SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION
DE PARLEMENTAIRES CHYPRIOTES
M. le président. J'ai l'honneur et le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation de parlementaires chypriotes conduite par M. Nicos Anastasiades, président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants de Chypre.
La délégation a répondu à l'invitation du groupe d'amitié France-Chypre, que préside notre ami André Rouvière, sénateur du Gard.
Je forme des voeux pour que cette visite contribue à renforcer les liens qui unissent nos deux pays, à l'heure de la prochaine entrée de Chypre dans l'Union européenne. (M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
DROIT D'ASILE
Suite de la discussion d'un projet de loi
(suite)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.
Dans la suite de la discussion de l'article 1er, la parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.
M. Patrice Gélard. Naturellement, nous voterons contre cet amendement, mais je tiens surtout à apporter une précision.
Ce n'est pas la première fois, dans cette enceinte, que nos collègues de l'opposition réclament l'avis du Conseil d'Etat. Or cette attitude me paraît extrêmement dangereuse. Le Conseil d'Etat est en effet le conseiller juridique du Gouvernement et non celui du Parlement. Pour ma part, je ne tiens en aucun cas à être lié par les déclarations du Conseil d'Etat !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous ne sommes pas liés !
M. Patrice Gélard. Ce serait une atteinte à l'autonomie du Parlement que d'avoir systématiquement communication des avis du Conseil d'Etat. Rien ne nous interdit de demander des avis à des experts, mais nous ne saurions dépendre d'un organe qui est exclusivement le conseiller juridique du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. M. Gélard confond « lié » et « informé ». Le Parlement a le droit d'être informé des avis du Conseil d'Etat pour se faire une opinion, ce qui ne lui impose pas de s'y ranger.
M. Patrice Gélard. C'est faux !
M. Robert Bret. J'ai dit tout à l'heure combien l'article 1er structurait toute la réforme proposée par le Gouvernement. Cette réforme introduit dans notre droit des notions qui vont avoir de graves conséquences, il faut en être conscient, dans la mesure où elles vont restreindre considérablement l'accès au droit d'asile dans notre pays. Il sera désormais possible de multiplier les refus malgré la dégradation de la situation en bien des points du monde, en particulier, comme l'actualité le montre, sur le continent africain.
Dans ce monde imprévisible et dangereux, que M. Chérioux a lui-même évoqué, la France, fidèle à la tradition inaugurée en 1793 et réactivée à la Libération, notamment dans la Constitution de 1946, devrait demeurer cette patrie de la liberté,...
M. Patrice Gélard. Elle l'est toujours !
M. Robert Bret. ... offrant l'asile à ceux qui, dans leur pays, voient leur liberté et leurs droits fondamentaux menacés, quand ils ne sont pas victimes de violences physiques.
M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur nous expliquent que, au nom d'une directive européenne - hier, M. le ministre des affaires étrangères nous parlait même d'une harmonisation dans l'espace Schengen -, il est nécessaire d'adopter ce projet de loi pour être pleinement en phase avec l'Europe. Or, nous l'avons dit et répété, cette directive n'est toujours pas adoptée et nous savons même qu'elle suscite un débat entre les Quinze.
Alors, pourquoi cette précipitation ? Certains ont dit que la France avait l'habitude de tarder dans la transposition des directives européennes. Pourquoi un tel zèle aujourd'hui ? Pourquoi, après avoir été le « mauvais élève », la France devrait-elle anticiper les décisions européennes, qu'il s'agisse du texte sur la maîtrise de l'immigration présenté par M. Sarkozy et voté la semaine dernière ou de ce texte sur l'asile territorial, alors même que le débat sur la question entre les Etats membres n'est pas clos ?
Ne faut-il pas voir là, monsieur le secrétaire d'Etat, une volonté de faire passer en force une certaine conception à l'échelon européen en utilisant le vote du Parlement français ? La réunion organisée à La Baule par le ministre de l'intérieur avec quatre de ses homologues européens n'était-elle pas une phase de cette stratégie de passage en force vis-à-vis des dix autres Etats, qui ont plus que des doutes sur ces questions, voire vis-à-vis des pays - nous accueillons aujourd'hui des collègues chypriotes - qui vont bientôt rejoindre l'Union ?
Toutes ces interrogations nous confortent dans l'idée selon laquelle l'article 1er doit être supprimé. Ce n'est pas affaire de lecture, monsieur le rapporteur. C'est affaire de choix politiques. Car, après tout, une directive ne fait que fixer des normes a minima, chaque Etat étant libre, à partir de ces normes, de choisir dans une palette de mesures celles qui correspondent le mieux à l'intérêt du pays.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. L'intervention de M. Chérioux me conduit à m'exprimer à mon tour.
Nous ne confondons pas la politique de l'immigration, dont nous avons débattu, et la question du droit d'asile. Il est légitime que chaque Etat définisse une politique de l'immigration. Le droit d'asile, lui, est un droit imprescriptible : toute personne qui est persécutée a le droit d'être accueillie.
On ne peut pas dire qu'il y ait à cet égard inflation : je le rappelle, la France comptait 400 000 réfugiés politiques après la guerre, il y en avait 180 000 en 1986 et, aujourd'hui, ils sont environ 130 000.
C'est vrai, de nombreuses demandes d'asile sont en fait d'ordre économique, et vous avez raison d'essayer d'améliorer le processus. Cela, nous ne le contestons pas. Ce que nous contestons, c'est une notion comme celle d'asile interne.
Les réponses qui nous ont été faites à ce sujet ne sont pas suffisantes. J'irai même plus loin : il est profondément choquant que personne ne nous ait fourni le moindre argument pour dire en quoi il serait légitime de transposer une directive qui n'existe pas.
M. Robert Del Picchia. Mais si, elle existe !
M. Robert Bret. Elle n'est pas adoptée !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, il existe certes des directives - y compris deux sur le droit d'asile - que nous n'avons pas encore transposées. Mais, dans cette enceinte, personne ne nous a fourni le début du commencement d'un argument pour nous expliquer en quoi il était juridiquement fondé de transposer une directive qui n'existe pas.
