La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 370 du code électoral est remplacée par les dispositions suivantes :
« Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe. »
M. le président. Je mets aux voix l'article unique.
(L'article unique est adopté à l'unanimité.)
Articles additionnels après l'article unique
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. Natali, est ainsi libellé :
« Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 365 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 365. - Les dispositions des articles L. 338 et L. 338-1 sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse.
« Cependant, pour cette application, il y a lieu de lire : "en Corse" à la place de : "dans la région" ou : "dans chaque région". »
« II. - L'article L. 373 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 373. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 346 sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. »
« III. - En conséquence, les articles L. 293-1 à L. 293-3 et l'article L. 366 du même code sontabrogés. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Natali, est ainsi libellé :
« Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans l'article L. 337 du code électoral, après les mots : "de chaque conseil régional" sont insérés les mots : "et de l'Assemblée de Corse".
« II. - En conséquence, dans le tableau n° 7 annexé au même code, après la ligne :
"Champagne-Ardenne 49
"Ardennes 13
"Aube 13
"Marne 21
"Haute-Marne 10"
est insérée la ligne suivante :
"Corse 51
"Corse-du-Sud 26
"Haute-Corse 29" »
L'amendement n° 4, présenté par M. Natali, est ainsi libellé :
« Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 366 du code électoral est ainsi modifié :
« I. - Aux deux premiers alinéas, les mots : "trois sièges" sont remplacés (trois fois) par les mots : "huit sièges". »
« II. - Au troisième alinéa, les mots : "moins 5 %" sont remplacés par les mots : "au moins 7,5 %". »
L'amendement n° 1, présenté par M. Alfonsi, est ainsi libellé :
« Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 373 du code électoral est ainsi modifié :
« Dans le premier alinéa, les mots : "au moins égal à 5 %" sont remplacés par les mots : "au moins égal à 7,5 %".
« Après les mots : "que celles-ci", la fin de la première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée : "aient obtenu un nombre de suffrages au moins égal à 3 % et qu'elles ne se maintiennent pas au second tour". »
L'amendement n° 5, présenté par M. Natali, est ainsi libellé :
« Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 373 du code électoral est ainsi modifié :
« I. - Au premier alinéa, les mots : "au moins égal à 5 %" sont remplacés par les mots : "au moins égal à 7,5 %".
« II. - Au deuxième alinéa, après les mots : "sur d'autres listes" sont insérés les mots : "ayant obtenu au premier tour au moins 3 % des suffrages exprimés". »
La parole est à M. Paul Natali, pour présenter les amendements n°s 2, 3 et 4.
M. Paul Natali. L'amendement n° 2 vise à rendre applicable en Corse le droit commun électoral applicable à l'élection des conseillers régionaux tel qu'il résulte des modifications apportées par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003.
Le paragraphe I étend le mode de scrutin régional - circonscription unique avec sections départementales - et fixe à 5 % des suffrages exprimés le seuil d'admission à la répartition des sièges.
Le paragraphe II fixe respectivement à 10 % et à 5 % des suffrages exprimés les seuils d'admission au second tour et de fusion des listes.
Le paragraphe III constitue la conséquence formelle des deux précédents.
L'amendement n° 3 est le corollaire formel de l'amendement que je viens de présenter. Il s'agit de rendre applicable en Corse le droit commun électoral relatif à l'élection des conseillers régionaux tel qu'il résulte des modifications apportées par la loi du 11 avril 2003.
Cela implique un vote par section départementale, l'instauration d'une primaire majoritaire de treize sièges sur cinquante et un au lieu de trois actuellement, un seuil de 10 % des suffrages exprimés pour le maintien au second tour, un seuil de 5 % des suffrages exprimés pour être admis à la répartition des sièges et pour fusionner, alors qu'il n'existe actuellement aucun seuil pour les fusions de listes.
Comme je l'ai dit dans la discussion générale, seule l'application de ce système électoral est à même de donner à l'Assemblée de Corse une garantie d'efficacité, de stabilité et de représentation équitable des populations et des territoires.
