5
CANDIDATURE À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du comité ad hoc pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Claude Étienne pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
6
dÉmission de membres de commissions et candidatures
Mme la présidente. J'ai reçu avis de la démission de :
- M. Jean-Claude Merceron comme membre de la commission des affaires culturelles ;
- M. Philippe Arnaud comme membre de la commission des affaires économiques et du Plan ;
- M. André Vallet comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.
7
Contrat de volontariat de solidaritÉ internationale
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 287, 2003-2004), modifié par l'Assemblée nationale, relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale. [Rapport n° 404 (2003-2004).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de m'exprimer ici alors que vient d'avoir lieu un renouvellement triennal : permettez-moi de présenter aux uns et aux autres mes sincères félicitations.
M. Christian Poncelet. Merci, monsieur le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Par ailleurs, c'est pour moi, ancien sénateur, tout un symbole que de succéder à la tribune à M. le président du Sénat, qui vient à l'instant de prononcer son allocution marquant l'ouverture de la session.
Enfin, j'ai plaisir à saluer tout particulièrement Mme Michèle André, qui occupe pour la première fois aujourd'hui le fauteuil de la présidence.
Nous abordons donc la seconde lecture du projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale.
Ce texte a pour objet de répondre, d'une part, aux besoins des populations des pays en développement victimes de catastrophes, besoins qui sont immenses, partout dans le monde, et, d'autre part, à une volonté de solidarité active exprimée par la société française, notamment par ceux qui veulent s'engager.
Le Gouvernement a souhaité répondre à la demande légitime d'un véritable statut pour le volontaire de solidarité internationale formulée depuis plusieurs années par les associations oeuvrant dans ce domaine.
Le présent texte a donc fait l'objet d'une concertation longue et approfondie entre les organisations non gouvernementales - ONG - et les services de l'Etat, et a été enrichi lors de la première lecture, aussi bien par le Sénat que par l'Assemblée nationale, sur deux points essentiels.
En premier lieu, l'Assemblée nationale a supprimé, avec l'accord du Gouvernement, toute condition de nationalité pour l'accès au contrat de volontariat. J'ai déposé un amendement rédactionnel visant à ce que les volontaires ne soient pas définis négativement et à ce que soient affirmées les conditions de nationalité et de lieu d'exercice des missions.
En second lieu, le Sénat a, pour sa part, introduit l'obligation de remise au volontaire d'un certificat d'accomplissement de mission afin que celui-ci puisse faire valoir ses droits.
Cette proposition a été acceptée par l'Assemblée nationale, qui a souhaité toutefois améliorer la rédaction du dispositif. Nous en verrons le détail tout à l'heure, mais j'indique d'ores et déjà que le Gouvernement y est favorable.
Sur quelques points ce projet de loi a donné lieu à des divergences d'appréciation. Il pourra être encore complété et amélioré par vos soins, mais toujours à la marge, car l'essentiel est fait.
Il en va ainsi de la couverture sociale des volontaires. Les arguments présentés par la commission des affaires étrangères nous ont convaincus. Je peux donc vous annoncer que le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'amendement qui a été déposé par M. Cantegrit et adopté par la commission. D'ailleurs, de ma propre initiative, je m'étais prononcé de la sorte lors de la première lecture, anticipant ainsi sur la décision du Gouvernement.
Enfin, je vous soumettrai un amendement visant à simplifier l'article 8 bis s'agissant des délais d'entrée en vigueur de la loi. En effet, ces derniers, tels qu'ils apparaissent dans le texte modifié par l'Assemblée nationale, introduisent des difficultés juridiques.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai le sentiment que cette discussion s'engage sous de bons auspices, ce qui devrait permettre une adoption rapide de ce projet de loi, ce grâce à la qualité du texte présenté, mais aussi et surtout grâce au travail accompli par la commission des affaires étrangères du Sénat, ce dont je tiens à remercier son président et son rapporteur. Quant aux sénateurs représentant les Français établis hors de France, qu'ils soient chaleureusement remerciés également, car tous, à leur manière, se sont particulièrement investis dans l'élaboration de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, succédant à M. Jean-Marie Poirier, rapporteur de ce texte en première lecture au mois d'avril dernier, je ne saurais manquer de rappeler que notre collègue a réalisé un travail tout à fait remarquable.
