3
fin de mission d'un sénateur
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre lui annonçant, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral, la fin, le 11 juillet 2004, de la mission temporaire confiée à M. Bernard Plasait, sénateur de Paris, auprès du secrétaire d'Etat au tourisme.
Acte est donné de cette communication.
4
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
5
Service public de l'électricité et du gaz
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 383, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. [Rapport n° 386 (2003-2004) ; avis nos 387et 400 (2003-2004).]
Dans la discussion des articles, nous avons entamé, au titre V, l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 22.
Articles additionnels avant l'article 22 (suite)
M. le président. J'ai été saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 190, 191 et 339 ont été présentés hier.
L'amendement n° 192, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout changement de statut d'Electricité de France et de Gaz de France doit faire l'objet d'un référendum.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Nous proposons de soumettre tout changement de statut d'EDF-GDF à un référendum.
J'entends déjà les réactions que va susciter cette proposition : d'aucuns vont considérer que la procédure du référendum n'est guère adaptée à un tel sujet. Mais, si l'on y réfléchit bien, toucher au principe même d'un service public qui, on l'a dit et répété, est issu des idéaux défendus par le Conseil national de la Résistance, c'est tout sauf anodin. L'électricité et le gaz sont des éléments de la vie quotidienne des Français !
Faut-il par ailleurs rappeler que le Président de la République, dès sa prise de fonctions, en 1995, a réaffirmé sa volonté politique - souvenez-vous, mes chers collègues ! - en convoquant le Parlement en Congrès pour que le domaine du référendum soit étendu aux projets de loi portant « sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent » ? Qui peut douter que Jacques Chirac, dans sa clairvoyance, n'ait pas pensé à EDF-GDF ?
Les Français doivent pouvoir se prononcer sur un point aussi fondamental que l'évolution de l'un de leurs biens les plus précieux, et ce serait une faute grave que de spolier la nation de ce patrimoine sans la consulter.
Nous sommes persuadés que nos concitoyens ne veulent pas de cette loi ; vous affirmez le contraire, monsieur le ministre, chers collègues, et c'est votre droit. Il existe une solution : leur poser la question par référendum, comme nous y autorise la loi constitutionnelle du 4 août 1995.
M. le président. L'amendement n° 342, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'établissement public à caractère public industriel et commercial Electricité de France est la propriété de la nation, inaliénable et indivise. Conformément au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution qui dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple, un changement de statut d'Electricité de France ne peut être décidé que par la voie du référendum.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L'article 22 est certainement l'un des articles les plus courts du projet de loi, mais c'est aussi le plus important, puisqu'il porte sur l'ouverture du capital d'EDF et GDF. Nous avons déjà eu l'occasion de nous exprimer sur cette question, mais elle est suffisamment fondamentale pour que nous y revenions à l'occasion de la défense de nos amendements.
Le changement de statut des entreprises EDF et GDF, choix politique qui implique une lourde responsabilité de la part du Gouvernement, n'a pas été soumis à l'approbation de notre peuple. On dépossède ainsi la nation d'un bien collectif dont elle est propriétaire.
Je rappellerai que le mardi 8 juin tombait une dépêche de l'AFP dont le titre était : « M. Mario Monti : ouvrir le capital d'EDF est le choix de la France, pas de Bruxelles ». Ce jour-là, le commissaire européen à la concurrence déclarait sur la chaîne Public Sénat que l'Union européenne était « complètement neutre sur la question de la propriété privée ou publique des entreprises » et que ce choix appartenait exclusivement aux Etats membres. M. Mario Monti se montrait ainsi fidèle à la lettre et à l'esprit de l'article 295 du traité sur l'Union européenne.
Si le changement de statut et l'ouverture du capital sont un choix de la nation, il requiert l'approbation de celle-ci !
La nation s'est dotée en 1946 à la fois d'outils de service public performants et innovants, importants pour la gestion du pays - j'ai cité EDF et GDF -, et de la Constitution du 27 septembre 1946, celle de la IVe République, dont le préambule fait partie de notre bloc de constitutionnalité. Le neuvième alinéa de ce préambule mérite d'être rappelé : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
Aux termes de cet alinéa, il semble que le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui soit anticonstitutionnel, puisqu'il est manifestement contraire à une disposition de notre bloc de constitutionnalité. Or, en vertu de la hiérarchie des normes, une simple disposition législative ne saurait primer sur la loi fondamentale : seule la nation, parce qu'elle est souveraine, est en mesure d'abroger le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
Les modalités de révision de la Constitution sont fixées dans le titre XVI de la loi fondamentale, et la loi ordinaire ne peut ni modifier les dispositions constitutionnelles ni y contrevenir. Toute modification du statut juridique des établissements publics EDF et GDF ne peut donc être décidée que par la nation elle-même et devrait être soumise à référendum.
M. le président. L'amendement n° 343, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'établissement public à caractère public industriel et commercial Gaz de France est la propriété de la nation, inaliénable et indivise. Conformément au premier alinéa de l'article 3 de la Constitution qui dispose que la souveraineté nationale appartient au peuple, un changement de statut de Gaz de France ne peut être décidé que par la voie du référendum.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de nationalisation de 1946, je viens de le rappeler, GDF est une entreprise publique, propriété non de l'Etat mais de la nation.
GDF, assurant un service public national, est propriété de la collectivité. Depuis 1946, d'ailleurs, et conformément à la loi, ses actifs ont été alimentés par les usagers.
L'article 16 de la loi de nationalisation précise que c'est la nation qui est propriétaire du capital. Or, d'après la Constitution, plus précisément d'après la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la propriété « étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».
Le présent projet de loi procède donc à une véritable dépossession d'une propriété nationale. Son article 23, qui prévoit que le capital actuel de GDF va devenir propriété de l'Etat et de nouveaux actionnaires, viole par là même les principes constitutionnels.
Puisque GDF appartient non pas à l'Etat mais à la nation, seuls les représentants de la nation ou la Nation elle-même peuvent décider de son avenir. Rien n'habilite le Gouvernement à procéder au changement de statut de GDF !
Pour notre part, nous estimons qu'un référendum serait, pour la volonté nationale, le meilleur moyen de s'exprimer, conformément à l'article 3 de la Constitution, qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple ».
Au fond, monsieur le ministre, vous vous abritez derrière le droit européen pour justifier votre projet relatif à EDF-GDF.
Permettez-moi cependant de citer les propos de Louis Favoreu, constitutionnaliste renommé, dans un entretien accordé le 17 juin dernier au quotidien Le Figaro. Commentant la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi pour la confiance dans l'économie numérique, et en particulier le considérant selon lequel la transposition en droit interne d'une directive communautaire pourrait être censurée si elle portait atteinte à une disposition expressément contraire à la Constitution, il indique : « On peut donc envisager deux cas : celui d'une directive communautaire qui serait en contradiction avec telle ou telle disposition constitutionnelle [...]. Dans ce cas, la disposition ne pourrait être adoptée que si la Constitution était réformée en conséquence. On peut aussi envisager le cas d'une directive communautaire non contraire à la Constitution, mais qui ne paraîtrait pas opportune en France. Dans ce cas, il suffirait de réformer la Constitution pour la rendre inapplicable. »
Cette position est en cohérence avec la pensée de notre ancien collègue député - qui se réclame de la même sensibilité que vous, monsieur le ministre ! -, grand juriste aujourd'hui président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, qui, toujours selon M. Favoreu, disait en 1996 : « Si vous voulez adopter une disposition contraire à la Constitution, réformez d'abord la Constitution. » Et M. Favoreu de poursuivre : « Et aujourd'hui le Conseil constitutionnel invite le Gouvernement à utiliser cet instrument lorsqu'il veut bloquer quelque chose. C'est la même idée. »
Monsieur le ministre, je vous invite à déposer de toute urgence un projet de loi constitutionnelle érigeant le principe du service public en norme constitutionnelle.
Après tout, ce principe est au centre du contrat social et en cohérence avec l'article 1er de la Constitution, selon lequel la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Nous pourrions éviter dès lors tout conflit avec les injonctions européennes sur cette question et chacun, ici, aurait à se positionner clairement sur le maintien ou la casse du service public et à assumer ses responsabilités, sans avoir recours à l'alibi européen.
Je n'ai aucun doute pour ma part : eu égard à l'attachement de l'ensemble des Françaises et des Français au service public, leurs représentants nationaux voteraient en faveur d'un tel projet.
M. le président. L'amendement n° 193, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout changement de statut d'Electricité de France et de Gaz de France ne peut se faire qu'avec l'accord des autorités concédantes du service public de l'électricité et du gaz.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Elus locaux, nous sommes interrogés tous les jours par nos concitoyens sur les évolutions d'EDF et GDF. Il ne faudrait pas s'imaginer que nos compatriotes sont totalement indifférents à ce que nous sommes en train de faire. Plusieurs milliers de collectivités ont, en effet, voté des motions contre le changement de statut.
Les collectivités locales, autorités concédantes du service public de l'électricité et du gaz, sont en effet inquiètes, et il nous semble normal qu'elles soient consultées avant la modification du statut de leurs cocontractants.
Les collectivités locales ont beaucoup à craindre de l'affaiblissement du service public de l'électricité et du gaz, pour aller dans le sens des propos de Mme Beaufils sur la constitutionnalité du dispositif. Les collectivités locales ont également beaucoup à craindre de la hausse des tarifs, de la recherche de la rentabilité, peut-être aussi de la diminution de l'investissement, parce que nous savons bien que les collectivités locales se projettent sur le long terme et que les entreprises privées sont plus préoccupées par des intérêts immédiats.
M. le président. L'amendement n° 194, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucun changement de statut d'EDF et de GDF ne peut remettre en cause le droit à l'électricité pour tous.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Je voudrais, en quelques mots, démontrer quel est le risque d'un changement de statut.
Le service public, c'est le service universel, c'est-à-dire l'égal accès pour tous.
Dès lors que l'on change le statut et que l'on constitue une société anonyme, c'est-à-dire dès lors que l'on emprunte le chemin qui mène à la privatisation - 30% maintenant, pour EDF, mais, tout à l'heure, la commission nous proposera 50 % pour GDF -, se pose le problème de la rentabilité.
Nous avons tous des exemples en tête et nous savons que, en la matière, les coûts sont extrêmement importants, les retours sur investissement, extrêmement lointains, et qu'il est nécessaire de provisionner pour l'avenir ; nous pensons en particulier au démantèlement. Ce sont les raisons pour lesquelles l'énergie avait été nationalisée en 1946.
Comment un actionnaire privé va-t-il chercher à compenser ces contraintes, sinon en sélectionnant les usagers, par exemple, en ciblant les « bons clients », en opérant des coupes dans les tarifs sociaux ?
Car chacun sait que les professionnels peuvent, eux, s'organiser, et qu'ils savent le faire, notamment en modifiant leurs contrats et en jouant sur les quantités. Mais comment feront les familles, seules, livrées à elles-mêmes ? Nous leur conseillons dès à présent de trouver les moyens de se regrouper de façon à pouvoir négocier leurs tarifs.
Lorsque France Télécom était une entreprise publique, quiconque demandait le téléphone l'obtenait. Depuis qu'il s'agit d'une entreprise privée, cela ne semble étonner personne qu'un certain nombre de nos compatriotes n'aient pas accès à la téléphonie mobile. Imaginons un instant ce que serait devenue la téléphonie fixe, si, à l'époque, France Télécom n'avait pas été une entreprise publique !
C'est précisément ce que nous voulons éviter en vous proposant de préciser que cette disposition ne peut en aucune manière remettre en cause le droit à l'électricité pour tous.
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucun changement de statut d'Electricité de France et de Gaz de France ne peut se faire au détriment des usagers du service public de l'énergie.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Dans le même esprit, nous proposons qu'aucun changement de statut ne puisse se faire au détriment des usagers du service public de l'énergie.
Nous savons que, depuis de nombreuses années, EDF et GDF exercent de fortes pressions sur le Gouvernement pour obtenir des augmentations de tarifs. Jusqu'à présent, c'est le politique qui a toujours tranché. A l'avenir, sinon dans les trois prochaines années, du moins, à coup sûr, par la suite, ce ne sera plus le cas. Or, pour notre part, nous tenons tout autant à l'accès universel qu'à une certaine péréquation.
Je rappelle que la directive autorise la péréquation nationale. La France garde donc toute latitude en ce sens. Si l'on met à part comptage et distribution, qui représentent à peu près la moitié du prix du kilowattheure et sur lesquels jouera la péréquation, sur le reste, on peut nourrir quelques doutes.
Là aussi, on a bien compris, car c'est la logique même de l'entreprise privée, dès lors que l'on achète de grandes quantités on peut négocier les prix. Vous voyez avec quelles difficultés le ministre des finances tente d'obtenir des grandes centrales d'achat des baisses artificielles des prix. Si l'on achète par grandes quantités, on peut avoir des prix, si l'on achète par petites quantités, ce qui est le cas des familles, on a peu de marge de négociation.
J'ajoute que ce changement de statut va faire naître une politique de marketing agressif, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Nous avions affaire à des agents que nous connaissions bien, qui venaient, dans leurs petites voitures bleues facilement identifiables, vous expliquer à domicile qu'en fonction des appareils dont vous disposiez, il vous fallait choisir tel abonnement plutôt que tel autre, sans chercher à vous installer un compteur plus puissant que nécessaire.
Tout cela va changer : on proposera au consommateur des tarifs et des forfaits extrêmement compliqués, avec des réductions à la clé ou même des kilowattheures gratuits supplémentaires, moyennant, par exemple, l'engagement de ne pas utiliser l'électricité dans les périodes de pointe ou de se montrer raisonnable. Je vous invite à regarder vos factures de téléphone, puisque c'est la référence en la matière. Et je ne reviens pas sur les augmentations de tarifs qui ne manqueront pas d'accompagner ces évolutions.
Bref, qu'il s'agisse des familles ou des petites entreprises, on sent bien que ce changement de statut se fera au détriment des usagers du service public.
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aucun changement de statut d'Electricité de France et de Gaz de France ne peut se faire au détriment des principes fondamentaux du service public.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Qui va garantir le service public dans cette affaire ?
Encore faut-il, pour répondre à la question, savoir ce qu'est le service public. Ce sont des contrats entre l'Etat et les opérateurs, mais, bien au-delà, c'est une politique générale, celle de l'intérêt public. Je ne prendrai qu'un exemple, celui de la politique de développement durable. Soucieux de respecter les accords et les traités que nous avons signés, de respecter l'environnement et de réaliser des économies d'énergie, nous nous engageons, en effet, sur la voie du développement durable.
Mais comment concilier les exigences de cette politique d'économies d'énergie avec la tendance, bien naturelle pour des prestataires privés, à pousser à la consommation ? Plus de quantités vendues, c'est plus de profit !
Par ailleurs, il faut une organisation de la production telle que la demande soit satisfaite. Or des sociétés privées pourraient être tentées d'organiser la pénurie pour faire monter les prix.
De surcroît, pour anticiper les évolutions de la consommation, notamment, des investissements à long terme sont nécessaires. Mais autant une entreprise publique peut engager des investissements sur le long terme, y compris en consentant des temps de retour très longs, autant une société privée dans laquelle les actionnaires pèseront de tout leur poids devra relativiser ces investissements pour privilégier la rentabilité immédiate. Et je ne parle pas des provisions nécessaires au démantèlement d'installations actuellement existantes.
La Grande-Bretagne nous fournit un excellent exemple avec British Energy, aujourd'hui au bord de la faillite après avoir largement eu recours aux provisions pour démantèlement. L'Etat vient donc à son secours, et comment imaginer qu'il en soit autrement, de sorte que le contribuable britannique aura, en fait, payé deux fois les provisions en vue du démantèlement du nucléaire.
Vous le voyez, respecter les principes fondamentaux du service public, c'est respecter une politique publique de l'énergie et, pour avoir une politique publique de l'énergie, le mieux est encore de disposer d'outils publics.
M. le président. L'amendement n° 340, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dénationalisation d'Electricité de France et de Gaz de France constitue une spoliation de la collectivité nationale.
L'examen du projet de changement de statut d'Electricité de France et de Gaz de France est subordonné à l'examen par le Parlement d'une estimation du montant de cette spoliation.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Avec cet article 22, qui modifie la structure juridique d'EDF et de GDF, il est utile de s'interroger sur ce que l'on entend par « service public ».
Intuitivement, nos concitoyens savent que cela a un rapport avec l'intérêt général. Les services publics recoupent des activités qui relèvent de l'intérêt général et ils ne peuvent donc être livrés au simple jeu des initiatives privées et aux lois du marché.
Celles-ci sont en effet porteuses de deux risques majeurs. D'une part, elles peuvent passer à côté d'évolutions importantes des usages sociaux. Ainsi, par exemple, le Minitel, qui n'a pas été rentable pendant plus de quinze ans, aurait pu ne jamais exister. D'autre part, elles ne peuvent que créer de nouvelles inégalités, le marché ne produisant pas spontanément de la solidarité ou de la fraternité.
Mais qu'est-ce que l'intérêt général ? Par qui et comment est-il défini ?
Parler d'intérêt général suppose que tout le monde, ou presque, puisse y trouver son compte. L'existence des services publics a donc un rapport avec les compromis sociaux qui sont consentis dans une société. Ceux-ci renvoient à des choix, à une volonté politique et à des questions de rapports de force.
A la fin du XIXe siècle, avec la IIIe République, est apparue le concept de service public, autour de la notion d'égalité, principe fondateur de la République. Ce fut l'époque de l'institution de l'école primaire gratuite, laïque et obligatoire ainsi que des réseaux ferrés. Mais cela tenait aussi aux compromis sociaux contemporains, mais je ne reviens pas sur la sociologie de l'époque.
C'est la combinaison de ces deux aspects qui donne à la question des services publics en France une force qu'elle n'a pas dans bien d'autres pays. Le rôle d'un service public y est conçu comme devant assurer l'égalité de traitement des usagers, indépendamment de leur situation particulière.
Dans cette conception, l'égalité est différente de « l'égalité des conditions », qui vise à traiter de façon égale des individus se trouvant dans la même situation : tous les individus vivant dans les régions de montagne sont traités de la même manière, mais ils peuvent être traités différemment de ceux qui vivent dans les centres-villes.
En France, l'égalité devant les services publics est considérée comme une égalité générale étendue à l'ensemble du territoire.
Il existe deux types de service public : les services publics non marchands, financés par l'impôt et entrant dans la logique budgétaire, comme l'éducation nationale, et les services publics marchands, financés par leurs usagers ; ce sont les grands services en réseau tels que la poste, les télécommunications, l'électricité, le gaz, le rail.
Le fonctionnement de l'économie de réseau présente des caractéristiques particulières puisque, comme nous l'avons souvent répété ici, aucune prestation n'est vendue à son coût réel, d'autant plus qu'il est souvent difficile, dans un réseau, de connaître le coût de telle ou telle prestation particulière.
Les services publics en réseau subissent aujourd'hui un processus de mise en place d'une nouvelle réglementation, sous-tendu par une volonté évidente de privatiser les entreprises publiques. Il s'agit non seulement de permettre aux capitaux disponibles de s'investir dans de nouveaux secteurs - d'où l'ouverture à la concurrence -, mais aussi de fournir aux grands groupes des services aux tarifs les plus bas.
L'enjeu financier est énorme et accompagne une transformation délibérée de notre société dont l'ensemble de nos concitoyens feront sans aucun doute les frais.
Nous demandons donc qu'une estimation soit faite de cette opération et que le Gouvernement rende effectivement compte devant la nation de cette décision financière délibérée de mettre fin à une conception partagée des services publics.
M. le président. L'amendement n° 341, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'examen du projet de changement de statut d'Electricité de France et de Gaz de France est suspendu jusqu'à ce que les conclusions de l'audit commandé par le ministre en charge de l'énergie sur la faisabilité d'une fusion des établissements publics Electricité de France et Gaz de France soient rendues publiques.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. M. le ministre a remarqué à plusieurs reprises que rien dans ce projet de loi, tel qu'il nous est présenté, ne faisait obstacle à une fusion future d'EDF et de GDF.
Il a indiqué avoir demandé aux deux présidents de ces entreprises de réaliser une étude sur ce sujet. Or nous connaissons déjà, et depuis longtemps, leurs positions à ce sujet : les deux présidents ont toujours été hostiles à la fusion. On peut donc, dès lors, se demander quelle signification peut revêtir la signification d'une telle étude, si celle-ci n'est pas réalisée par des experts indépendants.
Une telle fusion obligerait immédiatement le nouveau groupe ainsi créé à répondre, devant les instances de l'Union européenne, de l'accusation d'abus de position dominante, et donc à vendre des actifs en France. Tel est généralement le cas de figure que l'on nous présente.
Je ne crois pas que de tels arguments soient recevables.
Nous avons l'exemple allemand de la fusion des entreprises EON et Ruhrgas, qui n'a pas soulevé de réprobation de la part de la Commission européenne, alors même que cette fusion a eu pour résultat la création d'un grand groupe gazier et électricien !
Par ailleurs, vous avez affirmé que l'entreprise resterait publique à 100 %, tant que vous ne disposeriez pas des résultats de l'étude établie par une commission sur les besoins financiers des entreprises. Dans ces conditions, nous demandons donc la suspension de l'examen de ce projet de loi, et notamment de son titre V, tant que les conclusions de cette étude ne seront pas rendues !
Nous sommes favorables, nous l'avons dit, à la fusion des EPIC. Hier soir, nos collègues du groupe socialiste nous ont rejoints sur cette proposition que nous vous avions soumise dès le 27 avril. Une telle fusion permettrait en effet de répondre aux exigences de service public.
M. le président. L'amendement n° 344, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Compte tenu, d'une part, du caractère constitutionnel de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation des entreprises de l'électricité et du gaz et, d'autre part, de l'article 295 du traité instituant l'Union européenne qui ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres, toute loi de transformation de l'établissement public à caractère industriel et commercial Electricité de France est anticonstitutionnelle.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Je consacrerai plus particulièrement la défense de cet amendement au problème constitutionnel soulevé il y a un instant par ma collègue et amie Marie-France Beaufils, prolongeant ainsi son argumentation. Je reviendrai ensuite, en présentant l'amendement n° 345 sur des aspects d'ordre communautaire.
L'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946, auquel fait explicitement référence le préambule de la Constitution de 1958, énonce clairement : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »
Qui pourrait nier aujourd'hui, monsieur le ministre, que l'exploitation de notre secteur énergétique relève d'un service public national, ne serait-ce que parce qu'il doit garantir notre indépendance énergétique ? Qui pourrait nier que son organisation tend naturellement vers une situation de monopole, du fait du coût extrêmement élevé des infrastructures, installations nucléaires, réseaux de transport de gaz, ou terminaux méthaniers pour le secteur du gaz ?
C'est donc afin de respecter le préambule de notre Constitution que la forme juridique d'établissement public à caractère industriel et commercial a été créée par la loi n° 46-628 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz du 8 avril 1946, introduisant dans notre droit un type de propriété des entreprises publiques sans capital social ni actions : l'Etat ne dispose pas de la propriété du capital de l'EPIC, qui est inaliénable et indivisible.
Ainsi, EDF et GDF, propriété de la collectivité et de la nation elle-même, assurent un service public national.
En adéquation avec ces principes constitutionnels, l'article 16 de la loi du 8 avril 1946 précitée dispose : « Le solde net des biens, droits et obligations transférés aux établissements publics prévus par la présente loi constitue le capital de l'établissement. Ce capital appartient à la Nation. Il est inaliénable et, en cas de pertes d'exploitation, il doit être reconstitué sur les résultats des exercices ultérieurs. » C'est clair !
Dans les faits, ces entreprises sont la propriété de la collectivité, car ce sont les usagers, par l'intermédiaire d'un prélèvement sur les tarifs, qui ont financé leur nationalisation et leur développement économique.
C'est grâce aux usagers qu'ont pu être assurés, entre autres, l'indemnisation des anciens actionnaires à la suite de la nationalisation de 1946, sous la forme d'une obligation indemnitaire d'une durée de cinquante ans, ainsi que le financement des investissements nécessaires pour remplir les missions de services publics : réseaux, stockage, terminaux méthaniers, programme nucléaire, grands barrages hydrauliques, recherche.