Je tiens à préciser que ces amendements reprennent le contenu de la proposition de loi que j'ai récemment déposée et que j'ai adressée aux 236 maires de mon département voilà une quinzaine de jours afin de recueillir leur avis. À ce jour, plus de 130 maires, c'est-à-dire plus de 60 % d'entre eux, toutes tendances confondues, ont répondu. Je n'ai pas reçu un seul avis défavorable. Ces maires ont tous exprimé leur plein accord sur cette proposition. Je tenais à vous le faire savoir, monsieur le ministre, mes chers collègues.
L'amendement n° 4 est un amendement de repli.
A défaut d'appliquer à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse le droit commun électoral applicable à l'élection des conseillers régionaux, il convient à tout le moins d'accorder une petite prime majoritaire et d'éviter la multiplication des listes qui conduisent à l'impossibilité de constituer une majorité stable à l'Assemblée de Corse.
Le paragraphe I porte de trois à huit sièges la prime majoritaire pour un effectif de cinquante et un membres.
Le paragraphe II porte de 5 % à 7,5 % le seuil nécessaire pour être admis à la répartition des sièges.
Connaissant la situation pour avoir déjà vécu plusieurs élections durant lesquelles j'ai moi-même été tête de liste, je suis certain que ce sera la foire d'empoigne. On va se trouver avec quinze listes le jour du vote. Que se passera-t-il à l'issue du scrutin ?
Mon inquiétude, qui est partagée par beaucoup, porte sur le fait qu'il est quand même nécessaire d'obtenir une assemblée soudée qui présente une certaine stabilité. Le mode de scrutin, même si il y a effectivement repli par rapport au droit commun, doit permettre d'éliminer les petites listes ayant obtenu des scores très bas.
Il faut également relever le seuil pour se maintenir au deuxième tour, et éventuellement fusionner à 7,5 % au lieu de 5 %.
Il faut enfin prévoir une prime à la liste qui arrive en tête. Il faut lui donner un chouïa pour qu'elle se rapproche le plus possible d'une majorité franche.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Nicolas Alfonsi. J'ai longtemps hésité avant de déposer cet amendement. Dans le climat actuel, je ne souhaitais pas que s'élèvent des voix portant des accusations malvenues de tripatouillage électoral pour un simple changement de seuil. Puis il m'est apparu opportun de le déposer, et je voudrais faire prendre conscience à mes collègues de l'intérêt qu'il présente.
Première observation : j'avais dit à M. le ministre en juillet dernier, et je l'ai rappelé il y a un instant, que je ne me « roulerais pas par terre » si le seuil de 5 % était maintenu. Cette position était justifiée par l'idée qu'il fallait tenir compte de toutes les sensibilités et donc, bien entendu, des sensibilités nationalistes. Mais, petit à petit, mon sentiment a changé.
Il est en effet difficile de vouloir se battre au nom de toutes les familles d'esprit politique quand l'une d'entre elles prétend être le premier parti de Corse. Il ne faut pas pousser le masochisme trop loin et vouloir à tout prix défendre cette sensibilité, même si certaines déclarations récentes tendent à demander à une organisation clandestine d'arrêter de prendre des initiatives, en d'autres termes, de cesser de poser des bombes et de faire une trêve. En effet, je traduirai ainsi la pensée des auteurs de ces déclarations : « Nous aussi, comme les autres, nous voudrions obtenir des suffrages, ce qui est difficile si vous poursuivez vos actions ».
Par ailleurs, cet amendement est consubstantiellement différent de celui de M. Natali, qui tend à revenir au droit commun. En cas de retour au droit commun, certains nous mettent en garde contre une éventuelle sanction du Conseil constitutionnel, la loi disposant qu'un an avant les élections le régime électoral d'une région ne peut pas être modifié.
