M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir et ses conséquences sur le budget de l'Etat au travers du prélèvement européen.
Notre rendez-vous annuel nous est particulièrement précieux. Nous aurons bientôt une autre occasion de débattre de l'Europe, avec la ratification du traité d'élargissement. Mais, dès aujourd'hui, nous avons l'opportunité d'examiner, sous le prisme financier, les mutations historiques que connaît actuellement l'Union européenne.
Je voudrais d'abord remercier M. Badré, rapporteur spécial de la commission des finances. Je veux bien croire qu'il en est à son neuvième exercice de cette nature tant il est orfèvre en matière de finances publiques européennes. Il en est de même de M. Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, que je côtoie à ce titre très régulièrement et qui a fait oeuvre créatrice au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe.
Je voudrais remercier très chaleureusement tous les orateurs pour la très haute qualité de leurs interventions. J'ai été particulièrement sensible à l'appel de M. le rapporteur général quant à la nécessité d'assurer une bonne gestion, conforme aux exigences des finances publiques européennes, mais aussi quant à la nécessité d'instaurer une gouvernance économique et budgétaire qui soit à la mesure des enjeux.
Sans doute pourrions-nous effectivement nous inspirer des « bonnes pratiques » de nos partenaires, de ceux qui en ont démontré l'efficacité ; je pense à l'exemple que vous avez évoqué dans votre rapport.
Il est vrai, monsieur le président de la commission des finances, qu'il n'y aura pas d'Europe politique sans stabilité et sans une croissance génératrice d'emplois et de cohésion sociale. Nous avons, au cours de l'histoire, connu des périodes de crise profonde qui ont conduit à des drames, voire à des conflits : on sait bien le rôle qu'eut la crise de 1929 dans le déroulement des événements qui conduisirent à la dernière guerre mondiale.
Depuis notre dernier débat, il y a presque un an jour pour jour, l'Union européenne a surmonté de nombreuses embûches en franchissant quatre étapes principales.
Premièrement, la relance du moteur franco-allemand a permis de trouver un compromis qui garantit l'avenir de la PAC tout en assurant convenablement le financement de l'élargissement.
Nous avons pu conclure les négociations d'adhésion des dix nouveaux pays et définir un cadre financier pour l'Europe à vingt-cinq, à peu près conforme aux attentes des uns et des autres : d'un côté, le coût total de l'élargissement est contenu à hauteur de 42,5 milliards d'euros pour la période 2004-2006, c'est-à-dire dans les strictes limites fixées par les perspectives financières ; de l'autre, grâce à un système de compensations transitoires, aucun des dix nouveaux Etats membres ne sera, sur cette période, contributeur net.
Deuxièmement, les scrutins organisés dans les pays candidats sur le traité d'élargissement ont permis de rendre tangible la perspective de l'unification de notre continent. La France est en train de mener cette procédure de ratification après le Danemark, l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni. Nous sommes prêts à accueillir nos nouveaux partenaires, le 1er mai prochain.
Troisièmement, la Convention sur l'avenir de l'Europe a réussi à adopter un projet de constitution européenne qui répond aux ambitions de la France et aux réalités de l'Europe, malgré la difficulté de réunir l'unanimité.
Enfin, quatrièmement - mais cette étape n'est pas vraiment franchie -, l'Union s'est engagée dans la relance de la croissance. A cet égard, le débat d'aujourd'hui trouve tout son intérêt.
C'est donc sous ces auspices proprement historiques que se présente le budget de l'Europe pour l'année 2004. Tout en essayant de répondre à vos questions, je vais présenter les grandes lignes de ce budget avant d'examiner la contribution française qui en découle, puis j'évoquerai l'avenir du budget européen en ce qui concerne la prochaine révision des perspectives financières, sans anticiper sur les conclusions du rapport de M. Vinçon. Enfin, puisque plusieurs remarques ont été faites à ce sujet, je parlerai des propositions de la Convention au regard de la gouvernance économique et de la nouvelle procédure budgétaire qu'elle propose.
