SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
Je suis saisi de douze amendements, présentés par M. Paul Loridant.
L'amendement n° 5 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
"Chapitre... . - De la réinsertion professionnelle des détenus". »
L'amendement n° 6 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le troisième alinéa de l'article 720 du code de procédure pénale est
remplacé par les dispositions suivantes :
« Les relations de travail des personnes incarcérées font l'objet d'un contrat
de travail. Dans le cas du travail effectué pour le compte de la régie
industrielle des établissements pénitentiaires, le contrat de travail est
conclu entre la régie et la personne détenue. Dans le cas du travail en
concession, le contrat de travail est conclu entre l'administration
pénitentiaire représentée par le chef d'établissement et la personne
détenue.
« Pour les personnes détenues mises à disposition d'un concessionnaire, les
conditions générales et particulières d'exécution du travail sont précisées
dans le contrat de concession. La personne détenue est, avec son accord, mise à
disposition par l'administration pénitentiaire du concessionnaire qui assure
l'encadrement de l'activité de travail.
« Ce contrat de travail est exclusif de toutes dispositions autres que celles
de la présente loi. Il n'autorise pas notamment à se prévaloir des dispositions
des lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des
fonctionnaires, n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique de l'Etat, n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et n°
86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la
fonction publique hospitalière, ni des dispositions prises en application de
ces lois.
« Les différends nés de ces relations de travail sont de la compétence des
juridictions administratives. »
L'amendement n° 7 rectifié est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 720 du code de procédure pénale est
complété
in fine
par une phrase ainsi rédigée :
« Le produit du travail des détenus ne peut faire l'objet d'aucun prélèvement
pour frais d'entretien en établissement pénitentiaire. »
« II. - Les pertes de recettes correspondantes sont compensées, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 8 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un
article ainsi rédigé :
«
Art...
- I. Les établissements pénitentiaires constituent des zones
franches pénitentiaires.
« II. - Dans les zones franches pénitentiaires, les employeurs sont exonérés
des cotisations à leur charge au titre des assurances sociales, des allocations
familiales et des accidents du travail.
« III. - Le droit à l'exonération prévue au II est subordonné à la condition
que l'employeur soit à jour de ses obligations à l'égard de l'organisme de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et
à l'égard de l'administration pénitentiaire.
« IV. - L'exonération prévue au II n'est pas applicable aux embauches
effectuées dans les douze mois suivant la date à laquelle l'employeur a
procédé, à l'extérieur des zones franches pénitentiaires, à un licenciement,
sauf pour inaptitude médicalement constatée ou faute grave. »
« B. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant du A ci-dessus sont
compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux
droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 9 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art...
- En cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité
résultant de la maladie ou d'un accident, d'une maladie professionnelle ou d'un
accident du travail, dûment constatée par un certificat médical, une indemnité
journalière est versée aux détenus concernés. »
L'amendement n° 10 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art...
- I. - L'exécution du contrat de travail en détention est
suspendue :
« 1° Pour un motif économique, notamment lié à une baisse temporaire
d'activité ;
« 2° Pour un motif interne au fonctionnement de l'établissement, interdisant
temporairement toute activité de travail ;
« 3° En raison d'une sanction prononcée par la commission de discipline ;
« 4° En raison d'une mesure d'isolement lorsque cette mesure rend impossible
l'exécution du travail.
« II. Les cas prévus aux 1° et 2° donnent lieu à indemnisation. »
L'amendement n° 11 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- I. - Le contrat de travail est rompu lors de la levée
d'écrou, lors d'une mesure d'aménagement de peine qui en rend l'exécution
impossible par le transfert dans un autre établissement.
« II. - Le contrat de travail est rompu suite à la démission de la personne
détenue.
« III. - Il peut également être rompu à l'initiative de la régie industrielle
des établissements pénitentiaires ou de l'administration pénitentiaire
représentée par le chef d'établissement, à la demande du concessionnaire, pour
un motif réel et sérieux lié à l'activité de travail.
« IV. - Dans le cas prévu au III, la rupture du contrat ne peut intervenir
qu'après entretien avec le détenu. »
L'amendement n° 12 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- I. - La rémunération horaire minimale du travail en
détention est fixée par décret.
« II. - Cette rémunération est au moins égale à 50 % du SMIC.
