Chapitre III
Santé et environnement
I. - Le chapitre II du titre Ier du livre III de la première partie du code de la santé publique devient le chapitre III du même titre et les articles L. 1312-1 et L. 1312-2 deviennent respectivement les articles L. 1313-1 et L. 1313-2.
II. - Le chapitre II du titre Ier du livre III de la première partie du même code est ainsi rétabli :
« Chapitre II
« Plan national de prévention des risques
pour la santé liés à l'environnement
« Art. L. 1312-1. - Un plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement est élaboré tous les cinq ans. Ce plan prend notamment en compte les effets sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie ainsi que ceux des événements météorologiques extrêmes.
« Art. L. 1312-2. - Le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement est mis en oeuvre dans les régions, la collectivité territoriale de Corse et à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les conditions prévues aux articles L. 1411-10 à L. 1411-13. »
III. - Dans l'article L. 1336-1 du même code, la référence : « L. 1312-1 » est remplacée par la référence : « L. 1313-1 ».
IV. - Dans le 5° du I de l'article L. 541-44 et dans le II de l'article L. 571-18 du code de l'environnement, la référence : « L. 1312-1 » est remplacée par la référence : « L. 1313-1 ».
V. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 2512-16 du code général des collectivités territoriales, la référence : « L. 1312-1 » est remplacée par la référence : « L. 1313-1 ».
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Alors que la rédaction initiale du présent article faisait référence à un « plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement », un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale est venu ajouter une précision de taille, que nous accueillons très favorablement : seront pris en compte les « effets sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie ainsi que ceux des événements météorologiques extrêmes ».
Il s'agit là d'une avancée, même si elle est largement insuffisante.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Mattei avait souligné la nouveauté que constituait la mise en oeuvre d'un tel plan relatif à l'environnement.
Cela étant, quels moyens financiers sont prévus afin d'atteindre les objectifs fixés dans ce plan quinquennal ? Quelles réformes sont possibles pour assurer la gestion des risques pour la santé liés à l'environnement et sans augmenter les crédits des agences susceptibles de concourir à l'exécution de ce plan, voire en les diminuant ?
Dans la loi de finances de 2004, aucun budget n'est prévu à ce titre. Le Gouvernement a même réduit de 3,4 % les crédits de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale ! Cela est d'autant plus incohérent que M. le ministre lui-même s'était engagé, lors des débats sur le présent projet de loi à l'Assemblée nationale, en octobre dernier, à augmenter les crédits de cette agence en 2004.
Par ailleurs, pourquoi avoir rejeté, à l'Assemblée nationale, un amendement visant à proposer la création d'un plan national spécifique de lutte contre les risques pour la santé liés au travail ? Contrairement à ce que M. le ministre de la santé avait alors affirmé, nous pensons qu'il est au moins nécessaire de préciser que l'environnement inclut le milieu de travail, à défaut de créer un tel plan spécifique.
Cette problématique, en effet, devrait à tout le moins faire l'objet d'un plan d'envergure, conforme aux recommandations des acteurs de premier plan de la santé au travail : je pense aux salariés, aux CHSCT, les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, aux organisations syndicales, aux inspecteurs et aux médecins du travail.
Alors que 35 919 maladies professionnelles ont été reconnues en 2002 et que 737 499 accidents du travail ont été déclarés en 2001, la santé au travail ne mériterait-elle pas que lui soit consacré un plan d'action ambitieux et spécifique ?
S'agissant d'ailleurs des accidents du travail déclarés, une étude de la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, réalisée par Annie Thébaud-Mony, souligne que ce sont, en réalité, plus de 1 600 000 accidents du travail qui se produisent chaque année. De tels chiffres montrent que la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles doit être aujourd'hui une ligne directrice de la politique de santé publique et ne pas se résumer à quelques-uns des cent objectifs énoncés en annexe dans le présent projet de loi !
Le plan national de prévention prévu à cet article devra prendre en compte, outre les risques chimiques, biologiques et physiques dans le milieu de travail, plusieurs aspects essentiels de la dégradation des conditions de travail et de la gestion des risques professionnels. Je pense ici aux nouvelles modalités d'organisation du travail : l'intérim, la précarité, la sous-traitance, l'alourdissement des charges de travail, le harcèlement, la rupture des collectifs de travail et donc des solidarités entre salariés, le raccourcissement des délais. Il faut aussi évoquer l'absence d'incitation à la déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles, et donc à leur prévention par les employeurs.
