SEANCE DU 29 JUILLET 2002


M. le président. « Art. 10. - I. - L'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) est complété par un VI ainsi rédigé :
« VI. - A compter du 30 septembre 2002, tout ouvrage de transport appartenant à l'Etat destiné à relever du régime de la distribution publique de gaz sera, après déclassement, transféré en pleine propriété à titre gratuit à l'autorité concédante concernée, sur demande de cette dernière. »
« II. - Les transferts de biens effectués en application des II, III et VI de l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) sont exonérés des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et des salaires des conservateurs des hypothèques prévus à l'article 879 du code général des impôts. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« A la fin du texte proposé par le I de l'article 10 pour compléter l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001), supprimer les mots : ", sur demande de cette dernière". »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite interroger le Gouvernement sur deux points.
Ma première question concerne le transfert par l'Etat aux collectivités terrritoriales de la partie du réseau actuel de transport de gaz qui relève en fait du régime de la distribution de cette source d'énergie. Les ouvrages correspondants doivent être déclassés pour passer du domaine public de l'Etat à celui des communes, conformément aux dispositions législatives en vigueur.
Monsieur le ministre, pourquoi avoir prévu que les communes concernées doivent en faire la demande ? Je conçois que l'on ait ainsi voulu manifester l'attachement du Gouvernement au principe de la libre administration des collectivités territoriales. Mais comment celles qui sont ici concernées pourraient-elles s'opposer à un transfert qui ne fait que mettre la situation du réseau de gaz en conformité avec le droit de la domanialité publique en rectifiant des erreurs de partage entre transport et distribution ?
En d'autres termes, dès lors que les communes concernées ne semblent pas pouvoir s'opposer à ce que leur soient attribuées les infrastructures de distribution de gaz situées sur leur territoire, est-il vraiment nécessaire qu'elles aient à en faire la demande ?
Comme la réponse à cette question ne me semblait pas évidente - mais peut-être allez-vous me convaincre du contraire, monsieur le ministre -, j'ai déposé cet amendement, au nom de la commission des finances, et c'était d'ailleurs, jusqu'à la reprise de la séance, tout à l'heure, le seul présenté par la commission dans ce collectif.
Cet amendement vise simplement à supprimer la disposition selon laquelle les communes doivent formuler une demande.
Ma seconde question est relative à l'acompte versé par les opérateurs candidats à l'achat des infrastructures de tranport de gaz qu'ils utilisent.
Monsieur le ministre, quel a été le montant exact de l'acompte sur le prix de cession versé à l'Etat ? Ces sommes sont-elles intégrées dans les recettes du budget de l'Etat ? Pouvez-vous nous indiquer quel est leur mode de comptabilisation ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délgué. Au risque de vous paraître bien naïf, monsieur le rapporteur général, je vous répondrai d'abord que cette disposition a effectivement été introduite dans le souci de réaffirmer la liberté des collectivités locales, que l'exécutif est parfois soupçonné d'oublier. Peut-être était-ce là un excès de zèle... En tout état de cause, il n'y avait pas d'autres intentions. Le Gouvernement s'en remet donc, sur l'amendement n° 2, à la sagesse du Sénat.
S'agissant de votre seconde question, ce sont, au total, 188 millions d'euros qui ont été versés à titre d'acompte pour le transfert du réseau de transport de gaz au mois d'avril dernier. Cette somme doit faire l'objet d'une régularisation, qui a été inscrite en compte d'imputation provisoire à l'agence comptable centrale du Trésor. Une commission spéciale chargée d'évaluer les conditions de la cession a estimé que le prix total serait de 114 millions d'euros. Une revalorisation devra donc intervenir prochainement.
J'ajoute que, une fois la régularisation effectuée, le solde sera versé en recettes non fiscales de l'Etat.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, maintenez-vous votre amendement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
« Dans le II de l'article 10, remplacer les mots : "en application des II, III et VI" par les mots : "en applicaton du VI". »
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise à permettre aux collectivités locales de percevoir le montant des droits de mutation sur l'opération de transfert de la propriété du réseau de transport de gaz de l'Etat aux concessionnaires.
