Article additionnel après l'article 11

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par MM. Legendre, Lecerf, François-Poncet, Hérisson et Cointat, est ainsi libellé :

« Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toutes mesures modifiant le code de la sécurité sociale pour :

« 1° Améliorer les droits des assurés et cotisants, notamment, en envisageant la faculté pour ceux-ci de pouvoir opposer aux organismes de sécurité sociale les circulaires et instructions établies par l'administration ainsi que par les caisses et en prévoyant que toute décision explicite ou implicite d'un organisme est opposable aux autres organismes, nonobstant le fait qu'ils constituent des personnes morales distinctes ;

« 2° Harmoniser les délais de prescription relatifs au recouvrement des cotisations sociales ;

« 3° Généraliser l'obligation pour les caisses de sécurité sociale d'indiquer en cas de contrôle d'un cotisant ou de litige avec un assuré la possibilité pour ceux-ci de se faire assister par un conseil ou de se faire représenter par un mandataire de leur choix. »

La parole est à M. Jean François-Poncet.

M. Jean François-Poncet. Les alinéas 2° et 3° de cet amendement sont suffisamment clairs pour se passer d'explication. Il n'en est pas tout à fait de même de l'alinéa 1°. Il faut savoir, en effet, que les services ministériels et les organismes nationaux diffusent de multiples circulaires. Celles-ci donnent des instructions, qui ne sont pas obligatoires ; elles fournissent des indications de comportement. Cet amendement vise à permettre aux assurés de pouvoir les invoquer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission des affaires sociales ?

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. La présentation qui vient d'être faite révèle tout l'intérêt de l'amendement.

Sans doute, les relations entre les usagers et les administrations sociales doivent-elles être améliorées. Sans doute, les pratiques en matière d'interprétation du droit des finances sociales donnent-elles lieu à des interprétations différentes, voire parfois contradictoires.

La gestion des allégements de cotisations sociales liés aux zones franches urbaines a attiré l'attention du Sénat sur ce point. Le rapporteur de la commission des affaires sociales pour la ville, notre collègue Nelly Olin, s'en est émue voilà déjà plus de deux ans.

Pour autant, si beaucoup reste à faire, il ne serait pas exact de dire que rien n'est en train de se faire. Sans les citer toutes, deux initiatives de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale méritent d'être mises en avant : la constitution d'un comité juridique visant à parfaire une application uniforme du droit et la mise au point par l'ACOSS d'une « charte du cotisant », qui garantit les droits des usagers.

Tous ces points sont inscrits comme première orientation de la convention d'objectif et de gestion 2002-2005 signée entre l'Etat et l'ACOSS, qui vise à « placer les usagers au coeur du métier du recouvrement ».

Devant la multiplication de ces initiatives, qui traduisent les engagements clairs des pouvoirs publics, faut-il d'ores et déjà prévoir la prise de nouvelles mesures par voie d'ordonnance ?

Ayant le désir de laisser à ces initiatives le temps de porter leurs fruits, je ne le crois pas. Néanmoins, la commission des affaires sociales a estimé qu'il serait bon d'entendre l'avis du Gouvernement, qu'elle pourrait suivre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est reconnaissant à M. François-Poncet d'avoir mis le doigt sur un problème tout à fait réel et vécu quotidiennement par des millions de nos concitoyens dans leurs relations avec les organismes de sécurité sociale. Nous souscrivons, bien sûr, à l'objectif d'améliorer le droit des assurés et des cotisants, d'harmoniser les délais de prescription, et plus généralement de les sécuriser dans leurs droits.

J'ajoute que, en tant que secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, je suis décidé à lutter contre le fléau des circulaires interprétatives dans tous les domaines, au-delà même de celui qui fait l'objet de l'amendement. Les chiffres sont vertigineux. J'ai rappelé, lors de la discussion générale, que, chaque année, plusieurs milliers de circulaires ministérielles sont publiées. Que reste-t-il, dans ces conditions, de capacités d'initiative laissées aux administrations de terrain ?

