PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION

Suite de la discussion d'un projet de loi

déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 396 rectifié, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France. [Rapport n° 1 (2003-2004).]

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 7.

Art. 7 (interruption de la discussion)
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Art. 8

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 321, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1958 précitée, il est inséré un article 12 bis-1 ainsi rédigé :

« Art. 12 bis-1. - Sous réserve que son entrée sur le territoire français ait été régulière, la carte de séjour temporaire visée au deuxième alinéa de l'article 12 est délivrée à l'étranger qui a suivi une scolarité en France depuis au moins l'âge de 16 ans et qui poursuit des études supérieures constituées par un enseignement à caractère universitaire ou une formation à caractère professionnel dans un établissement public ou privé habilité à délivrer des diplômes reconnus par l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de cette disposition. »

La parole est à M. le ministre.

M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque nous nous sommes quittés jeudi dernier, un amendement n° 140 rectifié, avait été proposé par le groupe socialiste pour permettre à des jeunes entrés en France avant seize ans et ayant été scolarisés d'obtenir une carte de séjour dans le cas où ils poursuivraient des études supérieures dans notre pays.

Si je comprends bien, l'objectif des sénateurs du groupe socialiste était d'éviter, dans ce cas, à l'étudiant de devoir retourner dans son pays pour obtenir un visa de long séjour. (M. Jacques Mahéas opine.) Ainsi que je l'avais dit, le Gouvernement est favorable à ce dispositif dans son esprit. Toutefois, il faut faire attention. D'abord, la procédure de visa de long séjour doit rester la procédure de droit commun pour les étudiants. Ensuite, la condition d'entrée régulière sur le territoire français doit être prévue, sinon nous créons une faille béante dans le dispositif de régulation des flux migratoires ainsi qu'une certaine injustice entre les sans-papiers qui feraient des études et les autres. Et je suis persuadé que, dans l'esprit de Mme Blandin comme des sénateurs du groupe socialiste, il ne pourrait être question de donner un avantage à des sans-papiers qui font des études par rapport à des sans-papiers qui n'en font pas. En effet, les premiers pourraient être régularisés au bout de deux ans, alors que les autres ne le seraient qu'au bout de dix ans. Il me semble que les auteurs de l'amendement en étaient convenus.

C'est pourquoi le Gouvernement propose plutôt de créer un nouvel article dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de prévoir expressément ce cas et de régler, sous réserve d'une entrée régulière en France, la situation de ces étudiants sans titre. Cet article nouveau répond, je le crois, aux préoccupations des auteurs de l'amendement.

Je précise que l'amendement n° 106 de M. Patrice Gélard, adopté à l'occasion de la discussion de l'article 6 bis, concerne également les étudiants, précisément ceux qui entrent en France pour y suivre des études supérieures et non pas ceux qui y ont déjà suivi des études secondaires.

Afin d'éviter tout problème de coordination, vous me permettrez de proposer à la commission mixte paritaire de bien vouloir harmoniser ces deux dispositifs, ce qui nous dispenserait, par ailleurs, de revenir sur l'article 6 bis.

Ainsi, me semble-t-il, les sénateurs socialistes seraient satisfaits, au moins dans l'esprit - ils le diront -, car l'article additionnel après l'article 7 répond à leur demande ainsi qu'à celle de M. Gélard.

Telles sont les explications que voulait fournir le Gouvernement, montrant ainsi sa volonté de faire progresser les choses sur un sujet qui mérite consensus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La semaine dernière, M. le ministre s'était effectivement engagé à déposer un amendement tenant compte des observations formulées par tous les groupes politiques de cette assemblée. Cet amendement n'a pas été soumis à la commission des lois, mais je crois pouvoir dire qu'elle y serait favorable. A titre personnel, j'émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, nous sommes satisfaits de cet amendement n° 321 tendant à insérer un article additionnel après l'article 7, qui entre dans l'état d'esprit que nous avions défini. Par cet amendement, vous précisez que les étudiants doivent être en situation régulière. Peut-être cette précision manquait-elle dans l'amendement que nous avions présenté ?