L'article 19 n'est pas assorti de moyens financiers et il n'est pas précisé que le plan national de prévention portera sur les risques liés au travail : ses dispositions seront donc, d'une part, inopérantes faute de budget, et, d'autre part, parcellaires puisqu'elles ne visent pas clairement la santé au travail.
Je défendrai tout à l'heure un amendement, madame la secrétaire d'Etat, tendant à préciser que le plan de prévention comportera un volet relatif à la santé, élaboré par l'ensemble des ministères concernés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il ne faudra pas dire que votre temps de parole est insuffisant !
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. L'idée d'élaborer un plan de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement me semble tout à fait opportune, d'autant qu'elle a été enrichie, comme vient de l'indiquer Mme Beaudeau, par l'Assemblée nationale.
Cela étant dit, l'intention du Gouvernement gagnerait en crédibilité si, dans le même temps, il améliorait les moyens affectés à la mise en oeuvre de sa politique environnementale. Parmi ceux-ci figure l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, qui devrait jouer un rôle central dans la définition, le suivi et l'évaluation de ce plan. Malheureusement, c'est loin d'être le cas. Il est vrai, je le reconnais, que le gouvernement actuel n'est pour rien dans l'abandon du projet initial, qui était de faire de cette nouvelle structure une grande agence de moyens et d'objectifs, sur le modèle de l'Environmental Protection Agency américaine, l'EPA.
C'est en effet l'absence de volonté politique ou d'ambition des ministres de la santé et de l'environnement de l'époque qui a limité la dimension de l'agence. Le Sénat, sur l'initiative de notre ancien collègue Claude Huriet, avait pourtant formulé une proposition à laquelle j'adhérais et qui consistait à intégrer l'Institut de l'environnement industriel et les risques, l'INERIS, à l'agence, ce qui aurait permis à celle-ci de bénéficier des moyens qui lui manquent aujourd'hui. C'est d'ailleurs la solution qui avait été retenue pour l'AFSSPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, toujours sur l'initiative du Sénat, avec l'intégration du CNEVA, le Centre national des études vétérinaires et alimentaires.
Je dois malheureusement constater, à mon vif regret, que le Gouvernement, à l'Assemblée nationale, a rejeté la suggestion qui lui a été faite d'intégrer l'INERIS à l'AFSSE. On pourra cependant m'objecter que l'actuelle opposition a elle aussi changé d'avis sur ce point.
Voilà pourquoi l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale n'est qu'une agence d'objectifs dépourvue de moyens, lesquels seraient aujourd'hui bien utiles, ne serait-ce que pour pallier la faiblesse de la recherche française en santé environnementale. Nous sommes en effet très en retard dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres d'ailleurs ! Ainsi, la toxicologie, qui est pourtant une discipline de base en matière d'évaluation des risques, est aujourd'hui sinistrée, surtout depuis la fermeture des quelques unités qui travaillaient sur ce sujet au CNRS.
A défaut de moyens, on aurait pu espérer que cette agence mette en oeuvre des méthodes garantissant l'indépendance de ses procédures et l'objectivité de ses avis.
A cet égard, on attendait avec intérêt le premier avis de l'AFSSE, mais les conditions dans lesquelles il a été rendu laissent planer un doute sur le mode de fonctionnement de cette agence. Il s'agissait pourtant d'un sujet particulièrement sensible, à savoir celui du rayonnement émis par les antennes relais et les téléphones portables. On peut regretter que l'AFSSE, pour élaborer cet avis, se soit privée du concours des experts qui s'inquiètent des incidences de ces rayonnements pour la santé. En effet, trois des experts sollicités, dont le rapporteur, travaillent pour un opérateur de téléphonie mobile, ce qui peut faire douter de leur indépendance et de leur objectivité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y avait pas d'autres experts !
M. François Autain. Il y en avait au moins un, monsieur About, mais on s'est prudemment abstenu de le consulter !
On observe, malheureusement, que les moyens financiers dont dispose l'AFSSE ont été réduits depuis l'entrée en fonctions du gouvernement actuel. Il aurait fallu, au contraire, assurer une montée en puissance, qui semble nécessaire si l'on veut mener la politique ambitieuse qui nous est présentée en matière de santé environnementale.
En 2004, l'Agence ne comptera toujours que trente personnes, alors que son équivalent hollandais disposera de 800 agents, pour un pays quatre fois moins peuplé que le nôtre.
