute objectivité ce budget, certes élaboré dans un contexte budgétaire contraint, vous constaterez, ainsi que l'ont relevé vos rapporteurs, que le ministère de l'outre-mer s'inscrit résolument dans la politique de modernisation de l'Etat décidée par le Premier ministre, en anticipant la réforme de la gestion publique mise en oeuvre par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. J'ai souhaité que cette préparation active aux nouvelles expérimentations de la LOLF soit appuyée par un cabinet d'audit et des contrôleurs de gestion que nous sommes en train de recruter.
Soyez persuadés, mesdames, messieurs les sénateurs, que, en 2005, je consacrerai tous mes efforts pour que mon ministère s'implique dans cette réforme en profondeur de la gestion publique, avec volonté et dynamisme, dans le respect des engagements du Président de la République et de la loi de programme, gage d'un développement social et économique durable de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'outre-mer et figurant aux états B et C.
État B
Titre III : moins 34 404 636 €.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur ces crédits.
M. Bernard Frimat. Cette explication de vote vaudra pour l'ensemble des crédits du budget de l'outre-mer.
Le groupe socialiste votera contre ce budget, pour les différentes raisons que nous avons exposées, parmi lesquelles l'attitude du Gouvernement sur la question polynésienne, qui ne fait que renforcer notre opposition à l'ensemble de la politique menée.
Nos collègues sénateurs de l'outre-mer ont écouté vos réponses à leurs interrogations, madame la ministre. Espérant que le caractère positif d'un certain nombre des perspectives que vous avez ouvertes se confirmera dans les mois qui viennent, ils s'abstiendront.
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : 614 094 230 €.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais m'exprimer au nom d'un certain nombre de membres de mon groupe.
Madame la ministre, j'ai entendu votre discours liminaire et les réponses que vous avez apportées aux orateurs. Reprenant ce qu'a dit tout à l'heure M. Claude Lise, à la fin de son intervention, je commencerai cette explication de vote en posant une question qui me semble être essentielle : que veut-on faire des départements et des territoires d'outre-mer ?
Il faut prendre conscience de la gravité des problèmes qui se posent sur place, et cela va bien au-delà de ceux qui ont été évoqués et qui sont strictement d'ordre budgétaire. Car je veux parler en cet instant de la jeunesse, de la drogue, particulièrement dans les Antilles, de l'immigration clandestine - dramatique en Guyane -, du foncier, problème récurrent dans un certain nombre de nos collectivités d'outre-mer.
Je voudrais également replacer, ce que l'on oublie trop souvent de faire, le rôle de l'outre-mer dans le contexte européen. C'est très important non seulement sur le plan économique, mais aussi pour la défense de notre territoire.
Je tenais à faire ce rappel, car, si nous vous remercions, madame la ministre, de répondre par des données chiffrées, comme il est normal, aux questions de tous les représentants de l'outre-mer ici présents, nous attendons également une vision globale de la politique du Gouvernement et du rôle qu'il entend faire jouer à toutes ces collectivités.
Différents consultations ont eu lieu outre-mer. Je citerai le référendum aux Antilles, les élections régionales, les élections en Nouvelle-Calédonie. Si chacun peut interpréter les résultats de ces consultations sur le plan politique, l'aspect que je voudrais personnellement en retenir et souligner est surtout l'attachement de toutes ces populations à la République, et à la métropole.
Il est très important de bien prendre la mesure de cet attachement des collectivités ultramarines à la République, attachement qui est, au reste, mutuel, car il transcende les positions, les inquiétudes, voire les peurs des uns ou des autres, et je pense ici au référendum antillais.
Permettez-moi de revenir, avant de terminer, sur la Polynésie.
Des élections vont donc avoir lieu dans les Iles-du-Vent, à la suite de la décision d'annulation du Conseil d'Etat. En homme de droit, M. Hyest s'est placé tout à l'heure, et on le comprend, sur le terrain du droit. Certes, il nous incombe de faire respecter les lois que nous votons, mais nous ne pouvons pas nous limiter à ce seul aspect. La décision d'annulation est une chose, mais elle ne saurait nous empêcher de considérer l'ensemble de la situation en Polynésie française. Et les faits sont là : on a dénombré 35 000 manifestants ; c'est énorme, pour l'archipel !
Au sein de notre groupe, nous sommes tout à fait disposés à la réforme du mode de scrutin que vous nous avez annoncée, car la situation en Polynésie française exige effectivement, selon nous, plus de vérité et plus de transparence. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État c
Titre V.- Autorisations de programme : 10 500 000 € ;
Crédits de paiement : 3 620 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI.- Autorisations de programme : 369 088 000 € ;
Crédits de paiement : 105 332 000 €.
M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° II-14, présenté par la commission des affaires sociales, tendant à insérer un article additionnel après l'article 73 nonies et qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'outre-mer.
Article additionnel après l'article 73 nonies
M. le président. L'amendement n° II-14, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. Après l'article 73 nonies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 7 de l'ordonnance n° 2002-149 du 7 février 2002 relative à l'extension et à la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte est ainsi rédigé :
« Art. 7 - Les allocations familiales sont attribuées dans les conditions définies aux articles L. 755-11 et L. 755-12 du code de la sécurité sociale. »
II. En conséquence, faire précéder cet article par une division ainsi rédigée :
Outre-mer
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'ordonnance du 7 février 2002 a mis en place un nouveau régime de prestations familiales dans la collectivité départementale de Mayotte. Mais, contrairement à ce qui se passe ailleurs en France, l'article 7 de cette ordonnance limite la majoration des prestations à trois enfants par allocataire. Au-delà donc de trois enfants, les naissances supplémentaires ne donnent lieu au versement d'aucune majoration.
Il convient de lever ce verrou, en déplafonnant les allocations familiales versées à Mayotte.
L'amendement que vous propose la commission des affaires sociales est guidé par un impératif de justice.
Un tel plafonnement, qui n'existe ni en métropole ni dans les autres DOM, contrevient au principe constitutionnel d'égalité de traitement entre les citoyens inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et dans la Constitution, laquelle dispose que la France « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens ». Ce principe revêt une importance toute particulière s'agissant des citoyens français d'outre-mer.
Le système de plafonnement des allocations remet également en cause les droits de la famille. Le préambule de la Constitution de 1946 affirme par ailleurs que la nation « assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
Avec l'ordonnance de 2002, on crée pourtant deux catégories de familles, sans prendre en considération les plus nombreuses. Pourtant, l'objectif des allocations familiales est de venir en aide aux familles nombreuses.
De plus, la situation économique, sociale et sanitaire à Mayotte exige des mesures destinées à améliorer l'aide aux personnes en grande précarité. En effet, le PIB par habitant y est dix fois inférieur à celui de la métropole et le taux de chômage cinq fois plus élevé, alors que les Mahoraises et les Mahorais supportent les surcoûts inhérents à l'insularité.
Il faut, par ailleurs, tenir compte du fait que Mayotte a vocation à devenir un département. Toute la législation actuelle tend à un alignement sur le droit commun. Or la politique de rattrapage n'a pas encore concerné les prestations familiales.
Enfin, l'interdiction, justifiée, de la polygamie en 2003 nous incite à soutenir financièrement les mères qui ont été répudiées par leurs époux par anticipation.
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose, chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Torre, rapporteur spécial. Il est exact que c'est par l'ordonnance du 7 février 2002 qu'a été mis en place un nouveau régime de prestations familiales dans la collectivité départementale de Mayotte. Voulant limiter les effets d'une telle mesure sur la démographie, le gouvernement de l'époque en avait limité le bénéfice à trois enfants par allocataire.
Or, après la loi de 2003, qui a interdit la polygamie, certains se sont crus autorisés à « licencier », si j'ose dire, un certain nombre de leurs épouses qui, surtout lorsqu'elles avaient plus de trois enfants, ont connu de ce fait de très graves difficultés.
Si donc, sentimentalement, pourrais-je dire, votre amendement, madame le rapporteur pour avis, est très justifié et n'aurait pas laissés indifférents les membres de la commission des finances s'ils avaient pu l'examiner, il n'en reste pas moins que, juridiquement, il s'agit,dans une certaine mesure, d'un cavalier budgétaire. S'il était adopté, la Caisse nationale d'allocations familiales serait contrainte de supporter un prélèvement d'environ 3 millions d'euros sur ses propres ressources, ce qui n'est pas conforme aux dispositions de la loi organique.
Dans ces conditions, madame Payet, la mesure que vous proposez serait probablement censurée par le Conseil constitutionnel. C'est la raison pour laquelle, tout en souhaitant que cette question soit examinée, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Mon sentiment est très clair, et je ne peux qu'adhérer aux propos de Mme Payet.
Je rappelle que l'ordonnance du 7 février 2002 a été prise par un gouvernement socialiste.
M. Jean-Louis Carrère. « Socialo-communiste » ! Et votre gouvernement, il est quoi : « UMPiste » ?
Mme Brigitte Girardin, ministre. Or il était, à mon sens, particulièrement malvenu de plafonner la majoration de la prestation à trois enfants, et ce au nom d'une prétendue politique de contrôle de la natalité. Je suis d'ailleurs pour le moins sceptique sur le caractère mécanique du lien ainsi établi entre le montant des allocations familiales et le taux de fécondité des femmes mahoraises.
Le texte de l'ordonnance doit donc véritablement être rectifié, car son application provoque des effets pervers, qui sont maintenant bien connus.
Je partage évidemment les objections de nature technique émises par M. Torre. Au demeurant, avec mon collègue Philippe Douste-Blazy, nous avons la ferme intention de régler cette question, mais évidemment dans un autre cadre que celui du budget de l'outre-mer.
M. Jean-Louis Carrère. Compte tenu de votre fécondité intellectuelle et de celle de Douste-Blazy, ça promet !
Mme Brigitte Girardin, ministre. En tout cas, nous sommes tout à fait déterminés à corriger les inégalités et à régler ce dossier dont les élus de Mayotte nous saisissent régulièrement, à juste titre, d'ailleurs.
Par conséquent, compte tenu des réserves purement techniques que nous émettons, je vous demande également, madame Payet, de bien vouloir retirer votre amendement, en m'engageant à ne pas ménager nos efforts, avec Philippe Douste-Blazy, pour faire aboutir le dossier et corriger certaines erreurs.
M. Jean-Louis Carrère. Corriger les erreurs des socialo-communistes... Que c'est dérisoire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mme Payet nous soumet un problème douloureux. Comme l'a rappelé M. Torre, un certain nombre de Mahorais se sont mis en conformité avec la loi. Depuis, les femmes répudiées sont plongées dans les plus extrêmes difficultés.
Madame la ministre, nous devons donc, en effet, trouver la réponse adéquate pour satisfaire une demande ô combien légitime.
Comme je l'ai déjà dit lors de la discussion générale, la commission des finances a renoncé à reprendre certains thèmes abordés il y a un an, et ce pour des raisons politiques, eu égard à la situation en Polynésie française.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le président de la commission des affaires sociales a évoqué la possibilité de remettre en cause l'indemnité temporaire versée à des fonctionnaires métropolitains prenant leur retraite dans un certain nombre de territoires.
La situation actuelle est choquante par rapport à l'idée que nous nous faisons de l'équité dans la République, car, la Cour des comptes l'a parfaitement démontré, il y a des abus. En effet, parmi les bénéficiaires de cette allocation, certains ont sans doute des domiciliations « de façade » pour se prévaloir de ces suppléments de pension et du régime fiscal propre à ceux qui résident dans les territoires concernés. Au demeurant, madame la ministre, nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau ce problème ensemble.
A l'époque, Mme Payet a combattu la proposition de M. About. Or, si celle-ci avait été adoptée, les économies ainsi réalisées auraient peut-être constitué une source de financement pour venir en aide aux femmes mahoraises qui ont des enfants à charge.
Madame la ministre, il nous faut, en la matière, trouver des sources de financement. J'ai bien noté votre engagement au service de l'efficacité de la dépense publique. S'agissant du problème que je me permets d'évoquer de nouveau, il va falloir trouver une solution, ne serait-ce que pour mettre un terme aux abus.
Nous n'entendons pas remettre en cause des avantages acquis, mais un tel système doit cesser. D'ailleurs, les échos qui nous proviennent de toutes les travées de cette assemblée nous incitent à prendre une mesure volontariste, au nom de l'équité.
Que Mme Payet me pardonne ce rappel, mais peut-être pourra-t-elle, à l'avenir, apporter son appui à l'amendement qu'avait présenté le président de la commission des affaires sociales sur ce thème particulier. Je le répète, l'adoption d'une telle mesure aurait permis de trouver une bonne source de financement.