On constate, de votre part, la volonté d'offrir aux futurs étudiants étrangers une continuité universitaire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Exactement !

M. Jacques Mahéas. Il s'agit d'une nécessité absolue. Mais, d'une façon générale, hélas ! votre loi va compliquer les choses. Nous en sommes conscients les uns et les autres ; vous l'avez d'ailleurs dit en commission, me semble-t-il, mais cela n'a pas été rapporté dans les débats.

Pour une fois que nous est proposé un amendement tendant à simplifier la vie des étudiants, il est bien évident que nous voterons pour.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.

Art. additionnel après l'art. 7
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Art. 9

Article 8

Dans le premier alinéa de l'article 12 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée, les mots : « l'asile territorial en application de l'article 13 » sont remplacés par les mots : « le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article 2 ».

M. le président. L'amendement n° 145, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Le groupe socialiste demande la suppression de l'article 8 qui, à lui seul d'ailleurs, montre à quel point il y a confusion entre la notion de droit d'asile, dont nous nous préoccuperons la semaine prochaine, et la notion de régulation des flux migratoires.

L'article 8 anticipe sur ce que pourra décider le Sénat la semaine prochaine. C'est pourquoi, pour des raisons de fond et de forme, nous présentons cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement puisque son adoption entraînerait la suppression d'une coordination avec le projet de loi relatif au droit d'asile. Ce projet de loi substitue, entre autres dispositions, la protection subsidiaire au régime de l'asile territorial.

Cette disposition, qui est au coeur du projet de loi relatif au droit d'asile, est peu susceptible de changer. Or l'article 12 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que les bénéficiaires de l'asile territorial se voient délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire. Ainsi, par coordination, l'article 8 du projet de loi remplace-t-il la notion d'asile territorial par celle de protection subsidiaire, à défaut de quoi les bénéficiaires de la protection subsidiaire ne recevraient pas de carte de séjour.

Il ne s'agit en aucun cas d'un amalgame entre asile et immigration ; c'est une simple coordination. D'ailleurs, la preuve en est que la question de l'asile fait l'objet d'un traitement à part dans un projet de loi distinct.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est vraiment cavalier ! En effet, l'Assemblée nationale, lorsqu'elle a examiné le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France, avait déjà examiné le projet de loi relatif au droit d'asile. Elle avait pu s'y référer. Il y avait en effet un mélange des genres, mais ce n'était pas grave. Elle savait, par exemple, ce qu'est la protection subsidiaire. Le Sénat, en l'instant, n'en sait rien ! Nous n'avons pas débattu sur le projet de loi relatif au droit d'asile puisque nous examinons ce texte la semaine prochaine.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a tout de même lieu, pour l'instant, de supprimer cet article. Si le Sénat accepte la notion de protection subsidiaire, vous pourrez, à la rigueur, nous proposer de mettre les textes en harmonie. Aujourd'hui, ce n'est pas possible : pas plus M. le rapporteur que le Gouvernement n'ont pris soin d'expliquer de quoi il s'agit ! Je sais bien que c'est M. de Villepin qui présentera le projet de loi relatif au droit d'asile. Pouvons-nous parler de notions que nous ne connaissons pas, dont nous ne savons pas ce qu'elles sont ? Certainement pas ! C'est pourquoi je demande, derechef, la suppression de l'article 8.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
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Art. additionnel après l'art. 9

Article 9

I. - Les quatre premiers alinéas de l'article 12 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 précitée sont remplacés par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour, composée :

« - du président du tribunal administratif ou d'un conseiller délégué, président ;

« - d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ;

« - du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ou de son représentant ;

« - d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière de sécurité publique ou de son représentant ;

« - d'une personnalité qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale ou de son représentant ;

« - d'un maire ou de son suppléant désignés par le président de l'association des maires du département et, à Paris, du maire, d'un maire d'arrondissement ou d'un conseiller d'arrondissement ou de leur suppléant désigné par le Conseil de Paris.