En revanche, le Gouvernement ne souscrit pas à la lettre de l'amendement et il ne peut y être favorable. En effet, s'il est très souhaitable que seules les interprétations de l'administration soient opposables, il faut prendre garde d'éviter - ce qui serait contraire à l'objectif affiché - que chaque caisse n'en arrive à avoir sa propre jurisprudence, sa propre doctrine, car cela serait très problématique au regard de l'homogénéité évidemment souhaitable dans le traitement des assurés et des cotisants. C'est d'ailleurs ce que vient de faire valoir M. le rapporteur.

Si toute position, positive ou négative, d'un organisme de sécurité sociale liait l'ensemble des autres organismes, cela pourrait dans certains cas être défavorable aux assurés, voire contradictoire avec la volonté qui anime les auteurs de l'amendement. Que se passerait-il d'ailleurs si un organisme prenait une décision non conforme à une interprétation expresse venant d'ailleurs ?

C'est pourquoi l'administration, comme je l'avais indiqué devant l'Assemblée nationale, étudie actuellement des dispositions qui permettront de mieux répondre au souci que vous exprimez, monsieur le sénateur, en rendant opposables les circulaires de l'administration et, surtout, en renforçant le rôle de coordination et de validation de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

Comme M. le rapporteur l'a rappelé, est actuellement en voie d'élaboration une charte du cotisant contrôlé, qui sera à l'image de celle du contribuable vérifié et dont la portée sera plus large que celle de la mesure prévue par le troisième point de cet amendement.

Il est difficile de régler un problème d'une telle complexité, qui implique d'abord que l'on responsabilise les gestionnaires sur des règles de bonne pratique et des objectifs de qualité, par voie d'amendement, mais sachez bien, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est décidé à prendre en compte la volonté exprimée par la représentation nationale. J'ai eu l'occasion de le dire devant l'ensemble des personnels des caisses de sécurité sociale dans le cadre des conventions d'objectif passées entre l'ACOSS et les caisses. Il est indispensable de progresser dans la voie d'une sécurisation des cotisants et des assurés.

M. le président. Monsieur François-Poncet, l'amendement n° 131 est-il maintenu ?

M. Jean François-Poncet. A la lumière des indications données par M. le rapporteur pour avis et par M. le secrétaire d'Etat, qui tiennent très largement compte de nos préoccupations, je le retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 131 est retiré.

Chapitre III

Mesures de simplification

des procédures électorales

Article 12

M. le président. « Art. 12. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et afin de favoriser la participation des électeurs aux opérations électorales, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables en matière électorale pour assouplir les conditions d'exercice du vote par procuration. »

Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 102, présenté par M. Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Dreyfus-Schmidt, Frécon, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour, Raoul, Godefroy, Chabroux et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 118, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

« Dans cet article, remplacer les mots : "applicables en matière électorale" par les mots : "du code électoral". »

L'amendement n° 141, présenté par M. Saugey, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par les mots : "ainsi que les critères d'inscription des Français et des Françaises établis hors de France sur la liste électorale d'une commune afin que tout Français établi hors de France puisse exercer ses droits de citoyen". »

L'amendement n° 132, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Guerry, Cantegrit, Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand, de Villepin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par les mots : "et pour autoriser le dépôt des demandes de vote par procuration par voie électronique pour les électeurs établis hors de France.". »

La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 102.

M. Bernard Frimat. Cet amendement vise à supprimer l'article 12 relatif au vote par procuration.

A cette heure, nous pouvons éviter les faux procès. Nous sommes tous préoccupés par l'abstention. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons dans cet hémicycle, nous souhaitons tous que les consultations électorales suscitent l'intérêt de l'ensemble de nos concitoyens. Nous n'entendons pas nous opposer au votre par procuration. L'établissement d'une procuration de vote s'apparente à un véritable parcours du combattant, qui décourage parfois les bonnes volontés. Nous sommes tous d'accord sur ce point, même si ces difficultés ne sont pas la cause essentielle de l'évolution du taux d'abstention.