Il faut bien avoir à l'esprit, s'agissant d'EDF, que l'apport de l'Etat en tant que tel a pris la forme, depuis 1946, de prêts rémunérés transformés en dotations en capital à hauteur de 7,7 milliards d'euros, mais aussi d'une contrepartie, obtenue en 1997 à la suite de la perte de son droit de concession du réseau de transport d'électricité, soit 8,4 milliards d'euros. L'apport de l'Etat au capital de GDF a pris, quant à lui, la forme, depuis 1946, de dotations en capital d'un montant de l'ordre de 900 millions d'euros.
On peut donc constater que les engagements financiers de l'Etat sont faibles, notamment en ce qui concerne GDF !
Au vu de ces éléments, l'ouverture du capital de ces entreprises constitue donc une spoliation de la collectivité, car elle permet à des intérêts privés de s'approprier un capital qui ne leur appartient pas !
EDF et GDF n'appartiennent a priori pas plus à l'Etat qu'aux salariés de ces entreprises !
Or l'article 22 dispose de manière extrêmement limpide : « Electricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l'Etat détient plus de 70 % du capital. Sauf dispositions législatives contraires, elles sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes. »
Vous opérez donc une transformation radicale - reconnaissez-le, monsieur le ministre - en abandonnant le statut juridique d'EPIC, en ouvrant de 30 % leur capital et en soumettant ces nouvelles sociétés au droit des sociétés anonymes.
Pour conclure, je me référerai encore à notre Constitution, et plus précisément à son préambule, en ce qu'il se réfère à l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
Or rien ne justifie aujourd'hui un tel transfert de droit de propriété ! A contrario, le respect des obligations de service public, qui relève de la nécessité publique même, exige qu'EDF et GDF demeurent la propriété de la collectivité nationale.
C'est pourquoi nous pensons que tout projet de loi de transformation de l'établissement public à caractère industriel et commercial Electricité de France est irrecevable.
M. le président. L'amendement n° 345, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Compte tenu, d'une part, du caractère constitutionnel de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation des entreprises de l'électricité et du gaz et, d'autre part, de l'article 295 du traité instituant l'Union européenne qui ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats membres, toute loi de transformation de l'établissement public à caractère industriel et commercial Gaz de France est anticonstitutionnelle.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Par L'amendement n° 344, nous avons souligné le caractère anticonstitutionnel de la transformation de l'EPIC Electricité de France. Cet amendement-ci concerne Gaz de France, et soulève le même problème de constitutionnalité, d'autant plus grave que rien dans les traités européens ne permet de préjuger du régime de la propriété dans les Etats membres.
De ce point de vue, Mario Monti, commissaire européen chargé de la concurrence, auditionné le 10 juin dernier, à l'Assemblée nationale, s'est montré très clair. Sur la question du statut des entreprises EDF et GDF, il déclarait en effet : « L'article 295 du traité CE précise clairement que le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises dans les Etats membres. Il n'appartient donc pas à la Commission de demander la privatisation des entreprises ou, inversement, leur nationalisation. La décision de privatiser une entreprise relève de la seule responsabilité des Etats membres. »
Autrement dit, il s'agit bien ici d'un choix purement politique, que nous ne pouvons cautionner tant il sera lourd de conséquences sur le plan social comme sur le plan économique, au regard de la sécurité et de la continuité de notre approvisionnement en gaz et, plus globalement, de notre indépendance énergétique.
Ce choix est inspiré, on l'a dit et répété, par les dogmes libéraux, plutôt que par une véritable analyse des besoins de notre population et des investissements à long terme qu'ils supposent.
S'agissant des limites de la propriété publique du capital, fixées par le droit européen de la concurrence, Mario Monti ajoutait : « Les Etats peuvent donc intervenir sur le marché en qualité d'actionnaire d'entreprises publiques. La limite que nous imposons est que ces entreprises publiques ne doivent pas bénéficier de privilèges du fait de leur actionnariat public. En d'autres termes, l'Etat doit se comporter comme tout actionnaire privé. [...] La présence de l'Etat au capital d'une entreprise implique que celui-ci est d'abord un actionnaire. Le principe de l'investisseur privé exige donc que l'Etat actionnaire se fasse rémunérer pour sa participation au capital de l'entreprise. L'absence de rémunération signifie que l'Etat abandonne des ressources qui normalement lui reviennent, ce qui constitue une aide d'Etat à l'entreprise en cause. »
J'ai tout à l'heure insisté sur le fait que, depuis 1946, les dotations en capital de l'Etat pour GDF s'évaluaient à 900 millions d'euros, ce qui est extrêmement faible. De surcroît, cet apport doit être relativisé au regard des ponctions financières que l'Etat, se comportant en actionnaire, a opérées sur les EPIC.
S'agissant de GDF, on estime le montant annuel de cette ponction, depuis l'année 2000, entre 300 et 450 millions d'euros - vous le confirmerez ou non, monsieur le ministre -, ce qui représente une rémunération annuelle des capitaux investis variant de 33 % à 50 % des dotations de capital. Comme dividende, on ne fait vraiment pas mieux aujourd'hui !
Un tel taux de rémunération est en effet largement supérieur aux 15 % qu'exigent actuellement les marchés financiers. On peut donc considérer, de ce point de vue, que l'Etat est correctement rémunéré en tant qu'actionnaire public !
Au vu des éléments précédemment développés, et notamment au regard du statut d'EPIC, on peut également souligner que ce taux de rémunération est particulièrement élevé et qu'il constitue une véritable ponction !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Ces quatorze amendements, et celui qui suit, ont tous le même objet : contester le changement de statut d'EDF et de GDF proposé dans ce projet de loi.
Chers collègues, vous connaissez désormais parfaitement ce projet de loi, ainsi que les raisons pour lesquelles nous le défendons. De même, nous connaissons parfaitement vos arguments et les motifs qui vous poussent à contester ce texte. Je consacrerai donc mes explications aux amendements, et à eux seuls.
M. Reiner a émis le souhait, dans l'amendement n° 190, qu'EDF et GDF demeurent la propriété de la collectivité. Je vous rassure, monsieur le sénateur, tel sera bien le cas. Le Gouvernement propose que 70 % du capital restent entre les mains de l'Etat ; ces entreprises resteront nationalisées.
M. Daniel Reiner. Pourquoi ne pas l'écrire dans la loi de manière explicite, notamment en insérant un article additionnel à cet effet ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pourquoi ne pas croire le Gouvernement quand il donne sa parole ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il faut croire en la loi !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'irai même plus loin : la loi peut être changée demain.
Mme Nicole Borvo. Nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, soyons lucides. Une autre majorité peut, demain, changer la loi.
Ce gouvernement, soutenu par une majorité, a déposé un projet de loi dans lequel il prend l'engagement que l'ouverture du capital ne dépassera pas 30 %. Il en résulte que 70 % dudit capital resteront entre les mains de l'Etat. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 190.
L'amendement n° 191 prévoit qu'EDF et GDF resteront des établissements publics industriels et commerciaux. Nous restons convaincus que le maintien de ce statut juridique est incompatible avec la position de la Commission européenne. Vous ne partagez pas cette appréciation. Ce désaccord a conduit la commission à émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 191.
L'amendement n° 339 a le même objet que le précédent, bien qu'il fasse référence à un établissement public national et non pas à un établissement public industriel et commercial.
Nous ne vous avons pas convaincus. Nous ne vous convaincrons pas davantage maintenant. La commission est donc également défavorable à l'amendement n° 339.
J'en viens aux amendements nos 192, 342 et 343. Tous trois ont le même objet, même si leur rédaction est différente. Ils visent à demander l'organisation d'un référendum avant le changement du statut d'EDF et de GDF.
Je ferai deux observations.
Tout d'abord, je ne pense pas qu'il soit souhaitable de faire des référendums à tout bout de champ.
M. Daniel Reiner. Nous n'en avons pas souvent !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le référendum est utile sur de grands sujets, comme la modification de la Constitution, l'élargissement de l'Europe...
Mme Nicole Borvo. Ah ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est bien normal ! Si nous banalisons la procédure en faisant perdre au référendum sa spécificité et si nous posons aux Français une question très technique, ils nous feront une réponse politique.
Vous ne me contredirez pas si j'en conclus que vous n'avez d'autre but, en déposant ces amendements, que de donner une réponse politique à un problème important qu'il est, selon moi ; urgent de résoudre.
Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 192, 342 et 343.
M. Daniel Reiner. Vous craignez la réponse des Français.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. M. Jean-Pierre Bel, dans la défense de l'amendement n° 193, a émis le souhait que tout changement de statut d'électricité de France et de Gaz de France soit précédé d'un accord des autorités concédantes de l'électricité et du gaz. Pourquoi elles et pourquoi pas d'autres ?
Si, demain, on procède au changement de statut des autorités concédantes, pourquoi EDF et GDF ne donneraient-ils pas leur avis ? Cela peut être sans fin.
Il s'agit d'un argument supplémentaire pour justifier votre opposition à la modification du statut, mais ce n'est pas logique. Tout droit de veto accordé aux uns entraînerait une pluie de demandes adressées au Parlement pour créer des droits de veto au profit des autres.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 193.
S'agissant de l'amendement n° 194, je tiens à rassurer M. Reiner : le droit pour tous à l'électricité, produit de première nécessité, figure dans la loi de février 2000 que nous avons entièrement intégrée dans ce projet de loi.
Votre préoccupation est donc satisfaite. La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. A défaut, elle y sera défavorable.
M. Reiner a également défendu l'amendement n° 195, qui a trait aux usagers du service public, et l'amendement n° 196, qui porte sur le service public lui-même.
La loi de 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, et la loi de 2003 relative au marché du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, sont très précises s'agissant des missions de service public. Les dispositions de ces deux lois ont été conservées dans leur totalité. Les missions de service public ont même été renforcées par le projet de loi, par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat dans les deux premiers articles du projet de loi. Je pense donc que vos préoccupations sont satisfaites, monsieur le sénateur.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 195 et 196.
S'agissant de l'amendement n° 340, je suis très frappé, madame Borvo, par le fait que vous ayez assimilé la dénationalisation à une spoliation.
Aucun élu national ne doit oublier qu'il peut être un jour dans la majorité et le lendemain dans l'opposition.
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Lorsque nous sommes dans l'opposition, nous devons nous souvenir des actions des gouvernements que nous avons soutenus. Nous savons que nous pouvons, demain, être dans la majorité et que nous aurons des décisions à prendre.
M. Robert Bret. Raison de plus pour tirer les enseignements du passé et ne pas faire de bêtises !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Entre 1997 et 2001, le gouvernement de M. Jospin, dans lequel siégeaient des ministres socialistes et communistes, a procédé à un certain nombre de dénationalisations, totales ou partielles.
Je citerai, pour mémoire, en octobre 1997, France Télécom et 25 % de Thomson. En avril 1998, plus de 67 % du CIC a été vendu, si ma mémoire est bonne. En octobre 1998, ce fut le tour de la Société marseillaise de crédit, en juin 1999, celui du Crédit Lyonnais et d'Aérospatiale, en juillet 2000 celui de la Banque Hervet et d'EADS, en février 2001 celui d'Orange, en décembre 2001 celui du Crédit Agricole.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il s'agissait de « spoliations » !
M. Robert Bret. Vous voyez bien que cela ne marche pas, alors, tirez-en les conclusions !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il faut donc se montrer très prudent lorsque l'on dépose ce type d'amendements, n'est-ce pas, madame Borvo, car, si j'en crois les termes utilisés dans l'amendement, vous avez donc soutenu un gouvernement qui s'est livré à des spoliations !
Demain, vous serez peut-être dans la majorité. Il y aura peut-être encore des ministres communistes dans un gouvernement de gauche et vous procéderez peut-être encore à des dénationalisations.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Le pire n'est pas certain !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 340.
Nous considérons, par ailleurs, que la fusion d'EDF et de GDF est impossible. Dans l'attente des conclusions de l'audit, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 341.
Les amendements nos 344 et 345 visent à déclarer le projet de loi anticonstitutionnel. Il appartient non pas au Parlement, mais au Conseil constitutionnel, de se prononcer sur la constitutionnalité des lois.
M. Robert Bret. C'est la raison pour laquelle nous le saisirons !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. Robert Bret. Je n'en doutais pas !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Je serai bref, car aucun des arguments qui ont été avancés à l'appui de ces amendements n'est inédit.
M. Daniel Reiner. Parce qu'ils sont pertinents !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas mon sentiment, monsieur Reiner, dussé-je vous faire de la peine ! (Sourires.) Quel est ce petit jeu dans lequel il faudrait toujours se répéter ? Les amendements ont été exposés plutôt deux fois qu'une, et le Gouvernement s'est déjà exprimé.
Cela étant, je gage que vous trouverez cette réponse insuffisante et que vous ne manquerez pas de me faire part de votre indignation !
Sur la propriété d'EDF, on vous a déjà apporté une réponse de nature juridique, et, lorsque l'on fait la loi, rien d'autre ne compte que le droit. Dès lors que 50 % du capital, et un peu plus, appartiennent à l'Etat, la propriété est collective.
Qui représente la nation ? C'est vous, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est le Sénat et l'Assemblée nationale. De ce point de vue, le Sénat et l'Assemblée nationale disposent des biens de la nation puisqu'ils la représentent, dans des conditions définies par la Constitution.
Aujourd'hui, il n'est pas question d'aliénation, puisque le projet de loi ne fait que transférer 100% du capital à une société anonyme.
Dans l'hypothèse où il y aurait aliénation à l'avenir - à 70 %, on s'en réserve la possibilité, j'en conviens - elle aura un prix. Il faudra bien entendu que ce prix soit juste et équitable. S'il ne l'était pas, vous pourriez formuler un recours contre le caractère inéquitable de l'aliénation. Toujours est-il que le terme « spoliation » ne convient absolument pas ici.
Par ailleurs, on ne peut pas organiser un référendum chaque fois que l'on veut faire évoluer le secteur public. On ne va pas faire un référendum pour France Télécom, pour EDF, pour GDF... Notre société a besoin de souplesse.
On peut, certes, recourir à la voie du référendum pour les réformes importantes, lorsqu'il s'agit de projets très structurants pour la société française. Mais l'énergie est déjà dans le secteur concurrentiel, et il ne faut pas considérer l'électricité indépendamment des autres sources d'énergie.
Sur le marché de l'énergie, il y a des acteurs privés et des acteurs publics. Nous ne sommes pas dans la situation d'un « monopole de fait », comme le prétendait M. Bret tout à l'heure en faisant référence à l'alinéa 9 du préambule de la Constitution de 1946. Il avait d'ailleurs déjà soulevé ce même argument à l'appui de la motion visant à opposer l'exception d'irrecevabilité. C'est bien la preuve qu'il se répète
M. Robert Bret. C'est de la cohérence !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La répétition, c'est toujours de la cohérence. D'ailleurs, en politique, on n'a guère que le choix entre se répéter ou se contredire ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. Certains se contredisent beaucoup !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans ce débat, vous ne cessez de vous répéter, comme vous ne cessez de vous contredire par rapport aux actions que vous avez soutenues lorsque vous participiez à un gouvernement de gauche.
M. Robert Bret. Vérifiez ce que nous avons dit et ce que nous avons voté. Je vous renvoie au Journal officiel !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En somme, vous démontrez que l'on peut faire les deux.
Vous souhaitez obtenir l'accord préalable des autorités concédantes de l'électricité et du gaz sur le changement de statut. Je relève, pour m'en amuser, que M. Piras a parlé tout à l'heure d'une propriété collective. Si tel est le cas, c'est la collectivité qui doit autoriser le changement de statut, et non pas seulement une partie d'entre elle.
Il est bien évident que le changement de statut ne doit pas remettre en cause le droit à l'électricité pour tous. Ce droit figure d'ailleurs dans l'article 1er du projet de loi.
Il est tout aussi évident que ce changement ne doit pas se faire au détriment des usagers. Il s'agit de rendre EDF plus compétitive et plus innovante, notamment grâce à l'abrogation du principe de spécialité.
En outre, au-delà de ce projet de loi, l'ouverture à la concurrence favorisera une offre multiple et diversifiée, ce qui profitera à l'usager. Le changement ne se fait donc pas au détriment de l'usager.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'indiquer, la dénationalisation n'est pas une spoliation. J'ai également déjà évoqué l'audit qui a été réalisé.
Monsieur Bret, je sais que vous saisirez le Conseil constitutionnel et je peux vous dire que je le souhaite. Cela purgera ce texte de bien des reproches.
M. Robert Bret. Tout à fait ! Cela permettra de clarifier la situation.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je doute que le Conseil constitutionnel censure cette loi. Il pourra peut-être, si nous ne sommes pas assez vigilants, apporter quelques corrections à la marge. Je rappelle toutefois que ce projet de loi a été soumis au contrôle préalable du Conseil d'Etat. Il a donc déjà fait l'objet d'une bonne expertise juridique.
Certes, nous pouvons toujours laisser échapper un détail, notamment du fait de l'adoption des amendements. Mais, lorsque le Conseil constitutionnel aura statué, la loi s'imposera avec encore plus de force.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur l'amendement n° 192.
M. Jean-Pierre Bel. Je remercie M. le ministre et M. le rapporteur des explications qu'ils nous ont fournies.
Mais j'aurais aimé vous entendre, monsieur le ministre, sur l'interprétation que vous faites de la loi constitutionnelle voulue par M. Jacques Chirac en 1995 et pour laquelle le président de la République avait mobilisé l'ensemble des parlementaires.
Il était bien prévu qu'elle s'appliquait aux réformes relatives à la politique économique ou sociale ainsi qu'aux services publics qui y concourent. Le projet de loi que nous examinons a bien une portée économique et sociale, et de taille !
Je me souviens des explications de M. Chirac. On pouvait alors partager sa conception de la procédure référendaire dans notre République : il souhaitait en effet qu'elle soit plus souple et que les Français puissent être consultés plus souvent. Cet amendement en est, me semble-t-il, l'application claire et nette !
Ce qui m'aurait intéressé dans votre réponse, c'est de savoir ce que la loi constitutionnelle de 1995 apportait de plus par rapport à l'usage du référendum qui avait été fait de cette procédure auparavant. Vous banalisez quelque peu ce qui se passe aujourd'hui, mais nous pensons, nous, que l'on est train d'ouvrir une brèche et que, après EDF et GDF, d'autres seront concernés demain !
Pourquoi ne met-on pas en application ce que voulait le président de la République ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vais vous répondre brièvement afin que vous ne pensiez pas que je méprise votre observation.
Le fait que la loi constitutionnelle ait élargi le recours au référendum ne le rend pas pour autant obligatoire. C'est tellement vrai que le gouvernement socialiste n'y a pas eu recours quand il a procédé à des ouvertures de capital. Nous faisons de même !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Mon explication de vote porte sur l'amendement suivant, dont l'objet est le même.
Monsieur le ministre, vous aimez rappeler chacun à ses responsabilités. Ici, nous sommes au Parlement et, parlementaires, nous représentons effectivement le peuple et nous sommes précisément mandatés par lui pour faire des choix, avoir des débats politiques, nous prononcer sur de grands enjeux. Mais nous ne sommes pas là pour faire de la technique ! Si cela nous arrive, ce n'est pas l'essentiel de notre mission, et, personnellement, je déplore que, très souvent, la loi se substitue en quelque sorte au règlement.
Or le Gouvernement nous fait avancer à marche forcée en session extraordinaire, au mois de juillet... (M. le ministre délégué lève les bras au ciel.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Non ! Le rythme est tout à fait raisonnable !
Mme Nicole Borvo. Je maintiens que le Gouvernement nous fait avancer à marche forcée pour des choix qui engagent particulièrement l'ensemble de la nation.
Mme Nicole Borvo. Je constate que la session extraordinaire est utilisée pour faire passer des réformes très importantes qui engagent l'avenir de nos concitoyens et de notre pays.
Certes, la loi peut défaire la loi ; c'est l'évidence même. Mais un gouvernement qui s'est targué, à plusieurs reprises, de consulter les citoyens et de faire tout ce qui fallait pour recueillir leur adhésion devrait justement se préoccuper d'utiliser à bon escient les procédures qui lui permettent de le faire !
J'ajouterai, puisque vous nous faites systématiquement la leçon, qu'il serait intéressant que les politiques tirent les leçons de l'expérience. Je crois que nos concitoyens nous en sauraient gré, en tout cas, je l'espère.
S'agissant de la libéralisation à outrance à laquelle on assiste en Europe et en France, nous demandons depuis fort longtemps une pause, afin qu'une évaluation soit faite pour tout ce qui a été déréglementé, dérégulé, libéralisé ces dernières années en matière de services publics, en France comme en Europe, en prenant aussi en compte ce qui a été fait par la précédente majorité sous le précédent gouvernement.
Si l'on évaluait tant les coûts pour la nation que les conséquences pour les populations, je vous assure que l'on y regarderait de plus près avant de s'engager dans la privatisation d'un service public aussi essentiel que celui d'EDF et de GDF ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'amendement n° 195.
M. Daniel Reiner. Je voudrais interroger M. le ministre, dont j'ai trouvé la réponse un peu courte !
En défendant cet amendement n° 195, qui a pour objet de préciser qu'aucun changement de statut ne peut, en aucune manière, se faire au détriment des usagers du service public de l'énergie, je pensais essentiellement au problème des tarifs.
Comme le Gouvernement gardera la main pendant quelques années, je voudrais qu'il nous dise ici clairement que la politique tarifaire du Gouvernement restera bien la même que celle de ces dernières années.
J'ai évoqué les pressions qu'exerçaient les entreprises - je pense en particulier à l'électricité - qui, chaque année, demandent une augmentation de leurs tarifs. On tergiverse, mais on finit par céder, même si votre gouvernement a fini par préciser que l'augmentation serait modérée, parce qu'il s'agit d'un bien de première nécessité dont le coût pèse lourdement sur le budget des familles.
L'expérience nous a montré qu'après toute ouverture ou libéralisation les particuliers voyaient leurs factures s'alourdir. C'est pourquoi nous voudrions être sûrs que l'électricité demeurera, après le changement de statut, « abordable ». Vous avez dit hier que vous ne connaissiez pas le sens du mot. C'est pourtant celui qui est utilisé dans les débats au Parlement européen. Il signifie que chacun peut raisonnablement espérer pouvoir se chauffer et s'éclairer.
Puisque l'entreprise est publique, vous avez aujourd'hui les moyens de nous garantir que la hausse des tarifs - je n'ose pas imaginer une baisse ! - sera raisonnable au cours des prochaines années. Mais vous ne nous avez pas répondu. Vous nous avez seulement dit que ce serait naturellement le cas du fait de la concurrence.
Non ! L'expérience prouve que ce n'est pas le cas. Pour les professionnels, la concurrence a conduit à une augmentation de 40% des tarifs d'électricité ces dernières années. Même si la concurrence n'est pas directement à l'origine de cette augmentation, elle ne l'a pas limitée.
Voilà pourquoi nous voudrions que vous rassuriez les familles pour les années qui viennent.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il a déjà été répondu à de nombreuses reprises à cette question !
M. Daniel Reiner. Pas du tout ! Nous n'avons eu aucune réponse, et c'est pourquoi je vous interroge, monsieur le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je vous ai déjà expliqué une bonne dizaine de fois que les tarifs n'avaient pas bougé pendant quarante ans pour les entreprises, au détriment des ménages !
M. Daniel Reiner. Nous parlions des familles !
M. le président. L'amendement n° 197, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial chargé de services d'intérêt général avant la fin de l'année 2004.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Nous avons eu l'occasion de le rappeler, le gouvernement précédent souhaitait vivement que la notion de service d'intérêt général puisse être inscrite à l'échelle européenne.
Il serait intéressant qu'un rapport sur la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public industriel et commercial soit remis par le Gouvernement au Parlement et que soit expertisée la création de ce nouveau modèle de société spécifique entre les EPIC d'aujourd'hui et les exigences de la Commission européenne.