Mais, est-ce que faire passer le seuil de 5 % à 7,5 % est un élément constitutif d'un régime électoral ? Les éléments constitutifs d'un régime électoral sont le scrutin majoritaire, le scrutin de liste, la répartition des candidats par rapport à la démographie.
De plus, si ce texte était adopté, pensez-vous que quelqu'un irait déposer un recours devant le Conseil constitutionnel ? Ce ne serait pas très sérieux !
Par conséquent, l'argument qui consiste à dire que, pendant l'année précédant les élections on ne peut plus rien faire, n'est, à mon avis pas recevable.
Sur le plan pratique, j'ai déposé cet amendement pour vous dire comment les choses vont à peu près se passer. Je ne lis pas dans le marc de café, mais, pour le référendum déjà, j'avais quelques intuitions quant au résultat de la consultation. Et d'ores et déjà, je peux prévoir comment cela va finir.
Avec un seuil de 5 %, nous aboutirons à une balkanisation que nous avons déjà connue, beaucoup de listes iront « masquées » jusqu'au troisième tour. L'objectif de cet amendement est donc d'ordre technique : obliger les candidats à dévoiler leur programme dès le deuxième tour, de manière que les alliances et les accords se fassent aux yeux et au vu de tous et que les électeurs sachent pour qui ils votent.
Si de nombreuses listes passent la barre du deuxième tour en avançant masquées, ce sera la confusion et il n'y aura plus aucune transparence au troisième tour. Je rappelle pour mémoire que ce type de situation s'était déjà manifesté à l'occasion des dernières consultations électorales.
J'ajoute que, au moment où l'on parle de la parité, le seuil de 5 % risque partiellement de détruire ce principe. Cela peut, certes, paraître paradoxal, mais quand une liste électorale aura obtenu 5,2 % ou 5,5 % des voix - je sais bien qu'à 7,5 % on ne peut rien empêcher non plus, je connais la situation sur le terrain - et puisque a priori aucune femme ne conduira de liste, ou que l'on tentera de faire en sorte que ce soit des hommes qui les conduisent, il y aura souvent trois élus, deux hommes et une femme. Le principe de la parité sera, si j'ose dire, partiellement ruiné. Il s'agit là d'un argument qui peut paraître subtil, mais il tient compte de la réalité sur le terrain.
Cela étant, le Sénat fera comme il voudra. Je devine déjà la position de M. le ministre, qui peut également se justifier : « Nous avons pris des engagements. Nous avons créé un groupe de travail. Il ne fallait rien toucher, etc. » Passons, c'est terminé !
Je crois quand même pouvoir dire que, entre le deuxième et le troisième tour, régnera une grande confusion. Nous aurons l'occasion d'en reparler, encore que je souhaite que ce débat soit le dernier concernant la Corse.
M. le président. La parole est à M. Paul Natali, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Paul Natali. Cet amendement est très proche de celui que vient de défendre M. Alfonsi.
Nous avons tous la préoccupation de remonter le seuil permettant la fusion ou le maintien au second tour pour éviter un éparpillement excessif de la représentation.
En effet, le maintien au second tour pose un problème préoccupant. Le regroupement de n'importe quelle liste sur des majorités - ou plutôt sur des groupes ! - risque de masquer la finalité de l'échéance électorale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt, rapporteur. Ces cinq amendements portent sur le seuil d'accès au second tour, sur le seuil d'accès à la fusion de liste et, pour deux d'entre eux, sur la modification de la prime majoritaire.
La règle habituelle veut que l'on ne modifie pas substantiellement, dans l'année qui précède l'élection, le mode de scrutin. Certes, prévoir l'exercice de la parité ne relève pas de cette règle puisque le Conseil constitutionnel a d'ores et déjà affirmé contraire à la Constitution d'exclure la Corse de la parité absolue. Mais aller au-delà ne semble pas opportun.