Dans le même ordre d'idées, je n'évoquerai que pour mémoire la suppression du dispositif de la TVA non perçue récupérable, car elle pourrait dégager une ressource financière non négligeable pour faire face aux nécessités cruellement ressenties aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-14 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, j'ai bien entendu vos explications et j'ai pris note de vos engagements.
A ma connaissance, ce problème est soulevé au Sénat pour la première fois, alors qu'il a déjà été exposé à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale par le député de Mayotte, M. Mansour Kamardine.
En 2002, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, notre collègue député avait interrogé le ministre délégué à la famille, qui avait alors exprimé son souhait de régler le problème avant la conférence de la famille prévue pour le printemps de 2003.
M. Robert Bret. Les promesses n'engagent que ceux qui les croient !
M. Jean-Louis Carrère. C'est encore la faute des socialistes !
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Or, aujourd'hui, nous en sommes toujours au même point. J'espère donc que le règlement de ce problème ne sera pas repoussé indéfiniment.
Certes, il faudrait peut-être clore d'autres dossiers concernant Mayotte. Ainsi, l'état civil est loin d'y présenter les mêmes qualités que partout ailleurs en France. Il conviendrait d'effectuer un véritable recensement de la population. De plus, les élus locaux devraient s'engager à attribuer un nom de famille aux personnes qui n'en ont pas. Habituellement, c'est l'un des prénoms qui sert de nom de famille, et pendant un certain temps seulement, puisqu'il est possible de changer de prénom de référence après seulement quelques mois. Cela concerne surtout les Comoriens installés à Mayotte, qui représentent un tiers de la population totale.
Je reconnais aussi que notre amendement est un cavalier et qu'il n'a pas tout à fait sa place dans le budget de l'outre-mer, mais j'ai surtout voulu lancer le débat, car il est nécessaire et urgent de trouver une solution à ce problème.
Quant aux retraites outre-mer, il s'agit, à mon sens, d'un autre débat. Nous en reparlerons !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela concerne aussi les retraites des fonctionnaires métropolitains.
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, je vous fais confiance, et je retire donc mon amendement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° II-14 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les affaires étrangères.
La parole est à M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005 témoigne d'une double volonté, d'une double exigence.
La première de ces exigences est de poursuivre la mise en oeuvre des priorités engagée en 2004.
La seconde de ces exigences est de participer à l'effort de rigueur et de réforme souhaité par le Gouvernement et sa majorité.
Ces deux exigences pourraient être contradictoires. Je vais cependant tenter d'expliquer de quelle manière le ministère des affaires étrangères a réussi à résoudre cette apparente contradiction.
Ce ministère est, depuis cette année, à la suite de l'application de la décision du Président de la République, exonéré des mesures de régulation budgétaire. En effet, ces mesures pouvaient nuire à l'image de notre pays à l'étranger, car elles pouvaient entraîner l'annulation d'opérations menées dans le cadre de partenariats avec des acteurs locaux vis-à-vis desquels la France avait engagé sa parole. Ces mesures pouvaient, par exemple, entraîner des retards ou des défauts de paiement, et, de manière générale et à coup sûr, une absence de visibilité pour la programmation des moyens du ministère.
Bien que cette situation ne puisse être totalement imputée aux mesures de régulation budgétaire, je rappelle cependant que le montant des factures impayées pour les investissements immobiliers s'élevait à 11 millions d'euros à la fin de l'année 2003 !
Pour autant, il ne faudrait pas considérer que le ministère des affaires étrangères ne participe pas à la maîtrise des dépenses de l'Etat. En effet, si son budget augmente de 4,3 %, pour s'établir à 4,408 milliards d'euros en 2005, cette progression résulte en grande partie de l'inscription de 150 millions d'euros pour le Fonds mondial de lutte contre le sida et de 15 millions d'euros, en provenance du ministère de l'agriculture, pour l'achat de denrées dans le cadre de l'aide alimentaire, désormais intégralement prise en charge par le ministère des affaires étrangères, conformément, d'ailleurs, aux demandes de la commission des finances.
A périmètre constant, les crédits n'augmentent que de 1,2 %, soit environ 50 millions d'euros, ce qui est nettement inférieur à l'indice prévisionnel de croissance des prix.
Outre cette diminution en volume à périmètre constant du budget des affaires étrangères, on notera que ce dernier est l'un des rares à mettre en oeuvre, de manière stricte, le principe de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, ce qui se traduit par cent suppressions nettes d'emplois pour 2005. Ce principe est d'ailleurs mis en oeuvre pour la deuxième année consécutive.
La part des dépenses de fonctionnement dans l'ensemble des dépenses du ministère diminue, ce qui va dans le bon sens.
Dans ce contexte, le ministère des affaires étrangères finance donc ses priorités, pour l'essentiel, par redéploiement de ses crédits, notamment en réformant son réseau, ce qui mérite d'être souligné.
Quelles sont donc ces priorités ?
Tout d'abord, l'effort porte principalement sur l'aide publique au développement, l'APD, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République qui souhaite que les sommes consacrées à ce titre atteignent 0,5 % du produit intérieur brut en 2007. Au regard de cet objectif, la progression des crédits du ministère des affaires étrangères résulte intégralement, et ce depuis plusieurs années, de l'augmentation des crédits consacrés à l'aide publique au développement. Mon excellent collègue Michel Charasse développera tout à l'heure cette partie du budget du ministère des affaires étrangères.
Parmi les autres priorités figure en bonne place la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme du droit d'asile. La subvention versée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, augmente de 18 % et s'établit à 46,3 millions d'euros. Elle a donc été presque multipliée par trois depuis l'année 2000. La remise à niveau des moyens de l'OFPRA, notamment en personnels, a permis, mes chers collègues, de réduire à deux mois en moyenne les délais de traitement des demandes d'asile.
Toutefois, la réforme législative du droit d'asile a conduit parallèlement à une forte augmentation des recours contre les décisions de l'OFPRA auprès de la commission des recours des réfugiés. En effet, sur les neuf premiers mois de l'année 2004, ces demandes de réexamens sont en hausse de 210 % par rapport aux trois premiers trimestres de l'année 2003, ce qui est considérable.
L'augmentation de la subvention versée à l'OFPRA pour 2005 est donc destinée à permettre à la commission des recours des réfugiés de disposer de cent vingt-cinq personnes supplémentaires pour réduire à trois mois, contre onze mois actuellement, le délai moyen de traitement des dossiers d'ici à la fin de l'année 2005.
Des progrès ont indéniablement été réalisés avec la réforme, mais plusieurs questions restent posées. Je me contente de les énumérer.
D'abord, les moyens humains supplémentaires seront-ils suffisants pour atteindre l'objectif de réduction des délais d'instruction des dossiers fixé à la commission des recours des réfugiés ?
Ensuite, la possibilité illimitée de formuler des recours contre les décisions de l'OFPRA devant cette commission n'est-elle pas de nature à favoriser un engorgement de cette juridiction ? Poser la question, c'est, me semble-t-il, y répondre !
Enfin, question fondamentale, comment faire pour éviter que les déboutés du droit d'asile ne s'installent durablement sur notre sol, rendant très difficile, en pratique, l'application des mesures de reconduite à la frontière ?
Il conviendra, à l'issue de l'année 2005, d'évaluer la réforme du droit d'asile, afin de mesurer si celle-ci permet, dans l'intérêt de tous, non seulement de l'Etat et des collectivités territoriales, mais aussi et surtout des personnes - nos concitoyens et les demandeurs d'asile -, de réduire sensiblement les délais et de rendre plus effectives les décisions prises.
S'agissant du rayonnement culturel et linguistique de la France, je relève que le nombre d'étudiants étrangers en France, après avoir connu une diminution importante au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix, a considérablement augmenté au cours des dernières années, puisqu'il est passé, pour les seules universités, de 122 000 en 1998 à 200 000 en 2003.
Il convient sans doute de faire porter nos efforts sur la sélection des meilleurs étudiants plutôt que de chercher à « faire du chiffre ». Mais les progrès réalisés sont tout de même très significatifs, du point de vue tant de la promotion de l'enseignement supérieur français que de la politique d'attribution de visas d'études et de bourses.
Une autre priorité du ministère est l'amélioration de la sécurité des Français à l'étranger, malheureusement plus que jamais nécessaire. Les récentes émeutes en Côte d'Ivoire ont montré l'importance de garantir à nos communautés expatriées une sécurité maximale. A cette occasion, je veux témoigner de ma solidarité avec nos concitoyens de Côte d'Ivoire, qui ont souffert et qui connaissent aujourd'hui encore les peines et les difficultés matérielles liées à un exil forcé.
Le ministère des affaires étrangères poursuit la mise en oeuvre de sa stratégie ministérielle de réforme. Celle-ci prévoit notamment, d'ici à l'année 2006, l'étude d'un regroupement des services du ministère situés à Paris, actuellement répartis sur onze sites, et ce sans coût supplémentaire grâce à la vente des biens dont le ministère est propriétaire dans la capitale. Elle prévoit aussi la modernisation, d'une part, des procédures de gestion et, d'autre part, des services rendus au public à l'étranger, avec le développement de la téléadministration. Tous ces éléments impliquent un investissement important dans les réseaux informatiques et de communication.
Pour financer le coût de sa stratégie ministérielle de réforme, le ministère des affaires étrangères s'engage dans un plan d'aménagement de son réseau à l'étranger.
Il s'agit, d'abord, en vendant les biens immobiliers de l'Etat devenus inutiles ou inadaptés, de disposer de recettes supplémentaires, puisque le produit des cessions reviendra désormais intégralement au ministère des affaires étrangères.
Par ailleurs, le réseau à l'étranger sera modernisé, dans le cadre d'un plan d'aménagement qui devrait aboutir à la suppression de 248 emplois réservés aux expatriés et de 99 emplois réservés aux agents de recrutement local.
L'aménagement du réseau se traduira également par la rationalisation des moyens existants, en s'appuyant sur des fusions de structures, par exemple en créant des postes mixtes remplissant des missions consulaires et culturelles ou en fusionnant des instituts culturels et des Alliances françaises, ainsi que sur la mise en place de formes plus souples de représentation, par exemple des consulats d'« influence », qui seront déchargés des activités consulaires pour pouvoir se concentrer sur leur rôle politique.
Aucune ambassade, bien sûr, ne sera fermée. Seuls quelques consulats seront touchés, notamment en Allemagne. Il s'agit de privilégier la centralisation des activités consulaires, le développement de la téléadministration, ou encore les coopérations avec les autorités locales dans l'Union européenne. Ces réformes toucheront surtout les réseaux les plus importants du ministère des affaires étrangères, alors que les moyens seront renforcés dans les pays jugés prioritaires.
Cette rationalisation du réseau est une initiative que la commission des finances du Sénat soutient sans hésiter. Elle devrait permettre de dégager des moyens financiers et humains pour mettre en oeuvre les priorités du ministère des affaires étrangères.
La commission des finances se félicite de ce que le ministère des affaires étrangères s'engage dans d'importantes réformes et autofinance de cette manière ses priorités, en dehors de l'aide publique au développement. Dans un courrier au Premier ministre en date du mois de mars 2004, le Président de la République avait d'ailleurs suggéré le principe d'un recyclage des économies réalisées par le ministère des affaires étrangères et avait invité ce dernier à souscrire un contrat triennal « de rigueur et de prévisibilité » avec le ministère chargé du budget. C'est une piste intéressante pour l'avenir.
La commission des finances se félicite également de voir s'installer progressivement une culture de gestion et d'évaluation au ministère des affaires étrangères, culture qui, il faut le reconnaître, n'était pas toujours perçue comme compatible avec ses traditions.
La préfiguration de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances se traduit, en 2005, par le développement des expérimentations et par un important travail sur les objectifs et les indicateurs du ministère, que j'analyse dans mon rapport écrit.
Avant de conclure, je souhaiterais poser une question et exprimer trois regrets.
Ma question porte sur la chaîne d'information internationale, au sujet de laquelle on ne comprend plus très bien, monsieur le ministre, si c'est la volonté politique, les solutions techniques ou les moyens financiers qui sont défaillants.
Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un amendement du Gouvernement visant à doter cette chaîne de 30 millions d'euros a finalement été retiré. Le flou reste entier sur les modalités de financement et de fonctionnement de cette chaîne et sur le calendrier prévu.