« III. - La disposition prévue au II s'applique pour le service général à
compter du 1er janvier 2004. »
L'amendement n° 13 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- I. - Les personnes détenues au travail sont affiliées au
régime d'assurance chômage.
« II. - Elles bénéficient de l'allocation d'assurance prévue à l'article L.
351-3 du code du travail. »
L'amendement n° 14 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- I. - Il est institué un droit à formation professionnelle
des détenus.
« II. - Les conditions d'application du présent article sont établies par
décret. »
L'amendement n° 15 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Les personnes détenues peuvent travailler pour leur propre
compte. »
L'amendement n° 16 est ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- I. - Il est créé à compter du premier juillet 2003 un
établissement public de réinsertion par le travail et la formation
professionnelle dénommé "régie industrielle des établissements pénitentiaires".
Cet établissement est doté de la personnalité morale et de l'autonomie
financière. Il a pour objet de mettre en oeuvre des activités de travail et de
formation professionnelle dans les établissements pour peine visant à la
réinsertion des détenus.
« II. - L'établissement public est financé par la vente de ses produits et
prestations. Il reçoit également une aide de l'Etat, calculée en fonction du
nombre de postes de travail de détenu créés, dont le montant et les modalités
de versement sont fixés par décret.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de composition,
d'organisation et de fonctionnement de l'établissement public. »
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous
me permettrez de faire une distinction pour l'amendement n° 5, qui a pour
objectif d'insérer un chapitre nouveau dans le présent projet de loi.
Monsieur le garde des sceaux, un projet de loi pénitentiaire était annoncé par
le précédent gouvernement, mais, compte tenu du calendrier parlementaire, ce
texte n'a pu être examiné par les assemblées. Je ne vous cache pas mon doute,
une fois cette loi votée, quant à la possibilité de voir un projet de loi
pénitentiaire nous être soumis dans un délai raisonnable de trois, quatre ou
cinq ans !
Or nous sommes tous convaincus, en tout cas un certain nombre d'entre nous, en
particulier M. Robert Badinter et moi-même, que cela est absolument
indispensable.
J'ai noté que le projet de loi cherchait à rendre plus effective la sanction
pénale. Il n'est pas difficile de voir que ce texte aura pour effet de gonfler
le nombre des personnes détenues. Or, mes chers collègues, ces personnes
détenues sortent de prison un jour ou l'autre. Il faut donc activement préparer
leur sortie pour faciliter leur réinsertion et prévenir la récidive.
Un des vecteurs majeurs de réinsertion réside dans le travail. La prison doit
être l'occasion, pour certains détenus, de poursuivre leur activité
professionnelle, de façon qu'ils ne perdent pas les compétences qu'ils
pouvaient avoir et, pour d'autres, et oui, mes chers collègues, de découvrir
soit les valeurs du travail, soit le travail lui-même, en tout cas la culture
du travail.
Dans ce texte a totalement été oublié l'effort de réinsertion qui doit être
réalisé par l'administration pénitentiaire pour les détenus, pour les parties
civiles - je vous rappelle qu'un détenu est ponctionné sur ses revenus pour
indemniser les parties civiles - et, finalement, pour la société.
L'amendement que je présente vise à réparer cet oubli et est suivi de
dispositions concrètes qui sont l'objet des amendements suivants.
L'amendement n° 6 prend en compte le fait que la prison ne peut rester la zone
de non-droit du travail qu'elle est aujourd'hui. L'apprentissage de la valeur
et de la culture du travail passe aussi par le biais du droit. Le contrat de
travail est le seul vecteur qui permette un meilleur respect par l'entreprise
de ses devoirs d'employeur. De plus, l'instauration de cotisations et de
prestations chômage en prison, compte tenu du fort taux d'inactivité des
détenus, est souhaitable. Le préalable est évidemment qu'il existe un contrat
de travail - ce qui n'est pas le cas actuellement - et que soient définies les
modalités de rupture de ce contrat.
L'amendement n° 7 rectifié vise à apporter une précision importante ; c'est un
amendement d'appel.
Il faut savoir que les détenus qui travaillent, à l'exception de ceux qui sont
affectés au service général, se voient prélever sur leur rémunération des «
frais d'entretien » de 45,73 euros par mois, alors qu'un détenu qui ne
travaille pas, qui reçoit par exemple des mandats de sa famille, ne fait pas
l'objet de ponctions. Cette situation nous paraît singulièrement injuste, la
ponction opérée constituant une « contre-incitation » au travail.