« A sa demande, le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné, ou son représentant, est entendu.

« Un représentant du préfet ou, à Paris, du préfet de police, assure les fonctions de rapporteur de cette commission. »

II. - Après l'article 12 quater de la même ordonnance, il est inséré un article 12 quinquies ainsi rédigé :

« Art. 12 quinquies. - Le préfet ou, à Paris, le préfet de police, peut également saisir la commission du titre de séjour pour toute question relative à l'application des dispositions du présent chapitre. Le président du conseil général ou son représentant est invité à participer à la réunion de la commission du titre de séjour. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 146, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Dans le sixième alinéa de l'article 12 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, après les mots : "la commission est saisie", sont insérés les mots : "pour avis conforme". »

L'amendement n° 251, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le I de cet article :

« I. - L'article 12 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France est ainsi rédigé :

« Art. 12 quater. - Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour, composée :

« - du président du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ou d'un juge délégué par lui, président ;

« - d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département ; d'un conseiller de tribunal administratif.

« Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission peut être instituée dans un ou plusieurs arrondissements.

« Le préfet est tenu de saisir la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ou lorsqu'il envisage de refuser l'admission au séjour d'un membre de famille au titre d'une demande de regroupement familial, au seul motif de la résidence habituelle en France de ce membre de famille.

« L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; il peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec un interprète. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide judiciaire, cette faculté étant mentionnée dans la convocation ; l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par le président de la commission.

« L'étranger, s'il ne dispose pas d'un titre de séjour ou si celui-ci est périmé, est mis en possession d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour et de travail pendant toute la durée de la procédure, jusqu'à ce que le préfet ait statué après avis de la commission.

« Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent pour l'octroi ou le renouvellement d'un titre de séjour. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, au préfet qui statue. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé.

« Si la commission émet un avis favorable à l'octroi ou au renouvellement du titre de séjour, celui-ci doit être délivré. »

L'amendement n° 214, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« I. - Supprimer le cinquième alinéa du I de cet article.

« II. - Au huitième alinéa du I de cet article, après les mots : "association des maires du département", insérer les mots : "ou, lorsqu'il y a plusieurs associations de maires dans le département, par le préfet en concertation avec celles-ci,".

« III. - Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 12 quinquies de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 par la phrase suivante :

« Il en est de même, en tant que de besoin, du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. »

L'amendement n° 147, présenté par Mme M. André, MM. Dreyfus-Schmidt, Mahéas et Sueur, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« A la fin du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un représentant des associations oeuvrant dans le domaine de l'accueil des personnes de nationalité étrangère. »

L'amendement n° 23, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« I bis. - Au sixième alinéa de l'article 12 quater de la même ordonnance, après le mot : "préfet", sont insérés les mots : "ou, à Paris, le préfet de police,". »

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour défendre l'amendement n° 146.

M. Jacques Mahéas. Il s'agit d'un amendement très important. Dans sa version définitive, la loi Chevènement du 11 mai 1998 prévoit que la commission du titre de séjour est présidée, par le président du tribunal administratif ou un conseiller délégué et composée d'un seul magistrat du tribunal de grande instance mais également d'une personnalité désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale. L'étranger peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec un interprète. Il peut bénéficier de l'aide juridictionnelle.

La commission du titre de séjour est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15, c'est-à-dire aux étrangers bénéficiant de plein droit d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident. Elle est également compétente en cas de renouvellement d'une carte de séjour à un ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen. L'avis rendu par la commission est seulement consultatif.

Par notre amendement, nous proposons de compléter le texte retenu par la loi Chevènement pour la commission, en donnant à cette dernière un rôle décisionnel. Il nous paraît indispensable qu'elle lie le préfet dans sa décision. En effet, nous venons de le dire, siège au sein de la commission le président du tribunal administratif ou son représentant. Il est donc difficile pour un magistrat du tribunal administratif de siéger dans une commission, d'y donner son avis puis, dans le cas d'un recours éventuel, d'avoir à juger la décision prise par le préfet qui n'aura pas suivi l'avis de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest. C'est déjà le cas !