Mon premier regret concerne les services des visas, qui ont été, il est vrai, réaménagés pour partie au cours des dernières années afin d'améliorer l'accueil des demandeurs. Cependant, ils sont toujours insuffisamment dotés en moyens humains, ce qui n'est pas satisfaisant pour une mission aussi sensible sur le plan politique.
Le ministère des affaires étrangères doit prêter une attention soutenue à la collecte des données relatives aux attributions de visas, lesquelles doivent être contrôlées par l'administration centrale.
Mon deuxième regret concerne, comme chaque année, la stagnation des contributions volontaires de la France aux organisations internationales, si l'on excepte toutefois sa contribution exceptionnelle au Fonds mondial de lutte contre le sida.
Enfin, mon troisième et dernier regret concerne l'insuffisance persistante de moyens pour financer les projets immobiliers, malgré une progression très sensible dans le projet de budget pour 2005, puisque les crédits de paiement augmentent de 11,9 % et les autorisations de programme de 11,1 %.
Le ministère des affaires étrangères devrait également confier à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE, les moyens juridiques et financiers qui lui permettraient de prendre en charge les établissements scolaires en gestion directe à l'étranger. La possibilité pour l'AEFE de recourir à l'emprunt devrait être de nature à faciliter la bonne gestion de ce patrimoine immobilier.
La commission des finances a proposé au Sénat d'adopter ce projet de budget, qui marque un net engagement du ministère des affaires étrangères de financer les priorités énoncées par le Président de la République, tout en participant à l'effort de rigueur budgétaire et de réforme que la commission des finances appelait de ses voeux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.
M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances est heureuse que l'aide publique au développement soit et reste une priorité budgétaire de la France. La réduction de la pauvreté est, certes, très tributaire de l'efficacité de l'aide et de la capacité à ne pas verser les fonds à des Etats que l'on peut parfois qualifier de « kleptocrates ». Mais les besoins fondamentaux à couvrir sont énormes et exigent un volume financier adéquat.
La France est en bonne place parmi les bailleurs internationaux : 10 % environ de l'aide mondiale, troisième contributeur mondial en volume, premier en volume sur le continent européen, premier contributeur au Fonds européen de développement et à l'initiative pour les pays pauvres très endettés. Notre pays respecte le plan de marche correspondant à ses engagements de 2002 : une APD située à 0,5 % du PIB en 2007 et à 0,7 % en 2012. En 2005, nous serons à 0,44 %, légèrement plus qu'en 2004, mais l'exécution actuelle reste préoccupante, car peu d'allégements de dette sont intervenus à mi-année. Messieurs les ministres, qu'en est-il des « mesures correctrices » annoncées pour l'automne au Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, CICID, du 20 juillet dernier ?
Le volume d'APD dans le monde, très inférieur aux besoins - 60 milliards d'euros - a augmenté de près de 4 % en 2003. La Banque mondiale pense qu'il faut le doubler pour espérer atteindre les objectifs du millénaire fixés en 2000. On réfléchit donc aujourd'hui à des financements innovants. Notre pays occupe une place importante dans cette démarche, notamment grâce à ses propositions de nouvelle taxe internationale affectée au développement ou, avec le Royaume- Uni de « facilité de financement internationale ». Nous en sommes pour le moment au stade académique. Mais au moins la France présente des alternatives.
L'aide française reste fondamentalement interministérielle, impliquant une bonne dizaine de ministères, et d'abord les Affaires étrangères et les Finances, qui reçoivent plus de 90 % des crédits budgétaires d'APD. Mais, malgré la réforme de 1998, il n'y a toujours pas de chef de file clairement identifié. Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, les Affaires étrangères élaboreront un « document de politique transversale », soulignant leur vocation à assurer la coordination et le pilotage de l'APD. Mais, dans le même temps, le rôle des Finances est conforté par deux évolutions : la forte hausse des annulations de dettes, et le rôle croissant de l'Agence française de développement, l'AFD, à la suite des conclusions du CICID du 20 juillet dernier. Excusez-moi pour tous ces sigles, mais c'est comme ça !
Certes, l'Agence reste théoriquement sous cotutelle des deux ministères. Mais la tutelle sur un établissement bancaire et financier n'est pas vraiment ce que je pourrais appeler la « tasse de thé » du Quai d'Orsay, sans faire de mauvais jeu de mots. Messieurs les ministres, quels sont les axes du contrat d'objectifs que l'Agence et le ministère des affaires étrangères doivent conclure avant la fin 2004 ?
Au-delà de cette dyarchie et des ambiguïtés du statut de l'Agence française de développement, notre système institutionnel d'aide est rendu plus complexe par les multiples champs de compétence de la direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, dont les crédits ne relèvent pas tous exclusivement de l'aide publique au développement. Le développement désordonné de la coopération décentralisée exige lui aussi une véritable coordination, qui tarde encore à venir. Certains ministères prétendent jouer leur carte, en franc-tireur, pour s'imposer davantage à l'international, ce qui complique un peu plus les choses. Je suis cependant heureux de la décision de transférer de l'Agriculture aux Affaires étrangères les crédits d'aide alimentaire. La rationalité que je réclamais depuis longtemps a enfin prévalu.
L'OCDE vient d'examiner l'aide française et aboutit au même constat : trop d'intervenants et d'instruments entraînent un grave déficit de coordination, de lisibilité, de stratégie, et une accumulation de prétendues priorités. La fiabilité du « jaune » budgétaire pâtit de cette confusion - et je voudrais au passage remercier les collaborateurs de la commission des finances pour avoir démêlé le vrai du faux dans un « jaune » dont la première version comportait beaucoup d'erreurs (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit) -, notamment en ce qui concerne les écarts de comptabilisation de l'APD au sens de l'OCDE et au sens budgétaire. Donc, il faudrait essayer, pour l'année prochaine, je le dis au ministre et à ses collaborateurs, de nous présenter un document un peu plus rigoureux ; la deuxième version était meilleure, mais nous avons aidé à la corriger, sans droits d'auteur...
Le CICID du 20 juillet a entrepris de remédier à ces lacunes. Son rôle devrait ainsi être renforcé, des stratégies pluriannuelles de référence dans les secteurs prioritaires seront élaborées, la programmation de l'aide sera plus sélective en fonction de critères de performance, les documents de stratégie pays seront modernisés. Tout cela va dans le bon sens, s'il n'en résulte pas une nouvelle inflation rhétorique et si la plus grande sélectivité de l'aide ne nous conduit pas à abandonner les pays les plus pauvres, qui ne rempliront pas avant longtemps certains des critères de bonne gouvernance que des idéalistes, que j'appellerais nantis ou un peu repus- la commission m'en voudrait si j'ajoutais « quelquefois boutonneux »- veulent prétendre leur imposer.
Donc, notre aide au développement est complexe à décrypter. Hélas ! la future mission interministérielle de la loi organique ne va remédier que partiellement à ce manque de cohérence. La mission imaginée recouvre en effet 85 % des crédits budgétaires de coopération, dont l'essentiel ? mais pas tous ! ? de ceux des Affaires étrangères. La majorité des crédits d'APD notifiés à l'OCDE resteront hors de la mission. Pourtant, cette nouvelle nomenclature budgétaire est plus satisfaisante que le projet assez bancal de l'an dernier, et je dois dire que la commission des finances a d'ailleurs beaucoup insisté, son président est là et peut en témoigner, pour qu'il en soit ainsi. Elle va clarifier les actuelles clefs de répartition, et surtout structurer notre aide selon des objectifs et des indicateurs plutôt pertinents. Cette nécessaire logique de résultats et de performance est pleinement cohérente avec la culture de projet qui préside à l'aide au développement.
Venons-en aux principales caractéristiques du budget 2005.
L'APD française augmente de 10 % en 2005, 7,5 milliards d'euros, soit une progression très nette au regard des contraintes budgétaires. Les crédits budgétaires représentent moins de la moitié de l'aide et augmentent de 7 %, à 3,5 milliards d'euros, mais de plus de 11 % pour les seuls crédits de coopération des Affaires étrangères.
Voici quelques aspects positifs de ce budget.
D'abord, l'aide bilatérale : elle augmente de 16 %, mais l'aide multilatérale diminue de 1,8 %. Monsieur le ministre, vous savez combien la commission des finances est attachée à la visibilité et à la maîtrise des résultats de notre aide, tant sur le plan politique que sur le terrain. L'Afrique subsaharienne reste la priorité de notre coopération : elle a reçu près de 60 % des crédits en 2003, et le continent africain plus de 70 %. Là se situe notre avantage comparatif par rapport aux autres bailleurs, car ce sont les pays les plus nécessiteux. Mais la zone de solidarité prioritaire, la ZSP, est sans doute trop large pour les dons et trop restreinte pour les prêts concessionnels.
Les décaissements du FED, dont j'ai longtemps souligné l'incroyable l'inertie, s'améliorent. La France doit donc effectuer des versements plus importants, 628 millions d'euros en 2005. Cette amélioration est cependant encore insuffisante et, surtout, très artificielle. Elle repose en effet essentiellement sur la nouvelle politique du FED, qui abonde des fonds multilatéraux en devenant une sorte de « sas », ce qui n'est pas sa vocation, et qui fait disparaître complètement de la visibilité l'aide européenne, donc la contribution importante que nous versons.
Sont heureux également l'effort soutenu pour les contrats de désendettement-développement, l'abondement du Fonds mondial de lutte contre le sida, dont parlait mon collègue Adrien Gouteyron il y a un instant, et le relèvement des crédits de paiement du fonds de solidarité prioritaire, le FSP. J'ai en effet constaté, récemment sur le terrain, en Afrique de l'Ouest, que le FSP était « à sec » de crédits de paiement en début d'année, ce qui portait préjudice à la réputation de la France, qui empilait les factures impayées et qui prenait donc une réputation de mauvais payeur. Les choses ont été heureusement redressées au printemps. Mais l'effort budgétaire ne sera que de l'affichage s'il ne s'accompagne pas d'une gestion plus rigoureuse des projets. Soyez sévères, messieurs les ministres, avec les projets trop anciens, vagues, chaotiques ou qui n'avanceront jamais. La DGCID a pris cette année les dispositions que j'attendais pour enrayer cet « acharnement thérapeutique » sur les projets dormants ou sommeillants. D'autre part, l'évaluation interne des projets par les postes diplomatiques devrait s'inspirer de la nouvelle méthode de notation systématique mise en place par l'AFD pour ses propres projets.
Les postes d'assistant technique, qui ont continué à diminuer en 2004, devraient se stabiliser en 2005 grâce à un plus grand recours à la programmation non géographique. La révision à la baisse des effectifs d'assistants techniques était inévitable et sans doute nécessaire. Mais pour ne pas compromettre notre remarquable et original outil de coopération, il ne faut pas descendre sous l'étiage désormais atteint.
Un mot enfin sur les contributions volontaires, dont mon collègue Adrien Gouteyron a également parlé. Leur niveau est parfois jugé très insuffisant au regard de l'influence que la France prétend exercer dans certaines enceintes internationales. Mais notre pays ne peut être fortement présent partout. La comparaison avec les bailleurs considérés comme les plus généreux n'est équitable et honnête intellectuellement que si l'on tient compte aussi de la charge considérable d'un réseau de coopération particulièrement dense, et exceptionnel, et de notre apport énorme aux aides européennes. C'est facile de distribuer des contributions volontaires et de se montrer généreux quand on n'a pas, par ailleurs, à assumer ces charges ! Dans les conditions budgétaires que nous connaissons, la priorité accordée au Fonds mondial de lutte contre le sida semble donc, comme l'a souligné Adrien Gouteyron, réaliste et justifiée.
J'ai par ailleurs noté quelques points plus contestables et de réelles incertitudes.
Les allégements de dette devraient représenter 31 % de notre aide en 2005. Ces annulations sont légitimes : elles sont assorties de conditions et contribuent à restaurer des marges de manoeuvre budgétaires au profit des besoins fondamentaux des populations concernées. Mais elles soulèvent plusieurs questions.
Leur impact réel sur la réduction de la pauvreté est incertain : elles ne contribuent qu'à restaurer temporairement la soutenabilité de la dette. Leur évaluation paraît problématique : elle repose sur la valeur nominale des créances plutôt que sur leur valeur de marché, qui est très inférieure. La transparence des mécanismes d'annulation et l'information du Parlement sont encore perfectibles, malgré des progrès réels souhaités depuis longtemps par les deux chambres du Parlement.