Enfin, la loi portant création de l'AFSSE prévoyait que, dans les deux ans suivant l'instauration de cette dernière, un bilan de l'expertise en santé environnementale en France serait établi. Les deux ans se sont écoulés et l'on ne voit pas venir de rapport ! Celui-ci serait pourtant bien utile pour préparer l'élaboration du plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement prévu à cet article.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. En réponse à Mme Beaudeau et M. Autain, j'indiquerai que nous avons désormais pleinement pris conscience, me semble-t-il, de la place des déterminants environnementaux dans la santé publique, au côté des facteurs endogènes. Les agents chimiques, physiques et biologiques présents dans les milieux physiques, tels que l'eau, l'air ou les sols, peuvent avoir des incidences sur notre santé. Les cruels épisodes de la canicule de l'été dernier ou de la légionnellose dans le Pas-de-Calais nous l'auront rappelé.
M. François Autain. Pas la canicule !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. C'est pourquoi les ministres chargés de la santé, de l'environnement et du travail ont installé, en septembre 2003, une commission d'orientation pluridisciplinaire ayant vocation à établir un diagnostic sur les effets de l'environnement sur notre santé et à présenter au Gouvernement des propositions d'actions. Cette commission d'orientation remettra son rapport final en février prochain.
Nous avons naturellement souhaité qu'elle travaille sur l'ensemble des milieux de vie, notamment ceux qui sont liés à l'habitat, aux transports, au travail ou aux loisirs. Il faut décloisonner les approches sectorielles par milieu de vie, afin de bien prendre en compte l'exposition aux risques des personnes tout au long de leur vie dans ces différents milieux.
Le Gouvernement élaborera, dès après la remise du rapport de la commission d'orientation, un plan d'action national santé-environnement pour la fin du premier semestre de cette année.
S'agissant du financement de ce plan national santé-environnement, il est bien évident qu'il faut y inclure une part des 59,2 millions d'euros inscrits au titre du plan cancer dans la loi de finances de 2004.
En ce qui concerne l'AFSSE, son budget pour 2004 s'élève à 5,8 millions d'euros, contre 4,5 millions d'euros pour 2003, soit une hausse de 25 %. L'effectif de l'AFSSE a ainsi pu être augmenté de trente-huit personnes en 2003, et neuf nouveaux postes seront créés en 2004. Il faut également ajouter 18 millions d'euros au titre de la gestion des risques sanitaires liés à l'environnement, sans parler des crédits prévus par ailleurs par le ministère de l'écologie et du développement durable et par le ministère chargé du travail.
Enfin, des demandes spécifiques pourraient être faites dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, mais il est évidemment prématuré d'en parler tant que le plan national santé-environnement n'est pas élaboré.
Quoi qu'il en soit, il me semble que ces chiffres parlent d'eux-mêmes et témoignent de l'effort considérable consenti par le Gouvernement en matière de santé et d'environnement.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 90, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - Après l'article L. 1311-15 du code de la santé publique, il est inséré un chapitre I bis intitulé : "Plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement".
« II. - Dans ce chapitre, sont insérés deux articles L. 1311-6 et L. 1311-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 1311-6. - Un plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement est élaboré tous les cinq ans. Ce plan prend notamment en compte les effets sur la santé des agents chimiques, biologiques et physiques présents dans les différents milieux de vie, y compris le milieu de travail, ainsi que ceux des événements météorologiques extrêmes.
« Art. L. 1311-7. - Le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement est mis en oeuvre dans les régions, la collectivité territoriale de Corse et à Saint-Pierre-et-Miquelon dans les conditions prévues aux articles L. 1411-10 à L. 1411-131. »
L'amendement n° 309, présenté par M. Fischer, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Remplacer la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1312-1 du code de la santé publique par deux phrases ainsi rédigées :
« Un plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement et au travail est élaboré tous les cinq ans après concertation des ministères concernés, notamment les ministères du travail, de la santé et de l'environnement. Le Conseil supérieur de prévention des risques professionnels, les partenaires sociaux et les associations agréées dans les conditions prévues à l'article L. 1114-1 du code de la santé publique sont notamment associés à l'élaboration de ce plan. »
L'amendement n° 311, présenté par MM. Autain et Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 1312-1 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :
« Dès 2005, les crédits prévus à cet effet seront inscrits dans la loi de finances. »
L'amendement n° 310, présenté par M. Fischer, Mmes Beaudeau et Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 1312-2 du code de la santé publique, après les mots : "à l'environnement", insérer les mots : "et au travail". »
La parole est à M. Francis Giraud, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 90.
M. Francis Giraud, rapporteur. Cet amendement a deux objets.
D'abord, il vise à inclure explicitement la santé au travail dans le cadre du plan national santé-environnement. Compte tenu du caractère multifactoriel des pathologies liées au travail, il paraît en effet difficile de disjoindre cet aspect de l'analyse globale des déterminants environnementaux de la santé publique.