Par ailleurs, la commission rappelle que des groupes de travail avaient été mis en place par M. le ministre avant le référendum, que la question des seuils y avait fait l'objet d'une longue discussion, mais qu'aucun consensus ne s'était - très loin de là ! - dégagé.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a repoussé l'ensemble de ces amendements, sur lesquels je suis amené, ès qualités, à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement a beaucoup réfléchi à cette question. Comme tout ce qui touche à la Corse, il ne s'agit pas d'un dossier facile.
J'ai été très heureux, monsieur Natali, de vous entendre prononcer un vibrant plaidoyer sur la parité car, comme vous le savez, sur les cinquante-deux conseillers généraux que compte la Corse, il n'y a qu'une femme ! Malheureusement, cela ne changera pas !
Pourquoi le Gouvernement est-il défavorable à l'ensemble de ces amendements, dont on peut par ailleurs comprendre la logique ?
J'ai beaucoup apprécié que M. Alfonsi explique dans son intervention, qu'il a réfléchi, qu'il a hésité, qu'il a évolué ; cela m'est arrivé de faire la même confession.
M. Nicolas Alfonsi. En sens inverse !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Vous savez, monsieur le sénateur, celui qui a le front de dire à propos de la Corse : « je n'ai jamais douté, je ne me suis jamais trompé », celui-là témoigne d'un autre défaut.
Loin de moi l'idée de vous faire le moindre reproche, je veux simplement montrer que les hommes honnêtes, qui essaient de réfléchir à la situation savent combien la question est compliquée.
Le Gouvernement est défavorable à la modification du mode de scrutin pour quatre raisons principales.
La première, dont M. le rapporteur a fait état, n'est pas qu'un simple argument juridique.
En Corse, la suspicion d'arrière-pensées est plus fréquente et plus prégnante que dans n'importe quelle autre région du territoire. Je crois qu'on peut le dire sans faire injure à qui que ce soit.
En Corse, on suspecte toujours que, derrière l'initiative la plus transparente, il y ait un calcul ; toute personne qui s'est intéressée à l'île le sait.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les textes d'application seront publiés en décembre, les élections auront lieu en mars : qui peut penser qu'une modification du mode de scrutin ne sera pas immédiatement interprétée comme une manoeuvre politique, voire politicienne ? Je ne dis pas que c'est l'intention de M. Natali, ni de M. Alfonsi. Mais cette démarche sera interprétée de cette façon. Et qui profite de ces suspicions politiciennes si ce n'est ceux qui veulent rejeter la démocratie, la République, la France ?
Il semble donc peu raisonnable de procéder à des modifications de cette nature dans le contexte actuel.
Deuxième raison : aucun consensus ne s'est dégagé sur une modification du scrutin alors que la parité fait l'objet d'un accord général : aucune force politique en Corse ne se déclare aujourd'hui contre la parité.
Comme M. Alfonsi l'a rappelé, j'ai réuni un groupe de travail sur le mode de scrutin. Celui-ci a fait montre d'une extraordinaire division, non pas entre la gauche et la droite, mais dans chacune des forces politiques : la droite est totalement divisée et la gauche l'est tout autant. Ce groupe de travail est composé d'hommes et de femmes de bonne volonté, mais qui hésitent. Les exemples de cet ordre sont multiples, chacun les a présents à l'esprit.
M. Natali, dont chacun connaît l'implantation forte en Haute-Corse, nous annonce que 60 % des maires du département lui ont donné leur accord. S'il m'avait communiqué ces signatures ; je les aurais considérées avec beaucoup d'intérêt parce que c'est là un consensus que je n'ai jamais rencontré jusqu'à présent en Corse, surtout pas en Haute-Corse !
Troisième raison : les modifications proposées apporteraient-elles de la stabilité ?.
Certes, d'aucuns peuvent le penser. Mais est-ce une certitude ? Qui, aujourd'hui, peut affirmer que la prime de 25 %, compte tenu de ce qu'est la division de la droite républicaine et de ses inimitiés inextinguibles, lesquelles n'ont rien à voir avec des raisons politiques ; compte tenu de ce qu'est la division de la gauche républicaine et de ses inimitiés non moins inextinguibles, profitera à des républicains ? Je ne ferai aucun pronostic s'agissant de la Corse. Bien malin qui peut savoir ! Je voudrais que les républicains de la Haute Assemblée mesurent bien la réalité des choses.
