Article 34
I. - L'article 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, les mots : « un port ou un aéroport » sont remplacés par les mots : « un port ou à proximité du lieu de débarquement, ou dans un aéroport, » ;
1° bis Le deuxième alinéa du I est ainsi rédigé :
« Il est informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. » ;
2° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours, soit en cas de nécessité médicale. » ;
3° Au premier alinéa du II, les mots : « chef du service de contrôle aux frontières ou d'un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade d'inspecteur » sont remplacés par les mots : « chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou d'un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade de brigadier dans le premier cas et de contrôleur dans le second » ;
3° bis Dans l'avant-dernière phrase du même alinéa, les mots : « sans délai à la connaissance du procureur de la République » sont remplacés par les mots : « à la connaissance du procureur de la République dans les meilleurs délais » ;
4° Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la notification faite à l'étranger mentionne que le procureur de la République a été informé dans les meilleurs délais de la décision de placement en zone d'attente, cette mention fait foi, sauf preuve contraire, de l'information des date et heure de la notification. » ;
5° Le deuxième alinéa du II est supprimé ;
6° Les deux dernières phrases du premier alinéa du III sont remplacées par six phrases ainsi rédigées :
« Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance. Toutefois, si une salle d'audience lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, il statue dans cette salle. En cas de nécessité, le président du tribunal de grande instance peut décider de tenir une seconde audience au siège du tribunal de grande instance, le même jour que celle qui se tient dans la salle spécialement aménagée. Par décision du juge sur proposition du représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, du préfet de police, et avec le consentement de l'étranger, l'audience peut également se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées. Sous réserve de l'application de l'article 435 du nouveau code de procédure civile, il statue publiquement. » ;
7° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le ministère public peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer son recours suspensif. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est formé sans délai et transmis au premier président de la cour d'appel ou à son délégué après le prononcé de l'ordonnance. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu, au vu des pièces du dossier, de donner à cet appel un effet suspensif. Il statue par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel du ministère public, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. » ;
8° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque l'étranger non admis à pénétrer sur le territoire français dépose une demande d'asile dans les quatre derniers jours de cette nouvelle période de maintien en zone d'attente, celle-ci est prorogée d'office de quatre jours à compter du jour de la demande, par une décision écrite du chef du service de la police nationale ou des douanes, chargé du contrôle aux frontières, ou d'un fonctionnaire désigné par lui, titulaire d'au moins un des grades mentionnés au II. Cette décision est portée sur le registre prévu au II et portée à la connaissance du procureur de la République dans les conditions prévues à ce même II. » ;
9° A la fin de la première phrase du premier alinéa du V, la référence : « II » est remplacée par la référence : « I » ;
10° A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du V, les mots : « au moins une fois par semestre » sont remplacés par les mots : « chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an » ;
11° Après le premier alinéa du VIII, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de nécessité, l'étranger peut également être transféré dans une zone d'attente dans laquelle les conditions requises pour son maintien dans les conditions prévues au présent article sont réunies. » ;
12° Il est complété par un X ainsi rédigé :
« X. - Sont à la charge de l'Etat et sans recours contre l'étranger, dans les conditions prévues pour les frais de justice criminelle, correctionnelle ou de police, les honoraires et indemnités des interprètes désignés pour l'assister au cours de la procédure juridictionnelle de maintien en zone d'attente prévue par le présent article. »
II. - Le I de l'article 3 de la loi n° 92-625 du 6 juillet 1992 sur la zone d'attente des ports et des aéroports et portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 189, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le 1° bis du I de cet article pour le deuxième alinéa du I de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par le mot : "immédiatement". »
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Remplacer l'expression : « dans les meilleurs délais » par l'adverbe : « immédiatement », permet de respecter les droits de la défense. La défense a d'ailleurs fait l'objet de nombreux amendements lors de la discussion du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
L'expression : « meilleurs délais » est floue. Qu'entendez-vous exactement par « meilleurs délais », monsieur le ministre, et, surtout, croyez-vous véritablement que cette notion soit compatible avec la situation d'urgence d'une personne qui se trouve en zone d'attente ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Même avis défavorable que sur l'amendement n° 184 à l'article 33 : les contraintes de l'interprétariat requièrent que l'administration dispose d'une marge de manoeuvre. L'information de l'étranger sur ses droits, notamment sur le droit d'être assisté d'un conseil, doit se faire « dans les meilleurs délais » car il serait trop contraignant de vouloir trouver un interprète « immédiatement ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au moins pourrait-on faire l'effort - s'il y avait une navette, on pourrait le faire - d'opérer une différence entre les cas où il n'y a aucune difficulté, c'est-à-dire lorsque les personnes concernées comprennent parfaitement ce qu'on leur dit, et les cas plus difficiles où il conviendrait d'avoir un interprète, encore que, le plus souvent, il y ait sur place des interprètes dans toutes les langues, des documents traduits, etc.