Mais, surtout, ces annulations gonflent notre APD. Or une grande partie est constituée de créances commerciales de la Coface. Ces annulations relèvent aussi d'une logique d'assainissement comptable et ne sont finalement que la contrepartie de prêts octroyés parfois sans discernement dans le passé. Enfin, le principe d'additionnalité qui doit prévaloir n'est pas respecté en 2005 : l'aide hors annulations de dette diminuerait d'un peu plus de 1 %. Messieurs les ministres, les instruments budgétaires plus « classiques » de l'APD pourront-ils vraiment prendre le relais de la future baisse des annulations, pour respecter parfaitement les engagements de la France ?
Outre le poids important des allégements de dette, la dotation en crédits de paiement de l'AFD risque d'être insuffisante, et pourrait la conduire à réduire la part de ses dons et à connaître de réelles difficultés de paiement en fin d'exercice. Les crédits, pas toujours très utiles, des bourses, mais surtout des missions et invitations de la DGCID diminueront l'année prochaine, mais un effort important est consenti sur le soutien aux ONG.
Messieurs les ministres, je me méfie beaucoup de la pensée unique parisienne sur la nécessité d'un fort relèvement de l'appui financier à ces organismes. Certes, leur efficacité est évidente et parfois irremplaçable en situation d'urgence. Mais les ONG profitent parfois trop facilement de certaines rentes de situation dans la mise en place de projets dont les coûts de réalisation et de fonctionnement sont très élevés. Et, de ce point de vue, j'attends avec beaucoup d'intérêt les résultats de l'enquête que la commission des finances a demandée à la Cour des comptes sur ce sujet. Comme pour les contributions volontaires, la part d'APD que la France consacre aux ONG est la conséquence du fait que nos services de coopération sont plus présents sur le terrain et plus chers que ceux d'autres bailleurs bilatéraux. C'est facile d'aider beaucoup des ONG quand on n'a pas à assumer des charges administratives d'un outil de coopération comme le nôtre !
Mes chers collègues, on ne peut pas tout faire à la fois, et, si l'on a choisi de privilégier l'action publique, il faut en tirer les conséquences pour l'action privée car le budget du pays n'est pas indéfiniment extensible.
Enfin, je suis plus que réservé sur l'aide budgétaire affectée, car il vaut mieux appréhender la capacité d'absorption des pays récipiendaires. La France, comme de nombreux autres bailleurs, a décidé d'augmenter cette aide-programme. Mais ses conditions de sécurisation et d'efficacité sont loin d'être toujours réunies, et c'est un euphémisme.
Mes chers collègues, pour conclure, en dépit de quelques réserves, retenons que la France respecte ses engagements dans un contexte budgétaire peu porteur, modernise sa stratégie d'aide, et maintient sa priorité de soutien aux pays les moins avancés, particulièrement en Afrique.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, de voter ce budget de l'aide publique au développement, qui recouvre non seulement, vous l'avez compris, les crédits inscrits au budget des affaires étrangères, mais l'ensemble des crédits qui sont inscrits dans d'autres ministères et qui contribuent à l'action de la France en matière de coopération et de développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour les affaires étrangères. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 attribue au ministère des affaires étrangères une somme de 4,4 milliards d'euros, soit une progression de 4,43 % par rapport au budget de 2004.
Cependant, ces crédits doivent être évalués à périmètre constant ; or ils incluent en 2005 deux transferts, portant sur les 150 millions d'euros que la France consacre au Fonds mondial de lutte contre le sida, et sur les 15 millions d'euros affectés à l'aide alimentaire. Ces deux transferts, la commission les apprécie comme il se doit, monsieur le ministre.
Le projet de budget pour 2005, hors transfert, s'accroît donc de 50,51 millions d'euros, soit une augmentation de 1,2 %.
Même si cette croissance est limitée, elle doit être saluée, car elle marque le coup d'arrêt d'une constante dégradation des crédits du ministère des affaires étrangères depuis 1995, date à laquelle il représentait 1,57 % du budget de l'Etat. Après avoir décru jusqu'à 1,25 % en 1999, cette part est remontée à 1,49 % en 2004, et s'établira à 1,53 % en 2005. Il faut se féliciter également du fait que le Président de la République ait souhaité que ce ministère soit exonéré, en 2004, des régulations budgétaires. Il faut dire que ces régulations avaient considérablement perturbé le financement des actions du ministère en 2002 et en 2003.
Ainsi stabilisé financièrement, le ministère des affaires étrangères pourra poursuivre la réalisation de ses priorités, qui consistent en une poursuite de la maîtrise de ses coûts de fonctionnement, dont la part dans le budget global du ministère des affaires étrangères continuera à régresser en 2005. Ainsi, le titre III diminuera, au total, de 20 millions d'euros, en baisse de 1,26 % à 1,5 milliard d'euros en 2005.
Il faut saluer ce remarquable effort de productivité, qui se prolonge par la suppression de cent postes, due au non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite.
La commission des affaires étrangères souhaite, à ce propos, que les effectifs du ministère des affaires étrangères soient désormais stabilisés, après plusieurs années de baisses consécutives.
Par ailleurs, la nécessaire rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire est amplifiée, grâce à des regroupements d'implantations dispersées au sein de grandes capitales, Madrid et Londres, notamment, et le resserrement de notre dispositif consulaire en Europe. De plus, l'usage d'un bâtiment unique ou « co-localisation » pour les deux ambassades française et allemande, déjà effective à Almaty, au Kazakhstan, a été réaffirmé comme une priorité par le dernier conseil des ministres franco-allemand, réuni le 26 octobre dernier à Berlin.
Toutes les actions qui pourront traduire dans les faits la réalité de l'Union européenne, en particulier la communauté d'action entre la France et l'Allemagne, seront les bienvenues.
Il a été annoncé que cette rationalisation porterait, à l'avenir, sur les implantations de l'administration du ministère des affaires étrangères à Paris, dont les onze sites devraient être regroupés en un lieu unique. Cette vaste opération devrait s'opérer à coût nul, puisque le financement sera apporté par la vente d'immeubles aux prix en vigueur sur le marché immobilier.
La hausse des crédits affectés à l'aide publique au développement, dont le montant représentera 0,42 % du produit national brut en 2005, est une autre priorité.
S'agissant des contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations unies, la France se situait au treizième rang en 2003, avec 49,62 millions d'euros. Ce montant, un peu réduit, devrait être amélioré lors du prochain collectif.
Cependant, il faut savoir que notre pays n'est pas, contrairement à ce que laissent parfois entendre certains commentaires, un « mauvais élève » au sein du système de l'ONU. La France a, ainsi, intégralement versé sa contribution obligatoire au budget ordinaire de l'ONU, d'un montant de 68 millions d'euros, dès le 16 janvier 2004. Notre pays sera également sollicité, pour un montant prévisible de 164 millions d'euros, pour ses contributions aux opérations de maintien de la paix, qui ne cessent, hélas ! de se multiplier.
La situation de la France vis-à-vis du système complexe des fonds et agences de l'ONU est, donc, globalement positive.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005.
Je tiens, par ailleurs, à vous dire, messieurs les ministres, que j'ai beaucoup apprécié la collaboration de vos services dans l'élaboration de mon rapport. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armée, pour les relations extérieures et la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour 2005, les crédits du ministère des affaires étrangères dédiés à l'action culturelle extérieure progresseront de 0,6 %, ce qui, en euros constants, l'inflation étant estimée à 1,8 %, représente, en réalité, une diminution des ressources.
Ce n'est malheureusement pas un accident : la tendance à la baisse de ces ressources est, en effet, ancienne, et le passif s'accumule. C'est d'autant plus regrettable que la diplomatie d'influence que vous entendez promouvoir à juste titre, messieurs les ministres, devrait pouvoir trouver, dans les différents instruments de l'action culturelle extérieure, un point d'appui particulièrement adapté.
L'action culturelle est un secteur où il est possible d'atteindre en peu de temps des résultats inespérés.
Tel est le cas de l'accueil des étudiants étrangers en France : il s'agit là d'un outil d'influence fondamental. Depuis le lancement du plan de relance de 1998, grâce à une continuité d'action exemplaire, le nombre d'étudiants étrangers en France s'est accru de 60 %.
Par quelles actions et avec quels moyens budgétaires comptez-vous démultiplier ces premiers résultats ?
Un autre point d'appui pourrait être la renaissance de notre réseau de centres et instituts culturels, complété par celui de l'Alliance française, que votre ministère subventionne.
Ce réseau fait l'objet d'une rationalisation dont certaines orientations sont les bienvenues : il en va ainsi du renforcement des moyens dans des postes prioritaires, l'Algérie, la Chine ou Israël, notamment. De même, la suppression des « doublons » que constitue la présence, dans la même ville, d'un centre culturel et d'un établissement de l'Alliance française, relève du bon sens. La difficulté réside, cependant, dans l'exécution, qui pourrait être fatale aux deux institutions.
Si les moyens nécessaires ne sont pas au rendez-vous, le risque est grand que, dans cinq ans, les centres soient, certes, moins nombreux, mais dans le même état d'inanition que certains de ceux que l'on ferme aujourd'hui.
Or les subventions et les effectifs du réseau sont en diminution régulière chaque année - je tiens à souligner que ce recul ne date pas du changement de gouvernement - d'où ma deuxième question : quelle est la stratégie du ministère des affaires étrangères à l'égard de notre réseau culturel, sachant qu'aucune amélioration de la qualité ne résulte jamais nécessairement d'une réduction des moyens ?
Ma troisième question est relative à l'audiovisuel extérieur, sur l'évolution duquel je tiens à attirer votre attention, messieurs les ministres, car elle nous préoccupe.
Je rappelle, dans mon rapport écrit, les progrès importants réalisés par nos opérateurs dans ce domaine, en particulier par TV5, dont le dernier responsable, Serge Adda, a effectué un travail remarquable. Un mois après sa disparition, je tiens, aujourd'hui, à rendre un hommage ému à ce Tunisien, à ce « juif arabe », ainsi qu'il aimait à se qualifier lui-même, de formation française, qui, au fil de sa vie, partagea sa carrière professionnelle entre les deux pays, et sut donner à TV5 la dimension pluriculturelle francophone qui fait son succès.
Permettez-moi d'en venir au projet de chaîne d'information internationale. Je suis de ceux qui, depuis le début, considèrent que le projet initial, mariant difficilement des secteurs audiovisuels public et privé sans vocation internationale pour une chaîne trop ambitieuse et mal financée, devrait être revu.
Or, Le Figaro d'hier annonçait que cette chaîne serait montée grâce à un financement d'une trentaine de millions d'euros voté dans le prochain collectif budgétaire.
C'est une mauvaise nouvelle, messieurs les ministres : le schéma n'est pas réaliste, ni du point de vue éditorial, ni du point de vue de la commercialisation. Comment, par ailleurs, garantir son financement dans la durée ? Comment garantir TV5 et CFI contre l'effet d'éviction de cette chaîne ? Pourquoi, après tout, faire ce cadeau à TF 1 ?
Il est un quatrième secteur dans lequel il faut progresser : celui de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.
Sans m'attarder sur la dotation budgétaire de l'Agence pour 2005, qui baisse du fait de la diminution des expatriés et de la réforme des rémunérations des résidents, j'aborderai le plan du Gouvernement pour l'enseignement français à l'étranger, présenté par vous-même, monsieur le ministre délégué, le 3 novembre dernier en conseil des ministres.
Ce plan ambitieux a pour objet de favoriser l'ouverture aux langues et cultures des pays d'accueil, de faire de ces écoles des lieux de formation des futurs citoyens européens : ces grandes orientations sont positives.
Je retiens aussi, toutefois, que ce plan sera réalisé sans mobilisation des fonds publics. Comment, monsieur le ministre, l'Agence pourra-t-elle réaliser les objectifs que vous lui assignez ? N'y a-t-il pas à craindre que le réseau de l'Agence ne s'engage vers une inégalité croissante de la qualité de la pédagogie offerte aux enfants selon les capacités d'autofinancement des écoles ?
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en tant que rapporteur pour avis, j'indique que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères pour 2005. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis.
Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l'aide au développement. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de dire mon amertume et ma tristesse devant le formidable gâchis dont nous sommes les témoins en Côte d'Ivoire.
Assister en quelques semaines à la ruine de décennies d'efforts pour bâtir un véritable Etat en partenariat exemplaire avec la nation ivoirienne, construire l'une des plus belles capitales d'Afrique, mettre en place une société harmonieuse, une économie productive, ne peut que susciter une immense déception.
La présence française en Côte d'Ivoire se caractérisait par une aide publique massive, fondée sur un lien historique très fort, mais se manifestait surtout par l'attachement et le travail quotidien d'une communauté industrieuse vivant en parfaite harmonie avec le peuple ivoirien et au service du développement du pays.