Enfin, dernière raison : le mode de scrutin actuel, c'est, grosso modo, le mode de scrutin du statut Joxe de 1991, qui a été modifié à deux reprises, d'une part, en 1999, pour fixer à 5 % des suffrages exprimés le seuil d'admission à la répartition des sièges, et, d'autre part, en 2003, pour relever la durée du mandat de cinq à six ans, comme cela avait été fait sur l'ensemble du territoire national. Même si le Gouvernement pense que le raisonnement qui consiste à se demander pourquoi instaurer un mode de scrutin particulier puisqu'il existe déjà un statut particulier n'est pas absurde, il émet un avis défavorable.
M. Alfonsi, par son amendement, propose simplement de passer à 7,5 % des suffrages exprimés alors que sur le continent ; le seuil retenu est 10 % et que le seuil actuel est 5 %. Ce ne serait pas une grande modification.
Dans ces conditions, il y a du pour et du contre. Soit la modification aura peu d'effet et, dans ce cas, on prend le risque, permettez-moi cette expression un peu triviale, d'être accusé de mettre les doigts dans le pot de confiture pour peu de chose.
Soit le changement serait considérable - ce que je pense - et l'on retombe sur les arguments que j'ai invoqués tout à l'heure.
N'est-il pas préférable qu'en Corse ceux qui ont des idées puissent les faire valoir, en suivant la voie démocratique, par leurs représentants, ce qui est la règle républicaine normale, plutôt que de condamner certains minoritaires à ne pas avoir de représentation électorale et, de ce fait à, encourager les plus violents, les cagoulés disons les choses comme elles sont ?
Si ceux qui sont porteurs d'idées sont condamnés à ne jamais avoir d'élus, cela les poussera-t-il à la violence ou à la modération ? Je pense qu'on a toujours intérêt à avoir des interlocuteurs se présentant à visage découvert devant les urnes, c'est particulièrement vrai aujourd'hui, alors qu'il y a débat entre les plus violents et les moins violents.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez bien que le Gouvernement s'est posé les mêmes questions que vous et voilà la réponse que je vous fais, après y avoir mûrement réfléchi, sans être pour autant persuadé que c'est une vérité définitive, totale, complète, qui apporte une solution à tous les problèmes. En tout cas, je pense qu'il y aurait finalement plus d'inconvénients et plus de risques au changement qu'au statu quo.
M. Nicolas Alfonsi. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. J'ai été sensible à l'argumentation de M. le ministre de l'intérieur lorsqu'il a dit que le dépôt de nos amendements pouvait laisser penser que nous tentions de dénaturer les élections, de « faire des coups », même si, en réalité, nous tentons de prévenir les coups qui ne manqueront pas de se produire. J'aurais donc quelques scrupules à maintenir mon amendement.
Il n'en demeure pas moins que le vrai problème est de savoir si nous devons assurer la représentation des sensibilités les plus homéopathiques. Qu'est-ce qu'une sensibilité qui représente 2 % ? Est-il indispensable qu'elle ait un élu ? La réponse n'est pas évidente. Entre le souci de représenter des sensibilités aussi homéopathiques et celui d'assurer la transparence entre le deuxième et le troisième tour, période qui donnera lieu à toutes les combinaisons possibles, car nous aurons créé des situations ingérables, le problème reste entier.
Comme je ne souhaite pas polémiquer, je vais retirer mon amendement, tout en prenant date. Nous verrons par la suite s'il était opportun, pour les raisons à la fois techniques et politiques que j'ai évoquées, de prévoir un seuil de 7 %. Pour l'instant, ce n'est véritablement pas le moment de mettre de l'huile sur le feu, je vous en donne bien volontiers acte, monsieur le ministre.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je remercie M. Alfonsi de sa très grande honnêteté et je veux qu'il soit assuré que le Gouvernement essaie d'avoir la même.