La proposition du Gouvernement comporte deux aspects : d'une part, une volonté de simplifier les formalités et, d'autre part, une orientation très marquée vers le mécanisme d'une attestation sur l'honneur faite, si je schématise, auprès de la mairie. Or, sans mettre en cause les élus locaux, il nous semble difficile d'admettre que cette question ne fasse pas l'objet d'un débat plus approfondi. Nous sommes tous attachés à ce que les opérations électorales soient sincères. Dès lors, s'agissant de scrutins locaux dont les résultats peuvent être très serrés, faut-il d'une certaine façon, donner corps à l'accusation selon laquelle une des parties à l'élection est en même temps celle qui pourra accepter ou ne pas accepter les procurations ? Cela peut poser un certain nombre de problèmes.

De plus, c'est l'électeur potentiel qui, en donnant procuration, va attester sur l'honneur qu'il remplit les conditions pour le faire. Cet électeur est-il suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles il peut donner procuration ? Ainsi, que se passera-t-il si un électeur de bonne foi, qui atteste sur l'honneur qu'il ne peut pas voter, ne remplit pas en fait les conditions lui permettant d'obtenir une procuration ? Quelles sanctions, quelles garanties, quels moyens de contrôle pourra-t-on mettre en oeuvre ?

S'agissant du domaine électoral, les points d'interrogations mériteraient que le Parlement se saisisse du dossier, en discute pour arrêter une position claire et transparente. Que l'on nous comprenne bien : il s'agit, pour nous, non pas de nous opposer au vote par procuration, mais de dire qu'il est nécessaire que le Parlement en discute dans les détails et simplifie le dispositif, à l'occasion d'une loi, pour que ce vote puisse véritablement avoir lieu en toute clarté et dans la transparence. En effet, il ne faut pas laisser autant de points d'interrogation, qui peuvent poser problème.

Voilà l'esprit dans lequel nous proposons la suppression de l'article 12. Bien sûr, nous n'entendons pas limiter ainsi le vote par procuration.

A une certaine époque, des sensibilités politiques différentes se sont accordées pour mettre en cause le vote par correspondance parce qu'il constituait un élément de fraude. Il ne faudrait pas que, en simplifiant le vote par procuration, nous nous retrouvions devant une telle éventualité et, en disant cela, je ne fais aucun procès d'intention.

M. le président. L'amendement n° 118 n'est pas soutenu.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 141.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il convient d'assouplir les critères relatifs aux ascendants et aux descendants, de manière à les élargir aux parents collatéraux et à augmenter le nombre des communes d'inscription.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour défendre l'amendement n° 132.

M. Christian Cointat. On dit très souvent que les Français établis hors de France votent peu. C'est, hélas ! vrai, mais encore faut-il savoir pourquoi. S'ils votent peu, c'est parce qu'ils n'ont pas les moyens de le faire à proximité de leur domicile. On nous répond tout simplement : « Qu'ils votent par procuration ! » Or, pour effectuer la demande de vote par procuration, ils doivent actuellement se déplacer. Si ces personnes habitent à 500 kilomètres, à 1 000 kilomètres, ou à 1 500 kilomètres d'un consulat, comment peuvent-elles demander à voter par procuration ? Pour ce faire, certains de nos compatriotes devraient effectuer 3 000 kilomètres aller-retour.

Des études ont été réalisées sur le vote des Français établis hors de France à l'occasion de l'élection présidentielle. Elles montrent que lorsqu'un bureau de vote se trouve à proximité de chez eux, le taux de participation est le même qu'en France métropolitaine. Mais quand le bureau de vote se situe à une distance importante, au-delà de 50 kilomètres, le taux de participation, comme celui des demandes de vote par procuration, chute.

Si l'on accorde des droits civiques - c'est la moindre des choses - aux ressortissants de notre pays, encore faut-il que ces droits puissent être utilisés d'une manière décente. Or, pour l'instant, tel n'est pas le cas pour un grand nombre de nos compatriotes expatriés. Cet amendement a donc pour objet de leur faciliter les choses. Puisque l'on peut faire sa déclaration d'impôt par voie électronique, pourquoi ne pourrait-on pas faire une demande de procuration par cette voie ? De même, puisque l'on peut désormais, alors que cela n'était pas possible autrefois, obtenir une carte d'identité, un passeport ou une carte d'immatriculation consulaire par voie postale, pourquoi ne pourrait-on pas faire une demande de vote par procuration par la même voie ?