Nous avions réussi là-bas ce que nous peinons à susciter ailleurs : l'émergence d'un secteur privé dynamique, fort de nombreuses petites et moyennes entreprises, attractif pour les investisseurs et créateur d'emplois.
Malheureusement, des ambitions personnelles à court terme et mal comprises ont pris le pas sur l'intérêt général et ont conduit à une logique de guerre dont nous connaissons, hélas ! trop bien les effets ravageurs sur ce continent.
Entre gestion des crises, réduction de la pauvreté et renforcement des capacités institutionnelles, notre politique d'aide au développement doit définir une stratégie qui réponde à de nombreuses priorités et soit à la hauteur de ses ambitions.
Je me félicite donc que notre pays garde le cap des objectifs fixés par la communauté internationale et occupe une place décisive, par son implication, dans les débats sur le financement du développement.
Je ne reprendrai pas les chiffres de ce budget, chiffres qu'a déjà détaillés, avec son brio habituel, notre collègue M. Michel Charasse, dont je partage la plus grande partie des analyses.
Je me concentrerai sur les mouvements profonds qui caractérisent notre politique de développement et dont ce projet de budget est la traduction.
Notre politique de coopération était fondée sur une tradition d'interventions sur le terrain, au bénéfice direct des populations. Ce qui la caractérise aujourd'hui, c'est d'être de moins en moins immédiate et d'emprunter, le plus souvent, des canaux intermédiaires.
Son caractère multilatéral se renforce sous l'effet principal de la montée en puissance de l'aide communautaire, mais aussi des fonds dédiés, comme le fonds mondial pour la lutte contre le sida.
Notre aide bilatérale, quant à elle, s'oriente aujourd'hui davantage vers le soutien financier aux acteurs locaux, organisations non gouvernementales, entreprises, collectivités territoriales, mais, surtout, aux Etats.
La part prise par les annulations de dettes, l'aide budgétaire directe ou l'aide programme sectorielle en sont le témoignage.
Cela suppose cependant, en préalable, le renforcement des capacités institutionnelles des Etats, faute de quoi la construction de politiques sectorielles paraît pour le moins aléatoire.
Il importe donc que des conditionnalités exigeantes soient établies dans l'attribution des aides budgétaires et fassent appel à la responsabilité des Etats.
Sur ce point, je salue tout particulièrement l'engagement du ministère des affaires étrangères d'établir des conditionnalités entre le respect des accords en matière de versement régulier des pensions de retraite et prestations sociales dues à nos compatriotes à l'étranger, et les concours financiers de la France aux pays concernés.
La commission des affaires étrangères s'en félicite, car c'est un point extrêmement important, pour nous-mêmes, notre dignité et notre crédibilité, pour nos compatriotes, dont nous comprenons l'amertume lorsqu'ils voient leur pays consentir, sans condition, des remises de dettes et des prêts extrêmement importants à des Etats où eux-mêmes ont été spoliés, pour les pays eux-mêmes que nous aidons, avec lesquels s'instaurera alors un véritable partenariat et qui sortiront enfin de l'assistanat, qui n'est acceptable ni pour eux, ni pour nous.
En ce qui concerne l'assistance technique, chacun reconnaît la qualité exceptionnelle de nos coopérants : ils ont toute leur place dans les nouvelles orientations.
Notre pays bénéfice d'un savoir-faire qui permet de valoriser nos assistants techniques, en jouant le jeu du multilatéralisme et je me félicite de ce que certains puissent désormais travailler au service des institutions communautaires.
En ce qui concerne l'aide-projet, celle-ci doit également être confortée. Le CICID a décidé d'en réorganiser le dispositif. J'avais plaidé en ce sens, considérant que le dispositif adopté en 1998 était inabouti et manquait de cohérence.
En effet, notre aide-projet n'a donc pas eu, ces dernières années, les moyens de fonctionner correctement : elle a cumulé les handicaps de crédits insuffisants, de procédures inadaptées, d'une zone d'intervention trop large et d'une multiplicité d'objectifs et de modes d'intervention.
La réussite de la réforme adoptée par le CICID dépendra de la capacité qu'aura le ministère des affaires étrangères de se doter d'une véritable réflexion stratégique incluant tous les opérateurs d'outils de pilotage et d'évaluation, pour mieux définir les priorités géographiques et sectorielles.
La pratique des règles mises en place et notre capacité à donner à l'Agence française de développement les moyens d'une intervention sur dons suffisante, cohérente et prolongée, seront également déterminants.
Je terminerai en soulignant combien la qualité de notre réflexion et notre capacité à être imaginatifs, alliée à l'efficacité de notre action sur le terrain sont primordiales pour le rôle et l'influence de notre pays.
Pour conclure, notre commission des affaires étrangères se félicite que les moyens consacrés au développement, soient, cette année, à la hauteur des enjeux et permettent un véritable débat sur nos priorités.
Elle se félicite également, monsieur le ministre, de voir pris en compte les intérêts de nos compatriotes. Aussi s'est-elle prononcée pour l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -MM. les rapporteurs spéciaux et rapporteurs pour avis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour les relations culturelles extérieures. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m'est imparti, je n'aborderai que deux des principales incertitudes qui caractérisent le projet de budget des relations culturelles extérieures pour 2005.
La première d'entre elles est liée à notre politique d'accueil des étudiants, que ce soit à l'étranger ou sur le territoire national.
L'année 2005 sera ainsi une nouvelle fois marquée par la situation préoccupante de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, sur laquelle repose la quasi-totalité de notre dispositif.
Je souhaite rappeler à cet égard qu'en dépit de la progression régulière du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau de l'AEFE, les crédits qui lui seront alloués diminueront de 2,4 % en 2005.
Mais l'actualité de l'AEFE reste avant tout marquée par la réforme de la rémunération des personnels « résidents ».
Chacun d'entre nous reconnaît le bien-fondé de cette initiative : la revalorisation de la rémunération de ces personnels était indispensable, tant était considérable, pour des fonctions souvent identiques, l'écart constaté avec les rémunérations octroyées aux « expatriés ».
Mais, contrairement à l'ambition initiale, cette substitution n'a pas été neutre pour le réseau.
Cette réforme a ainsi accentué les difficultés de recrutement de l'AEFE, car si le nombre de candidats aux postes d'« expatriés » reste supérieur à celui des postes offerts, il n'en va pas de même pour les postes de « résidents ». Dans les pays où la vie est difficile, il n'est pas chose aisée de pourvoir certains postes, la revalorisation des rémunérations n'ayant pas suscité les vocations espérées.
Cette réforme a également provoqué l'augmentation des frais de scolarité. Bien qu'elle ait été voulue « à coût nul pour les établissements », il n'en a pas forcément été ainsi. La majorité des « résidents » étant directement recrutés en France, les établissements ont dû leur consentir divers avantages pour les attirer dans le réseau, entraînant l'augmentation des charges pesant sur les familles.
Mais, au-delà de la réforme des personnels, je regrette l'absence de stratégie cohérente concernant ce réseau. Alors que certains établissements, monsieur le ministre, peinent désormais à accueillir la totalité des enfants français et refusent l'inscription de nombreux élèves locaux, poussés inexorablement vers des écoles anglophones, il est temps de définir des objectifs clairs et de se donner les moyens de les atteindre. Ce choix seul permettra de ne pas laisser la contrainte budgétaire ternir irrémédiablement l'image de notre pays à l'étranger.
Un tel constat est valable sur notre territoire. Bien que le Gouvernement ait proclamé haut et fort son intention d'améliorer l'attraction de notre pays à l'égard des étudiants étrangers, les résultats se font attendre.
Notre pays manque toujours cruellement d'une véritable politique nationale dédiée à l'accueil des étudiants étrangers. Comme l'a souligné dans son premier rapport annuel le Conseil national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants, que votre ministère et celui de l'éducation nationale ont mis en place, d'importants efforts doivent être réalisés pour offrir aux étudiants des conditions d'accueil dignes de ce nom. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que ce souhait devienne réalité et que les préconisations de ce conseil puissent rentrer dans les faits.
La seconde incertitude que je voudrais aborder tient à la future composition du paysage audiovisuel extérieur français.
Dans ce domaine, monsieur le ministre, les années se suivent et se ressemblent. En effet, comme l'an passé, vous nous proposez d'adopter un budget de transition caractérisé par la reconduction des moyens mobilisés en 2004. Mais je ne peux m'empêcher de me faire l'écho des interrogations persistantes entourant le lancement de la désormais fameuse chaîne d'information internationale voulue par le Président de la République.
Il vous appartient de nous éclairer, monsieur le ministre, sur l'état de vos réflexions à ce sujet, votre collègue chargé de la culture et de la communication n'ayant pas été très précis, il n'y a pas si longtemps, dans cet hémicycle.
Alors que les ordres de grandeur financiers sont désormais connus, chacun d'entre nous, monsieur le ministre, aurait notamment aimé connaître la nature des ressources appelées à financer un projet dont le coût représente tout de même plus du tiers des crédits consacrés chaque année à l'action audiovisuelle extérieure française.
Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un amendement gouvernemental prévoyant une amorce de financement nous a été soumis de façon précipitée avant d'être retiré devant l'incompréhension qu'il suscitait chez les membres de la commission des finances, comme chez ceux de la commission des affaires culturelles. Cet amendement a t-il définitivement été « enterré » ou est-il appelé à réapparaître à l'occasion, par exemple, du collectif ?
Mais au-delà de cet aspect financier, et pour conclure, je souhaiterais faire part de mon scepticisme quant au choix d'associer TF1 qui, selon son président, a pour mission de préparer de l'espace de cerveau humain disponible pour Coca Cola, à France Télévisions pour mener à bien un projet visant à incarner l'exception culturelle française et à contribuer au rayonnement de notre pays.
Apparemment, monsieur le ministre, il n'est pas trop tard pour changer d'avis et revenir sur un choix qui, vous avez pu le constater, est loin de faire l'unanimité. Il est encore temps de saisir la chance qui se présente et d'exploiter enfin les complémentarités des différents organismes de l'audiovisuel public injustement tenus à l'écart. Je pense ici à RFI, à TV5 et surtout à l'AFP, dont la participation au projet pourrait s'avérer décisive.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires culturelles, malgré ma demande contraire, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des relations culturelles extérieures pour 2005. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- M. José Balarello applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour la francophonie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la discussion du projet de budget nous permet d'évoquer les crédits consacrés par le service des affaires francophones au financement de la francophonie multilatérale, et, à travers lui, de débattre de l'action conduite par les pouvoirs publics en faveur de la langue française.
Les crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 2005 à la francophonie s'inscrivent encore dans le cadre des engagements pris par la France au cours du sommet de Beyrouth. Je me réjouis de constater qu'ils ont été fidèlement tenus.
Au cours de cette conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, qui s'était tenue en octobre 2002, le Président de la République avait annoncé que la France procéderait à une relance de la francophonie.
Celle-ci s'est traduite, avant la fin de l'année, par le vote, en loi de finances rectificative pour 2002, d'une enveloppe de 20 millions d'euros supplémentaires en faveur de la francophonie multilatérale, qui a été répartie entre les exercices 2002 et 2003. Je m'étais alarmé l'année dernière de la mesure de « gel » qui avait touché la tranche de 8 millions d'euros destinée à l'exercice 2003. Je me réjouis que l'inquiétude que j'avais alors exprimée ait été entendue, et que les crédits aient finalement été débloqués.
Le projet de loi de finances pour 2004 avait à son tour prévu 20 millions d'euros de mesures nouvelles, à raison de 10 millions d'euros en faveur des opérateurs de la francophonie transitant par le fonds multilatéral unique, le FMU, et 10 millions d'euros en faveur d'un renforcement de programme de bourses.
Le projet de budget pour 2005 reconduit cet effort à l'identique.
Les crédits inscrits au chapitre 42-32 article 40, en faveur du fonds multilatéral unique s'élèvent à 45,5 millions d'euros ; la légère baisse qu'ils enregistrent est purement optique et correspond au transfert d'une subvention de 1,22 million d'euros au fonds de scolarisation des enfants francophones, désormais géré directement par l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger.
Les crédits consacrés aux bourses dans le cadre de la francophonie - et chacun sait l'importance que nous lui attachons - ne font pas l'objet d'une rubrique individualisée dans les documents budgétaires. Mais vos services m'indiquent - j'espère que vous me le confirmerez, monsieur le ministre - que leur montant sera reconduit en 2005 au même niveau que l'année dernière : un effort me paraît en effet indispensable en ce domaine, si nous voulons mettre notre système universitaire en situation d'attirer les meilleurs étudiants de nos partenaires francophones.