Le mode de scrutin du statut Joxe devra-t-il rester en l'état dans les années qui viennent ? Le Gouvernement ne le prétend nullement, monsieur Natali. Il y a une situation particulière aujourd'hui, même si la Corse est elle-même une addition de situations particulières. Avec une action engagée par les forces de l'ordre, d'un côté, et une action engagée par les élus, de l'autre, il ne s'agit pas de représenter des sensibilités à 2 %.
Vous avez dit que vous preniez date, moi aussi ! Et nous verrons bien, dans les années ou dans les mois qui viennent, ce qu'il conviendra de faire. A votre demande, monsieur Alfonsi - et à celle de M. Zuccarelli, que j'aperçois dans les tribunes et que je salue je sais qu'il nous écoute comme toujours avec une oreille attentive -, je me suis efforcé de tourner la page de la réforme institutionnelle.
M. Nicolas Alfonsi. C'est réglé !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je crois pouvoir dire que vous vous en êtes réjouis l'un et l'autre. Croyez-vous dès lors raisonnable d'ouvrir aujourd'hui le débat sur la réforme électorale ?
Faisons en sorte que, maintenant, la Corse se tourne vers le développement, vers la paix et que ceux qui ont à rendre des comptes devant la justice le fassent le plus rapidement possible.
M. le président. Monsieur Natali, maintenez-vous vos amendements ?
M. Paul Natali. Notre inquiétude est grande, monsieur le ministre. On voit ce qui se passe en Corse aujourd'hui. Avant-hier, il aurait pu y avoir une centaine de morts parmi les gardes mobiles, puisqu'on a trouvé un 4x4 bourré d'explosifs. Il y a des plasticages tous les jours.
On cherche toujours à prévoir des mesures spécifiques pour la Corse. Or j'ai l'impression que, chaque fois, ces spécificités génèrent une recrudescence de la violence, parce que certains mouvements croient que l'on peut construire l'avenir de la Corse à partir de la violence. Pourtant, l'avenir de la Corse ne pourra bien s'engager qu'à partir du moment où les Corses auront compris qu'il faut se retrousser les manches et aller au charbon.
Notre île se trouve aujourd'hui prise dans des turbulences, soumise à des actions et des réactions contraires qui privent notre jeunesse de tout espoir, qui se tirent mutuellement vers le fond.
Vous dîtes, monsieur le ministre, qu'il ne faut pas modifier le mode de scrutin. Mais vous savez bien que les propositions de modification des institutions de Corse sont dues au fait que les nationalistes ont, une fois de plus, agité le chiffon rouge en disant : « Ce n'est qu'une première étape vers l'indépendance. »
Je le répète, les Corses sont viscéralement attachés à la République et ils veulent aujourd'hui se retrouver de manière durable dans le droit commun, sans être marginalisés par rapport au reste de la France.
Monsieur le ministre, ainsi que je vous l'ai déjà expliqué, j'ai rencontré un très grand nombre de maires. Vous le savez, je suis un homme de terrain et je fais souvent le tour des communes rurales pour voir leur maire. Sur les 236 petites communes que compte la Haute-Corse, plus de 150 ont une population inférieure à 200 habitants ; il y a même des communes de 30 habitants. Cela, il ne faut jamais l'oublier.
On dit aujourd'hui qu'il faut remettre la Corse en mouvement. Est-ce en continuant à prendre des mesures spécifiques, qui ne s'appliquent pas ou qui s'appliquent mal, que nous y parviendrons, que nous la sortirons de l'impasse ? J'en doute.
Pour ce qui est de mes amendements, monsieur le président, comme Nicolas Alfonsi et pour les raisons évoquées par M. le ministre, je les retire, mais je laisse la Haute Assemblée juge du résultat que l'on obtiendra lors de la prochaine échéance électorale.
