SEANCE DU 29 JUILLET 2002
M. le président.
L'amendement n° 21, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Conformément aux dispositions de l'article L. 131-9 du code de la sécurité
sociale, l'Etat honore la dette qu'il a contractée en 2000 à l'égard des
régimes obligatoires de sécurité sociale, au titre du fonds de financement de
la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - FOREC. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Vous ne vous étonnerez pas, monsieur le ministre, mes chers collègues, de cet
amendement. Il s'inscrit dans le droit-fil de l'intervention que j'ai faite
dans la discussion générale et concerne le FOREC, le fameux fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que ce fonds avait pour vocation
de compenser intégralement aux régimes obligatoires de sécurité sociale les
pertes de recettes liées aux exonérations de charges sociales, notamment, aux
exonérations résultant de la mise en oeuvre des 35 heures ?
Or, en 2000, les recettes du FOREC ont été inférieures à ses dépenses. Le
déficit correspondant, soit 2,4 milliards d'euros, représente donc une créance
de la sécurité sociale sur le FOREC.
L'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale dispose, en son dernier
alinéa, que, dans ce cas, il appartient à l'Etat de garantir l'équilibre
financier du FOREC et, de ce fait, la compensation intégrale de la sécurité
sociale.
Ignorant délibérément cette disposition législative, le précédent gouvernement
avait tenté d'annuler la créance de la sécurité sociale sur le FOREC dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Le Conseil
constitutionnel, que le Sénat avait saisi, a fait échouer cette manoeuvre. La
créance détenue par la sécurité sociale sur le FOREC au titre de l'exercice
2000 est donc aujourd'hui inscrite en provision dans les comptes 2001 des
caisses.
Compte tenu, d'une part, de la dégradation de la situation financière de la
sécurité sociale et, d'autre part, de l'exigence de sincérité des comptes
publics invoquée à juste titre par le Gouvernement, il nous paraît
indispensable que l'Etat honore la dette qu'il a contractée à l'égard de la
sécurité sociale au titre des comptes 2000 du FOREC, conformément aux
dispositions de l'article L. 131-9 du code de la sécurité sociale.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a décidé en prenant ses responsabilités
de procéder à un toilettage des comptes budgétaires cela figure dans l'exposé
des motifs du collectif budgétaire. D'ailleurs, à propos du BAPSA adopté sous
la précédente législature, dans lequel les dépenses projetées n'avaient pas été
estimées à leur juste valeur et qui n'avait pas été doté de recettes
suffisantes pour assurer le financement des prestations agricoles, vous avez
été amené à faire des propositions sur lesquelles nous avons largement discuté
précédemment.
Il nous aurait donc paru tout à fait naturel, cohérent et logique que le
Gouvernement pousse la logique jusqu'à son terme, c'est-à-dire que le
toilettage ne porte pas uniquement sur le BAPSA mais porte également sur les
comptes de la sécurité sociale et qu'il prenne, pour le compte de l'Etat, les
responsabilités que le précédent gouvernement n'a pas voulu prendre.
Monsieur le ministre, vous avez dit que, si cette mesure n'avait pas été
retenue dans le présent collectif budgétaire, c'est parce que cette prise en
charge n'aurait eu pour effet que d'accentuer le déficit budgétaire.
Permettez-moi de vous faire remarquer que, globalement, le déficit cumulé ne
changerait pas si on affectait au déficit budgétaire ce qui est supporté
aujourd'hui par le déficit de la sécurité sociale !
Globalement, nous serions à déficit constant. On ferait simplement supporter à
qui de droit un déficit que la sécurité sociale supporte de manière indue.
Ce n'est vraiment pas au moment où le Gouvernement veut, comme l'a déclaré
très justement M. Mer, mettre de l'ordre dans les comptes, responsabiliser les
acteurs, développer le dialogue social pour que chacun prenne ses
responsabilités dans la gestion des comptes de la sécurité sociale, ce n'est
pas au moment, dis-je, où le Gouvernement affiche cette volonté politique qu'il
faut opposer un refus à la demande que je viens de présenter à l'instant
même.
De toute façon, la sécurité sociale ne pourra assurer la maîtrise de ses
dépenses que dans la mesure où les dés ne seront pas pipés au niveau des
recettes. Comment peut-elle faire si on ne lui accorde pas les recettes qui lui
sont dues et si on vient prendre de l'argent dans une branche qui aurait pu
être en équilibre, mais qui, de ce fait, se trouve en déséquilibre ?
Je pense que vous aurez compris, monsieur le ministre - je vous l'ai dit lors
de la discussion générale -, qu'il s'agit d'un amendement d'appel, qui n'a pas
vocation à être soumis au vote. Pour le retirer, j'attends de votre part un
certain nombre d'assurances qui pourraient trouver leur accomplissement dans le
projet de loi de finances pour 2003.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'amendement que vient de présenter Alain Vasselle
est particulièrement opportun.
En effet, le positionnement du FOREC, ce « compte de nul part » comme nous
l'intitulions il y a encore quelques mois, plus exactement ce compte qui se
situe à cheval entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité
sociale, ce compte au contour incertain participe de l'inextricable dédale
auquel je faisais allusion dans la discussion générale.