M. Jacques Mahéas. Cela paraît tout à fait rocambolesque ! Le fait de lier la décision du préfet à l'avis de la commission éviterait ce genre de problème et empêcherait également qu'un magistrat ait à se déjuger.

En conséquence, cet amendement a aussi pour objet de nous opposer à la modification, opérée par le projet de loi, de la composition de la commission du titre de séjour, qui nous paraissait, dans son libellé antérieur, être efficace, resserrée ; il n'y a pas prédominance des représentants du préfet.

Au président du tribunal administratif, au magistrat du tribunal de grande instance et à la personnalité qualifiée en matière sociale, le projet de loi, tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale prévoit d'ajouter la présence d'une personnalité désigné par le préfet en matière de sécurité publique, d'un maire désigné par l'Association des maires ainsi que à la demande du préfet, le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger.

J'attire votre attention, mes chers collègues, sur un point : aux termes de la Constitution, les maires ne sont pas obligés d'adhérer à des associations de maires. On posera bien évidemment le problème si nous faisons un recours. Personnellement, j'appartiens non pas à une assemblée départementale de maires, mais simplement à l'association nationale. De plus, dans ce département que je connais bien, il y a une association dont la coloration politique est sans doute différente de celle d'autres départements. Donc, comment s'opérera le choix ?

Plus grave, la présence du maire de la commune où séjourne l'étranger est en parfaite contradiction avec le principe selon lequel le droit au séjour sur notre sol est non pas une compétence municipale mais une compétence qui relève des prérogatives régaliennes de l'Etat.

Aussi, nous demandons la suppression de l'article 9, le maintien de la commission dans sa composition actuelle, commission à laquelle nous donnons un rôle décisionnel.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 251.

Mme Nicole Borvo. Cet amendement rejoint celui qui vient de présenter M. Jacques Mahéas. Si la composition actuelle de la commission ne nous semble pas totalement satisfaisante, celle qui nous est proposée par le projet de loi l'est encore moins.

Un siège sera attribué à un maire, ce qui pose d'emblée un problème. En effet, la question de l'immigration et du droit au séjour relevant des prérogatives régaliennes de l'Etat, on peut s'interroger s'agissant de la participation des maires.

En outre, comme le disait mon collègue, le mode de désignation par le président d'une association des maires du département pose problème. D'une part, les maires ne sont pas obligés d'adhérer à une association ; d'autre part, dans certains départements où existent plusieurs associations, laquelle sera choisie pour désigner un maire ? Quel sera le rôle du maire dans cette commission ?

De surcroît, le rapporteur à l'Assemblée nationale a fait adopter un amendement qui précise que « à sa demande, le maire de la commune » - cela fait donc un deuxième maire - « dans laquelle réside l'étranger concerné, ou son représentant, est entendu ». Il est évident qu'on oriente l'avis de cette commission. Le maire ne sera-t-il pas tenté d'agir au sein de cette commission en fonction du nombre d'étrangers présents dans sa commune et de ce qu'il estime y être un seuil de tolérance ? N'aura-t-il pas la possibilité d'exercer un contrôle sur l'immigration dans sa propre commune ? Je crains que cela n'ouvre la voie vers quelques dérapages.

Par ailleurs, la modification que vous proposez dans la composition est source d'un déséquilibre au détriment des magistrats, jusqu'à présent majoritaires.

De plus, non seulement les préfets saisissent très peu ces commissions mais, en outre, ils ne suivent pas toujours les avis, surtout quand ils sont favorables. C'est pourquoi nous proposons que l'avis de la commission soit suivi d'effet.

Enfin, nous regrettons qu'avant de décider de modifier l'actuelle commission aucun chiffre quant au nombre de refus de délivrance de renouvellement de titres de séjour ne nous ait été communiqué.