Ensuite, il tend à supprimer la renumérotation d'articles à laquelle il est procédé par le biais de cet article. La commission des affaires sociales estime en effet qu'une telle mesure, du fait de son caractère partiel, serait source de confusion.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 309.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A l'occasion de mon intervention sur l'article 19, j'ai déjà largement développé les raisons pour lesquelles nous estimons nécessaire de préciser que les risques pour la santé liés au travail seront pris en compte dans le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement.
Cet amendement vise à inscrire ce thème à l'article 19, mais aussi à prévoir que le plan sera élaboré par l'ensemble des ministères concernés, avec la participation, en outre, du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels, le CSPRP, des partenaires sociaux et des associations agréées au sens de l'article L. 1114-1 du code de la santé publique.
Il est en effet nécessaire que l'élaboration de ce plan résulte d'une réflexion commune de tous les acteurs de la santé au travail. Cette élaboration doit ainsi faire l'objet d'une réelle concertation interministérielle : doivent y être associés, bien sûr, les ministères chargés du travail et de la santé, mais aussi ceux qui sont chargés de l'environnement, de l'industrie, de l'agriculture, des transports, ainsi que le CSPRP et les partenaires sociaux, tels que les associations de victimes.
Il est ainsi noté, dans le rapport de 2003 de l'IGAS, que la construction d'une politique nationale de prévention des risques professionnels impose avant tout de « bâtir une politique interministérielle ».
Comment prendre en compte la santé au travail dans la politique de santé publique si, dans ce domaine, le ministre de la santé n'a aucun pouvoir ou a des champs d'intervention très réduits ? Comment concevoir une politique de réduction des accidents du travail dus à la conduite automobile - les accidents de la route sont la première cause d'accidents du travail - si le ministre des transports n'est pas associé à l'élaboration et la mise en oeuvre d'un tel objectif ? Comment réduire les substances dangereuses et en protéger les salariés sans que le ministre de l'industrie prenne part au débat ?
Vous le voyez, si le ministre du travail est le « chef de file », pour reprendre l'expression utilisée dans le rapport de l'IGAS, il n'en est pas moins nécessaire que des contacts permanents, des modalités de coopération soient mis en oeuvre pour engager une action conjointe, complète, multisectorielle sur la prévention des risques professionnels.
Le rôle du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels, des agences de veille sanitaire, des partenaires sociaux et des représentants des victimes doit, lui aussi, apparaître plus clairement et leurs avis doivent être pris en compte dans l'élaboration du plan quinquennal. Il s'agit là d'une disposition de bon sens : sans générer beaucoup de dépenses, elle permettra un plan de prévention plus juste, plus concerté, donc plus efficace.
Je suis persuadée, mes chers collègues, que vous vous prononcerez en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 311.
M. François Autain. Nous adoptons de nombreux textes, trop diront certains, mais, hélas ! nous ne prévoyons pas toujours les moyens permettant de les mettre en oeuvre. En déposant des amendements sur les articles précédents, j'ai déjà appelé l'attention de M. Mattei sur cette lacune. A chaque fois, il m'a été répondu que de telles dispositions n'étaient pas nécessaires puisque le Gouvernement avait, bien sûr, tout prévu.
A l'instant, vous avez précisé, madame la secrétaire d'Etat, que le Gouvernement avait prévu de financer le plan santé-environnement sur les crédits du plan cancer. S'il s'agit, de plan en plan, d'utiliser toujours les mêmes crédits, il est effectivement facile de financer une politique de santé publique !
Par ailleurs, au cours du débat, M. Mattei a dit qu'il avait constitué - sur 2003 ou sur 2004 ? - une provision de 18 millions d'euros pour le plan santé-environnement. Je pense qu'il s'agit de l'exercice 2004, bien qu'il ne nous ait pas précisé sur quel budget cette somme avait été prélevée : l'environnement, la santé, la loi de financement de la sécurité sociale ou l'un des nombreux fonds que cette loi alimente ? Peut-être m'apporterez-vous des précisions sur ce point.
Je n'ai pas une confiance immodérée dans la capacité du Gouvernement de respecter ses promesses. Par ailleurs, il ne suffit pas qu'un crédit soit inscrit pour qu'il soit mobilisable, puisqu'un gel inopiné, comme une intempérie, peuvent toujours intervenir en cours d'année et, dans ce cas, l'inscription est malheureusement annulée de fait.