En vérité, le seul argument que l'on peut imaginer est un argument politicien : si cette loi était adoptée, le Gouvernement français pourrait exciper du vote du Parlement français pour orienter la discussion en cours sur la directive en expliquant à nos partenaires que celui-ci est favorable à l'asile interne. Or cela serait tout à fait inacceptable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 40.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Maintenant qu'il a été décidé de ne pas supprimer l'article 1er, il nous reste à convaincre nos collègues de le modifier et, en particulier, de ne pas retenir ces notions d'« asile interne » et de « pays sûr ».
M. Robert Bret. Manifestement, ce sera difficile !
M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ça oui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On m'objecte que tout a été dit hier soir. Mais il se trouve qu'un certain nombre - et même beaucoup ! - de nos collègues qui étaient là hier soir ne nous ont pas encore rejoints et que, en revanche, beaucoup qui n'étaient pas là hier soir sont maintenant présents. C'est donc surtout à eux, individuellement, que nous nous adressons, car, de même que le droit d'asile est individuel, il n'y a pas, en matière de représentation nationale, de mandat impératif et le vote des membres du Parlement est personnel : c'est donc bien entendu en conscience que chacun de nos collègues ici présents se prononcera.
Je dis « ici présents » puisque, nous l'avons vu hier soir, la commission, redoutant que sa majorité ne la suive pas entièrement, a sollicité par deux fois des scrutins publics !
M. René Garrec, président de la commission des lois. Nous voulions affirmer notre souhait de prouver que ce texte était intéressant pour la France !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Fort bien ! Alors, vous allez sans doute continuer sur votre lancée ! Vous n'avez pas demandé de scrutin public sur l'amendement n° 19, mais peut-être en demanderez-vous un sur l'amendement n° 40.
La réponse que nous a faite M. le secrétaire d'Etat sur cet amendement, précisément, ne nous satisfait absolument pas.
Nous demandons que l'on reprenne la formule de 1952 selon laquelle l'OFPRA est soumis à la surveillance du Haut commissaire aux réfugiés.
On nous rétorque que, maintenant, il y a l'autorisation subsidiaire. Mais le haut-commissaire aux réfugiés s'occupe de tous les réfugiés, et cela ne saurait être un inconvénient !
La vérité, c'est que, comme vous avez l'intention de nous demander tout à l'heure de soumettre l'OFPRA à la surveillance du ministre de l'intérieur, vous ne voulez évidemment pas que l'on puisse confondre !
Il a été reconnu qu'il y avait un représentant du ministre de l'intérieur auprès de l'OFPRA et que le ministre de l'intérieur avait quelqu'un auprès de lui pour suivre non seulement les problèmes d'immigration - qui sont parfaitement de son ressort -, mais aussi les problèmes d'asile.
Il est bien évident que ce n'est pas le ministre actuel qui est en cause, en tant que personne. Mais il aura des successeurs et, de toute façon, il ne faut pas confondre les fonctions. Puisque, comme vous le dites, il convient de bien faire la différence entre ceux qui doivent être protégés parce qu'ils sont des combattants de la liberté et ceux qui essayent demander l'asile pour des raisons économiques, raison de plus pour bien marquer que l'OFPRA relève du haut-commissaire aux réfugiés et du ministre des affaires étrangères tandis que l'immigration relève du ministre de l'intérieur.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est clair !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà les raisons pour lesquelles nous vous demandons de voter notre amendement n° 40.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais faire une remarque à l'intention de notre ami et collègue Michel Dreyfus-Schmidt.
Soumettre un organisme indépendant français au contrôle d'un organe étranger, fût-il international, n'est pas conforme à notre Constitution. Le faire supposerait d'avoir préalablement modifié la Constitution. Pour l'heure, donc, soumettre l'OFPRA au contrôle du haut-commissaire n'est pas possible en droit constitutionnel français.
M. Robert Bret. C'est pourtant ce qui se fait actuellement !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Oui, mais ce n'est pas constitutionnel pour autant !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Depuis 1958, vous ne vous en êtes jamais préoccupés !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Eh bien, maintenant, nous nous en préoccupons !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite simplement dire à M. Gélard que, si l'on suit son raisonnement, la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile est contraire à tous nos principes.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Eh bien oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait donc plus d'un demi-siècle que nous sommes en contradiction avec la thèse de M. Gélard puisque nous donnons au haut-commissaire des Nations unies la place qui lui revient pour la défense du droit des demandeurs d'asile.
M. Jean Chérioux. En 1952, la Constitution de 1958 n'existait pas !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais vous l'avez quand même oublié pendant longtemps !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne voudrais pas qu'en vertu de l'adage « qui ne dit mot consent » nous donnions l'impression que nous acceptons certains des arguments qui ont été développés.
Je souhaite simplement, ayant entendu M. Dreyfus-Schmidt et M. Sueur, faire justice des accusations de perversité qui nous sont lancées - même si elles ont été formulées d'une manière fort polie - s'agissant de l'application anticipée de la directive.
Nous sommes actuellement confrontés, en matière d'asile, à une situation que nous jugeons absolument inacceptable et que nous avons donc le devoir de faire évoluer le plus rapidement possible. Dès lors, nous légiférons.
En quoi est-il scandaleux que, en légiférant, nous nous inspirions d'une directive qui est en cours de préparation et qui est pratiquemment acceptée ?
M. Robert Bret. Non, qui fait encore débat !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Après y avoir beaucoup réfléchi, j'avoue ne pas le comprendre !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Monsieur Dreyfus-Schmidt, nous avons eu quatre heures de débat hier et déjà deux heures ce matin. Or nous n'en sommes encore qu'au vote du quatrième des amendements qui ont été déposés sur ce texte. Si vous reprenez toujours les mêmes arguments sous prétexte que les sénateurs qui sont maintenant présents n'étaient pas là hier, nous n'en sortirons plus !
Nous, nous étions là !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais vous, vous ne votez pas !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Je sais bien que les absents ont toujours tort, mais je crois qu'il vaut mieux aller directement à l'essentiel plutôt que de répéter en permanence les mêmes choses.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Robert Bret. Modifiez donc la procédure parlementaire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 41.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tandis que M. le secrétaire d'Etat s'exprimait, j'ai entendu le président de mon groupe murmurer : « Il n'y a plus qu'à supprimer le Parlement ! »
M. Henri de Raincourt. Ce serait dommage ! (Sourires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les débats du Parlement, Dieu merci, sont libres. Il n'en va pas tout à fait de même avec les directives puisque, en la matière, ce sont la Commission européenne et les ministres qui décident, en se passant totalement, jusqu'à présent, de l'avis du Parlement. Peut-être préférez-vous ce système, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je ne suis pas sûr qu'une telle opinion soit partagée par nos concitoyens.