Il ne s'agit non pas du vote, mais simplement de la demande, pour autant que l'électeur puisse apporter la preuve de sa volonté de voter par procuration, puisque les Français de l'étranger ne sont pas soumis aux mêmes conditions que les Français de France, le fait même d'être Français établi hors de France étant une condition suffisante pour pouvoir voter par procuration.

Tel est le sens de cet amendement, que je rectifie d'ailleurs afin d'ajouter les mots : « ou postale », après les mots : « par voie électronique ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Cointat, Mme Brisepierre, MM. Guerry, Cantegrit, Del Picchia, Durand-Chastel, Duvernois, Ferrand, de Villepin et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, et ainsi libellé :

« Compléter in fine cet article par les mots : "et pour autoriser le dépôt des demandes de vote par procuration par voie électronique ou postale pour les électeurs établis hors de France". »

Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 102 et 132 rectifié ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 102. En effet, alors que le projet de loi met en place le principe de confiance, l'adoption d'un tel amendement irait à l'encontre de ce dernier.

S'agissant de l'amendement n° 132 rectifié, la commission des lois s'en remet à la sagesse du Sénat et souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 102, 141 et 132 rectifié ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Il s'agit là d'un sujet majeur, qui justifie quelques développements.

Tout d'abord, je prends acte de ce que nul, sur ces travées, au-delà des clivages partisans - c'est là, évidemment, un effet de la leçon que nous avons reçue lors du premier tour des élections présidentielles -, ne conteste la nécessité de tout faire pour inciter nos concitoyens à accomplir leur devoir d'électeur, à voter et, par conséquent, à assouplir les conditions du vote par procuration. C'est l'objet même des termes de l'habilitation.

« Pourquoi le faire par ordonnance ? », me demande-t-on. Tout simplement - mais nous n'allons pas reprendre encore une fois le débat général - parce qu'il y a urgence : si nous voulons que cette disposition soit applicable pour les prochaines élections - c'est, je crois, un objectif qui peut tous nous rassembler -, c'est maintenant qu'il faut modifier le droit applicable. Les Français ne comprendraient pas que, pour les prochaines élections régionales et cantonales, nous n'ayons pas tiré la leçon des enseignements du scrutin présidentiel.

En la matière, comme à d'autres moments de notre débat, l'argument qui consiste à renvoyer à une loi générale sert souvent d'habillage pour, en réalité, refuser la simplification concrète.

Néanmoins, il est tout à fait légitime que la représentation nationale interroge le Gouvernement sur les risques pouvant découler du vote par procuration et sur les garanties que nous sommes en mesure d'apporter dans ce domaine.

C'est l'occasion pour moi de souligner la contribution personnelle du ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy, et l'engagement du ministre délégué aux libertés locales, M. Patrick Devedjian, sans lesquels nous ne serions pas parvenus à surmonter les blocages des administrations, les inerties, les pesanteurs culturelles, et à faire en sorte que l'on puisse passer à une simple déclaration sur l'honneur qui sera faite en mairie.

Quelles sont donc les garanties ? Je ne reviendrai pas sur les défauts du système actuel, sur la complexité des justificatifs, sur la mobilisation de personnels d'Etat qui ont mieux à faire, et sur les inégalités de jurisprudence : tout cela fait l'objet d'un constat largement partagé. Mais je voudrais insister sur les garanties de publicité, de transparence afin d'éviter les abus et les fraudes.

Tout d'abord, les informations sur les procurations - nom et prénoms du mandant et du mandataire, nom et qualité de l'autorité qui a dressé l'acte de procuration, date de son établissement, durée de la validité de la procuration - seront publiques et tenues à la disposition de tout électeur requérant sur un registre.

Ensuite, chaque mandataire ne pourra pas disposer de plus de deux procurations et le mandant, sauf raisons médicales et sur demande écrite, devra se présenter personnellement à l'autorité chargée d'établir la procuration.