C'est pourquoi il m'a semblé préférable de déposer un amendement tendant à préciser les conditions dans lesquelles ce plan sera financé en 2005.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour présenter l'amendement n° 310.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. La préoccupation des auteurs de l'amendement n° 309 est déjà prise en compte par l'amendement n° 90 de la commission. Par ailleurs, ce plan et sa déclinaison régionale seront élaborés par les conférences nationale et régionales de santé, qui associent déjà les partenaires sociaux et les observatoires paritaires de la santé au travail. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 311 est ambigu. S'agit-il de prévoir un transfert à l'Etat de l'ensemble des dépenses de mise en oeuvre du plan santé-environnement ? Si un tel est le cas, un tel transfert apparaît peu légitime. L'Etat doit-il en effet se substituer aux entreprises pour prendre en charge la mise aux normes des installations classées pour la protection de l'environnement ou aux propriétaires de logement pour financer la suppression des risques d'exposition au plomb ? S'agit-il simplement de rappeler le principe d'universalité budgétaire ? Il est évident que les dépenses de l'Etat en matière de santé et d'environnement, comme toutes les dépenses publiques, devront être inscrites dans la loi de finances. Dans le premier cas, cet amendement est dangereux,...
M. Jean Chérioux. Excessivement dangereux !
M. Francis Giraud, rapporteur. ..., et dans le second, il est inutile. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
Enfin, s'agissant de l'amendement n° 310, elle émet également un avis défavorable, par coordination avec l'amendement n° 309.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 90. Le milieu de travail constitue une composante essentielle des risques environnementaux.
L'objectif du Gouvernement est d'assurer le décloisonnement de la santé au travail et de la santé environnementale. Les interactions entre santé en entreprise et santé dans la vie quotidienne sont, à ce jour, insuffisamment prises en compte, d'où l'intérêt de cet amendement.
J'en viens à l'amendement n° 309. Comme je l'ai dit, le Gouvernement souhaite assurer le décloisonnement de la santé au travail et de la santé environnementale, considérant que le milieu de travail constitue une composante essentielle des risques environnementaux. Quant aux mesures qui découleront du plan santé-environnement en matière de santé au travail, elles feront bien évidemment l'objet des consultations prévues par les textes. Il n'est pas nécessaire de le préciser dans le code de la santé publique. Madame Beaudeau, je vous précise qu'une réunion spécifique du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels sur le plan santé environnementale est prévue avant la fin du mois. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 311, à la suite du rapport de la commission nationale d'orientation du plan national santé-environnement, qui nous sera remis au début du mois de février, le Gouvernement préparera un plan national santé-environnement, pour le présenter en juin 2004 à la conférence intergouvernementale de Budapest. En conséquence, les ministères prévoiront l'inscription des crédits nécessaires à la mise en application du plan dans le projet de loi de finances pour 2005. Il n'est pas nécessaire de le mentionner dans le présent texte, comme vient d'ailleurs de le faire remarquer M. le rapporteur. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° 310, il est sans objet dans la mesure où le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 309.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé et les amendements n°s 309, 311 et 310 n'ont plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 19
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique, les mots : "Conseil supérieur d'hygiène publique de France" sont remplacés par les mots : "haut conseil de la santé publique et, le cas échéant, du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels".
« II. - L'article L. 1311-5 du même code est ainsi rédigé :
« Le présent livre est applicable aux établissements relevant de l'article L. 231-1 du code du travail, chaque fois que des dispositions spécifiques ne sont pas prévues pour ces établissements. »
La parole est à M. Francis Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. Cet amendement a pour objet de mettre fin à la situation dérogatoire des entreprises en matière de sécurité sanitaire environnementale.
L'exclusion des entreprises du champ du code de la santé publique s'expliquait par le fait que la loi de 1902, qui est à son origine, visait le seul assainissement des communes et des habitations. Cette dérogation étant aujourd'hui obsolète, il n'y a aucune raison pour que les mesures concernant l'insalubrité ou l'eau potable ne s'appliquent pas dans les entreprises.
Par ailleurs, le code du travail lui-même renvoie aux dispositions du code de la santé publique dans un certain nombre de domaines.
Cet amendement prévoit donc que les règlements sanitaires seront désormais applicables à toutes les entreprises, sauf lorsque le code du travail prévoit des règles de prévention spécifiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. La dérogation qui exonère les ateliers et manufactures, c'est-à-dire les entreprises, des dispositions du code de la santé concernant la santé environnementale remontent effectivement à la loi de 1902, qui est obsolète. Les règles générales d'hygiène et de sécurité sanitaire doivent en effet pouvoir s'appliquer dans les entreprises lorsqu'il n'existe pas de règlement spécifique dans le code du travail. Cet amendement est donc tout à fait justifié.