L'amendement n° 41 concerne le caractère prioritaire du mode d'accès à l'asile. M. le rapporteur estime inutile de répéter « après avoir examiné en priorité si la demande d'asile ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié » parce que cette précision figure déjà dans le texte. Nous voulons bien en convenir.
Il en va de même pour les mots « la protection subsidiaire à toute personne qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes ».
En conséquence, avec l'accord de mon ami M. Mermaz, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 42.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 1er prévoit que le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé lorsque pèse, « s'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne, en raison d'une violence généralisée, résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ».
La Commission nationale consultative des droits de l'homme a fait remarquer qu'il y avait une contradiction à parler, d'une part, de violence généralisée et, d'autre part, de menace individuelle, et je dois dire que j'avais moi-même fait cette analyse après avoir pris connaissance du texte. Le Gouvernement a prétendu qu'il n'en était rien.
Nous n'avons pas déposé d'amendement sur ce point, ce en quoi nous avons eu tort. Mais nous demandons, soit à la commission, soit au Gouvernement, de remplacer le mot « civil » par le mot « personne ». En effet, on sait que, dans un pays situé de l'autre côté de la Méditerranée, certains militaires sont contraints d'effectuer un travail qu'ils ne veulent pas faire et se trouvent, de ce fait, gravement menacés.
En tout cas, il nous paraît légitime de prévoir que la liberté de ceux qui combattent pour la défense de la liberté, précisément, mérite également d'être protégée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 43.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai noté avec satisfaction que M. le secrétaire d'Etat avait été sensible aux arguments que nous avions développés en la matière.
Nous demandons que la carte de séjour temporaire d'un an soit renouvelable de plein droit, parce qu'un autre article du projet de loi prévoit que celle-ci peut être retirée à tout moment.
Dès lors qu'elle peut être retirée à tout moment, il n'y a aucun inconvénient à ce qu'elle soit renouvelable de droit en attendant le jour où elle serait effectivement retirée ! Cela allégerait le travail des fonctionnaires chargés d'examiner de tels cas, et c'est pourquoi nous nous permettons d'insister.
M. Robert Bret. C'est le bon sens, car cela simplifierait les choses !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela paraît effectivement simple à comprendre.
Toutefois, nous admettons, qu'à la fin du quatrième renouvellement de la carte de séjour temporaire, la délivrance de la carte de résident ne soit pas automatique. En effet, il y aura des cas où le demandeur d'asile n'aura tissé aucun des liens auxquels je faisais allusion tout à l'heure.
Nous modifions donc la dernière phrase de notre amendement dans les termes suivants : « A la fin du quatrième renouvellement, il peut être délivré au demandeur qui la sollicite une carte de résident. »
Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que vous tiendrez enfin compte de notre argumentation à laquelle vous vous êtes déclaré sensible.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Mermaz, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le dernier alinéa du 2° du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile :
« Le bénéfice de la protection subsidiaire donne droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an, renouvelable de plein droit, jusqu'à ce qu'il soit établi par l'office que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond et durable pour que la protection ne soit plus requise. A la fin du quatrième renouvellement, il peut être délivré au demandeur qui la sollicite une carte de résident. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous pouvons, certes, discuter les amendements en les modifiant successivement, qu'il s'agisse de statuer sur les civils, les militaires, ou de substituer une possibilité à une obligation. Toutefois, cela nous entraînerait fort loin,...
M. Robert Bret. C'est le débat parlementaire !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... alors que le sens initial du texte ne serait pas modifié.
L'avis de la commission reste donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement suit la commission.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je souhaite expliquer mon vote sur l'amendement n° 43 rectifié. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous connaissez le règlement mieux que quiconque. Vous avez rectifié votre amendement au cours d'une explication de vote. Nous en resterons donc là !
Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 51 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 21.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement n° 21 me fournit l'occasion d'interroger le Gouvernement.
J'ai bien entendu M. le rapporteur quand il nous a expliqué qu'il fallait prendre en compte, dans nos travaux, la directive européenne en préparation.
Nous sommes tout à fait opposés à ce point de vue, nous l'avons suffisamment expliqué. Pour autant, il ne faudrait pas tenir un raisonnement contradictoire en fonction des circonstances !
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette directive européenne en préparation a trait aux normes minimales relatives, d'une part, aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et, d'autre part, au contenu de la protection accordée.
A la suite des négociations sur la rédaction de cette directive, qui ont eu lieu en particulier le 19 juin 2003, et auxquelles le Gouvernement français a très étroitement participé, je souhaite vous donner lecture de deux alinéas de l'article 21 relatif au maintien de l'unité familiale.
Aux termes de l'alinéa 2, « les Etats membres veillent à ce que les membres de la famille du bénéficiaire du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire et qui, individuellement, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour obtenir ce statut puissent prétendre aux avantages visés aux articles 22 à 32, conformément aux procédures nationales et dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique personnel du membre de la famille ».
Je vous donne maintenant lecture de l'alinéa 5 de ce même article 21 : « Les Etats membres peuvent décider que le présent article s'applique aussi aux autres parents proches qui vivaient au sein de la famille à la date du départ du pays d'origine et qui étaient alors entièrement ou principalement à la charge du bénéficiaire du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire. »
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Quel rapport avec l'amendement ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'Etat, de deux choses l'une : soit on légifère en tenant compte des directives en cours de préparation et déjà plus ou moins rédigées, ce qui devrait évidemment inciter le Sénat à adopter l'amendement n° 21 du groupe CRC et l'amendement n° 44 du groupe socialiste, soit on ne tient pas du tout compte de ces directives, et votre argumentation devient alors incompréhensible.