Sur le principe, l'information doit être délivrée immédiatement, étant évident que, si un cas de force majeure empêche que cela se produise, personne n'ira le reprocher aux autorités ! Il est en effet important de prévenir rapidement la personne qu'elle dispose de peu de temps pour demander un médecin - cela peut être très urgent -, pour communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix.
Donc, nous insistons, mes chers collègues, pour que vous reteniez le principe de l'immédiateté. Vous pouvez ménager les cas de force majeure en précisant qu'il peut éventuellement en être autrement, mais d'autant que, je le répète, dans une telle hypothèse, personne ne vous fera de reproche.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 189.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 330, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé au 1° bis du I pour le deuxième alinéa du I de l'article 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée par les deux phrases suivantes : "Dans ces lieux d'hébergement, un espace permettant aux avocats de s'entretenir confidentiellement avec les étrangers est prévu. A cette fin, sauf en cas de force majeure, il est accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec le sous-amendement n° 327 de M. Gélard à l'amendement n° 43 de la commission.
La mise à disposition d'un local pour les avocats et leurs clients dans les centres de rétention, que nous avons votée à l'article 33, doit, en toute cohérence, s'accompagner d'une mesure symétrique pour les zones d'attente, dont traite l'article 34.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable, bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 330.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 190, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le texte proposé par le 1° bis du I de cet article pour le deuxième alinéa du I de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par une phrase ainsi rédigée : "L'assistance d'un conseil peut prendre la forme d'une permanence d'avocats gratuitement installée sur place à la demande de l'ordre des avocats". »
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Cet amendement est satisfait.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 190 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 65, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après le 1° bis du I de cet article, insérer un 1° ter ainsi rédigé :
« 1° ter Au cinquième alinéa du I, après les mots : "du port ou de l'aéroport", sont insérés les mots : "ou à proximité du lieu de débarquement". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement permet d'inclure des hébergements dans les zones d'attente délimitées à proximité du lieu de débarquement, comme c'est déjà le cas pour les autres zones d'attente.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 302, présenté par M. Schosteck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« A la fin du 3° du I de cet article, remplacer les mots : "et de contrôleur dans le second" par les mots : "et d'agent de constatation principal de deuxième classe dans le second". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je le reprends, au nom de la commission, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 302 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision visant à aligner les grades des agents des douanes sur ceux de la police nationale autorisés à prononcer un placement en zone d'attente.
Un amendement similaire a été adopté à l'article 1er du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 302 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 191, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Supprimer le 3° bis du I de cet article. »
La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Le procureur est chargé de représenter les intérêts de la société et de veiller au respect de l'ordre public ainsi qu'à l'application de la loi. C'est donc à ce titre qu'il doit, sans délai, être informé du maintien en zone d'attente.
Le Conseil constitutionnel l'a affirmé dans une décision rendue en date du 5 mars 1993 : le procureur de la République est un magistrat de l'ordre judiciaire appartenant à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté.
