PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. En ce qui concerne le champ de la prévention, monsieur le rapporteur pour avis, il faut arrêter de séparer artificiellement prévention et curatif. Ce qui est sûr, c'est que chaque fois que nous gagnons sur la prévention, c'est autant de plus que nous pouvons consacrer à faire encore mieux pour le soin. Nous avons du chemin à faire. Les mauvais chiffres de la mortalité prématurée en France, qui contrastent avec l'exceptionnelle longévité de notre population, sont là pour le rappeler à tous.
C'est le sens du discours constant que je tiens - vous avez bien voulu le rappeler - depuis que je suis arrivé à la tête de ce ministère de la santé. C'est la philosophie qui entoure la loi de santé publique que vous allez examiner dans quelques jours. Elle fixe la responsabilité de l'Etat sur la définition d'objectifs clairs et poursuivis dans la durée.
La prévention primaire, vous le savez, vise à traiter très en amont les déterminants des maladies. Vous connaissez les ravages du tabac sur la santé de nos concitoyens. Ils justifient la lutte acharnée que nous menons aujourd'hui. Mais bien d'autres fléaux doivent également être combattus : alcool, drogue, sida, sur lesquels il s'agit de ne pas relâcher la pression, car d'autres menaces se font déjà préoccupantes : pollution, nutrition... Et que dire des inégalités géographiques de santé qui, plus près de vous, constituent une justice inacceptable ?
Pensez-vous que l'on soit très loin du soin en matière de prévention secondaire lorsqu'on s'appuie sur des politiques de dépistage précoce pour y appliquer des thérapeutiques performantes ? Le dépistage du cancer du sein est l'exemple même de notre responsabilité collective. Nous devons nous en inspirer sur biens d'autres domaines et le plan Cancer vise, bien sûr, à nous donner ces ambitions.
En matière de sécurité sanitaire, qu'il s'agisse de risque infectieux ou environnemental, de nombreux exemples montrent aussi qu'il nous faut renforcer notre dispositif de veille sanitaire. Nos agences sanitaires doivent s'y employer au quotidien.
Pour résumer, s'agissant de cette question très importante, monsieur le rapporteur pour avis, la démarche du Gouvernement concerne à la fois le soin et la santé publique. Les deux se rejoignent, car le soin conduit à développer une prévention secondaire, voire primaire, dans le millieu familial, et la prévention peut permettre de dépister des personnes malades et de les faire entrer dans la filière de soins. Autrement dit, il y a deux approches différentes, mais, en réalité, la santé ne forme qu'un tout, qu'il s'agisse de la prévention ou du soin.
Je ne reviendrai pas longuement sur l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Naturellement, nous essayons de lui donner plus de moyen à la fois en personnel et en termes budgétaire. Nous essayons aussi de rationaliser ses actions en mutualisant les départements administratifs, les départements d'expertise et les compétences.
Cela dit, je vous le dis comme je le pense : les exigences en matière de sécurité s'accroissent tellement que je suis convaincu qu'au-delà des économies que nous pourrons réaliser en évitant les gaspillages et les abus, les besoins pour assurer notre sécurité sanitaire augmenteront régulièrement.
Le malaise dont vous avez fait état en ce qui concerne les professionnels de santé résulte d'une situation ancienne que nous essayons de faire évoluer point par point. S'agissant de la démographie, les numerus clausus sont désormais totalement débloqués ; j'y reviendrai plus en détail. Ces deux dernières années, nous avons augmenté de 20 % le nombre d'étudiants admis en première année de médecine. Le nombre des élèves infirmières est passé à trente mille. Il est clair que nous avons pris du retard. Il nous faudra, avec modestie et humilité, les uns et les autres d'ailleurs, revenir sur ce manque de prévoyance, qui nous conduit aujourd'hui à être confrontés à des difficultés invraisemblables.
En ce qui concerne les conditions d'exercice, l'offre de soins peut aussi être améliorée par l'organisation de transferts de compétences entre différentes professions. Telle est la proposition du rapport du doyen Berland, que je vais valider. Nous devons faire évoluer les limites des compétences des différentes professions de santé. Je ne prendrai qu'un exemple : la surveillance régulière de la tension artérielle chez un malade hypertendu. Les médecins ne sont pas les seuls à pouvoir assurer cette surveillance. Des professionnels paramédicaux correctement formés sont tout à fait capables de faire ce que l'on demande trop souvent aujourd'hui à des médecins. Il faudra donc insister sur les transferts de compétences. Nous allons mettre en oeuvre, dès le 16 décembre prochain, une série d'expérimentations. Mais tout cela n'est acceptable que dans la mesure où existent, en amont, l'évaluation de la qualité et la sécurité des soins.
Enfin, afin de permettre une amélioration de la qualité de vie de ces professionnels, nous sommes en train de discuter avec eux, notamment avec les médecins, sur une nouvelle classification commune des actes médicaux, qui situerait véritablement la valeur de chaque acte. En effet, avec le temps, des actes sont devenus aujourd'hui routiniers - ils ne doivent donc plus être appréciés au même niveau -, alors que d'autres ont pris une importance considérable. Une commission tripartite réunissant les professionnels, les caisses et le ministère mène une réflexion à cet égard. Nous progressons, et cela me paraît extrêmement important.
Enfin, les médecins se sentiront d'autant mieux qu'ils seront intégrés dans un véritable corps de santé, conservant certes les spécificités libérale et hospitalière, mais qui ne sépare pas deux mondes juxtaposés. Il faut, au contraire, qu'ils apprennent à travailler ensemble. Ainsi, chacun trouvera chez son confrère le soutien et le conseil nécessaires, jusque et y compris dans des réunions de pairs, véritables séances de formation médicale continue. De la sorte, chacun aura la possibilité de progresser dans la mesure où, vous le savez, la médecine est une discipline qui évolue chaque jour davantage et qui, quotidiennement, nous conduit à réapprendre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais apporter à M. le rapporteur des réponses aux deux questions qu'il a posées.
Tout d'abord, s'agissant des établissements sociaux et médico-sociaux, je rappelle que le passage du dispositif dit « Aubry II » au nouvel allégement de charges sociales prévu par la loi de janvier 2003 produit, effectivement, des résultats contrastés et encore mal appréhendés. Les expertises qui sont en cours dans nos services ne permettent pas, pour l'instant, d'accréditer la thèse d'un surcoût important pour les établissements.
Le secteur social et médico-social emploie un assez grand nombre de personnels peu qualifiés. La structure des salaires permettra donc de maintenir un niveau d'exonération élevé. C'est du reste, je le souligne, l'un des objectifs de cette réforme qui vise à favoriser l'emploi en renforçant le niveau des exonérations de charges sur les bas salaires.
Au début de l'année 2005, un bilan sera réalisé, afin d'appréhender plus finement les conséquences financières du nouveau dispositif dans le secteur.
En ce qui concerne la maîtrise de l'évolution de la masse salariale, la définition de paramètres d'évolution est avant tout destinée à améliorer, pour les partenaires sociaux, la lisibilité des marges financières dont ils pourront disposer en début d'année. Les principaux facteurs d'évolution actuelle de la masse salariale sont liés, en effet, à des contraintes externes comme la réglementation européenne sur le travail de nuit ou à la rénovation des conventions collectives du secteur, sur l'initiative des partenaires sociaux.
Le Gouvernement, je puis vous l'assurer, monsieur le sénateur, suivra très précisément la situation de ces établissements, afin de leur apporter son soutien chaque fois que nécessaire.
Vous avez bien voulu souligner l'effort accompli pour le rattrapage des subventions au CHRS. Soyez assuré que notre engagement à l'égard du secteur social et médico-social ne faillira pas.
Pour ce qui est de la décentralisation des formations sociales et des fonds d'aides aux jeunes, je rappellerai simplement que l'Etat a réalisé, en trois ans, un effort considérable de création de places de formation initiale de travail social, ce qui a permis d'accroître le nombre de promotions de trois mille, soit une hausse d'un tiers entre 2002 et 2004.
Le plan s'achevant avant la date de mise en application de la décentralisation, la montée en charge des financements sera donc pratiquement terminée au moment de celle-ci. Par conséquent, le transfert ne devrait pas poser de difficultés particulières ; le détail des modalités de ce transfert devra naturellement être discuté dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2005.
En ce qui concerne les fonds d'aide aux jeunes, les crédits font l'objet d'une gestion globalisée au sein de l'enveloppe consacrée à la lutte contre l'exclusion. Par conséquent, ce qui servira de base à la compensation, c'est la dépense réelle de l'exercice 2004, qui ne sera connue, par définition, qu'à la fin de l'année 2004. Toutefois, le Gouvernement n'entend pas modifier substantiellement le niveau de cette dépense en 2004 par rapport aux années antérieures.
A cet égard, le Gouvernement a fait le choix de la confiance vis-à-vis des départements, d'abord, en leur transférant un champ très important de la responsabilité sociale, ensuite, en soutenant ce transfert par une clarification des compétences et une réforme accomplie ; je pense notamment à celle que nous venons d'achever sur le RMI-RMA.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Je souhaite répondre plus particulièrement aux questions posées par M. Blanc, rapporteur pour avis, et d'abord sur le problème concernant le nombre de bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, pour 2004.
La réforme de la loi d'orientation de 1975 portera essentiellement sur le droit à compensation.
Pour ce qui est des ressources des personnes handicapées, mon objectif vise à accroître la possibilité de cumul entre les revenus tirés de l'allocation aux adultes handicapés et ceux qui sont liés à l'exercice d'une activité professionnelle, éventuellement à temps partiel.
Cet objectif, vous le savez, monsieur le rapporteur pour avis, concerne tout particulièrement les bénéficiaires de l'AAH au titre de l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire ceux qui sont reconnus handicapés entre 50 % et 80 %.
S'agissant plus précisément de la prévision budgétaire pour 2004, celle-ci tient compte d'un ralentissement observé en 2003 pour l'admission à l'allocation aux adultes handicapés, précisément pour les personnes dont le handicap est reconnu entre 50 % et 80 %. En outre, je compte mener, avec le concours du service public de l'emploi, des partenaires sociaux et de l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, un effort renouvelé d'accompagnement vers l'emploi, sans attendre la réforme de la loi de 1975.
La semaine pour l'emploi « handicapé et compétent », qui s'est achevée le 21 novembre dernier, a suscité, partout en France, une mobilisation forte sur ce thème. Cela montre que l'objectif que le Gouvernement s'est fixé est raisonnablement envisageable et qu'il peut être atteint.
Le plan Vieillissement et solidarité, annoncé par le Premier ministre le 6 novembre dernier, comprend le financement de la réforme de la loi de 1975. En effet, les ressources qui seront tirées d'une journée de travail supplémentaire seront affectées, à hauteur d'environ 850 millions d'euros par an, aux personnes handicapées à partir de 2005 et jusqu'en 2009. Cette somme, très importante, dont tout un chacun comprend l'effort collectif qu'elle représente, s'ajoute aux moyens qui sont aujourd'hui consacrés à la compensation. Elle permettra de créer une véritable prestation de compensation, comme vous l'avez souhaité, pour couvrir les dépenses supportées par les personnes handicapées pour le recours aux aides techniques et aux aides humaines, essentiellement.
Ce financement supplémentaire s'ajoutera aux crédits qui sont aujourd'hui consacrés par la sécurité sociale aux aides techniques et, par les départements, à l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il confortera le niveau des fonds de compensation des sites Vie autonome.
La nouvelle prestation visera à solvabiliser les personnes handicapées au regard d'une évaluation personnalisée de leurs besoins. Elle sera gérée, comme l'allocation compensatrice pour tierce personne, par les départements, mais le financement par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en garantira l'égalité sur l'ensemble du territoire.
Enfin, monsieur le sénateur, en ce qui concerne l'amendement Creton, le Gouvernement a, comme vous, le souci de clarifier le rôle des financeurs pour l'application de cet amendement.
Le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 28 mai 2003, a jugé que les dispositions de la loi du 13 janvier 1989 ne nécessitaient pas de texte réglementaire. C'est la raison pour laquelle le décret du 22 octobre 2003 relatif à la gestion budgétaire, comptable et financière des établissements sociaux n'y fait pas mention.
Cependant, le Gouvernement envisage d'introduire, dans la prochaine ordonnance de simplification que le Parlement l'a autorisé à prendre, les précisions juridiques nécessaires pour clarifier la répartition des charges entre les financeurs appelés à couvrir les frais de soins ou d'hébergement des jeunes adultes maintenus en établissements pour enfants. Il s'agit, en particulier, de fixer la référence tarifaire opposable aux départements pour leur participation en cas d'orientation en foyer.
Cela étant, monsieur le sénateur, nous souhaitons tous que ces mesures soient transitoires ; le Gouvernement fait tout pour que, à terme, les amendements Creton disparaissent, en faisant porter l'essentiel de ses efforts sur l'augmentation du nombre de places en CAT ainsi qu'en maisons d'accueil spécialisé, sans parler des foyers de vie, qui doivent être également développés.
Il n'est pas pensable que perdure une situation préjudiciable pour tous, d'abord pour ces jeunes adultes, qui n'ont rien à faire en établissements pour enfants, ensuite pour les enfants qui sont déjà accueillis, et peut-être plus encore pour ceux qui attendent de pouvoir l'être. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous passons à la procédure de questions et de réponses.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la ministre, ma question concerne l'aide médicale d'Etat.
Le Parlement a voté, en décembre 2002, les premiers éléments du démembrement de l'accès aux soins des personnes vivant dans les conditions les plus précaires : les bénéficiaires de l'AME.
Selon M. Paul Blanc, rapporteur pour avis, le projet de loi de finances pour 2004 avait prévu « une dotation stable de 233 millions d'euros au titre de l'AME ». Il relève cependant que la dépense prévisionnelle pour 2003 dépasse déjà les crédits initialement prévus, puisqu'on estime les besoins compris entre 590 millions d'euros et 742 millions d'euros. Le Gouvernement aurait donc, d'après M. Paul Blanc, envisagé, pour cette raison, une réforme de l'AME selon quatre axes, que je reprends, mais qui sont développés dans le rapport de notre collègue : un meilleur contrôle de l'ouverture des droits ; la mise en oeuvre du ticket modérateur introduit par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 ; la limitation des remboursements aux soins médicalement indispensables ; enfin, la possibilité, pour les bénéficiaires de l'AME, d'accéder à la médecine de ville.
Au 31 décembre 2002, les bénéficiaires de l'AME étaient au nombre de 145 394, soit une progression de 15 %. L'inspection générale des affaires sociales prévoit une stabilisation de l'effectif en 2003.
Madame la ministre, je voudrais me faire en quelque sorte le porte-voix des sans-voix. Vous avez précisé que l'entrée en vigueur de la CMU au 1er janvier 2000 « a entraîné une modification de l'aide médicale de l'Etat : celle-ci concerne désormais les personnes étrangères en situation irrégulière ne pouvant prétendre à la CMU et, accessoirement, les Français de l'étranger venant se faire soigner en France ».
Ce projet de loi de finances pour 2004 concrétise la mise en place du ticket modérateur, véritable « ticket d'exclusion » pour ceux qui doivent compter chaque euro pour survivre au quotidien, et ne prévoit la prise en compte que de certains soins médicalement indispensables. Y aurait-il plusieurs catégories d'êtres humains ? Ces personnes n'ont pas de papiers, pas de droit au travail, pas de ressources. Elles ne demandent le bénéfice de l'AME que lorsqu'elles ont besoin de soins, c'est-à-dire, en général, très tard, parfois trop tard pour que l'on puisse les sauver.
Trois raisons fondamentales justifient que l'on conforte l'accès aux soins des sans-papiers, c'est-à-dire des étrangers en situation irrégulière.
D'abord, pour faire de réelles économies, il faut renforcer l'accès à la prévention et aux soins précoces ; les études actuelles sur la CMU le prouvent.
Ensuite, l'amélioration de la prise en charge sanitaire des plus précaires est une nécessité de santé publique, puisque, toutes les études le prouvent, les inégalités de santé reflètent avant tout les inégalités sociales, madame la ministre.
Enfin, l'accès aux soins des sans-papiers est indispensable pour des raisons éthiques : il s'agit de droits fondamentaux d'êtres humains.
Ces mesures, en pénalisant les plus fragiles, tentent de les écarter un peu plus de notre système de santé, de repousser en dehors de la société des femmes, des hommes et des enfants qui ne demandent qu'à vivre dignement.
En s'attaquant aux pauvres et non à la pauvreté, l'Etat les pénalise pour une carence qui est d'abord la sienne !