Ma question sera donc très précise, et je pense qu'elle est de nature à éclairer nos collègues au moment du vote : monsieur le secrétaire d'Etat, êtes-vous favorable ou non à la prise en compte de la rédaction de cette directive qui est en préparation et à la rédaction de laquelle la France a beaucoup participé ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. M. Sueur est un expert en matière de cohérence ! Ainsi nous a-t-il réclamé à diverses reprises - et il le fera sans doute encore - l'application stricte de la convention de Genève, ce qui revient en l'occurrence à plaquer la protection subsidiaire sur les termes de cette convention. Or, lorsque nous avons proposé tout à l'heure une rédaction de la loi de 1952 qui s'inspirait beaucoup plus de la convention de Genève, M. Sueur et le groupe socialiste, par l'amendement n° 40, nous ont opposé leur refus.
Par conséquent, sur les problèmes de cohérence, chacun reste responsable des propos qu'il tient !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas une réponse à ma question !
M. Jean Chérioux. M. le rapporteur a le droit de s'exprimer comme il l'entend !
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Monsieur le rapporteur, vous feriez mieux de répondre aux questions de fond que l'on soulève. Le Gouvernement, comme vous-même, souffrez d'un manque de cohérence et de crédibilité.
S'agissant de la future directive, non seulement vous faites un tri a minima mais, dans le même temps - je l'ai indiqué tout à l'heure en défendant mon amendement - vous négligez la jurisprudence du Conseil d'Etat du 21 mai 1997 et la pratique de la commission des recours des réfugiés. Voilà pourtant trois bonnes raisons pour vous mettre en conformité avec ce qui va dans le bon sens.
Attention aux arguments que vous développez ! Attention de ne pas réduire le débat parlementaire à sa plus simple expression en négligeant l'opposition ! Le débat actuel se résume en effet non pas à une réflexion commune pour essayer de faire avancer les choses, mais à un passage en force. Si telle est votre méthode, cela n'a rien à voir avec le débat parlementaire ni avec la démocratie ! (Très bien ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean Chérioux. C'est incroyable : une leçon de démocratie par M. Bret... On aura tout vu !
M. Robert Bret. J'ai le droit de m'exprimer, monsieur Chérioux !
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Je voudrais rappeler, tout simplement, que le vote de la majorité n'est en aucun cas un passage en force. La règle même de la démocratie, c'est que la majorité décide et que l'opposition l'accepte. Autrement, ce n'est plus la démocratie !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vrai, mais cela ne suffit pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut un débat !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. La directive européenne en question, on ne la connaît pas, c'est l'Arlésienne ; de toute manière, on n'en a pas du tout besoin dans ce débat sur le droit français.
M. Robert Bret. Mais qui y a fait référence en premier ?
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vous, monsieur le rapporteur ! Vous parlez tout le temps de l'Arlésienne ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. N'exagérez pas, monsieur Sueur, vous en avez parlé il y a un instant dans votre argumentation !
Il ne faut donc pas en permanence parler de cette directive qui n'existe pas. Nous avons tout simplement adopté la démarche qui s'applique en droit comparé et consistant, avant d'adopter une loi, à étudier chez nos voisins ce qui se fait ou ce qui se prépare. Cela ne va pas plus loin.
Le projet de loi n'a aucun rapport avec cette directive qui n'existe pas, et il faut bien se mettre ce point dans la tête. Nous discutons d'un texte qui sera adopté par la majorité sénatoriale, mais sans passage en force, monsieur Bret.
M. Robert Bret. Cela y ressemble pourtant !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Cela fait tout de même plus de six heures que nous discutons de trois amendements ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Monsieur Bret, je voudrais juste faire un petit rappel de démocratie.
J'ai été élu trois fois député, vous jamais.
M. Robert Bret. Quel argument !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. J'ai donc une certaine expérience de la vie parlementaire, du débat parlementaire, de multiples cohabitations. Je conçois qu'il y a une majorité et une opposition, et qu'il faut accorder au débat parlementaire une durée suffisante.
Au demeurant, pour l'avoir assez fait moi-même, je sais aussi qu'il y a des moments où l'opposition peut être positive et constructive et des moments où elle est systématiquement négative. Or, aujourd'hui, l'opposition sénatoriale présente des arguments qui ne proposent rien et qui ne font que retarder le débat. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Robert Bret. Mais non, nous voulons simplement vous mettre devant vos responsabilités !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas répondu à ma question !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. La situation n'est pas tout à fait la même sur d'autres travées de cet hémicycle, où je peux apprécier la courtoisie, l'imagination et les propositions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, je vous ai entendu avec beaucoup d'intérêt nous dire que chacun est responsable des propos qu'il tient.
M. Henri de Raincourt. Heureusement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, hier, votre voisin niait que vous ayez tenu les propos que j'avais pris soin de noter au moment même où vous vous exprimiez à propos de la liste des pays d'origine sûrs.
Par ailleurs, vous venez de nous dire - et je regrette que les jeunes qui étaient présents ce matin dans les tribunes ne soient plus là pour entendre ma réponse - qu'il n'y a pas lieu de rediscuter de tels ou tels amendements rectifiés ou sous-amendements, que nous avons pourtant proposés pour tenir compte des observations faites par la majorité sénatoriale.
Dans ces conditions, à quoi sert le débat parlementaire si vous estimez que discuter est une perte de temps ? Franchement, ce n'est pas admissible et ce n'est pas cela, la démocratie ! Il ne suffit pas que la majorité passe en force ; encore faut-il que le débat soit véritablement démocratique.
Pour en revenir à l'amendement n° 44, nous demandons que le droit reconnu au conjoint ou au partenaire engagé dans une relation stable et aux enfants puisse également être reconnu aux ascendants du demandeur d'asile. Je précise bien qu'il s'agit juste d'une possibilité.
Celui auquel est donnée la qualité de réfugié, non pour des raisons économiques mais parce qu'il est véritablement un combattant de la liberté, peut faire venir ses enfants et son conjoint. C'est bien, mais quid des parents qui sont à sa charge et qui doivent rester au pays ?
Ne croyez-vous donc pas que la possibilité de reconnaître le statut de réfugié aux ascendants du demandeur d'asile mérite tout de même votre attention, et même votre adhésion ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Si mes propos ont pu blesser M. Dreyfus-Schmidt, j'en suis tout à fait navré. A l'avenir, je veillerai à ce qu'ils soient peut-être moins blessants, car telle n'était vraiment pas ma volonté. Je pensais simplement pouvoir faire gagner un peu de temps à notre assemblée en m'abstenant de répéter des propos que j'avais préalablement tenus. Dorénavant, je n'aurai plus aucune considération pour l'horaire et je préférerai donc les répéter deux fois, trois fois, ou davantage si c'est nécessaire.