Les sanctions en matière de fraude sont fort heureusement très sévères.

Tout d'abord, s'agissant des sanctions pénales, l'article L. 111 du code électoral dispose que « toute manoeuvre frauduleuse ayant pour but d'enfreindre les dispositions des articles L. 71 à L. 77 sera punie des peines prévues à l'article L. 107 », soit deux ans d'emprisonnement et quinze mille euros d'amende. La chambre criminelle de la Cour de cassation a déjà fait application de ces dispositions, par exemple pour la tentative de voter à la place d'une électrice immobilisée pour maladie, au nom de laquelle une personne avait rempli une fausse demande de vote par procuration, ou encore pour une fraude à la procuration perpétrée, avec la complicité d'employés municipaux, par la directrice d'une maison de repos pour handicapés mentaux.

A ces sanctions du juge pénal, extrêmement lourdes, s'ajoutent les sanctions du juge de l'élection. Les jurisprudences sont très nombreuses à cet égard : je rappellerai les précédents qui concernent les pensionnaires des maisons de retraite ayant signé, à la demande du directeur de la résidence, des procurations au profit de mandataires figurant sur la même liste que les candidats ; j'évoquerai l'exemple fameux de l'annulation des élections de 1998 de l'Assemblée territoriale de Corse : une personne admise à voter au premier tour alors que le volet de la procuration établie en sa faveur n'avait pas été reçu par le maire de la commune ; vingt procurations établies par les officiers de police judiciaire s'étant déplacés au domicile des mandants sans que ces derniers aient préalablement formulé une demande écrite et signée.

Les jurisprudences tant du juge électoral que du juge pénal sont donc, à mon avis, de nature à prémunir contre les risques de fraude organisée.

Enfin - et nous en revenons ainsi au débat philosophique qui a eu lieu déjà à plusieurs reprises -, nous faisons le pari de la confiance et de la responsabilité des élus du suffrage universel. Aujourd'hui, il faut espérer que notre démocratie a atteint un certain stade de maturité. Je viens moi-même d'un département qui s'est illustré par la fraude électorale. Les moeurs se sont tout de même en partie assagies, et les dispositions prises par le ministère de l'intérieur et les sanctions prévues sont, je crois, de nature à rassurer la représentation nationale.

J'en viens maintenant aux amendements déposées et, tout d'abord, à l'excellent amendement n° 141 de la commission des lois sur les critères d'inscription des Françaises et Français établis hors de France sur la liste électorale d'une commune afin que tout Français puisse exercer ses droits de citoyen.

Cet amendement s'inscrit dans la préoccupation plus large de M. Cointat, dont je salue à nouveau la contribution à la modernisation de l'administration. C'est souvent de loin que l'on porte le regard le plus lucide sur les améliorations à apporter à notre service public. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les Français de l'étranger et leurs représentants soient à la pointe du combat pour la modernisation. Je vous en suis particulièrement reconnaissant, monsieur Cointat, car, comme vous le savez, je suis un avocat ardent de la numérisation des services publics. Je suis tout à fait convaincu que votre solution sera valide demain. Vous avez le mérite de poser le débat sur l'autorisation du dépôt des demandes de vote par procuration par voie électronique, dont on comprend bien l'intérêt, compte tenu des distances en cause, pour les Français de l'étranger.

Ce n'est pas à vous, monsieur le sénateur, que j'apprendrai qu'il existe d'ores et déjà une très grande souplesse, qui prend en compte la spécificité de la situation de nos compatriotes installés à l'étranger : les demandes de vote doivent être déposées au consulat, elles peuvent l'être à tout moment - peut-être faudrait-il en informer davantage nos compatriotes - , et pas seulement quelques semaines avant le scrutin ; les procurations peuvent être établies pour une durée de trois ans, et ce délai a un caractère dérogatoire très important.