Ne conviendrait-il pas, madame la ministre, d'améliorer et de faciliter l'accès à la couverture maladie des plus précaires en fondant l'AME dans la CMU ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous mettez en cause l'action du Gouvernement concernant l'AME.
Puis-je vous le rappeler, le précédent gouvernement, comme pour l'APA, avait mis en place un dispositif non financé ; nous l'avons financé, donc, nous l'avons sauvé ! Nous dépenserons 650 millions d'euros en 2003, soit 600 millions de plus que prévu par le gouvernement socialiste.
Le dispositif était inopérant et mal conçu. En effet, si l'accès immédiat des bénéficiaires de l'AME à la médecine de ville était interdit, en revanche, les personnes restées trois années en situation irrégulière sur notre territoire bénéficiaient, elles, de ce droit. C'était donc une solution assez incohérente qui, de surcroît, contribuait encore à la saturation des services d'urgences des hôpitaux.
Le système était, en outre, mal organisé, parce que les enfants mineurs d'étrangers en situation irrégulière étaient censés relever d'un régime distinct, celui de la CMU, disposition qui s'est révélée d'ailleurs parfaitement inapplicable dans les faits.
Mal organisé, le système avait été également mal estimé, car la dotation initiale de Mme Aubry était de 45 millions d'euros, pour une prévision de dépenses, en 2003, comprise entre 645 millions d'euros et 650 millions d'euros.
La mise en oeuvre du dispositif était, enfin, mal contrôlée, car la formule de la simple déclaration sur l'honneur quant à l'identité, le domicile et les ressources des demandeurs, initialement exceptionnelle, s'est trop souvent généralisée, comme le souligne fortement l'IGAS dans le rapport qu'elle consacre à l'évolution de l'aide médicale de l'Etat.
Il fallait donc réformer ce système, ce que nous faisons, de manière équilibrée. L'ouverture des soins de ville dès le premier jour contribuera au désengorgement des urgences. Surtout, monsieur le sénateur, s'agissant du ticket modérateur plafonné, sur lequel vous avez insisté, personne ne peut réellement comprendre que tous les assurés contribuent, sauf les étrangers en situation irrégulière ! Cela étant, ce ticket modérateur-là sera très inférieur au droit commun en la matière.
Enfin, dans la tradition française de faire prévaloir le souci humanitaire, je précise que les personnes atteintes de pathologies lourdes, les enfants mineurs et les femmes enceintes sont intégralement pris en charge.
C'est donc, en l'occurrence, une réforme pragmatique et juste, qui nous paraît répondre à un besoin, effectivement, important.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la ministre, prenez garde ! N'allez pas rendre certaines catégories de la population responsables de la saturation des services des urgences des hôpitaux !
Le financement de l'AME est source de discussions. D'ailleurs, les experts du ministère eux-mêmes ne peuvent faire état que de tendances. Ces 600 millions d'euros ne représentent pas seulement les bénéficiaires de l'AME. Il faut compter aussi avec les demandeurs d'asile, bien souvent orientés vers l'AME au lieu de la CMU. Cela ne change rien pour les comptes de la nation, puisque les deux dispositifs sont financés à 100 %.
De même, les interruptions de grossesse anonymes et les naissances sous x seraient, dit-on, aussi imputées à l'AME, puisque c'est le seul moyen pour les hôpitaux d'obtenir le remboursement des coûts inhérents.
Rappelons que l'AME est l'une des dernières couvertures à 100 %. On ne peut donc pas sérieusement la comparer avec le régime général, qui ne prend en charge qu'environ 65 % des coûts, ou avec la CMU, dont les dépenses ne sont, le plus souvent, comptabilisées que pour la seule partie complémentaire, soit 35 % du total.
Nous aurons à débattre des nouvelles modalités d'attribution du RMI aux étrangers, mais je relève que le délai de résidence imposé vient d'être porté de trois à cinq ans. Tout cela relève d'une politique globale qui vise, au-delà des contraintes de fermeture des frontières invoquées, à restreindre aussi l'accès à différents droits, dont le droit à la santé. Nous contestons les arguments qui fondent une telle politique.
Durant l'année écoulée, vous n'avez pas mis en oeuvre certaines dispositions, le décret d'application n'ayant pas été publié, mais nous restons vigilants !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. « La drogue est une gangrène qu'il faut combattre dans toutes ses dimensions, loin en amont de routes, par une combinaison d'approches répressive et judiciaire, sanitaire et sociale, économique et financière et sur tous les fronts, national, régional, mondial. »
Ces propos, tenus par le Président de la République lors de la cérémonie d'ouverture de la Conférence internationale sur les routes de la drogue, à Paris, en mai dernier, marquent la priorité qu'il accorde à la lutte contre la toxicomanie, ce dont nous nous félicitons tous.
Sur l'initiative de nos collègues MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt, le Sénat a constitué une commission d'enquête sur les drogues illicites, à laquelle je participais moi-même et qui était présidée, avec beaucoup d'autorité et de compétence, par notre collègue Mme Nelly Olin.
Après six mois de travaux, éclairés par de multiples auditions et de nombreux déplacements tant en métropole, dans des maisons d'arrêt et des centres de soins spécialisés pour toxicomanes qu'à l'étranger, cette commission a rendu ses conclusions le 4 juin, dans un rapport au titre triste, mais réaliste : « Drogue : l'autre cancer ».
Paradoxe étrange, en effet, que celui de la France, pourtant pays de la douceur et de l'art de vivre, où une personne sur dix consommerait des drogues ! La France est d'ailleurs en tête du classement des pays de l'Europe élargie en termes de prévalence chez les jeunes de quinze à seize ans.
La consommation de cannabis explose. Les drogues de synthèse à usage festif règnent dans les rave parties. La polytoxicomanie, qui mélange des produits psycho-actifs licites et illicites, est de plus en plus fréquente. Enfin, l'économie souterraine liée à la drogue devient la première activité dans certaines de nos cités.
Combien de vies brisées, combien de famille déchirées, de promesses gâchées, parce qu'un jeune, un enfant, souvent, a croisé un jour sur son chemin un marchand de mort ?
Nous avons tous été frappés, lors de nos visites, par la détresse des patients rencontrés, la diversité de leur profil, leur dépendance à l'égard des produits chimiques de substitution et de la psychiatrie, les conditions difficiles dans lesquelles ils tentent de se reconstruire.
Cette situation illustre jusqu'à la caricature combien la loi de 1970 est restée lettre morte. Le délit d'usage n'est pratiquement plus sanctionné ; l'injonction thérapeutique, c'est-à-dire l'obligation de se soigner contre une remise de peine, est diversement utilisée ; le volet « prévention » a été négligé et, surtout, les capacités de prise en charge des toxicomanes sont, en dépit du dévouement exemplaire des personnels, dramatiquement insuffisantes.
Force est de constater également qu'en privilégiant la réduction des risques, notamment par l'échange des seringues et la délivrance de produits de substitution, on a accrédité l'idée que les pouvoirs publics, via la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, se bornaient à gérer le problème de la toxicomanie.
Cédant à la pression d'un lobby favorable à la légalisation du cannabis, les déclarations de certains responsables politiques au cours des années récentes ont aussi contribué à brouiller le discours, ce qui n'est évidemment pas dépourvu de tout lien avec la banalisation de la consommation des stupéfiants.
Il est temps de réagir.
Parce qu'elle ébranle la cohésion sociale et marginalise les personnes touchées, la toxicomanie est un véritable enjeu de santé publique.
Or, que constate-t-on aujourd'hui ?
Les nouvelles priorités définies par le Gouvernement rejoignent, certes, tout à fait le sens des propositions que la commission d'enquête a formulées dans son rapport, à savoir : une prévention axée prioritairement sur le plus jeune âge, notamment à l'école, restée trop longtemps à l'écart de cette action ; une sensibilisation du grand public sur le caractère illégal de l'usage des stupéfiants ; des modes de prise en charge diversifiés et innovants proposant des réponses adaptées aux différentes consommations, aux types d'usage et aux populations.
Mais les dotations budgétaires de la MILDT, qui coordonne les différents champs de l'action publique de lutte contre la drogue et la toxicomanie, sont en constante régression : de 46 millions d'euros en 2002, elles sont passées à 40 millions d'euros en 2003 et atteignent, pour 2004, un montant de 38 millions d'euros, 10 millions d'euros étant consacrés au financement des dispositifs nouveaux. Ces moyens sont-ils à la hauteur de l'enjeu ?
Par ailleurs, alors que le projet de loi relatif à la politique de santé publique comporte des dispositions visant spécifiquement le tabac et l'alcool, on n'y trouve pas grand-chose sur les drogues illicites.
Vous me direz sûrement qu'il prévoit l'élaboration d'un plan spécifique sur les conduites addictives. Mais cela reste un peu laconique. Quels seront ses contours ? Pourquoi ne pas avoir retenu la toxicomanie parmi les déterminants comportementaux ayant un impact prouvé sur les chiffres de la mortalité et de la morbidité évitables, pour lesquels des objectifs ont été fixés pour les cinq années à venir ?
La commission d'enquête du Sénat avait formé le voeu que ses conclusions sonnent comme un signal d'alarme. Je sais que vous l'avez entendu, monsieur le ministre, et que vous combattrez avec toute la force de votre conviction et de votre détermination ce terrible fléau qu'est la drogue. Je souhaiterais néanmoins que vous nous apportiez quelques précisions sur vos objectifs et sur les moyens que vous y consacrerez.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur Barbier, le Gouvernement et le Sénat ont le souci commun d'une action plus efficace, plus cohérente, plus homogène, plus volontariste pour lutter contre ce véritable fléau, pour reprendre votre expression.
Pourquoi le Gouvernement n'est-il pas plus explicite, dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique, sur la lutte contre les toxicomanies d'une façon générale ? Tout simplement parce qu'il a décidé de revoir la loi de 1970 pour la rendre plus applicable. Il vaut mieux, en effet, disposer de sanctions proportionnées, donc applicables, que de peines si élevées que personne ne les prononce.
Donc, après quelques hésitations, le choix a été fait de rassembler l'ensemble des mesures destinées à prévenir, à éduquer et à lutter, y compris par la répression, dans un texte spécifique. C'est la seule raison pour laquelle vous ne trouvez pas de dispositions plus précises dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique.
D'une façon générale, monsieur le sénateur, il faut bien reconnaître que nous en sommes arrivés là parce que, autant sur le tabac, autant sur l'alcool, chacun s'est accordé et a tenté de prendre les mesures qui s'imposaient, autant sur la drogue, pour différents motifs que je ne vais pas développer ici, on a, certes, un peu gesticulé, mais pas beaucoup agi. D'ailleurs, la commission d'enquête sénatoriale a bien montré les manques en la matière.
C'est le devoir du Gouvernement d'engager maintenant une politique forte dans ce domaine, s'appuyant sur l'information sur la nocivité des drogues, en particulier du cannabis. Car le cannabis est une drogue, comme d'ailleurs le tabac, comme l'alcool et d'autres drogues illicites. Dès qu'une substance peut conduire à une dépendance et peut avoir des effets sur le bon fonctionnement de la personne au sens psychosomatique du terme, il est légitime d'utiliser ce vocable.
La prévention doit être mise en oeuvre en milieu scolaire, et la sanction doit être crédible et adaptée. Nous y travaillons. Le répérage et la prise en charge des consommateurs, grâce à des consultations de conseil et de repérage, permettent une orientation précoce vers le système de soins.
Enfin, concernant la MILDT, il convient de préciser que, malgré la contrainte budgétaire, ses moyens sont pratiquement reconduits à l'identique : 38 millions d'euros au lieu de 40 millions d'euros l'année dernière.
J'indique, à cet égard, que des économies seront faites plus particulièrement sur le système d'écoute téléphonique DATIS, « Drogues, alcool, tabac, info-service », aujourd'hui peu opérant et coûteux. Cela nous permettra d'être plus efficaces et mieux organisés pour des sommes sensiblement identiques et donc, je l'espère, de répondre au souci que vous venez de manifester, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Ma question portera sur le chapitre « Santé publique et sécurité sanitaire », plus particulièrement sur le programme « Santé publique et prévention ».
La crise sanitaire de cet été a montré, si besoin était, la nécessité d'améliorer l'organisation de notre système de santé. Or, pour 2004, les crédits de la santé, de la famille et des personnes handicapées ne connaissent par rapport à 2003 qu'une légère progression, de 1,73 %. Ils s'élèvent à 8,593 milliards d'euros, dont plus de la moitié - 4,6 milliards d'euros - est consacrée à la simple reconduction du financement de l'allocation aux adultes handicapés.
Pourtant, monsieur le ministre de la santé, vous avez affiché la volonté de financer en priorité la santé publique, la lutte contre le cancer, la lutte contre la drogue, ainsi que la petite enfance et l'autonomie des handicapés. Mais la lecture du budget laisse dubitatif sur la réalité de ces objectifs.
Déjà, l'année dernière, malgré l'annonce au plus haut niveau de la priorité accordée aux actions en faveur des personnes handicapées et à la lutte contre le cancer, les décrets d'annulation de crédits, aux mois de février, mars et septembre 2003, ont touché de plein fouet le ministère de la santé, concerné pour 90,32 millions d'euros.
Il y a donc de quoi douter du projet de budget soumis à la représentation nationale pour 2004, dans la mesure où la situation économique ne s'annonce guère plus florissante.
Ma question portera sur la prévention en matière de santé, et plus particulièrement sur le financement du dépistage du cancer.
Monsieur le ministre, vous avez expliqué à la commission des affaires sociales du Sénat que nous entrions dans une étape décisive de la couverture complète du territoire en matière de prévention, avec la généralisation du programme de dépistage organisé du cancer, plus particulièrement du cancer du sein.
En effet, dans l'agrégat « santé publique et sécurité sanitaire », doté de 322 millions d'euros pour 2004, vous incluez un programme intitulé « santé publique - prévention », évalué à 189 millions d'euros, afin de mettre en cohérence, dites-vous, les actions « santé publique et prévention ».
Comment ne pas être d'accord avec un tel programme ? Mais, monsieur le ministre, les chiffres invitent au doute.
En effet, si nous considérons les dépenses de santé, qui s'élèvent en France à 158 milliards d'euros, dont 154,4 milliards en curatif et 3,6 milliards en préventif, nous constatons déjà que la part de la prévention est de l'ordre de 2,3 % de l'ensemble. C'est peu !
En outre, si nous considérons votre budget, nous constatons que vous ne comptabilisez que 189 millions d'euros pour couvrir les dépenses de prévention. Certes, il faut distinguer entre crédits d'intervention et crédits de fonctionnement, mais qu'en est-il de la différence ?
Par ailleurs, ces crédits relèvent-ils bien de vos choix budgétaires, ou bien de ceux d'autres collectivités ou institutions qui, placées devant le fait accompli, devraient obligatoirement, comme l'on dit plus vulgairement, « mettre la main au porte-monnaie » ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, permettez-moi de dire et de redire que le drame que nous avons connu cet été n'est en rien une crise sanitaire. J'ai déjà eu l'occassion de le souligner, et, chaque fois que cette expression sera utilisée, je la relèverai pour qu'elle ne s'ancre pas dans la mémoire collective.
Nous avons vécu une crise de société qui s'est révélée au travers d'un encombrement des urgences. Le pays a brutalement découvert à cette occasion qu'il ne s'était pas mis en situation de répondre aux besoins du grand âge et de la dépendance.
Vous m'interrogez sur la prévention. Je vous rejoins totalement quand vous appuyez la politique du Gouvernement, qui consiste à la placer au premier rang de ses préoccupations !
La prévention, on en a beaucoup parlé dans le passé, mais on ne l'a jamais érigée en véritable priorité. Lorsque j'aurai l'occasion de défendre le projet de loi relatif à la politique de santé publique devant la Haute Assemblée, je rappellerai que ce texte sera le premier à être présenté en la matière depuis l'adoption de la loi de 1902 qui rendait obligatoires la vaccination et la déclaration des maladies infectieuses !
Le budget de la politique de prévention connaît une augmentation de 30 %, et je vous remercie de l'avoir noté. En outre, nous mettons en place une nouvelle organisation pour que, à l'échelon régional, les moyens, qui sont aujourd'hui répartis entre des structures parfois redondantes, soient mieux coordonnés et davantage mutualisés.
Nous nous sommes fixé cinq priorités principales : la lutte contre le cancer ; la santé environnementale ; la violence, notamment la sécurité routière, la toxicomanie, les suicides ; les maladies orphelines, pour qu'elles ne soient pas oubliées une seconde fois ; enfin, l'amélioration de la qualité de vie des malades atteints de maladies chroniques.