Insatisfaits de la rédaction qui nous est soumise, nous formulons une proposition visant à modifier la commission. Nous souhaitons ainsi accroître ses pouvoirs, renforcer le nombre de magistrats, garants des libertés, et rendre obligatoire sa saisine et le suivi de ses décisions. Il importe également, selon nous, d'étendre la saisine de la commission en cas de refus d'envisager le regroupement familial sur place.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° 214.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement a un double objet.

D'une part, il prévoit, pour la désignation du maire à la commission du titre de séjour, le cas dans lequel il existe plusieurs associations de maires dans le département.

D'autre part, il vise à retirer le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la commission du titre de séjour lorsqu'elle statue sur des cas individuels. En effet, dans ce cas, la commission statue toujours sur des problèmes d'ordre public. En revanche, il est opportun d'inviter le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle à la commission du titre de séjour lorsque celle-ci examine des questions générales telles qu'une grève de la faim ou la situation locale du marché de l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 147.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit, bien entendu, d'un amendement de repli. En effet, l'amendement n° 146, présenté par notre ami Jacques Mahéas, nous paraît essentiel, et je n'insisterai pas car nous aurons l'occasion d'y revenir lors des explications de vote.

Mais si vous deviez passer outre et continuer cette comédie qui consiste à faire nommer quasiment intégralement par le préfet une commission qui n'est là que pour lui donner un avis, il est évident que, subsidiairement, nous demanderions qu'il y ait au moins un représentant des associations oeuvrant dans le domaine de l'accueil des personnes de nationalité étrangère. Il pourrait notamment s'agir du groupe d'information et de soutien aux travailleurs immigrés, le GISTI.

Cette remarque me permet d'attirer l'attention sur les difficultés financières que connaît cette association dont la tâche, en la matière, est considérable d'inviter l'ensemble de nos collègues à mettre la main à la poche de manière à essayer de suppléer les subventions qui ne lui sont pas versées, en particulier par Matignon !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 23 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 146, 251, 214 et 147.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 23 vise à apporter une précision : il s'agit d'adapter l'ordonnance de 1945 à la spécificité de la ville de Paris pour laquelle le préfet de police est compétent en matière de droit des étrangers.

L'amendement n° 146 a pour objet de prévoir que la commission du titre de séjour rendrait désormais un avis conforme, alors que le droit actuel ne prévoit qu'un avis consultatif.

La commission des lois n'a pas proposé d'amendement en ce sens dans la mesure où il doit revenir au préfet de prendre la décision sans être lié par l'avis de la commission, même si, en pratique, cela pourrait s'avérer très utile. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 251 vise à réécrire complètement l'article 9.

La commission est favorable au dispositif proposé par le projet de loi, sous réserve de quelques modifications apportées par certains amendements. Elle estime que la nouvelle composition de la commission du titre de séjour prévue à l'article 9 du projet de loi est plus représentative et que son avis ne doit pas lier le préfet dans sa prise de décision. Pour cette raison, elle a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 251.

L'amendement n° 214 vise à modifier la composition de la commission du titre de séjour.

Il semble en effet souhaitable que le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle soit présent lorsque la commission du titre de séjour examine des questions générales. En revanche, sa présence n'est pas forcément nécessaire pour la délivrance du titre de séjour.

Cette nouvelle composition de la commission du titre de séjour semble plus satisfaisante d'autant qu'elle permet de prendre en compte, lors de la nomination du maire comme membre de la commission, le cas où il existe plusieurs associations de maires dans le département.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement n° 214.

L'amendement n° 147 a pour objet d'ajouter, parmi les membres de la commission du titre de séjour, un représentant des associations oeuvrant dans le domaine de l'accueil des étrangers. Cela ne semble pas nécessaire dans la mesure où cette commission comprend déjà une personne qualifiée, désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale. De plus, la nouvelle composition de la commission du titre de séjour prévue par le projet de loi élève déjà à six le nombre de ses membres. Par conséquent, il semble préférable de ne pas ajouter une nouvelle personne.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 147.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Mêmes avis.