Dérisoire pour le Trésor public, cette somme est énorme pour la frange,
majoritaire, des détenus qui gagnent en moyenne 100 à 150 euros par mois.
La suppression des frais d'entretien en établissement pénitentiaire prélevés
au profit du Trésor public a déjà été proposée par la commission d'enquête
sénatoriale sur les prisons de juin 2000. Elle permettrait d'augmenter jusqu'à
30 % le pouvoir d'achat des détenus.
Je n'ignore pas qu'une telle disposition relève du règlement, mais rien
n'empêche le Parlement de se saisir de ce point, même si,
a priori
,
l'administration pénitentiaire et le garde des sceaux pourraient d'ores et déjà
la mettre en application. D'ailleurs, si le garde des sceaux me donnait cette
assurance, je serais prêt à retirer mon amendement.
L'amendement n° 8 vise à aligner le travail dans les prisons sur le droit
commun.
En effet, j'ai constaté, lors de la mission de contrôle que j'ai effectuée,
que les offres de travail en prison étaient insuffisantes en raison du nombre
peu élevé d'entreprises fournissant du travail.
Cet amendement vise à rendre plus attractif le travail pénitentiaire qui
souffre de nombreux inconvénients pour les acteurs économiques.
Il tend à aligner le régime du travail pénitentiaire à la fois sur l'emploi
aidé - sur les entreprises d'insertion qui sont implantées dans certaines de
nos villes, notamment dans les banlieues et sur les centres d'aide par le
travail répartis sur l'ensemble du territoire et destinés notamment aux
handicapés - et sur le régime d'abattement des cotisations sociales des
personnes peu qualifiées. Je vous rappelle à ce propos, mes chers collègues,
que la majorité se prépare à introduire des exonérations de cotisations en
faveur des personnes peu qualifiées.
Rendre le travail pénitentiaire plus attractif permettra ensuite à
l'administration pénitentiaire d'être plus exigeante à l'égard des entreprises
concernées et d'éliminer celles qui ont une pratique abusive par rapport au
droit du travail.
L'amendement n° 9 soulève un problème important.
Il faut savoir, mes chers collègues, que les détenus qui travaillent cotisent
à l'assurance maladie et à la branche accidents du travail. Or, lorsqu'ils sont
malades ou sont victimes d'un accident du travail, ils ne bénéficient pas des
indemnités d'arrêt maladie ou d'accident du travail même si, à l'extérieur,
leur famille bénéficie, c'est vrai, des prestations liées à l'assurance maladie
et aux autres assurances existant en ce domaine.
Aussi, il me paraîtrait normal, mes chers collègues, que les détenus dans
l'incapacité de travailler ou en situation de chômage à l'intérieur de la
prison du fait de la maladie ou de l'accident du travail puissent bénéficier de
ces indemnités.
Quant à l'amendement n° 10, il vise à préciser les modalités de suspension du
contrat de travail particulières au fonctionnement des établissements
pénitentiaires.
En cas de suspension du contrat pour des raisons indépendantes de la volonté
du détenu, il paraît légitime d'indemniser celui-ci, qui se retrouve alors sans
ressources. Certaines prisons connaissent un taux de chômage particulièrement
élevé, parce qu'il n'y a pas de travail ; j'ai même rencontré des situations de
véritable misère.
Quant à l'amendement n° 11, il détermine dans quelles conditions s'effectuent
les ruptures du contrat de travail. En effet, le travail en prison est
conditionné par l'organisation de la journée pénitentiaire et certaines
contraintes liées au fonctionnement de la vie de la prison peuvent empêcher un
détenu d'aller travailler.
Supposons, par exemple, qu'un détenu soit frappé d'une sanction, qu'il soit «
au mitard », comme on dit dans le milieu, son contrat de travail doit pouvoir
être rompu. Il faut donc prévoir ce cas.
L'amendement n° 12 est un amendement important dans la mesure où il traite du
niveau des rémunérations des détenus.
Actuellement, ces rémunérations sont particulièrement dérisoires. Par
ailleurs, les inégalités en fonction du régime de travail - concession ou régie
industrielle - des établissements pénitentiaires sont criantes, sans parler du
cas particulier du service général.