Le projet de budget de l'Union européenne est, d'une certaine façon, une « première ». C'est le premier texte budgétaire qui s'inscrit, au moins pour partie, dans le cadre de l'Europe élargie à vingt-cinq Etats.
En grandes masses, le budget de l'Union européenne a peu évolué : il avoisine depuis quelques années 100 milliards d'euros. Pour 2004, comme l'a fort bien précisé M. Badré, le projet de budget de l'Union à quinze, tel qu'il ressortait de la première lecture du Conseil en juillet dernier, reste stable, proche de ce niveau, avec une augmentation limitée à 0,40 %.
Le budget de l'Union à vingt-cinq sera en revanche, de façon logique, en augmentation plus importante : de 12 % en crédits d'engagement. Le budget global n'atteindra que 111,9 milliards d'euros, soit 1,10 % du PNB communautaire, ce qui est inférieur au plafond actuellement fixé. En crédits de paiement, il augmentera dans de bien moindres proportions puisqu'il sera en deçà des 100 milliards d'euros.
Examinons maintenant les rubriques de ce projet de budget.
Il prévoyait tout d'abord, dans sa première rubrique, une progression de 6,6 % des dépenses agricoles, ramenée à 4,5 % sur la base de la lettre rectificative d'automne déposée par la Commission, au vu de l'évolution des marchés. Cette augmentation, en réalité peu importante, reflète essentiellement les nécessités de l'intégration progressive des nouveaux Etats membres au sein de la PAC, la politique agricole commune.
L'agriculture sera toujours le premier poste budgétaire, avec 47 milliards d'euros, ce qui représente 43 % des dépenses totales.
En vertu du compromis adopté sur la base d'une proposition franco-allemande, le budget agricole est intégralement préservé jusqu'en 2013 pour l'Europe à vingt-cinq.
Sachez, monsieur de Montesquiou, que le Gouvernement sera très vigilant et veillera à ce que la refonte des rubriques budgétaires et les négociations d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ne viennent pas léser de façon subreptice les intérêts des autres agriculteurs européens, en particulier des paysans français.
La rubrique 2 du budget communautaire, consacrée à la politique régionale, qui va sans doute connaître dans un proche avenir les transformations les plus importantes, enregistre une hausse de 20,8 % en crédits d'engagement. Cette rubrique, qui symbolise par excellence la solidarité européenne qu'a évoquée Mme Bidard-Reydet, demeure le deuxième poste du budget de l'Union, avec 37 % des dépenses. Ses crédits de paiement sont, en revanche, en recul de près de 8 %, ce qui traduit, hélas, les conséquences de la sous-consommation de ces crédits. Monsieur le rapporteur spécial, afin de ne pas prolonger les débats, je vous répondrai ultérieurement à propos de la réduction de 5 milliards d'euros des crédits de paiement qui sont inscrits dans le budget de 2003, car la réponse est assez technique.
Les autres politiques internes, regroupées traditionnellement dans la rubrique 3 du budget communautaire, sont dotées de 8,6 milliards d'euros, ce qui représente 7,7 % du budget total et une progression de 26 %. Cette augmentation, certes essentiellement liée à l'élargissement, reflète aussi l'attention croissante portée à ces politiques, qui sont indispensables à la compétitivité de l'espace européen. Elles s'expriment dans les projets et dans les initiatives de croissance qui seront soumis au prochain Conseil européen, lequel retiendra, le 13 décembre prochain, une liste de projets transnationaux prioritaires dans les domaines des transports, de l'énergie, de la recherche et du développement technologique.