Tels sont les chantiers que nous avons ouverts. Pour ne reprendre que votre premier exemple, celui du cancer, je vous confirme, monsieur Cazeau, que, grâce à la participation des départements, dont, voilà encore dix-huit mois, seulement un tiers avaient mis en place le dépistage du cancer du sein, c'est la totalité des cent départements français qui, le 31 décembre ou le 1er janvier, sera en mesure, comme nous nous y étions engagés, de procéder à ce dépistage pour l'ensemble des femmes âgées de cinquante à soixante-quatorze ans. Ce progrès est dû à la rencontre, d'une part, du volontarisme politique et, d'autre part, de la coordination et de la collaboration avec l'ensemble des départements, auxquels je veux rendre hommage.
Monsieur le sénateur, le temps de réponse qui m'est imparti ne me permet pas d'apporter plus de détails, mais sachez que c'est là un souci majeur du Gouvernement. Je pourrais y ajouter les éléments que j'ai déjà apportés tout à l'heure sur la prévention primaire, sur la prévention secondaire, de même que sur l'action d'éducation dans le domaine de la santé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, je n'engagerai pas de polémique avec vous pour déterminer s'il faut faire des difficultés rencontrées cet été une lecture sanitaire ou sociétale, car ce n'en est plus le moment. Nous avons chacun notre point de vue, l'un et l'autre sont nuancés et prennent en compte les deux perspectives.
Nous aurons à débattre de la question de la prévention lors de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique. Ma question aujourd'hui portait plus précisément sur la participation de l'Etat. Je prendrai l'exemple de mon département - car on connaît toujours mieux ce que l'on vit ! -, où ce sont essentiellement, la caisse de sécurité sociale, la Mutualité sociale agricole et le conseil général qui financent le programme de prévention du cancer du sein mis en place pour trois ans.
J'espère qu'à l'avenir vous individualiserez bien les crédits d'Etat dans chacun des secteurs auxquels vous souhaitez participer et que les collectivités ou les caisses ne seront pas contraintes d'intervenir dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Nous n'avons pas choisi le lieu de notre naissance ni ne choisirons celui de notre mort. De même, personne ne peut prévoir sa dernière heure ni l'état de santé qui la précédera. En effet, personne ne peut estimer si sa mort sera subite ou précédée d'un état de dépendance avancée.
Qui, aujourd'hui, peut assurer, dans notre société malade, que demain il pourra compter sur la présence d'un membre de sa famille ou d'un ami à ses côtés ?
L'évolution de l'espérance de vie est certes réjouissante, mais elle est aussi inquiétante.
On peut vivement regretter ce phénomène de société qui voit l'individualisme et l'égoïsme prendre le pas sur les valeurs humaines et familiales, qui devraient pourtant se révéler naturellement. Ce constat est particulièrement préoccupant : si l'homme a des pouvoirs dans la construction de routes ou la réalisation d'équipements, l'arrivée du handicap et de la dépendance lui échappe. Dès cet instant, l'accompagnement social n'est plus une simple prise en charge, mais s'exprime par une présence humaine indispensable : on ne s'occupe pas d'une personne fragilisée, handicapée ou malade, comme d'un robot ou d'une machine.
L'accompagnement humain n'est ni quantifiable ni mesurable : il est illimité. La dépendance doit être au coeur de nos préoccupations actuelles. Elle implique automatiquement que l'on a besoin de l'autre pour réaliser tout ou partie des actes de la vie quotidienne. Le défi est énorme, qu'il s'agisse de promouvoir le maintien à domicile ou l'accueil adapté, et ce quels que soient la dépendance et le handicap.
Les événements dramatiques de cet été nous ont tous sensibilisés à l'isolement dont certaines personnes âgées sont victimes. Cette situation de négligence, voire d'abandon familial, - et, monsieur le ministre, je rejoins totalement votre analyse et votre réponse -, risque malheureusement de se reproduire demain, que ce soit dans un contexte de canicule ou de tempête sibérienne. On peut le constater même dans nos campagnes, où des personnes âgées décèdent sans personne à leurs côtés.
A ce propos, je voudrais remercier et rendre hommage aux personnels hospitaliers, mais aussi aux associations départementales d'aide à domicile, qui jouent un rôle essentiel dans l'animation de notre vie sociale, sans oublier les nombreux bénévoles qui se dévouent dans l'ombre et sans bruit.
Construire une politique en faveur des personnes plus âgées ou handicapées, c'est aussi un état d'esprit, c'est une prise de conscience, c'est une présence essentielle, qui nous concernent tous sans exception.
En effet, la définition d'actions envers les personnes âgées, actions liées à l'augmentation de l'espérance de vie, nécessite une politique de prévention et de prise en charge de la dépendance la plus précoce possible. Assurément, le grand chantier de la lutte contre le cancer, au coeur duquel est placée la politique anti-tabac, engage résolument notre pays dans cette voie. Il est important de lancer des chantiers de santé publique afin de mieux répondre au vieillissement de notre société. Ne transformons pas cette chance de vivre plus âgé en un handicap durable !
A cet égard, monsieur le ministre, je voudrais saluer votre combat contre le cancer, marqué par la création de l'Institut national pour le cancer et par un budget qui a été multiplié par 10 en deux ans, passant de 5 millions d'euros en 2002 à plus de 50 millions d'euros en 2004. Cet objectif est essentiel si nous voulons apporter demain des réponses au vieillissement de la population.
Placer la question du handicap au coeur de la politique gouvernementale, c'est rendre à la personne handicapée sa dignité et « une partie de son autonomie ». La compensation du handicap doit concerner tous les aspects de la vie sociale afin de favoriser une meilleure intégration, non seulement citoyenne, mais aussi professionnelle.
Nous devons nous réjouir de la création de nouvelles maisons d'accueil spécialisées. Mais qu'en est-il des foyers d'accueil médicalisés, dont une grande partie ne bénéficie pas d'une enveloppe de soins suffisante ?
A ce sujet, membre pendant de très nombreuses années d'une des COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, je souhaite, monsieur le ministre, vous livrer mes interrogations sur le projet de décret engageant une réforme de ces commissions et la mise en place d'une commission unique de vingt-six membres.
Une telle commission est-elle-bien adaptée aux caractéristiques de l'entretien avec les personnes handicapées ? L'impérieuse nécessité d'un quorum ne risque-t-elle pas de se poser régulièrement ? S'achemine-t-on vers une réelle simplification administrative ? Je reste dubitatif.
Nous devons nous réjouir de la démarche au sein de laquelle, monsieur le ministre, s'inscrit votre gestion des politiques de santé et de solidarité, à savoir la maîtrise de l'emploi public en même temps que la recherche de l'amélioration et de la qualité du service. Toutefois, la gestion des personnels de santé nécessite une attention toute particulière, car l'accompagnement humain, qu'il soit offert à la dépendance ou à la maladie, constitue un appui précieux auquel on ne peut se dérober. Il faut rompre avec l'isolement et permettre une humanisation essentielle de nos structures de soin.
Cet objectif doit se traduire par la présence d'un personnel plus nombreux et plus qualifié pour répondre aux nécessités qui découlent des nouvelles formes de dépendance.
Le monde rural l'a démontré au cours de cet été, il porte en lui des ressources insoupçonnées ; mais la question du maintien au coeur de nos territoires de nos médecins de campagne et de nos infirmières se pose avec une acuité sans précédent.
Monsieur le ministre, j'espère que votre réponse pourra apaiser mes inquiétudes relatives au manque de personnels que l'on déplore dans nombre d'établissements ainsi qu'au projet de décret concernant la restructuration des COTOREP.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, s'agissant du financement des places nouvelles par l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, le Gouvernement a décidé de doubler les crédits de la tranche 2003 du plan pluriannuel de création de places pour adultes lourdement handicapés et d'y consacrer 70,12 millions d'euros, au lieu de 35,05 millions, afin de porter l'objectif total à 6 600 places nouvelles en maisons d'accueil spécialisées et en foyers d'accueil médicalisé. Le bilan des programmations régionales réalisé en septembre 2003 montre que plus de la moitié des places créées à cette date dans le cadre du plan l'avaient été dans des foyers d'accueil médicalisé.
En 2004, l'évolution de l'ONDAM permettra de poursuivre au même rythme qu'en 2003 la progression nécessaire de la création de nouvelles places.
En ce qui concerne le projet de fusion des deux sections des COTOREP, le décret, vous l'avez rappelé, est en cours de publication. Il s'agit d'appréhender la personne handicapée dans sa globalité pour que l'évaluation de la situation, l'élaboration de préconisations par l'équipe technique et les décisions prises par la commission intègrent toutes les dimensions nécessaires : orientation professionnelle, accompagnement médico-social et aide financière. Cela suppose une évolution du rôle de la commission, qui devra notamment mener un dialogue avec les équipes d'évaluation et porter à la fois un regard critique sur les parcours et une grande attention à l'effectivité des décisions prises. La commission pourra ainsi jouer un rôle plus stratégique et plus critique, et mieux garantir la qualité des décisions.
Quant au plan en faveur des personnes âgées, il prévoit des efforts très importants pour accroître le nombre de personnes et renforcer la médicalisation.
Monsieur le sénateur, des mesures en faveur de la formation sont également annoncées dans le plan, qui contribueront à pourvoir les postes créés. Il en va ainsi de la validation des acquis de l'expérience et de l'élargissement des modes d'accès aux formations qualifiantes.
Il faut enfin considérer que le plan adopté instaure une dynamique de renforcement de la médicalisation, la période 2004-2007 n'étant que la première phase d'un plan de recrutement des personnels nécessaires à la mise en oeuvre des mesures que je viens de détailler, plan qui doit se prolonger jusqu'en 2015. La formation des professionnels de santé en général est un point essentiel qu'il ne faut pas oublier.
Monsieur le sénateur, il y aurait encore beaucoup à dire sur les questions que vous avez posées avec, je crois, beaucoup d'humanité, en essayant d'englober l'ensemble des problèmes liés à la dépendance.
S'agissant tant du plan pour les personnes handicapées que du plan pour les personnes âgées, le Gouvernement veut que les personnes victimes d'une perte d'autonomie soient véritablement accompagnées pour pouvoir espérer mener une vie comme vous et moi. Car, vous l'avez souligné, nous ne choisissons ni le lieu de notre naissance ni, généralement, le lieu de notre mort, pas plus que nous ne choisissons la façon dont nous vieillissons et dont nous nous acheminons progressivement vers la fin de notre vie.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m'est imparti, mes propos se limiteront à la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
Le 4 septembre, la caisse des Français de l'étranger, la CFE, a fêté son vingt-cinquième anniversaire en présence d'une assistance nombreuse : administrateurs de la caisse, délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger, entreprises expatriatrices, assureurs partenaires de la caisse des Français de l'étranger, organismes liés à l'expatriation ou à la protection sociale, sans oublier nos ministères de tutelles : le ministère des affaires étrangères représenté par le secrétaire d'Etat, M. Renaud Muselier, le ministère des affaires sociales et le ministère du budget, représentés par des conseillers, les ministres étant alors à l'étranger.
Ce fut un moment réussi qui a permis de constater combien les prestations et les services rendus par la CFE étaient appréciés de l'ensemble des acteurs de la mobilité internationale, en particulier de nos entreprises qui envoient du personnel à l'étranger.
A cette occasion, j'ai, en tant que président du conseil d'administration de la caisse, exposé les nouveaux objectifs que nous fixions pour l'avenir afin qu'elle demeure incontournable pour nos expatriés, y compris pour les plus modestes d'entre eux, et qu'elle poursuive ainsi son engagement au service du développement de la présence française à l'étranger.
Toutefois, monsieur le ministre, les nouvelles mesures que le Gouvernement a déjà prises ou s'apprête à prendre pour tenter de limiter le déficit de l'assurance maladie vont avoir une incidence non négligeable sur la caisse des Français de l'étranger, qui, je vous le rappelle, est une caisse d'assurance volontaire soumise à la concurrence des compagnies privées d'assurance, mutuelles, etc.
Or, ces nouvelles mesures vont indéniablement entraîner une diminution de la couverture sociale de nos compatriotes expatriés adhérant à la CFE. Je pense en particulier à la baisse du taux de remboursement de certains médicaments, notamment des médicaments homéopathiques, à la suppression du remboursement pour 157 spécialités médicamenteuses, au forfait journalier hospitalier, qui va passer à 13 euros, à la limitation des cas d'exonération du ticket modérateur et, bien sûr, à l'instauration du tarif forfaitaire de remboursement qui limite les remboursements au prix des médicaments génériques.
Comment est-il possible que la CFE applique le tarif d'un médicament générique à des médicaments étrangers prescrits par des ordonnances rédigées en langue étrangère, d'autant qu'elle n'a pas forcément connaissance du médicament générique correspondant au médicament étranger prescrit et que l'on ne peut pas toujours distinguer à l'étranger entre médicaments d'origine et médicaments génériques quand ces derniers existent ?
J'ajoute qu'à l'étranger les actes médicaux ou les hospitalisations ne sont pas partout codifiés de la même façon. Pour une opération chirurgicale, on paie d'un côté l'hospitalisation en tant qu'hôtellerie et, de l'autre, on règle directement au médecin sa prestation chirurgicale, sans parler des médicaments que les patients doivent apporter eux-mêmes, par exemple en cas de dialyse, alors qu'en France tout est compris.
Aussi, s'il est normal et logique que ces nouvelles mesures s'appliquent à nos assurés pendant leurs séjours en France et pour les soins qu'ils y reçoivent, lorsqu'ils sont à l'étranger dans leur pays de résidence, il est pratiquement impossible de les mettre en oeuvre pour des raisons pratiques.
Cela va donc entraîner, monsieur le ministre, de graves difficultés pour la caisse des Français de l'étranger, qui se trouve dans une situation bien différente des caisses métropolitaines. Vous le savez, sa gestion est saine et rigoureuse, l'équilibre de ses comptes est positif depuis l'origine, son personnel est compétent et performant. Quant aux assurés, ils ont une attitude responsable et n'abusent ni des prestations, pour les petits soins par exemple, ni des arrêts de travail ou des indemnités journalières. Nous procédons en outre à des vérifications et à des contrôles réguliers auprès des adhérents afin d'éviter les fraudes.
J'ajoute que, bien que nous soyons dans un contexte concurrentiel et de volontariat, le nombre des assurés de la CFE est en hausse constante.
Pour répondre à leur attente, la CFE va donc poursuivre son activité dans le même sens et continuer à s'adapter aux problèmes complexes que rencontrent nos compatriotes, mais il s'agira cette fois pour elle d'une double adaptation puisqu'elle devra aussi s'adapter aux nouvelles mesures gouvernementales.
Parallèlement, la CFE va tout mettre en oeuvre pour tenter de modérer les surcoûts de cotisation qui ne manqueront pas d'être appliqués par les organismes d'assurance complémentaire en réponse à l'accroissement de la participation demandée aux assurés pour les frais médicaux qu'ils engagent et qu'ils voudront voir pris en charge par les caisses complémentaires. Ce sera d'autant plus nécessaire qu'en ce qui concerne les Français de l'étranger cette surcotisation ne sera pas totalement fondée.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, je souhaite qu'une information soit faite et que des instructions soient données, par les ministères des affaires sociales et de la santé, à leurs représentants au conseil d'administration de la CFE afin qu'ils ne se réfèrent pas systématiquement à une application stricto sensu de règles métropolitaines pour les mesures qui viennent d'être décidées ou qui vont l'être prochainement. En effet, si ces règles sont recevables dans un contexte franco-français, elles ne peuvent l'être dans un contexte international. Il ne faudrait pas que les représentants des ministères opposent aux délibérations et aux décisions des administrateurs de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger des avis négatifs se fondant sur les récents textes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur Cantegrit, je sais combien vous êtes attaché à la caisse des Français de l'étranger, dont nous avons eu l'occasion de discuter à différentes reprises, y compris en une occasion avec des Français de l'étranger venus vous rendre visite.
Je n'avais pas pu me rendre moi-même au vingt-cinquième anniversaire de la caisse des Français de l'étranger, étant au même moment à une conférence des ministres de la santé à Milan, mais un de mes conseillers a pris part à cet événement.
Vous mettez l'accent sur plusieurs questions importantes.
Je vais tenter d'y répondre en ayant conscience de la limite de l'exercice et en sachant qu'il nous faudra probablement trouver des solutions dérogatoires.
Le problème du tarif des remboursements de la caisse des Français de l'étranger ne peut être dissocié de la mise en oeuvre de la jurisprudence découlant des arrêts Kohl et Decker et des arrêts suivants de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a considérablement étendu les possibilités de remboursement des soins dont bénéficient les assurés français à l'étranger.