M. le président. Les amendements n°s 2, 3, 4 et 5 sont retirés.
La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Je veux remercier M. Natali et lui dire, avec toute l'amitié que j'ai pour lui, que la stabilité et l'union ne sont pas simplement affaire d'institutions et de règles électorales : c'est aussi affaire de pratiques à l'intérieur des formations politiques.
Puisqu'il souhaite - et je sais qu'il est sincère, car je connais son profond amour de la Corse - que la Corse rentre dans le droit commun, je ne doute pas qu'il en tirera, avec ses amis, toutes les conséquences, d'abord au sein de l'UMP, puis au sein de la droite, pour donner le spectacle de l'union, du rassemblement et de la concorde.
Par ailleurs, j'attache beaucoup de prix, moi aussi, à la Corse de la ruralité, monsieur Natali. Permettez-moi ce clin d'oeil à Nicolas Alfonsi, ainsi peut-être qu'à Emile Zucarelli : s'il n'y avait eu que la Corse de l'intérieur, chacun le sait bien, le « oui » aurait sans doute triomphé...
M. Nicolas Alfonsi. C'était le clan !
M. Nicolas Sarkozy, ministre. ... puisque c'est surtout la Corse de Bastia et d'Ajaccio qui a voté « non ».
M. Nicolas Alfonsi. Elle est « moderne ».
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Non, cher Nicolas Alfonsi, je ne l'ai pas dit ! (Sourires.)
Enfin, pour la Corse et pour la République, je souhaite bien entendu que nous réussissions, et croyez bien que je ne négligerai aucun effort pour cela. Mais le Gouvernement ne voulait surtout pas créer les conditions d'un nouvel affrontement en Corse. Je ne pense pas que l'on puisse faire avancer l'île vers la stabilité en lui proposant un nouveau sujet de division. Non que nous estimions détenir la vérité ! Simplement, pour obtenir la stabilité, nous devons commencer par ne pas créer d'éléments d'affrontement.
Monsieur Natali, merci de retirer vos amendements. Croyez bien que, dès le mois de décembre, nous aurons l'occasion d'en reparler, lorsque je me rendrai en Corse pour travailler au développement de l'île.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Natali, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
« Projet de loi relatif à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. »
Monsieur Natali, dois-je comprendre, compte tenu du retrait de vos autres amendements, que celui-ci est également retiré ?
M. Paul Natali. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je me permets d'intervenir brièvement en cet instant dans la mesure où notre groupe ne s'est pas exprimé dans la discussion générale. Il est vrai que, une fois n'est pas coutume, nous nous retrouvions parfaitement dans les propos comme dans l'excellent rapport écrit du rapporteur. Cela devrait d'ailleurs inciter notre commission des lois à confier plus souvent des rapports à Michel Dreyfus-Schmidt, ce qui serait un bon moyen d'accélérer nos travaux et de répondre ainsi à un souhait qui est régulièrement émis en ce moment. (Sourires.)
Nous nous félicitons de ce que le débat n'ait porté que sur le seul article qui nous était soumis, même si nous avons apprécié la qualité des arguments de notre collègue Nicolas Alfonsi et s'il faut reconnaître que le problème qu'il a posé devra être traité le moment venu. Mais il nous faudra alors disposer du temps nécessaire pour en débattre dans la sérénité. La Haute Assemblée ne saurait régler une telle question à la sauvette, au détour d'un texte sur la parité.
Nous allons voter ce texte à l'unanimité. Il y a quelque chose de particulièrement réjouissant à voir l'ensemble du Sénat se prononcer en faveur de la parité puisque, pour certains de ses membres, le chemin qui a mené à l'acceptation de celle-ci a été long, cahoteux, voire pénible. Nous pouvons donc qu'être heureux d'une telle avancée. (Nouveaux sourires.)