Aussi, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 19.
L'amendement n° 167, présenté par M. Chabroux, Mmes Blandin et Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le livre VII de la troisième partie du code de la santé publique, est inséré un livre intitulé : "Agence nationale de la santé au travail ", comprenant un article unique ainsi rédigé :
« Art. L. ... . - Il est créé une agence nationale de la santé au travail ayant pour mission d'exercer une fonction d'alerte et de veille sanitaire, d'assurer l'information des salariés et des médecins traitants, de contribuer à l'évaluation des risques professionnels et à la mise en place d'un tableau exhaustif des maladies professionnelles, et de contrôler le suivi post-professionnel réalisé par la médecine du travail.
« A sa demande, les entreprises publiques et privées, les services de l'Etat, la médecine du travail et les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lui fournissent toutes les informations dont ils disposent. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement prévoit la mise en place d'une agence nationale de la santé au travail, afin de donner une nouvelle impulsion à notre politique de santé au travail par la création d'un organisme spécifiquement dédié à cette mission.
Un débat sur cette agence nationale a eu lieu à l'Assemblée nationale. Le ministre de la santé a reconnu que le besoin en la matière est réel.
Le rôle de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale a été évoqué. Toutefois, il ne faut pas faire de confusion. Il existe des liens entre l'environnement et le travail, mais pas dans tous les cas. Nous insistons pour que l'on envisage la création d'une agence autonome de santé au travail.
Par exemple, dans le cas de l'amiante, des personnes qui n'étaient pas professionnellement exposées ont pu l'être par le fait du voisinage avec une usine d'amiante. Des problèmes analogues peuvent apparaître en cas de rejet dans l'atmosphère de substances toxiques. Je pense à la dioxine.
Le problème devient différent dans le cas des maladies professionnelles. Certaines pourraient, apparemment, être considérées comme étant liées à un risque environnemental. Je pense notamment aux affections de l'appareil reproducteur provoquées par les éthers de glycol ou à certains cancers. Néanmoins, les personnes qui sont affectées par ces maladies le sont bien parce qu'elles manipulent ces produits dangereux ou qu'elles y sont exposées dans leur travail. Les apparences sont donc trompeuses.
Toute personne qui n'est pas directement exposée dans le cadre de son travail ne court pas ces risques. Il existe donc un risque spécifique lié à des expositions à certains produits sur le lieu de travail.
Il existe aussi, nul ne peut l'ignorer, des risques qui n'ont aucun rapport avec une exposition à des substances chimiques. Les exemples les plus connus sont les troubles musculo-squelettiques ou les affections oculaires. Des troubles oculaires peuvent ainsi être dus à un usage excessif de l'ordinateur. Des affections cardio-vasculaires peuvent être directement liées à un stress permanent. Les médecins constatent également des états de fatigue excessive et permanente et le développement de troubles psychiques et comportementaux qui trouvent leur origine dans les conditions de travail, dans la pression constante à laquelle sont soumis les salariés. Tout cela n'a aucun rapport avec l'environnement.
Nous savons tous pourquoi certains souhaitent entretenir cette confusion : la responsabilité environnementale peut être orientée sur la collectivité. On peut s'assurer pour les dégâts causés à l'environnement ou aux personnes. En revanche, la responsabilité des risques liés au travail ne peut être imputée qu'à l'employeur. Des conditions de travail non conformes à la législation, des équipement insuffisants ou défectueux relèvent de sa responsabilité directe et ont finalement des conséquences financières collectives sur le niveau des cotisations pour la branche AT-MP, et des conséquences individuelles en cas de contentieux.
Je réitère donc ma demande de création d'une agence de la santé au travail. Nous voulons prendre date. Un projet de loi relatif à la santé publique ne peut délibérément ignorer la santé au travail ! Les scandales de l'amiante et des éthers de glycol ainsi que toutes les difficultés sanitaires quotidiennes vécues par les salariés montrent qu'il est urgent d'agir. Nous insistons donc pour que soit créée une telle structure et pour qu'il s'agisse d'une agence nationale, car c'est à ce niveau qu'il nous paraît nécessaire d'intervenir.
L'Etat ne peut se défausser de sa responsabilité. L'amiante n'est pas une affaire régionale. L'amiante fait et fera encore de nombreuses victimes sur l'ensemble du territoire car les pouvoirs publics n'ont pas pris les mesures qui leur incombaient.