Nous assistons aujourd'hui sinon à une attaque en règle contre les entreprises en charge du service public à caractère industriel et commercial, du moins à une forme de démantèlement de leur structure juridique qui y ressemble.
Aujourd'hui, il s'agit d'EDF et de GDF, mais, demain, nous craignons - à tort, nous a dit le ministre - que soient concernés La Poste, la RATP, la SNCF ou RFF .
Pour étayer mon argumentation, j'ajouterai que cela a déjà commencé pour La Poste. D'une certaine manière, en effet, vous avez déjà entamé son dépeçage dans le projet de loi relatif à la régulation des activités postales en créant une banque postale qui n'a même pas les prérogatives d'une banque, mais qui en a, en revanche, toutes les contraintes !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ce n'est pas exact !
M. Jean-Pierre Bel. La Commission souhaite que l'on supprime la garantie d'Etat ; cela ne saurait déplaire au Gouvernement, qui y trouve un argument pour modifier le statut d'EDF, puis celui d'autres établissements publics à caractère industriel et commercial.
En ne défendant pas le statut d'EPIC, vous remettez vivement en cause un mode de gestion important de nos services publics, ce qui, pour nous, n'est pas acceptable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
D'abord, nous sortons un petit peu du sujet, puisqu'il s'agit d'une demande de principe. J'avoue que, personnellement, je suis réticent quant à la multiplication des rapports, et cela pour une raison principale.
C'est Mme Beaufils, je crois, qui avait regretté de n'avoir pas entendu suffisamment de personnes concernées par ce texte. Je lui avais répondu que le rapporteur en avait auditionné beaucoup. C'est d'ailleurs pourquoi je préfère les auditions à un rapport.
Sur un sujet donné, nous pouvons en effet inviter qui nous voulons et tous les parlementaires appartenant à la commission concernée peuvent poser des questions pertinentes. En revanche, pour l'établissement d'un rapport, est seul concerné celui qui se penche sur le sujet, ce qui est assez frustrant !
De plus, ayant été élu à quatre reprises à l'Assemblée nationale avant de venir siéger dans cet hémicycle, je peux témoigner de la qualité du travail de commission qui est effectué ici, toujours très approfondi, et je m'en réjouis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est beaucoup mieux au Sénat !
M. Daniel Reiner. Il était sûr de faire l'unanimité ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nos outils juridiques en droit administratif sont-ils ou non adaptés à la réglementation européenne, à la modernité, aux évolutions ? La question ne manque pas d'intérêt, j'en conviens volontiers, mais un débat sur l'appréciation générale du droit public français nous éloignerait par trop d'EDF et n'a pas sa place ici. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Bel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Bel. Je conclus de votre réponse, monsieur le rapporteur, que vous allez peut-être procéder à des auditions sur ces services d'intérêt général, qui, aujourd'hui, à l'échelle européenne, constituent un vrai sujet de préoccupation.
Je me réjouis de cette avancée, mais je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 197.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 22
Electricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l'Etat détient plus de 70 % du capital. Sauf dispositions législatives contraires, elles sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.
Mme Nicole Borvo. Cet article revêt une très grande importance et chacun doit prendre ses responsabilités.
C'est précisément parce que le secteur de l'énergie est vital pour les individus comme pour l'économie qu'aucun Etat européen ne peut supporter la mise en faillite des entreprises d'électricité et de gaz. On n'oubliera pas, de ce point de vue, la recapitalisation, au Royaume-Uni, de British Energy.
Pour cette raison, la nation française a fait le choix du statut d'établissement public, qui permet simultanément de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique énergétique française et de préserver ainsi un secteur aussi vital pour l'économie.
Quels sont donc les arguments que l'on invoque pour justifier l'ouverture du capital de ces entreprises ? La situation financière d'EDF le justifierait afin qu'elle puisse bénéficier de fonds propres nécessaires à son développement. Curieusement, un tel raisonnement ne peut s'appliquer à GDF, dont les résultats sont florissants en France, grâce aux marges réalisées sur le prix du gaz. Il n'y aurait donc aucune raison de privatiser GDF. Or j'observe que certains, dont le rapporteur pour avis de la commission des finances, souhaitent aller au-delà des 30% d'ouverture du capital sur lesquels le Gouvernement s'est engagé pour Gaz de France. (M. Philippe Marini, rapporteur pour avis, s'exclame.)
Bien sûr, me direz vous, ce qui vaut pour EDF ne vaut pas pour Gaz de France. Je demeure convaincue, quant à moi, qu'aucun de vos arguments n'est soutenable
En ce qui concerne la situation financière d'EDF et ses besoins futurs, il est bien évidemment nécessaire de distinguer deux choses tout à fait différentes : d'un côté, les investissements industriels nécessaires pour assurer le développement du service public en France ; de l'autre, la stratégie expansionniste d'EDF des cinq dernières années et les conséquences industrielles et financières qui en résultent aujourd'hui
Sur le premier point, EDF a les moyens d'assurer les investissements nécessaires par autofinancement : ses capacités d'autofinancement sont d'environ 6 milliards d'euros par an. Ce sont les plus importantes de tous les opérateurs européens électriciens et gaziers.
Les investissements pour procéder à la modernisation des ouvrages existants - réseaux et centrales de production - nécessitent environ 2 à 3 milliards d'euros par an. Par comparaison, le coût de construction d'une tranche nucléaire EPR s'élève à 3 milliards d'euros, dont l'essentiel est étalé sur huit ans. Cela revient à dégager quelques centaines de millions d'euros par an avec un maximum d'environ 500 millions sur trois années.
Il y a donc encore largement la place pour construire d'autres moyens de production d'ici à 2010 afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement en France et en Europe. EDF pourrait décider la construction d'une centrale au charbon ou au gaz, par exemple, pour assurer l'équilibre entre la production et la consommation d'ici à 2010 ; elle a la capacité de la financer.
A partir de 2015 se posera la question d'engager de nouvelles tranches nucléaires pour remplacer le parc actuel. L'argument selon lequel il faudrait ouvrir le capital d'EDF pour reconstruire les tranches existantes ne tient pas. C'est précisément parce qu'EDF était une entreprise publique que le choix du nucléaire a pu être fait en France dans les années soixante-dix : EDF a été l'instrument à la fois de la politique publique de la France en matière énergétique et de sa politique industrielle dans toute la filière électrique française : Alstom, Framatome, Cogema, Schneider.
Aucune entreprise à statut privé n'aurait accepté de le faire ! Pourquoi en irait-il différemment aujourd'hui ? Le retour sur investissement est trop long, chacun le sait. Est-ce à dire que ce sont d'autres investissements, comme la maintenance, qui l'empêcheraient ? Les tarifs, donc les usagers, couvriront-ils ces coûts, comme certains l'envisagent pour la SNCF ?
Au niveau européen, les investissements à réaliser d'ici à 2020 sont chiffrés à 250 milliards d'euros dans le domaine de l'électricité et à 350 milliards d euros dans celui du gaz. Les marchés financiers sont totalement inefficaces pour fournir de tels niveaux de capitaux, dont la rentabilité ne peut s'évaluer que sur des dizaines d'années.
Sur le second point, c'est-à-dire la stratégie expansionniste d'EDF et ses conséquences industrielles et financières, le bilan est éloquent : au total, les acquisitions externes d'EDF en Amérique latine et en Europe lui auront coûté quelque 20 à 30 milliards d'euros, peut-être plus, et ce en moins de dix ans, avec des survaleurs d'acquisitions de l'ordre de 40 %.
Le bilan est aujourd'hui totalement négatif : pertes colossales et récurrentes des filiales, notamment en Amérique latine - Brésil et Argentine - et même en Allemagne ; aucune synergie industrielle ; aucun investissement productif réalisé ; des milliers d'emplois supprimés - 8 000 en France et 3 500 prévus dans la filiale Allemande.
Ce n'est pas en transformant EDF en société anonyme que seront réparées ces erreurs de gestion et de stratégie ; en général, c'est même plutôt l'inverse. Au fond, il s'agit moins d'erreurs que de comportements guidés par les marchés financiers. C'est cette conception de gestion de l'entreprise qui doit être abandonnée.
Il n'en demeure pas moins que ces stratégies de court terme ont été payées au prix fort par l'argent public, celui des contribuables et celui des petits actionnaires
Pour ces raisons, nous ne pouvons accepter cet article 22 qui modifie le statut d'EDF et de GDF et ouvre leur capital. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 198 est présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 406 est présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour défendre l'amendement n° 198.
M. Daniel Reiner. Supprimer l'article 22, c'est à la fois peu - quelques lignes - et beaucoup, si l'on prend en considération le lourd contenu symbolique de cet article et, au-delà, de l'ensemble du titre V.
Pour le groupe socialiste, les conséquences de la transformation d'EDF et de GDF en sociétés anonymes sont tellement graves qu'il est impossible d'amender cet article : il doit donc être supprimé.
Avec ce titre V, c'est une page importante de notre histoire qui se tourne. C'est la fin d'une époque où l'Etat était encore capable de mener une politique industrielle, et en avait la volonté.
Il s'agissait d'assurer la compétitivité de nos entreprises en leur fournissant de l'électricité à bas prix. Il s'agissait de donner accès à l'électricité, bien de première nécessité, à chaque individu en tout point du territoire. Il s'agissait aussi de construire un modèle social dans lequel les profits ne seraient pas confisqués par quelques-uns, mais où le travail - valeur que vous avez tendance à galvauder - serait récompensé.
C'est tout le sens du statut des industries électriques et gazières. Certes, pour l'heure, vous ne touchez à ce statut qu'indirectement, au travers de la réforme du financement des retraites. Mais, demain, vous le remettrez en cause sous la pression des actionnaires privés que vous voudrez attirer. Vous agirez, au fond, comme vous l'avez fait avec France Télécom : vous avez d'abord transformé l'opérateur en société anonyme et, en 2003, vous avez voté la mort du statut de ses fonctionnaires.
Ce texte est la traduction de choix libéraux, reconnaissez-le : vous pensez que le marché peut tout. Alors, arrêtez d'avancer de pseudo-arguments juridiques ou économiques qui seraient gravés dans le marbre. Et je ne reviendrai pas sur la justification : « c'est la faute à l'Europe ».
Pour notre part, nous voulons l'affirmer clairement : en matière de production d'électricité et de gaz, de transport ou de fourniture de service, il est inconcevable que les pouvoirs publics abandonnent, comme vous le proposez, l'ensemble des outils dont ils disposaient jusqu'alors.
Nous réaffirmons notre attachement au service public et aux valeurs qu'il porte : égalité des territoires et des citoyens dans l'accès à l'énergie ; sécurité de l'approvisionnement ; indépendance énergétique ; lutte contre l'effet de serre ; maîtrise de la demande
EDF et GDF sont des acteurs essentiels de la politique énergétique française. Or la logique d'une entreprise livrée à des intérêts privés, fussent-ils minoritaires dans l'immédiat, dans un contexte libéralisé, est d'abandonner toute action qui ne concourt pas immédiatement à sa rentabilité et, plus largement, de chercher une appropriation de la rente au travers de la constitution d'oligopoles. C'est déjà en cours !
Ainsi, pour nous, toute ouverture du capital et tout changement de statut ne peuvent nous convenir.
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 22.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 406.
M. Robert Bret. Nous sommes ici au coeur de votre projet de loi, monsieur le ministre, qui n'est autre que la première étape de votre programme de privatisation de nos grandes entreprises de service public.
Vous aviez déjà ouvert la voie en 1996, avec France Télécom. Pour autant, on entretient habilement la confusion dans le grand public : il y aurait une différence fondamentale entre ouverture du capital et privatisation.
Monsieur le ministre, à partir du moment où vous donnez la possibilité à des intérêts privés de pénétrer le capital de ces EPIC, vous en permettez la privatisation. Car quelle est la signification de l'ouverture du capital de ces entreprises ? Ouvrir le capital d'EDF et de GDF, c'est d'abord changer la logique d'ensemble de gestion de l'établissement et de ses filiales. Dans un premier temps, i1 s'agit de faire droit de manière « minoritaire » aux intérêts privés, qui peuvent être attirés par des placements offrant un bon rendement. La rentabilité moyenne recherchée tourne autour de 15 %.
C'est une véritable aberration et c'est une ponction du privé qui sera effectuée sur les résultats des entreprises. Je ne doute pas un seul instant que les fonds de pension seront attirés par l'émission d'actions des ces entreprises.
Le changement de statut, avec, pour conséquence, l'ouverture du capital, c'est donc d'abord l'introduction inévitable de nouvelles normes de gestion dans le fonctionnement du futur EDF et du futur Gaz de France.
De fait, la seule présence d'actionnaires privés donne des droits de surveillance sur la gestion d'une société. Pour le comprendre, il suffit de lire le code de commerce, monsieur le ministre
À partir d'un seuil de détention de 5 %, les actionnaires minoritaires peuvent convoquer des assemblées générales et déposer des résolutions - je vous renvoie à l'article L. 225-103 du code de commerce. De même, ils peuvent exiger la récusation d'un commissaire aux comptes - c'est l'article L. 225-230 - ou encore adresser une question écrite aux dirigeants sur leurs opérations de gestion, avec communication au commissaire aux comptes, comme le prévoit l'article L. 225-231.
À partir d'un seuil de détention de 10 %, les pouvoirs deviennent plus importants, puisque les actionnaires peuvent faire nommer des experts auprès des tribunaux afin de vérifier le bien-fondé de certaines opérations de gestion. A partir de 20 %, ils peuvent intenter directement l'action sociale contre la direction ou les membres du conseil d'administration. Enfin, à partir du tiers du capital, ils peuvent bloquer toutes les décisions prises en assemblée générale extraordinaire, c'est-à-dire toutes les décisions importantes pour la société : augmentation de capital et transfert du siège social, notamment.
Qu'en sera-t-il des investissements si ceux-ci n'offrent pas une rentabilité jugée suffisante ou beaucoup trop lointaine pour être engagés ? La sécurité de notre système énergétique en dépend !
Il y a peu encore, le ministre d'Etat M. Nicolas Sarkozy n'avait pas écarté ce seuil du tiers du capital, puisqu'il parlait du maintien d'un pourcentage pouvant aller jusqu'à 66 % pour la part des capitaux publics. La possibilité de cette minorité de blocage aurait donc pu exister pour les intérêts privés. Finalement, sous la pression du mouvement social, un niveau d'ouverture du capital de 30 % sera retenu. Mais pour combien de temps ?
Nous avons de bonnes raisons de douter de la sincérité de tous ces discours sur le fait que l'ouverture du capital ne se confondrait pas avec la privatisation. Nous ne pouvons accepter un tel article. Aussi, nous en demandons la suppression.
M. le président. L'amendement n° 348, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Electricité de France et Gaz de France sont transformés en un seul établissement public à caractère industriel et commercial dénommé « Electricité et Gaz de France ».
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Tout milite aujourd'hui en faveur de la fusion des EPIC Electricité de France et Gaz de France. C'est ce que prévoit le présent amendement.
Nous pensons que c'est le seul moyen pour renforcer la maîtrise publique de notre outil industriel et développer les synergies entre les deux opérateurs historiques, qui ont une longue expérience des services publics. Ils ont largement fait la preuve de leur efficacité.
Par ailleurs, si EDF et GDF ne fusionnent pas, l'abandon du principe de spécialité les mettra directement en concurrence, ce qu'il faut éviter à tout prix, au risque de provoquer un gâchis terrible.
Pour la préservation de notre service public et pour le maintien de la performance de notre outil industriel, une fusion des EPIC est donc essentielle.
Il est de plus en plus souvent admis que la fusion des deux entreprises aussi intimement liées qu'EDF et GDF est un facteur d'optimisation économique, alors que leur séparation, selon un schéma concurrentiel, est un facteur de dysfonctionnement et de casse sociale.
Dès lors, on ne peut balayer d'un revers de main les craintes exprimées par les syndicats, qui redoutent que, dans le schéma actuel, ces entreprises ne puissent pas résister à la déréglementation et qu'elles soient achetées par de grands groupes, tels que Suez, ou se retrouvent à leur merci.
Le choix de la fusion a donc plusieurs justifications :
Tout d'abord, il est à peu près certain que la France connaîtra un déficit de production d'électricité avant 2010 et qu'il est trop tard pour engager la construction d'une nouvelle tranche nucléaire opérationnelle à cette échéance. L'augmentation de la production d'électricité à partir du gaz est donc inéluctable d'ici à dix ans.
Ensuite, la création de ce grand groupe mondial de l'énergie s'inscrirait dans le mouvement de concentration et de création de champions énergétiques capables de proposer une offre multiénergie, illustré par le rapprochement entre EON et Ruhrgas, en Allemagne. Un tel groupe serait en mesure d'affronter la concurrence à la suite de l'ouverture totale des marchés, tout en assurant les missions de service public.
Rien ne s'oppose donc à cette alternative, et surtout pas un éventuel blocage dicté par la Commission, à Bruxelles, car il ne serait pas fondé juridiquement, ainsi que le montrent toutes les études effectuées dans ce domaine.
Cependant, sa réussite exige, effectivement, un projet d'entreprise et une politique industrielle ambitieuse, qui seuls peuvent garantir durablement, dans le cadre de la maîtrise publique de la politique énergétique, un service public de qualité pour les usagers, la sécurité de l'approvisionnement, l'indépendance énergétique de la France, ainsi qu'un niveau élevé de sûreté, indispensable pour le nucléaire.
Tel est l'objet de cet amendement qui vise à renforcer la maîtrise publique de la politique énergétique de notre pays, ainsi qu'à développer les synergies entre les deux entreprises historiques qui ont fait la preuve de leur efficacité.
M. le président. L'amendement n° 350, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Electricité de France et Gaz de France sont des Etablissements Publics à Caractère Industriel et Commercial.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. De nombreuses raisons ont été invoquées pour justifier l'abandon du statut d'EPIC de EDF et de GDF.
Nous continuons de nous opposer à un tel changement de statut : tel est le sens de notre amendement.
Le changement de statut, l'ouverture du capital et l'alignement sur le droit des sociétés anonymes ont notamment été justifiés par des besoins nouveaux de financement. Il est beaucoup question, en effet, des investissements industriels nécessaires pour développer le service public en France.
Or, contrairement à ce qui est souvent avancé, EDF a les moyens de le faire.
Ses capacités d'autofinancement, qui s'élèvent à environ 6 milliards d'euros par an, sont en effet les plus importantes de tous les opérateurs européens, qu'ils soient électriciens ou gaziers.
Cependant, il est intéressant d'examiner, par ailleurs, les transferts financiers qui ont été opérés, en 2003, directement d'EDF vers l'Etat. Le changement de méthode comptable pour calculer l'amortissement des centrales nucléaires a ainsi conduit l'entreprise à verser 3 016 millions d'euros.
La décision prise par la Commission européenne de pénaliser EDF a entraîné, pour l'entreprise, le versement de près de 1,1 milliard d'euros, au titre de divers impôts et intérêts. Les différences de taux de change ont produit 155 millions d'euros. L'entreprise a également payé des impôts sur son résultat, à hauteur de 1 312 millions d'euros.
Enfin, n'oublions pas les dividendes : EDF est probablement la seule entreprise contrainte de reverser à l'Etat 33 % de son résultat net, ce qui représentait 282 millions d'euros en 2003, monsieur le ministre !
Ainsi, l'entreprise publique a fait entrer dans les caisses de l'Etat, sous des formes diverses, un total de 5 982 millions d'euros. Vous reconnaîtrez, monsieur le rapporteur pour avis, que ce n'est pas rien !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Tant mieux !
M. Robert Bret. Quant à GDF, en additionnant 456 millions d'euros de dividendes et 622 millions d'euros d'impôt sur les sociétés, l'entreprise aura versé à l'Etat, au titre de l'année 2003, un total de 1 078 millions d'euros.
Alors que ces deux entreprises sont réellement des fleurons de notre industrie, aujourd'hui, on affirme qu'elles sont en difficulté, qu'il est nécessaire d'ouvrir leur capital et de changer leur statut pour leur permettre de se redresser. Elles ont pourtant les moyens, comme je l'ai dit.
Il est vrai que vous allez leur demander de verser une soulte destinée à financer les retraites, ce qui va nous conduire à constater, dans quelques mois, la réduction de leurs fonds propres. Pas étonnant, vous aurez « pompé » près de 16 milliards d'euros !
On prétend, après les avoir ponctionnés, qu'EDF et GDF manquent de fonds propres. Pourtant, les chiffres que je viens de rappeler prouvent que les deux entreprises sont saines.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il faudra bien payer les retraites !
M. Robert Bret. C'est pourquoi nous considérons qu'il n'y a aucune raison de changer le statut de ces entreprises, monsieur le rapporteur pour avis !
En outre, au-delà des aspects économiques et financiers que je viens d'évoquer, l'énergie n'est pas, selon nous, une marchandise comme une autre. C'est un véritable service public qui est assuré par ces deux entreprises, raison supplémentaire pour leur conserver leur statut d'EPIC.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Electricité de France est transformé en société dont l'Etat détient plus de 70 % du capital.
Gaz de France est transformé en société dont l'Etat détient plus de 50 % du capital.
Sauf dispositions législatives contraires, ces sociétés sont régies par les lois applicables aux sociétés anonymes.
La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce petit amendement (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC) doit nourrir notre discussion.
M. Roland Muzeau. C'est la révélation !
Mme Nicole Borvo. M. Marini va enfin nourrir notre discussion !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je souhaite rappeler que, selon l'analyse économique et financière de la commission des finances, les situations d'EDF, d'une part, et de GDF, d'autre part, sont assez sensiblement différentes.
Mme Nicole Borvo. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Tout d'abord, si l'on prend en considération les comptes consolidés de l'un et l'autre groupe, ceux d'EDF sont assurément plus complexes. Les problèmes de cette entreprise requièrent un traitement spécifique, notamment pour déterminer le bon niveau des provisions afférentes au cycle électronucléaire
Par ailleurs, le groupe EDF a développé des actifs à l'international dont l'appréciation économique ne simplifie pas toujours un bon diagnostic sur l'ensemble du groupe.
Enfin, les conditions dans lesquelles devront être provisionnés et liquidés les droits à retraites - question longuement traitée dans cet hémicycle au cours de nos dernières séances - supposent une étude préalable à l'établissement définitif des comptes.
Du point de vue du marché et des investisseurs, la situation de Gaz de France n'est pas de même nature.
Gaz de France est une entreprise plus simple à aborder et à apprécier. Ses résultats, comme son volume d'activité, ont évolué de façon plus régulière au cours de ces dernières années.
L'examen des structures de bilan révèle que la proportion de la dette par rapport aux fonds propres est très différente entre les deux entreprises.
Certes, EDF et GDF ont des ressemblances économiques, car leurs secteurs d'activité ont une forte intensité capitalistique et nécessitent des investissements importants, qu'il s'agisse, pour le gaz, de la réalisation de capacités de stockage et, pour l'électricité, du renouvellement, demain ou après-demain, de l'offre nucléaire.
En résumé, si l'on se réfère au simple raisonnement économique et financier, les perspectives de Gaz de France offrent une meilleure visibilité, ce qui semble autoriser une ouverture plus large du capital de cette entreprise.
M. Roland Muzeau. Pour satisfaire la Bourse !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Vous souhaitez m'interrompre, cher collègue?
M. Roland Muzeau. Non, je complète simplement votre propos !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. En ce qui concerne EDF, cela a été rappelé maintes fois, l'électricité est une énergie de première nécessité non substituable. La sûreté, notamment nucléaire, exige un contrôle de l'Etat plus accentué sur EDF.
En fonction de cette analyse, la commission des finances s'est interrogée sur le taux d'ouverture du capital de ces entreprises aux investisseurs privés.
Dans le cas de Gaz de France, elle a considéré qu'un contrôle majoritaire de l'Etat à plus de 50 % devrait pouvoir être suffisant.
Je me permets de vous rappeler, mes chers collègues, que le seuil de plus de 50 % correspond bien au critère de définition d'une entreprise publique. La détention majoritaire du capital, le pouvoir de décision, le pouvoir d'orientation stratégique appartiennent clairement à l'actionnaire détenteur de plus de 50 % des voix, ni plus ni moins d'ailleurs qu'à celui possédant une participation de plus de 70 % dans le capital.