Dans ce cas, les soins sont remboursés sur la base d'un tarif identique à celui de soins qui auraient été dispensés en France.
Je sais que, s'agissant de l'hospitalisation, la base de remboursement est établie sur le tarif de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris moins 30 %, tarif suffisant pour la plupart des soins hospitaliers, à l'exception des soins dispensés aux Etats-Unis, où les coûts sont généralement supérieurs.
Vous m'indiquez qu'un certain nombre de mesures prises par le Gouvernement peuvent créer des difficultés à vos assurés. J'observe néanmoins, et sachez que je vous en remercie vivement, que vous soutenez ces mesures lorsqu'elles s'appliquent aux affiliés de la CFE pendant leurs séjours en France, et que le problème est donc plutôt leur transposition à l'étranger.
Les déremboursements, l'abaissement du taux de remboursement de certains produits de santé, des médicaments pour l'essentiel, diminuent-ils la couverture sociale des assurés de la CFE à l'étranger ?
Je rappelle que les déremboursements n'ont concerné qu'un très faible nombre de produits - 82 seulement - comparé à l'ensemble des produits disponibles et qu'il s'agissait de médicaments dont l'usage n'était plus souhaitable en France comme à l'étranger.
Quant à l'abaissement du taux de remboursement de 65 % à 35 %, il a concerné des médicaments que leur efficacité ne rend pas absolument indispensable. C'est le cas en particulier de l'homéopathie, qui est une spécificité française, et je m'interroge d'ailleurs sur la possiblité de recourir à l'homéopathie à l'étranger de manière aussi courante qu'en France.
Dans le même temps, de nouveaux produits plus modernes et plus efficaces ont fait leur apparition et ils ont été admis au remboursement pour un meilleur service rendu aux assurés.
S'agissant du forfait journalier hospitalier, sans reprendre les arguments que j'ai déjà développés dans cet hémicycle, je veux rappeler qu'il n'avait pas été augmenté depuis 1996 et que, par ailleurs, il existe dans un grand nombre de pays étrangers.
Quant au tarif forfaitaire de responsabilité, le TFR, il vise à développer dans notre pays l'utilisation des médicaments génériques. J'observe d'ailleurs que, depuis sa mise en oeuvre, contrairement à ce qui avait dit, la part des médicaments génériques continue de progresser de façon extraordinaire, mais je sais que les génériques sont d'usage peu courant dans certains pays.
Je conçois donc que l'ensemble de ces mesures puissent poser problème, mais mes services se tiennent prêts à étudier les propositions que la CFE voudra leur soumettre de façon à atténuer le sentiment d'inégalité ou d'iniquité qui pourrait apparaître chez les uns ou chez les autres.
La caisse des Français de l'étranger a vocation à assurer la couverture sociale de deux millions de nos compatriotes expatriés. Vous veillez sur elle avec attention, monsieur Cantegrit. Je puis vous dire que le Gouvernement y veille avec la même attention.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le ministre, la caisse des Français de l'étranger apprécie l'attention que vous-même, votre ministère et, plus largement, le Gouvernement, portent à la couverture sociale des Français de l'étranger, et particulièrement à la caisse des Français de l'étranger. Lorsque le nouveau conseil d'administration a été mis en place, tous ses membres ont beaucoup apprécié d'être reçus par vous.
Vous m'avez longuement et complètement répondu, et je vous en suis très reconnaissant, monsieur le ministre. Vous avez compris quel était le sens de mon intervention. Nous disposons de fonctionnaires de qualité qui émanent de votre ministère et des ministères du budget ou des affaires étrangères et siègent à notre conseil d'administration. Ce que je souhaite, c'est que, ayant devant eux le code de la sécurité sociale, ils ne s'y réfèrent pas trop stricto sensu. Vous avez cité des arrêts européens qui montrent la complexité de l'application de nos textes aux Français vivant à l'étranger. Il faut donc laisser une marge d'appréciation aux fonctionnaires pour que la CFE puisse continuer à couvrir nos compatriotes comme elle le fait actuellement.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne vous étonnerai pas en vous précisant que je partage l'appréciation négative portée sur le projet de loi de finances pour 2004 par mes collègues communistes de la commission des finances au cours de la discussion générale sur la première partie.
Dans la logique des politiques menées depuis deux ans, le présent projet de loi de finances décline pour l'essentiel de vieilles recettes qui ont pourtant fait la preuve de leur inefficacité, voire de leur nocivité, tant en termes de croissance que d'emploi.
Le projet de loi de finances pour 2004 est sans conteste un texte libéral, et même le budget « le plus libéral depuis le gouvernement de Jacques Chirac de 1986 », si l'on en croit le quotidien Les Echos.
Pour notre part, nous le considérons comme un texte dangereux, car il prend l'exact contre-pied des besoins sociaux du plus grand nombre de nos concitoyens au profit des plus nantis d'entre eux.
Dans le contexte général d'austérité budgétaire, les crédits consacrés à la solidarité affichent une progression de près de 2 %.
D'aucuns, satisfaits des orientations budgétaires retenues, félicitent le Gouvernement d'avoir su dégager les marges de manoeuvre nécessaires au financement de nouvelles priorités, telles que le plan de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion ou les actions en direction des personnes handicapées.
Plusieurs éléments viennent néanmoins relativiser cette habile présentation. Mis bout à bout, ils reflètent bien la vision négative de la solidarité nationale du Gouvernement, qui entend surtout se décharger de ses responsabilités sur les collectivités et sur le monde associatif.
En premier lieu, je rappellerai à la majorité sénatoriale les gels budgétaires passés, qui n'ont pas épargné, loin s'en faut, les crédits d'intervention en faveur des publics les plus fragiles. L'annulation, le 3 octobre dernier, de 5 millions d'euros des crédits inscrits au chapitre 46-35, consacrés aux interventions en faveur des personnes handicapées, en témoigne.
En second lieu, il convient de ne pas oublier que cet « effort », a priori consenti, est largement financé par des redéploiements, donc par une diminution des autres budgets, parmi lesquels celui du logement, qui enregistre une baisse de 8,8 %, au mépris de la pénurie de l'offre locative sociale et des aides à la personne, et celui de l'emploi, dans sa partie portant sur le traitement social du chômage, comme en témoignent les mesures relatives à la suppression après deux ans de l'ASS, l'allocation spécifique de solidarité.
Des économies sont également réalisées au détriment des populations précaires et au mépris du principe de l'égal accès aux soins et à la prévention ainsi que du droit à la santé. L'AME, l'association mairies emploi, est plus que jamais en sursis, comme vient de le rappeler mon collègue Guy Fischer.
Ce sont autant de restrictions des budgets sociaux qui ne sont pas sans inquiéter les associations travaillant dans le secteur social.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que quarante associations nationales, regroupées au sein du réseau Alerte, ont dénoncé, le 23 octobre dernier, « une accumulation de mesures régressives qui risquent de jeter dans la précarité les publics les plus fragiles », et qu'à cette occasion elles ont demandé au Gouvernement la traduction explicite, dans le budget 2004, de l'exclusion comme priorité nationale ?
Le Gouvernement va pourtant à rebours de ces exigences. Il pénalise les assurés sociaux, comme nous venons de le constater à travers le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Par sa réforme du RMI et la création du RMA, il stigmatise, sous couvert de « responsabilisation », les chômeurs de longue durée qui se « seraient installés dans l'assistance ».
Tel est aussi le sens réel du budget pour 2004.
En dernier lieu, pour apprécier à leur juste mesure les crédits solidarité, il convient, mes chers collègues, de regarder plus en détail les crédits consacrés à l'aide aux adultes handicapés, l'AAH, premier minimum social à la charge de l'Etat.
Là encore, le décalage est grand entre le souci du Président de la République de faire de la cause des personnes handicapées une priorité nationale et la réalité.
Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées a ainsi indiqué fort justement devant la commission des affaires sociales que « la croissance moyenne du nombre de bénéficiaires de l'AAH avait été de 6 % par an, entre 1995 et 2002 ». Or, pour 2004, la dotation de 4,7 milliards d'euros n'est en hausse que de 1,9 % contre 2,2 % initialement en 2003. Le Gouvernement ne prend pas en compte la forte demande en faveur d'un relèvement substantiel du montant de l'AAH émanant d'un grand nombre d'associations, qui souhaitent en outre son indexation sur l'évolution des salaires moyens, mais, de surcroît, il sous-évalue la progression du nombre de bénéficiaires.
Les conditions sont réunies pour que demain, pour des raisons étroitement budgétaires, le Gouvernement « grignote », pour ne pas dire remette en cause, les conditions même d'attribution de l'allocation.
De deux choses l'une : ou ce gouvernement est particulièrement imprévoyant, ce que je ne crois pas, puisqu'il explique la forte croissance des bénéficiaires « par l'évolution de la catégorie des personnes ayant un taux d'incapacité entre 50 % et 80 % et auxquelles on octroie l'AAH car elles n'ont pas d'emploi », ou, en conscience, il fait le choix de faire l'impasse sur la réalité des besoins - qui iront forcément croissants, avec l'envolée des chiffres du chômage qui ne manquera pas de toucher de plein fouet, nous le savons, les personnes handicapées au regard de l'emploi - parce que, dès aujourd'hui, il prépare une réforme de fond de l'AAH.
Ma question est simple : que cachent ces crédits en trompe-l'oeil ? Serait-ce une remise en cause de l'AAH ?
J'attends donc des précisions sur les intentions du Gouvernement quant au devenir de cette prestation dans la future réforme.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Madame Demessine, je ne reviendrai pas sur vos accusations générales. C'est en tant que secrétaire d'Etat aux personnes handicapées que je vous réponds, et je trouve que les qualificatifs de « libéral » et de « dangereux » ne sont pas du tout adaptés à un projet de budget qui, vous le savez, est en progression pour la seconde année. Nous avons fait des progrès importants, et je suis fière des budgets 2003 et 2004, même si, comme je dis dans chacune de mes interventions, il y a encore énormément à faire.
Nous avons un retard de plusieurs décennies dans ce domaine, mais, contrairement à vous, je ne « politise » pas du tout. Je n'ai qu'un souci : assurer une meilleure intégration des personnes handicapées dans notre société.
Nous sommes sur le bon chemin : deux bons budgets et l'année 2004 sera aussi celle de la nouvelle loi sur le handicap qui nous permettra, je le sais, de passer à la vitesse supérieure.
Vous m'avez posé une question précise sur le devenir de l'allocation aux adultes handicapés, madame Demessine. Je crois avoir déjà répondu tout à l'heure à M. Paul Blanc s'agissant de la progression des crédits affectés à cette allocation. J'ajouterai seulement que le Gouvernement a le souci de faire en sorte, cette année et les années à venir, que l'allocation aux adultes handicapés s'adresse bien aux personnes handicapées, et non pas à des personnes simplement privées d'emploi.
Il me semble donc nécessaire de clarifier les choses en matière d'allocations, afin que leur attribution corresponde bien à leur finalité initiale. D'autres aides sont prévues au profit des demandeurs d'emploi, et je serai pour ma part extrêmement attentive à ce que le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés soit réservé aux personnes handicapées.
L'AAH est aujourd'hui la ressource principale de plus de 760 000 personnes. Au taux plein, son montant est actuellement de 577,92 euros par mois. Les principales critiques dont elle est l'objet ont trait à son insuffisance et au fait qu'elle n'incite guère au travail. A mes yeux, elle est surtout complexe et ambiguë, et la situation mérite, là encore, d'être clarifiée.
En effet, qu'est-ce que l'allocation aux adultes handicapés aujourd'hui ? C'est à la fois un revenu d'existence et la compensation d'un handicap.
Je veux d'abord simplifier les modalités de son calcul pour qu'elles soient compréhensibles par tous.
En outre, dans le projet de loi sur le handicap qui sera discuté en 2004, l'allocation aux adultes handicapés sera définie comme une ressource d'existence, une ressource de base.
Parallèlement, après une évaluation personnalisée du handicap, une allocation de compensation sera allouée, qui recouvrira des aides humaines, des aides techniques, des aides au logement et des aides diverses, en fonction des personnes et des cas.
Enfin, au travers de l'élaboration de la future loi sur le handicap, nous ferons en sorte que l'allocation aux adultes handicapés incite davantage au travail qu'elle ne le fait aujourd'hui. Il ne faut plus que les personnes handicapées puissent continuer de penser demain qu'elles n'ont pas intérêt à travailler, parce qu'elles risqueraient alors de perdre le bénéfice de l'AAH.
Le travail représente évidemment, pour toutes les personnes handicapées qui peuvent travailler, un mieux, un plus. Il leur permet de s'insérer dans la société, d'y trouver leur utilité, comme chacun d'entre nous. Il faut donc que demain le cumul de l'allocation aux adultes handicapés et d'un revenu d'activité soit intéressant pour les personnes concernées. Nous avancerons dans ce domaine des propositions très précises pour inciter chaque personne handicapée qui le peut à travailler, ne serait-ce qu'à temps très partiel. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Madame la secrétaire d'Etat, je ne déplore bien sûr absolument pas l'augmentation, fût-elle très modeste, des crédits budgétaires consacrés aux personnes handicapées. Je regrette seulement qu'elle intervienne au détriment d'autres politiques sociales et qu'il ne s'agisse que d'un redéploiement.
Par ailleurs, j'ai bien entendu la réponse que vous nous avez faite sur la question de l'AAH. Dans le cadre de la future réforme, l'AAH sera donc définie à la fois comme un revenu d'existence et une compensation du handicap.
A cet égard, je souhaite que la compensation du handicap vienne s'ajouter au revenu d'existence, dont le niveau actuel est trop faible et mérite d'être revu. On pourrait alors dire que l'AAH n'est pas menacée, mais sera au contraire améliorée.
En revanche, s'il s'agit de partager ce qui existe déjà et se révèle insuffisant, je ne crois pas que le monde des personnes handicapées pourra formuler un jugement positif sur votre projet de loi.
En tout état de cause, je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat. Nous en débattrons avec les personnes handicapées elles-mêmes, avant que vous ne présentiez votre texte en conseil des ministres puis au Parlement.
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le FIMHO, a été créé par la loi de finances de 1998 afin d'apporter aux établissements de santé sous dotation globale une aide de l'Etat destinée à permettre la réalisation d'opérations de restructuration hospitalière.
De l'avis général, ce fonds a fonctionné de manière peu satisfaisante : sa gestion était trop lourde et centralisée, les opérations retenues n'étaient financées qu'au terme d'une longue procédure et selon des critères restrictifs.
Les autorisations de programme de ce fonds ont donné lieu à une bonne consommation des crédits jusqu'en 2001, année où ils ont été utilisés à hauteur de 80 %. En 2002, ce sont seulement 17,6 % des crédits ouverts au titre des autorisations de programme qui ont été consommés. La suppression du FIMHO a été décidée l'an dernier. La loi de finances de 2003 n'a ouvert aucune autorisation de programme nouvelle, une simple dotation résiduelle en crédits de paiement étant maintenue, afin de couvrir les engagements contractés. Ce processus n'ira même pas jusqu'à son terme, puisque l'assurance maladie est censée prendre le relais.
Les engagements pris par l'Etat vont ainsi être couverts par des crédits provenant de l'assurance maladie, ce qui est tout de même surprenant.
De la même façon, aucune autorisation de programme ne sera ouverte en 2004 au titre de l'aide aux investissements dans les établissements sanitaires. Seulement 11 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au projet de budget pour 2004, probablement en vue de solder des opérations déjà engagées.
L'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoit que, sur 300 millions d'euros de dotations de l'assurance maladie au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés pour le financement du plan « Hôpital 2007 », 20 millions d'euros proviendront des chapitres 66-11 et 66-12, respectivement dotés, en 2003, de 15,21 millions d'euros et de 15,25 millions d'euros de crédits de paiement.
Afin de mettre en oeuvre le plan « Hôpital 2007 », le Gouvernement a pris des dispositions juridiques nouvelles permettant d'externaliser la réalisation de certaines opérations. Il a, en effet, supprimé le chapitre 66-12 et, pour l'essentiel, le chapitre 66-11, et réformé l'investissement hospitalier par voie d'ordonnances, notamment par celle du 4 septembre 2003.
Le montant total des investissements susceptibles d'être retenus au titre du plan « Hôpital 2007 » s'établit à 10,2 milliards d'euros pour 937 opérations, comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission.