M. Robert Bret. Au moins, il y a un débat !

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, contre l'amendement n° 146.

M. Patrice Gélard. Je relève une contradiction dans l'argumentation des auteurs de cet amendement.

Ces derniers nous disent qu'il s'agit d'un pouvoir régalien de l'Etat, mais ils veulent lier la compétence de l'Etat à l'avis d'une commission tout en affirmant que celle-ci sera placée sous l'autorité du préfet.

En fait, les deux magistrats sont totalement indépendants du préfet, et le maire également. Je ne vois pas comment on peut défendre à la fois le pouvoir régalien de l'Etat et l'avis conforme d'une commission totalement indépendante.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais faire un peu d'histoire, en particulier d'histoire du droit, mes chers collègues. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

De 1945 jusqu'à la loi Debré, la commission avait un rôle de décision en la matière parce qu'on estimait à l'époque - cela allait d'ailleurs figurer dans diverses constitutions, et même dans celle de 1958 - que le gardien des libertés, pour tout le monde, en France, c'était la justice.

M.Patrice Gélard. Elle le reste !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est précisément pourquoi, en la matière, avait été instituée, une véritable juridiction, présidée par le président du tribunal administratif et composée d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal de grande instance du chef-lieu du département et d'un assesseur, en l'occurrence une personne qualifiée désignée par le préfet pour sa compétence en matière sociale. Cette véritable juridiction était saisie obligatoirement et statuait de manière décisionnelle.

Il a fallu attendre la loi Debré - et je dois à la vérité de dire qu'en dépit d'amendements du groupe socialiste du Sénat la loi Chevènement n'a pas modifié ce texte - pour que soient retirés ses pouvoirs de décision à cette commission.

Mais - si j'ose dire - on pouvait tout de même penser que le préfet pouvait être impressionné par une décision prise par une véritable juridiction composée de deux magistrats de haut rang.

Que nous est-il proposé aujourd'hui ? Une véritable comédie ! Les malheureux magistrats sont flanqués du directeur départemental de l'action sanitaire et sociale ou de son représentant, c'est-à-dire d'un subordonné du préfet, d'une personnalité qualifiée pour sa compétence en matière sociale désignée par le préfet, et d'un maire désigné par le président de l'association des maires du département !

A cet égard, je constate avec étonnement que c'est le groupe de l'Union centriste qui apporte la solution attendue du Sénat par l'Assemblée nationale où il avait été remarqué que, dans certains départements, il n'y avait pas d'association des maires et que, dans d'autres, il y en avait plusieurs.

C'est curieux, mais c'est comme cela ! Ce n'est pas dans le goût du jour, mais cela pouvait l'être au moment où les amendements ont été déposés. Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire... (Non ! sur les travées de l'UMP.)

Cette commission comprendrait également un représentant du préfet qui assurerait les fonctions de rapporteur de la commission et, enfin, à sa demande, le maire de la commune dans laquelle réside l'étranger concerné ou son représentant. Nous avons suffisamment dit que, si certains maires sont favorables à la délivrance du titre de séjour, d'autres y sont systématiquement défavorables.

Selon certains, le maire est indépendant par rapport au préfet. Cela dépend tout de même de sa ligne politique !...

Par conséquent, mettre en place une commission désignée par le préfet et dont le rôle est de donner un avis au préfet, avis que celui-ci n'est pas obligé de suivre, c'est une véritable comédie ! C'est scandaleux !

Ayez au moins le courage de supprimer cette commission, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur ! Mais ne nous faites pas croire que cette commission a un rôle quelconque alors qu'elle n'en a pas, car elle est composée de telle sorte qu'en tout état de cause, même si les magistrats étaient mis en minorité, cela n'aurait aucune importance !

Il s'agit, je le répète, d'une véritable comédie. C'est pourquoi vous n'avez qu'une solution pour vous en sortir élégamment : supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. On peut se lancer des invectives et dire qu'il y a des contradictions dans nos argumentations respectives.