Je réponds donc à mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt en répétant les propos que j'ai tenus tout à l'heure. En effet, l'avis défavorable que j'ai émis me semble suffisamment argumenté, et je doute que la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la commission des recours des réfugiés ait changé depuis dix minutes !
Cette jurisprudence reconnaît effectivement la possibilité de faire bénéficer du statut de réfugié le conjoint ou le concubin et les enfants mineurs. En ce qui concerne les ascendants, je le répète, la règle actuelle est la suivante : les ascendants à charge ont droit à une carte de séjour qui est toujours subordonnée à la double condition que leur présence sur le territoire soit régulière et ne constitue pas une menace à l'ordre public.
Par conséquent, si ces ascendants veulent obtenir directement le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, rien ne les empêche de les réclamer eux-mêmes.
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Exactement ! C'est parfait !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous demandons un scrutin public sur l'amendement n° 44.
Nous ne voulons pas être accusés de chercher à vous faire perdre du temps. Mais, hier, c'est la commission elle-même qui a demandé à deux reprises un scrutin public pour montrer l'intérêt qu'elle portait à ce projet de loi.
Dans ces conditions, si vous voulez jouer à ce petit jeu-là, nous pouvons également déposer des demandes de scrutin sur tous les amendements ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Toujours la menace !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n'est pas de la démocratie parlementaire, c'est du filibustering !
M. Robert Bret. Vous n'avez qu'à modifier le règlement, monsieur Gélard, si vous n'êtes pas d'accord !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 26
:
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour | 111 |
Contre | 200 |
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 23.
M. Jean-Pierre Sueur. Je constate que nous avons quelques difficultés à vous convaincre sur la notion d'asile interne, dont nos collègues du groupe CRC demandent la suppression.
Je vais donc, si vous me le permettez, vous citer trois instances représentatives de ceux qui s'occupent concrètement, sur le terrain, des demandeurs d'asile.
La première est Amnesty International, qui « regrette l'introduction des notions d'"asile interne" et d'"autorités de protection" autres que l'Etat qui permettront de rejeter les demandes de personnes qui aujourd'hui se voient reconnaître la qualité de réfugié, au motif qu'elles pourraient trouver une protection sur une autre partie du territoire de leur pays auprès de partis ou d'organisations. Des massacres ont eu lieu dans des régions où l'ONU avait mis en place des opérations humanitaires, comme au Rwanda ou dans l'ex-Yougoslavie ».
La deuxième est France Terre d'asile, qui, comme Amnesty International, accomplit un travail admirable. Selon cette association : « Ce concept d'asile interne n'est pas conforme à la définiton du réfugié donnée à l'article 1er de la convention de Genève et restreint le droit d'asile constitutionnel prévu en faveur des combattants de la liberté par le préambule de la Constitution de 1946. Cette notion sera également très difficile à appliquer par l'OFPRA puis par la CRR si l'on songe, par exemple, à la situation de l'Algérie. Pensons également aux mosaïques ethniques et religieuses que sont l'Afghanistan et l'Iran, sans même parler de certaines régions d'Afrique. »
La troisième est la Commission nationale consultative des droits de l'homme, interrogée par le Gouvernement. Selon cette commission : « La notion d'asile interne alternatif est par ailleurs contraire à la Constitution en ce qu'elle limite le champ d'application de l'asile constitutionnel introduit par la loi du 11 mai 1998, laquelle se réfère explicitement au préambule de la Constitution (...) La CNCDH recommande que la notion d'asile interne, contraire au demeurant au traité d'Amsterdam, ne soit pas introduite dans la loi et ne soit pas retenue dans la proposition de directive actuellement discutée au sein de l'Union européenne. »
Personne ici ne contestera, j'en suis sûr, la compétence des trois instances que je viens de citer et qui, toutes, s'expriment dans le même sens. Elles accomplissent un travail extraordinaire, que nous reconnaissons tous. Pourquoi ne pas les entendre ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 45.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, qui correspond d'ailleurs à peu près à celui du projet de loi, dispose que : « Les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat, des partis ou des organisations, y compris des organisations internationales, contrôlant l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat. »
Nous leur en donnons acte : la commission des lois et son rapporteur excluent dans l'amendement n° 2 les mots « des partis » et « des organisations ». Toutefois, ils retiennent non seulement les organisations internationales, qui figurent dans le texte du Gouvernement, mais aussi les organisations régionales. Dès lors, nous ne comprenons absolument plus.
Avec les exemples que vous avez cités, l'OTAN et d'autres, je pense que vous avez une idée de ce que sont ces organisations. Encore une fois, il faut faire la part des choses, mais cela ne suffit pas.
Je me permets de lire l'avis, qui vient d'ailleurs d'être évoqué, de la commission nationale consultative des droits de l'homme :
« La commission conteste également l'élargissement proposé de la notion d' "autorités susceptibles d'offrir une protection" car il est en contradiction avec la convention de Genève. D'après la convention de Genève, en effet, seuls les Etats internationalement reconnus peuvent offrir une protection effective à leurs ressortissants : un parti politique,... » - vous en êtes d'accord, monsieur le rapporteur - « ... des puissances occupantes, des organisations non gouvernementales, des groupes armés... ne sauraient assurer une protection de la nature de celle d'un Etat internationalement reconnu.
« Par ailleurs, la convention de Genève reconnaît seulement le cas où l'intéressé relève pour sa protection du mandat du HCR ou d'une institution des Nations unies. Ce principe est illustré par la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la commission des recours des réfugiés, qui n'ont admis la notion d'agent de protection que pour une mission d'administration décidée de jure par le Conseil de sécurité des Nations unies - mission des Nations unies au Kosovo, mission des Nations unies au Timor oriental - en s'assurant de l'effectivité de cette protection. En revanche, des missions de maintien de la paix mises en place sur la base de l'article 6 de la charte des Nations unies n'ont pas été prises en compte. A cet égard, les génocides perpétrés au Rwanda ou en Bosnie en dépit de la présence de missions d'assistance des Nations unies constituent des rappels impératifs aux obligations de protection. »
Cela me paraît très éloquent : il faut non pas retenir les organisations internationales et régionales, mais, au pire, reprenant les termes de la jurisprudence du Conseil d'Etat, s'en tenir au HCR et aux Nations unies elles-mêmes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'attitude de la commission des lois, fondamentalement pragmatique, consiste à accorder la plus grande confiance à l'OFPRA et à la commission des recours des réfugiés.