Pour que cette agence soit efficace, elle doit être dotée non seulement de moyens, qu'il n'appartient pas à la représentation nationale de définir dans le détail, mais aussi de pouvoirs. C'est pourquoi nous souhaitons, si une telle agence devait voir le jour, qu'elle soit dotée d'un pouvoir d'enquête lui permettant d'obtenir des partenaires concernés toutes les informations nécessaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Les pathologies liées au travail sont, le plus souvent, multifactorielles. Leur étude dans le cadre plus global de la santé environnementale paraît donc préférable. C'est d'ailleurs la position adoptée par la commission dans son amendement n° 90.
Au demeurant, j'observe que les compétences prévues pour cette agence par les auteurs de l'amendement recouperaient largement les compétences d'autres agences et instituts existants et que sa création irait donc à l'encontre de l'objectif de simplification que nous visons.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Monsieur Chabroux, cette idée est intéressante, mais le sujet mérite une réflexion plus approfondie. Plusieurs organismes existent déjà et ont des missions en matière de santé au travail, notamment l'INVS, l'Institut de veille sanitaire, qui dispose d'un département santé-travail, l'INRS, l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, et l'AFSSE, l'Agence française de sécurité sanitaire et environnementale.
Faut-il créer une agence dédiée à la santé au travail, ou, au contraire, développer l'articulation entre santé publique et santé au travail entre les organismes existants ? Cette seconde solution me paraît a priori plus judicieuse. Ainsi, pour les dangers liés aux produits chimiques, une évaluation spécifique en santé au travail n'a évidemment pas de sens.
Le ministre de la santé a lancé une mission d'évaluation de la loi de 1998. Ses conclusions vous seront présentées et comporteront nécessairement une analyse de ce sujet.
Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Nous sommes effectivement très favorables à la création d'une telle structure. En effet, nous avons besoin d'une agence de sécurité sanitaire qui traite de la sécurité sanitaire au travail.
J'irai plus loin : nous avons aussi besoin d'une médecine du travail indépendante. Or, aujourd'hui, ce n'est, hélas ! pas le cas. Les projets du Gouvernement dans ce domaine m'inquiètent quelque peu. En effet, il y a plus de risque d'aller vers une privatisation de la médecine du travail que vers une réelle indépendance, qui est pourtant nécessaire.
Quant à l'indépendance de l'INRS, madame la secrétaire d'Etat, cet institut que vous avez cité au nombre des agences qui seraient susceptibles de tenir le rôle d'agence de sécurité sanitaire, je me permets de m'inscrire en faux : cette indépendance est tout à fait sujette à caution et l'institut a même fait l'objet de sérieuses critiques de la part de la Cour des comptes. Il faut dire que son statut est bizarre : il s'agit d'une association régie par la loi de 1901, dont le conseil d'administration est composé d'une représentation de cinq syndicats ainsi que d'une représentation patronale, et qui est placée sous l'égide de la CNAM. D'ailleurs - mais est-ce un hasard ? -, si le patronat a quitté le conseil d'administration de la CNAM, il s'est bien gardé de quitter le conseil d'administration de l'INRS, sans doute pour mieux contrôler les études que peut conduire cet institut.
M. Jean Chérioux. Il n'y est pas majoritaire !
M. François Autain. N'oublions pas que l'INRS avait été chargé de mener une étude sur les éthers de glycol et que c'est à partir de ce moment-là que M. Cicolella a eu un certain nombre d'ennuis avec cet institut !
L'INRS me semble donc loin d'être le meilleur exemple à nous opposer.
C'est pourquoi il est absolument nécessaire de voter notre amendement et de créer cette agence de sécurité au travail. Je reconnais que l'introduction de ce nouvel organisme complique un peu le paysage institutionnel, mais il ne tient qu'au Gouvernement de le simplifier. Car nous sommes favorables à une unification du système de sécurité sanitaire. Peut-être y a-t-il trop d'agences, mais, pour ce qui est de la sécurité au travail, cette agence-là ne serait pas superflue par rapport à celles qui existent déjà.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 166, présenté par M. Chabroux, Mmes Blandin et Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Un plan national de prévention des risques pour la santé liés au travail est élaboré tous les cinq ans. Ce plan prend prioritairement en compte les effets sur la santé :
« - des agents chimiques, biologiques et physiques présents sur les différents lieux de travail ;
« - des pratiques professionnelles, équipements ou absence d'équipements susceptibles de provoquer des accidents du travail et de provoquer ou d'aggraver des maladies professionnelles tant physiques que psychiques. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement, dans le droit-fil du précédent, prévoit la création d'un plan national pour la santé au travail distinct du plan de prévention des risques liés à l'environnement. Je ne reviens pas sur la nécessité de distinguer ces deux notions.