Tels sont les éléments de réflexion que je vous livre, mes chers collègues, et sur lesquels j'aimerais entendre le Gouvernement.
Le souhait de la commission des finances a été, je le répète, de nourrir notre débat avec ce modeste amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Bel. Bravo !
M. Daniel Reiner. Amendement précurseur ! Allez encore plus loin !
M. le président. L'amendement n° 126, présenté par M. Biwer et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la première phrase de cet article :
Electricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l'Etat détient plus de 70 % du capital pour Electricité de France et plus de 50 % du capital pour Gaz de France.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Il s'agit, par cet amendement, de préciser le rôle spécifique que l'Etat doit jouer dans chacune des deux entreprises EDF et GDF.
S'il est concevable que l'Etat détienne une part prépondérante du capital d'EDF, propriétaire du parc nucléaire français, afin d'éviter le risque d'une minorité de blocage qui pourrait porter atteinte à la production et à l'approvisionnement en électricité, il serait en revanche inopportun d'adopter la même stratégie à l'égard de GDF.
En effet, n'ayant pratiquement pas de fonction de production, GDF a surtout besoin d'importants apports en capitaux, afin de poursuivre sa croissance sur les marchés européens et étrangers en nouant des alliances stratégiques avec d'autres grands opérateurs.
Il convient également de rappeler que l'engagement du ministre d'Etat n'a porté explicitement que sur la part détenue par l'Etat dans le capital d'EDF.
M. le président. L'amendement n° 347, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter in fine cet article par une phrase ainsi rédigée :
La participation au capital est interdite aux actionnaires étrangers.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement est bien évidemment un amendement de repli ! Nous souhaitons éviter qu'EDF et GDF ne puissent faire l'objet d'une prise de contrôle future par des intérêts étrangers, qu'il s'agisse de fonds de pension étrangers ou de firmes multinationales privées.
Nous n'oublions pas la prise de contrôle de la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, par Electrabel, filiale belge du groupe Suez. La CNR a largement contribué à l'aménagement de notre territoire en domptant le Rhône. Doit-on rappeler que les collectivités locales, à la recherche de nouvelles liquidités - décentralisation oblige ! - ont dû vendre leurs parts !
Mme Odette Terrade. Certes, mais c'est aussi le cas d'autres collectivités !
On prétend que l'Etat restera majoritaire parce que EDF s'occupe du nucléaire et le nucléaire doit rester sous contrôle public. Mais l'hypothèse selon laquelle l'Etat conserverait la majorité du capital relève de la fiction, surtout avec l'arrivée d'un actionnariat privé, quel que soit son poids dans la composition du capital. A cet égard, les amendements du rapporteur pour avis ne nous rassurent pas.
Dans un groupe appartenant au secteur public, les actionnaires privés exigeront un taux de retour en socialisant les pertes et en privatisant les profits, c'est-à-dire en faisant payer les usagers.
En outre, dans une configuration de privatisation partielle, l'Etat peut réduire ses investissements pour laisser plus de retour aux actionnaires privés. C'est précisément l'énorme risque que nous courons, en termes de sécurité, s'agissant du nucléaire. C'est donc la sécurité publique et l'intérêt public qui sont remis en cause.
En privatisant, même partiellement, une entreprise chargée du nucléaire, le Gouvernement fait un choix lourd de risques et potentiellement dangereux pour la sécurité de nos concitoyens.
Les Britanniques ont fait cette erreur et l'Etat a été contraint de réinjecter du capital dans les entreprises privatisées, car le nucléaire tombait en lambeaux.
La présence du nucléaire ne constitue pas un blocage à une possible prise de contrôle par des intérêts privés.
Il y a donc a contrario et a fortiori un réel danger pour que notre industrie nucléaire nous échappe complètement un jour, du fait d'une participation majoritaire de capitaux étrangers dans EDF !
Notre amendement vise donc à apporter des garanties en ce domaine, en préservant EDF et GDF d'une prise de contrôle de firmes étrangères.
M. le président. L'amendement n° 346, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Pour l'application de l'article 6 de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, le conseil d'administration ou de surveillance comporte un tiers de représentants des salariés et un tiers de représentants de l'Etat sont nommés par décret.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Nous voudrions de nouveau dans le cadre d'un amendement de repli réaffirmer notre demande relative à la démocratisation du secteur public.
Nous voulons en effet avoir la certitude, si vous maintenez votre texte tel qu'il est, que le futur conseil d'administration ou de surveillance - nous ne savons pas encore comment vous l'appellerez - comprendra un tiers de représentants des salariés et un tiers de représentants de l'Etat, nommés par décret.
M. le président. L'amendement n° 349, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter in fine cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les parts du capital d'Electricité de France ou de Gaz de France détenues, le cas échéant, par des collectivités peuvent être cédées exclusivement à d'autres collectivités locales.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. M. le ministre d'Etat, Nicolas Sarkozy, a annoncé qu'une part du capital cédé par l'Etat serait réservée aux collectivités territoriales. Or on a vu avec la Compagnie nationale du Rhône que des collectivités locales détentrices de parts avaient pu vendre ces dernières à un groupe privé qui a ainsi pu mettre la main sur la CNR par la suite.
Demain, avec la présence, au sein du capital d'EDF et de GDF, de collectivités locales évidemment concernées par ces entreprises, on pourrait se retrouver dans le même cas de figure. Si les parts détenues par les collectivités locales sont vendues à des actionnaires privés, les engagements pris par M. le ministre ne seront déjà plus respectés.
Nous vous proposons donc avec cet amendement de repli qui vise à sauvegarder ce fleuron que constitue EDF et GDF, de prévoir que les collectivités locales ne peuvent céder leurs parts qu'à d'autres collectivités locales.
M. le président. L'amendement n° 351, présenté par Mmes Didier et Beaufils, MM. Coquelle et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Toute cession de capital par l'Etat fait l'objet d'une loi spécifique soumise au peuple français par référendum.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le programme du Conseil national de la Résistance, adopté le 15 mars 1944 à l'unanimité de ses membres, selon les règles d'alors, en appelait à une « subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général ».
M. Max Marest. Vous n'étiez même pas née !
Mme Odette Terrade. Il est bon, parfois, de revenir aux fondamentaux, cher collègue. Et nous, l'intérêt général, nous ne le lâchons jamais.
Il préconisait « l'intensification de la production nationale selon les lignes d'un plan arrêté par l'Etat après consultation des représentants de tous les éléments de cette production ». Il organisait « le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurances et des grandes banques ».
La France bénéficie d'un secteur public fort et efficace. Le service public répond à des valeurs essentielles, porteuses de développement économique, d'aménagement égal des territoires et de progrès social.
Cet article 22 contribuera inévitablement à la casse de nos services publics.
La cession du capital d'EDF-GDF par l'Etat est un acte d'une telle gravité pour le pays que le vote d'une loi spécifique apparaît nécessaire.
Il serait en effet inadmissible de considérer que le vote du présent article, durant la période estivale, validerait définitivement l'objectif de privatisation de cette grande entreprise publique.
C'est pourquoi, par cet amendement, nous vous proposons, dès à présent, qu'il soit indiqué qu'un tel projet de loi devra être soumis au peuple français par référendum.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur les amendements identiques nos198 et 406, vous connaissez ma position par coeur, et si je répétais la totalité des arguments que j'ai utilisés depuis le début de ce débat...
M. Robert Bret. On ne s'en lasse pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ..., vous seriez lassés les uns et les autres.
M. Robert Bret. Non !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne vous convaincrai jamais, ...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... mais je redis qu'une vraie menace de sanctions de Bruxelles pèsent sur nous si EDF et GDF demeurent des établissements publics industriels et commerciaux.
Vous n'êtes pas convaincus, et je n'arriverai pas à vous convaincre, je serai donc bref : la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos198 et 406.
À propos de l'amendement n°348, défendu par Mme Terrade, ...
M. Robert Bret. Brillamment !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... laissez-moi vous dire que, nous tous, nous arrivons dix ans trop tard. Fusionner EDF et GDF était encore possible il y a dix ans, mais cela ne l'est plus aujourd'hui.
Vous n'y croyez pas, mais les menaces de sanctions de Bruxelles sont réelles.
M. Robert Bret. Nous n'étions pas les seuls ! (Rires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce serait une erreur très dangereuse de démembrer demain EDF et GDF, d'obliger EDF à vendre des centrales nucléaires ou GDF des capacités de stockage, et de les contraindre l'un et l'autre à abandonner des parts de marché.
C'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable sur l'amendement n°348.
Monsieur Bret, en ce qui concerne l'amendement n°350, il n'y a pas que cette contrainte de Bruxelles que j'évoquais à l'instant et à laquelle vous ne croyez pas, il faut aussi tenir compte de la dimension économique du problème.
Il faut impérativement permettre à EDF et à GDF de faire face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés - l'endettement pour EDF, la nécessité de payer les retraites -, et, surtout, leur permettre de réaliser leurs projets industriels à l'un et à l'autre, d'assurer leur développement dans le reste de l'Europe et, en France, de résister aux attaques auxquelles ils sont soumis de la part de leurs concurrents étrangers.
Leur besoin économique et financier est réel. Voilà pourquoi, nous émettons un avis défavorable sur l'amendement n°350.
J'en viens aux amendements nos 96 et 126, qui sont quasi identiques. Nous devons remercier leurs auteurs d'ouvrir ce débat nécessaire sur les différences de situation et de besoin entre EDF et GDF.
La situation financière de Gaz de France est en effet, comme l'a souligné M. Marini, bien meilleure. D'ailleurs, je vous signale que Gaz de France avait déjà provisionné ses retraites, ce qui n'était pas le cas d'EDF. En revanche, les besoins de Gaz de France sont importants, ce que nous a rappelé M. Gadonneix, son président, lors de son audition par la commission des affaires économiques.
L'objectif de Gaz de France est de gagner un million de clients supplémentaires sur le territoire national, à la fois pour riposter aux attaques des concurrents étrangers et aussi pour continuer à progresser. Pour atteindre ce but, des moyens sont nécessaires.
Le second objectif de Gaz de France est - comme l'a rappelé M. Marini - de conquérir des parts de marché en Europe. C'est indispensable si nous ne voulons pas que cette société se trouve en difficulté demain. Ce qu'elle perd sur le marché national, il faut qu'elle aille le reprendre à l'étranger. Or les besoins sont considérables - 16 milliards d'euros en quatre ans, nous a-t-il dit. Où les chercher ?
Je ne suis pas sûr qu'il soit suffisant d'ouvrir le capital de Gaz de France de 30%.
Oui, mais ...Vous y avez fait allusion, monsieur le rapporteur pour avis, ce n'est pas notre rôle de compliquer la tâche du Gouvernement.
Nous savons parfaitement que ce texte est l'aboutissement d'une difficile négociation. Je crois au dialogue social et à la négociation. Je crois aussi qu'il faut tenir les engagements pris.
Le Gouvernement a changé de position sur cet article, sur le pourcentage de capital qu'il s'apprêtait à céder.
M. Robert Bret. Le mouvement social y est pour quelque chose !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Au terme de cette négociation difficile et méritoire à laquelle le ministre d'Etat, M. Nicolas Sarkozy, accompagné par M. Patrick Devedjian, a consacré beaucoup de temps et d'énergie, à chaque étape, ce seuil de 70% du capital a été retenu.
À mon avis, garder le même seuil pour EDF et GDF n'était pas satisfaisant. Toutefois, je suis convaincu qu'il ne faut pas mettre le Gouvernement en difficulté ou en tout cas le mettre en position de renier ses engagements.
C'est la raison pour laquelle, en commission des affaires économiques, nous avons adopté une position qui consiste à vous demander, à l'un et à l'autre, de bien vouloir retirer vos amendements.
En ce qui concerne l'amendement n°347 défendu par Mme Terrade, notre avis est tout à fait défavorable.
On ne peut pas en même temps permettre à EDF d'aller acheter 22% du capital de Montedison, en Italie, 100% du capital de London Electricity, au Royaume Uni, ou de prendre une participation majoritaire dans EnBW, le troisième opérateur électricien allemand, ...
M. Robert Bret. On est d'accord. On ne peut pas avoir des comportements de voyous à l'étranger. Ce n'est pas moral !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... et, dans le même temps, refuser qu'éventuellement demain il y ait une participation étrangère dans une société nationale.
Mme Marie-France Beaufils. On est d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour GDF, c'est pire encore ! Quel est l'objectif de GDF, sinon assurer une sécurité d'approvisionnement aux Français. Peut-être demain, pour assurer cette sécurité, Gaz de France devra-t-il céder 1%, 2 % ou 3% de son capital à un fournisseur d'électricité, russe, par exemple. Et l'exemple n'est pas innocent.
Il ne faut surtout pas l'empêcher, raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur l'amendement n°347.
Nous émettons un avis également défavorable sur l'amendement n°346 défendu par Mme Beaufils. Nous avons déjà évoqué un amendement identique plus tôt dans le débat.
S'agissant de l'amendement n° 349, monsieur Bret, j'ai bien compris votre souhait. Toutefois si, demain, une collectivité locale achète 1% du capital d'EDF, je ne vois pas pourquoi elle serait obligée de vendre cette part exclusivement à une autre collectivité locale.
Il faudra seulement veiller à ce que les règles imposées par le Gouvernement, pas plus de 30% du capital, soient respectées. Je vous rappelle que dans ces 30%, 15% sont pour les salariés.
Il faudra que les engagements soient respectés, voilà tout !
M. Robert Bret. Et la CNR, monsieur le rapporteur !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pourquoi obligatoirement passer d'une collectivité territoriale à une autre ? D'ailleurs, si une collectivité locale prend une part du capital, il faudra qu'elle l'achète. La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n°349.
Quant à l'amendement n°351, la commission maintient, sur ce sujet que nous avons traité il y a quelques dizaines de minutes à peine, son avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il y a un point sur lequel je suis entièrement d'accord avec MM. Bret et Reiner : nous sommes effectivement au coeur de notre projet de loi ! C'est pourquoi - et vous seriez surpris du contraire - nous nous opposons aux amendements de suppression de l'article 22.
À propos de l'amendement n°348 et la fusion des établissements publics industriels et commerciaux ; le Gouvernement a considéré que l'opération présentait une certaine logique, mais aussi certains dangers.
Pour la logique, nous avons demandé aux deux présidents un rapport sur la question. Ils ne sont sans doute pas favorables à cette fusion, mais les objections qu'ils formuleront constitueront pour le Gouvernement un moyen de se déterminer. Le fait qu'ils aient une opinion ne doit pas nous empêcher de la leur demander, tout de même ! Je ne vois pas l'intérêt qu'il y aurait pour nous à ne consulter que les personnes dont on sait qu'elles sont d'accord avec nous. En tout cas, ce n'est pas ce que vous réclamez vous-même.
Pour ce qui est des dangers, nous menons un travail d'expertise auprès de Bruxelles pour voir si nous ne serions pas - ce qui est infiniment probable - obligés d'abandonner des parts de marché.
Pour ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l'amendement n°348.
Sur l'amendement n° 350 EDF et GDF ne peuvent demeurer des EPIC ; je n'y reviendrai donc pas.
Monsieur Marini, j'ai bien aimé la manière dont vous avez présenté l'amendement n°96. Vous avez dit en quelque sorte que vous vouliez poser le problème pour en débattre, je le comprends. Dans votre argumentation, vous avez souligné, comme l'a fait Mme Létard lors de la défense de l'amendement n° 126, un point parfaitement exact : EDF et GDF ne sont pas, j'en conviens, dans la même situation.
Mais, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, cette réforme est difficile, délicate, parfois mal vécue et mal comprise. On nous avait dit qu'elle était impossible, qu'elle recélait des dangers. Elle n'est pas achevée, ne faisons donc pas le Tartarin, mais elle s'est déroulée d'une manière convenable, et ce parce que Nicolas Sarkozy notamment a voulu un dialogue social très approfondi et permanent avec les partenaires sociaux. On le lui a d'ailleurs reproché à droite, en soulignant le fait que le Gouvernement avait finalement fait beaucoup trop de concessions aux syndicats.
Parallèlement, des négociations salariales ont été engagées et, au cours de ce dialogue permanent, quotidien, avec les formations syndicales, le Gouvernement, à tort ou à raison, - mais à raison, me semble-t-il, compte tenu de la difficulté - a pris des engagements ; il les tiendra.
Monsieur Marini, il fallait conduire cette réforme et la réussir. Nous avons dû faire des concessions, comme il se doit dans des négociations. En conséquence, nous tiendrons les engagements que nous avons pris, et je vous demande, madame la sénatrice, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir aider le Gouvernement à tenir sa parole pour que nous puissions conduire cette réforme jusqu'à son terme.
Si, en effet, il apparaissait que les engagements pris avec les formations syndicales ont été empreints d'un certaine duplicité ou si nous nous révélions incapables de les tenir, c'est toute la politique de réforme que nous voulons conduire, et pas seulement sur ce texte, qui pourrait être mise en cause.
Il faut que les partenaires sociaux sachent que le Gouvernement fait tout pour respecter sa parole et qu'il demande à sa majorité de l'y aider. C'est la condition pour pouvoir conduire une politique de réforme, même si l'on n'obtient pas satisfaction à 100 %, car c'est ainsi.
Je vous demande donc, monsieur Marini, madame Létard, de bien vouloir retirer vos amendements respectifs.
S'agissant de l'amendement n° 347, il est tout simplement inconstitutionnel, madame Beaufils.
Les traités que nous avons signés, en particulier tous les traités de l'Union européenne, nous interdisent de réserver le capital d'une société à des ressortissants français.
Pour ce qui concerne la demande d'une application dérogatoire de la loi relative à la démocratisation du secteur public, je veux vous dire, madame Beaufils, que, d'une certaine manière, vous avez déjà satisfaction.
En effet, une dérogation n'est pas nécessaire. Au lendemain de la promulgation de la loi, le conseil d'administration sera composé de six représentants de l'Etat, de six personnalités qualifiées et de six représentants des salariés. L'amendement n° 346 me semble donc inutile.
S'agissant de l'amendement n° 349, il est également inconstitutionnel, madame Beaufils. En effet, prévoir que les collectivités n'auront pas, notamment pour la vente de leurs actions sur le marché, les mêmes droits que les autres actionnaires d'EDF constitue une rupture d'égalité. J'ajoute que, si vous souhaitez comme nous que les collectivités locales participent au capital d'EDF, vous ne les y encouragez pas en leur annonçant qu'elles auront moins de droits que les autres.
Enfin, autoriser la cession de capital par référendum est une idée amusante. Il aurait fallu que la gauche y pense lorsqu'elle a fait adopter la loi de respiration du secteur public. Certes, elle a eu raison de le faire - je l'approuve et je la soutiens ; j'ai d'ailleurs dû, en tant que député, voter en faveur de ce texte -, car cette loi, qui permet, avec un formalisme réduit, d'assouplir les conditions de détention d'une partie du capital d'une société par la collectivité, a donné de bons résultats.
Madame Beaufils, pourquoi introduire une rigidité dans le dispositif ? Vous vouliez défendre l'héritage des gaullistes, moi, je défends l'héritage des socialistes ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est un échange de bons procédés !
M. Gérard Longuet. Il ne faut pas aller trop loin dans ce sens tout de même !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 198 et 406.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 227 :
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l'adoption | 111 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 348.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 96 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, j'ai bien entendu que vous me demandiez de retirer mon amendement. J'ai d'ailleurs apprécié la présentation très directe, très honnête, très transparente, très...
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. ... très loyale, effectivement, de ce problème.
Il n'est pas dans mon intention de compliquer la tâche du Gouvernement, qui a le grand mérite de faire avancer la politique de réforme.
Au cours du déjeuner qui s'est déroulé au pavillon d'Ermenonville, M. le ministre d'Etat a brillamment expliqué tout à l'heure aux investisseurs internationaux, avec conviction et très concrètement, que la France avance, qu'elle peut se réformer, que les états d'esprit changent, que le processus s'inscrit dans une dynamique.
Certes, sur le sujet qui nous préoccupe, des négociations ont été menées et des engagements ont été pris, il faut naturellement les respecter.
Dans ces conditions, je me résigne à retirer l'amendement n° 96, mais nous reviendrons sans doute, j'en suis convaincu, sur ce sujet.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. La réforme qui s'engage a le grand mérite de se faire. A chaque jour suffit sa peine !
M. Jean-Pierre Bel. Absolument !
M. Robert Bret. Effectivement, à chaque jour suffit sa peine !
M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'amendement n° 126.
M. Daniel Reiner. Je m'exprimerai, en effet, sur cet amendement, monsieur le président, puisque l'amendement n° 96 vient d'être retiré.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous prouvez qu'à gouvernement libéral, libéral et demi ! Et en quels mots charmants tout cela n'a-t-il pas été dit ! C'est un peu l'amendement de la révélation de la vérité cachée ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Le Gouvernement nous dit qu'EDF ne se portant pas très bien sur le plan financier, il lui faudrait de nouveaux actionnaires pour financer son développement.
M. le rapporteur pour avis, quant à lui, nous dit que la participation de l'Etat dans GDF pourrait descendre jusqu'à 51 %, soit à la limite de la privatisation, parce que la société se porte bien sur le plan financier !
On le voit, que l'on se porte bien ou mal, ...
M. Robert Bret. Le remède est le même !
M. Daniel Reiner. ...peu importe, car, ce qui prime, c'est la volonté de privatiser.
M. Robert Bret. Moi, je changerais de médecin !
M. Daniel Reiner. C'est en ces termes que l'on peut résumer votre réflexion sur la politique industrielle ; cela nous semble un peu court.
D'autres arguments sont avancés, si l'on en croit les rumeurs qui circulent. D'ailleurs, on peut lire dans le rapport de notre collègue, et nous l'avons étudié avec attention, que la quasi-privatisation de GDF aurait une incidence positive sur nos finances publiques. Naturellement, passer de 70 % à 50 % du capital rapporterait quelques recettes supplémentaires, ce que M. le rapporteur pour avis appelle « des raisons de circonstance ».
On ne peut pas imaginer l'espace d'un instant que l'on vende une entreprise tout à fait stratégique pour notre compétitivité économique dans le seul but de combler des déficits publics, déficits que vous avez largement contribué à creuser. GDF rapporte de l'argent à l'Etat sous forme d'impôts, de dividendes et, naturellement, l'Etat ne doit pas s'en priver.
Par ailleurs, vous avez longuement expliqué les raisons pour lesquelles on ne pouvait pas faire la même proposition pour EDF. Cependant, ce qui est compréhensible, d'un point de vue économique, pour le rapporteur pour avis de la commission des finances, l'est beaucoup moins pour les familles, et c'est à elles que je pense ici.
Dès lors qu'une grande majorité de nos concitoyens se chauffent au gaz, ce dernier ne peut-il être considéré comme un bien de première nécessité ?
Une participation importante de l'Etat dans le capital de GDF ne s'avérera pas inutile lorsqu'il s'agira de négocier des contrats d'approvisionnement avec des producteurs étrangers, notamment, ce qui - chacun le sait - est un exercice difficile, lorsqu'ils sont encore sous monopole d'Etat.
M. le président. Madame Létard, l'amendement n° 126 est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Je ne vais pas épiloguer, car tout a été dit sur le sujet. Ayant pris bonne note des propos de M. le rapporteur et de M. le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 126 est retiré.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 347.
Mme Marie-France Beaufils. M. le ministre nous a objecté que notre proposition n'étant pas compatible avec les traités européens et qu'elle était anticonstitutionnelle. Or la Constitution européenne n'existe pas encore, que je sache.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Madame Beaufils, c'est la Constitution française qui donne aux traités que nous avons signés et ratifiés une autorité supérieure à celle de la loi.
Mme Marie-France Beaufils. Cela étant, nous voulions attirer l'attention, par cet amendement - un amendement a aussi pour objet de susciter le débat - sur le fait que la politique industrielle engagée par EDF et par GDF dans les pays voisins comme dans d'autres, plus lointains, les Etats-Unis, en particulier, ne nous semble pas correspondre aux choix faits habituellement lorsqu'il s'agit de développer des entreprises publiques.