Sur ces 10,2 milliards d'euros, 4,2 milliards d'euros seraient apportés par les acteurs de l'hospitalisation, grâce aux excédents qu'ils auront dégagés. De quels excédents s'agit-il ? pourrait-on se demander. Sauf par le biais d'une augmentation du prix de journée des hôpitaux, on voit mal comment ceux-ci, exsangues, pourraient dégager des excédents. Si des établissements se trouvent en mesure d'investir, on peut alors se demander ce que deviendront les autres.
Les 6 milliards d'euros restants devraient, semble-t-il, être à la charge de l'Etat. Or, de 2003 à 2007, cela représente 1,2 milliard d'euros en moyenne par an, mais, pour l'année 2003, le montant investi est de un milliard d'euros, composé notamment de 300 millions d'euros d'aide en capital pour tous les établissements, et non pas seulement pour les établissements bénéficiaires du plan « Hôpital 2007 », et de 70 millions d'euros d'aide au fonctionnement pour les établissements sous dotation globale. Or, 300 millions d'euros auxquels s'ajoutent 70 millions d'euros en font 370, me direz-vous. Effectivement, 700 millions d'euros correspondent au montant total des emprunts contractés par les hôpitaux pour financer l'investissement ; sachant que la somme de 70 millions d'euros en représente le remboursement annuel, si l'on suit votre logique, la part des fonds sociaux dans le financement des investissements atteindra à terme 100 %. En externalisant la réalisation des opérations et en en confiant le suivi à l'assurance maladie, l'Etat ouvre la voie à son désengagement en matière de santé publique.
En effet, après avoir divisé le montant des autorisations de programme par cinq et demi en 2003, le Gouvernement les divise par deux pour 2004, et transfère peu à peu la charge des investissements hospitaliers à d'autres sources de financement. L'Etat abandonne l'effort d'investissement au titre du plan « Hôpital 2007 » à ses partenaires publics. L'assurance maladie est à l'agonie, mais on lui laisse assumer la plupart des investissements hospitaliers. Les hôpitaux publics sont, comme le titrait en fin de semaine dernière un grand journal du soir, « au bord de la rupture », mais ils doivent financer l'effort d'investissement prévu par le plan « Hôpital 2007 ».
Monsieur le ministre, l'Etat, qui était jusqu'alors, malgré des dysfonctionnements, garant de l'égalité d'accès aux soins, garant aussi de la qualité des soins sur le territoire national, a-t-il encore un avenir dans votre vision de la gestion hospitalière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez tenté de résumer, conformément à votre vision des choses, la situation de l'hôpital en matière de fonctionnement et d'investissement.
Je rappellerai que, ces dernières années, l'hôpital investissait 2,7 milliards d'euros par an, dont 1,6 milliard d'euros de crédits d'entretien et 1,1 milliard d'euros consacrés à des projets nouveaux, notamment de construction et de réhabilitation.
Manifestement - vous l'avez dit vous-même et je vous remercie de votre objectivité sur ce point -, le FIMHO n'a pas fonctionné de façon satisfaisante. Malheureusement, en raison des lourdeurs de l'Etat, les crédits alloués à ce fonds n'ont pu être utilisés correctement.
Au regard de ce constat, qu'avons-nous décidé ? Nous avons voulu que, en cinq ans, notre pays retrouve un parc hospitalier décent et moderne.
En effet, si de nombreux hôpitaux ont été construits dans les années soixante-dix et, dans une moindre mesure, dans les années quatre-vingt, le rythme des réalisations s'est nettement ralenti par la suite et l'entretien a été parfois insuffisant. Nous avons donc décidé d'engager un effort d'investissement de 6 milliards d'euros sur cinq ans, entièrement à la charge de l'Etat, par le biais de l'assurance maladie. Vous avez d'ailleurs parfaitement résumé quelle serait la ventilation de ces crédits, monsieur le sénateur : 300 millions d'euros de subventions seront attribués chaque année, ainsi que 70 millions d'euros au titre du groupe IV pour permettre le remboursement de la dette.
Vous vous êtes par ailleurs interrogé sur la provenance des 4,2 milliards d'euros supplémentaires prévus au titre du plan « Hôpital 2007 ». A vrai dire, nous ne les attendions pas. Nous avions prévu 6 milliards d'euros de crédits, mais, quand les budgets prévisionnels ont été établis, à hauteur de 10,2 milliards d'euros, les agences régionales de l'hospitalisation, interrogées, nous ont fait savoir qu'elles disposaient d'une capacité d'autofinancement et d'emprunt qui leur permettait de porter l'effort au niveau souhaité. Les responsables des ARH ont ajouté que les subventions de l'Etat représenteraient ainsi 60 % du total du programme, alors que jamais le taux de financement des programmes publics par les subventions n'avait auparavant dépassé 15 %.
En outre, s'agissant du rôle de l'Etat, permettez-moi de vous dire que, au-delà des bâtiments, ce qui est vraiment important, c'est le personnel qui anime et fait vivre l'hôpital, qui assume la mission hospitalière. Or cette fonction publique hospitalière est sous la tutelle directe de l'Etat. Il conviendra d'ailleurs de discuter de son organisation future : faut-il continuer à séparer l'hôpital et le secteur ambulatoire ? Nous verrons bien. En tout état de cause, pour le moment, les hôpitaux relèvent directement de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, qui est placée sous mon autorité.
L'Etat était confronté à un défi, qu'il a dû relever. Permettez-moi de vous dire, monsieur Krattinger, qu'il faut quelquefois être un peu plus souple dans ses raisonnements : l'assurance maladie, c'est l'argent des Français destiné aux soins, et je ne trouve pas du tout indécent que cet argent contribue également au financement de la construction des lieux de soin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le ministre, je vous remercie de la sincérité de votre réponse. Vous avez confirmé que c'était bien l'assurance maladie qui financerait intégralement le plan « Hôpital 2007 ».
Cela étant, votre réponse ne me satisfait pas complètement.
Ainsi, dans mon département, la Haute-Saône, la création de l'hôpital départemental unique sera financée presque exclusivement par le biais d'emprunts, qui seront ensuite remboursés grâce à l'augmentation du prix de journée.
En effet, pour une opération dont le coût total est estimé à un peu plus de 118 millions d'euros, le plan « Hôpital 2007 » prévoit une subvention de zéro euro en 2003, de zéro euro en 2004, de 1,8 million d'euros en 2005, de 2,3 millions d'euros en 2006 et de 2,1 millions d'euros en 2007, ce qui fait 6,2 millions d'euros de subventions de l'Etat, soit 5,2 % de l'ensemble des dépenses, selon l'agence régionale de l'hospitalisation de Franche-Comté.
Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas complètement rassuré. Vous avez lancé à grand renfort de publicité ce plan « Hôpital 2007 ». En réalité, celui-ci ne bénéficie d'aucun crédit nouveau, mais fait seulement l'objet d'une mobilisation de fonds provenant de l'assurance maladie, laquelle est dans l'état de santé financière que nous savons. L'assurance maladie, pour tenir ses engagements, devra donc trouver des ressources nouvelles. Pis encore, ce recours à l'assurance maladie vous a permis de faire des économies sur les investissements de l'Etat.
Dans les circonstances actuelles, avec une sécurité sociale en grande difficulté, comme vous l'avez vous-même reconnu devant la commission des affaires sociales, et des hôpitaux qui s'essoufflent, le résultat est plus que prévisible : une hausse inexorable des coûts des soins hospitaliers - vous aurez du mal à soutenir le contraire -, avec, à terme, la fin de l'égalité d'accès aux soins, avant la privatisation partielle, pour équilibrer le tout, de l'assurance maladie.
M. Jean-François Mattei, ministre. Il ne manquait plus que ça !
M. Jean Chérioux. C'est l'Apocalypse !
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Je voudrais situer mon propos de ce matin dans le prolongement de ceux que j'ai tenus lors de la discussion de l'article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
En effet, depuis les ordonnances de 1996 qui organisent, notamment, la régulation des dépenses de santé, nous avons toujours le même débat relatif à la maîtrise de ces dernières. Dès lors qu'il y a maîtrise des dépenses de santé, elle est obligatoirement comptable. Toutefois, sa médicalisation est délicate. Bien des dispositifs ont déjà été mis en place à cette fin, parmi lesquels, en particulier, les RMO, les références médicales opposables, et le SMR, le service médical rendu.
A cet égard, l'adoption de l'article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a constitué une décision politique essentielle. Vous avez voulu, monsieur le ministre, donner à la loi toute la force que les circulaires n'avaient pas. Désormais, lorsque des soins seront dispensés à des patients atteints d'une affection de longue durée, ou ALD, le médecin traitant et le médecin conseil établiront conjointement un protocole de diagnostic et de soins.
Jusqu'à présent, on constatait une multiplicité de demandes pour un même patient, sur l'initiative de différents intervenants, d'où une multiplicité de protocoles thérapeutiques, une absence de coordination médicale, un manque de transfert d'informations entre des intervenants qui d'ailleurs ne se connaissent pas, ainsi, évidemment, qu'une aggravation du « nomadisme médical ».
S'agissant du contexte thérapeutique, décisionnel ou de suivi, le fameux PIRES, le protocole interrégimes d'examen spécial, s'avère simpliste, peu précis, incomplet ; ce n'est pas un dossier médical. De plus, il n'engage pas les médecins hospitaliers, pas toujours identifiés, en termes de respect des règles de prescription. Pour chacune des pathologies, il ne comporte pas la totalité des critères médicaux de diagnostic, de suivi, de traitement. Le référentiel décisionnel reste imparfait, les recommandations n'ont pas de caractère d'opposabilité. On comprend que tous ces éléments n'aient pas à ce jour permis l'application de la maîtrise médicale des dépenses de santé, s'agissant notamment de la prise en charge des ALD.
Dorénavant, on peut espérer une meilleure coordination des soins au sein d'un groupement de professionnels complémentaires. On peut espérer un développement de la circulation de l'ensemble de l'information médicale. On peut espérer l'engagement et la responsabilisation des patients dans le processus thérapeutique.
En ce qui concerne l'article 31 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, monsieur le ministre, vous avez indiqué que les modalités de la mise en oeuvre du dispositif seront fixées par décret. En effet, l'établissement de ce protocole constitue un préalable indispensable, d'une part, à la maîtrise des coûts, et, d'autre part, à la qualité des soins en matière d'ALD. Pour ma part, je m'étais félicité de la place prépondérante que semblaient prendre le contrôle médical et les médecins-conseils dans ce dispositif.
Je voudrais évoquer, monsieur le ministre, un récent rapport de l'IGAS, le rapport Gissler, d'octobre 2003, qui conteste les missions actuelles du service médical et, surtout, la répartition quantitative des activités des praticiens-conseils entre leurs différentes missions. Cette répartition a conduit à réduire le temps consacré aux avis individuels sur les demandes de prestation, et ce depuis bien des années. On pourrait expliquer en partie la dérive constatée - et la Cour des comptes s'y attarde -, relative aux dépenses d'indemnités journalières et aux dépenses liées aux ALD.
Monsieur le ministre, l'ordonnance du 24 avril 1996 fait du service médical des caisses un acteur majeur de la maîtrise médicalisée des dépenses de soins reconnu par l'assurance maladie. Par ailleurs, je constate que le Conseil national de l'ordre des médecins insiste sur la confraternité entre médecins traitants et médecins-conseils. Il préconise un contrôle médical mieux informé, des dossiers médicaux lui permettant d'être acteur efficace de la maîtrise médicalisée en pratiquant plus de conseils que de répression, en ayant les moyens de la responsabilisation des patients. L'établissement de meilleurs protocoles pour les ALD serait souhaitable et urgent.
Enfin, les parlementaires doivent-ils cautionner les objectifs régionaux édictés par la Caisse nationale d'assurance maladie ou mettre en avant les recommandations du rapport Gissler, qui les contredisent ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Avant de répondre à M. Leclerc, je vous précise, monsieur Krattinger, que je m'assurerai qu'il n'y a aucune subvention complémentaire, puisque c'est ce que vous prétendez.
Monsieur Leclerc, qu'avons-nous voulu faire sur les affections de longue durée, à l'article 31, et sur les arrêts de travail, à l'article 34 bis ?
S'agissant des ALD, ces dépenses représentent près de la moitié des dépenses totales d'assurance maladie. C'est normal parce qu'elles correspondent aux soins les plus coûteux et il n'est pas question de diminuer la prise en charge de ces patients.
Il faut clarifier le cadre juridique et pratique des ALD. Il y a déjà un « protocole de soins », qui définit clairement le périmètre des soins pris en charge à 100 %. Mais il n'est pas toujours bien respecté, à la fois parce qu'il n'est pas assez précis et que personne ne se sent juridiquement tenu de le respecter.
J'ai donc souhaité renforcer ce document établi conjointement entre le médecin traitant et le médecin-conseil. Il s'agit que le patient comme le praticien à l'origine du PIRES et le médecin-conseil connaissent précisément le périmètre des soins pris intégralement en charge et que les recommandations du Haut Comité médical de la sécurité sociale - qui définissent le seuil de gravité ouvrant droit à l'exonération - soient parfaitement transparentes et opposables, y compris pour le patient.
Bien entendu, le vote de l'article 31 nécessitera, en conséquence, de modifier les textes réglementaires.
Il s'agira, d'abord, de modifier l'article R. 324-1 du code de la sécurité sociale, qui devra supprimer la mention actuelle selon laquelle c'est le règlement intérieur des caisses qui fixe les conditions dans lesquelles doit intervenir l'examen susceptible d'ouvrir droit à la prise en charge à 100 % : c'est le décret qui fixera désormais ces conditions, et notamment les principes généraux de l'exonération, de même que les voies de recours pour l'assuré qui contestera la décision de la caisse.
Il s'agira, ensuite, de modifier l'article D. 322-1 du code de la sécurité sociale, qui précisera qu'en annexe de chaque pathologie exonérante figureront les recommandations du Haut comité de la sécurité sociale précisant les conditions médicales d'exonération, ainsi que, le cas échéant, le rythme de révision des protocoles de soins.
Il s'agira, enfin, de modifier l'arrêté modifiant l'imprimé PIRES actuel : cet imprimé doit être plus précis et doit être le support d'un véritable accord du médecin traitant et du médecin-conseil sur la nature des soins pris en charge à 100 %.
J'ajoute, enfin, qu'il faudra, à terme, informatiser le PIRES, de façon à l'actualiser en routine et à en faire un instrument plus facilement modifiable et une véritable navette entre médecin-conseil et médecin traitant.
Concernant les arrêts de travail, même si elles ne mettent pas en évidence de phénomène explicatif, les premières conclusions du rapport IGF-IGAS montrent une augmentation forte des indemnités journalières - 10,1 % en 2002 - et des disparités géographiques anormales, variant de 1 à près de 2,5.
Il appartient déjà au service du contrôle médical de « constater les abus en matière (...) de prescription d'arrêt de travail », aux termes du II de l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale. J'ai souhaité que puisse être mis en oeuvre par les caisses, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, un renforcement des procédures de contrôle tant à l'égard des professionnels que des patients. Ce n'est pas une question de moyens, c'est une question de priorité à mettre en oeuvre dans la politique de gestion du risque : d'abord, en vérifiant la justification médicale de l'arrêt de travail chaque fois qu'il existe de bonnes raisons de penser qu'il y a versement injustifié d'indemnités journalières ; ensuite, en mettant sous surveillance les prescripteurs atypiques d'indemnités journalières, de façon à examiner les mauvaises pratiques de prescription et à progressivement les corriger. Il s'agit simplement d'être attentif à la juste utilisation des fonds publics. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Madame le secrétaire d'Etat, le budget relatif aux personnes handicapées augmente de 3,2 % dans un contexte budgétaire très complexe, démontrant ainsi l'attachement très fort du Gouvernement et du Président de la République à la cause du handicap.
Certes, la loi de 1975, voulue par Jacques Chirac, alors Premier ministre, était volontariste et courageuse. Mais, depuis, aucune réforme d'envergure n'est venue compléter ces dispositions, et la France a pris du retard dans plusieurs domaines. Il s'agit notamment de l'accueil des jeunes enfants handicapés en milieu ordinaire, du droit au travail, de l'accès à la culture et au sport, de la mobilité urbaine et des soins à domicile ou en établissement.
Dès 2003, des moyens importants ont été engagés par l'Etat et l'assurance maladie pour répondre aux besoins des personnes handicapées et aux attentes légitimes de leur famille.
Le projet de budget pour 2004 apporte de nouvelles réponses. Madame le secrétaire d'Etat, vous avez d'ores et déjà inscrit les crédits nécessaires afin de créer 1 014 postes d'auxiliaires de vie, 3 000 places supplémentaires en centres d'aide par le travail, CAT, et de financer trente sites de vie autonome.