La raison pour laquelle je ne peux à regret soutenir cet amendement tient aux ajustements administratifs et techniques lourds que son application nécessiterait pour se prémunir contre les risques de fraude. En effet, le dépôt d'un tel document par voie électronique impose de mettre en oeuvre des procédures permettant d'identifier l'auteur de la demande avec une très grande précision. Cela signifie qu'il faut mettre en place des codes confidentiels et s'appuyer sur les techniques de signature électronique, ces procédés coûteux, lourds en terme d'organisation et probablement pas tout à fait au point techniquement.

Mais je reste convaincu que c'est pour demain ! Nous voyons d'ailleurs les progrès effectués tous les jours, et récemment en matière de déclaration d'impôt. Je vous remercie donc, monsieur le sénateur, d'avoir pris date, et j'espère que, d'ici à la fin de cette législature, nous aurons pu franchir une étape supplémentaire correspondant à votre voeu. Mais, pour l'heure, le mieux étant l'ennemi du bien, il faut plutôt sécuriser les assouplissements du vote par procuration afin de ne pas risquer de compromettre ce pas considérable vers la réconciliation de nos concitoyens, au sein d'une société mobile, avec l'exercice de leur droit de vote dans des conditions faciles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l'amendement n° 141.

M. Christian Cointat. Il s'agit là d'un point très important pour les Français établis hors de France.

Je voudrais tout d'abord remercier très chaleureusement la commission des lois et son rapporteur, qui ont parfaitement compris les problèmes auxquels sont confrontés les Français de l'étranger. Mes chers collègues, je ne vous cache pas que ceux-ci ont ressenti une grande émotion en apprenant que la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques a supprimé les centres de vote à l'étranger pour les élections européennes.

Il est vrai qu'un certain nombre de nos compatriotes ne remplissent pas les conditions d'inscription en France : ils sont restés Français malgré l'éloignement, alors qu'ils n'ont plus de descendants ou d'ascendants en France, qu'ils n'y sont pas nés et qu'ils n'y résident pas. Ce sont des Français auxquels je suis personnellement très attaché, car leur lien avec notre pays est si fort qu'il continue à perdurer ; nous n'avons donc pas le droit de les abandonner.

Voilà pourquoi je tiens à remercier tant la commission d'avoir déposé cet amendement qui est véritablement fondamental que le Gouvernement d'avoir donné un avis favorable. L'adoption de cet amendement permettra de corriger un déséquilibre que le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs remarqué dans ses commentaires puisqu'il notait ceci : « Il reste que le cas de ces Français de l'étranger privés du droit de vote à l'élection européenne, si peu nombreux soient-ils, appelle l'attention du législateur. » Le Gouvernement l'a admis devant le Parlement et, aujourd'hui, on corrige ce déséquilibre.

En outre, va pouvoir enfin être réglé le problème de la participation de tous nos concitoyens résidant à l'étranger aux élections législatives dont le résultat détermine le gouvernement de notre pays. Pour voter à l'élection présidentielle et aux élections référendaires, ils disposent des centres de vote. Par ailleurs, ils pourront voter dans les communes pour les élections au Parlement européen et pour les élections législatives.

Cela crée un équilibre nouveau. En effet, nous avons prévu des dispositions pour tous les exclus. L'article L. 15-1 du code électoral permet ainsi aux personnes sans domicile fixe qui, par nature, ne remplissent pas les conditions d'inscription sur les listes électorales d'une commune, de s'inscrire dans la commune où se situe l'organisme social auquel elles sont rattachées. Il n'aurait donc pas été normal qu'une frange aussi faible soit-elle de Français établis hors de France ne puisse pas s'inscrire dans une commune en France. Désormais, ce sera possible, et j'espère que le Gouvernement légiférera très rapidement par voie d'ordonnances afin que l'équité soit enfin assurée pour tous les Français.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l'amendement n° 132 rectifié.

M. Christian Cointat. Je suis très embarrassé dans la mesure où, si j'ai bien senti l'élan du Gouvernement dans notre sens, je ne sais cependant pas comment l'interpréter. Permettez-moi de rappeler la définition que Paul Delouvrier donnait de la politique : « La politique est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire ».