La participation du ministère au fonds multilatéral unique et l'enveloppe de 641 000 euros dont il disposera en 2005 pour subventionner les associations conduisant des actions multilatérales en faveur de la langue française, ne représentent toutefois qu'une partie de l'effort global consenti par notre pays en faveur de la langue française et de la francophonie.
Celui-ci fait l'objet, depuis 1987, d'un état annexe au projet de loi de finances, qui répond à une demande formulée jadis par M. Maurice Schumann, alors président de la commission des affaires culturelles. Ce document évalue à 882,5 millions d'euros en 2005 le montant de cette contribution globale.
Cette contribution globale est stable, ce montant est important ; il faut dire que la France, dans le domaine de la francophonie, maintient actuellement son important effort. Souvenons-nous que les actions de la francophonie sont globalement financées par la France à hauteur d'environ 70 %.
Est-ce à dire pour autant que la constance politique dont nous sommes partie prenante permette pour autant de considérer que tout va bien dans le domaine de la francophonie ?
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Non !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. Je crois, mes chers collègues, qu'il faut constater que, si l'Etat français fait un effort, l'opinion publique française reste ambiguë lorsque l'on parle de francophonie. J'en prendrai quelques exemples.
Nous nous acharnons à veiller à ce que la langue des jeux Olympiques soit le français, ...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. « Reste » le français !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. ... et nous l'avons fait encore à l'occasion des jeux d'Athènes, mais, quand nous posons la candidature de Paris pour accueillir les prochains jeux, nous nous croyons obligés de la faire connaître d'abord en anglais, en indiquant de surcroît que, dans le domaine linguistique, nous serons très « ouverts ». Il y a sans doute certains impératifs dans ce domaine, mais la façon de faire signe un certain aveu de faiblesse.
M. Jean-Louis Carrère. Cela va s'améliorer avec Sarkozy !
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis. On aurait pu au moins utiliser les deux langues de l'olympisme : le français et l'anglais.
Il est également très important de voir quelle est la politique linguistique de nos grandes entreprises, car pourquoi apprendre le français quand on est un étudiant étranger, si cela ne vous donne pas un avantage significatif pour trouver un emploi, un travail, par exemple, dans les entreprises françaises ou francophones ?
J'avoue que certains signes me surprennent. Un grand constructeur automobile français a fait, dans ses usines en Slovaquie, un effort significatif qu'il faut saluer. Cela a d'ailleurs entraîné un afflux de candidats à l'apprentissage de la langue française dans ce pays.
Mais un autre grand constructeur emblématique français, très présent en Roumanie, pays particulièrement francophone, annonce la sortie de « Logan by Renault ». Je ne suis pas certain que ce « by » fasse vendre beaucoup plus de voitures, mais il est en tout cas un peu surprenant.
Dans le même ordre d'idées, le comportement de certains hauts fonctionnaires dans les institutions internationales, européennes en particulier, nous a surpris, cette année encore
Ainsi, au Conseil de l'Europe, dont les deux langues officielles sont le français et l'anglais et où une traduction simultanée en cinq langues est assurée, voulant rendre compte, il est vrai, de la politique de la Banque centrale européenne, certains, qui avaient donc toute latitude de s'exprimer en français, ont cru devoir le faire en anglais, jusqu'à ce que les parlementaires français présents, surpris, puis indignés, quittent la séance.
Enfin, et ce point est également symptomatique, alors que nous réfléchissons sur la réforme de l'école - nous l'évoquions hier encore avec le ministre de l'éducation - et sur les moyens d'améliorer les performances linguistiques des étudiants, notamment pour que les jeunes français apprennent deux langues étrangères, le rapport de la commission du débat national sur l'avenir de l'école semble préconiser que l'anglais soit la première langue étrangère obligatoire dès l'école primaire ! Pourquoi ?
Or nous sommes actuellement engagés dans un grand combat politique, au sens le plus noble du terme, pour faire reconnaître dans le monde entier la nécessité de respecter la diversité culturelle, laquelle passe bien évidemment par la diversité linguistique. La France ne pourra gagner le combat qu'elle mène à l'UNESCO, un combat capital pour parvenir à endiguer les conséquences de la mondialisation économique dans le domaine culturel, que si elle se montre elle-même exemplaire à l'intérieur de ses propres frontières !
Force est de le constater, mes chers collègues, si notre gouvernement, si nos pouvoirs publics font en ce sens un effort financier incontestable, l'opinion publique est néanmoins traversée d'incompréhensions ou d'incertitudes. Lors du sommet de la francophonie, qui vient de se tenir à Ouagadougou, la France a pu rassembler autour de ce thème. Néanmoins, la volonté politique doit, plus que jamais, continuer à s'affirmer quand il est question de francophonie.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'indique que, compte tenu de l'effort financier qui est maintenu à bonne hauteur, la commission des affaires culturelles du Sénat recommande l'adoption des crédits affectés à la francophonie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les différents rapporteurs ont analysé avec précision les tendances du projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005, je n'y reviendrai donc pas dans le détail. Je ne formulerai que trois remarques.
La première porte sur le fait que, en 2004, aucune régulation intempestive n'est venue bouleverser la programmation de nos interventions.
La deuxième remarque concerne l'effort consenti en matière d'aide au développement. Cinq ans après la déclaration sur les objectifs du Millénaire, la France montre le bon exemple sur une action qui, à long terme, constitue un investissement décisif, politique et financier, en faveur de la paix.
La troisième remarque a trait à la réorganisation de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel, qui impose de conjuguer une contrainte et une ambition.
La contrainte est financière. Le ministère ne peut s'y soustraire, même s'il a été, dans le passé, très, voire trop, sollicité.
L'ambition est celle de la diplomatie d'influence que vous souhaitez conduire, monsieur le ministre, et qui doit pouvoir s'appuyer sur des relais diplomatiques et culturels en situation de fonctionner. Cela signifie qu'il faut des agents motivés, respectés, et des ressources adaptées.
La commission des affaires étrangères a estimé que ce projet de budget était cohérent avec cette stratégie, et a émis, dans sa majorité, un avis favorable à son adoption.
L'année 2005 restera dominée par les conséquences de la guerre en Irak, qui imposent à la communauté internationale de reconstruire tout ce que cette crise a durablement ébranlé. J'évoquerai trois des principaux chantiers de cette reconstruction : d'abord l'Irak lui-même, ensuite l'ONU et le système multilatéral, enfin la relation entre l'Europe et la France, d'une part, et l'Europe et les Etats-Unis, d'autre part.
Premier chantier : reconstruire l'Irak.
Je n'aborderai pas l'indispensable remise à niveau de l'économie de ce pays, bien sûr capitale, mais la reconstruction politique dont le calendrier, très serré, est maintenant arrêté. Cette reconstruction, qui était l'objectif premier de l'opération militaire, paraît bien délicate. Personne ne regrette le régime de Saddam Hussein. Mais qui ne regrette pas la situation à laquelle la population d'une vaste partie du territoire irakien se trouve aujourd'hui confrontée...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. ...entre, d'un côté, un terrorisme aux méthodes épouvantables et une guérilla insaisissable et, de l'autre, les effets d'une action militaire américaine massive ? Et qui n'appréhende pas, pour la période qui suivra les élections de janvier prochain, ce que risque de donner une logique de recomposition politique fondée sur le communautarisme, ethnique ou religieux ?
Cette logique risque bien de mettre aux prises les trois principales communautés du pays, voire de conduire à une partition de l'Irak, comme le redoutait récemment un analyste entendu par notre commission. Les propositions que vous aviez formulées au nom de la France, monsieur le ministre, pour conjurer ces dangers, seront-elles réellement prises en compte ?
Deuxième chantier : l'ONU.
Gravement marginalisée lors du déclenchement de la guerre, on attend pourtant aujourd'hui de l'Organisation des Nations unies qu'elle soit toujours disponible et influente pour maintenir la paix. Cela vaut pour l'Irak, mais aussi pour le Kosovo, l'Afghanistan et pour tant de points de crise, en Afrique et ailleurs... Le secrétaire général, conscient de cette difficulté, a décidé de lancer une réforme importante de l'Organisation. Un comité des sages, au sein duquel notre collègue Robert Badinter a travaillé, vient de remettre à Kofi Annan d'ambitieuses propositions, qui, en 2005, l'année du soixantième anniversaire de la Charte, feront l'objet de négociations délicates, jusqu'au sommet des chefs d'Etat de septembre.
Mais une véritable réforme visant à restaurer la crédibilité de l'ONU, sa légitimité et son efficacité, n'aura de sens que si les Etats-Unis y apportent leur concours actif et loyal. Il faut y croire, même si les actuelles offensives menées ici et là contre l'Organisation et son secrétaire général peuvent nous inquiéter.
Qu'il me soit permis, sur ce point, de souligner la qualité du travail réalisé par les diplomates de notre représentation permanente à New York. Pour avoir participé, voilà un mois, avec certains de mes collègues, à la 59e session de l'Assemblée générale, nous pouvons témoigner que la parole de la France y est attendue, entendue, et son influence, réelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Troisième chantier : les relations entre les deux rives de l'Atlantique; entre la France et l'Europe, d'un côté, entre l'Europe et les Etats-Unis, de l'autre.
Il y a d'abord l'alliance, c'est-à-dire la coopération naturelle entre démocraties inspirées des mêmes valeurs politiques. Cette coopération est indispensable à la solution des crises majeures que sont le conflit du Proche-Orient, la prolifération nucléaire ou, encore et toujours, l'Irak. La visite en Europe du président des Etats-Unis, prévue pour le début de l'année prochaine, s'inscrira, espérons-le, dans cette démarche de reconstruction des ponts entre l'Amérique et l'Europe.
Il y a ensuite l'Alliance, avec un A majuscule cette fois : au sein de l'OTAN, les arrière-pensées et les suspicions réciproques ne manquent pas. Les différends sont fréquents entre certains pays européens, dont la France, et les Etats-Unis, sur le rôle politique de l'OTAN, sur la nature profonde de ses relations avec l'Union européenne, sur sa légitimité ou non à intervenir sur tous les sujets et dans toutes les zones de crise.
Monsieur le ministre, vous participerez demain à une réunion de l'OTAN. Pourrez-vous nous donner la teneur du message que vous y délivrerez au nom de la France ?
La commission des affaires étrangères travaillera l'année prochaine sur cette question des relations à reconstruire entre l'Europe et les Etats-Unis. C'est de leurs nouvelles orientations que dépendra notre capacité conjointe à mettre à profit, par exemple, la transition politique qui se joue en Palestine pour avancer vers la paix ; à conjurer les tensions ethniques toujours à l'oeuvre dans les Balkans, en particulier au Kosovo, à l'heure où se préparent les négociations sur le statut final de la province ; mais aussi à enrayer le cycle des crises qui traversent l'Afrique et où, parfois, notre pays - je pense à la Côte d'Ivoire -, en dépit de l'appui politique d'une communauté internationale unanime, se retrouve finalement bien seul.
Voilà trois chantiers d'importance - mais il en est bien d'autres - sur lesquels je ne doute pas, monsieur le ministre, que notre diplomatie saura prendre des initiatives, contribuer à la cohérence et la réactivité d'une diplomatie européenne, qui s'affirme et se renforce sur des sujets comme le conflit israélo-palestinien ou, tout récemment encore, l'Ukraine.
C'est pour vous donner les moyens d'agir que nous voterons les crédits de votre ministère pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'on me pardonnera de rompre avec les considérations géopolitiques qui précèdent, mais, après tout, nous sommes dans une discussion budgétaire.
Je voudrais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le problème de l'immigration clandestine et de la présence, sur l'ensemble du territoire métropolitain, d'hommes et de femmes dont les conditions matérielles et morales sont extrêmement pénibles. Sur ce sujet, l'attitude du Gouvernement paraît souvent quelque peu ambiguë et contradictoire aux yeux des acteurs locaux.
Lorsque des étrangers sont en situation irrégulière, les préfets, avec des moyens qui sont souvent dérisoires par rapport à l'ampleur de la tâche à accomplir, s'efforcent d'obtenir des reconduites à la frontière. Après que les décisions ont été rendues par les juridictions, que les procédures d'appel et de recours ont été épuisées, il arrive que soit enfin obtenue la mesure de reconduite à la frontière. Mais, pour l'exécuter, l'appui du consul général du pays concerné est nécessaire.