Le cadre juridique du volontariat est conforté par la création d'une nouvelle forme de contrat qui englobe toutes les formes de volontariat et donne les mêmes garanties aux volontaires, quelle que soit la durée des missions.
Ce texte concilie deux exigences essentielles : le respect de la nature particulière du volontariat, avec ce qu'il implique de liberté, d'engagement et de responsabilité personnelle, et la nécessaire protection des droits du volontaire qui consacre un temps de son existence à la solidarité internationale.
Cet équilibre n'est pas chose simple, et nos débats, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, en ont témoigné.
Comment faire pour que la générosité de l'engagement ne se trouve pas dénaturée par un recours abusif au dispositif ? Comment n'exclure aucune catégorie de volontaires et offrir à chacun, quels que soient son âge ou son statut, la possibilité d'être volontaire ? Enfin, comment préserver cet espace où se concilient professionnalisme et désintéressement et où se côtoient salariés et bénévoles ?
L'intervention du ministère des affaires étrangères, par la délivrance d'un agrément aux associations de volontariat, apporte une première garantie. L'obligation faite aux associations d'accorder aux volontaires le bénéfice tout à la fois de congés payés, d'une aide à la réinsertion et d'une protection sociale de qualité est également indispensable.
En première lecture, le Sénat a adopté dix amendements tendant à améliorer les droits des volontaires, à mieux garantir leur réinsertion et à préciser l'intervention de la Commission consultative du volontariat de solidarité internationale.
Ces modifications ont été, pour l'essentiel, reprises par l'Assemblée nationale, à l'exception de celles qui concernent l'article relatif à la protection sociale des volontaires.
Les modifications substantielles introduites par l'Assemblée nationale portent, quant à elles, sur trois points : la suppression des conditions de nationalité ou de résidence pour l'accès au dispositif, la durée cumulée des missions de volontariat et la protection sociale des volontaires.
La suppression des conditions de nationalité et de résidence permet d'envisager le recrutement de volontaires dans d'autres pays de la zone OCDE, par exemple lorsqu'il s'agit de spécialités très techniques que seul un petit nombre de personnes peuvent exercer ou lorsqu'il s'agit de favoriser la coopération dite « Sud-Sud » en recrutant des volontaires dans des pays en développement pour accomplir des missions à l'étranger.
La commission des affaires étrangères du Sénat a été sensible à ces arguments ; elle a toutefois relevé la difficulté d'assurer la protection vieillesse d'assurés étrangers non communautaires. Ce problème, de nature technique, devra trouver une solution satisfaisante.
La durée cumulée des missions, précisée à l'article 4 du projet de loi, a été limitée à trois ans par l'Assemblée nationale. Ce débat relatif à la durée des missions avait également eu lieu en première lecture au Sénat et porte, en fait, sur la nature même du volontariat.
Par la création d'un contrat de volontariat de solidarité internationale, le Gouvernement cherche à rendre compte d'un phénomène tout à fait particulier, celui de la mise à disposition non rémunérée de compétences au service d'une mission d'intérêt général humanitaire ou de développement. Comme cette mission s'exerce à temps plein, une indemnité permet au volontaire de ne pas être sans ressources ; il bénéficie, en outre, d'une protection sociale adéquate.
De quoi s'agit-il précisément ? Le volontariat désigne des situations très différentes, mais il ne constitue ni un rite de passage pour les jeunes ni une « période d'essai allongée » pour des professionnels désireux de faire carrière dans l'humanitaire. Il s'agit d'une démarche réfléchie, généreuse et compétente qu'il serait regrettable de limiter à une seule période de la vie. Or c'est ce à quoi conduit concrètement la limitation à trois ans de la durée des missions.
C'est pourquoi, mes chers collègues, votre commission vous propose, à l'article 4, un amendement visant à revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
La protection sociale des volontaires est assurée, dans le dispositif actuel, par la Caisse des Français de l'étranger, qui présente l'avantage d'assurer la consolidation des droits avec le régime général. Elle fait l'objet de cofinancements à hauteur de près de 80 % par le ministère des affaires étrangères.