M. Jean-Jacques Hyest. Des invectives ? Vous avez dit que c'était de la comédie !

M. Jacques Mahéas. Mais vous avez le droit, effectivement, de jouer la comédie, mon cher collègue !

M. Jean-Jacques Hyest. Voilà les invectives !

M. Jacques Mahéas. Je vais démontrer que M. Gélard a tort quand il essaie de faire croire que notre argumentation est incohérente.

M. Jean-Jacques Hyest. Oui, il y une contradiction !

M. Jacques Mahéas. Pas du tout ! (M. Hilaire Flandre s'exclame.)

Si c'est du domaine régalien, c'est de la responsabilité du préfet et non de cette commission du titre de séjour. Très bien !

Mais quelle a été votre attitude à propos de l'attestation d'accueil ? Alors que nous voulions que cette question relève de la responsabilité de l'Etat, vous avez dit : Non ! Attention ! C'est de la responsabilité première du maire.

M. Jean-Jacques Hyest. Comme représentant de l'Etat !

M. Jacques Mahéas. Monsieur Hyest, cessez de m'interrompre, ou prenez la parole pour expliquer votre vote ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

A propos de l'attestation d'accueil, je relève une contradiction évidente, mes chers collègues. On ne peut pas, à l'article 2, permettre au maire de ne pas signer des attestations d'accueil et, à l'article 9, préciser que la délivrance d'un titre de séjour relève de la compétence non pas du maire, mais du préfet. Avec la commission telle qu'elle est prévue, le préfet aura tout pouvoir pour imposer sa décision.

J'ai bien noté que le membre de cette commission désigné par le préfet pour sa compétence en matière sociale pourrait être effectivement le représentant d'une association représentant les étrangers. Je me demande toutefois dans quelle mesure le Gouvernement donnera ces indications à M. le préfet.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Je voulais simplement faire remarquer à M. Dreyfus-Schmidt que les sénateurs du groupe de l'Union centriste ont la liberté de parole, comme tous les autres sénateurs ! (Très bien ! sur plusieurs travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Ça, c'est bien dit ! C'est cinglant !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote sur l'amendement n° 251.

Mme Nicole Borvo. Monsieur Gélard, si les explications pouvaient prêter à confusion, il n'en est pas de même de cet amendement : nous voulons en effet rétablir la prédominance de la justice.

Que je sache, la justice fait partie des prérogatives régaliennes de l'Etat et relève donc d'une compétence nationale et non pas locale. Nous voulons donc restaurer la commission du titre de séjour dans ses attributions d'origine et ne pas la laisser à la discrétion des autorités locales.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je m'étonne que la majorité n'ait pas proposé que la décision appartienne au maire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre. Nous aurions dû y penser !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On nous a affirmé que le maire devait avoir des compétences diverses, qu'il n'y avait pas de raison qu'il n'ait pas de pouvoir déterminant en la matière. Allez donc jusqu'au bout de votre idée en prévoyant que le maire décidera de l'opportunité de délivrer une carte de séjour.

Pour le reste, cet amendement répondant pleinement aux souhaits que nous avons exprimées dans un précédent amendement, nous le voterons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 147.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappelle que cet amendement vise à permettre à un représentant des associations oeuvrant dans le domaine de l'accueil des personnes de nationalité étrangère d'être membre d'une commission départementale du titre de séjour.

M. Mahéas pense que le Gouvernement pourrait demander au préfet de choisir une telle personne, mais je ne dirai pas que ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.

M. le ministre n'a pas répondu sur ce point. Peut-être va-t-il le faire maintenant ? En tout état de cause, il ne pourrait engager que lui-même ou le gouvernement auquel il appartient qui, comme tout gouvernement, cessera un jour d'être le Gouvernement.

Nous souhaitons donc que cette disposition figure dans le projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous demandons au Sénat d'adopter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste vote contre.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)