Les actions extérieures de l'Union européenne, qui figurent dans la rubrique 4, sont dotées de 4,9 milliards d'euros en crédits d'engagement. Ces dépenses, sans lien avec l'élargissement, sont en très légère augmentation de 2,7 %. Elles comportent, notamment, une majoration des aides versées à l'Afghanistan - nous avons des devoirs dans cette région du monde - où l'Union européenne, toutes aides confondues, est le premier bailleur de fonds, devant les Etats-Unis. L'Union européenne interviendra également dans la reconstruction de l'Irak, à hauteur de 200 millions d'euros.
L'action extérieure se caractérise enfin par une poursuite de l'effort en direction des Balkans occidentaux et des pays méditerranéens. A cet égard, le Gouvernement partage totalement le souci exprimé par M. Del Picchia d'accompagner l'élargissement d'une ambition renouvelée avec le sud de l'Europe. Je vous confirme que la conférence de Naples des 2 et 3 décembre prochain devrait entériner la création d'une assemblée parlementaire euroméditerranéenne permanente.
La cinquième rubrique du budget concerne les dépenses administratives.
Quand on en examine le montant, on s'aperçoit que certaines critiques portant sur la « bureaucratie » de Bruxelles ne sont pas totalement justifiées. Représentant 5,4 % du budget communautaire, leur part est stable.
Avec l'élargissement, ce sont 1 688 emplois nouveaux qui seront créés, notamment des emplois de traducteur puisque le nombre des langues officielles passera à vingt. Au total, les institutions de l'Union emploieront environ 35 000 personnes, ce qui est mesuré compte tenu des politiques de plus en plus complexes qui sont menées à l'échelon européen. Cette rubrique augmente donc de façon tout à fait raisonnable.
La sixième rubrique regroupe les aides de pré-adhésion. Celles-ci sont optiquement en très forte diminution puisque nous n'aurons plus à verser ces aides aux dix nouveaux Etats membres, qui bénéficieront désormais des politiques communes, mais uniquement aux trois pays candidats : la Roumanie, la Bulgarie et la Turquie.
L'attribution d'aides de pré-adhésion, je tiens à le souligner en cet instant, ne préjuge en rien de l'issue de la candidature de la Turquie à l'Union européenne. C'est en décembre 2004 que le Conseil européen statuera sur la situation de la Turquie au regard de sa demande d'ouverture de négociations.
Au vu de toutes ces rubriques, le Gouvernement français estime que le budget communautaire répond globalement à nos objectifs ; en tout cas, les infléchissements qui s'annoncent vont dans le bon sens.
D'abord, est assurée la maîtrise budgétaire qui est souhaitée dans le contexte actuel. Nous garantissons néanmoins le niveau élevé nécessaire d'intervention dans les domaines qui sont pour nous des priorités. Je pense à la PAC, mais aussi, peut-être à un moindre titre, à la politique régionale. Nous allons permettre à l'Union de renforcer sa présence dans des domaines stratégiques : recherche et développement, en particulier. Enfin, nous assurons à nos dix nouveaux partenaires qu'ils pourront bénéficier des politiques communes, ce qui est absolument normal, suivant, monsieur de Montesquiou, une progression adaptée à leur capacité réelle d'absorption.
Certes, ce n'est peut-être pas le budget de nos rêves, au sens où le souhaiteraient Mme Bidard-Reydet et M. Angels, mais c'est un budget qui n'est pas soutenu par des emprunts communautaires.
Le budget communautaire est, par construction, équilibré, financé par des prélèvements sur le budget des Etats. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne pourra pas être complété et que les politiques européennes ne jouent pas un rôle d'impulsion dans le creux conjoncturel que nous connaissons.
Je voudrais maintenant aborder la question du pacte de stabilité, pour indiquer très précisément quelle est notre position à cet égard.
D'une part, nous nous félicitons que les Etats membres aient trouvé un compromis sur une interprétation du pacte de stabilité et de croissance suffisamment souple pour laisser jouer dans les budgets nationaux ce qu'on appelle les « stabilisateurs automatiques ».
Monsieur Badré, nous aurions évidemment préféré éviter cet épisode, qui ne donne pas à l'opinion publique une image très claire du message européen, mais il fallait faciliter la reprise qui s'annonce, comme l'a souligné M. Del Picchia.