Le précédent Gouvernement s'était livré à une tentative, que le Conseil
constitutionnel a heureusement dénoncé, d'annuler la créance de la sécurité
sociale sur le FOREC. Lors du collectif budgétaire de 2001, ce point avait fait
l'objet d'un échange assez approfondi entre la commission des finances et
Florence Parly, alors secrétaire d'Etat au budget.
La commission reste bien entendu fidèle à l'analyse économique et comptable à
laquelle elle s'était alors livrée. Elle considère que, à la faveur du
changement de Gouvernement, les engagements qui ont été pris doivent être
tenus, d'autant qu'ils résultent clairement de la loi.
Cependant, le sujet qui est abordé par M. Vasselle se place dans un contexte
qui comporte une série d'éléments nouveaux. Nous savons que le Gouvernement va
entrer bientôt dans la phase active de l'assouplissement des 35 heures. Nous
entendons parler, par ailleurs, de futures modifications dans le système des
cotisations sociales patronales. Tout cela devrait pouvoir être soumis aux
assemblées parlementaires, après que les partenaires sociaux se seront dûment
exprimés, dans le courant du dernier trimestre de l'année.
Il est clair que les mesures qui seront prises dans ces domaines auront des
incidences directes sur le FOREC.
Nous souhaiterions vivement, monsieur le ministre, que vous puissiez nous
livrer votre sentiment sur l'évolution souhaitable, à vos yeux, des relations
financières entre l'Etat et la sécurité sociale
via
le FOREC.
Je pense qu'à l'issue des explications que vous voudrez bien nous donner notre
collègue Alain Vasselle sera en mesure de considérer que son amendement aura
utilement joué son rôle d'appel et qu'il pourra, dès lors, le retirer.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Alain Vasselle a parfaitement retracé l'histoire du
FOREC et expliqué comment s'était constituée cette créance, qu'il souhaiterait
voir réglée à l'occasion de ce collectif, marquant du même coup sa confiance
enver le gouvernement actuel.
Il a rappelé que le précédent gouvernement avait tenté, en quelque sorte,
d'effacer ladite créance mais que le Conseil constitutionnel avait censuré la
disposition en cause.
Bien entendu, Alain Vasselle est conscient de l'enjeu financier que représente
le règlement de cette créance puisqu'il s'agit de 2,325 milliards d'euros.
Si nous avions intégré cet élément dans le collectif, je vous laisse imaginer
les commentaires que nous aurions entendus sur l'aggravation de la situation du
budget de l'Etat dont nous nous serions rendus coupables !
Cela dit, non sans une certaine habileté, monsieur Vasselle, vous avez
souligné que, l'opération s'effectuant entre le budget de l'Etat et le
financement de la sécurité sociale, elle serait neutre du point de vue du solde
des comptes publics. Je vous répondrai, cher ancien collègue Alain Vasselle,
qu'il n'en est évidemment pas de même au regard du solde du budget de l'Etat.
Or vous n'ignorez rien de la situation dans laquelle nous le trouvons ni de
notre détermination à la redresser, avec votre appui.
Nous sommes convenus avec François Fillon, au premier chef concerné par ce
problème, que nous devions mettre à profit les semaines qui viennent pour
essayer de travailler à la clarification indispensable des relations
financières entre l'Etat et la sécurité sociale, ce qui répond au souhait du
rapporteur général.
C'est à l'occasion de cette clarification que nous pourrions résoudre cette
question.
Il faudra, en particulier, clarifier à la fois les recettes du FOREC, où l'on
trouve des produits d'impôts ou des parties de produits d'impôts, et ses
dépenses, essentiellement constituées d'allégements de charges. Cette démarche
de clarification devra aller de pair avec la responsabilisation des
gestionnaires dont vous avez souligné la nécessité dans la discussion générale.
Cela est en effet capital du point de vue de la maîtrise des dépenses : sans
responsabilisation des gestionnaires, il n'y aura pas de maîtrise des
dépenses.
Le Gouvernement a donc entendu votre appel et, à l'occasion des rencontres
budgétaires, j'ai d'ailleurs insisté auprès de M. Fillon sur la nécessité de
procéder à cette clarification des comptes. Je peux vous dire qu'il partage
cette volonté.
Je vous propose donc, cher Alain Vasselle, de retirer votre amendement afin
que cette question puisse être réexaminée lors de la discussion du projet de
loi de financement de la sécurité sociale qui sera soumis au Sénat après
l'été.
M. le président.
Monsieur Vasselle, répondez-vous favorablement à l'appel du Gouvernement ?
M. Alain Vasselle.
C'est bien entendu, sans aucune difficulté, que je réponds à l'appel de M. le
ministre, qui a d'ailleurs fait écho à celui de M. le rapporteur général de la
commission des finances.
J'ai bien noté, monsieur le ministre, que vous donniez rendez-vous au Sénat
pour la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2003, et sans doute aussi du projet de loi de finances pour 2003. Nous verrons
donc, le moment venu, quelles solutions vous nous proposez, mais je ne doute
pas un seul instant de la volonté du Gouvernement d'agir dans la bonne
direction.
M. le président.
L'amendement n° 21 est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES
Article 10