On ne peut que regretter que l'intervention de l'autorité judiciaire soit trop tardive puisque la mission essentielle du juge n'est pas de réparer. Cependant, il peut y avoir une intervention en cours d'opération en matière de maintien des étrangers en zone d'attente.
Le délai d'information revêt donc une importance certaine. La notion de « meilleurs délais », on l'a déjà dit, est floue. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car il s'agit d'un droit essentiel.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter le 4° du I de cet article par les mots : "au procureur de la République". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 282, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidart-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Supprimer le 5° du I de cet article. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Nous nous en sommes déjà expliqués à propos de l'article 33, mais nous réitérons notre opposition à des dispositions qui portent atteinte aux droits de la personne et notamment au droit de demander l'assistance d'un interprète, lequel doit être physiquement présent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Défavorable.
Cet amendement pose le problème de l'interprétariat par téléphone. C'est une nécessité pratique lorsque l'interprète ne peut se déplacer, en particulier si la langue est rare et qu'il existe peu d'interprètes.
L'article 34 bis du projet de loi encadre d'ailleurs le recours à l'interprétariat par téléphone en précisant qu'il n'est possible qu'en cas de nécessité et qu'il ne peut être fait appel qu'à un interprète agréé.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 282.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 283, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Supprimer le 6° du I de cet article. »
L'amendement n° 67, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du second alinéa du 6° du I de cet article, après les mots : "Toutefois, si une salle d'audience", insérer les mots : "affectée au ministère de la justice". »
L'amendement n° 68, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« A la fin du second alinéa du 6° du I de cet article, remplacer les mots : "il statue publiquement" par les mots : "le juge des libertés et de la détention statue publiquement". »
L'amendement n° 69 rectifié, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le second alinéa du 6° du I de cet article par deux phrases ainsi rédigées : "Si l'ordonnance met fin au maintien en zone d'attente, elle est immédiatement notifiée au procureur de la République. A moins que le procureur de la République n'en dispose autrement, l'étranger est alors maintenu à la disposition de la justice pendant un délai de quatre heures à compter de l'ordonnance."
« II. - En conséquence, dans le premier alinéa du 6° du I de cet article, remplacer les mots : "six phrases" par les mots : "huit phrases". »
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 283.
Mme Nicole Borvo. « Il est fondamental de respecter le lieu où doit s'exercer la justice. Les principes généraux du droit et du rituel judiciaire commandent la préservation et l'amélioration du système judiciaire, c'est-à-dire le maintien et le traitement de ces affaires judiciaires dans un lieu judiciaire. »
Ces propos n'émanent pas d'un magistrat qui refuse de siéger aujourd'hui à Roissy, mais de M. Jean-Marie Coulon, ancien conseiller technique d'Albin Chalandon.
Le 6° du I de l'article 34 fonde sur le plan législatif une décision que nous avons critiquée ici même, relative à la délocalisation des salles d'audience du tribunal de Bobigny dans l'enceinte aéroportuaire de Roissy.
Il faut avoir bien conscience de la gravité d'une telle décision, symptomatique du rôle que l'on souhaite voir jouer à l'institution judiciaire dans le cadre de la politique de gestion des flux migratoires. Cette institution, en l'occurrence, n'a plus pour fonction d'empêcher l'arbitraire puisqu'on en fait au contraire une machine chargée d'entériner les décisions prises par le ministère. La justice doit-elle devenir le bras armé de la police ?
Cette impression est concrètement ressentie à Roissy lorsqu'on est contraint de passer par une enceinte de police avant d'accéder à une enceinte de justice.
Sur le plan des principes généraux de notre droit pénal et du respect de nos engagements aux niveaux international et européen, la décision d'entériner la délocalisation du tribunal est également problématique. Le droit à un tribunal indépendant et impartial vacille devant les exigences induites par cette espèce de productivisme qui préside au rapatriement d'étrangers indésirables.