Ce que nous avons voulu, c'est, dans l'hypothèse de la protection accordée par des organisations internationales, laisser l'OFPRA et la commission des recours des réfugiés apprécier si cette protection est satisfaisante ou non.
Nous préférons laisser globalement la possibilité d'accorder la protection aux Etats - cela va de soi - et aux organisations internationales et régionales. En revanche, nous n'avons pas voulu que l'OFPRA ou la commission des recours des réfugiés puissent tenir compte d'une protection qui nous paraît beaucoup plus évanescente, pour ne pas dire dangereuse : je veux parler de celle des partis ou des organisations non identifiées.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Encore une fois, ne pourriez-vous pas au moins, s'agissant des organisations internationales et régionales, remplacer « les » par « des », vous réservant, par décret, de préciser de quelles organisations il s'agit ? En effet, le fait d'écrire « les » ouvre trop largement la porte !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. A titre personnel - je n'engage pas la commission -, je ne suis pas opposé à la modification suggérée par M. Dreyfus-Schmidt.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
« Après les mots : "les autorités de l'Etat", rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : "et des organisations internationales et régionales" ».
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 46.
M. Jean-Pierre Sueur. Il a souvent été dit par le Gouvernement, par le ministère des affaires étrangères et par notre rapporteur que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés était favorable au recours à la notion d'asile interne. Permettez-moi de revenir sur sa position.
Selon le HCR, le recours à la notion d'asile interne n'est pas pertinent dans tous les cas, notamment dans ceux où la persécution émane des agents de l'Etat. Le HCR estime que l'application de la notion gagnerait en clarté si elle était davantage précisée.
En effet, il convient d'analyser la pertinence de l'application de cette notion selon les circonstances particulières à chaque cas. Par exemple, l'absence de risque, la stabilité de la zone, le caractère durable de cette stabilité, l'accessibilité de la zone à la fois de l'intérieur du pays et de l'extérieur, le fait que le lieu soit habitable, etc.
En outre, il est nécessaire de démontrer le caractère raisonnable de l'application individuelle de cette notion à un demandeur d'asile dans une zone donnée : examen de facteurs tels que l'âge, le sexe, la santé, la situation familiale, les capacités linguistiques, le niveau d'éducation et de compétence professionnelle. En particulier l'examen de la pertinence et du caractère raisonnable de la notion d'asile interne doit être effectué, au jour de la prise de décision, dans le cadre de l'évaluation des craintes en cas de retour.
Cette position suffit à montrer, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'Etat, que la possibilité même d'appliquer cette notion est très sérieusement remise en cause par le HCR - de manière, certes, tout à fait diplomatique - puisqu'il considère que, pour que l'on puisse hypothétiquement prendre en compte la notion d'asile interne, il faudrait disposer de réponses, non seulement aux questions que je vous ai posées, monsieur le secrétaire d'Etat, et auxquelles vous n'avez répondu, mais à un grand nombre d'autres questions. Et lorsqu'on nous dit que le HCR est d'accord, il faut y regarder de plus près. On s'aperçoit alors que c'est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît, qu'il n'y a toujours pas d'argument pour introduire cette notion d'asile interne, sinon dans une directive qui n'existe pas, ce qui n'est pas un argument.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je voudrais simplement dire à notre collègue Jean-Pierre Sueur qu'il a très largement gain de cause sur l'ensemble des arguments qu'il vient de développer.
En effet, si la convention de Genève ne fait pas référence à l'asile interne, le développement des conflits au sein des Etats entre groupes antagonistes et le morcellement territorial qui en découle a conduit le HCR à admettre ce principe. Mais il est vrai qu'il a assorti l'application de ce principe de quatre conditions, qui sont satisfaites dans le projet de loi.
Permettez-moi de vous les rappeler : un examen approfondi de la situation de l'intéressé et, partant, l'exclusion de toute procédure d'urgence ; le caractère sûr et raisonnable de l'asile interne ; des conditions d'installation correspondant aux normes découlant de la convention de Genève ; l'existence effective de l'asile interne au moment de l'examen de la demande.
Je précise que nous en avons ajouté une cinquième, qui exprime le souhait que l'OFPRA tienne compte de l'auteur des persécutions. Nous ne sommes donc pas en contradiction, mon collègue Jean-Pierre Sueur et moi-même.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. M. Sueur insistant - et il a raison car ce n'est pas clair -, je vais répéter.
Il est tout à fait évident que nous sommes en phase avec le HCR. Il n'est pas question - nous ne lui avons d'ailleurs pas demandé - qu'il nous donne un blanc-seing dans cette démarche-là ! Il émet un certain nombre de réserves, des précautions nécessaires qui viennent d'être rappelées par M. le rapporteur et qui montrent bien que nous avons engagé une démarche qui entre dans la logique du HCR. Ce dernier recommande en effet la prudence ; nous devons donc allier précaution et mesures nécessaires nous permettant d'avoir une capacité d'action.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi de rappeler l'article 53-1 de la Constitution.
« La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées.
« Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. »
Nous voulons rappeler que la France a des engagements différents de ceux de la plupart de ses partenaires. Or, avec la notion d'asile interne, on dit à quelqu'un qu'il est raisonnable de penser que, dans un petit coin de son pays, il pourrait être tranquille et qu'on va l'y renvoyer - on ne sait pas comment, il n'a pas été répondu à notre question. On pourrait admettre que l'idée vous soit venue pour celui qui demanderait l'asile à nos autorités consulaires dans le pays, mais il est assez aléatoire de renvoyer - par quel chemin, on n'en sait rien - celui qui est arrivé en France !
De plus, on nous a répondu en commission - mais vous ne nous avez pas entendus sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat - que la notion d'asile interne n'empêche pas que la France puisse toujours accorder la protection prévue par la Constitution, sinon que si on lui a refusé l'asile il n'y a plus de possibilité pour la France de lui donner efficacement cette protection.