Monsieur Arthuis et monsieur Marini, j'ai bien noté vos remarques. Il ne s'agit pas de faire preuve de laxisme. Il s'agit de considérer que les exigences de bonne gestion des finances publiques à l'échelon communautaire vont aussi dans le sens de l'intérêt national. L'euro et la stabilité monétaire qu'il induit sont en effet des atouts dont nous ne voulons pas nous passer dans un contexte international toujours incertain, surtout lorsqu'on sait que plus des deux tiers de nos échanges commerciaux concernent nos partenaires de l'Union.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Le Conseil européen de mars 2003 a d'ailleurs mis en avant une interprétation du pacte prenant mieux en compte l'évolution de la conjoncture et mettant à juste titre, comme vous le souhaitez, monsieur le rapporteur général, l'accent sur les évolutions du solde structurel, qui témoigne de la vraie capacité d'un Etat à gérer de manière saine ses finances publiques.
C'est pourquoi nos engagements au regard de la réduction de nos déficits budgétaires sont fermes. S'agissant du respect des obligations du pacte en 2005, ils sont non seulement fermes, mais encore précis et chiffrés.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Bien sûr, nous attendons que la croissance soit au rendez-vous, mais nous ne voulons pas attendre de manière passive.
C'est la raison pour laquelle le prochain Conseil européen adoptera une initiative de croissance qui accélérera la réalisation de grands projets que nous appelons tous de nos voeux, comme Galileo, les percées alpines, le TGV Perpignan - Figueras ou le TGV Est, bien sûr, pour valoriser Strasbourg, ville européenne.
Ce plan de relance de la croissance s'appuiera non seulement sur des financements communautaires, mais également sur des capitaux privés et des emprunts à long terme souscrits auprès de la Banque européenne d'investissement.
La croissance est donc bien au coeur des préoccupations européennes, de même que les politiques au service de cette croissance.
Le deuxième point concerne le prélèvement communautaire. La contribution française au budget communautaire devrait s'établir à 16,4 milliards d'euros en 2004, ce qui équivaut à 6,5 % de nos recettes fiscales nettes.
Ce montant est en outre égal à la prévision d'exécution du prélèvement pour recettes en 2003.
La France devrait donc rester en 2004 le deuxième contributeur derrière l'Allemagne, avec une participation représentant 17 % du budget de l'Union élargie. La France demeurera également, il faut le souligner, le deuxième bénéficiaire du budget communautaire, derrière l'Espagne, du fait principalement de la PAC. La France a en effet bénéficié en 2002 de 22 % des dépenses agricoles communautaires.
Il est possible d'établir sur cette base des soldes nets. Vous connaissez les réserves de la France sur la pertinence de ces indicateurs et sur la tendance, que M. Haenel a évoquée pour la regretter, à se focaliser sur le principe du juste retour.
Les soldes budgétaires ne reflètent nullement l'ampleur des bénéfices globaux que notre pays retire, comme l'ensemble des Etats membres, de son appartenance à l'Union européenne. L'Union est un projet politique : c'est un continent pacifié, ce sont des démocraties consolidées, non plus seulement du nord au sud mais maintenant de l'est à l'ouest, des cultures mieux protégées, c'est un marché unifié de bientôt un demi-milliard d'habitants, le troisième pôle démographique du monde après la Chine et l'Inde, une monnaie de statut international et une influence sur les équilibres mondiaux à chaque fois que l'Union sait parler d'une seule voix. Tous ces bienfaits, nous les devons à l'Europe et à l'engagement sans faille de notre pays dans la construction européenne.
C'est donc à cette aune qu'il faut aussi considérer l'équation de notre contribution budgétaire à l'Union.
