SEANCE DU 12 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Article unique. -
En application de l'article 11 du règlement du
Sénat et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative
au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission
d'enquête de vingt et un membres sur la politique nationale de lutte contre les
drogues illicites. »
L'amendement n° 1, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« A la fin de cet article, supprimer le mot : "illicites". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Encore ? C'est une
application du centralisme démocratique !
(Sourires.)
M. Guy Fischer.
Cet amendement vise à supprimer le mot « illicites » de la proposition de
résolution tendant à la création d'une commission d'enquête dont je rappelle
qu'elle serait consacrée à la « politique nationale de lutte contre les drogues
illicites ».
Les raisons avancées par la commission des affaires sociales pour limiter le
périmètre d'intervention de la commission d'enquête proposée ne reposent sur
aucun fondement politique ou scientifique sérieux.
D'une part, la politique française, qui repose sur l'action de la MILDT, a
toujours été orientée sur la lutte contre toutes les drogues. A cet égard, je
suis persuadé que le nouveau président de la MILDT, en tant que médecin,
poursuivra en ce sens. La lutte contre la toxicomanie ne peut, eu égard à ses
effets implicites en matière de santé et de sécurité publiques, se réduire aux
seules substances illicites.
D'autre part, ce travail interministériel, qui a obtenu des résultats
probants, s'est appuyé sur un certain nombre de travaux scientifiques qui
concluent à la dangerosité de nombreuses substances psycho-actives, qu'elles
soient illicites ou tout à fait licites.
Il est vrai, cependant, que la prise en considération des substances licites
dans la politique de lutte contre la toxicomanie risque fort de paraître
contradictoire, après la taxation supplémentaire décidée par le Gouvernement
sur les boissons alcoolisées ou sur le tabac pour financer le FOREC - le fonds
de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale !
Mais passons...
Toujours est-il que cette restriction du champ d'investigation de la
commission d'enquête aux seules drogues illicites apparaît comme une volonté
purement idéologique de restauration des objectifs répressifs de lutte contre
la drogue.
A l'évidence, les enjeux de sécurité publique sont déterminants, mais la
moralisation de l'usage de drogue ne répond à aucun impératif social. Elle a
d'ailleurs montré toute son inefficacité depuis la mise en oeuvre de la loi de
1970.
Plus que de punir, comme le sous-entend l'exposé des motifs de la résolution,
il serait nécessaire de socialiser la réponse à apporter aux personnes
toxicomanes afin de chercher véritablement à comprendre les raisons qui les
poussent à utiliser ces substances psycho-actives et de prévenir l'usage de
toute forme de drogue.
Cette mission était celle de la MILDT. Il convient de la conserver.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
Cet amendement vise à étendre au tabac, à l'alcool et aux
médicaments le champ d'investigation de la commission d'enquête.
La commission des affaires sociales a eu l'occasion de débattre de cette
question, qui est légitime dans la mesure où il existe une similitude dans les
phénomènes d'addiction engendrés par ces différents produits.
Toutefois, une commission d'enquête ne saurait avoir pour objet l'ensemble des
comportements à risque des Français. Or le champ d'investigation de la
proposition de résolution est déjà très large puisqu'il englobe à la fois la
prévention, la prise en charge sanitaire et sociale des toxicomanes ainsi que
la répression de l'usage et du trafic de stupéfiants.
Elargir encore ce champ d'investigation reviendrait à diluer, pour ne pas dire
noyer, les problèmes visés par la proposition de résolution initiale et
n'aboutirait à aucun progrès dans la mise en oeuvre de cette politique.
Par ailleurs, la limitation aux drogues illicites a une cohérence indéniable.
S'il s'agissait uniquement d'étudier les effets des substances psycho-actives
sur la santé, un élargissement du champ de la commission serait tout à fait
justifié. Mais l'enjeu de cette commission d'enquête réside en réalité dans
l'articulation entre la politique pénale de répression de l'usage et du trafic
de stupéfiants et la politique de prise en charge sanitaire et sociale des
toxicomanes.
Les liens qui existent entre la toxicomanie au sens courant du terme et les
phénomènes de délinquance et de trafic organisé justifient donc la limitation
du champ de la commission d'enquête aux drogues illicites.
La commission des affaires sociales émet par conséquent un avis défavorable
sur cet amendement, comme sur l'amendement n° 2, qui a le même objet.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article unique.
(L'article unique est adopté.)
Intitulé de la proposition de résolution