Cela représente, pour les centres d'aide par le travail, un doublement de leur rythme de progression annuelle, portant à près de 100 000 le nombre de places. Plus largement, entre juin 2002 et janvier 2003, la France sera passée de moins de 3 000 à environ 5 000 auxiliaires de vie sociale : c'est un vrai progrès de la solidarité nationale. De nouvelles places en maisons d'accueil spécialisé, les MAS, et en foyers d'accueil médicalisé, les FAM, vont également être créées.
En outre, madame le secrétaire d'Etat, vous avez annoncé que le projet de loi relatif aux droits des personnes handicapées, qui sera discuté au Parlement en 2004, contiendra des dispositions très précises en matière de compensation des conséquences du handicap. L'attente des personnes handicapées sur ce sujet est très forte, mais nous connaissons votre volonté et celle du Gouvernement.
Aujourd'hui, vous me permettrez de vous interroger sur les perspectives concernant les places en établissements.
Chaque fois que cela est possible et souhaité, il importe de favoriser le maintien des personnes handicapées dans leur lieu de vie habituel et d'assurer la continuité de leur prise en charge. Mais il peut arriver que la lourdeur du handicap et des incapacités induites ne permettent pas l'autonomie nécessaire à une vie à domicile. Les institutions spécialisées constituent, dans ce cas, la réponse la plus adaptée aux besoins de ces personnes.
Or de nombreux problèmes demeurent concernant l'offre de places en établissements.
Tout d'abord, fort heureusement, les personnes handicapées vivent de plus en plus tard. Mais la dépendance augmente avec le vieillissement. Trop peu de structures existent à l'heure actuelle pour accueillir les personnes handicapées vieillissantes.
En outre, de nombreux jeunes adultes restent dans les instituts médico-éducatifs faute de place dans les établissements spécialisés. Des jeunes de vingt-cinq ans bloquent ainsi, bien involontairement, les structures d'accueil pour enfants.
Par ailleurs, les lieux d'accueil à temps partiel, même si vous avez beaucoup oeuvré pour les développer, restent encore insuffisants.
Enfin, l'offre d'accueil est inégale selon les régions. Au handicap vient s'ajouter en effet l'éloignement, lorsque les familles ne trouvent des structures que dans d'autres départements. La solitude face à la gestion quotidienne du handicap dans des domiciles inadaptés et la nécessité pour l'un des parents d'abandonner son activité professionnelle alourdissent encore les conséquences du handicap.
Si vous me le permettez, j'évoquerai le cas de mon département, le Val-d'Oise.
Les chiffres de 2002 communiqués par la préfecture indiquent notamment que 408 enfants et adolescents handicapés sont en attente de places, 124 sont maintenus tant bien que mal à domicile et 172 sont scolarisés à temps partiel lorsque cela est possible. Seuls 112 enfants et adolescents sont accueillis en établissements spécialisés, où résident de nombreux jeunes adultes qui devraient être dans des structures adaptées à leur âge. Le fait que 600 jeunes Val-d'Oisiens soient désormais placés hors département, sachant ce que cela implique comme sacrifices pour leurs familles, parle de lui-même.
Concernant les adultes handicapés, le recensement des besoins est attendu depuis 1998 et nous n'avons aucun chiffre officiel.
La DDASS se voit contrainte d'avouer son impuissance lorsque les agréments sur des projets de création de places supplémentaires sont obtenus mais non suivis de crédits. Les 256 places annoncées pour 2006, financées par le département et la région, couvriront à peine la moitié des besoins.
Madame le secrétaire d'Etat, il vous incombe la lourde responsabilité de rendre notre société un peu plus solidaire, de faire en sorte que ce soit elle qui s'adapte, afin que le handicap soit mieux soulagé. Nous savons pouvoir compter sur vous.
Aussi, j'aimerais connaître les mesures que vous entendez mettre en oeuvre afin de poursuivre votre action contre la pénurie de places en établissements en faveur des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Madame Olin, je vous remercie d'avoir noté l'effort fait par le Gouvernement en dix-huit mois. Depuis la loi fondatrice de 1975, il y a eu la loi de 1987 - M. Chirac était alors Premier ministre -, qui me paraît importante en matière d'emploi des personnes handicapées.
Comme vous l'avez dit, il y avait 25 000 places en maisons d'accueil spécialisé au 31 décembre 2002. En deux ans, nous avons augmenté le nombre de places de l'ordre de 20 %, ce qui est considérable. En effet, nous avons créé 2 200 places par an, soit 4 400 places.
En ce qui concerne les CAT, nous avons créé 3 000 places en 2003. Nous en créerons également 3 000 en 2004. Si mes renseignements sont bons, il manquait, lorsque nous sommes arrivés au gouvernement, 15 000 places en CAT. Si nous poursuivons après 2004 l'effort entamé en 2003, la liste d'attente à l'entrée des CAT sera résorbée en cinq ans, pendant le quinquennat, d'autant que nous menons parallèlement d'autres politiques comme celle qui vise à mieux insérer un plus grand nombre de personnes handicapées en milieu de travail ordinaire.
Cela étant dit, vous l'avez noté, le retard est lourd et des problèmes importants subsistent sur de nombreux points.
S'agissant du problème soulevé par l'amendement Creton, maintes fois évoqué, y compris ce matin - les personnes handicapées adultes bloquent des places en instituts médico-éducatifs, les IME -, la politique du Gouvernement visant à augmenter le nombre de places dans les établissements va dans le sens de la résorption au plus vite des listes d'attente.
Par ailleurs, l'accueil temporaire est absolument essentiel. En effet, encore aujourd'hui, au xxie siècle, plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers de personnes lourdement handicapées, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes, sont à la charge de leurs familles vingt-quatre heures sur vingt-quatre, 365 jours par an. Cet accueil temporaire commence à se développer. Nous avons voulu le conforter par un décret, qui est à la signature. Il faudra, dans les années à venir, développer partout des accueils temporaires pour soulager les familles le temps d'un week-end ou, mieux, pendant des vacances.
Le problème des personnes handicapées vieillissantes est un problème nouveau, et c'est heureux, si je puis dire, puisqu'il montre que l'espérance de vie de ces personnes augmente considérablement. Pour m'être fréquemment déplacée sur le terrain, je dirai que ce problème n'appelle pas une réponse unique. Il appartient aux associations et aux DDASS d'innover et d'apporter la réponse la plus appropriée en fonction du contexte : cela peut être quelques places dans une maison de retraite, une annexe à un CAT pour des personnes qui y travaillent et qui commencent à vieillir, mais cela peut être aussi la création d'établissements pour personnes handicapées vieillissantes. Beaucoup reste à faire en ce domaine.
Enfin, vous avez relevé les inégalités entre les régions. C'est un fait, c'est le fruit de l'histoire. Ainsi, les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nord - Pas-de-Calais et Languedoc-Roussillon ainsi que la région d'Ile-de-France sont manifestement en retard par rapport aux autres régions. C'est pourquoi, dès 2003, j'ai veillé, dans un souci de justice, à apporter des réponses inégalitaires.
En ce qui concerne le Val-d'Oise, madame Olin, 312 places - toutes catégories d'établissements confondues - ont été créées en 2003. Par rapport aux 3 146 places créées à l'échelon national, cela signifie que 10 % des places nouvelles concernent le Val-d'Oise. Vous en conviendrez, c'est un effort important, nouveau, même si, je le reconnais, il est encore insuffisant et devra être poursuivi.
En outre, ont été créés, par le ministère de l'éducation nationale, 91 postes d'auxiliaire de vie scolaire. Dans votre département, comme dans la plupart des autres départements, la rentrée des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire s'est à peu près bien déroulée, pour la première fois depuis longtemps.
J'ignore d'où vous tirez la création de 256 places d'ici à 2006 car, à ma connaissance, les DRASS indiquent le chiffre chaque année.
Avec la réforme de la loi de 1975 et la nouvelle loi de 2004, un contenu sera enfin donné au droit à la compensation. Cette compensation sera individuelle, comme je l'ai déjà dit antérieurement, mais elle se traduira aussi par la création de nouvelles places en établissements. J'ose espérer que, grâce à la solidarité nationale et à cette nouvelle loi, nous allons pouvoir accélérer encore la création, nécessaire, de places en établissements dans notre pays, en particulier dans les régions défavorisées, et tout spécialement dans votre département, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie des réponses précises que vous m'avez apportées. Je ne doute pas de votre volonté ni de celle du Gouvernement. Je dois souligner que l'effort que vous faites est important compte tenu de la situation désastreuse que vous avez trouvée en arrivant au Gouvernement.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, ma question porte sur l'évolution de la démographie médicale et la répartition territoriale des professionnels de santé, qui conduit à une inégalité des citoyens devant l'offre de soins médicaux et paramédicaux.
Des projections statistiques indiquent que, à numerus clausus constant, le nombre de médecins devrait décroître à partir de 2005 et que la démographie médicale en 2020 serait comparable à celle de 1980 si rien n'est fait.
La crise qui se profile a déjà atteint les régions rurales, qui représentent 80 % de notre territoire et où vivent 20 millions de personnes. Notre pays souffre d'ores et déjà d'inégalités criantes dans la répartition territoriale, qu'il s'agisse de la médecine de ville ou de la médecine hospitalière. Les écarts moyens varient de un à quatre selon les régions. Ainsi, la densité médicale en Seine-Saint-Denis, où je suis élu, est de 66 généralistes pour 100 000 habitants, contre 130 dans les Hautes-Alpes.
Certaines spécialités - anesthésie, chirurgie et pédiatrie - sont frappées par la baisse démographique liée aux départs à la retraite, mais aussi au désintérêt des étudiants pour ces métiers difficiles ou mal rémunérés. Actuellement, la France compte 332 praticiens pour 100 000 habitants. Si rien n'est fait, cette densité sera inférieure à 300 après 2012.
Outre le mode de recrutement et notamment le niveau du numerus clausus au concours d'entrée de la faculté de médecine, le blocage des honoraires pour les spécialistes du secteur 1 et l'augmentation des procédures judiciaires engagées à l'encontre des médecins ne contribuent pas à l'amélioration des conditions d'exercice. C'est notamment le cas des anesthésistes et des obstétriciens.
Le cas des infirmières libérales est particulièrement grave. Alors que les demandes de soins à domicile augmentent, les conditions de travail des infirmiers libéraux se sont progressivement détériorées, je pense notamment aux difficultés de remplacement, à la rémunération des actes, aux indemnités de déplacement et aux indemnités kilométriques.
Aussi, aujourd'hui, dans certaines régions, il est difficile pour un médecin ou une infirmière de trouver un remplaçant à l'occasion de ses congés. Le dispositif actuel ne permet pas de parer à une absence temporaire. Faute de confrères en mesure de prendre la relève ponctuellement, les cabinets sont purement et simplement fermés le temps de leurs vacances. C'est le même problème pour les gardes, les samedis, dimanches et jours fériés, et les nuits.
De même, pour obtenir un rendez-vous avec certains spécialistes, il faut au patient six à huit mois ! Il s'entend même de plus en plus souvent répondre que, puisqu'il n'est pas client du cabinet, il ne peut lui être accordé de rendez-vous.
Monsieur le ministre, vous avez d'ores et déjà pris un certain nombre de dispositions : augmentation du mumerus clausus, mesures incitatives fiscales et financières.
De son côté, la Caisse nationale d'assurance maladie développe un service de conseils aux médecins généralistes libéraux sur le choix de leur lieu d'installation.
Je souhaiterais donc connaître le détail des initiatives que vous avez prises et celles que vous comptez prendre pour enrayer la pénurie de médecins, pour les convaincre de venir s'installer dans les secteurs difficiles et de choisir certaines spécialités délaissées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, la politique de démographie des professions de santé que j'ai mise en oeuvre dès mon arrivée au ministère s'oriente dans les trois directions que vous venez d'évoquer et que je vais un peu développer en répondant à vos questions.
Ainsi, nous nous orientons vers une hausse résolue des numerus clausus et des quotas de l'ensemble des professions de santé, alors que ces numerus clausus ou quotas étaient bloqués depuis de nombreuses années, par exemple à 1 466 pour les masseurs-kinésithérapeutes, à 700 pour les sages-femmes et à 800 pour les odontologistes.
Ces hausses seront de 4 700 à 5 600, soit une augmentation de 20 %, en deux ans pour les médecins ; de 801 à 930, soit une augmentation de 16 % en deux ans, pour les dentistes ; de 1 406 à 1 655, soit une augmentation de 18 %, pour les masseurs-kinésithérapeutes ; de 2 250 à 2 600, soit une augmentation de 16 % en deux ans pour les pharmaciens, dont le nombre était bloqué depuis plus de dix ans ; de 26 436 à 30 000 en un an pour les infirmières.
De plus, un effort sans précédent sera fait pour certaines spécialités à la fin de la sixième année d'études, notamment pour les pédiatres et les gynécologues-obstétriciens. Il en sera formé 200 chaque année, ce qui représente un doublement du nombre de spécialistes formés en quatre ans.
Une deuxième série de mesures nouvelles permet d'orienter, à partir d'engagements contractuels pluriannuels, l'installation ou le maintien des professionnels dans les zones où les conditions d'exercice s'avèrent difficiles.
Examinons d'abord les mesures prévues par le CIADT, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, de septembre 2003, et qui viennent d'être traduites dans la loi de finances pour 2004.
Une exonération de la taxe professionnelle est prévue pour les professionnels de santé qui s'installent dans les zones de revitalisation rurale, sur délibération des collectivités locales.
Une aide financière de l'Etat sera accordée à l'installation et au regroupement des médecins en zone sous-médicalisées. Le décret de zonage est en attente de publication. Pour l'année 2004, 2 millions d'euros seront ouverts au collectif budgétaire de 2003 pour l'aide financière de l'Etat.
Ensuite, le projet de loi en faveur du développement des territoires ruraux, en son article 38, prévoit la possibilité d'aide financière des collectivités territoriales aux professionnels de santé dans les zones identifiées par le même décret « zonage ».
Ce dispositif est complété par les dispositions conventionnelles, notamment les contrats de pratique professionnelle applicables en cas de conditions d'exercice difficiles et prévoyant des rémunérations forfaitaires.
Enfin, est envisagée une meilleure connaissance de la situation actuelle ou projetée des professions médicales et paramédicales. C'est la mission dévolue à l'observatoire de démographie des professions de santé, créé le 11 juillet dernier et dont les vingt-six comités régionaux constitués des observatoires régionaux de santé, des agences régionales de l'hospitalisation, des unions régionales des médecins libéraux, des unions régionales des caisses d'assurance maladie, des directions régionales des affaires sanitaires et sociales et des universités, en contact avec les réalités du terrain, sont maintenant au travail.
Les travaux de l'Observatoire s'appuieront également sur les données du répertoire partagé des professionnels de santé, premier fichier exhaustif et fiabilisé, dont la réalisation sera accélérée.
Nous avions besoin de nous doter d'outils pour disposer des repères nécessaires. Ces outils sont maintenant en place, le mouvement est lancé. Il va falloir continuer de les ajuster et de les régler au fil des ans.
En tout cas, monsieur le sénateur, on peut observer depuis un an un renversement de la politique en faveur de la démographie des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Je veux simplement vous remercier, monsieur le ministre, de ces réponses qui témoignent de l'effort considérable que vous faites pour que la répartition des médecins soit plus homogène sur le territoire national.
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. Madame la ministre, ma question concerne les crédits affectés aux actions en faveur des rapatriés d'origine nord-africaine et des harkis. C'est un dossier difficile, chargé d'émotion, qui renvoie la France à une page de son histoire récente et encore très douloureuse pour beaucoup. Le travail de mémoire demeure inachevé et exige que nous nous y investissions davantage.
Les crédits consacrés pour 2004 aux familles des harkis apportent des premières réponses à la situation financière parfois encore très difficile de ces personnes.
Tout d'abord, nous nous réjouissons que la communauté des harkis, à laquelle il est de plus en plus rendu hommage, ait enfin obtenu une reconnaissance qui s'illustre par un soutien financier permanent sous la forme d'une allocation de reconnaissance étendue au conjoint survivant. Les crédits correspondants pour 2004 sont en hausse de plus de 30 %.
Certains dossiers demeurent toutefois en suspens tel, par exemple, celui des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, qui sont pour la plupart d'origine européenne. Nombreux sont ceux qui se sont placés dans une situation de surendettement par nécessité.