La France est contributeur net au budget européen. Le solde net s'est élevé à 1,9 milliard d'euros en 2002, ce qui situe la France au cinquième rang des contributeurs en valeur absolue, derrière l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et les Pays-Bas. Et nous ne sommes qu'en septième position pour les soldes exprimés en pourcentage du PNB, ce qui relativise quelque peu la contribution française.
Quant au coût budgétaire net pour la France de l'élargissement, il sera, lui, de 2004 à 2006, de moins de un milliard d'euros par an en moyenne, ce qui représente 15 euros par Français et par an jusqu'à la fin de la période. Cela me paraît susceptible d'apaiser certaines craintes. La solidarité européenne représente pour nos concitoyens, vous en conviendrez, une charge modeste au regard des enjeux de l'unification de notre continent.
Permettez-moi, à ce stade, de souligner un paradoxe concernant la politique régionale.
D'un côté, la France avait su faire valoir ses droits dans la négociation sur le budget et les politiques de l'Union, mais, de l'autre, notre pays a du mal à consommer les fonds qui lui ont été alloués. La sous-exécution des fonds structurels, évoquée par MM. de Montesquiou, Badré et Angels, est, certes, un problème général en Europe, mais ce problème revêt une acuité toute particulière dans notre pays.
C'est pourquoi le Gouvernement a pris, en 2002, une série de mesures visant à alléger les procédures et à renforcer sensiblement les dispositifs d'appui et d'animation, mesures qui - c'est la bonne nouvelle - commencent à porter leurs fruits.
Aussi, je me réjouis que, grâce à la mobilisation de tous, à l'effort demandé par le Premier ministre à tous les services de l'Etat, à la vigilance des élus, le risque de dégagement d'office se soit atténué très sensiblement. Nous devrons, en principe, n'avoir à rendre qu'un montant de crédits relativement limité. Le risque concernant le FEDER paraît aujourd'hui écarté - à l'exception d'une région outre-mer - et celui sur le FSE ne semble plus que résiduel.
Il convient néanmoins de ne pas relâcher notre vigilance d'ici à la fin de l'année 2003, comme, d'ailleurs, dans les mois suivants. Sachez en tout cas que l'implication des services de l'Etat auprès des élus, est totale. Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour nous aider à relayer cet effort indispensable sur le terrain.
J'aborderai à présent les perspectives financières.
Au moment où vont s'engager les discussions sur les prochaines perspectives financières pour 2007-2013, j'aimerais vous faire part de nos premières orientations. Vous avez été nombreux à évoquer ce sujet, notamment MM. Haenel, Badré et Del Picchia. Les négociations se prolongeront jusqu'en 2006, mais le Gouvernement se prépare déjà activement à la bataille, en concertation avec nos partenaires, et je salue chaleureusement M. Serge Vinçon, le sénateur en mission désigné pour nous aider, avec M. Laffineur, député, dans notre réflexion stratégique. Nous comptons sur eux !
Quels sont nos buts ? Nous voulons évidemment, d'une part, garantir un financement, viable et soutenable pour les budgets nationaux, de l'ensemble des politiques communes et, d'autre part, les adapter aux nouveaux défis qu'affronte l'Europe. Surtout, nous voulons rendre le système de financement de l'Union plus efficace et plus équitable pour tous.
A ce stade encore préliminaire, car je ne veux pas dévoiler les conclusions de rapport de MM. Vinçon et Laffineur, je dirai que notre approche se fonde sur les éléments suivants.
Il convient d'abord de garantir le respect des engagements pris sur la PAC jusqu'en 2013.
Ensuite, la réorientation de la politique de cohésion vers les nouveaux adhérents doit être conciliée avec le financement de projets structurants d'intérêt européen dans les régions des actuels Etats membres, conformément au souhait exprimé notamment par M. de Montesquiou.
En outre, la croissance doit être relancée par une action plus vigoureuse dans les domaines des transports, de la recherche et de l'éducation, comme l'avait en son temps compris Jacques Delors, avec le sens visionnaire que nous lui connaissons. Monsieur Angels, nous pourrons nous donner les moyens de nos ambitions. Sachons faire ce pas.