Nous n'approuvons pas, en effet, ces prises de participation, qui endettent fortement EDF sans en améliorer la qualité d'intervention.
Nous sommes plus favorables, en revanche, à une coopération au sein de l'Europe, afin que s'engage une véritable réflexion sur la politique énergétique que doit conduire cette dernière avec ses partenaires.
Je me permettrai, après M. Reiner, de participer au débat qu'ont ouvert M. Marini et Mme Létard. J'ai entendu que le Gouvernement aurait bien voulu que l'Etat détienne 50 % du capital de GDF, mais que, suite au mouvement social, il a dû faire des concessions et y renoncer.
Comme l'écrit sans ambiguïté M. le rapporteur de la commission des finances dans son rapport, et pour compléter la citation de M. Reiner, « il s'agit de permettre le désendettement de l'Etat ou de recapitaliser d'autres entreprises publiques nécessiteuses ».
M. Daniel Reiner. C'était déjà très clair !
Mme Marie-France Beaufils. Ce que j'ai entendu cet après-midi me laisse à penser que les choses ne vont pas rester en l'état. Je sens bien que des prises de participation, ici ou là, sont possibles et que, au gré de négociations menées avec d'autres partenaires, dans d'autres pays, la situation pourra évoluer.
J'insiste : pour la continuité de notre approvisionnement et de notre fourniture en gaz, pour le maintien de notre desserte territoriale, nous avons besoin d'une entreprise publique énergétique dont nous maîtrisons les choix.
Je suis, moi aussi, convaincue que le gaz, aussi bien que l'électricité et toute source d'énergie, d'ailleurs, n'est pas un bien de consommation comme les autres et ne peut donc être traité comme une marchandise. Nous devons, par conséquent, veiller à ce que la puissance publique joue tout son rôle dans les choix opérés.
M. le président. Je mets aux voix l'article 22.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 228 :
Nombre de votants | 312 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 156 |
Pour l'adoption | 199 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 22
M. le président. L'amendement n° 199, présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé un fonds de financement de la gestion des déchets radioactifs (FFGDR) dont la gestion comptable et financière est assurée par la Caisse des Dépôts et Consignations.
Ce fonds est alimenté par des contributions des producteurs de déchets radioactifs fixées selon un barème défini par décret en Conseil d'Etat en fonction des coûts constatés et des coûts prévisionnels de leur gestion incluant les coûts d'investissement.
Le fonds de financement de la gestion des déchets radioactifs verse en début de chaque année à l'Agence nationale des déchets radioactifs, ANDRA, la subvention requise par ses activités, qui comprennent la recherche directe, les subventions à la recherche et la gestion courante et future des déchets radioactifs.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s'agit d'un amendement d'appel. Il a été déposé à l'Assemblée nationale, mais aucune réponse n'a été donnée à la question posée, pourtant essentielle, de la gestion des déchets radioactifs, problème qui découle directement de la production électronucléaire.
Cet amendement a pour objet de lancer le débat sur cette question, débat que nous ne pourrons pas éviter à un moment ou à un autre.
Nous proposons de créer un fonds de financement de la gestion des déchets radioactifs, dont nous précisons qu'il pourrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations et être alimenté par les contributions des producteurs de déchets radioactifs.
Ce fonds verserait à l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, qui est chargée de la gestion de ces déchets, la subvention nécessaire à son fonctionnement, pour la recherche et la gestion courante et future de ces déchets.
Il faut se poser cette question aujourd'hui et ne pas laisser la seule entreprise EDF, dans le capital de laquelle vont entrer des actionnaires privés, pour l'instant, à hauteur de 30 %, y répondre. Cette question est essentielle pour l'environnement et la qualité de vie de nos concitoyens.
J'apprécierais une réponse à la question posée déjà en vain à l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Cet amendement n'a pas sa place dans ce texte.
M. Daniel Reiner. J'ai dit que c'était un amendement d'appel !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Vous avez raison de le rappeler. Je serais tenté de vous dire qu'il faudrait le déposer de nouveau, mais sur le texte, annoncé depuis longtemps, mais qui ne vient toujours pas en discussion, relatif à la transparence et à la sûreté nucléaires. Aucun date n'ayant été fixée, c'est, bien sûr, lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie qu'il faudrait revenir sur cette question.
C'est la seule et unique raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. Daniel Reiner. Et sur le fond ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur le fond, précisément, il ne faut pas jeter cette question aux oubliettes.
M. Robert Bret. Elle mérite un autre débat. Elle est très délicate.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le problème est, sans aucun doute, bien réel.
J'ai bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel. Nous sommes d'accord sur le fait qu'il n'a pas sa place ici. Il l'a trouvera tout naturellement lors du rendez-vous prévu par la loi Bataille.
Par ailleurs, nous estimons, à tort ou à raison - il faudra en débattre - que déconnecter la responsabilité financière de la responsabilité opérationnelle dans le traitement des déchets n'est pas souhaitable. C'est un peu trop facile.
M. Daniel Reiner. Cela se discute !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, cela se discute, mais le sujet est, en tout cas, d'importance. Nous aurons, sans doute vers la fin de l'année, la possibilité d'en débattre.
M. Daniel Reiner. L'échéance prévue par la loi Bataille est-elle bien 2006 ?
M. le président. Monsieur Reiner, votre amendement est-il maintenu ?
M. Daniel Reiner. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 199 est retiré.
L'amendement n° 352, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les filiales qui exercent des activités en rapport direct avec les activités principales de Gaz de France et dont Gaz de France est actionnaire majoritaire, le personnel bénéficie des mêmes dispositions que celui de la société mère, Gaz de France.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, je vais défendre en même temps les amendements nos 352 et 353.
Après l'adoption des titres II et III du projet de loi, l'article 22 vient achever le processus d'éclatement des établissements publics à caractère industriel et commercial.
Nos deux amendements visent, autant que faire se peut, à limiter les dégâts. Nous entendons une nouvelle fois rappeler une exigence toute simple : sous peine d'aggraver les risques de dysfonctionnement, il importe de préserver un statut et un traitement communs à EDF, GDF et leurs filiales.
Jusqu'à présent, EDF et GDF ont une direction du personnel commune. Il en va de même pour la formation professionnelle. Il existe surtout un service unique de distribution, EDF-GDF Services, qui comprend 65 000 agents gaziers et électriciens et dispose de 102 centres sur l'ensemble du territoire national.
Ce service commun a en charge, tant pour l'électricité que pour le gaz, les activités de commercialisation des énergies aux usagers raccordés aux réseaux de distribution, les interventions techniques auprès de la clientèle, la gestion des réseaux, le développement et l'optimisation des réseaux ou encore les relations avec les collectivités concédantes et locales.
Toutes ces activités couvertes par EDF-GDF Services ont contribué avec le temps à forger des pratiques professionnelles et une culture communes, pour le plus grand bénéfice des usagers et du service public.
Aujourd'hui, ce personnel demande avec force à conserver un statut commun et une direction commune. On ne peut légitimement pas mettre en concurrence et pousser à s'opposer dans leurs métiers respectifs des agents qui se connaissent, se respectent et travaillent ensemble depuis des années.
C'est ce qui se produirait si, par le jeu de l'intérêt particulier des filiales, les agents en venaient à abandonner une conception forte de l'intérêt public pour l'intérêt étroit et mercantile de leur nouvel employeur, ce qui pourrait être exigé d'eux.
Ce n'est pas parce que ces métiers vont acquérir des personnalités juridiques différentes que les personnels doivent connaître des cadres professionnels et statutaires différents.
Séparer ces métiers reviendrait en quelque sorte à séparer des frères siamois qui ont vocation à vivre et à travailler ensemble. Or, aujourd'hui, les deux EPIC, tels que nous les connaissons encore, vont mourir ensemble.
Il n'y a qu'un service du public : il n'y en a pas deux !
C'est à ce titre que les agents doivent travailler en cohérence, où qu'ils se trouvent.
Si l'on défend le service public, on ne peut laisser les personnels se lancer dans une guerre commerciale sous prétexte qu'ils occupent un secteur différent dans le tronçonnage qui a été opéré.
Il faut sauver ce patrimoine précieux d'une culture professionnelle commune, patiemment construite pendant six décennies.
M. le président. L'amendement n° 353, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour les filiales qui exercent des activités en rapport direct avec les activités principales d'Electricité de France et Electricité de France et dont Electricité de France est actionnaire majoritaire, le personnel bénéficie des mêmes dispositions que celui de la société mère, Electricité de France.
Cet amendement est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 352 et 353 ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, car elle considère qu'ils sont satisfaits.
Vous voulez assurer, dans les filiales, le bénéfice des dispositions applicables dans les sociétés mères.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Or, nous l'avons vu, le texte non seulement ne touche pas au statut des IEG, mais il le garantit et le confirme.
Le Gouvernement, je l'ai écouté avec attention, a d'ores et déjà demandé que les dispositions applicables dans les entreprises soient étendues des sociétés mères aux filiales, par voie conventionnelle, dans le cadre de la négociation collective.
.M. Robert Bret. C'est aléatoire !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. . M. le ministre va le répéter sans doute, pour vous rassurer. Il sera alors inutile de maintenir ces deux amendements. Si vous le faites malgré tout, la commission maintiendra son avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je le répète : les filiales de Gaz de France sont, de plein droit, soumises au statut national des IEG, quand elles sont bien dans le champ.
Les dispositions propres à la société mère ont, quant à elles, vocation à s'appliquer aux filiales. Mais cela doit s'opérer par la voie de la négociation sociale et non par celle de la loi.
Je crois d'ailleurs que cela se fera très naturellement.
Mme Marie-France Beaufils. Je ne suis pas convaincue par votre « naturellement » !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Le mien serait-il meilleur ? (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 353.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 23
La transformation en sociétés d'Electricité de France et de Gaz de France n'emporte ni création de personnes morales nouvelles, ni cessation d'activité. Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature des sociétés Electricité de France et Gaz de France, en France et hors de France, sont ceux de chacun des établissements publics au moment de la transformation de leur forme juridique. Cette transformation ne permet aucune remise en cause de ces biens, droits, obligations, contrats et autorisations et n'a, en particulier, aucune incidence sur les contrats conclus avec des tiers par Electricité de France, Gaz de France et les sociétés qui leur sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce. Les opérations entraînées par cette transformation ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 200 est présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté.
L'amendement n° 407 est présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour présenter l'amendement n° 200.
M. Jean-Pierre Bel. Nous sommes dans notre logique et vous dans la vôtre.
Notre logique à nous, c'est le refus de la modification du statut d'EDF et de GDF.
Nous proposons la suppression de cet article, car nous refusons le transfert de l'outil de production, notamment des centrales nucléaires dont il vient d'être question, mais aussi celui du réseau de transport à des entreprises dans lesquelles seront désormais représentés des intérêts privés.
Le réseau de transport est un monopole naturel qui est l'élément essentiel de la sécurité d'approvisionnement. Il doit rester à 100 % sous le contrôle de l'Etat.
Les centrales nucléaires, qui ont déjà été payées, il faut le souligner, par les usagers, constituent un patrimoine important de la collectivité : elles ne peuvent donc passer dans d'autres mains.
Il y a contradiction entre l'impératif de sûreté et les critères de rentabilité.
Que l'on ne nous rétorque pas que nous n'avons rien à craindre sous prétexte que l'Etat resterait majoritaire. Le changement de statut aura inévitablement pour conséquence l'introduction de nouvelles règles de gestion. Chacun d'entre nous doit en être conscient.
La seule présence d'actionnaires privés, même s'ils sont minoritaires, leur donnera des droits : le code de commerce et le droit des sociétés anonymes s'appliqueront. A partir d'un seuil de 5 %, les actionnaires minoritaires auront des droits : ils pourront convoquer des assemblées générales, déposer des résolutions, exiger la récusation des commissaires aux comptes. S'ils détiennent 10 % du capital, ils pourront faire nommer des experts auprès des tribunaux pour vérifier le bien-fondé de certaines opérations de gestion. Bref, dans ces conditions, l'Etat perdra tout contrôle sur la politique énergétique.
Nous demandons la suppression de cet article, qui, dans la logique du texte, livre aux intérêts privés le réseau de transport et les moyens de production.
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 407.
Mme Odette Terrade. Mardi 15 juin, tandis qu'une banderole de vingt-cinq mètres sur laquelle on pouvait lire : « Non au changement de statut d'EDF-GDF » se déployait devant les colonnes du Palais-Bourbon, l'examen du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières s'engageait.
À cette occasion, Nicolas Sarkozy a déclaré que l'ouverture du capital d'EDF-GDF ne serait décidée qu'après qu'une commission parlementaire rassemblant parlementaires et partenaires sociaux « aura fait le clair » sur les besoins de financement des entreprises.
M. le rapporteur, notre collègue Ladislas Poniatowski, en présentant jeudi dernier le rapport de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat sur ce projet de loi, a exclu toute possibilité de « revenir au régime antérieur à l'ouverture des marchés de l'énergie ».
« Toute réticence en la matière aurait une incidence négative sur l'avenir d'EDF et de GDF, qui se heurteraient à des mesures de rétorsion de la part de nos partenaires » - chantage ? - a insisté notre rapporteur à quatre jours de l'ouverture au Sénat du débat sur ce projet de loi visant à transformer les deux entreprises publiques en sociétés anonymes ».
« Il est impossible de conserver, pour ces entreprises, le statut d'établissement public qui entraîne la garantie illimitée de l'Etat, qu'interdisent désormais les engagements pris envers la Commission européenne », a-t-il encore expliqué.
Deux questions se posent. La Commission européenne doit-elle obligatoirement donner son avis avant la fusion ? Le cas échéant, peut-elle s'y opposer ?
Sur le premier point, notre avis, étayé par un certain nombre d'experts juridiques, est que la Commission n'a pas de pouvoir sur cette fusion.
A supposer que la Commission en soit effectivement saisie, les autorités de Bruxelles n'ont pas le pouvoir de s'y opposer ; elles ont seulement celui d'y mettre des conditions en conformité avec les règles de la concurrence.
Les contreparties éventuelles d'une fusion EDF-GDF rendraient l'opération contreproductive.
En fait, nous sommes fondés à contester le pouvoir de la Commission européenne.
Ce qui est sur, c'est que la Commission européenne et les régulateurs veulent affaiblir les opérateurs historiques, et ce même si EDF et GDF restent séparés. Le président de la commission de régulation de l'énergie, la CRE, a même déclaré récemment qu'il en faisait son objectif principal.
Les présidents d'EDF et de GDF les prennent souvent de vitesse : cessions de capacités à ENEL, programme de cessions de quantités de gaz dans le sud de la France concocté d'un commun accord par la CRE et le président de GDF, offre de GDF à Ruhrgas de lui donner la propriété de contrats de gaz, de capacités de stockage et de terminal méthanier en échange d'une partie du réseau allemand, etc.
Les contreparties sont surtout le fruit des choix des présidents, qui restent butés sur l'idée qu'il faut lâcher des parts de marché en France et en chercher ailleurs et qui combattent la fusion.
Au contraire, se battre contre les directives et contre les méfaits de la concurrence implique bien de renforcer EDF et GDF, notamment par leur fusion.
Selon M. le rapporteur, le texte « tient compte de ce qui s'est passé » en Californie, en Italie et en Grande-Bretagne, où de graves pénuries ont suivi les privatisations, pour des raisons, a-t-il affirmé, de « sous-investissement ».
« Ce n'est pas une privatisation », a-t-il dit encore. « Le jour où il y aura privatisation, il faudra que l'on repasse devant le Parlement. »
Le fait que les deux sociétés anonymes seront détenues à au moins 70 % par l'Etat est-il la garantie qu'EDF et GDF resteront publiques ? Mais non !
En matière de privatisation, l'histoire a montré que c'est le premier pas qui coûte, à savoir la transformation en société anonyme.
Ensuite, au gré des besoins de l'Etat, des augmentations de capital, des alliances, la part de l'Etat peut évoluer facilement, validée juridiquement par un simple article dans une loi « fourre-tout ».
Les données disponibles sur GDF, par exemple, sont éclairantes : une vente de 30 % du capital suivie d'une augmentation de capital au niveau des besoins financiers annoncés par le président de Gaz de France, M. Pierre Gadonneix, porterait à tout juste 50 % la part de l'Etat dans l'entreprise en 2006.
Une alliance avec un autre grand énergéticien est ensuite prévue : GDF ne serait plus public ; qui plus est, il disparaîtrait, absorbé dans un grand groupe privé européen. De ce point de vue, l'expérience d'Air France est éclairante.
Le Gouvernement a-t-il intérêt à conserver la majorité du capital des opérateurs ? Oui ! Et ce afin de disposer d'un outil efficace pour appliquer une politique énergétique de moyen et long termes.
Pourtant, le Gouvernement est obnubilé par des préoccupations à court terme : comment trouver le maximum d'argent le plus rapidement possible pour éponger le déficit public et amorcer le désendettement de l'Etat ? Voilà qui explique la chasse aux entreprises publiques.
Il est d'ailleurs possible de penser que le refus plus ou moins déguisé de la fusion d'EDF-GDF n'est pas lié au fait que GDF, indépendant, se vendra plus facilement. L'impossible fusion d'EDF-GDF pourrait être étudiée à l'automne. En fait, repousser le débat après la transformation en société anonyme conduit à s'interdire une fusion à 100 % publique.
C'est aujourd'hui qu'il faut étudier la fusion d'EDF-GDF, seul moyen de répondre aux enjeux commerciaux de court terme et aux enjeux énergétiques de long terme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Jean-Pierre Bel m'a soufflé la réponse : chacun sa logique !
Je comprends votre logique, mes chers collègues, mais je vous ferai remarquer que l'article 23 organise la continuité juridique entre les deux établissements publics précédents et les deux sociétés anonymes qui vont leur succéder. Dans cette hypothèse, il est normal de transférer le capital.
Etant favorables à l'article 23, nous sommes donc défavorables aux amendements identiques nos 200 et 407.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cet article est nécessaire pour affirmer la continuité des personnes morales des entreprises d'EDF et de GDF et permettre l'attribution des biens, droits et obligations dans de bonnes conditions.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 200 et 407.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 23.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24
I. - En cas d'opération portant sur des titres des sociétés Electricité de France ou Gaz de France entrant dans le champ d'application de l'article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 et par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de celui-ci, les demandes de titres des personnels de l'entreprise, de ceux des filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital social ou des anciens personnels s'ils justifient d'un contrat d'une durée accomplie d'au moins cinq ans avec l'entreprise ou ses filiales doivent être intégralement servies, pour chaque opération, à concurrence de 15 % de celle-ci. Chaque demande individuelle ne peut toutefois être servie que dans la limite de cinq fois le plafond annuel des cotisations de la sécurité sociale.
Si ces demandes excèdent le seuil défini au premier alinéa, le ministre chargé de l'économie fixe par arrêté les conditions de leur réduction. Ces conditions peuvent être différentes pour les demandes des personnes mentionnées au II et pour celles des autres ayants droit à la condition que le taux d'allocation appliqué aux demandes des autres ayants droit n'excède pas le double de celui appliqué aux demandes des personnes mentionnées au II.
II. - Les personnels actifs et inactifs exerçant ou ayant exercé leur activité au sein d'un service commun à Electricité de France et Gaz de France bénéficient, au titre de chacune des entreprises, de l'application des articles 11 à 14 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986, des articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et des articles L. 443-1, L. 443-1-1 et L. 443-3 à L. 443-9 du code du travail dans les conditions prévues par chacune de ces dispositions sous réserve des dispositions du I. Les personnels exerçant leur activité au sein d'un service commun à Electricité de France et Gaz de France bénéficient, dans les mêmes conditions, des dispositions des articles L. 441-1 à L. 442-14 ainsi que de l'article L. 443-1-2 du même code.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 201 est présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté.
L'amendement n° 354 est présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 201.
M. Daniel Reiner. C'est un amendement de conséquence. Nous avons marqué notre refus de la transformation d'EDF-GDF en société anonyme par le dépôt de l'amendement n° 198 à l'article 22. Dans la même logique, nous rejetons l'article 24.
Sans porter de jugement sur l'actionnariat populaire, nous pouvons cependant tirer les leçons du passé. Un certain nombre de salariés ont investi leurs économies lors de transformations d'entreprises publiques en entreprises privées mais ils n'ont pas été nécessairement gagnants.
Toutefois, ce n'est pas le plus grave. En fait, nous ne souhaitons pas nous inscrire dans cette logique libérale qui consiste à réduire la partie plus stable du salaire au profit d'autres modes de rémunération par nature très instables.
Nous considérons que les agents des entreprises EDF et GDF ont su montrer leur attachement au service public, en particulier dans les situations de catastrophes qui ont été évoquées. D'une manière générale, nous ne sommes pas très favorables aux stock-options. Nous souhaitons que les entreprises versent un juste salaire à leurs agents.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 354.
M. Robert Bret. Les dispositions de l'article 24 visent à développer l'actionnariat salarial, qui contribue, nous le craignons, à rendre plus aléatoires les revenus et l'épargne des salariés. La faillite des fonds de pension américains, qui a ruiné des milliers de ménages modestes, est un exemple flagrant du danger que représente une telle orientation.
Comment ne pas insister sur le fait que la récurrence des crises boursières et financières devrait inciter le Gouvernement à faire preuve d'une plus grande prudence en évitant de soumettre aux aléas des marchés financiers des entreprises publiques qui, jusqu'à maintenant, étaient à l'abri desdits marchés pour le moins déréglés et affaiblis par des crises répétées ?
Par ailleurs, cet article permet au personnel des deux entreprises d'avoir accès aux fameux stocks-options donnant droit à la souscription d'actions. Nous ne pouvons accepter ni une telle orientation, qui a largement montré ses limites, ni les dangers qu'elle fait peser sur la viabilité à moyen et long terme de l'entreprise.
Un tel système incite les dirigeants d'entreprise à prendre des décisions qui n'ont pour seul et unique objectif que l'augmentation du cours des actions à court terme, au détriment des décisions et des projets visant le long terme. Cette dérive condamne à terme l'entreprise elle-même.
Un tel choix soumet les entreprises aux humeurs fluctuantes des marchés financiers et aux crises, lesquelles se sont multipliées ces dernières années, comme je l'ai indiqué. C'est inadmissible pour des entreprises qui ont en charge des missions de service public. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression.
Tout ce qui nous est proposé s'inscrit dans une logique très actuelle qui cherche à réduire la partie stable du salaire au profit de l'intéressement, de la participation et d'autres modes de rémunération complémentaires. Cela se vérifie pour les personnels des deux entreprises EDF et GDF.
Nous ne pouvons cautionner de tels choix qui auront pour conséquence un accroissement des écarts de rémunération entre les salariés.
Monsieur le ministre, jusqu'à une date encore récente, l'échelle des salaires au sein de l'entreprise EDF était précisément réputée pour l'écart assez modeste qui existait entre les plus hautes et les plus basses rémunérations. Or les dispositions figurant à cet article risquent d'accroître les inégalités de rémunération aux deux extrémités de l'échelle, tendance que l'on observe depuis quelques années.
Telles sont les raisons qui ont conduit au dépôt de l'amendement n° 354.
M. le président. L'amendement n° 355, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, supprimer les mots :
, des articles L. 225177 à L. 225186 du code de commerce
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Dans son célèbre Journal, au jour de Noël 1905, André Gide évoque un jésuite influent qui donnait à ses dirigés le conseil suivant : « Cramponnez-vous au dogme, lâchez plutôt sur la morale ».
Cet aphorisme me conduit à m'interroger : à force de lâcher sur la morale, le dogme n'est-il pas compromis ? Telle est la question soulevée par le fonctionnement actuel du capitalisme financier et ses comportements désordonnés.
Les principes du dogme sont les suivants : valeur universelle de l'économie de marché monétarisée assurant le bien-être de tous ; démocratie représentative garantissant aux personnes une liberté porteuse d'épanouissement de tous les projets individuels ; ordre juridique prétendant concilier l'individu et ses passions et l'ordre social et ses raisons, le meilleur système possible !...