Le rapport de Michel Dreyfus-Schmidt a été qualifié par M. le ministre de « lumineux et concis ». Nous allons voter une loi qui comporte un article unique. Permettez-moi, en guise de conclusion, de regretter que le très important texte relatif aux responsabilités locales n'ait pas présenté ce double caractère de luminosité et de concision, qui nous aurait sans doute permis de nous retrouver plus facilement. (Nouveaux sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. La conférence des présidents qui s'est réunie ce matin a confirmé que, pour l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales, le Sénat siégerait éventuellement le samedi 15 novembre, le matin, l'après-midi et le soir.
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Monsieur le président, je souhaite formuler une observation à propos de l'organisation de nos travaux.
Malgré mon intervention et celles de mes collègues Nicole Borvo, Michel Mercier et Jacques Pelletier, qui ont fait toutes réserves sur la possibilité de voir qu'un texte aussi important puisse donner lieu à un débat devant un hémicycle quasiment vide, la conférence des présidents a décidé que, « éventuellement », nous siégerions samedi si la discussion n'était pas achevée vendredi.
Je tiens, au nom de mon groupe, à élever la protestation la plus vive sur la façon dont va se dérouler la fin de ce débat.
Il nous a été donné acte que, à aucun moment, nous n'avons pratiqué l'obstruction ; nous avons fait valoir nos arguments et, jusqu'à présent, le débat a été tout à fait sérieux.
Des dispositions d'une importance majeure figurent dans les derniers articles de ce texte. Or ceux-ci seront discutés dans des conditions tout à fait inacceptables, que ce soit dans la nuit de vendredi à samedi ou, a fortiori, dans la journée de samedi, voire dans la nuit de samedi à dimanche.
Je ne comprends pas. Nous avons proposé que, à un certain moment, à l'issue de l'examen d'un titre, par exemple, la fin de la discussion de ce projet de loi soit reportée jusqu'après le vote de la loi de finances. N'en déplaise à M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, cela est parfaitement possible dans la mesure où, d'une part, ce projet de loi n'est pas déclaré d'urgence et, d'autre part, il ne sera discuté à l'Assemblée nationale qu'à partir du 27 janvier prochain. Par conséquent, la plupart de ses dispositions ne seront applicables qu'à partir de janvier 2005.
Rien ne justifie donc que nous terminions la discussion d'un texte aux conséquences aussi lourdes - le Sénat est particulièrement qualifié pour en mesurer l'ampleur - pour les collectivités locales dans de telles conditions !
C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, j'élève la plus ferme protestation. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Nous prenons acte de cette déclaration, monsieur Estier.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. A la suite de mon collègue Claude Estier, je voudrais à mon tour protester contre la décision qui a été, malgré notre opposition, prise en conférence des présidents de faire « éventuellement » siéger le Sénat samedi pour que celui-ci achève l'examen du projet de loi relatif aux responsabilités locales.
Il est tout de même assez extraordinaire, sinon incroyable, que, sur un texte auquel le Gouvernement attache une grande importance, le Sénat, assemblée des collectivités locales, soit contraint de se prononcer nuitamment, presque en catimini.
Comme l'a souligné Claude Estier, rien ne justifie que nous bâclions ainsi la fin de l'examen de ce texte : le calendrier parlementaire nous permet d'en reprendre l'examen soit après le vote de la loi de finances, c'est-à-dire après le 9 décembre prochain, soit au début du mois de janvier 2004. Dès lors, il est absolument inadmissible que nous soyons contraints de légiférer dans la précipitation.
Nous, nous sommes opposés à ce texte, mais je fais appel au sens des responsabilités de ceux qui le soutiennent : considèrent-ils qu'il serait glorieux de le voter dans la nuit de vendredi à samedi, voire dans la nuit de samedi à dimanche ?
Au demeurant, en cet instant, nul ne peut être sûr que nous pourrons effectivement en terminer samedi. Nous risquons donc de nous retrouver exactement dans la même situation samedi soir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Acte vous est donné, ma chère collègue, de cette déclaration.