Monsieur le ministre, vous avez parfaitement décrit les problèmes qui se posent, et il est vrai qu'ils ne sont pas nouveaux, mais ils appellent de véritables solutions.
Alors que des voix se sont élevées pour savoir si l'on pouvait parler de tribunal impartial lorsque les audiences de détenus se déroulaient dans l'enceinte même de la prison, on est plus qu'étonnés de voir des audiences correctionnelles se tenir dans des lieux non judiciaires.
L'impression qu'ont déjà les citoyens d'une justice à plusieurs vitesses en fonction de la personne en cause risque de se voir confortée. Après l'institution de juges de second niveau, voilà les tribunaux de second niveau !
Publicité, qualité, transparence : ces trois exigences de procès raisonnables semblent d'autant moins succeptibles d'être remplies qu'est prévu le recours à des moyens de télécommunication, comme nous l'avons vu précédemment. Entrons-nous dans l'ère de la justice virtuelle ? Peut-être...
Vous allez sans nul doute rétorquer une fois de plus qu'il s'agit de ne pas gaspiller l'argent du contribuable. Mais le respect des droits et libertés fondamentales doit-il être sacrifié sur l'autel de la réduction des dépenses publiques ?
L'opposition à l'utilisation de cette salle n'est pas le fait de quelques magistrats isolés, mais de l'ensemble du monde judiciaire. Il y a des principes qui ne souffrent pas de petits aménagements et je ne crois pas que l'on puisse ramener cette opposition à une manifestation de corporatisme.
Cette décision est grave. Elle ouvre la porte à des dérives.
La commission des lois « annonce la couleur » : il ne s'agit pas uniquement de lutter contre le gaspillage de l'argent public puisqu'elle estime que, si d'autres salles que celle de Roissy venaient à être construites, le souci de différencier nettement la salle des autres constructions devrait être présent dès la conception du projet. Peut-être en viendra-t-on à délocaliser des tribunaux directement dans le pays d'origine ou le pays de renvoi !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 67, 68 et 69 rectifié et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 283.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Comme pour la rétention administrative, le projet de loi rend obligatoire l'utilisation de la salle d'audience spécialement aménagée à proximité d'une zone d'attente. Afin de mettre fin aux polémiques, l'amendement n° 67 prévoit, de la même façon que l'amendement n° 45, à l'article 33, qu'une telle salle doit être affectée au ministère de la justice.
L'amendement n° 68 est un amendement rédactionnel.
S'agissant de l'amendement n° 69 rectifié, il tend à prévoir, comme pour la rétention administrative, un dispositif du type référé-détention pour le maintien en zone d'attente. L'étranger est maintenu quatre heures à la disposition de la justice en attendant que le procureur demande éventuellement le caractère suspensif de l'appel. Le procureur se voit immédiatement notifier l'ordonnance.
L'amendement n° 283 tend à supprimer la vidéo-transmission pour les audiences de maintien en zone d'attente. Pour les raisons que j'ai déjà avancées à propos de l'amendement n° 278, à l'article 33, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 283.
En revanche, il est favorable aux amendements n°s 67, 68 et 69 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 283.
M. Jacques Mahéas. Nous sommes opposés à ce qu'une justice particulière puisse être ainsi rendue dans des lieux particuliers.
Mais je suis ausssi étonné qu'un ministre du Gouvernement propose de déléguer un juge pour statuer sur cinquante cas, voire plus, l'amenant à rendre inévitablement des décisions répétitives. C'est en fait l'introduction d'une notion de « justice d'abattage ».