Un salaire minimum décent doit donc être fixé. Or - et ce n'est pas très
révolutionnaire - le minimum décent pour vivre en prison me paraît être un demi
- SMIC horaire, avant prélèvement pour indemnisation des parties civiles et
pécule de libération.
M. Jean Bizet.
Ils n'ont pas de dépenses !
M. Paul Loridant.
En fait, mes chers collègues, dans la plupart des cas, le salaire minimum en
prison dépasse le demi-SMIC.
Mais il se trouve que certaines entreprises paient moins. La fixation de ce
salaire minimum aurait pour vertu d'obliger ces entreprises, qui proposent des
salaires particulièrement dérisoires, de s'aligner sur ce minimum.
L'amendement n° 13 concerne le régime de l'assurance chômage.
La prison est le lieu du chômage par excellence. Il paraît souhaitable, en cas
de suppression des activités de travail proposés aux détenus, ce que j'ai pu
constater dans la maison centrale de Clairvaux, il y a quelques semaines, où
une grande partie des détenus étaient en situation de chômage et n'avaient
strictement aucune ressource, que ceux-ci puissent bénéficier des allocations
de chômage. A leur sortie, au lieu d'émarger au RMI, ils pourraient percevoir
ces allocations puisqu'ils auraient cotisé, ce qui serait plus digne pour eux.
Ce serait une singulière avancée sociale contribuant à la prévention de la
récidive.
L'amendement n° 14 est un amendement de principe. Il s'agirait de reconnaître
la formation professionnelle comme un droit dans les prisons.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, lorsque l'on est condamné et que
l'on est placé en détention, on ne bénéficie plus de la liberté d'aller et de
venir mais qu'on n'en demeure pas moins citoyen. Ainsi, lors de mon enquête,
j'ai eu la suprise de voir des détenus s'apprêter à voter à l'élection
présidentielle et aux élections législatives.
Quant à l'amendement n° 15, il devrait retenir votre attention, mes chers
collègues.
A l'occasion des visites que j'ai faites dans les prisons, j'ai constaté que,
çà et là, lorsque l'administration pénitentiaire, le directeur et les cadres de
la prison voulaient bien jouer le jeu, certains détenus avaient pu créer leur
propre emploi. Je souhaiterais donc que soit reconnue cette possibilité, qui,
pour l'instant, est peu utilisée. Il conviendrait, par conséquent, de prévoir
que les détenus peuvent travailler en prison pour leur propre compte, ce
travail étant encouragé dans la mesure où il constitue un exemple de
réinsertion.
Enfin l'amendement n° 16 concerne l'avenir de la régie industrielle des
établissements pénitentiaires, la RIEP, qui est gérée par un compte de commerce
faisant partie des comptes spéciaux du Trésor, dont je suis par ailleurs le
rapporteur spécial dans cette assemblée.
L'application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de
finances, que M. Alain Lambert avait, à l'époque, été beaucoup défendue dans
cet hémicycle, obligera la RIEP à évoluer et vraisemblablement à abandonner la
formule juridique du compte de commerce dont cette loi organique prévoit, je
vous le rappelle, la disparition.
L'article 20 de cette loi organique dispose en effet qu'« il est interdit
d'imputer directement à un compte spécial des dépenses résultant du paiement de
traitements, salaires, indemnités et allocations de toute nature ».
Le statut de la RIEP n'est, de toute façon, pas adapté car il l'empêche de
développer son activité.
Il est ainsi proposé de créer un établissement public spécifique, proche dans
son fonctionnement des entreprises d'insertion que nous connaissons dans nos
communes où elles se sont révélées nécessaires. Son équilibre économique
pouvant évidemment soulever des difficultés, compte tenu des charges qui pèsent
sur lui, l'établissement public disposerait d'une aide de l'Etat par emploi de
détenu créé, que nous connaissons dans nos communes où elles se sont révélées
nécessaires à l'image de ce qui existe soit pour les centres d'aide par le
travail, soit pour les entreprises d'insertion.
Par cet amendement n° 16, j'invite donc le Gouvernement à transformer, d'ici
au 1er juillet 2003, la RIEP en un établissement de nature spécifique, dont
l'objet serait évidemment de fournir du travail aux détenus.
(M. Jean
Chérioux applaudit.)
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements qui viennent
d'être présentés par M. Loridant ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il nous faut tout d'abord saluer le travail effectué par M.