Par ailleurs, la promotion de la sécurité et des actions extérieures doit être assurée en particulier par la budgétisation du Fonds européen de développement, qu'évoquait M. Del Picchia.
J'ajoute que la maîtrise des dépenses de l'Union européenne s'impose dans la mesure où celle-ci n'échappe pas à l'obligation qui incombe désormais à tous les pouvoirs publics de penser en termes d'objectifs et de résultats et pas seulement de moyens ; Mme Bidard-Reydet en a parlé. Cela suppose notamment, comme le suggère M. de Montesquiou, de maintenir le plafond pluriannuel des dépenses à 1,24 % du revenu national brut communautaire, avec la préservation d'une marge suffisante.
Enfin, un nouvel équilibre dans le système de financement doit être recherché. Cela implique une réflexion prospective sur un éventuel impôt communautaire, pour sauvegarder les politiques communes. Cela nécessite également un réexamen complet des mécanismes de compensation budgétaire existants, y compris le chèque britannique, dont la plupart d'entre vous ont reconnu qu'il était quelque peu périmé.
La répartition du financement des dépenses de l'Union, tout particulièrement de l'effort de solidarité en faveur des nouveaux Etats membres, doit en effet refléter les facultés contributives de chacun. La « confiance cordiale » avec le Royaume-Uni, souhaitée par le Président de la République et par M. Tony Blair, n'exclut pas une discussion franche et honnête sur des dispositifs qui, en réalité, n'ont plus lieu d'être.
La France s'est, plus généralement, toujours interrogée sur le bien-fondé d'une approche en termes de soldes nets, qui nous semble contraire à l'esprit de solidarité qui fonde l'Union. C'est pourquoi nous sommes opposés à un éventuel mécanisme d'écrêtement généralisé des soldes, sur lequel je comprends que la Commission n'ait pas arrêté de proposition définitive.
En dernier lieu, j'évoquerai la conférence intergouvernementale et ce qu'elle induit en termes de gouvernance économique et de modernisation de la procédure budgétaire.
La remise à plat du budget européen doit en effet s'accompagner d'une amélioration substantielle de ses méthodes d'élaboration.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez maintes fois relevé le caractère complexe de la procédure budgétaire européenne.
M. Denis Badré, rapporteur spécial. Son caractère archaïque !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. La Convention sur l'avenir de l'Europe s'est inspirée des propositions françaises et, comme l'a fort bien indiqué M. Haenel, a permis des avancées sur trois points.
Premièrement, le projet constitutionnel clarifie les procédures budgétaires européennes en abolissant en particulier la distinction entre dépenses obligatoires et dépenses non obligatoires et en formalisant la pratique des perspectives financières, rebaptisées « cadre financier pluriannuel ».
Deuxièmement, le projet issu de la convention tend à simplifier les procédures de décision, notamment la procédure budgétaire annuelle, et à faciliter la prise de décision. Il propose en effet d'introduire, à terme, le principe de la majorité qualifiée pour l'adoption du cadre financier pluriannuel ; quant aux modalités d'application des ressources propres existantes, le principe proposé est de mettre en pratique la majorité qualifiée dès l'entrée en vigueur de la future Constitution.
Enfin, les parlements nationaux font leur entrée dans cette procédure budgétaire. Vos prérogatives demeurent respectées puisque vous serez appelés à ratifier la création éventuelle de nouvelles ressources propres.
Certes, la France aurait voulu qu'on aille beaucoup plus loin. Nous aurions notamment souhaité, monsieur Badré, aller vers un vrai budget. Nous aurions souhaité, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, aller vers une vraie gouvernance économique.
Cependant, il n'y a pas encore de consensus européen dans ce domaine. Le seul ajustement significatif que nous demandons, à l'occasion de la conférence intergouvernementale, est de veiller, conformément au souhait exprimé par M. Haenel, à une symétrie plus complète des deux branches de l'autorité budgétaire, le Conseil et le Parlement européen, pour l'adoption du budget annuel.