Le maintien de ce dispositif a paru souhaitable à la commission dans la mesure où il a fait la preuve de son efficacité et de sa capacité à apporter de véritables garanties, ce qui est déterminant pour l'attractivité même du volontariat.
La compatibilité d'une telle affiliation avec le droit communautaire ne serait pas moindre sur la base d'une loi qu'elle ne l'est actuellement sur la base du décret de 1995.
Votre commission, mes chers collègues, vous propose donc, à l'article 5, un amendement visant, là encore, à rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
Avec ce texte, très attendu par les associations, nous aurons fait un pas important dans la définition d'un nouveau partenariat au service d'une coopération avec les pays en développement qui soit porteuse de plus de rigueur, d'efficacité et de responsabilités pour tous ses acteurs. Le volontariat, « bénévolat indemnisé », constitue un statut intermédiaire dont l'utilité justifie qu'il soit encouragé et préservé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la seconde lecture de ce projet de loi, nous débutons la session parlementaire en adressant un signe d'ouverture à l'international.
Comme ils l'ont déjà fait lors de son examen en première lecture, les sénateurs du groupe de l'Union centriste entendent, monsieur le ministre, saluer ce texte relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale et ils espèrent le voir définitivement adopté.
Nous pensons que le volontariat international, sous toutes ses formes, doit être fortement encouragé. Il a déjà pris une ampleur nouvelle depuis la grande réforme de la professionnalisation des armées lancée par le Président de la République en 1997.
Loin d'être un volet secondaire de notre rapport au monde, le volontariat doit s'inscrire dans le cadre plus vaste d'un repositionnement de la France à l'échelon international et d'une redéfinition des modalités d'action de sa politique étrangère.
Notre pays doit être capable d'accompagner les grandes mutations, tant économiques que géopolitiques, qui se sont accélérées depuis plus d'une dizaine d'années. Parce que le monde change, les moyens d'action de la France sur la scène internationale ne peuvent être les mêmes que ceux qui étaient les siens il y a encore vingt ans. Dans le cadre d'une mondialisation de plus en plus prononcée, l'heure est plus que jamais au dialogue, à la coopération et au développement économique et culturel.
Envisagé sous cet angle, le volontariat de solidarité internationale doit être considéré comme l'un des éléments du rayonnement de la France à l'étranger. Il donne la possibilité à de jeunes Français de participer à des actions extrêmement diversifiées dans des pays autres que ceux de l'Union européenne. En ce sens, le présent projet de loi adresse un signal positif aux jeunes, et chacun sait combien ils en ont besoin.
Il convient de distinguer deux types de volontariat.
Le premier type de volontariat est administratif ou économique. Il participe à la présence de la France dans les pays concernés et favorise tant la croissance locale que l'équilibre de la balance commerciale de l'Hexagone par l'expansion de nos exportations.
Le second type de volontariat, dont il est question aujourd'hui, est humanitaire et solidaire. Il permet à des Français d'apporter leur aide à des associations travaillant hors de l'Union européenne.
Ce volontariat de solidarité internationale doit être soutenu et promu. Il est fondamental d'accompagner les nombreuses ONG qui viennent au secours de populations plongées dans la guerre et qui tâchent patiemment, avec un dévouement admirable, de rendre plus efficaces les structures locales de production dans les pays les moins avancés.
Sur le plan strictement économique, le volontariat solidaire peut assurer aux pays concernés une aide substantielle, tant il est vrai que le développement aujourd'hui passe avant toute chose par l'acquisition d'un savoir-faire. Sans lui, en effet, les capitaux ne seront pas suffisants et les investissements risquent de rester infructueux.
On ne répétera jamais assez qu'en matière de volontariat solidaire le gain n'est pas unilatéral. En effet, il n'est pas douteux qu'une telle expérience soit pour les volontaires extrêmement enrichissante. Ainsi, aider les pays les plus en difficulté, aider les pays les plus pauvres à accéder au développement, c'est honorer la France et ses idéaux, mais c'est également l'enrichir.
Développer le volontariat solidaire suppose de lui donner un fondement juridique à la fois adapté et solide. C'est ce que prévoit le présent texte.
Si un volontariat civil international est bien assis sur la loi du 14 mars 2000, il n'en est pas de même du volontariat solidaire.
Aujourd'hui régi par le décret du 30 janvier 1995, le statut de volontaire dans un cadre associatif devait être rénové de façon urgente. Le décret ne règle en effet que la situation des volontaires envoyés pour une période supérieure à une année. De plus, les associations rencontrent de sérieuses difficultés pour entrer dans le cadre de la loi de 2000.
Il y a donc aujourd'hui un véritable vide juridique, préjudiciable à l'extension du volontariat solidaire. Il fallait donc renforcer et élargir le statut. Tel est l'objet du présent projet de loi, qui est destiné à se substituer au décret de 1995.
Le contrat de volontariat de solidarité internationale, contrat de droit privé, dérogatoire au droit du travail, conclu entre une personne majeure et une association en vue de l'accomplissement à l'étranger de missions d'intérêt général, était particulièrement attendu par les associations engagées à l'international, M. le rapporteur l'a rappelé.
Je me félicite particulièrement de l'article 4 de ce projet de loi, en vertu duquel les associations concernées seront tenues d'assurer une formation aux volontaires. A l'heure où l'accent est mis sur la formation professionnelle, le volontariat solidaire pourra ainsi être considéré comme un facteur d'amélioration de l'employabilité des volontaires lors de leur retour en métropole.
Je l'ai déjà dit, le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est un bon projet par son contenu : il fallait donner un fondement juridique solide au volontariat solidaire. C'est un bon projet aussi, et c'est très remarquable, par la manière dont il a été élaboré. Une procédure de concertation avec les associations concernées a en effet été mise en oeuvre depuis le début dans le cadre de la Commission de la coopération et du développement.
Le texte que nous examinons aujourd'hui est donc la matérialisation des attentes et des besoins des acteurs de terrain eux-mêmes. De plus, un groupe restreint continue de travailler sur la rédaction du décret et des arrêtés. Présentes en amont de la confection de la loi, les associations seront aussi présentes en aval pour son application.
Parce que, grâce à leur action, les volontaires associatifs internationaux apportent énormément aux pays qui les accueillent, parce que l'intensité de leur implication et la force de leur courage ne sont plus à démontrer, il est juste, il est urgent de les aider en votant le présent projet de loi.
Il ne me reste plus qu'à féliciter notre rapporteur, M. André Dulait, le président de la commission, M. Serge Vinçon, et toute la commission des affaires étrangères pour l'excellence de leur travail. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Il était primordial qu'une loi vienne encadrer le volontariat de solidarité internationale. Si donc je prends une nouvelle fois la parole devant vous, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est pour soutenir un texte qui me semble d'importance.
Le Parlement en avait déjà débattu, non seulement en première lecture, mais aussi lors de la discussion de ce qui allait devenir la loi du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils, texte dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur devant la Haute Assemblée, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
A l'époque, les différentes auditions d'associations humanitaires et d'organisations non gouvernementales nous avaient convaincus qu'il n'était pas souhaitable d'inclure dans ce texte le volet humanitaire. La raison en était très simple et, en tant que rapporteur, il m'avait semblé essentiel de le souligner : l'engagement humanitaire méritait un statut propre.
Il ne s'agit pas, on le sait, d'un volontariat en entreprise ou en administration. La démarche et la motivation de ceux qui quittent tout pour travailler dans l'humanitaire, pendant plusieurs années quelquefois, ne sont évidemment pas les mêmes que celles du jeune actif qui part pour enrichir son curriculum vitæ d'une expérience à l'international.
Entendons-nous bien : le représentant des Français de l'étranger que je suis ne peut que se féliciter que des jeunes diplômés aient le réflexe de l'international. L'expérience acquise outre frontières, en entreprise ou au sein d'une administration, est une indéniable richesse pour le volontaire qui en fait le choix.
Mais nous parlons ici aujourd'hui de personnes qui ont pris, elles, le risque de la générosité et, n'ayons pas peur des mots, quelquefois même du don de soi.
Ce sont des femmes et des hommes qui veulent partir hors des frontières européennes pour faire profiter les autres de leur expérience, de leurs acquis, et pour les aider. Ils sont en quelque sorte le pendant individuel de la politique nationale d'aide au développement. Il est donc de notre responsabilité, mes chers collègues, de les soutenir par l'adoption de ce cadre législatif propre qui leur garantisse un maximum de protection.
Comme l'ont très bien expliqué M. le ministre ainsi que M. le rapporteur, des modifications ont été apportées au texte initial.
Les orientations choisies me paraissent aller dans le bon sens.
D'abord, la limitation de la durée du contrat des volontaires à trois ans paraissait peu en adéquation avec les besoins exprimés par les associations déjà en l'an 2000. La plupart des missions s'étalent, en effet, sur deux années. Par conséquent, je partage la volonté de permettre une prorogation de la durée du contrat jusqu'à six ans, durée que nous avions d'ailleurs proposée en première lecture.
Les associations humanitaires ont besoin d'engagements de longue durée. Elles le disent et le répètent avec raison, me semble-t-il.
Par ailleurs, le fait que l'Assemblée nationale ait supprimé toute condition de nationalité ou de résidence en France pour l'accès au contrat de volontariat, désormais ouvert aux étrangers, paraît conforme à l'esprit du contrat de volontariat de solidarité internationale.
Enfin, j'aborde le sujet de la protection sociale. J'avais cosigné avec certains de mes collègues l'amendement soutenu par Jean-Pierre Cantegrit tendant à garantir aux volontaires de solidarité internationale une véritable protection sociale équivalant à celle que l'on peut trouver en France.
Les représentants des Français de l'étranger savent bien que, sur le terrain, tout est bien plus difficile que ce que l'on peut imaginer en France.
La Caisse des Français de l'étranger répond le mieux à la préoccupation exprimée lors du dépôt de l'amendement précité. La commission des affaires étrangères du Sénat ayant établi qu'aucune réglementation communautaire n'interdit une telle disposition, je lui renouvelle mon soutien.
Monsieur le ministre, vous avez parlé de la sagesse du Sénat. Pour ce qui me concerne, j'évoquerai la vôtre. (Sourires.) Je vous félicite d'en faire preuve en l'espèce, et je vous en remercie.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la solidarité internationale de tout un chacun consiste très souvent, à large échelle même, à faire don d'argent, de vêtements usagés à destination de certains pays, de denrées non périssables dont la collecte est organisée une fois par an dans les écoles. Ce sont des gestes importants qu'il ne faut pas dénigrer, car ils témoignent d'une prise de conscience cruciale de chacun d'entre nous.
Mais certaines personnes, près de 2 200 aujourd'hui, font le choix d'une solidarité entière et risquée : c'est ce choix que prétend encadrer le contrat de volontariat de solidarité internationale.
Je suis donc très heureux d'apporter mon soutien total à un projet de loi aussi attendu qui apporte enfin une définition et, par conséquent, une reconnaissance et une protection à l'action internationale humanitaire dont la France peut être fière. Je vous remercie, mes chers collègues, de le voter avec nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la voix féminine qui s'élève maintenant va apporter une note un peu dissonante au concert consensuel que nous venons d'entendre.
En effet, de quoi s'agit-il ici, sinon d'un contrat, c'est-à-dire un échange de droits et de devoirs réciproques entre les associations de solidarité internationale, d'une part, et les volontaires, de l'autre ?
Il était donc entendu que ce texte visait à conforter à la fois les associations et les volontaires. Or, à l'issue de la première lecture au Sénat, nous avons constaté que la balance penchait en faveur des associations au détriment des volontaires. Encore qu'il faille relativiser car, de toute manière, et c'est l'une des deux raisons essentielles de l'abstention du groupe socialiste en première lecture, le projet de loi ne définissait pas l'engagement financier de l'Etat. Force est de constater que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne le définit pas davantage.
Je rappelle que cela fait peser des risques de saupoudrage de crédits sur certaines associations. De surcroît, ces fonds ne vont pas croître parce que ce qui est donné d'une main dans le projet de budget pour 2005 est retiré de l'autre.
Nous savons bien que les associations aux actions peu médiatiques qui ne se financent pas par des campagnes de levées de fonds privés sont très dépendantes des crédits publics pour remplir leurs devoirs envers leurs volontaires et pour mener à bien toutes leurs missions.