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par MM. Karoutchi, Demuynck et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :
« Après le 6° du texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article 35 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du III, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Par décision du premier président de la cour d'appel ou de son délégué, sur proposition du préfet ou, à Paris, du préfet de police, et avec le consentement de l'étranger, l'audience peut se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle dans les conditions prévues à l'alinéa précédent." ; »
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Dans la deuxième phrase du second alinéa du 7° du I de cet article, remplacer les mots : "est formé sans délai" par les mots : "est formé dans un délai de quatre heures". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement prévoit que le procureur de la République dispose de quatre heures pour interjeter appel de l'ordonnance du juge des libertés et demander le caractère suspensif de cet appel. Il complète le mécanisme de type référé-détention mis en place pour la procédure de maintien en zone d'attente.
Rappelons que l'amendement n° 69 rectifié prévoit que l'étranger est maintenu quatre heures à la disposition de la justice à compter de l'ordonnance du juge.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 70.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 192 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 284 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le 8 du I de cet article. »
L'amendement n° 71, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après les mots : "est prorogée d'office de quatre jours à compter du jour de la demande", supprimer la fin de la première phrase du second alinéa du 8° du I de cet article. »
L'amendement n° 72, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Compléter le second alinéa du 8° du I de cet article par une phrase ainsi rédigée : "Le juge des libertés et de la détention est informé immédiatement de cette prorogation." »
La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 192.
Mme Michèle André. L'Assemblée nationale a prévu que, lorsqu'un étranger non admis dépose une demande dans les quatre derniers jours de la durée légale de son maintien en zone d'attente, celle-ci est prorogée d'office de quatre jours à partir du dépôt de la demande d'asile par simple décision du chef de service de la police nationale ou des douanes chargé du contrôle aux frontières ou d'un fonctionnaire désigné par lui.
Ce n'est pas parce que l'on demande l'asile à la fin du maintien en zone d'attente que l'on est moins demandeur d'asile. Il n'y a donc pas lieu de prolonger le séjour en zone d'attente.
Par ailleurs, cette question nous paraît relever davantage du projet de loi relatif à l'asile, qui viendra prochainement en discussion devant notre assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 284.
Mme Nicole Borvo. Nous sommes tout à fait opposés à cet alinéa, qui sanctionne les demandeurs d'asile déposant une demande d'asile dans les derniers jours du maintien en zone d'attente. Certes, il peut y avoir manipulation de la part de gens peu scrupuleux afin de faire obstacle à des mesures d'éloignement, mais, dans ce cas, nous ne nous lasserons jamais de le répéter : il vaut mieux lutter contre les trafiquants eux-mêmes que contre ceux qui en sont les victimes.
De toute façon, les demandeurs d'asile ne sont pas tous des fraudeurs. Loin de là. Encore une fois, on stigmatise les personnes avant même de savoir si ce sont des fraudeurs. Les agents de l'OFPRA et les psychologues qui ont affaire aux réfugiés l'affirment, les personnes le plus gravement atteintes dans leur intégrité physique et mentale sont souvent celles qui ont le plus de difficulté à parler et à entreprendre les démarches nécessaires dans les délais impartis. En conséquence, ce sont elles qui déposent le plus tardivement leur demande d'asile.
C'est ainsi qu'à force de vouloir lutter contre la fraude on finit par sanctionner ceux qui ont, au contraire, le plus besoin de voir leurs droits protégés.
Cette disposition conforte l'appréhension sécuritaire de l'asile. De ce point de vue, le remplacement du directeur de l'OFPRA par un préfet est tout à fait significatif.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 71 et 72 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 192 et 284.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale prévoit que, lorsque l'étranger en zone d'attente dépose une demande d'asile dans les quatre derniers jours de la seconde prolongation, le chef du service de la police ou des douanes chargé du contrôle aux frontières peut proroger d'office le maintien en zone d'attente de quatre jours à compter de cette demande.
La prorogation étant d'office, il n'est pas nécessaire de prévoir une décision écrite du chef du service de la police aux frontières. Afin de renforcer les garanties aux maintenus en zones d'attente, l'amendement n° 72 prévoit que le juge des libertés et de la détention est immédiatement informé de cette prorogation.