Depuis quelques mois, on a beaucoup lâché sur la morale, comme si l'économie de marché était complètement pervertie par des logiques financières démesurées, par des jeux boursiers extravagants et par des fraudes massives.
À la fin de l'année dernière, on a appris la faillite du courtier en énergie Enron : les comptes ont été trafiqués ; les dirigeants ont commis le délit d'initié en vendant leurs actions avant que l'information ne soit donnée sur la situation réelle de la firme. Et Andersen, membre de l'oligopole des cinq grandes sociétés d'audit, jouait auprès d'Enron le rôle de conseiller tout en certifiant comme sincères et véridiques des comptes ayant fait l'objet de manipulations particulièrement créatives de valeurs, trompant ainsi analystes financiers, journalistes et boursicoteurs, et s'efforçant de sauver un chiffre d'affaires important en matière d'activités de conseil.
« Nous n'avons encore rien vu », déclare un chroniqueur du journal Les Échos au début du mois de juillet.
Depuis lors, la faillite de Worldcom, deuxième groupe américain de télécommunications, confirme le pronostic.
Avec l'affaire Vivendi Universal, nous ne quittons pas les Etats-Unis, mais la France est aussi concernée.
Du 3 au 7 septembre 2002, on a pu suivre dans Le Monde le feuilleton de la gloire et de la chute du patron de Vivendi Universal, démontrant, une fois de plus, que la roche Tarpéienne n'est pas loin du Capitole.
La débâcle devient la règle.
On nous affirme que de nouvelles règles vont être formulées ou réitérées concernant la séparation des activités d'audit et de conseil, l'intégration des stocks-options au passif de l'exploitation, la responsabilité des administrateurs, la fiabilité de l'information financière, l'excessive concentration de la profession. Mais cela sera-t-il fait ?
Renforcer les règles aux Etats-Unis en les rapprochant de celles, plus rigoureuses, des grands pays européens suffira-t-il ?
Même en France où elles sont plus strictes, Francis Mer, notre ancien ministre des finances, qui exerçait auparavant des fonctions dans le secteur de la sidérurgie, avait courageusement dénoncé les objectifs de croissance de 15% en déclarant que, dans cette branche d'activité, quand on faisait 5% de profit annuel, on était déjà très content.
Au même moment, il est vrai, il renforçait le contrôle en fusionnant en une autorité unique la Commission des opérations de bourse, le Conseil des marchés financiers et le Conseil de discipline de la gestion financière.
Les mêmes dirigeants, qui ont soutenu Jean-Marie Messier dans ses projets démesurés, sont en charge du sauvetage des bijoux de la maison France, à savoir l'héritage de la Générale des Eaux.
Renforcement et unification planétaire des règles et retour aux bonnes pratiques : tel est le programme. En s'accrochant au dogme, la morale se reprend !
Ces raisons fondamentales nous amènent à vous proposer de supprimer la possible attribution des stock-options prévue par les articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mes chers collègues, j'ai bien compris : vous ne voulez pas vous inscrire dans la logique libérale qui est la nôtre !
Mme Marie-France Beaufils. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En conséquence, vous proposez la suppression de l'article 24.
Cependant, cet article a un objet très simple, à savoir permettre aux salariés d'EDF et de GDF de bénéficier demain de l'intéressement, de la participation et des autres modes de rémunération complémentaires.
En restant dans votre logique de refus du nouveau texte, vous lésez ces salariés, qui ne pourraient pas bénéficier de ces différents modes de rémunération.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable aux amendements identiques nos 201 et 354.
En ce qui concerne l'amendement n° 355, qui procède de la même logique, vous me permettrez, mes chers collègues, de répondre : même sort !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je suis de ceux qui croient à la participation, à l'association du capital et du travail. Je souhaite que les agents d'EDF et de GDF puissent, s'ils le souhaitent, bénéficier du fruit de leur travail en souscrivant des actions à des prix préférentiels. Je ne vois pas pourquoi on les priverait de ce droit dont bénéficient de nombreux autres salariés.
Selon vous, ce droit ne servirait pas leurs intérêts. C'est possible mais, si vous voulez leur interdire d'en bénéficier, c'est parce que vous pensez qu'ils sont incapables de juger au mieux de leurs intérêts.
Mme Marie-France Beaufils. Cela pèse toujours sur les salaires !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Pourquoi leur refuser un droit qui est accordé aux autres si ce n'est parce que, d'une certaine manière, vous les sous-estimez ? C'est une atteinte à leur dignité.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 201 et 354.
S'agissant de l'amendement n° 355, je ferai le même raisonnement.
Monsieur Reiner, heureusement que le Gouvernement est là pour défendre votre héritage ! La loi Fabius du 19 février 2001 sur l'épargne salariale a prévu la possibilité d'options de souscriptions d'actions dans les entreprises publiques cotées selon un cadre juridique strict. Il ne s'agit que d'une faculté mise en oeuvre sous le contrôle de l'Etat.
En l'occurrence, il n'est pas prévu de l'exercer. Mais on ne voit pas au nom de quoi les agents d'EDF devraient se voir refuser une telle possibilité alors que des agents d'autres entreprises publiques pourraient y recourir. Là encore, vous les sous-estimez !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Evidemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. C'est toujours facile de parler de la liberté...
Mme Marie-France Beaufils. D'autres que vous ont évoqué la liberté, monsieur le ministre.
Je disais donc qu'il est facile, au nom de la liberté, de prendre des dispositions qui, en fait, n'apportent aucune liberté hormis celle qui permettra aux futurs patrons des sociétés qui seront constituées de peser sur la politique salariale interne de l'entreprise. C'est ce que nous combattons par nos amendements.
M. Robert Bret. C'est le fond du problème.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 201 et 354.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 24.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25
Dans un délai de quatre mois à compter de leur transformation en sociétés anonymes, Electricité de France et Gaz de France créent, chacune, un nouveau plan d'épargne d'entreprise en application de l'article L. 443-1 du code du travail. A l'expiration de ce délai de quatre mois, les anciens plans d'épargne d'entreprise d'Electricité de France et de Gaz de France ne peuvent plus recevoir de versements, quelle que soit leur origine.
Les salariés en activité dans les services propres à Electricité de France ou à Gaz de France sont rattachés d'office au nouveau plan de leur employeur respectif dès la création de ce plan. De même, les salariés en activité dans les services communs à Electricité de France et Gaz de France sont rattachés d'office aux nouveaux plans des deux entreprises dès la création de ces plans. Ces dispositions sont applicables aux anciens salariés des deux entreprises lorsqu'ils ont conservé des avoirs dans les anciens plans ; l'entreprise de rattachement est déterminée en tenant compte de leur affectation au moment de la cessation de leur activité.
Les avoirs détenus par les salariés ou anciens salariés d'Electricité de France, de Gaz de France et de leurs filiales dans les anciens plans d'épargne pourront être transférés aux nouveaux plans d'épargne d'entreprise ou aux plans d'épargne de groupe en vue notamment de souscrire des titres d'Electricité de France ou de Gaz de France, selon le cas, dans les conditions prévues par la loi n° 86-912 du 6 août 1986 précitée et par la présente loi. Lorsque ces transferts interviennent dans un délai de trois ans suivant la publication de la présente loi, les avoirs correspondants ne sont pas pris en compte pour l'appréciation du plafond de versement individuel prévu par l'article L. 443-2 du code du travail et ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit en raison de ces transferts. Les avantages de toute nature attachés aux avoirs détenus dans les anciens plans d'épargne sont intégralement repris dans le cadre des nouveaux plans.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. La transformation majeure du dernier quart de siècle qui, par analogie, semble renouer avec les années 1920-1930, est le changement de rapport de forces sociales qui s'est opéré au sein même du capitalisme.
Le capital financier est devenu prédominant sur le capital productif et le capital commercial. Cette définition, qui renvoie à l'analyse de Marx quant aux distinctions qu'il opère, signifie que, désormais, la logique rentière et spéculative l'emporte sur la logique industrielle.
M. Philippe Marini. Nostalgie, quand tu nous tiens !
M. Roland Muzeau. Mon cher collègue, dès que l'on parle de Marx vous intervenez !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Marx est très intelligent, mais souvent ses disciples le trahissent !
M. Roland Muzeau. Rassurez-moi, monsieur le ministre, vous n'en faites pas partie ! (Sourires.)
Je poursuis : autrement dit, le rendement actionnarial prime sur la vision née après guerre d'un Etat entrepreneur, régulateur, distributif, « fordiste » qui encadrait, dans l'espace national, la logique purement financière.
Aujourd'hui, pour l'essentiel, le capital des entreprises appartient à ceux qui drainent l'épargne spéculative, à savoir les fonds de pension, les organismes de placements dits collectifs et les compagnies d'assurances.
Cette configuration de dépendance du capital productif et de « soumission » volontaire de l'Etat aux volontés du capital financier est la résultante de décisions politiques préalables.
En outre, cette nouvelle donne a entraîné une modification dans le mode de gouvernement des entreprises. La domination des grands actionnaires dans les conseils d'administration des entreprises a transformé la fonction assumée auparavant par les présidents-directeurs généraux et directeurs d'entreprises.
Soumis à une logique de financiarisation de l'économie dont ils sont partie prenante, leurs préoccupations ne sont plus les mêmes, d'autant que leurs modes de rémunération sous forme de stock options, les engagent dans un processus de rentabilisation à outrance où l'outil de travail et la communauté humaine qui en dépend deviennent le cadet de leurs soucis au regard de la valeur boursière sur laquelle ils ont les yeux rivés.
Tout le système concourt d'ailleurs à en faire de véritables mégalomanes, ce qu'illustrent les récentes affaires de Vivendi ou d'Enron.
En recherchant pour les actions des rendements à deux chiffres - 12%, 15 % - sans justification productive, ils sont entraînés dans la course au gigantisme à coups d'OPA où les fusions-acquisitions justifient les restructurations, les licenciements boursiers, les délocalisations, et ce au détriment du tissu industriel, de la vie des bassins d'emplois et de leurs propres salariés « kleenex ».
Si, cinquante ans après Bretton Woods, le dollar se déprécie, les États-Unis, tout en étant le pays le plus endetté du monde, conservent leur suprématie.
Ce constat ne rend pas compte de l'ampleur de la déréglementation qui s'est opérée au cours des 25 dernières années.
En décembre 1993 ont eu lieu à Genève les négociations du GATT.
Celui-ci a prévu de se transformer en Organisation mondiale du commerce, organisme supranational. L'article XVI-4 de l'acte final est sans ambiguïté : « Chaque Etat membre assurera la conformité de ses lois, réglementations, procédures avec ses obligations telles qu'elles sont définies par les accords (...) II ne pourra être formulé de réserves en ce qui concerne les dispositions du présent accord. »
L'accumulation de capital repose sur une rentabilité boursière outrancière - 15 % pour les fonds de pension américains - au regard de la rentabilité réelle du capital productif.
La mondialisation, c'est d'abord une formidable centralisation du capital financier international dans une période de croissance lente ; c'est ensuite une terrible aggravation des inégalités dans les rapports Nord-Sud.
Le capitalisme est entré dans une phase régressive de dépression-récession. Les taux de croissance chutent : de 4 % en moyenne entre 1960 et 1973, ils sont passés à 2,4 % entre 1973 et 1980 et à 1,2 % entre 1980 et 1993.
L'investissement productif a lui aussi baissé considérablement : de 15 % en 1960, il est passé à 5 % en 1992.
La dérégulation, l'ouverture forcée des marchés, la baisse des tarifs douaniers, les plans d'ajustement structurels ont transformé la concurrence en guerre économique. L'augmentation du nombre de firmes en difficulté s'est traduite par la croissance d'oligopoles qui pratiquent les fusions-acquisitions-absorptions et diversifient leurs interventions dans les secteurs les plus rentables, y compris dans les services.
A l'aide des satellites, les places financières sont interconnectées, accélérant et permettant le traitement en temps réel des transactions financières effrénées. Le soleil ne se couche jamais sur l'empire des marchés financiers. En 2000, le volume moyen journalier des transactions financières était de 1 300 milliards de dollars.
A tous ces gens qui ont fait et font encore l'apologie du marché, il convient d'adresser la réponse de Michel Beaud : « Les grands spéculateurs, les marchés financiers, les transnationales demandent beaucoup : des bas salaires, de faibles revenus - pour les salariés -, pas ou peu d'impôt - pour eux mêmes -, l'ordre social, des sites d'activités sur un plateau d'argent - primes à l'aménagement du territoire -, pas d'inflation, une monnaie stable. »
Il ajoute : « Mais, comme des truies qui doutent, les Etats, attentifs aux besoins de la finance, se désintéressent du reste, de leurs enfants et de leur avenir. Ils n'ont plus de projets sinon celui de s'adapter aux règles du marché. Les hommes politiques - pour être réélus - sont contraints de faire rêver suffisamment pour obtenir la majorité mais pas trop pour ne pas susciter de brutales désillusions.»
On est loin des ambitions d'un Condorcet, pour qui la Révolution française et les hommes politiques porteurs de l'esprit des Lumières se devaient d'agir pour la réduction des inégalités entre nations, pour le progrès de l'égalité des conditions au sein d'un même peuple, pour le réel perfectionnement de l'Homme.
Dans ces conditions, après nous avoir prêté une écoute attentive, vous apprécierez, je n'en doute pas, la portée de nos amendements à l'article 25. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 202 est présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe Socialiste et apparenté.
L'amendement n° 356 est présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner pour présenter l'amendement n° 202.
M. Daniel Reiner. Nous proposons la suppression de l'article 25 pour les raisons que j'ai indiquées précédemment.
Il s'agit ici de la création d'un plan d'épargne salarial : les mêmes raisons entraînent les mêmes conséquences.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 356.
M. Roland Muzeau. Devant le refus de larges secteurs de l'opinion de mettre en place des fonds de pension, un vocabulaire nouveau et des arguments différents ont fait leur apparition.
Ainsi, on ne parle plus de fonds de pension, mais de « fonds d'épargne salariale ». On n'évoque plus la question des retraites mais la nécessité de donner des « droits nouveaux » aux salariés dans leur entreprise ou de reprendre le contrôle des grands groupes français partiellement détenus par les fonds d'investissement anglo-saxons.
Pourtant, ces deux objectifs sont en partie contradictoires.
Vouloir reprendre le contrôle des entreprises françaises supposerait que les fonds en question soient composés d'actions des entreprises concernées.
Selon une conception paternaliste, appliquée surtout au XIXe siècle, l'intéressement devrait motiver les salariés et leur permettre même de peser sur l'avenir de leur entreprise. Cela nécessiterait que le fonds d'épargne correspondant comprenne uniquement des actions de cette entreprise.
Ces objectifs sont parfaitement illusoires : la nationalité du capital n'a qu'une importance très secondaire dans une économie mondialisée où les gouvernements ont renoncé à toute politique volontariste en matière économique et sociale.
Accorder quelques pourcents du capital détenu par les salariés vise au mieux à les faire instrumentaliser par les directions d'entreprise. Cela ne constitue en rien un point d'appui pour peser sur leur avenir.
Le caractère extrêmement limité des propositions concrètes avancées sur ce sujet dans les différents rapports montre d'ailleurs que ce thème relève essentiellement de l'agitation idéologique.
De plus, le développement de l'épargne salariale ne pourrait qu'aggraver les inégalités entre salariés.
Il laisserait de côté les chômeurs et travailleurs précaires et bénéficierait avant tout aux hauts salaires.
Loin de permettre des solidarités nouvelles, il favoriserait l'éclatement du salariat.
Derrière la généralisation de l'épargne salariale, ce sont en fait les fonds de pension qui se profilent, comme en témoigne la proposition de créer un « plan d'épargne entreprise de long terme » dont la durée serait de 12 à 15 ans au lieu de 5 actuellement.
Un tel produit, utilisé par la génération des papy boomers, serait de toute évidence destiné à l'épargne retraite.
Or, capitalisation et répartition ne peuvent être complémentaires sur les moyen et long termes. Un bon rendement de la capitalisation suppose des taux d'intérêt élevés pour les obligations - ce qui est contraire à la croissance et donc, dans une large mesure, à l'emploi - et la compression maximale de la masse salariale dans le cas d'actions.
Dans les deux cas, ce sont bien les recettes de la répartition qui seraient touchées au coeur, au-delà même d'éventuels octrois d'exonérations sociales qui les « siphonneraient » directement.
Nous ne pouvons que nous opposer à une éventuelle mise en place de fonds de pension, quelle que soit la dénomination qu'ils prendraient, quel que soit leur habillage.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer le présent article.
M. le président. L'amendement n° 359, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I - A la fin de la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
créent chacune, un nouveau plan d'épargne d'entreprise en application de l'article L. 4431 du code du travail
par les mots :
et leurs filiales de transport créées par la présente loi créent un nouveau plan d'épargne interentreprise en application de l'article 443-1-1 du code du travail.
II - En conséquence :
1° Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
ou Gaz de France sont rattachés d'office au nouveau plan de leur employeur respectif
par les mots :
Gaz de France et dans les deux filiales de transport créées par la présente loi sont rattachés d'office au nouveau plan interentreprise
2° A la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
aux nouveaux plans des deux entreprises dès la création de ces plans
par les mots :
au nouveau plan interentreprise dès la création de ce plan
3° Dans la première phrase du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :
aux nouveaux plans d'épargne d'entreprise ou aux plans d'épargne de groupe
par les mots :
au nouveau plan d'épargne interentreprise
4° A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :
des nouveaux plans
par les mots :
du nouveau plan
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Je défendrai en même temps l'amendement n° 357.
Aux dispositifs déjà existants - participation, intéressement et plans d'épargne entreprise - sont venus s'ajouter les plans partenariaux d'épargne salariale volontaire, les PPESV, créés par la loi du 19 février 2001 sur l'épargne salariale.
Ceux-ci constituent un outil d'épargne à long terme- dix ans, sauf déblocages anticipés exceptionnels - et sont créés et contrôlés par les partenaires sociaux au sein de chaque entreprise ou branche interentreprise.
Ils sont alimentés à la fois par les versements des salariés et par ceux de l'employeur. La sortie se fait en capital.
La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a complété ces dispositifs. D'une part, elle a créé les plans partenariaux d'épargne salariale volontaire pour la retraite, les PPESVR, qui, à la différence des PPESV, ne sont pas débloqués au bout de dix ans mais au départ à la retraite des intéressés et dont la sortie se fait en rente viagère ou en capital. D'autre part, elle a créé les plans d'épargne individuels pour la retraite, les PEIR, souscrits à titre individuel et de manière facultative hors du cadre professionnel. La sortie se fait en rente viagère.
En fait, la loi sur l'épargne salariale ne s'est pas bornée à instaurer des PPESV - qui font l'objet du seul titre III, articles 16 à 18 - elle s'est efforcée également de toiletter les dispositifs d'épargne salariale déjà existants en les complétant et les harmonisant.
Les dispositions communes à l'intéressement et à la participation, aux PEE, aux PEIR et aux PPESV s'appliquent ainsi à la notion de groupe, aux bénéficiaires, à la conclusion d'un accord de groupe, au compte épargne-temps et au régime social fiscal des fonds transférés.
Enfin, la loi sur l'épargne salariale reprend et complète la loi du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise, qui a institué le Conseil supérieur de la participation, organisme chargé de recueillir l'information relative à cette forme d'épargne salariale, de porter celle-ci à la connaissance du plus grand nombre et de contribuer à en promouvoir le développement.
Les milieux économiques directement concernés par la gestion de l'épargne salariale ont évidemment réagi de façon plutôt favorable au vote de la loi instaurant les PPESV. Un certain nombre d'entre eux verraient même dans ces plans des fonds de pension qui ne veulent pas dire leur nom et dont ils seraient en quelque sorte les précurseurs. Nul doute qu'à leurs yeux ce dispositif ne constitue qu'une première étape. Parmi les grands groupes présents en France, Unilever a ainsi donné l'exemple en remplaçant, le 16 novembre 2001, son système de retraite maison par un PPESV.
De plus, l'absence de toute mention expresse de la retraite dans le texte de la loi sur l'épargne salariale fait peser sur le législateur le soupçon de vouloir confier aux PPESV un tout autre rôle : mise à disposition de nouvelles sources de financement pour les entreprises, développement de l'actionnariat salarié et de la concertation sociale.
Ces objectifs sont certes louables mais, ce faisant, l'épargne salariale ainsi appréhendée travaille à une reformulation du statut salarial qui tend à réduire la sécurité sociale assise sur des droits et des solidarités salariales au profit d'une sécurité assise sur la détention d'un patrimoine soumis aux aléas des marchés financiers.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter nos deux amendements nos 359 et 357.
M. le président. L'amendement n° 357, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I - A la fin de la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
, chacune, un nouveau plan d'épargne d'entreprises en application de l'article L. 4431 du code du travail
par les mots :
un nouveau plan d'épargne interentreprise en application de l'article L. 44311 du code du travail
II - En conséquence :
1° Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
de leur employeur respectif
par le mot :
interentreprise
2° Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
aux nouveaux plans des deux entreprises dès la création de ces plans
par les mots :
au nouveau plan interentreprise dès la création de ce plan
3° Dans la première phrase du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :
aux nouveaux plans d'épargne d'entreprise ou aux plans d'épargne de groupe
par les mots :
au nouveau plan d'épargne interentreprise
4° A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :
des nouveaux plans
par les mots :
du nouveau plan
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 358, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
le statut du ou des plans d'entreprise créés prévoit que le conseil de surveillance de chacun des plans soit constitué uniquement de représentants des salariés.
La composition du conseil est faite sur la base de la représentativité des différentes fédérations syndicales, telle qu'elle ressort de la composition du conseil supérieur consultatif des comités mixtes à la production (CSC et CMP)
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à assurer la gestion par les salariés de leur propres fonds de placement. Pour faire place à la liberté de choix et de droit qu'évoquait tout à l'heure M. le ministre, nul doute que cet important amendement devrait être adopté à l'unanimité.
Composer le conseil de surveillance des plans d'entreprise sur la base de la représentativité des fédérations syndicales et assurer la gestion de ces fonds par les salariés eux-mêmes constituent - j'espère que cela ne vous aura pas échappé - un acte citoyen ; il devrait donc vous intéresser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les amendements nos 202 et 356 visent à supprimer l'article 25 alors que nous en souhaitons le maintien.
Je ne vois d'ailleurs rien de diabolique dans cet article 25, qui a simplement pour objectif d'aligner le droit commun sur le système de l'épargne salariale.
Bien sûr, vous refusez le principe de tout le dispositif mais, dès lors que demain ces deux entreprises vont devenir des sociétés anonymes, il faut qu'elles puissent bénéficier des mêmes avantages que toutes les sociétés anonymes de France.
Quant à l'amendement n° 359, madame Terrade, il est totalement satisfait par le droit en vigueur puisque le plan d'épargne interentreprise est possible, comme le Gouvernement va certainement le confirmer. Rien n'interdit actuellement à EDF et à GDF « sociétisées » d'adhérer à un plan de branche interentreprise.
En conséquence, je vous demanderai de bien vouloir retirer les amendements nos 359 et 357. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 358, pardonnez-moi de vous dire que je le trouve un peu gonflé. N'êtes-vous pas d'accord ? (Rires.) En tout cas, le Sénat ne votera jamais une disposition qui déclencherait la guerre entre syndicats au sein de l'entreprise !
Mme Odette Terrade. Oh !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce que vous proposez reviendrait à cela !
M. Roland Muzeau. Non !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n'est pas ce que vous dites, mais ce serait ainsi.
M. Robert Bret. Je ne vois pas à quoi vous faites allusion ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour ne pas prolonger le débat, je ne relirai pas le texte de votre amendement. De toute façon, vous le connaissez aussi bien que moi, mais admettez que vous allez un petit peu loin.
En matière de plans d'entreprise, le droit commun est bien adapté. Si demain EDF et GDF deviennent des sociétés anonymes, leurs statuts doivent être les mêmes que ceux de toutes les autres sociétés anonymes de France.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 358.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux cinq amendements.