Or un certain nombre de consulats généraux prêtent un concours quelque peu « distant » à ce type de démarche : dossiers modifiés, opérations destinées à s'opposer à l'exécution de ces décisions de reconduite à la frontière... On en vient à s'interroger sur l'action que mènerait votre ministère auprès de ces consulats généraux.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous apaisiez ces craintes et que soit dissipée l'idée que l'Etat pourrait être atteint de schizophrénie, partagé qu'il serait entre, d'une part, un ministère de l'intérieur qui accomplirait toutes les diligences requises en vue de faire respecter la loi et d'obtenir des reconduites à la frontière et, d'autre part, un ministère des affaires étrangères qui resterait insensible aux actions à mener auprès des consulats généraux.
D'un point de vue budgétaire, monsieur le ministre, cela se traduit par l'explosion des crédits évaluatifs dans le projet de loi de finances initiale. A mon avis, ils sont très en deçà de ce que coûtera à l'Etat l'aide médicale d'Etat. Et je vous laisse imaginer ce que doivent financer les conseils généraux au titre de l'aide sociale à l'enfance !
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les mêmes considérations budgétaires qui m'ont autorisé à vous interroger sur cette question, monsieur le ministre, me font souhaiter que vous leviez toute ambiguïté afin que chacun sache que le ministère dont vous avez la charge exerce une pression constante auprès des consulats généraux. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 93 minutes ;
Groupe socialiste, 53 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 24 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 17 minutes ;
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en 2005, le ministère des affaires étrangères devrait disposer d'un budget s'élevant, hors transferts, Fonds mondial de lutte contre le sida et aide alimentaire non pris en compte, à 4,4 milliards d'euros, soit une progression de 4,43 % par rapport à 2004.
Ses crédits seront donc stabilisés pour la deuxième année consécutive, comme l'a souligné Jean-Guy Branger dans son rapport, stabilité qui offre au ministère les moyens nécessaires à son bon fonctionnement ainsi qu'à l'accomplissement de toutes ses missions.
Nous ne pouvons que souligner les efforts accomplis par le ministère afin de maîtriser ses coûts de fonctionnement. Il a réussi à supprimer cent postes correspondant au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Il faut poursuivre dans ce sens, après réévaluation et analyse critique des missions en cours.
Cependant, compte tenu de l'importance des efforts qui ont déjà été accomplis de toute part et eu égard aux économies modestes que ceux-ci ont pu procurer au budget de l'Etat, il me semble que nous devons aujourd'hui nous poser des questions d'adaptation.
L'organisation et la distribution des moyens dont dispose le ministère des affaires étrangères sont-elles encore adaptées à ses objectifs ? L'ordre international bouge énormément. Ne devrions-nous pas, dans ce contexte, revoir nos objectifs et mieux organiser nos réponses aux problèmes posés ?
La reconfiguration du réseau des missions économiques ou l'étude de la mise en place de consulats franco-allemands - pourquoi ne pas les ouvrir à tous nos partenaires européens ? - sont autant d'exemples qui nous font penser qu'une réflexion de fond sur la réorganisation de nos réseaux consulaires, dans le monde comme en Europe, est nécessaire. A ce sujet, nous devrons étudier avec précision les conclusions de la mission confiée par le Premier ministre au préfet Le Bris.
Il ne s'agit pas de remettre en cause le maillage diplomatique extraordinaire qui fait la force de la diplomatie française et la présence de la France à travers le monde. Cependant, à la veille de la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, que le centriste que je suis, ...
M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Personne n'est parfait !
M. Yves Pozzo di Borgo. ... et donc européen convaincu, souhaite massive et positive, ne serait-il pas intéressant de réfléchir à la pertinence de ce réseau ?
Ne serait-il pas nécessaire de raisonner alors en termes de présence européenne plus qu'en termes de présence française ? Cette proposition est, certes, aujourd'hui quelque peu utopique, mais elle résulte d'un constat : l'Europe de la défense est partie d'une utopie ; elle se concrétise aujourd'hui, comme l'a rappelé Mme le ministre de la défense lundi dernier, tant par la mise en place des groupements tactiques que par l'arrivée en Bosnie de l'EUFOR, l'European Union Force, où elle remplace les forces de l'OTAN, mais ne sera rien dans les années qui viennent si une vraie politique étrangère commune à tous les Etats européens ne l'accompagne pas.
A une époque assombrie par une insécurité latente sur la scène internationale, il est nécessaire de souligner la croissance de l'enveloppe consacrée à l'aide publique au développement. Pour 2005, le montant de celle-ci atteindra 0,42 % de notre PNB. Ainsi, la France continue de s'acheminer vers l'objectif de 0,50 % qu'elle s'est fixé. A ce sujet, messieurs les ministres, quand pensez-vous que nous pourrons atteindre cet objectif ?
Comment assurer la sécurité internationale sans procéder à un plus juste partage de la richesse mondiale ? En tant que pays riche, nous nous devons d'assumer nos responsabilités face aux pays les plus pauvres, nombreux, qui sont très souvent au coeur du désordre mondial, ces pays où se développent en réaction le terrorisme, la culture de la drogue ou l'exploitation des plus faibles qui va jusqu'à l'esclavage.
De la même façon, et compte tenu de l'importance de la communauté française expatriée, comme nous l'ont montré les récents événements de Côte d'Ivoire, il est important de souligner la nécessité d'assurer la sécurité et le confort de vie de nos ressortissants à travers le monde. A ce propos, quelles mesures nouvelles compte mettre en place le ministère des affaires étrangères à la lumière des événements que nous venons de connaître ? Quels sont ses objectifs ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la discussion du budget des affaires étrangères intervient dans un contexte international particulièrement lourd, politiquement marqué par la disparition du président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, et par la grave situation en Irak.
On doit également relever les événements inquiétants survenus en Côte d'Ivoire qui conduisent à se poser la question du sens de la présence française, notamment militaire, dans ce pays.
Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mon collègue et ami Robert Hue vous a demandé, par écrit, la création d'une mission d'information parlementaire sur les événements de ces dernières semaines. Plus largement, monsieur le ministre, pourquoi attendre plus longtemps pour organiser un grand débat sur les orientations que doivent prendre les relations entre la France et les peuples africains et sur les conditions de la présence française en Afrique ?
Enfin, cette discussion s'inscrit également dans le débat sur le traité établissant une Constitution pour l'Union européenne.
Avant d'aborder votre budget proprement dit, que nous jugeons peu satisfaisant, monsieur le ministre, permettez-moi de revenir quelques minutes sur les points que je viens d'évoquer.
Pendant un demi-siècle, le président de l'Autorité palestinienne a incarné la Palestine, donnant une crédibilité internationale à l'espoir d'un Etat palestinien. Sa disparition sonne comme un rappel pressant de la nécessité de la reprise d'un processus de paix et met le gouvernement Sharon face à ses responsabilités.
La France et les Européens sont, eux aussi, interpellés. Ils doivent plus que jamais faire face à un devoir d'initiative.
La disparition de Yasser Arafat enlève tout prétexte aux autorités israéliennes et américaines pour refuser le dialogue. Il ne peut plus y avoir de tergiversation ou d'ajournement dilatoire. L'exigence de l'édification d'un Etat palestinien dans le cadre, encore à bâtir, d'une solution politique négociée respectant la justice, le droit et la sécurité pour tous, devra finir par s'imposer. C'est une responsabilité collective.
La France a accueilli Yasser Arafat. Elle a rendu un hommage solennel au président de l'Autorité palestinienne décédé sur son sol. Ces actes, très dignes, ont été appréciés en Palestine, au Proche-Orient et ailleurs. Ils ont honoré la France.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, notre rôle dans la région n'en est que plus attendu. Il ne faut pas décevoir cette attente. Il y a même urgence à agir.
Notre première mission est de créer les conditions pour que les élections en Palestine puissent se tenir dans les meilleures conditions possibles, en particulier l'élection du nouveau président de l'Autorité palestinienne, le 9 janvier. La participation de tous les Palestiniens au processus électoral ainsi que les conditions nécessaires pour un scrutin démocratique digne de ce nom doivent être garanties.
A cet égard, monsieur le ministre, les présidents du comité pluraliste parlementaire, créé le 29 décembre 2003 - et composé de parlementaires des deux assemblées - pour soutenir les initiatives de paix au Proche-Orient vous ont faire part de leur disponibilité pour participer à toute délégation d'observateurs qui serait envoyée sur place pour surveiller le bon déroulement des élections. Nous vous réaffirmons aujourd'hui cette disponibilité.
Les obstacles au bon déroulement des élections ne manquent pas, qu'il s'agisse de l'occupation elle-même, du vote des Palestiniens de Jérusalem-Est, de celui des 7 500 prisonniers privés de leurs droits - je pense à Marouan Barghouti, qui devra bien être libéré -, des obstacles liés à la construction du mur israélien, ou encore des multiples pressions extérieures, en particulier israéliennes, peu compatibles avec l'exigence d'un processus électoral libre.
Il est nécessaire que la France et ses partenaires européens se mobilisent pour obtenir que ces obstacles, d'une façon ou d'une autre, soient levés, et sans tarder. En effet, les élections municipales devant se tenir dès le 23 décembre prochain, tout atermoiement se traduirait par un retard préjudiciable à l'ensemble du processus électoral à venir. Je me permets de le répéter, monsieur le ministre : il y a vraiment urgence !
Si elle le désire réellement, la France peut jouer un rôle efficace dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Son action propre et celle de l'Union européenne devraient constituer un élément de rééquilibrage face au poids américain.
Si nul ne croit qu'un règlement puisse être imposé de l'extérieur, personne non plus ne pense que ledit règlement puisse se passer d'un cadre multilatéral. Beaucoup dépend des Etats-Unis, mais aussi de l'Union européenne, du monde arabe et du rôle que l'on attribuera aux Nations unies, dont les résolutions devront bien, un jour ou l'autre, être appliquées, en particulier celles qui touchent à l'exigence de la fin de l'occupation et de la colonisation.
Et je ne parle pas du mur dit « de séparation », qui est aussi un mur d'annexion, considéré comme contraire au droit international par la Cour internationale de justice, et qui doit être démantelé.
C'est dans cet esprit qu'à notre avis l'application de la feuille de route devrait être envisagée, ainsi que toute formule de conférence internationale qui devra apporter solennellement les garanties multilatérales d'un règlement politique.
J'en viens maintenant à la situation en Irak. On le sait, la guerre en Irak a eu lieu en dépit de son illégalité et de son illégitimité. L'appel à la raison et au droit international a été méprisé par George Bush et par son administration. Le concept de « guerre préventive » a révélé sa vraie nature, à savoir une façon des plus brutales de couvrir des ambitions stratégiques par une consternante politique de mensonges.
Le peuple irakien est aujourd'hui débarrassé du dictateur Saddam Hussein. Très bien ! Mais il était en droit d'espérer bien autre chose et de croire les promesses de démocratie, de sécurité et de prospérité qui lui ont été prodiguées. C'est maintenant le chaos qui domine. La guerre américaine n'a fait qu'encourager la déstabilisation et des formes insoutenables de terrorisme.
Loin d'en tirer les leçons qui s'imposent, George Bush tend aujourd'hui à menacer d'autres pays comme l'Iran. S'il est nécessaire que Téhéran s'attache à respecter le traité de non-prolifération nucléaire qu'il a signé, il ne peut y avoir deux poids deux mesures, au Moyen-Orient comme ailleurs. Si la non-prolifération et l'élimination des armes nucléaires devient une condition de la sécurité, alors ces politiques doivent s'appliquer à tous les pays de cette région, y compris à Israël. Une sécurité collective est aussi une responsabilité collective.
Monsieur le ministre, toutes ces questions nous ramènent à la nature et à la légitimité des engagements de la France à l'extérieur. Cela nous rappelle aussi le caractère crucial du débat sur le rôle des Européens et l'attente qui s'exprime aussi à leur égard.
Je souhaite faire en cet instant une seule et brève remarque. Si l'Union européenne et ses Etats membres n'accédaient pas dans l'avenir à l'autonomie, à la capacité de décision politique nécessaire, de façon complémentaire aux Etats, où serait la crédibilité du projet européen ? Force est de constater, monsieur le ministre, que le projet de traité constitutionnel de l'Union européenne ne nous engage pas dans cette voie. Il nous tire, au contraire, dans le sens d'un lien privilégié avec l'OTAN. Le rappel, de pur principe, des Nations unies ne corrige en rien cette dérive atlantiste, dangereuse pour l'avenir. La France n'a évidemment rien à y gagner pour sa crédibilité propre et pour l'efficacité de sa politique étrangère.