Nous continuons aujourd'hui à soutenir que, sans engagement financier de l'Etat, ce projet de loi restera lettre morte. Certaines associations seront même fragilisées et ne pourront pas tenir leurs engagements contractuels vis-à-vis des volontaires.
La seconde raison pour laquelle les membres du groupe socialiste sont réticents est que ce texte ne garantit pas suffisamment les droits des volontaires. Nous considérons que, au nom de l'équilibre des droits et des devoirs, il est nécessaire de préciser les devoirs des associations envers les volontaires, en particulier en matière de préparation à la mission, de suivi et d'aide à la réinsertion professionnelle en France. Les associations puissantes, celles dont on entend le plus la voix, agissent beaucoup en la matière, mais les associations « confidentielles » et à faible financement ne peuvent assumer les mêmes charges.
Tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale, le projet de loi présente donc l'inconvénient de ne plus garantir une protection sociale convenable aux volontaires.
J'ai le plaisir de constater que M. le ministre s'en est remis à la sagesse de notre assemblée. De ce fait, nous allons revenir à l'amendement proposé par notre collègue Jean-Pierre Cantegrit, texte auquel je m'étais ralliée, mon groupe ayant déposé un amendement identique.
En effet, nous pensons que seule la Caisse des Français de l'étranger fournit une assurance maladie donnant toute garantie aux jeunes, car ce sont surtout eux qui sont concernées et qui sont envoyés dans des pays à risque sanitaire élevé.
En revanche, sur la question controversée de la durée des missions, l'Assemblée nationale était unanime et son rapporteur, M Godfrain, qui a tout de même quelque expérience en la matière, avait conforté notre position. Nous nous rallions très volontiers à une durée cumulée des missions, de façon continue ou non, de trois ans.
Je voudrais maintenant prendre le temps de préciser les raisons pour lesquelles nous voulons cadrer plus rigoureusement la durée du volontariat qui est, selon une formule que j'avais employée et qui a été reprise par notre rapporteur, du « bénévolat indemnisé ». En effet, il est à craindre que, si une mission dure trop longtemps, les volontaires ne soient en réel danger de précarisation professionnelle et sociale.
J'en veux pour preuve les résultats de deux enquêtes.
Dès 2002, l'enquête réalisée par le cabinet indépendant Presse Etudes montrait que les 72 % de personnes ayant répondu qui avaient cumulé plus de trois ans de missions dans les secteurs de l'urgence, de la reconstruction et du développement estimaient avoir été pénalisés dans leur projet professionnel par cette trop longue durée.
L'enquête réalisée, elle, par IPSOS pour le CLONG-volontariat et publiée en février 2004 a touché un public très différent : 95% des personnes ayant répondu avaient à leur actif moins de trois ans de missions et 80% d'entre elles avaient travaillé pour l'une des cinq grandes ONG françaises qui oeuvrent surtout dans l'aide au développement, qui sont connues et qui offrent le plus de garanties à leurs volontaires.
Or, même à l'issue de cette durée raisonnable de volontariat - moins de trois ans -, les jeunes qui étaient partis sans expérience professionnelle préalable et qui n'étaient pas fonctionnaires ont connu de réelles difficultés de réinsertion.
J'avais déjà abordé ce sujet en première lecture, mais je tiens à insister de nouveau sur ce point. Nous, sénateurs, sommes en âge d'être parents de jeunes volontaires et nous sommes à ce titre conscients de certains faits. Sans argent, sans relations, sans statut de chômeur indemnisé, comment ces jeunes d'une trentaine d'années se logeraient-ils, comment accéderaient-il à une formation qualifiante, comment feraient-ils valoir leurs acquis ?
C'est pourquoi les membres du groupe socialiste ne comprennent pas très bien comment des ONG très professionnelles et très reconnues, dont nous admirons l'action et dont nous souhaitons qu'elles la développent plus encore, peuvent affirmer n'envoyer que rarement sur le terrain des volontaires pour une durée supérieure à deux ans et, dans le même temps, demander d'une seule voix une durée totale de six ans sans même qu'il soit précisé s'il s'agit de missions cumulées ou de missions continues.