C'est la Commission nationale des désendettements, créée en 1999, qui doit leur apporter une aide. Des retards ont été pris. Il a été accordé des délais supplémentaires pour négocier le plan d'apurement de leurs dettes avec leurs créanciers. Quelques centaines de dossiers sont encore en attente d'examen. Dans quels délais pensez-vous qu'ils pourront être traités ?
Par ailleurs, la question de l'indemnisation des rapatriés reste particulièrement délicate. Les sommes avancées sont considérables et se chiffre en plusieurs milliards d'euros tandis que les crédits inscrits se chiffrent en dizaines de millions d'euros.
Les rapatriés aspirent, et on les comprend, à ce qu'un geste en leur faveur soit consenti, bien que le dossier soit très complexe. Bien sûr, il est indispensable de tenir compte du contexte budgétaire actuel et chacun doit bien le comprendre. Un rapport sur la pertinence des mesures à mettre en place en faveur des rapatriés a été rendu récemment au Gouvernement. Peut-on espérer un règlement définitif des préjudices subis par cette population ?
Ne pourrait-il être l'occasion d'une grande réflexion sur le dispositif à mettre en place par devoir de justice mais aussi tout simplement pour mieux appréhender l'avenir ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole et à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous avez souligné que le Gouvernement porte un intérêt particulier aux rapatriés, et je tiens à vous en remercier.
En 2003, l'action du Gouvernement s'est en effet déployée aussi bien sur le plan de la reconnaissance morale de la nation à l'égard de ces populations meurtries que sur celui de la réparation de la dette matérielle.
En ce qui concerne la reconnaissance et le devoir de mémoire que nous devons aux rapatriés, les derniers mois ont été marqués par des décisions importantes.
En pérennisant, par le décret du 31 mars 2003, le 25 septembre comme journée nationale d'hommage aux harkis, le Gouvernement a voulu que notre nation se souvienne et commémore l'engagement de tous ces soldats, leur sacrifice et leur fidélité au drapeau français.
Parallèlement, pour promouvoir l'oeuvre accomplie par des générations de Français outre-mer, le Premier ministre a décidé que l'Etat s'associerait à la ville de Marseille dans la réalisation d'un mémorial de l'oeuvre française outre-mer, qui sera à la fois un musée mais aussi un centre de recherche, dont l'ouverture est prévue en 2006.
La réparation matérielle s'est, quant à elle, exprimée par la mise en place, le 1er janvier 2003, d'une allocation de reconnaissance de 343 euros par trimestre, désormais attribuée à tous les harkis et à leurs veuves âgées de plus de 60 ans. Elle est indexée sur l'inflation et n'est pas soumise à des conditions restrictives de ressources, comme l'était la rente viagère.
Conjointement ont été réactivées un certain nombre de mesures en faveur, notamment, du logement de ces populations. Les préfets sont actuellement mobilisés, ainsi que le service public de l'emploi pour venir en aide de manière prioritaire aux enfants de harkis demandeurs d'emploi.
Pour répondre à vos interrogations, monsieur le sénateur, je souhaite apporter les précisions suivantes.
Le Gouvernement proposera à la représentation parlementaire une revalorisation de l'allocation de reconnaissance pour les harkis et leurs veuves.
En second lieu, s'agissant du dossier complexe de l'indemnisation des rapatriés, je sais que les associations portent, depuis plus de dix ans, une revendication qu'elles considèrent comme prioritaire : réparer une différence de traitement entre rapatriés résultant de la superposition de trois lois d'indemnisation.
M. Michel Diefenbacher, député en mission, qui vient de rendre son rapport le 3 octobre dernier, prend position en faveur de la restitution des prélèvements opérés en vertu de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970. Je puis vous assurer que le Gouvernement est particulièrement attentif à cette revendication, qui ne lui semble pas illégitime.
Vous plaidez l'urgence qu'il y a à clôturer l'étude des dossiers d'aménagement des dettes des rapatriés. Le Gouvernement, d'une part, a doté la Commission nationale de désendettement de nouveaux moyens pour accélérer le traitement des dossiers et, d'autre part, a modifié le décret de 1999 pour que la commission soit en mesure de prendre en compte, dans l'élaboration des plans d'apurement, les dettes liées non seulement à l'acquisition, mais également à l'amélioration des résidences principales.
Les résultats ne se sont pas faits attendre, puisque la commission a examiné, à ce jour, l'éligibilité de 1 856 demandes sur les 3 145 dossiers déposés avant le 28 février 2002. Malgré tout, il reste encore quelques difficultés pour régler définitivement le dossier de la réinstallation. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale de l'administration de conduire un audit des procédures destinées à accélérer la réalisation des plans d'apurement. Les conclusions de cette expertise ont été communiquées ces jours-ci et serviront aux pouvoirs publics pour améliorer le dispositif.
Dans les semaines qui viennent, le Gouvernement vous présentera ses orientations sur l'avenir des politiques en faveur des rapatriés. Vous aurez l'occasion d'en débattre au cours de ce mois. Le Gouvernement a déjà pris de nombreuses initiatives concernant les rapatriés. Il entend continuer dans cette voie, je puis vous l'assurer, en association étroite avec la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest. Madame le ministre, je vous remercie de vos propos et, surtout, du témoignage que vous avez donné de ce que le Gouvernement s'intéresse à ce lourd dossier qui, historiquement, commence à prendre de l'âge...
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, dès votre nomination comme ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, vous nous avez fait part de votre intention de remodeler la politique de santé publique en insérant une dimension préventive qui ne fait pas partie à l'heure actuelle de notre culture sanitaire, essentiellement centrée sur le curatif.
Ainsi que notre excellent collègue rapporteur pour la santé l'a rappelé, « le déséquilibre qui existe entre les dépenses engagées au titre de la prévention - environ 3,6 milliards d'euros par an - et celles qui sont engagées au titre des soins curatifs - environ 154,4 milliards d'euros - illustre le retard qui reste à combler avant d'établir une véritable politique de prévention ».
La politique de prévention mérite donc une attention particulière. C'est bien grâce à elle que l'on peut mettre en place les instruments indispensables d'information et de formation pour prévenir les comportements à risque qui nuisent gravement à la santé de leurs auteurs. Nous savons trop combien de personnes meurent prématurément en France de pathologies que l'on pourrait éviter ou mieux soigner si on les avait dépistées plus tôt.
Cette politique se décompose en différents crédits : en crédits consacrés à la prévention de la survenance de la maladie en agissant sur les causes, qui recouvrent notamment l'éducation pour la santé, les actions d'information à destination du public en général ou de certains groupes ciblés ; en crédits consacrés à détecter les maladies à un stade précoce où l'on peut intervenir utilement et qui recouvrent notamment le dépistage ; enfin, en crédits visant à diminuer les récidives et les incapacités et à aider les personnes malades ou handicapées à vivre au mieux de leurs possibilités.
Ainsi, nous nous réjouissons que le projet de loi relatif à la politique de santé publique pose trois principes : l'affirmation du rôle de l'Etat en matière de prévention ; la mise en place de groupements régionaux de santé publique, qui auront la charge de coordonner les moyens sanitaires au niveau régional ; la publication des objectifs prioritaires de santé publique, assortis de tableaux de bord permettant de suivre et d'évaluer les politiques relatives à ces objectifs.
Les crédits alloués à la politique de prévention de votre budget - 189 millions d'euros - sont principalement destinés au financement d'actions en matière de lutte contre l'alcoolisme, le tabac et plusieurs pathologies, dont le cancer et le sida. Des actions sont également prévues dans le domaine de la santé mentale, la prévention des suicides ou encore des traumatismes par accident.
Des moyens importants sont, bien évidemment, mis en place pour la lutte contre le cancer, qui est une des priorité du Président de la République et du Gouvernement.
Le budget finançant le plan de lutte contre le cancer s'élève en 2004 à plus de 59 millions d'euros, dont 18 millions d'euros de mesures nouvelles. Ces crédits permettront d'abord d'étendre à tout le territoire le programme de dépistage organisé du cancer du sein, et des efforts seront faits pour le dépistage du cancer de l'utérus et du cancer colorectal.
Le plan de lutte contre le cancer prévoit notamment de développer un système d'information à destination des patients et des familles. Les crédits soutiendront également les associations nationales et les actions de formation professionnelle et contribueront à la mise en place d'un institut national du cancer, à hauteur de 11 millions d'euros.
Ces crédits sont complétés par les sommes consacrées par l'assurance maladie à la prévention et au dépistage de plusieurs maladies telles que le cancer. De même, des crédits sont également consacrés à la prévention par les collectivités territoriales.
Les sommes réellement consacrées à la prévention en France dépassent donc celles du budget de l'Etat.
Dans le cadre de cette politique, vous avez, de façon ambitieuse, déterminé des objectifs de performance en matière de prévention qui s'inscrivent dans la réforme de la loi organique relative aux lois de finances. Ainsi, dès 2005, l'ensemble des programmes sera présenté de façon plus claire en attendant une entrée en vigueur complète de la nouvelle présentation budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2006.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous préciser les modalités de cette réforme qui devrait permettre une meilleure évaluation de notre politique globale de prévention en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur un sujet qui a déjà été abordé par M. Barbier, mais vous avez choisi de le faire sous un angle plus particulier, c'est-à-dire les modalités d'intégration de la prévention dans la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Je commencerai par décrire le programme « santé publique - prévention » qui a été élaboré dans le cadre d'une expérimentation de la loi organique relative aux lois de finances et présenté dans le « bleu » budgétaire.
Les buts généraux de ce programme sont de diminuer la mortalité prématurée évitable et de diminuer la morbidité évitable, de réduire l'inégalité d'accès à la prévention et de renforcer les connaissances par l'amélioration des systèmes d'information, de la recherche et de la formation en santé publique.
Pour atteindre de tels objectifs, ce programme a été construit en tenant compte des trois niveaux de prévention - primaire, secondaire et tertiaire - distingués par l'Organisation mondiale de la santé. Ainsi, dix-sept problèmes de santé ont été identifiés comme pouvant recouvrir l'ensemble des cent objectifs figurant dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique.
Ces dix-sept problèmes de santé, parmi lesquels figurent l'alcool, le tabac, le sida, le cancer, les maladies rares, les maladies mentales, le suicide et la douleur constituent l'ossature du projet annuel de performance que nous allons mettre en oeuvre en 2004.
Ils ont été regroupés en trois actions stratégiques de notre politique de prévention - « déterminants », « pathologies » et « thématiques », c'est-à-dire des programmes ciblés - et deux actions transverses - « autres programmes de santé publique », c'est-à-dire les programmes populationnels, et « fonctions supports ».
Je précise que les actions transverses ont vocation à être davantage réparties entre les trois actions stratégiques. C'est une situation transitoire et, conformément à la LOLF, nous travaillons déjà à la résolution de cette difficulté pour le budget de 2005.
Je décrirai simplement quatre domaines dans lesquels la direction générale de la santé s'investit pour poursuivre la mise en oeuvre de la LOLF.
Premièrement, en ce qui concerne le projet annuel de performance, l'affectation des crédits, explicitée dans les documents budgétaires, dans « le bleu », traduit, pour l'année à venir, nos priorités. Comme le rapporteur spécial l'a relevé, il n'a pas été possible de répartir la totalité des crédits. Ce travail est en cours, en particulier avec les services déconcentrés, qui sont les principaux vecteurs de la mise en oeuvre de la prévention puisque 143 millions d'euros sur les 189 millions d'euros du programme leur sont consacrés.
Deuxièmement, s'agissant des indicateurs, nous en avons déjà fixé quelques-uns dans le « bleu », mais un travail important reste à faire pour déterminer ceux qui manquent à ce jour. Un bon indicateur doit répondre à des critères de validité, de fiabilité, de reproductibilité et, surtout, il doit être partagé par tous les acteurs chargés du suivi et de l'évaluation de la politique de santé publique.
Troisièmement, au sujet de l'activité de l'administration, le suivi et l'évaluation de cette politique de santé publique exigeront de décrire dans ce projet annuel de performance l'activité déployée par l'administration pour cette politique.
Enfin, quatrièmement, le rapport annuel de performance vous permettra d'apprécier, d'évaluer l'activité déployée par le ministère au regard des objectifs fixés et des moyens votés.
Ce rapport devra comporter une analyse des actions mises en oeuvre par l'assurance maladie et les collectivités territoriales, qui investissent de plus en plus ce champ de la santé publique. A cet égard, le projet de loi relatif à la politique de santé publique qui viendra en débat au Sénat en janvier prochain garantira une plus grande cohérence et donc une plus grande efficience de la politique de santé publique dont l'Etat a la responsabilité et reste le garant. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame la ministre, l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes n'est pas encore une réalité en France, malgré un cadre juridique important au plan tant international et européen que national.
En droit français, les bases de l'égalité professionnelle sont inscrites dans la Constitution elle-même.
En outre, trois lois défendent ce principe : la loi Roudy de 1983 sur la prohibition de toute discrimination dans la relation salariale, notamment dans l'offre d'emploi, l'embauche et les rémunérations ; la loi Génisson de 2001 sur l'obligation de négociation sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise et dans la branche ; et, enfin, la loi de novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe, qui fait peser la charge de la preuve sur l'employeur en cas de litige.
Madame la ministre, lors de votre communication sur l'égalité professionnelle devant le conseil des ministres, le 29 octobre dernier, vous avez expliqué que le Gouvernement voulait placer les femmes au coeur de la stratégie de croissance.
Cette ambition ne pourra se réaliser que si l'on respecte, au coeur même de l'entreprise, l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle. Vous pensez que les chefs d'entreprise, comme les actionnaires, ont aujourd'hui pris conscience de cette exigence.
La semaine prochaine, l'Assemblée nationale examinera le « projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social ».
Ce projet de loi reprend les principales dispositions de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre dernier, qui a pour objectif de rénover notre système de formation professionnelle. Il prévoit un dispositif nouveau avec la période de professionnalisation destinée, en particulier, à favoriser le maintien en activité des femmes qui reprennent leur activité après un congé de maternité ou un congé parental. Il vise également à renforcer la négociation au niveau des branches en faveur du respect de la parité entre les hommes et les femmes.
Par ailleurs, le plan national d'action pour l'emploi, dans le cadre de la décentralisation, doit mobiliser l'ensemble du service public concerné pour faciliter l'accès ou le retour à l'emploi des femmes, par exemple après des plans de licenciement.
Des actions vont être menées pour favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et prendre en compte la « parentalité » au sein de l'entreprise.
Par ailleurs, divers outils sont en cours d'élaboration avec les partenaires sociaux, comme le « label égalité » dans les entreprises, le « guide des bonnes pratiques de l'égalité professionnelle en entreprise » ou le « tableau de bord de l'égalité professionnelle ».
Une autorité indépendante de lutte contre toutes les discriminations doit être créée en 2004 pour permettre de mieux combattre la discrimination au travail, notamment.
Enfin, dans la mise en oeuvre de la LOLF, vous prévoyez un programme « égalité entre les hommes et les femmes ».
Nous ne pouvons que nous féliciter de cette mobilisation générale des pouvoirs publics et des partenaires sociaux. Mais la conjoncture budgétaire défavorable et la nécessité d'une gestion plus rigoureuse ont contraint le Gouvernement à diminuer de plus de 6 % les crédits destinés aux « actions en faveur des droits des femmes et de l'égalité entre les hommes et les femmes ».
Dès lors, madame la ministre, comment comptez-vous optimiser votre budget pour réaliser les objectifs ambitieux que le Gouvernement s'est fixés ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l'attention extrêmement vigilante que vous portez à cette question fondamentale des droits des femmes dans notre pays.
Je rappelerai que le volume des crédits, qui a en effet baissé de 5,6 %, répond à l'objectif de réduction des dépenses publiques que partage le Gouvernement, mais n'ôte rien au caractère central des priorités que nous portons, mais aussi à la détermination qui est la mienne de faire progresser sur tous les plans l'égalité dans notre pays. Je reprendrai le sujet central de votre intervention en rappelant que la performance au féminin, notamment dans l'emploi, a été insuffisamment valorisée dans notre pays.
C'est très clair, la France moderne a aujourd'hui besoin de tous ses talents et les femmes doivent être en première ligne de cette exigence de compétitivité, de croissance, au-delà simplement de la justice sociale et de l'éthique qui commandent cette égalité professionnelle.
Pour faire de l'égalité un contenu au-delà du droit proclamé et au-delà des textes, que vous les avez légitimement rappelés, mais qui ont démontré, au fil du temps, que la contrainte ne suffisait pas, il faut aujourd'hui convaincre. Dès l'installation de notre gouvernement, mon ministère a donc cherché à faire en sorte que l'égalité professionnelle soit un objectif partagé.