Loridant, qui a enquêté sur tout un ensemble de problèmes particulièrement
dignes d'intérêt.
Pour ce qui est, maintenant, de la position de la commission, je vais
m'efforcer d'être synthétique et je commencerai par la bonne nouvelle pour
notre collègue : nous sommes favorables à l'amendement n° 7 rectifié, qui
correspond en effet à une proposition de la commission d'enquête et qui nous
paraît tout à fait bienvenu.
Sur l'amendement n° 8, qui tend à la création de zones franches
pénitentiaires, la commission souhaiterait entendre le Gouvernement.
Nous sommes, en revanche, défavorables aux amendements n°s 5, 6, 9, 10, 11,
12, 13 et 14, qui visent à introduire le droit du travail en prison. C'est
évidemment un sujet qui n'a pas vraiment sa place dans ce texte et qui mérite
certainement une étude approfondie, pour laquelle la commission des affaires
sociales nous paraît beaucoup plus compétente que la commission des lois.
S'agissant plus partiuclièrement de l'amendement n° 15, nous souhaiterions
entendre l'avis du Gouvernement.
Nous sommes également défavorables, mais cette fois pour une question de
principe, à l'amendement n° 16, qui vise à créer un établissement public
sui
generis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Je vais essayer d'être aussi synthétique que l'a été
le rapporteur.
Dans la série d'amendements présentés par M. Loridant, on observe une ligne
générale : il s'agit de donner aux détenus un statut par l'intermédiaire du
travail, en particulier grâce à un contrat de travail.
Sans trancher sur le fond, je dirai, après le rapporteur, que ce texte ne
paraît pas le plus approprié pour régler une question aussi importante, qui
n'est évidemment pas, vous ne l'ignorez pas, monsieur Loridant, sans effets
budgétaires.
Il reste que, parmi les propositions qui font suite à votre excellent rapport,
monsieur le sénateur, certaines mériteront d'être étudiées de manière
approfondie car elles ouvrent la voie à de réelles avancées.
L'amendement n° 7 rectifié, en particulier, sur lequel la commission a exprimé
un avis favorable, me paraît très intéressant. Je ne peux pas, en cet instant,
accepter cet amendement mais je crois pouvoir m'engager à ce que, dans les
années qui viennent, le prélèvement sur les émoluments perçus par les détenus
soit progressivement supprimé. Sans vouloir paraître par trop « grippe-sous »,
je crains que, faute de cette progressivité, nous ne déséquilibrions les
comptes des établissements.
Sous le bénéfice de ces observations, je me permets, monsieur Loridant, de
vous demander de bien vouloir retirer l'amendement n° 7 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 8, sur laquelle la commission a souhaité
entendre l'avis du Gouvernement, il nous semble que la transformation des
établissements pénitentiaires en zones franches pénitentiaires aurait des
conséquences multiples et variées et qu'une telle décision mériterait un débat
beaucoup plus ample que celui qui peut être mené ici aujourd'hui. J'émets donc
un avis défavorable sur cet amendement. Il reste, monsieur Loridant, que, de
manière finalement surprenante, nous pouvons nous rejoindre. Nous sommes en
effet favorables à votre amendement n° 15, qui me paraît tout à fait opportun
en ce qu'il permet à un détenu, d'une certaine façon, de travailler à son
compte.
Le libéral que je suis ne peut que se réjouir de constater qu'un tel
amendement, qui constitue une sorte d'hommage à l'esprit d'entreprise, émane
des travées qui se situent à l'extrême gauche de cet hémicycle.
(Sourires et
applaudissements sur les travées du RPR.)
Je souhaiterais cependant vous suggérer, monsieur le sénateur, une
rectification. Dans un souci de cohérence par rapport au règlement intérieur de
ces établissements, il est nécessaire de prévoir l'autorisation du chef
d'établissement.
Pour ce qui est de l'amendement n° 16, je dirai, monsieur Loridant, que
l'enfer peut être pavé de bonnes intentions.
Transformer la régie en établissement public aurait, en vérité, deux effets
néfastes.
Le premier serait d'astreindre la nouvelle entité au paiement de la TVA, ce
qui, du fait de l'augmentation des prix qui en résulterait mécaniquement, ne
serait pas sans conséquences sur les marchés que cet établissement public
pourrait obtenir. De plus, au moment où de nombreux secteurs demandent à se
voir appliqué un taux de TVA moins élevé, je me vois difficilement aller
plaider la cause d'un tel établissement public.