C'est pourquoi, en plus des arguments développés, nous estimons que cette notion d'asile interne est contraire à la Constitution même.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 27
:
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour | 115 |
Contre | 199 |
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes défavorables à cet amendement, car il introduit une garantie totalement illusoire.
M. le rapporteur propose que, dans le cas de l'asile interne à haut risque, avant de décider que la personne pourra rester dans son pays d'origine, grâce à notre grande mansuétude, on tienne compte de la situation de l'intéressé - c'est très bien ! -, ainsi que de l'auteur de la persécution. Qui est l'auteur de la persécution ? Si la personne est en France, on peut peut-être avoir une idée. Si elle se trouve déjà dans l'endroit sûr, à l'intérieur du pays non sûr, on peut penser qu'elle n'est pas persécutée. Ou alors, si elle est persécutée, il faut en conclure que l'endroit sûr ne présente aucune garantie. Soyons clairs ! Tout cela est complètement surréaliste. Il est malheureux d'en arriver là étant donné l'enjeu véritable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai posé des questions précises. Tout à l'heure, vous m'avez dit que cet endroit sûr, au sein d'un pays où les dangers et les persécutions sont nombreux, devait être accessible. Si une personne qui est en France peut, grâce à notre mansuétude, rester dans son pays d'origine dans un endroit prétendument sûr, vous vous engagez à ce que les autorités françaises la véhiculent jusqu'à l'endroit sûr, car elles seront tenues de le faire à partir du moment où elles auront décidé que la personne sera en sûreté dans cette enclave sûre ? Il y aura donc un corridor qui permettra d'y arriver, ainsi qu'un moyen de transport sûr mis en place par la France, et dont elle sera garante, afin de pouvoir transporter cette personne dans cet endroit sûr ?
Et si cet endroit sûr ne l'est plus quelques semaines après - car ce sont des pays qui connaissent des crises, des guerres, de graves problèmes -, eh bien ! on prévoira que cette personne, que l'on a censément mise en sûreté, pourra être reconduite, toujours par le même corridor, jusqu'en France, où elle pourra demander à nouveau à l'OFPRA le bénéfice du droit d'asile ? Et l'on se demandera alors s'il n'y a pas un autre endroit redevenu sûr dans ce pays qui connaît toutes les misères ?
Mes chers collègues, sérieusement, quelqu'un ici peut-il trouver ce système justifié ? Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais que vous répondiez à nos questions et que vous nous donniez vos arguments.
Ce système n'est pas protecteur. Il est totalement contraire à l'article 1er de la convention de Genève. Toutes les associations que j'ai citées tout à l'heure y sont opposées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, allez-vous mettre des personnes qui sont dans le malheur dans une telle situation ?
Mes chers collègues, je vous demande de réfléchir avant de voter ces dispositions. Effectivement, vous pouvez nous répliquer, comme M. Gélard, que vous représentez la majorité, donc que ces dispositions sont votées à la majorité,...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Effectivement !
M. Jean-Pierre Sueur. ... mais pensons à tous ces êtres humains !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Si j'ai bien compris, notre collègue Jean-Pierre Sueur ne votera pas cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une garantie illusoire, pour se faire plaisir !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Tout à l'heure, il a cité un certain nombre d'associations humanitaires, qui effectuent un travail remarquable et auxquelles chacun rend hommage. Ces différentes associations ont considéré que l'idéal eût été de prévoir l'impossibilité d'accorder l'asile interne si l'Etat est auteur de la persécution, mais elles ont estimé que l'amendement de la commission des lois, accepté par le Gouvernement, représentait un progrès notable. Ces associations seront sans doute déçues du vote exprimé par M. Sueur, et je lui propose d'y réfléchir encore.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais j'y ai réfléchi ! Je refuse les illusions !
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'en sommes tout de même plus à la guerre de tranchées ! D'ailleurs, à cette époque, il y avait la Grosse Bertha, qui allait chercher les gens jusqu'à Paris, par exemple. Nous sommes à l'ère des canons à longue portée, des avions. Existe-t-il une partie du territoire du Congo véritablement sûre ? Evidemment pas ! Car ceux qui commettent des atrocités sont loin un jour, mais ils sont là le lendemain. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne s'agit pas d'une notion que l'on puisse retenir.
Le projet de loi prévoit une condition : « s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du pays ». C'est donc au bénéfice du doute qu'on laisse la personne concernée dans une partie de son pays.
Vous le savez bien, en France, l'asile est accordé à ceux qui quittent leur pays. Cela a toujours été vrai et cela doit le rester. C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement n° 3.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Par cet amendement, M. le rapporteur reconnaît finalement que le texte qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale est flou et peu protecteur. En commission, il nous a indiqué que cette notion d'asile interne était difficile à appréhender lorsque l'auteur des persécutions était l'Etat.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Tout à fait !
M. Robert Bret. Il y a donc une volonté de mieux cadrer les choses pour éviter les interprétations et permettre à l'OFPRA une meilleure prise en compte des conditions générales pour statuer sur le droit d'asile.
Cet amendement apporte une garantie supplémentaire, mais il ne répond que partiellement aux questions qui sont posées. On n'a toujours pas expliqué clairement ce qui signifiait la formulation : s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du pays et y jouir de l'ensemble des droits attachés à une protection. Ce sont autant d'éléments qui constituent des recommandations du HCR.
Par conséquent, cet amendement constitue, certes, une avancée, mais une avancée bien limitée, monsieur le rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 47.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit d'un amendement crucial.
Le IV de l'article 1er prévoit que la protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle a commis tel ou tel acte.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de gens qui, normalement, devraient bénéficier de la protection subsidiaire, parce qu'ils sont en danger dans leur propre pays. Or on pourrait leur refuser cette protection subsidiaire au motif qu'il existerait des raisons sérieuses de penser qu'ils ont fait ceci ou cela. C'est pourquoi nous vous demandons, avec une insistance toute particulière, de remplacer les mots : « s'il existe des raisons sérieuses de penser » par les mots : « s'il est établi ».