Les amendements nos 202 et 356 tendent à supprimer l'article 25 alors que celui-ci permet aux salariés de bénéficier de plans d'épargne d'entreprise dans les conditions du droit commun. Ainsi, les salariés d'EDF et de GDF n'auraient pas les mêmes droits que les autres ! Ils seraient vraiment punis. Je ne sais pas ce qu'ils vous ont fait pour que vous les persécutiez à ce point !
Mme Odette Terrade. Mais non, c'est l'inverse !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En ce qui concerne les amendements nos 359 et 357, je confirme les propos de M. le rapporteur : en l'état actuel de la législation, rien n'empêchera EDF et GDF d'être rattachés à un plan d'épargne interentreprise. Cet amendement est donc inutile.
En tout cas, il est amusant de comparer vos amendements. Avec l'amendement n° 356, vous voulez supprimer les plans d'épargne d'entreprise ; avec les suivants, vous voulez créer des plans d'épargne interentreprise !
Mme Marie-France Beaufils. Ce sont des amendements de repli !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il faut savoir ce que vous voulez !
J'en viens à l'amendement n° 358.
En fait, vous êtes contre les plans d'épargne d'entreprise, sauf si on en modifie l'organisation afin d'assurer la majorité à vos amis, ce à quoi tend le second alinéa de l'amendement. Je n'irai pas jusqu'à employer le même mot que M. le rapporteur,...
M. Roland Muzeau. Allez-y !
M. Roland Muzeau. Qu'avez-vous compris ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 202 et 356.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 358.
M. Roland Muzeau. Monsieur le rapporteur, je vous trouve gonflé de me trouver gonflé ! (Sourires.)
En quoi est-il anormal de proposer que les fonds qui, selon vous, servent les intérêts des salariés, soient gérés par les représentants de ceux-ci ? En quoi est-il anormal de déterminer la composition de l'organisme qui gérera ces fonds en fonction de la représentativité des fédérations syndicales, telles qu'elles existent aujourd'hui ? Cette représentativité est évaluée de manière permanente. A chaque élection dans ces deux grandes entreprises,...
M. Roland Muzeau. ...ce sont les salariés qui décident de la représentativité des uns et des autres.
Je m'étonne de votre étonnement ! En fait, vous n'étonnez personne.
M. Jean Chérioux. Sauf vous !
M. Roland Muzeau. Vous considérez, comme M. Chérioux, que l'argent des travailleurs est bien mieux géré par les banquiers que par les travailleurs eux-mêmes. Dès lors, moins ces derniers sont représentés dans les organismes, mieux vous vous portez.
M. Jean Chérioux. On voit que vous ne connaissez pas bien les problèmes !
M. Roland Muzeau. Je vous ai provoqué pour vous donner l'occasion de prendre la parole, monsieur Chérioux !
Monsieur le ministre, la représentativité des organisations syndicales se vérifie lors de chaque élection. La représentativité est le résultat d'un vote, on ne la décrète pas.
Il est vrai que, dans certains domaines, vous avez réglé le problème. Il n'y a plus d'élections à la sécurité sociale. On est donc tranquille ! La représentativité des organisations syndicales qui gèrent la sécurité sociale, l'assurance maladie est une affaire réglée. Qui décide de quoi ? Qui préside quelle caisse et avec quelle représentativité ? Peu importe ! On assiste très souvent à des arrangements entre amis puisque la représentativité des organisations syndicales telle qu'elle résulte d'élections professionnelles ou de branches, n'est absolument pas souhaitée.
Cet amendement vous fait réagir...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, sourire !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Parce que, pour une fois, nous l'avons compris ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. En fait, nous nous sommes tous bien compris !
Pour ma part, je suis pour une véritable démocratie dans laquelle les salariés décident qui les représentent. Cela peut changer à chaque élection. Les représentants des salariés retournent devant leurs mandants. Si ceux-ci n'en sont pas satisfaits, ils le leur font savoir ! Ce n'est tout de même pas mal, la démocratie syndicale !
M. le président. Je mets aux voix l'article 25.
(L'article 25 est adopté.)
Article 26
Un décret en Conseil d'Etat procède pour les entreprises dont le personnel relève du statut national du personnel des industries électriques et gazières aux adaptations prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 231-1, au dernier alinéa de l'article L. 421-1 et au quatrième alinéa de l'article L. 431-1 du code du travail dans les conditions prévues par ces articles.
A titre transitoire, jusqu'à la mise en place, conformément aux dispositions du décret prévu au premier alinéa, des institutions représentatives du personnel des entreprises mentionnées à l'alinéa précédent, et au plus tard jusqu'à l'expiration d'un délai qui ne peut excéder trois ans à compter de la publication de la présente loi, les institutions représentatives de ce personnel sont régies par les dispositions appliquées à la date de publication de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 203 est présenté par MM. Piras, Bel, Raoul, Reiner, Domeizel et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 360 est présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Cet amendement s'inscrit dans la logique de l'amendement n° 198, qui tendait à supprimer l'article 22.
L'article 26 remet en cause les institutions représentatives du personnel actuelles. Il prévoit que celles-ci ne survivront que pour une durée de trois ans.
Il est précisé dans l'exposé des motifs que les adaptations se feront au mieux. Mais il ne s'agit là que d'une déclaration d'intention : aucune disposition ne figure de façon claire et explicite dans le projet de loi lui-même.
Nous voulons donc, par cet amendement, que le Gouvernement s'engage à limiter au strict minimum les adaptations des institutions représentatives du personnel par rapport au droit actuel.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 360.
M. Robert Bret. Je vais défendre en même temps l'amendement n° 361.
L'article 26 est la conséquence directe de la transformation des EPIC EDF et GDF en sociétés soumises, « sauf dispositions législatives contraires », au droit commun des sociétés anonymes.
Il vise donc, comme l'a d'ailleurs souligné M. le rapporteur, à tirer « la conséquence de la sociétisation d'EDF et de GDF, qui aurait, en principe, pour effet de les soumettre au droit commun du droit du travail, l'article 26 du projet de loi fixant l'étendue des exceptions applicables aux deux nouvelles sociétés. »
Dans la logique des amendements que nous avons déposés, nous refusons cette transformation, qui fait peser de lourdes menaces sur l'organisation actuelle des institutions représentatives du personnel.
L'amendement n° 361 tend à s'opposer à la remise en cause de l'organisation actuelle des institutions représentatives du personnel. L'ajout à la fin du premier alinéa de la phrase : « afin de pérenniser le système actuel et spécifique des institutions représentatives du personnel tel qu'il ressort du statut national du personnel des industries électriques et gazières, à la date de promulgation de la loi » doit apporter la garantie que nous souhaitons.
M. le président. L'amendement n° 361, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
du code du travail
rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :
afin de pérenniser le système actuel et spécifique des institutions représentatives du personnel tel qu'il ressort du statut national du personnel des industries électriques et gazières à la date de promulgation de la loi.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Evidemment, la commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements de suppression nos 203 et 360.
Elle est également défavorable à l'amendement de repli n° 361.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux trois amendements.
Monsieur Bel, les adaptations seront naturellement limitées au strict minimum par rapport à la situation actuelle. Le but est de rester le plus proche possible de la situation actuelle.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 203 et 360.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 361.
M. Roland Muzeau. Cet article 26 est important, car il traite des représentants du personnel dans les deux entreprises et de leur spécificité par rapport aux entreprises privées.
Il est précisé dans cet article qu'un décret en Conseil d'Etat procède aux « adaptations ». Une telle formule nous inquiète : elle semble peu compatible avec le maintien des institutions représentatives du personnel pendant une durée de trois ans.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi initial, il était mentionné qu'il pourrait être procédé par décret simple à des adaptations des institutions représentatives du personnel. En l'occurrence, l'utilisation du verbe « pouvoir » ne suffit pas à dissimuler la volonté d'alignement sur le régime de droit commun, ce qui constituera pour les institutions représentatives du personnel de ces entreprises une régression très importante en termes de droits acquis.
On ne peut pas se satisfaire de réponses imprécises qui ne lèveraient pas toutes les ambiguïtés. Entre la première version du projet de loi et celle que nous examinons aujourd'hui, des modifications sensibles ont été faites. Or elles ne sont pas de nature à nous rassurer.
M. le président. Je mets aux voix l'article 26.
(L'article 26 est adopté.)
Article 27
La loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée est ainsi modifiée :
1° Le troisième alinéa de l'article 23 est supprimé ;
2° Après l'article 23, il est inséré un article 23 bis ainsi rédigé :
« Art. 23 bis. - Les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 et les distributeurs agréés en vertu du III de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales :
« - peuvent constituer entre eux des groupements d'intérêt économique ou participer à des groupements d'intérêt économique avec Electricité de France ou Gaz de France dans les formes prévues au chapitre Ier du titre V du livre II du code de commerce ;
« - peuvent, même lorsque leurs zones de desserte ne sont pas limitrophes, fusionner au sein d'une régie, d'une société d'économie mixte locale ou d'une société d'intérêt collectif agricole d'électricité.
« Les sociétés d'économie mixte locales concessionnaires de la distribution d'électricité ou de gaz et, par dérogation aux dispositions de l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales, les régies de distribution d'électricité ou de gaz dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière peuvent, à la condition de lui transférer l'ensemble de leurs contrats de fourniture d'électricité ou de gaz à des clients qui ont exercé leur droit à l'éligibilité, créer une société commerciale ou entrer dans le capital d'une société commerciale existante. L'objet statutaire de la société est limité aux activités de production et de fourniture d'électricité ou de gaz et aux prestations complémentaires. »
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 362, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. L'article 27 favorise une concurrence généralisée dans le domaine de la distribution.
Il permet en effet à tous les distributeurs non nationalisés et agréés de se regrouper pour se livrer finalement à une concurrence plus efficace contre les distributeurs liés aux opérateurs historiques.
C'est l'un des articles les plus idéologiques de ce projet de loi.
Il permet en effet aux DNN de constituer des groupements d'intérêt économique, de fusionner, d'entrer dans le capital de sociétés commerciales, tout cela dans le but de renforcer la concurrence contre le service commun des opérateurs historiques.
Le texte va loin dans cette logique puisqu'il permet ces fusions « même lorsque leurs zones de desserte ne sont pas limitrophes ».
L'intérêt commercial et financier prime une fois de plus sur les logiques de maillage et d'équilibre du territoire.
De plus, la séparation des activités de production, de transport et de distribution va mécaniquement entraîner la recherche de marges dans chacun de ces domaines d'activité.
On commet l'erreur de revenir plus de cinquante ans en arrière, vers un modèle qui avait fait, avant la nationalisation, la démonstration de son inefficacité.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 27.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par MM. Amoudry et Arnaud, Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 23 bis de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 , avant les mots :
avec Electricité de France
insérer le mot :
, notamment,
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. L'article 27 vise à donner aux distributeurs non nationalisés et aux distributeurs agréés la possibilité de constituer des groupements d'intérêt économique avec EDF et GDF ou d'y participer.
Dans sa rédaction actuelle, cet article exclut toutefois de fait la possibilité pour ces distributeurs de réaliser des GIE avec d'autres acteurs.
Nous proposons d'assouplir cette rédaction afin de permettre, quels que soient les acteurs, la constitution de groupements d'intérêt économique et la participation à de tels groupements.
M. le président. L'amendement n° 122, présenté par MM. Amoudry et Arnaud, Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 23 bis de la loi n° 46628 du 8 avril 1946, après les mots :
Electricité de France
insérer le mot :
et
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a pour objet de donner la possibilité aux entreprises locales de distributions, les ELD, de constituer des GIE avec les deux opérateurs historiques, en raison notamment de la mixité de plusieurs ELD.
Sans cette précision, la rédaction actuelle de l'article 27 peut laisser penser que de la constitution de tels GIE est possible avec l'un ou avec l'autre opérateur, c'est-à-dire avec EDF ou avec GDF, mais pas avec les deux opérateurs à la fois.
M. le président. L'amendement n° 363, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 23 bis de la loi n° 46628 du 8 avril 1946, supprimer les mots :
, même lorsque leurs zones de desserte ne sont pas limitrophes,
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos 363 et 364, qui portent l'un et l'autre sur la question des zones limitrophes.
Nous avons indiqué à plusieurs reprises les raisons pour lesquelles nous étions totalement opposés à la philosophie de cet article, qui va en outre nettement plus loin que les prescriptions des directives européennes.
Ces amendements de repli tendent à supprimer la possibilité de regroupement commercial dans les cas où les zones de desserte ne sont pas limitrophes.
C'est en effet un des aspects les plus inacceptables de l'article 27 : il s'agit d'une attaque sans ambiguïté contre le service commun de EDF-GDF.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de voter pour ces deux amendements, qui permettraient d'éviter au service commun de distribution de EDF et de GDF de subir la concurrence.
M. le président. L'amendement n° 364, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article par l'article 23 bis de la loi n° 46628 du 8 avril 1946, remplacer le mot :
même
par le mot :
sauf
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 80 rectifié, présenté par M. Revol, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 23 bis de la loi n° 46628 du 8 avril 1946, après les mots :
concessionnaires de la distribution d'électricité ou de gaz
insérer les mots :
ou celles qui assurent la fourniture d'électricité pour le compte d'un distributeur non nationalisé
La parole est à M. Henri Revol.
M. Henri Revol. La possibilité de créer des sociétés commerciales ou d'entrer dans leur capital qui est ouverte par le présent projet de loi doit être étendue à tous les distributeurs non nationalisés, quelle que soit l'organisation interne qu'ils ont choisie.
M. le président. L'amendement n° 123, présenté par MM. Amoudry et Arnaud, Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 23 bis de la loi n° 46628 du 8 avril 1946 par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette société peut également développer des services de communications électroniques sur les réseaux électriques exploités par le distributeur non nationalisé qui l'a créée. »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Les sociétés d'économie mixte locales ou les sociétés d'intérêt collectif agricoles d'électricité pourront développer l'activité de CPL, ou courant porteur en ligne.
La technologie du CPL permet de transporter les informations numériques par le biais des réseaux de distribution hautes et basses tensions, et donc la valorisation des infrastructures existantes, afin de fournir l'accès à l'Internet haut débit.
Cette nouvelle technologie, qui est en plein essor, pourra ainsi utilement compléter les services proposés par les entreprises locales.
Le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique a permis de grandes avancées quant au rôle des collectivités locales en matière d'investissement dans les infrastructures de communication électronique.
Les collectivités peuvent désormais être opérateurs d'opérateurs.
Elles ne peuvent cependant « fournir des services de télécommunications aux utilisateurs finals qu'après avoir constaté une insuffisance d'initiatives privées propres à satisfaire les besoins des utilisateurs finals ».
Les entreprises locales de distribution, qui sont en majorité des entreprises publiques, seraient soumises au même constat d'insuffisance d'initiatives privées, sauf à autoriser explicitement les sociétés commerciales à exercer l'activité de fournisseur de services à la société commerciale filiale.
En l'absence d'une disposition expresse en ce sens, les ELD seraient exclues du développement de la technologie du CPL auprès des clients finals.
M. le président. L'amendement n° 124, présenté par MM. Amoudry et Arnaud, Mme G. Gautier et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 23 bis de la loi n° 46628 du 8 avril 1946 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature relatifs à l'objet de la société ou de la régie fusionnée peuvent lui être attribués de plein droit, sans que ce transfert n'emporte aucune modification des contrats en cours d'exécution et ne soit de nature à justifier ni la résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en résultent. Ces transferts, apports partiels ou cessions d'actifs ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit s'ils sont réalisés dans un délai de trois ans à compter de la publication de la loi n° ... ... du ... ... ... . »
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à donner aux ELD tous les outils leur permettant de créer une société de fourniture dans des conditions favorables et d'égale concurrence, et notamment à les faire bénéficier de la même neutralité fiscale que celle qui est consentie pour la création des sociétés lorsqu'il s'agit de EDF et de GDF.
Il reprend les dispositions prévues à l'article 7 et à l'article 10 du présent projet de loi concernant les sociétés gestionnaires de réseaux de transport d'électricité et de gaz.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Sur l'amendement n° 362, la commission a émis un avis défavorable, mais le problème soulevé mérite que l'on y réfléchisse quelques instants.
Avec l'ouverture du marché, Gaz de France et Electricité de France pourront désormais « prendre » des clients aux DNN, qui, en France, sont au nombre de 177, ainsi qu'aux distributeurs gaziers, au nombre d'une vingtaine.
En bonne logique, il faut permettre aux DNN et aux distributeurs gaziers de se défendre.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est pourquoi l'article 27 prévoit une règle de réciprocité en matière de territoires. Supprimer cette règle serait à mon sens une erreur.
L'amendement n° 121 a pour objet, en introduisant l'adverbe « notamment », d'autoriser toute sorte d'entités à participer aux GIE créés par les distributeurs non nationalisés.
L'adverbe « notamment » est toujours dangereux : il instaure un flou et fait courir le danger d'un oubli.
A deux reprises déjà des amendements de ce genre nous ont été présentés ; dans les deux cas, nous avons exprimé un « avis de sagesse », mais de sagesse plutôt défavorable, et souhaité entendre le Gouvernement. C'est de nouveau cette position que nous adoptons.
L'amendement n° 122 est très intéressant et nous sommes tout à fait favorables à son objet, mais il faut être très prudents.
Vous souhaitez, madame Payet, favoriser la constitution de GIE entre DNN, Electricité de France et Gaz de France. C'est en effet une nécessité.
L'emploi d'un « et » ou d'un « ou » soulève un vrai problème. S'agit-il ou de EDF ou de GDF, ou bien de EDF et de GDF ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si c'est « et » et « ou » à la fois, très bien !
Demain, un GIE doit pouvoir être constitué entre GDF et un distributeur gazier, entre EDF et une DNN. Cependant, six ou sept DNN ont une activité à la fois de gaz et d'électricité, et il ne faudrait pas que le choix entre « et » et « ou » ait pour effet de limiter cette possibilité.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, car, sur cet amendement, la commission a émis cette fois un avis de sagesse tout à fait favorable.
S'agissant de l'amendement n° 363, il me semble qu'interdire aux DNN de fusionner quand bien même leurs zones de desserte ne sont pas limitrophes serait une erreur.
Le projet de loi constitue une avancée pour les DNN puisqu'il autorise une interprétation souple du principe de territorialité en faisant référence à des zones de desserte qui ne sont pas limitrophes.
Les DNN sont une richesse pour le secteur de l'énergie et cette réforme est importante pour leur développement. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, comme d'ailleurs sur l'amendement n° 364.
Je rappelle que les DNN couvrent tout de même à peu près 5 % du marché. Il nous faut donc être prudents. Il faut penser non pas aux DNN mais aux clients desservis par eux.
L'amendement n° 80 rectifié de M. Revol a pour but de permettre à des entreprises locales de distribution de choisir librement leur organisation au lieu de se limiter nécessairement à la forme de la concession.
Je remercie M. Revol d'avoir modifié la rédaction initiale de cet amendement, qui échappe maintenant aux réserves émises en commission et peut faire l'objet d'un avis favorable.
L'amendement n° 123 vise à permettre aux DNN de développer des services de communications électroniques sur des réseaux électriques.
La commission, qui a débattu de cet amendement en pesant le pour - permettre aux DNN de se diversifier - et le contre - la crainte d'une diversification excessive et sans limite -, a émis un « avis de sagesse » réticent et même plutôt défavorable ; elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
Enfin, sur l'amendement n° 124, qui a pour objet de permettre aux entreprises locales de créer une société de fourniture, nous avons émis un avis défavorable.
Nous craignons en effet que la Commission européenne ne considère l'exonération dont est assortie la faculté ouverte aux ELD de créer des sociétés de fourniture comme une aide de l'Etat contraire aux règles de la concurrence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 362.
Notre objectif est naturellement d'assurer la survie économique des distributeurs non nationalisés. C'est une des conditions de la concurrence, et le Gouvernement y tient.
Il est également défavorable à l'amendement n° 121, car la possibilité qui est ouverte l'est entre gestionnaires de réseau, c'est-à-dire entre DNN, EDF et/ou GDF. Il ne semble par conséquent pas raisonnable d'autoriser de plein droit la constitution de GIE en dehors de ce secteur.
L'amendement a un champ beaucoup trop ouvert et, de ce de point de vue, il est en contradiction avec l'article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales. Parce qu'il risque de trop exposer les collectivités territoriales, je souhaite son retrait.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 122. Il interprète le « et » au sens de « et/ou ». En termes clairs, les DNN pourront participer à des GIE avec EDF, avec GDF et avec EDF et GDF en même temps. Le « et » n'exclut aucune de ces trois possibilités.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 363 parce que la concurrence est le principe de base de la directive et il faut donc lui permettre de se développer.
De la même manière, il est défavorable à l'amendement n° 364.
Monsieur Revol, le Gouvernement est en revanche favorable à votre amendement, mais sous réserve d'une toute petite précision : l'ajout des mots « ou de gaz ».
M. le président. Monsieur Revol, acceptez-vous la modification proposée par M. le ministre délégué ?
M. Henri Revol. Je suis tout à fait d'accord. Il s'agit d'un oubli de ma part : cet amendement vise, bien sûr, la distribution d'électricité ou de gaz.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 80 rectifié bis, présenté par M. Revol, qui est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 23 bis de la loi n° 46628 du 8 avril 1946, après les mots :
concessionnaires de la distribution d'électricité ou de gaz
insérer les mots :
ou celles qui assurent la fourniture d'électricité ou de gaz pour le compte d'un distributeur non nationalisé
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement n° 123 ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
Dans la mesure où autoriser les régies à créer directement des sociétés commerciales constitue déjà une dérogation très importante aux principes fixés dans le code général des collectivités territoriales, il ne serait pas raisonnable de diversifier à l'extrême les secteurs d'intervention de ces sociétés, parce que, in fine, cela exposerait très fortement les collectivités de rattachement des distributeurs.
Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement, tout comme celui de l'amendement n° 124.
En effet, si la création des GRT donne bien lieu à une exonération de toutes taxes, c'est parce que les GRT sont imposés par la loi.
En revanche, la création d'une société commerciale par un DNN n'étant qu'une latitude offerte, l'exonération serait considérée par la Commission européenne comme une aide d'Etat et jugée contraire à la directive.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'amendement n° 362.
M. Daniel Reiner. Nous sommes partagés sur cet amendement.
Nous voterions volontiers la suppression de l'article car, les distributeurs non nationalisés n'ayant pas la taille critique, ils risquent de ne pas être suffisamment forts pour résister à l'ouverture à la concurrence. Au demeurant, une interdiction les condamnerait plus sûrement encore...
Dès lors qu'ils participent à des groupements d'intérêt économique, nous nous inquiétons surtout du fait que le texte ne fixe à aucun moment - et je me demande où cette précision pourrait intervenir - le seuil de participation publique minimal.
En clair, cela signifie que ces distributeurs qui sont pour la plupart des sociétés d'économie mixte ou des régies vont transférer leur portefeuille à des sociétés commerciales et risquent, du même coup, de perdre le contrôle.
Peut-être aurait-il été utile de prévoir un seuil !
Notre seconde source de préoccupation porte sur le statut du personnel de ces régies dans la mesure où l'extension du statut des IEG aux personnels des sociétés de commercialisation ne figure pas explicitement dans le texte.
La réponse du Gouvernement sur ces deux points conditionnera notre vote.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le statut des personnels des IEG ne doit pas sortir du champ. Dès lors, son extension à une société commerciale ne paraît pas évidente, monsieur Reiner.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 362.
M. le président. L'amendement n° 121 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Je le retire.
M. le président. L'amendement n° 121 est retiré.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur l'amendement n° 122.
M. Daniel Reiner. Je ne suis pas sûr que le fait de remplacer le « ou » par un « et » va régler totalement le problème...
M. Daniel Reiner. Si, je vous ai entendu, mais je crois savoir que le « ou » a deux significations : l'une exclusive - la porte est ouverte ou fermée - qui ne s'applique pas, me semble-t-il, au texte, et l'autre inclusive - on peut manger une tartine de beurre ou de confiture, ce qui n'interdit pas de manger les deux.
M. Daniel Reiner. Oui, mais le « et » englobe alors obligatoirement les deux opérateurs.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, j'ai dit que le Gouvernement interprétait ce « et » comme l'un, l'autre ou les deux...