Le deuxième effet néfaste serait l'impossibilité de passer de marchés de gré à
gré. Or vous n'ignorez pas, monsieur le sénateur, combien ces marchés sont
nécessaires pour le travail des détenus.
M. le président.
Monsieur Loridant, l'amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
M. Paul Loridant.
Je le maintiens, monsieur le président, mais je le rectifie en précisant que
les dispositions en question prendront effet au 1er janvier 2003.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 7 rectifié
bis
, présenté par M.
Loridant et ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 720 du code de procédure pénale est complété par une phrase
et un alinéa ainsi rédigés :
« Le produit du travail des détenus ne peut faire l'objet d'aucun prélèvement
pour frais d'entretien en établissement pénitentiaire.
« Les dispositions du présent article prennent effet au 1er janvier 2003. »
« II. - Les pertes de recettes dues au I sont compensées, à due concurrence,
par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
Le Gouvernement reste-t-il défavorable à l'amendement ainsi rectifié ?
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement maintient sa position, tout en rendant
une nouvelle fois hommage à la proposition de M. Loridant.
M. le président.
Monsieur Loridant, acceptez-vous de rectifier votre amendement n° 15 dans le
sens souhaité par M. le secrétaire d'Etat ?
M. Paul Loridant.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Loridant,
et ainsi libellé :
« Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article
ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Les personnes détenues peuvent travailler pour leur propre
compte avec l'autorisation du chef d'établissement. »
Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur les amendements n°s 8 et
15 rectifié ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission suit l'avis du Gouvernement sur ces deux
amendements : elle est défavorable à l'amendement n° 8 et favorable à
l'amendement n° 15 rectifié.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié
bis,
accepté par la
commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 32.
Je mets aux voix l'amendement n° 8, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Il n'est évidemment pas dans mes intentions d'introduire l'ensemble du code du
travail dans les prisons. Nous savons tous que ce n'est pas possible. Il est,
en effet, inimaginable que, dans les prisons, s'exerce le droit syndical ou
qu'y soit organisée l'élection de délégués du personnel. La liberté d'aller et
de venir n'allant pas de soi dans les prisons, il est évident que le code du
travail ne peut pas s'y appliquer pleinement.
Par cette série d'amendements, je propose simplement d'introduire des éléments
du droit du travail dans les prisons. Il en est ainsi, notamment, de cet
amendement n° 9, qui concerne l'assurance maladie et l'assurance accidents du
travail. Vous conviendrez avec moi qu'il est singulier de cotiser à l'assurance
maladie et, lorsqu'on est malade, de ne pas pouvoir en bénéficier.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 11, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 15 rectifié.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Avant que nous arrivions au terme de la discussion de cette série
d'amendements, je tenais à dire à mon collègue Paul Loridant combien je trouve
son travail admirable et combien ses amendements témoignent d'un homme de
coeur.
M. Emmanuel Hamel.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié, accepté par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 32.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Je voudrais brièvement répondre aux observations formulées par M. le
secrétaire d'Etat sur cet amendement n° 16, notamment à propos de l'avenir de
la régie industrielle des établissements pénitentiaires, la RIEP.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais pointé les inconvénients de la création
d'un établissement public spécifique, notamment sur le plan fiscal. Néanmoins,
vous n'avez pas répondu sur le fond.
De toute façon, vous serez vous-même contraint de modifier cet établissement
puisque l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois
de finances vous y obligera dans un certain délai. Il nous reste quelques mois,
voire quelques années.
Cet amendement était donc en quelque sorte un texte d'appel pour attirer votre
attention sur cette nécessité. Cela dit, puisque vous ne souhaitez pas qu'il
soit adopté à ce stade, je le retire.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président.
L'amendement n° 16 est retiré.
Nous en revenons à l'amendement n° 5.
M. le président.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le
projet de loi, après l'article 32.
Je vous remercie, monsieur Loridant, d'avoir accepté cette façon de procéder.
Elle a eu le mérite de simplifier le travail du Sénat et de faire ressortir la
cohérence des propositions que vous avez présentées.
TITRE VI
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA JUSTICE ADMINISTRATIVE
Articles additionnels avant l'article 33