SEANCE DU 12 DECEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod.
Ma question s'adresse à Mme le ministre déléguée à la recherche et aux
nouvelles technologies.
En France, les dépenses de recherche et de développement privées et publiques
sont en baisse puisqu'elles ne représentent plus que 2,2 % du PIB, contre 2,8 %
aux Etats-Unis, 2,9 % au Japon et 3,8 % en Suède.
Malgré un potentiel humain extraordinaire et un effort significatif de notre
pays en moyens techniques - nous y consacrons 32 milliards d'euros -, les
résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur des enjeux.
Les raisons sont multiples et nous les connaissons tous.
Notre recherche est beaucoup trop cloisonnée, et le moins que l'on puisse dire
c'est que le secteur public souffre d'une insuffisance de synergies avec
l'industrie ; il règne en effet une certaine incompréhension entre les deux.
Notre production nationale de brevets exploitables - les plus intéressants
économiquement parlant - est faible et en perte de vitesse.
L'attractivité du territoire français - c'est peut-être le plus grave - est
trop faible quand il s'agit d'attirer non seulement les chercheurs, mais
surtout les investissements directs étrangers.
Enfin, on note le manque flagrant de capitaux en la matière, ce qui n'est pas
le cas outre-Atlantique, où les entreprises innovantes sont en grande partie
soutenues par des sociétés de capital-risque, elles-mêmes financées par des
fonds de pension ou par l'épargne locale. A cela s'ajoutent les réseaux de
business angels
, qui sont quasiment inconnus en France.
Il faut donc relancer la dynamique. C'est d'autant plus urgent que, du fait de
l'évolution démographique prévisible, notre capacité d'expansion va
vraisemblement baisser d'un demi-point par décennie. Or nos entreprises, à
cause des contraintes qu'on leur a imposées depuis quelques années, ont, plus
que d'autres peut-être, besoin d'innovation et de progrès technologiques.
Madame le ministre, vous avez annoncé un plan visant à stimuler le progrès
technologique. Il comporte, d'après ce que nous savons, plusieurs dispositions
concernant les sociétés de capital-risque, les fondations d'intérêt public ou
le crédit d'impôt recherche.
Peut-être pourriez-vous donner aujourd'hui à la Haute Assemblée un certain
nombre de précisions quant aux améliorations que vous entendez apporter à ces
dispositifs, spécialement en ce qui concerne le soutien à la recherche
exploitable et aux entreprises innovantes, qui ont besoin de bases plus
innovantes qu'aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré,
ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Monsieur
le sénateur, bien sûr le Gouvernement partage votre conviction que l'innovation
est essentielle pour le développement économique et qu'elle est au coeur de
notre politique de recherche.
J'ai présenté ma politique de recherche il y a quelques jours, et Nicole
Fontaine a fait connaître hier le plan de mesures pour l'innovation sur lequel
nous avons travaillé de façon conjointe, et, concernant le financement de la
recherche, la synergie entre secteur public et secteur privé, l'intégration
européenne, avec l'objectif de 3 % du PIB en 2010 consacrés à la recherche, qui
est pour nous, au niveau tant national qu'européen, un objectif ambitieux et
commun.
Le Gouvernement attend effectivement de ces mesures une amélioration nette
pour accroître le dynamisme économique. L'objectif est de pouvoir intervenir
aux différentes étapes de l'innovation en favorisant l'émergence des produits
et des services innovants grâce à cette synergie que nous souhaitons
intensifier entre la recherche publique et la recherche privée,..
M. Jacques Mahéas.
Pour favoriser la recherche, vous diminuez le budget !
Mme Claudie Haigneré,
ministre déléguée.
... en aidant financièrement les entreprises
innovantes qui démarrent, mais aussi tout au long de leur développement.
Je ne vais pas présenter l'ensemble de ces mesures, qui sont nombreuses et
diversifiées.
En revanche, je voudrais insister sur quatre points.
En premier lieu, vous l'avez évoqué, il faut donner un cadre fiscal
particulièrement intéressant et un statut à la jeune entreprise innovante, de
façon à créer un choc psychologique chez les investisseurs - vous avez évoqué
les
business angels -
et chez les entrepreneurs, qui verront que la
France leur fait désormais des propositions et qu'elle devient la terre la plus
accueillante possible pour développer ces projets d'entreprise.
En deuxième lieu, il faut créer des passerelles entre la recherche publique et
la recherche privée. Il convient d'augmenter le nombre des jeunes thésards en
entreprise, il faut leur offrir la possibilité de suivre des stages en
entreprise afin de créer une culture d'entreprise commune aux jeunes
scientifiques. Nous en avons d'autant plus besoin que c'est une raison d'une
partie de notre retard.
En troisième lieu, il nous faut développer des outils efficaces et fiscalement
attractifs à l'université et dans les organismes de recherche. Il nous faut par
exemple professionnaliser les services d'activités industrielles et
commerciales - les SAIC ou les cellules de valorisation.
En quatrième lieu, enfin, il nous faut mieux reconnaître le métier de
chercheur en prenant en compte ses différentes fonctions : enseignant et
chercheur. Il est, par exemple, envisagé de verser une prime afin de
récompenser les chercheurs qui ont contribué au dépôt de brevets. Il faut
valoriser la propriété intellectuelle ainsi créée. Il faut pouvoir la
transférer à la sphère économique en développant davantage les partenariats
avec le secteur privé. Il y va de l'intérêt des chercheurs, de celui de la
recherche dans toutes ses dimensions et, plus généralement, de celui de
l'ensemble de la croissance économique de notre pays.
En résumé, innover, c'est créer de la valeur, c'est créer des valeurs à partir
des savoirs que nous permet d'acquérir la recherche.
(Applaudissements sur
les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées
du RDSE.)
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