Quant aux amendements n°s 192 et 284, ils ont pour effet de supprimer la prorogation d'office de quatre jours du maintien en zone d'attente en cas de dépôt d'une demande d'asile au-delà du seizième jour du maintien en zone d'attente. Ils sont contraires à l'objectif du projet de loi qui est de dissuader les manoeuvres dilatoires, telles les demandes d'asile tardives. N'oublions pas que l'étranger a déjà eu seize jours pour déposer une demande d'asile. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 71 et 72 et défavorable aux amendements identiques n°s 192 et 284.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 192 et 284.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 193 est présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 285 est présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le 10° du I de cet article. »
L'amendement n° 73, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Au 10° du I de cet article, remplacer les mots : "la dernière phrase du dernier alinéa du V" par les mots : "l'avant-dernière phrase du premier alinéa du V". »
La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l'amendement n° 193.
Mme Michèle André. Il nous paraît important de maintenir la fréquence minimale obligatoire de visite des zones d'attente par le procureur de la République.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 285.
Mme Nicole Borvo. Le 10° du I, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, vise à espacer la fréquence minimale des visites par le juge dans les zones d'attente.
Nous sommes d'autant plus opposés à cette modification, qui donne une fréquence annuelle à des visites qui étaient auparavant semestrielles, que la rédaction actuelle de l'article 35 quater résulte de l'un de nos amendements, adopté lors de la discussion du projet de loi relatif au renforcement de la présomption d'innocence et des droits des victimes.
Le choix de cette fréquence n'avait pas été le fruit du hasard. Nous l'avions alignée sur la fréquence des visites des locaux de garde à vue. Vous admettrez avec moi qu'il est tout aussi important d'assurer les conditions dans lesquelles sont retenus en zone d'attente des étrangers qui n'ont commis aucune infraction que celles que connaissent des personnes dont on soupçonne qu'elles ont commis des délits.
En outre, il nous faut tirer les leçons du passé, qui a vu des situations absolument inadmissibles au regard de la dignité des personnes. Je peux en témoigner personnellement pour m'être rendue en zone d'attente de Roissy.
C'est pourquoi nous vous demandons la suppression de cette disposition qui, si elle était adoptée, serait caractéristique du recul des droits de la personne et du contrôle du juge judiciaire, lequel est, selon l'article 34 de la Constitution, le gardien des libertés individuelles.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 73 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 193 et 285.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 73 est un amendement purement rédactionnel.
Les amendements n° 198 et 285 rétablissent à six mois la fréquence de visite des zones d'attente par les procureurs. Un an semble suffisant puisqu'ils sont libres de s'y rendre quand ils veulent.
En outre, la création, par ce projet de loi, d'une commission de contrôle des centres de rétention dont un amendement de la commission étend le champ d'intervention aux zones d'attente, complète et perfectionne le dispositif de contrôle de ces lieux.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 193 et 285, et favorable à l'amendement n° 73.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 193 et 285.
M. Jacques Mahéas. Les zones d'attente ont fait l'objet de discussions parfois vives et nous refusons, les uns et les autres - c'est un point d'accord entre nous -, d'augmenter les délais de rétention.
Si le préfet, représentant le Gouvernement dans le département, doit veiller au bon fonctionnement de ces zones et se rendre sur place, nous considérons qu'il serait « fort de café » qu'ils n'y aillent qu'une fois par an, comme cela nous est proposé. Nous estimons que, deux fois par an, c'est un minimum. Il ne s'agit ps d'y aller tous les huit jours !
La zone d'attente de Roissy se situe dans mon département, et je connais donc bien le problème !
Il ne serait pas absurde, selon moi, qu'un rapport soit présenté sur ce sujet au Parlement, mais je n'irai pas jusqu'à proposer une telle solution.
Quoi qu'il en soit, nous souhaitons la suppression de l'article 34.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 193 et 285.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.