J'espère que nous aurons d'autres occasions de débattre de cette grande question qui touche à l'avenir même de l'Union européenne.
M. Robert Hue. Très bien !
M. Robert Bret. Pour ce qui est à présent du budget des affaires étrangères proprement dit, il devrait s'établir en 2005 à environ 4 408,59 millions d'euros. A priori, il progresse donc de 4,43 % par rapport au budget de 2004.
Cependant, lorsque l'on y regarde de plus près, force est de constater que l'augmentation du budget pour 2005 résulte essentiellement de l'augmentation de 14 % des crédits de l'aide publique au développement. Cette hausse correspond principalement à l'annulation de la dette des pays les plus endettés et des contrats de développement-désendettement.
Or nous considérons que cette forme d'aide ne doit pas se substituer aux autres et être la seule variable d'ajustement.
Par ailleurs, l'augmentation du budget, comme à l'accoutumée, ne concerne pas le titre III relatif aux moyens des services. En effet, la nécessaire contribution à la rigueur générale porte principalement sur les moyens et services, qui diminuent de 1,26 %. Il convient de noter, à cet égard, que le projet de loi de finances pour 2004 affichait lui aussi une progression de 2,60 % par rapport à 2003, mais traduisait, lui aussi, une baisse, hors aide publique au développement, de 1,26 % des moyens des services. Doit-on déjà s'attendre, monsieur le ministre, à une diminution de 1,26 % des moyens des services dans le projet de loi de finances pour 2006 ?
Quant à la masse salariale, elle enregistre, elle aussi, une baisse, de 2,73 %. La diminution des effectifs budgétaires s'élèvera à 152 emplois, parmi lesquels 100 suppressions nettes qui correspondent aux taux de non-renouvellement de 50 % des départs à la retraite fixé par le Gouvernement, pourcentage en hausse par rapport à 2004 où 46 % des départs à la retraite n'étaient pas remplacés.
Enfin, le programme de modernisation du réseau 2004-2007 se traduit par la suppression de 106 emplois de catégorie C à l'étranger. La perspective de recruter des agents locaux suscite un grand malaise. Nous déplorons que les nombreux recrutés locaux n'aient ni véritable carrière ni couverture sociale. Il serait temps de mettre fin à l'inégalité qui existe entre ces derniers et les fonctionnaires du ministère.
Par ailleurs, concernant le resserrement de notre réseau à l'étranger, nous nous alarmons de la suppression de consulats, notamment en Europe, alors qu'ils y jouent un rôle diplomatique et administratif important.
La critique majeure que nous vous adressons, monsieur le ministre, porte sur l'inadéquation entre les discours du Gouvernement et les moyens mis à votre disposition. A l'heure où, plus que jamais, les moyens budgétaires devraient être en parfaite harmonie avec l'ambition de la France sur la scène internationale, nous regrettons sincèrement que le projet de budget pour 2005 ne réponde pas à cette attente.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, monsieur le ministre, qu'il soit impossible au groupe communiste républicain et citoyen de voter votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. C'est bien dommage !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. La France possède, avec le deuxième réseau diplomatique mondial après celui des Etats-Unis, un outil exceptionnel. Le projet de budget des affaires étrangères permet-il d'optimiser cet outil ?
En 2003, la régulation budgétaire avait provoqué une grève inédite à un tel niveau de responsabilité dans les services de la diplomatie française. L'écart était trop grand entre les moyens et les exigences d'un ministère régalien.
Aujourd'hui, la question n'est pas de savoir si, avec 1,53 % du budget de l'Etat, les moyens du ministère des affaires étrangères sont suffisants, mais plutôt de savoir comment tirer le meilleur parti de ces crédits, désormais en légère progression. Faut-il réduire ce réseau pour qu'il puisse être pleinement efficace ? Faut-il le mutualiser notamment dans le cadre européen ? Quelles sont, monsieur le ministre, concrètement, sur le terrain, votre stratégie et vos orientations ?
Les cinq priorités définies dans ce projet de budget constituent une réponse aux deux défis que sont la réussite d'une mondialisation plus juste, d'une part, et d'une construction européenne soumise aux bouleversements de son élargissement, d'autre part.
Pour ce qui est de la mondialisation, vous poursuivez les efforts en matière d'aide publique au développement, de réforme du droit d'asile, d'amélioration de la sécurité des Français à l'étranger, et d'affirmation de notre langue et de notre culture, atouts universellement reconnus.
Vous augmentez ainsi les bourses d'études de 7,5 millions d'euros, mais 51 % des étudiants étrangers sont issus du continent africain, dont l'économie est chancelante, tandis que seulement 17,5 % d'entre eux viennent d'Asie, dont la croissance est incomparable. Monsieur le ministre, continuerez-vous à privilégier l'histoire ou allez-vous enfin faire des choix en fonction des potentialités économiques ? (M.Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
En ce qui concerne la construction européenne, 2005 marquant l'année de la ratification du traité constitutionnel, vous augmentez légitimement les crédits destinés à la promotion de l'Europe et des institutions communautaires.
Ces cinq priorités, qui ont des traductions budgétaires immédiates, appellent des économies sur d'autres postes. C'est l'occasion de rechercher l'efficacité et l'amélioration de notre stratégie.
Je voudrais souligner deux mesures de rationalisation : d'une part, l'instauration du paiement a priori pour les demandes de visas, ce qui a permis d'en réduire le nombre tout en augmentant les recettes de 17,4 millions d'euros; d'autre part, la nouvelle gestion du patrimoine immobilier, comme l'a rappelé M. Gouteyron, avec le regroupement des onze sites parisiens et la vente de biens, en France comme à l'étranger, vente dont le produit revient au ministère.
Je souhaite également insister sur la gestion du personnel et la réorganisation du réseau.
En poursuivant la réduction des effectifs, le ministère des affaires étrangères est l'un des seuls à s'en tenir à l'objectif d'un remplacement pour deux départs en retraite. Monsieur le ministre, la diminution des postes continuera-t-elle à concerner essentiellement les emplois à l'étranger, ce qui pourrait être préjudiciable à moyen terme, les gains de productivité n'étant pas infinis ?
Concernant la mutation de notre réseau diplomatique, il s'effectue en fonction de l'actualité internationale, de l'implantation des communautés françaises et de la construction européenne. Ce troisième critère sera de plus en plus à prendre en compte.
Réfléchir à la restructuration de notre réseau à l'aune de la construction européenne, c'est en premier lieu s'interroger sur le sens de notre présence consulaire au sein des pays de l'Union. Optons pour des choix radicaux en limitant cette présence, par pays, à une ambassade et à sa section consulaire, ou à son consulat général. Vous avez fermé le poste consulaire de Düsseldorf, pourquoi conserver nos antennes à Alicante, à Gênes, à Gibraltar, à Malaga ?
M. Jean-Louis Carrère. Excellent !
M. Aymeri de Montesquiou. Pourquoi un consulat à Liège, un autre à Anvers, un troisième à Bruxelles, quand nos ressortissants vivent à trois cents kilomètres de Paris ? Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à mettre en oeuvre cette proposition à l'horizon 2007 ?
L'étape ultime serait la suppression de l'ensemble de nos consulats dans l'Union européenne, de plus en plus de formalités pouvant être effectuées auprès des autorités locales. Cependant, s'il incarne parfaitement la notion de citoyenneté européenne, ce transfert intégral des formalités n'est pas encore possible, car un certain nombre d'actes, notamment liés à l'état civil, relèvent strictement de la compétence nationale. Monsieur le ministre, à quelle échéance pourra-t-on envisager un état civil européen ?
Réfléchir à la restructuration de notre réseau, c'est en deuxième lieu s'interroger sur nos modes de collaboration diplomatiques et consulaires en dehors de l'Union européenne, c'est-à-dire à la mutualisation d'une partie de nos moyens avec ceux de nos partenaires européens. Sur le fond, cette collaboration sera fondée sur notre capacité à définir une politique étrangère et de sécurité commune européenne. Cela constitue un jeu d'équilibre : la France reste partagée entre sa volonté de prendre une part active aux relations extérieures de l'Union européenne et son souhait de ne jamais renoncer à faire entendre sa voix quand ses intérêts vitaux l'exigent.
Dans le débat sur la ratification du traité constitutionnel, il nous faudra d'ailleurs préciser ce que peut être une politique étrangère commune, et non pas unique, incarnée par un ministre des affaires étrangères de l'Union européenne.
En nous inspirant de la construction européenne, nous pouvons procéder de manière pragmatique. Le premier degré, qui ne touche pas au fond, sera de développer l'expérience de « co-localisation » dans un nombre grandissant de pays. Celle-ci permet de faire des économies en préservant l'identité de chaque Etat. Ainsi Français, Allemands et Britanniques se partagent-ils au Kazakhstan un immeuble à Almaty. Cette situation peut être dupliquée. A votre avis, à quelle échelle serait-ce possible ?
De manière plus approfondie, il serait intéressant de réfléchir à un renforcement de la coopération entre les consulats, d'une part entre les treize Etats membres de l'espace Schengen, d'autre part entre les Vingt-Cinq, afin de concrétiser une politique commune des visas.
Monsieur le ministre, comment pensez-vous convaincre le Royaume-Uni, l'Irlande, puis les autres Etats membres, d'intégrer l'espace Schengen ? A quelle échéance un visa communautaire pourra-t-il être mis en place ?
Une troisième étape, la constitution d'ambassades véritablement communes, me paraît encore très lointaine et, à vrai dire, peu réalisable. Le débat est ouvert depuis déjà dix ans sur d'éventuelles ambassades communes franco-allemandes. Les collaborations se sont effectivement renforcées : échanges de fonctionnaires, d'informations, projet d'adresser des instructions communes de Paris et de Berlin aux postes diplomatiques, notamment.
Mais imagine-t-on réellement une ambassade franco-allemande dans des pays qui, pour nous, ont une importance particulière, par exemple à Alger, à Rabat, à Abidjan, à Londres, à Moscou, à Pékin, à Tokyo, à Washington ? De plus, cette expérience à deux semblerait mettre en exergue le tandem historique de la construction européenne, ce qui suscite souvent chez nos partenaires une certaine irritation.
Quant au projet d'ambassades communes aux Etats membres, il reste, à ce stade, très théorique. La collaboration entre tous les Etats de l'Union européenne en matière de politique étrangère reste encore délicate, comme le prouve le « Coreu », c'est-à-dire le réseau d'échange des télégrammes diplomatiques entre les Etats membres dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, qui ne comprend pas les éléments jugés les plus sensibles par les capitales.
Enfin, au-delà de la nouvelle donne européenne, il faudra avoir le courage de faire des choix stratégiques pour réussir les évolutions internes de notre réseau.
Tout d'abord, il nous faut continuer à créer des postes mixtes à l'étranger, par exemple entre votre ministère et celui de la culture et de la communication, comme à Alexandrie, à Cracovie, à La Nouvelle-Orléans, ou avec le ministère de l'économie et des finances avec la Direction des relations économiques extérieures, la DREE, à ?saka, à Dubaï, à Bombay, à Atlanta ou à Vancouver.
Enfin, faisons le choix de ne plus être présents dans certains pays. Si la crédibilité de notre réseau repose sur son emprise mondiale, il me semble néanmoins évident qu'il n'est plus indispensable d'avoir 156 ambassades de France et 98 postes consulaires de plein exercice. Ces représentations ne doivent pas être des lieux décidés par principe ou figés par l'histoire. Il existe un seuil en deçà duquel notre présence est même contre-productive. Le manque de moyens et de personnels donne en effet une image négative de la France aux populations et est source de frustration pour nos diplomates.
Les consulats doivent suivre la même logique : vous avez fermé Lausanne, pourquoi conserver Alep - n'est-ce pas une symbolique onéreuse ?-, Majunga et Tamatave? Il faudra avoir le courage de mettre en place des postes diplomatiques et consulaires ayant une compétence régionale dans les zones où nos intérêts sont moindres et, si l'on s'en retire, envisager d'y être représentés par un ou plusieurs Etats membres de l'Union européenne, avec, par exemple, un guichet unique pour les Etats appartenant à l'espace Schengen. C'est la condition nécessaire pour redéployer efficacement notre propre réseau vers les pays émergents.
Monsieur le ministre, dans un monde où les conflits régionaux perdurent, l'Europe tente de créer un pôle de stabilité et de paix. Vous avez la lourde, mais passionnante, responsabilité de faire entendre la voix de la France. La majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, consciente de la profondeur des réformes que vous conduisez pour que notre diplomatie soit à la hauteur de l'ambition et des valeurs de la France, votera le projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2005. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)