On n'a pas le droit, au bénéfice du doute, de renvoyer une personne dans son pays, alors qu'il est par ailleurs établi qu'elle y est en danger. A ce titre, elle mérite légalement de bénéficier de la protection subsidiaire. Nous verrons tout à l'heure quels sont les cas qui sont visés.
La réponse de M. le rapporteur n'est pas très convaincante. Il estime, en effet, qu'en indiquant « s'il est établi » on prive l'OFPRA de sa liberté de décision. En tout état de cause, si un jugement est rendu, cela se saura. Nous disposons - M. le secrétaire d'Etat le rappelait tout à l'heure, et nous nous en félicitons - d'un réseau d'ambassadeurs qui nous permet de savoir ce qui se passe dans les différents pays. Il n'y aura pas de doute si une personne a été condamnée, par exemple pour un crime grave. Nous y reviendrons tout à l'heure à l'occasion de l'examen d'un autre amendement.
Franchement, qu'au bénéfice du doute on puisse renvoyer quelqu'un dans son pays, alors que l'on reconnaît par ailleurs qu'il y est en danger de mort ou qu'il risque d'y subir des traitements inhumains, cela ne me paraît vraiment pas possible. C'est pourquoi nous vous demandons instamment de voter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 48.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons dit que la clause d'exclusion relative à la commission d'un crime était formulée dans des termes trop vagues : elle ne précise ni le moment ni le lieu du crime. Or cet amendement a pour objet de combler ces lacunes en reprenant, pour la protection subsidiaire, la lettre même de la convention de Genève en cas d'exclusion du statut de réfugié. Cette convention permet en effet d'exclure du statut de réfugié celui qui a commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil, avant d'y être admis en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire. Par conséquent, cela exclurait celui qui, bénéficiant de la protection subsidiaire, viendrait à commettre un crime grave de droit commun en France.
Qu'est-ce qu'un crime grave ? Je l'ignore ! Si un homme tue sa femme parce qu'il en est, à juste titre, jaloux, est-ce que l'on considérera qu'il s'agit d'un crime grave de droit commun ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. Pour la femme, certainement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En tout état de cause, cette personne sera jugée et ce sont nos juridictions - cours d'assises, avec appel, le cas échéant - qui décideront si le crime a été commis et, dans l'affirmative, s'il est grave ou non.
Si l'on retire à cette personne la protection subsidiaire, on recrée la « double peine ». Or M. le ministre de l'intérieur a passé son temps, la semaine dernière et la semaine précédente, à nous expliquer qu'il était contre cette mesure, et votre majorité a bien voulu le suivre.
En effet, je le répète, si quelqu'un commet un crime en France alors qu'il jouit de la protection subsidiaire, il purgera sa peine avant d'être renvoyé dans son pays. Vous n'allez pas le renvoyer chez lui avant de le condamner s'il a commis un crime grave en France ! Ce serait un comble ! Nous sommes bien d'accord : il sera jugé, il sera condamné s'il est coupable, et c'est suffisant ! C'est pourquoi nous avons présenté cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes propos ne convaincront pas, loin s'en faut, mon collègue Michel Dreyfus-Schmidt, mais ce texte me semble très clair : aux termes du projet de loi, le crime de droit commun constitue un motif d'exclusion de la protection subsidiaire, quel que soit le lieu où il a été commis. C'est totalement contraire au souhait exprimé par M. Dreyfus-Schmidt, mais cela a au moins le mérite de la clarté.
Si une personne commet un crime grave en France et qu'elle est condamnée, nous ne sommes pas opposés à ce qu'elle exécute éventuellement sa peine dans son pays d'origine.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 49.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous voudrions au moins nous faire comprendre.
L'OFPRA n'a pas à prendre en compte les menaces pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. J'indique, en effet, que la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France a remplacé l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France par des dispositions - il s'agit de l'article 23 nouveau - assez proches de celles que l'on nous soumet ici :
« L'expulsion peut être prononcée :
« 1° En cas d'urgence absolue ;
« 2° Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique ;
« 3° En cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique. »
Nous vous reprochons de mettre l'OFPRA sous la surveillance de M. le ministre de l'intérieur. Que chacun exerce les fonctions qui sont les siennes ! Il appartient au ministre de l'intérieur d'expulser tous ceux qui en effet menacent la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. Pourquoi demander à l'OFPRA de rentrer dans ces considérations ? Ce n'est pas son rôle ! L'OFPRA a pour vocation d'apprécier qui doit normalement être protégé ou non, sans faire - passez-moi l'expression - de la politique politicienne !
Le ministre de l'intérieur peut, dans tous les cas prévus, expulser des personnes, lesquelles peuvent exercer un recours, toute cette procédure étant placée sous le contrôle des juridictions administratives.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous mélangez les genres et nous aimerions que vous soyez, pour reprendre l'expression heureuse de M. le secrétaire d'Etat, sensibles à nos arguments.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le texte de loi prévoit que l'OFPRA, sur son initiative ou à la demande du représentant de l'Etat...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne l'a pas encore voté !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous allons y venir, mon cher collègue ! D'ailleurs, votre observation vaut pour l'article en cours comme pour d'autres, qui viendront en discussion ultérieurement.
Donc, ce texte prévoit déjà que l'Office, sur son initiative ou à la demande du représentant de l'Etat, ne peut retirer à tout moment le bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérés dans quatre alinéas, l'un visant précisément le cas de la personne dont la présence sur le territoire constitue une menace, pour l'ordre public. Il est donc tout à fait cohérent que l'OFPRA puisse se prononcer sur ce point.
En outre, je ne suis pas certain que les propositions de M. Dreyfus-Schmidt soient particulièrement favorables aux demandeurs d'asile, contrairement à son voeu le plus cher. En effet, après tout, peut-être est-il « sécurisant » de s'en remettre à l'OFPRA pour l'appréciation de la menace pour l'ordre public, du fait de la compétence technique unanimement reconnue de cet organisme. En acceptant d'accorder la protection subsidiaire à un demandeur d'asile, l'OFPRA signifie qu'il estime que la personne n'est pas dangereuse pour l'ordre public. Il sera donc beaucoup plus difficile à d'autres autorités d'émettre une opinion contraire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela n'empêche pas l'article 23 que nous avons adopté en commission mixte paritaire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 28
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour | 206 |
Contre | 111 |
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.