M. Paul Girod. C'est donc le beurre, la confiture ou les deux. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 123 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, de même que l'amendement n° 124.
M. le président. Les amendements nos 123 et 124 sont retirés.
Je mets aux voix l'article 27, modifié.
(L'article 27 est adopté.)
TITRE VI
DISPOSITIONS DIVERSES
Articles additionnels avant l'article 28 A
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Avant l'article 28 A, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
Il est institué au profit de la Commission de régulation de l'énergie une contribution tarifaire due par les consommateurs finals d'électricité et de gaz installés sur le territoire national, ci-après dénommés les contributeurs. La contribution a pour assiette le nombre de kilowattheures (KWh) consommés tant en gaz qu'en électricité. Elle est égale à un montant fixé par décret après avis de la Commission de régulation de l'énergie. Ce montant, calculé proportionnellement à la quantité d'électricité et de gaz consommée, ne pourra être supérieur à 0,005 centime d'euro par KWh d'électricité et 0,003 centime d'euro par KW h de gaz, ni être inférieur à 0,0003 centime d'euro par KWh d'électricité et 0,001 centime d'euro par KWh de gaz.
L'amendement n° 98, également présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Avant l'article 28 A, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
La Commission de régulation de l'énergie dispose de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Elle arrête son budget. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne lui sont pas applicables.
Elle perçoit le produit de la taxe établie à l'article.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Ces deux amendements ont semblé particulièrement importants à la commission des finances.
Monsieur le ministre, une ouverture effective des marchés à la concurrence suppose un régulateur fort, qu'il s'agisse du secteur de l'électricité ou du gaz ou d'autres secteurs de notre économie.
La commission des finances se préoccupe depuis déjà bon nombre d'années de cette question relative au statut, au pouvoir, à la réelle indépendance, au mode d'intervention des régulateurs publics. Elle avait, en particulier, fait valoir sa position à cet égard lors de l'examen, en 2001, du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques. Elle avait appliqué notamment ce raisonnement au Conseil de la concurrence en souhaitant son évolution.
Pour elle, un régulateur fort doit être indépendant, et un régulateur indépendant doit, en plus des garanties que lui procurent les modes de désignation de ses membres, disposer de ressources autonomes dont il puisse user librement.
Il est en outre indispensable, pour que l'indépendance soit réelle, que le régulateur dispose de ses propres équipes d'examen et de contrôle car, s'il doit être organiquement dépendant de services ministériels mis à sa disposition, l'indépendance sera, pour le moins, sujette à caution.
Lorsque nous avons examiné la situation de différents régulateurs sectoriels, nous avons été conduits à formuler quelques remarques à propos, par exemple, de l'autorité de régulation des télécommunications, l'ART. Cette dernière devrait, comme d'ailleurs la Commission de régulation de l'énergie, pouvoir bénéficier librement du produit des rémunérations de certains services et de taxes ou redevances afférentes à ses activités. C'est, d'ailleurs, monsieur le ministre, et je tenais à le souligner, ce que prévoyait expressément pour l'ART la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications.
Il se trouve - ce n'est malheureusement pas une constatation tout à fait originale - que les textes d'application de ces dispositions, pourtant claires, n'ont jamais été élaborés ni publiés alors qu'ils étaient pourtant mentionnés dans l'article L. 36-4 du code des postes et télécommunications.
En ce qui concerne d'autres domaines, la commission des finances a tâché de faire prévaloir l'indépendance des régulateurs : elle s'y est efforcée, s'agissant de l'autorité des marchés financiers, l'AMF, en examinant le projet de loi de sécurité financière, il y a exactement un an.
C'est la commission des finances qui a prévu, lors de la discussion de ce projet de doter l'AMF de ressources propres issues du produit de diverses taxes ainsi que d'un droit fixe dû, à différentes occasions, par les personnes soumises à son contrôle.
Elle a traité de la même manière, en lui attribuant la personnalité morale, la Commission de contrôle des assurances, mutuelles et institutions de prévoyance.
Les amendements que je défends, au nom de la commission, sont donc tout simplement cohérents avec la doctrine que, depuis des années et des années, nous ne cessons de proclamer. Les deux amendements précités tendent, pour le premier, à instituer au profit de la commission de régulation de l'énergie, une contribution assise sur la consommation de gaz et d'électricité, pour le second, à conférer à cette commission la personnalité morale et l'autonomie financière lui permettant d'user librement de la ressource ainsi créée.
L'indépendance du régulateur de l'énergie devrait s'en trouver renforcée et devenir totalement incontestable, au profit de tous les acteurs du marché. Je pense notamment à l'Etat, qui, à la fois actionnaire d'entreprises publiques du secteur de l'énergie et garant de l'intérêt général, pourra, grâce à l'autorité renforcée du régulateur, être moins facilement suspecté de partialité et se décharger davantage sur la Commission de régulation de l'énergie du poids de certaines décisions très techniques et pour lesquelles mieux vaudrait, à mon sens, appliquer le principe de minimis non curat praetor.
L'indépendance du régulateur sera renforcée également au profit des opérateurs historiques, qui disposeront d'un arbitre pour régler leurs éventuels litiges, non seulement avec leurs rivaux, mais parfois peut-être aussi avec l'Etat. En effet, des tensions peuvent survenir compte tenu des multiples rôles que celui-ci exerce : initiateur de la régulation, garant de l'intérêt général et actionnaire.
Le renforcement de l'indépendance du régulateur profitera, enfin, aux nouveaux entrants, qui ont tout naturellement intérêt à pouvoir s'adresser à un régulateur fort.
C'est dans cet esprit et en vertu de considérations de principe que la commission des finances a rédigé ces deux amendements qu'elle souhaite, bien entendu, voir adoptés par notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Par l'amendement n° 97, M. Marini propose d'instaurer une contribution tarifaire, due par les consommateurs finals d'électricité et de gaz au profit de la Commission de régulation de l'énergie, de façon à doter cette dernière d'une indépendance financière.
L'objectif est tout à fait louable et, en tout cas, très intéressant. Toutefois cette proposition pose deux problèmes.
Tout d'abord, elle ne semble pas forcément compatible avec le droit communautaire.
En effet, selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, il est possible d'instaurer une taxe sur les exportations d'énergie, mais non sur les importations, sauf à créer des droits de douane dans l'Union européenne.
De ce point de vue, le dispositif présenté ne me semble pas obéir au principe de la libre circulation.
Ensuite, la proposition de M. Marini a posé un second problème à la commission.
Je ne suis pas du tout surpris que M. Philippe Marini ait déposé l'amendement n° 98, car il a toujours souhaité que les autorités administratives indépendantes puissent acquérir une indépendance financière et une personnalité morale.
Sur le principe, le dispositif me semble tout à fait intéressant. Mais il ne me semble pas opportun de l'introduire dans ce texte. En effet, pour être cohérent, il serait nécessaire de mener la même réflexion pour l'ART, le Conseil de la concurrence, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, et d'autres autorités administratives indépendantes.
Le rôle et les missions de la CRE vont forcément croître avec l'ouverture du marché. Mais son financement, qui est assuré par le budget de l'Etat, va poser des problèmes.
Compte tenu des craintes que je viens d'exprimer, la commission souhaite que les deux amendements nos 97 et 98 soient retirés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le prêteur ne s'était pas occupé d'une petite chose ! (Sourires.)
Monsieur Marini, vous avez raison, le débat sur les autorités administratives indépendantes mérite d'avoir lieu. Comme l'a dit M. Poniatowski, il ne doit pas se limiter à la CRE, mais il doit être étendu au CSA et à toutes les autorités administratives indépendantes. A cet égard, l'AMF a ouvert une piste intéressante.
S'agissant du financement, la taxe que vous proposez n'est pas conforme à la réglementation, comme l'a souligné M. le rapporteur. En effet, ce serait une nouvelle accise sur le gaz et l'électricité et elle poserait de nombreux problèmes.
En raison de son affectation à un usage spécifique, elle n'est pas compatible avec la réglementation et le principe de la taxation des importations, qui a été rappelé. Son niveau n'est pas non plus conforme aux minima communautaires.
Pourtant, il faut bien trouver une solution. Nous avons engagé une réflexion sur cette question au sein du ministère des finances. Nous entendons mettre en place un groupe de travail auquel je vous proposerai volontiers de vous associer, monsieur Marini. Nous connaissons votre compétence en la matière et vous réfléchissez depuis longtemps sur le sujet. Le travail pourrait déboucher lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, ce qui n'est pas une date si lointaine.
Ces deux amendements ont donc le mérite de poser un problème important. Néanmoins, je vous serais reconnaissant de bien vouloir les retirer.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, les amendements nos 97 et 98 sont-ils maintenus ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Nous avons, me semble-t-il, bien progressé. Les amendements proposés par la commission des finances ont soulevé un problème qui est considéré comme réel.
Je reconnais bien volontiers que le mode de financement que nous proposons n'est pas sans reproche au regard du droit communautaire et que d'autres solutions doivent être trouvées.
Ce qui m'importe, c'est le principe. Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement l'étroitesse des budgets de fonctionnement de votre administration centrale. Il faut bien tenir compte des principes généraux de gestion des finances publiques dont nous parlions ce matin dans cet hémicycle.
Le fait d'avoir à faire vivre un régulateur dont l'activité est croissante ne peut que poser des problèmes de disponibilité budgétaire pour les autres services du ministère de l'industrie.
Ne serait-ce qu'en vertu de cette logique budgétaire, il est utile d'aller dans le sens que nous préconisons.
J'ai bien noté votre offre, que j'accepte volontiers. Que ce soit au sein d'un groupe de travail ou de tout autre formation, il faudrait qu'un dispositif soit élaboré et puisse être présenté lors de l'examen du projet de loi de finances au Sénat, à la fin du mois de novembre.
Si nous ne parvenions à aucune solution de façon consensuelle, je déposerais, lors de la discussion du projet de loi de finances, un amendement prévoyant une ressource « eurocompatible », c'est-à-dire correcte et irréprochable au regard du droit communautaire.
A la vérité, le problème concerne le budget pour 2005. Nous avons posé aujourd'hui un jalon utile. J'espère que des solutions seront trouvées pour le prochain exercice.
Dès lors que l'on reconnaît l'opportunité de renforcer l'indépendance technique, matérielle de la Commission de régulation de l'énergie, dès lors que le principe de la ressource propre et celui de la personnalité morale sont admis, je peux, en toute confiance, retirer ces deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 97 et 98 sont retirés.
Article 28 A
Nonobstant toutes dispositions contraires, l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont libres de ne pas exercer, s'ils le souhaitent, les droits accordés au III de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée et au dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée.
M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions du nouveau code des marchés publics ne sont pas applicables à l'Etat et à ses établissements publics, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics pour les cas où ces derniers n'exercent pas les droits accordés au III de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée et au dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Depuis le 1er juillet, les collectivités publiques, plus particulièrement les collectivités territoriales et leurs groupements, deviennent des clients éligibles, c'est-à-dire qu'elles peuvent décider de changer de fournisseur pour leur approvisionnement énergétique.
Cette situation nouvelle, issue des directives européennes sur les marchés électriques et gaziers, pourrait cependant entrer en conflit avec les règles relatives aux marchés publics issues elles aussi d'une directive et transposées en droit interne dans le nouveau code des marchés publics.
En effet, en l'état actuel du droit, les dispositions de ce code conduiraient des collectivités publiques à procéder à des appels d'offre pour leur fourniture en électricité et en gaz à compter du 1er juillet 2004, y compris des collectivités qui ne souhaitent pas exercer leur droit à l'éligibilité. Or l'exercice de ce droit doit, à mon sens, rester une faculté.
L'Assemblée nationale a adopté un article additionnel qui vise à résoudre ce problème. Toutefois, le dispositif retenu par les députés ne me semble pas juridiquement opératoire, car il ne fait que réaffirmer cette faculté.
Cet amendement tend donc à préciser clairement que la disposition du nouveau code des marchés publics ne s'applique pas pour les cas où l'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements décident de ne pas exercer leur droit à l'éligibilité.
M. le président. Le sous-amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter l'amendement n°33 rectifié par un alinéa ainsi rédigé :
Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales de 3.500 habitants et plus et les organes délibérants de leurs établissements publics, ainsi que des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes mentionnés à l'article L. 5711-1, qui comprennent au moins une commune de 3.500 habitants et plus, se prononcent sur le principe de l'exercice des droits mentionnés à l'alinéa précédent. Cette délibération est prise au plus tard six mois avant l'expiration du contrat de fourniture d'énergie.
La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Je rappelle que les collectivités territoriales devront appliquer les dispositions des directives communautaires relatives à l'énergie, mais aussi aux marchés publics, telles qu'elles ont été transposées dans notre droit national.
Cependant, la conciliation de ces différents textes d'origine communautaire n'est pas toujours évidente.
Par exemple, on attend l'interprétation du Conseil d'Etat en ce qui concerne l'obligation des collectivités locales de se conformer au nouveau code des marchés publics, avec les seuils qu'il comporte, en ce qui concerne leur approvisionnement en énergie.
Ce qui est certain, c'est que les collectivités locales font désormais partie des clients éligibles depuis le 1er juillet dernier. Naturellement, cela ne leur confère qu'un droit et en aucun cas une obligation de changer de fournisseur.
En revanche, si les collectivités en cause choisissent un concurrent des opérateurs historiques et décident, ensuite, de s'adresser de nouveau à EDF ou GDF, elles ne pourront plus bénéficier de tarifs réglementés. Sur ce plan, leur décision a donc des effets irréversibles.
L'Assemblée nationale a inséré, dans le projet de loi, cet article 28 A, qui tend à préciser que l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont libres de ne pas faire jouer leur éligibilité au 1er juillet, c'est-à-dire de ne pas changer de fournisseur.
Comme M. le rapporteur, on peut s'interroger sur le caractère « opératoire » du rappel de cette évidence.
Une telle disposition ne risque-t-elle pas d'intriguer les autorités européennes, qui pourraient la soupçonner de dissimuler une volonté de protéger les opérateurs historiques des effets de l'ouverture à la concurrence des marchés correspondants ?
L'éligibilité est un droit et il faut que le choix de l'exercer ou non s'exprime par une décision explicite des autorités publiques concernées.
Ce qui importe, à nos yeux, c'est que le choix soit fait en toute connaissance de cause et que les collectivités territoriales soient éclairées sur les conditions dans lesquelles elles peuvent faire jouer leur éligibilité, ce qui implique une décision de leurs instances délibérantes. Pour ce faire, il faut leur donner un délai suffisant, sans compromettre l'exécution des contrats en cours.
La commission des finances approuve évidemment la clarification apportée par l'amendement n° 33 rectifié, qui précise que les dispositions du nouveau code des marchés publics ne s'appliquent pas lorsque les collectivités décident de ne pas changer de fournisseur.
Nous souhaiterions y ajouter, par ce sous-amendement, des précisions quant aux conditions dans lesquelles les collectivités territoriales doivent prendre leur décision de faire jouer ou non leur éligibilité, en toute connaissance de cause et en toute transparence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 99 rectifié ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ce dispositif, qui permettra de concilier la liberté de faire jouer ou non la concurrence avec les principes de transparence et de publicité des organes délibérants des collectivités territoriales.
Je rappelle que, au moment de l'examen du projet de loi d'orientation sur l'énergie, M. Henri Revol s'était posé la question, même s'il n'avait pas fait, alors, de proposition.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je voudrais au préalable donner connaissance au Sénat de la teneur de l'avis qui a été rendu aujourd'hui même par le Conseil d'Etat, à la demande du Gouvernement, sur les conditions d'exercice de l'éligibilité des collectivités locales.
Premièrement, il a estimé que deux secteurs subsistent sur le marché de l'électricité : un secteur réglementé dont les tarifs sont fixés par les pouvoirs publics et un secteur concurrentiel où la confrontation de l'offre et de la demande détermine les prix.
Deuxièmement, le Conseil d'Etat a considéré que le maintien de ces deux secteurs après le 1er juillet 2007 n'était pas contraire aux objectifs fixés par les directives sectorielles.
Troisièmement, tant que subsistent ces deux secteurs, les collectivités publiques ont le choix d'exercer ou non leur éligibilité. En conséquence, elles peuvent poursuivre l'exécution des contrats en cours et les renouveler.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 99 rectifié.
De la même façon, il approuve l'amendement n° 33 rectifié, à la condition, toutefois, que M. le rapporteur accepte de retirer l'adjectif « nouveau » avant les mots : « code des marchés publics ». En effet, il y a là, selon moi, une source d'ambiguïté. Comme vous le savez, monsieur Poniatowski, la nouveauté est quelque chose d'assez fragile !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. C'est très relatif, en effet !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 99 rectifié.
M. Jean-Pierre Bel. En résumé, je dirai que nous sommes d'accord avec M. Poniatowski et en désaccord avec M. Marini.
En effet, l'amendement n° 33 rectifié permet de maintenir les contrats avec EDG et GDF, ce qui répond à la demande formulée par les collectivités territoriales de ne pas passer de nouvel appel d'offres. La rédaction qui nous est proposée est, à nos yeux, meilleure que celle qu'avait retenue l'Assemblée nationale, qui ne faisait que rappeler la liberté des collectivités locales de ne pas faire jouer leurs droits à l'éligibilité.
En revanche, nous désapprouvons le sous-amendement n° 99 rectifié pour les mêmes raisons. Le droit à l'éligibilité pour les consommateurs professionnels que sont les collectivités locales et les établissements publics n'est qu'une faculté offerte par la directive et non pas une obligation. En outre, le délai de six mois, relativement court, qui leur est offert, pourrait revêtir un caractère impératif.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Notre position sera identique à celle du groupe socialiste.
Le problème dont nous discutons fait l'objet de débats depuis de nombreux mois au sein des collectivités locales, débats menés notamment par les syndicats de l'électricité présents dans les départements.
Si j'ai bien compris ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, le Conseil d'Etat estime que nous n'avons pas à recourir au code des marchés publics jusqu'au moment de la libéralisation complète, ce qui laisse la possibilité d'un renouvellement.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est exact !
Mme Marie-France Beaufils. Je voulais en être sûre. Dans ces conditions, le groupe CRC votera l'amendement n° 33 rectifié.
En revanche, le sous-amendement n° 99 rectifié, en imposant un délai de six mois, ne tient pas compte de l'avis du Conseil d'Etat. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 99 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le ministre ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Bien entendu, monsieur le président, j'accède au souhait du Gouvernement en supprimant l'adjectif « nouveau » de l'amendement n° 33 rectifié. Nous avons pris la mauvaise habitude dans nos collectivités territoriales de parler de « nouveau code des marchés publics », ce qui est une erreur, je le reconnais bien volontiers.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions du code des marchés publics ne sont pas applicables à l'Etat et à ses établissements publics, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics pour les cas où ces derniers n'exercent pas les droits accordés au III de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée et au dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée.
Je mets aux voix cet amendement, modifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.).
M. le président. En conséquence, l'article 28 A est ainsi rédigé.
Article additionnel avant l'article 28
M. le président. L'amendement n° 365, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le domaine énergétique, les missions de service public de l'électricité et du gaz doivent être réalisées par des agents assujettis au statut du personnel des industries électriques et gazières défini par le décret n°46-1541 du 22 janvier 1946.
En particulier, le personnel nécessaire à l'exploitation, à la maintenance et aux améliorations des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire doit dans son ensemble être assujetti à ces dispositions statutaires.
En ce qui concerne les salariés dont l'activité sur ces centrales est occasionnelle, ils doivent disposer de garanties sociales de haut niveau dont la base minimale est constituée par le statut des industries électriques et gazières.
Les questions de conditions de travail et de santé au travail doivent être examinées au sein d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail unique pour tous les salariés sur chaque site nucléaire.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement a pour objet de rappeler que l'ensemble des activités de la filière électrique et gazière doivent être effectuées par du personnel statutaire, en particulier dans le nucléaire.
Dans un autre secteur, l'industrie chimique, l'explosion de l'usine AZF à Toulouse a mis en évidence que le développement de la sous-traitance en cascade conduisait à de graves dysfonctionnements, situation qui est d'ailleurs dénoncée, dans le rapport d'enquête parlementaire sur la catastrophe d'AZF, comme source de risques supplémentaires d'accidents.
Pourtant, la sous-traitance connaît une dangereuse expansion, au point de devenir le mode même d'organisation de notre production. On dénonce le même phénomène, hélas, dans le nucléaire, où la politique de l'emploi est soumise aux mêmes aléas.
L'inspecteur général de la sûreté nucléaire a relevé, dans son rapport, que les salariés de la sous-traitance souffrent d'une disparité de traitement qui lui semble de nature à compromettre la sûreté et la radioprotection. Il fait observer que, globalement, la situation de ces salariés se dégrade sous l'effet d'une somme de contraintes, dont certaines viennent parfois d'EDF elle- même, telles que la pression sur les coûts et les délais.
Nous savons pertinemment que la sous-traitance en cascade constitue un réel facteur d'insécurité dans le nucléaire, et pas seulement pour les personnels qui y travaillent ; les remarques réitérées fréquemment par les organisations syndicales devraient nous permettre de bien appréhender ce problème.
Aujourd'hui, 80 % des doses d'irradiation reçues dans le nucléaire et 70 % des accidents du travail affectent les salariés de la sous-traitance. Or le recours à l'emploi précaire y est deux fois plus élevé que dans l'industrie, atteignant parfois 70 % des effectifs dans les activités les plus exposées aux risques professionnels.
L'entreprise EDF n'échappe pas à cette logique de la sous-traitance, notamment dans ses vingt centres nucléaires de production d'électricité. Aussi l'autorité de sûreté s'inquiète-t-elle des effets que peut avoir la sous-traitance en cascade sur les installations nucléaires en déclarant : « Lorsque des prestataires d'EDF sous-traitent à des entreprises qui, à leur tour, font appel à la sous-traitance, il devient difficile de contrôler effectivement la qualification de l'intervenant et la qualité des travaux. » C'est le moins que l'on puisse dire !
La situation ne risque pas de s'améliorer avec la privatisation d'EDF et de GDF que vous envisagez d'engager aujourd'hui !
Le statut du personnel est l'une des conditions de la sécurité dans le nucléaire. Or, avec l'ouverture du capital et la demande de rendement des actionnaires privés, les phénomènes d'insécurité ne pourront que s'aggraver.
Nous vous engageons fortement, mes chers collègues, à adopter cet amendement qui vise à mettre fin à la dégradation des activités d'entretien des centrales nucléaires et au scandale des « nomades du nucléaire » !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement qui, soit dit en passant, est identique, à la virgule près, à un autre amendement que nous avons examiné avant l'article 1er !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le rapporteur, ce n'est pas à la légère que j'ai évoqué les « nomades du nucléaire ». Il s'agit d'un problème qui revient en permanence dans tous les échanges que nous avons avec les personnels. Ces derniers, qui interviennent dans des sociétés engagées par EDF, ne bénéficient pas du même statut que les autres salariés de l'entreprise et se retrouvent bien souvent en situation de danger alors qu'ils ne disposent pas des mêmes dispositifs de protection.
Ces salariés, qui n'interviennent pas forcément dans le seul secteur nucléaire, n'ont bien souvent ni le même niveau de qualification, ni le même niveau de formation à la sécurité que les autres salariés : autant d'éléments qui entraînent des difficultés dans leurs interventions et leur font courir des risques pour leur propre santé.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 365.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 28
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validées les transactions conclues par les établissements publics Electricité de France et Gaz de France, en tant qu'elles n'auraient pas été précédées des formalités préalables prescrites à l'article 2045 du code civil.
M. le président. L'amendement n° 366, présenté par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L'article 28 prévoit la validation législative des transactions conclues par EDF et GDF avant la promulgation de la loi. Par conséquent, dans un souci de cohérence avec notre opposition à l'ouverture du capital de ces deux entreprises et au changement de statut des EPIC, nous en demandons la suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En fait, madame Beaufils, vous nous proposez de supprimer un article qui, de notre point de vue, est très important pour garantir la sécurité juridique des futures sociétés anonymes EDF et GDF.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)