Ces droits s'élèveraient, selon une évaluation de la banque Dexia, à environ 270 millions d'euros. Si M. le ministre pouvait nous confirmer ce chiffre, nous lui en serions, bien entendu, très reconnaissants.
Le groupe socialiste s'étonne un peu de la modicité des sommes perçues par l'Etat au titre de la vente de son réseau de transport de gaz aux sociétés concessionnaires. En effet, une fois déduite l'indemnité de résiliation du contrat de concession versée par l'Etat aux concessionnaires, le montant net encaissé par l'Etat serait de seulement 256 millions d'euros.
Le groupe socialiste estime que, dans ces conditions, l'exonération des droits de mutation est un cadeau supplémentaire offert aux concessionnaires-acheteurs, dont fait partie, par exemple, le pétrolier Total, qui a réalisé ces dernières années des milliards de francs de bénéfices.
En outre, l'Etat retrouvera probablement dans les dividendes reçus de Gaz de France, voire à l'occasion de sa privatisaton - qui sait ? - l'économie d'impôt ainsi réalisée au détriment des collectivités locales.
Enfin, l'Etat a décidé, bien sûr, de ne pas compenser cette perte de recettes pour les collectivités locales. Au nom de l'intérêt général, il met une perte de recettes à la charge des collectivités locales. C'est trop facile !
Certes, de telles exonérations de droits ont été mises en place à l'occasion d'opérations similaires dans le passé. Mais nous pensons que le Gouvernement pourrait d'autant plus faire un petit geste en faveur des collectivités locales que le maintien des droits de mutation n'aurait aucun effet négatif sur les finances de l'Etat. Les départements seraient les principaux bénéficiaires de cette générosité. Or il se trouve qu'ils sont actuellement dans une situation financière un peu difficile, comme le laisse penser l'évolution de leur fiscalité directe.
Nous espérons que le Gouvernement et la majorité qui défendent l'autonomie fiscale des collectivités locales sauront répondre favorablement à notre appel, en ne modifiant pas la loi fiscale au détriment des collectivités locales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a d'abord trouvé l'initiative de M. Miquel sympathique ; puis, elle a approfondi sa démarche.
Elle tient à rappeler que la cession des réseaux considérés est consentie à titre onéreux aux opérateurs, contrairement à ce qui avait été le cas pour des transferts similaires précédents. Ainsi assujettir aux droits de mutation le montant de cette transaction reviendrait à alourdir de façon non négligeable les charges des concessionnaires.
Nous avons, en outre, constaté que la formule habituellement utilisée, quand il s'agit d'opérations d'intérêt général à caractère exceptionnel - il y a plusieurs précédents récents en ce sens - est d'exonérer des droits de mutation. Cette exonération nous semble bien conforme à l'intérêt général, puisque l'objectif visé est d'améliorer la compétitivité de opérateurs des réseaux de gaz.
La commission, tout en partageant les appréciations portées sur l'augmentation très préoccupante des charges des départements, comme l'a dit M. Miquel, ne peut être favorable à l'exonération prévue par l'article 10 et elle se déclare défavorable à l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je prolonge l'explication donnée par M. le rapporteur général, en faisant d'ailleurs écho aux propos que M. Miquel a tenus tout à l'heure à propos d'autres transferts.
Ces transferts s'étaient opérés dans les mêmes conditions ; il n'y a donc pas d'innovation dans les conditions fixées par l'Etat.
Comme M. Miquel est soucieux d'équité, j'attire son attention sur le fait, comme la commission des finances le souligne d'ailleurs dans son rapport, que, dès lors qu'une partie importante du territoire n'est pas traversée par le réseau des transports de gaz, la taxation engendrerait des inégalités entre collectivités, certaines bénéficiant, en quelque sorte, d'un enrichissement sans cause. Je crois donc que ce qui a été fait par le législateur jusqu'alors est sans doute la sagesse.
Comme je ne doute pas que Sénat rime avec sagesse, je propose à M. Miquel de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, je proposerai au Sénat de le rejeter.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est-il maintenu, monsieur Miquel ?
M. Gérard Miquel. M. le ministre m'a pratiquement convaincu ! Mais, pour le principe, je maintiens l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 10