Vous avez reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces dispositions étaient nécessaires. Quand allez-vous les rendre possibles ? C'est toute la question !

Mais, puisque notre débat est fondé sur la confiance, je vous fais confiance et je retire donc l'amendement !

M. le président. L'amendement n° 132 rectifié est retiré.

M. Bernard Frimat. Je le reprends !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 132 rectifié bis .

La parole est à M. Bernard Frimat, pour le défendre.

M. Bernard Frimat. Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Guy Penne nous ont demandé d'être particulièrement vigilants sur cette question. Je n'ai pas les problèmes de conscience et de confiance de M. Cointat. Et, pour lui permettre d'être libéré et de manifester son soutien à ses propres idées, nous reprenons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié bis .

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)

Article additionnel après l'article 12

M. le président. L'amendement n° 133, présenté par MM. Cointat, Del Picchia et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution et afin de favoriser la participation de tous les citoyens de l'Union européenne aux élections de 2004 au Parlement européen dans l'Europe élargie, le Gouvernement est autorisé à modifier par ordonnance les dispositions législatives applicables en matière électorale pour permettre aux ressortissants des Etats candidats à l'adhésion à l'Union européenne de participer aux élections de 2004 des membres du Parlement européen. »

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Nous pouvons espérer que, l'année prochaine, les élections au Parlement européen voient la participation de vingt-cinq pays membres puisque est prévu l'élargissement de l'Union européenne à dix nouveaux pays.

Si les procédures de ratification vont jusqu'à leur terme et sont positives, les ressortissants de ces dix pays pourront voter aux élections européennes non seulement dans leur propre pays, mais aussi, s'ils résident dans un autre Etat de l'Union européenne, dans cet Etat.

Il est donc nécessaire que la France prenne les dispositions qui permettent à ces ressortissants, pour autant qu'ils deviennent membres de l'Union européenne, de participer à ces élections. C'est le but de cet amendement, car, sinon, les listes électorales seraient closes avant même que l'adhésion ait lieu ; il y aurait alors un déséquilibre puisqu'un droit ne pourrait pas se manifester.

Voilà la raison pour laquelle cet amendement vise à profiter de l'occasion offerte par ces ordonnances pour que le nécessaire puisse être fait en temps utile.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bernard Saugey, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Cet amendement a une portée évidente : il tire les conséquences de l'élargissement de l'Union européenne, en permettant aux nationaux des pays actuellement candidats à l'adhésion, mais qui en deviendront membres le 1er mai 2004 au plus tard, donc avant les élections européennes, d'être en mesure de participer à ces dernières dans les mêmes conditions que les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne dans sa composition actuelle.

Le ministre de l'intérieur, le ministre délégué aux libertés locales et l'ensemble du Gouvernement adhèrent pleinement à cet amendement qui élargit un peu l'horizon de notre débat en l'inscrivant dans la constitution de la grande Europe.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

12

DÉPÔT D'UNE QUESTION ORALE AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

Mme Hélène Luc attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur la situation particulièrement préoccupante de GIAT industrie et de l'industrie de défense française. L'annonce du sixième plan de restructuration de l'entreprise prévoyant d'ici à 2006 la suppression de 3 750 emplois, la fermeture complète des sites de Saint-Chamond et Cusset et la fermeture partielle des établissements de Tarbes, Tulle et Toulouse a suscité de vives réactions de la part des employés ainsi qu'une forte inquiétude quant à l'avenir de l'industrie de défense. La décision prise le 29 mai dernier, lors d'une réunion entre la direction et les représentants de GIAT industrie, de nommer deux experts et d'allonger de deux mois le délai pour le comité central d'entreprise n'a pas permis d'apaiser les tensions et d'aboutir à un véritable compromis. Mme Hélène Luc demande à Mme la ministre de la défense que la concertation sur le devenir de l'entreprise et le développement de projets alternatifs soient engagés globalement et non pas site par site comme cela est le cas actuellement. Elle lui demande également qu'un véritable débat national sur la politique de défense soit mis en place notamment autour d'un pôle public de l'armement garant de la défense nationale (n° 17).

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.