S'il s'agit de durées discontinues, je ne vois pas la nécessité de fixer une limite à six ans. Il est très bien que des professionnels salariés ou non en cours d'activité deviennent volontaires pendant dix ans s'ils le veulent en effectuant des missions discontinues. Mais que de jeunes sans expérience professionnelle préliminaire partent en tant que volontaires pour une durée continue de six ans est dangereux pour eux et sans avantage réel pour les associations.
De surcroît, il existe d'autres formules de volontariat, comme le congé de solidarité internationale ou l'engagement de jeunes retraités.
Limiter à trois ans la durée des missions de volontaires s'expatriant à l'aube de leur carrière et n'ayant souvent aucune expérience professionnelle ne semble donc pas être une demande exorbitante.
Un double rappel s'impose. D'une part, l'engagement financier de l'Etat est chronique. Depuis 1987, les crédits n'ont pas évolué. Ils augmenteront semble-t-il un peu en 2005, mais d'une façon qui n'est pas significative.
D'autre part, la durée des missions effectuées dans le cadre du volontariat est ramenée à six ans.
Nous estimons que nous nous trouvons face au risque d'une double dérive.
D'un côté, des organisations non gouvernementales et des organisations de solidarité internationale disposant de ressources financières importantes seront capables d'embaucher, en France et à l'étranger, ce dont nous nous félicitons, des personnels salariés compétents pour des missions de durée variable en ne faisant appel au volontariat que de manière marginale.
D'un autre côté, des associations moins bien dotées financièrement, faisant appel au volontariat pour des missions de moyenne et de longue durée au titre de contrats à répétition, se trouveront dans l'incapacité d'embaucher du personnel salarié qualifié en nombre suffisant.
Dans le premier cas, nous nous dirigerions, à terme, vers la disparition du volontariat dans les grandes associations les plus professionnelles. Dans le second cas, le volontaire ne serait qu'un vrai-faux salarié.
Certes, nous n'en sommes pas encore là, heureusement. Mais nous pensons que les prémices de cette évolution sont déjà visibles. Les amendements que nous avons déposés tant en première qu'en deuxième lecture visaient justement à couper court à cette dérive.
Les amendements que nous soutiendrons tout à l'heure ont pour objet de rassembler les associations et les volontaires dans un progrès commun afin non seulement de garantir la part de financement public qui consolidera les ONG et qui leur permettra de remplir leur mission tout en respectant leurs engagements vis-à-vis des volontaires, mais aussi de prêter assistance au volontaire pendant sa mission.
Finalement, nous soutiendrons l'amendement de la commission relatif à l'assurance maladie du volontaire, protection que nous souhaitons la plus complète possible.
Avant de conclure, je veux formuler une dernière remarque. Nous avons en effet l'impression que, dans l'élaboration de ce projet de loi, un aspect fondamental a été purement et simplement omis, je veux dire la nécessaire dimension européenne de la solidarité internationale et du volontariat.
Comme si nous étions seuls au monde ; comme si la solidarité internationale ne passait pas, et de plus en plus, par des actions de l'Union européenne, comme en témoigne la contribution croissante de la France au Fonds européen de développement, le FED ; comme si aussi la question du volontariat était une affaire franco-française qui ne concernait pas les autres membres de l'Union !
De même, on oublie complètement dans ce projet de loi que les organisations de solidarité internationale actives en France sont d'ores et déjà des multinationales européennes de la solidarité.
Bien entendu, nous sommes réunis dans cet hémicycle pour élaborer la loi française. Mais est-il encore possible, dans le domaine qui nous occupe, de négliger l'Europe, de ne pas voir quels pourraient être les liens entre notre conception du volontariat et celle qui, petit à petit, se fait jour au sein de l'Union européenne ? A titre d'exemple, quelle relation s'instaurera entre le volontariat à la française et le service européen volontaire créé par la décision du 20 juillet 1998 par le Conseil et le Parlement européens et géré par la Commission ?
Nous gardons encore l'espoir d'être entendus, d'être compris et de pouvoir voter un texte qui, tout imparfait qu'il soit, représenterait le progrès attendu par tous les partenaires de la solidarité internationale, associations et volontaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)