A cet égard, nous avons relancé le dialogue social en saisissant du dossier les partenaires sociaux, ce qui ne s'était pas fait depuis 1989. J'ai donc le plaisir et la fierté de vous dire qu'ils ont avancé sur cette question essentielle, au point de s'engager, pour le début de l'année prochaine, à aboutir à un accord interprofessionnel.
Nous avons là la traduction de la gouvernance moderne à laquelle nous aspirons, c'est-à-dire une responsabilité partagée et la conviction commune que le travail des femmes doit aujourd'hui s'analyser en termes d'égalité réelle. Cela implique une action en termes de correctifs salariaux, car il existe encore des discriminations, des disparités de salaires qui sont incompatibles avec la modernité et l'intérêt même de l'entreprise. Cela suppose également une action positive, très volontariste en termes de déroulement de carrière. Si elles travaillent, les femmes n'occupent pas des postes de responsabilité conformes à leurs diplômes ou à leur capacité professionnelle. En outre, vous l'avez évoqué, les femmes doivent être directement bénéficiaires - ce doit être une priorité - des nouvelles possibilités offertes dans le cadre de la formation tout au long de la vie.
Cette démarche des partenaires sociaux que nous soutenons devrait aboutir très rapidement à un changement d'état d'esprit et de regard au sein de l'entreprise, qui a tout intérêt - je le dis avec beaucoup de force - à ce que la compétitivité passe par l'égalité. Nous aurons la possibilité, ce sera une première européenne, d'annoncer la création d'un « label égalité » qui permettra précisément de distinguer ces entreprises qui font de la diversité un critère de croissance.
Cette exigence devient aujourd'hui une urgence, d'autant que l'évolution démographique va priver la France de centaines de milliers de compétences d'ici à quelques années. Il faut que les femmes soient au rendez-vous de cette économie moderne dans laquelle la diversité des talents sera reconnue. Elles y ont toute leur place.
Dans une telle culture de la compétence, caractéristique du xxie siècle, il me semble que les assemblées parlementaires, le Sénat et l'Assemblée nationale, mais aussi les partenaires sociaux et les acteurs professionnels que représente l'ensemble du monde consulaire doivent tout faire pour que cette égalité, qui n'est souvent restée qu'un droit proclamé, devienne aujourd'hui une réalité concrète et quotidienne. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame la ministre, je vous remercie de la qualité de votre réponse. Elle montre bien qu'il y a égalité au sein du Gouvernement ! (Sourires.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le travail, la santé et la solidarité. II : - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 215 559 858 euros. »
Je mets aux voix les crédits du titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 4 502 155 450 euros. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. A l'occasion de l'examen de ce titre IV, je souhaite faire part de quelques remarques sur les crédits ouverts au chapitre 43-02 « interventions en faveur des droits des femmes ». Ces crédits sont plus que modestes : 17 millions d'euros pour 2004, soit une baisse de 6,6 % par rapport à 2003. Il est donc difficile de justifier d'actions d'envergure avec un budget aussi réduit.
Certes, comme le rappelle M. Adrien Gouteyron à la page 35 de son rapport, il convient de compléter ces crédits budgétaires par des crédits en provenance d'autres ministères et des crédits européens.
En 2003, le total des moyens consacrés aux droits des femmes s'élevait ainsi à près de 57,2 millions d'euros ; pour 2004, 43,37 millions d'euros sont prévus, soit une diminution de 24,2 %.
Voilà résumée toute l'attention portée par ce Gouvernement à la question des droits des femmes : un budget amputé du quart des moyens de l'année précédente. On comprend ainsi pourquoi les subventions aux associations partenaires du secrétariat d'Etat aux droits des femmes et à l'égalité professionnelle, dont les actions sont pourtant si précieuses sur le terrain, ne sont pas revalorisées, voire baissent.
Sur quels crédits seront organisées les campagnes que Mme la ministre a annoncées, pour l'égalité professionnelle, contre les violences faites aux femmes ou aux jeunes filles dans les quartiers ? Les intentions généreuses ne suffisent pas.
Les rapports des ministères des associations de femmes soulignent que notre société est en régression concernant l'égalité des droits des femmes, qu'il s'agisse de l'accès à l'emploi, du déroulement de carrière, de la formation professionnelle ou bien encore de la violence à l'encontre des femmes. Il est de la responsabilité de l'Etat de mettre en oeuvre une politique nationale à la hauteur des enjeux.
Le renforcement de ces actions doit être soutenu par des choix budgétaires volontaristes et efficaces. Malheureusement, les moyens que prévoit ce projet de loi de finances ne sont pas au rendez-vous.
Après le vote de l'amendement de M. Jean-Paul Garraud à l'Assemblée nationale la semaine dernière visant à créer un nouveau délit d'interruption involontaire de grossesse, je ne peux prendre la parole sur la question des droits des femmes sans revenir sur les dangers de cet amendement.
Alors que l'article L. 223-10 du code pénal prévoit déjà qu'une interruption de grossesse sans consentement de l'intéressée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, l'amendement Garraud, voté le 27 novembre dernier, dans le cadre du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, vise à punir d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende une interruption de grossesse provoquée par « une maladresse, une imprudence, une inattention, une négligence ou un manquement à une obligation de sécurité ». Ces peines sont doublées en cas de « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ».
Décidément, une nouvelle fois, les lobbies anti-IVG et leurs relais complaisants sur le terrain ne reculent devant rien, car, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel meilleur symbole du mépris des droits des femmes et de leur liberté à disposer de leur corps que de rattacher un tel amendement à un texte sur la grande criminalité ?
En fait, cet amendement, outre le fait qu'il instituerait une différence en droit pénal entre la femme et la femme enceinte, n'est rien d'autre qu'un premier pas vers la reconnaissance du statut de personne humaine du foetus et de l'embryon, une nouvelle attaque contre le droit à l'interruption volontaire de grossesse, droit - faut-il le rappeler ? - durement et chèrement acquis au péril de leur santé, voire de leur vie, par des générations de femmes, droit sans cesse remis en cause par les commandos anti-IVG, dont les actions sont trop rarement sanctionnées, droit à l'effectivité trop souvent virtuelle, dont la mise en oeuvre s'apparente plus à un parcours d'obstacles pour de nombreuses femmes compte tenu du manque de moyens des hôpitaux publics, mais droit que les femmes, toutes générations confondues, ne sont pas prêtes à laisser remettre en cause.
Fort heureusement, de nombreuses voix s'élèvent contre cette nouvelle disposition, comme celle du généticien Axel Kahn, qui affirme qu'on ne peut être tué avant d'être né, ou bien encore celle du professeur Israël Nizan, qui met en garde contre la qualification d'interruption de grossesse non intentionnelle, qui pourrait mettre en cause la responsabilité pénale des médecins.
Avec un tel amendement à notre droit pénal, que deviendra la médecine foetale, ou bien encore un simple prélèvement d'amniocentèse quand on sait qu'un prélèvement sur cent peut provoquer involontairement la mort du foetus ?
Je dois reconnaître quelque constance à M. Garraud, député de la Gironde, qui, arguant d'un prétendu vide juridique, tente, pour la deuxième fois, de faire adopter son amendement. Mais je n'oublie pas que si le Sénat a une première fois fait échouer son projet, des sénateurs, dans notre assemblée, ont, avec la même intention, déposé quelques jours plus tard une proposition de loi reprenant exactement le texte de cet amendement.
C'est bien pour cela que de très nombreuses femmes et de non moins nombreux professionnels de santé sont aussi inquiets des conséquences possibles d'un tel texte. Sa discussion intervient, en effet, dans un climat où se multiplient les propos intégristes et moralisateurs tendant à inférioriser la femme et les remises en cause insidieuses ou ouvertes du droit à l'interruption volontaire de grossesse.
Coïncidence ou stratégie organisée, le même jour, l'association SOS Tout-Petits, présidée par Xavier Dor, condamné à maintes reprises pour entraves à des interruptions volontaires de grossesse, appelait à manifester devant le siège parisien du Mouvement français pour le planning familial. Vous comprendrez donc que nous voyions là une attaque concertée contre ce droit.
Madame la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, monsieur le ministre de la santé, ne laissez pas remettre en cause l'interruption volontaire de grossesse et, pour situer vos différents ministères du côté des droits des femmes et non de la régression de leurs acquis, rendez visible et lisible la position du Gouvernement contre les actions de groupuscules intégristes et de leurs commandos anti-IVG.
Monsieur le ministre de la santé, n'attendez plus pour publier rapidement les circulaires d'application sur l'IVG médicamenteuse, attendue depuis plus de deux ans. Intervenez pour faciliter la délivrance gratuite par les pharmacies de la contraception d'urgence aux mineures.
M. le président. Veuillez conclure, madame le sénateur.
Mme Odette Terrade. C'est un sujet important, monsieur le président !
Cette délivrance gratuite, malgré le décret n° 2002-39, paru au Journal officiel du 9 janvier 2002, n'est toujours pas la règle dans la totalité des officines. Prévoyez et budgétez de nouvelles campagnes publiques pour la contraception, qui articulent prévention des risques sexuels et prévention des risques des comportements sexistes. Engagez, avec le ministère de l'éducation nationale, dès l'école primaire, les heures d'éducation sexuelle prévues dans les programmes scolaires par la loi de 2001 : dans les collèges et les lycées, de telles heures d'information seraient également de nature à lutter contre les violences et à apprendre le respect « garçons-filles ».
Pour être crédible, l'engagement du Gouvernement en faveur du droit des femmes, d'une part, suppose de ne pas céder aux sirènes obscurantistes et intégristes de tous bords,...
M. Dominique Leclerc. Faites-la taire !
M. Christian Demuynck. Oh là là ! Oui !
Mme Odette Terrade. ... qui ne jurent que par la remise en cause de la liberté des femmes à choisir leur maternité et, d'autre part, exige des moyens budgétaires significatifs.
Les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC n'ont perçu la volonté de satisfaire à ces deux conditions ni dans votre projet de budget ni dans le nouveau projet de loi sur la parité.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Madame la sénatrice, j'aurais souhaité que le constat cruel que vous faites quant à l'évolution du droit des femmes au cours de ces dernières années vous amène à plus d'humilité.
M. Christian Demuynck. Très bien !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. En effet, si le Gouvernement a souhaité créer un ministère délégué à l'égalité, c'est précisément parce que, lorsqu'il a été constitué, entre le droit proclamé et la réalité, il y avait un écart sensible ; la situation que nous avons trouvée était extrêmement difficile. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler certains chiffres, car je crois que ce sujet mérite autre chose que la polémique. Il m'apparaît que les arrière-pensées politiciennes n'ont pas leur place dans un débat de société qui rassemble beaucoup plus qu'il ne divise, du moins au sein des deux assemblées.
Puisque vous m'avez interrogée à nouveau sur la question budgétaire, je vous indique que le volume des crédits se situe à un niveau assez proche de ce qui était réservé aux droits des femmes au cours des dernières années.
Dans la répartition des crédits, les crédits déconcentrés ne seront pas touchés. Autrement dit, l'action de notre réseau sera totalement préservée.
S'agissant des associations, nous avons fait en sorte que, à 80 % ou 90 %, elles puissent bénéficier de l'ensemble de leurs subventions pour l'année écoulée et nous travaillons avec elles pour définir les moyens d'un partenariat, qui peut du reste être élargi, car nous avons constaté que nous pouvions apporter une aide en recourant à des procédures innovantes. Cela, bien entendu, n'ôte rien à l'action déterminante des associations - je vous rejoins sur ce point -, qui effectuent un travail de proximité, incomparable en termes de qualité et d'efficacité.
Cette appréciation très positive que nous portons sur les associations ne doit pas nous empêcher de veiller, parallèlement, à la qualité de la gestion du ministère, afin de réaliser certaines économies. C'est une tâche à laquelle nous nous attelons.
J'ajoute que la transversalité du ministère fait qu'un certain nombre d'actions sont portées par d'autres ministères.
Je tiens à répondre également à la question que vous m'avez posée sur l'IGV, même si elle n'est pas directement liée au budget.
Le droit à l'IVG est un acquis irréversible. Le droit des femmes à disposer de leur corps constitue une des plus grandes avancées du xxe siècle et c'est notre majorité, sous l'égide du Président Valéry Giscard d'Estaing et de Simone Veil, qui avait mené à bien cette grande réforme.
Le droit à l'IVG est le socle à partir duquel ont pu se développer d'autres droits, permettant au statut et à la place des femmes dans notre société de progresser. Vous me verrez toujours défendre tous ces droits, tous ces progrès avec force et conviction.
Ce principe n'est nullement remis en cause aujourd'hui, et je ne peux pas vous laisser dire un instant qu'il y a une quelconque confusion à cet égard.
La jurisprudence a toujours refusé de placer le débat de la nécessaire reconnaissance du dommage causé par imprudence ayant entraîné une interruption de grossesse sur le terrain de l'homicide involontaire. Je partage pleinement cette analyse, en vertu de laquelle l'embryon n'a pas de personnalité juridique.
Pour autant, la question qui nous est posée est une vraie question. Comment ne pas considérer comme une atteinte intolérable le fait, pour une femme enceinte, d'être victime d'un accident qui entraîne la perte d'un enfant à naître.
L'amendement qui a été présenté par M. Garraud vise à créer une infraction spéciale d'interruption involontaire de grossesse. Le fait même d'avoir créé cette qualification, au lieu de considérer cet acte comme un délit d'homicide involontaire, montre bien qu'il ne s'agit pas du tout d'une remise en cause de l'IVG, et cela me paraît être tout à fait essentiel.
Je remercie d'ailleurs Dominique Perben d'avoir engagé cette clarification lors du débat à l'Assemblée nationale. Au demeurant, il convient peut-être, au-delà du rappel des principes, de prendre des précautions supplémentaires. La concertation à laquelle Dominique Perben a appelé permettra de les définir. A titre personnel, j'en suggérerai deux : tout d'abord, vérifier que cette disposition ne peut s'appliquer qu'à un tiers, afin d'éviter que la mère elle-même ne soit reconnue coupable en cas d'accident ; ensuite, exclure les activités médicales du champ d'application de cette décision.
Si l'introduction de cette disposition dans la partie du code pénal qui traite de l'interruption de grossesse soulève des problèmes, on pourrait envisager de prévoir, dans le cadre des atteintes involontaires à l'intégrité de la personne, des circonstances aggravantes pour blessures involontaires infligées à une femme enceinte.
En tout état de cause, madame la sénatrice, je vous demande, avec toute la solennité qui s'impose, de bien croire qu'il n'y a jamais eu, de la part du Gouvernement, pas plus, je le pense, que de la part de l'auteur de cet amendement, une quelconque volonté de remettre en cause un droit qui nous paraît, comme à vous, fondamental. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le ministre, tout à l'heure, en réponse à notre excellent rapporteur spécial, Adrien Gouteyron, vous avez fait état d'une certaine résurgence du sida en France et vous avez manifesté votre inquiétude à ce sujet.
Comme vous l'avez dit, la prévention passe fondamentalement par la protection et par le dépistage.
En ce qui concerne la protection, il est vrai que l'on observe actuellement dans ces milieux, que je connais, hélas ! très bien pour avoir créé une fondation, une certaine banalisation des choses. Il apparaît que l'on est beaucoup moins attentif et que l'on prend moins de précautions.
Mais j'insisterai plus particulièrement sur le dépistage.
Le dépistage permet d'abord à celui qui se révèle séropositif de pouvoir se soigner à temps, car le traitement est d'autant plus efficace qu'il est entrepris tôt.
Le dépistage permet ensuite de savoir que l'on est contaminant. Pour ceux qui savent qu'ils risquent d'être contaminants, c'est même un devoir de se faire dépister régulièrement puisque le dépistage n'est pas obligatoire.
Voilà quelques années, j'avais proposé de rendre le dépistage obligatoire, mais il ne s'agissait que des personnes qui avaient subi une transfusion sanguine, puisqu'on avait découvert que, malheureusement, beaucoup de personnes avaient été contaminées par cette voie et, de ce fait, étaient devenues elles-mêmes contaminantes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits du titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 11 215 000 euros ;
« Crédits de paiement : 3 454 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits du titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 32 041 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 852 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits du titre VI.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la santé, la famille, les personnes handicapées et la solidarité.
J'appelle en discussion les articles 81 et 82 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés à la santé, à la famille, aux personnes handicapées et à la solidarité, ainsi que, en accord avec la commission des finances, l'amendement II-5 rectifié, qui tend à insérer un article additionnel après l'article 81.
II. - Santé, famille, personnes handicapées et solidarité