En revanche, en lien avec une future agence de la santé au travail, avec les partenaires sociaux et, surtout, avec la médecine du travail, il est nécessaire que l'Etat s'implique en mettant en oeuvre un plan spécifiquement dédié à l'amélioration de la santé et de la sécurité dans les entreprises. C'est cela que nous demandons, avec insistance.
Plutôt que de feindre de s'étonner de l'augmentation du nombre d'arrêts de travail longs et du taux d'inaptitudes reconnues, il convient de porter remède aux causes de cette augmentation.
Les mesures coercitives en la matière n'ont que peu d'effets, puisque les salariés véritablement atteints par l'usure physique et psychique ne tardent pas à développer de nouvelles pathologies. Les services de la médecine du travail, mais aussi les responsables du personnel et les patrons de PME, ne peuvent que constater les dégâts réels provoqués par l'accélération des rythmes de travail, la pression psychologique et l'exposition aux nuisances.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Merci les 35 heures !
M. Gilbert Chabroux. Tous les experts le disent ! Vous ne pouvez pas ignorer que, dans les secteurs où les conditions de travail sont les plus pénibles, les certificats d'inaptitude des salariés âgés ont augmenté de 25 %. Il faut donc soigner les causes et non punir ceux qui en ressentent les effets.
La gravité de la situation telle qu'elle s'est accentuée ces dernières années implique un réexamen des pratiques professionnelles qui dépasse largement la seule protection contre les risques environnementaux.
Une politique de prévention doit être mise en place. Cette exigence doit se développer dans deux directions complémentaires.
Tout d'abord, il convient d'arrêter d'urgence la destruction organisée de la médecine du travail. Notre pays manque déjà de médecins du travail et la situation va s'aggraver ces prochaines années avec le départ en retraite de plus de 2 500 d'entre eux, sur un total de 7 485. La relève sera insuffisante, que ce soit par la voie de l'internat ou de la reconversion.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et combien d'années faut-il pour former un interne ?
M. Gilbert Chabroux. Deux ans après le vote de la loi de modernisation sociale permettant la reconversion, aucune formation n'a débuté. Le syndicat national des médecins du travail observe que, pour 200 candidats en Ile-de-France, 25 places de formation seulement sont proposées. Est-ce un hasard ?
Dans le même temps, un décret prévoit que, désormais, un médecin du travail aura à surveiller non plus 2 800 salariés, mais 3 300, dans 450 entreprises. Tout le monde reconnaît que c'est beaucoup trop pour assurer une action sérieuse.
Les propositions gouvernementales consistent simplement à remplacer le vrai médecin du travail par un intervenant en santé au travail, sans formation garantie ni indépendance à l'égard de l'employeur. Les organisations syndicales ont unanimement exprimé leur désapprobation.
On retire de cet enchaînement fatal à la médecine du travail le sentiment que le système actuel est étouffé et remplacé progressivement par un système plus conforme aux exigences patronales, c'est-à-dire plus docile et moins coûteux.
Nous allons donc vers le contraire d'un système de prévention, pour satisfaire des intérêts particuliers.
Je ne développe pas plus avant, mais manifestement la gravité de la situation devrait nous alerter.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quelle condamnation de la politique antérieure !
M. Gilbert Chabroux. Il faudrait que nous prenions des dispositions fortes en faveur de la médecine du travail, pour la santé au travail. Si vous n'introduisez pas de telles dispositions dans cette loi de santé publique, vous serez passés, mes chers collègues, à côté de très graves problèmes.
M. Jean Chérioux. Et vous, vous n'avez rien fait avant !
M. Gilbert Chabroux. Mais si !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Cet amendement est incompatible avec l'amendement n° 90 de la commission visant à intégrer explicitement la santé au travail dans le champ du plan plus global sur la santé et l'environnement.
De plus, le rapport préliminaire de la commission d'orientation chargée d'élaborer le plan national santé-environnement avait déjà inclus la santé au travail parmi ses préoccupations.
La commission émet donc un avis défavorable. (M. Gilbert Chabroux s'exclame.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Le milieu de travail constitue une composante essentielle des risques environnementaux pour lesquels l'article 19 prévoit l'élaboration d'un plan santé-environnement. L'objectif du Gouvernement est d'assurer le décloisonnement de la santé au travail et de la santé environnementale.
Encore une fois, les interactions entre la santé en entreprise et la santé dans la vie quotidienne sont insuffisamment prises en compte.
M. François Autain. C'est vrai !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Or l'amendement présenté aboutirait au contraire à maintenir un dispositif cloisonné. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.
(L'amendement n'est pas adopté.)