Pour le reste, nous persistons et nous signons : nous pensons qu'il faut continuer à militer pour une véritable gouvernance économique européenne.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais ne laissez pas cela aux diplomates !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Pour la procédure budgétaire comme pour l'architecture institutionnelle de la nouvelle et grande Europe, pour l'Europe sociale, pour l'Europe des services publics, évoquée par Mme Bidard-Reydet et M. Angels, la Convention présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing a permis de faire des pas non négligeables.
C'est pour cette raison que la France milite au sein de la CIG afin que ne soit pas remis en cause l'équilibre du projet de la Convention. Nous souhaitons évidemment apporter les clarifications indispensables sur quelques questions importantes, par exemple, le statut du ministre européen des affaires étrangères.
Puisque vous m'avez interrogée, monsieur Del Picchia, sur l'immigration, qui deviendra une compétence beaucoup plus largement communautaire, sachez que la France a demandé, dans la perspective de l'élargissement, une dérogation pour que son marché du travail ne soit pas accessible avant deux ans aux salariés des pays entrants, dérogation prorogeable trois ans et même encore deux ans supplémentaires.
S'agissant d'éventuelles concessions sur le nombre de commissaires ou même sur le mode de calcul de la majorité qualifiée, vous me permettez de laisser la réponse en suspens : elle viendra nécessairement un jour, issue des travaux de la CIG.
Il revient à la présidence italienne de nous faire des propositions. La France, pour sa part, a réitéré son souhait très ferme de s'en tenir à l'équilibre général retenu par la Convention. Il est pour nous le meilleur possible dans la meilleure Europe possible.
Une Europe réunifiée, une Europe qui accède enfin à sa dimension d'espace politique à l'échelle du continent, une Europe aux institutions rénovées, une Europe qui défend son modèle socio-économique : c'est ainsi que l'Union se présentera en 2004 à nos concitoyens et c'est pourquoi notre devoir de pédagogie et de dialogue avec eux se trouve aujourd'hui accru.
Depuis un an et demi et avec votre soutien, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai pu sillonner les régions et les territoires de France à l'occasion des rencontres pour l'Europe que j'y anime et j'en ai tiré, croyez-le bien, nombre d'enseignements sur les attentes des Français face à l'Europe.
J'ai effectué parallèlement près d'une centaine de déplacements dans tous les pays européens, et j'ai la conviction qu'il est temps, à présent, de promouvoir une Europe citoyenne, beaucoup plus proche du terrain.
Nous avons, nous, Français, une responsabilité historique, qui remonte à la création de l'Europe. Nous devons plus que jamais continuer à expliquer sans cesse l'Europe pour que la France conserve, avec le soutien des opinions publiques, toute sa place de pays fondateur et moteur du projet européen.
C'est pourquoi je vous remercie pour votre contribution à ce projet, à l'Europe des citoyens, et pour votre engagement qui est, je puis vous le dire, un modèle pour nos partenaires.
L'Europe, M. Arthuis l'a dit, doit inspirer confiance. Elle doit également inspirer à nos concitoyens un sentiment d'appartenance. En effet, sans le coeur que l'on doit mettre à poursuivre et à approfondir la construction européenne, le message ne serait pas véritablement important. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je tiens à dire à Mme la ministre combien nous avons été attentifs à ses propos et à rendre hommage à son engagement personnel, à la conviction qu'elle exprime et à la précision de ses réponses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Nous sommes dans la bonne direction.
J'ai cependant une question à vous poser, madame la ministre. Au début de ce débat, notre rapporteur spécial, Denis Badré, vous a interrogée sur un excédent de 6 milliards d'euros qui semble apparaître dans le projet de budget pour 2004. Si tel est effectivement le cas, la France pourrait réduire sa contribution de 16 %, soit de près de un milliard d'euros. Ce serait une façon d'amorcer un retour vers le respect des 3 % du pacte de stabilité et de croissance.
Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir préciser votre réponse sur ce point particulier, afin de mieux éclairer le Sénat.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Monsieur le président de la commission, je suis en mesure de vous apporter des précisions qui, peut-être, vous décevront.
La réduction, d'un montant de 5 milliards d'euros et non pas de 6 milliards d'euros, porte sur des crédits de paiement inscrits dans le budget pour 2003 au titre des fonds structurels alloués pour la période qui s'est achevée entre 1994 et 1999. Cette réduction de crédits de paiement en cours d'exercice est une conséquence de la sous-exécution des fonds structurels. Mais cette décision est neutre quant à l'estimation du prélèvement intégré au projet de loi de finances pour 2004 car elle tenait déjà compte de cette hypothèse de sous-exécution.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je comprends !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. En d'autres termes, le budget l'avait déjà intégrée dans le « jaune ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous aviez déjà ramassé la mise !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Dans la perspective des efforts à consentir pour la réduction de notre déficit budgétaire, le Gouvernement a déjà saisi cette opportunité chanceuse.
M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Alain Lambert y a veillé !
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Ultérieurement, le système pourrait être non pas repensé, mais en tout cas revu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 41.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(L'article 41 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen de l'article 41 relatif à la participation de la France au budget des Communautés européennes.
Recettes des collectivités locales (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles de la première partie relatifs aux recettes des collectivités locales, nous en sommes parvenus à l'article 33.
I. - La sous-section 3 de la section 1 du chapitre IV du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l'article L. 2334-13, les mots : « une dotation nationale de péréquation, » sont insérés avant les mots : « une dotation de solidarité urbaine ». Au quatrième alinéa de ce même article, les mots : « la dotation nationale de péréquation, » sont insérés avant les mots : « la dotation de solidarité urbaine » ;
2° L'article L. 2334-13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de 2004, l'augmentation annuelle du solde de la dotation d'aménagement est répartie par le comité des finances locales entre la dotation nationale de péréquation, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, ainsi qu'entre les différentes parts ou fractions de ces dotations, quand elles existent. » ;
3° A l'article L. 2334-14, les mots : « dotation nationale de péréquation, la » sont insérés avant les mots : « dotation de solidarité urbaine » ;
4° Les paragraphes 1 et 2 deviennent respectivement les paragraphes 2 et 3 ;
5° Il est rétabli un paragraphe 1 ainsi rédigé :
« Paragraphe 1
« Dotation nationale de péréquation
« Art. L. 2334-14-1. - La dotation nationale de péréquation remplace à compter de 2004 le Fonds national de péréquation prévu par l'article 1648 B bis du code général des impôts. Elle est répartie selon les modalités prévues par cet article pour le fonds national de péréquation. » ;
6° Le dernier alinéa de l'article L. 2334-21 est supprimé.
II. - Au premier alinéa de l'article L. 2334-3 du même code, les mots : « L. 2334-20 à L. 2334-23 et de l'article 1648 B bis du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « L. 2334-14-1 et L. 2334-20 à L. 2334-23 ».
III. - L'article 1648 B bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au I, les 1° et 2° sont ainsi rédigés :
« 1° D'une part principale ;
« 2° D'une majoration. » ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. - Le fonds est réparti entre les communes dans les conditions précisées aux III, III bis, IV, V et VI, après prélèvement des sommes nécessaires à la quote-part destinée aux communes des départements d'outre-mer et de la collectivité départementale de Mayotte. Cette quote-part est calculée en appliquant au montant de la part communale le rapport, majoré de 10 %, existant, d'après le dernier recensement général, entre la population des communes des départements d'outre-mer et de la collectivité départementale de Mayotte et celle des communes de métropole et des départements d'outre-mer et de la collectivité départementale de Mayotte. Elle est répartie dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »