SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Charasse.
L'amendement n° 95 est ainsi libellé :
« Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 297 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
« I. Dans le premier alinéa, après les mots : "le ministère public ensuite",
sont insérés les mots : "la ou les parties civiles enfin".
« II. Dans le deuxième alinéa, après les mots : "ni le ministère public", sont
insérés les mots : "ni la ou les parties civiles". »
L'amendement n° 96 est ainsi libellé :
« Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
«
In fine
du 4° de l'article 380-2 du code de procédure pénale, les
mots : ", quant à ses intérêts civils" sont supprimés. »
La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter ces deux amendements.
M. Michel Charasse.
L'amendement n° 95 tend, puisqu'il est question de défendre les intérêts des
victimes, à autoriser les parties civiles à récuser les jurés en cour
d'assises. Il n'est en effet pas normal qu'elles ne le puissent.
L'amendement n° 96 leur donne la possibilité de faire appel des arrêts des
cours d'assises puisque désormais l'appel est possible.
Pour gagner du temps, je précise par avance que je retire l'amendement n° 97
tendant à insérer un article additionnel après l'article 28, car il relève de
la loi organique. Je le reprendrai ultérieurement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il n'est pas possible de permettre à la partie civile de
récuser des jurés. En effet, les jurés ne se prononcent que sur l'action
publique. Par conséquent, il n'est pas certain qu'il soit opportun de donner à
la partie civile la possibilité d'intervenir dans le choix des jurés.
Par ailleurs, des coordinations seraient indispensables, notamment avec
l'article 298 du code de procédure pénale, qui prévoit le nombre des jurés
pouvant être récusés.
L'amendement n° 96 tend à permettre à la partie civile de faire appel des
arrêts de la cour d'assises en ce qui concerne l'action publique.
Je rappelle que, il y a quelques mois encore, aucun appel des acquittements
n'était possible. Désormais, le procureur général peut faire appel des arrêts
d'acquittement.
Il n'y a pas de raison que la partie civile puisse faire appel en ce qui
concerne l'action publique. En matière criminelle comme en matière
correctionnelle, la partie civile ne peut faire appel que quant à ses intérêts
civils. Il lui est loisible de transmettre au parquet des observations lui
demandant de faire appel, mais aller au-delà introduirait une confusion des
rôles.
Je rappelle également que les prérogatives des parties civiles sont déjà
particulièrement développées dans notre pays à la différence de beaucoup
d'autres droits.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben
garde des sceaux.
Le Gouvernement est également défavorable à ces deux
amendements.
La raison technique invoquée par le rapporteur pour l'amendement n° 95 est
parfaitement fondée. Les questions civiles sont traitées par les magistrats
professionnels. En outre, pour aller dans le sens de l'amendement, il faudrait
aller plus loin, c'est-à-dire voir comment une telle disposition pourrait être
mise en oeuvre, et donc y réfléchir davantage.
J'ajouterai que le fait d'adopter ces amendements irait à l'encontre d'une
certaine dépénalisation, à laquelle il faudra bien que nous réfléchissions un
jour ! Vous allez complètement dans l'autre sens, monsieur Charasse, avec un
mélange entre la démarche civile et la démarche strictement pénale. Cela n'est
pas satisfaisant du tout.
M. le président.
Monsieur Charasse, maintenez-vous vos amendements ?
M. Michel Charasse.
Monsieur le garde des sceaux, quand on accepte de laisser les gens porter
plainte sur tout et n'importe quoi, et les juges instruire sur tout et
n'importe quoi, il faut savoir en tirer les conséquences !
Aujourd'hui, dans les procès d'assises, les parties civiles ne comprennent pas
qu'un certain nombre de droits ne leur soient pas offerts. Alors, j'entends
bien ce que nous dit le rapporteur sur la récusation des jurés, mais vous
pouvez très bien avoir, dans le jury, quelqu'un qui est parfaitement opposé à
la famille qui est partie civile ou à la partie civile, pour une raison ou une
autre. Il ne peut pas le dire alors que l'accusé qui est dans le box, peut,
lui, dire qu'il n'aime pas celui-ci ou celui-là. Je ne trouve pas cela très
normal.
En outre, croyez-vous vraiment, monsieur le rapporteur, que le fait qu'une
personne soit acquittée ou que sa responsabilité soit atténuée à la sortie de
la cour d'assises n'ait aucun effet sur l'arrêt civil, même s'il est rendu par
des magistrats professionnels ? Bien entendu que si ! Par conséquent, il y a
bien un lien - je ne vois d'ailleurs pas comment il n'y en aurait pas. Il est
impalpable, imperceptible, mais il existe !
Quant à l'appel des décisions, au fond, tout le monde a le droit de faire
appel, sauf la victime ! Je trouve cela tout de même un peu fort. Par
conséquent, ces amendements-là, je n'ai pas du tout envie de les retirer !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 95.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je veux attirer l'attention sur le cas où l'affaire est cassée et renvoyée
devant une autre cour d'assises. A une époque, il n'en existait qu'une
puisqu'il n'y avait pas l'appel, mais il en sera de même s'il y a une cour
d'appel. Or, dans le cas que je cite, la partie civile ne peut plus être
présente puisqu'elle a eu satisfaction la première fois et que la décision à
son égard est devenue définitive. A l'évidence, les conditions ne sont plus les
mêmes que dans le premier procès.
Mis à part ce cas, sur lequel nous aurons un jour à légiférer, je dois dire
que je suis atterré de constater que l'on confond la partie civile et le
parquet : le parquet représente les intérêts de la société et la partie civile
les intérêts particuliers, ces derniers étant, bien sûr, tout aussi
respectables, mais pas plus. Nous n'en sommes tout de même plus à la loi du
talion ! C'est d'ailleurs pour y mettre un terme que l'on a créé la justice.
L'amendement n° 95 de mon ami Michel Charasse vise à ouvrir aux parties
civiles la possibilité de récuser les jurés. Si une partie civile veut obtenir
la récusation d'un juré parce que c'est son grand adversaire, il est évident
qu'elle la demandera au procureur de la République, qui se fera un plaisir
d'accéder à sa demande.
Mais lorsque vous serez en présence de dix, vingt, cinquante, voire cent
parties civiles qui auront toutes la possibilité de récuser les jurés,
croyez-vous que la liste des jurés sera assez longue pour qu'il en subsiste un
?
A l'évidence, les récusations dont dispose le parquet visent, précisément, à
défendre les intérêts à la fois de la société et de la partie civile. La
défense dispose, pour sa part, de sept possibilités de récusation, qui sont
d'ailleurs partagées entre les avocats s'il y en a plusieurs.
L'amendement n° 96 tend à faire appel des décisions de cour d'assises. Si l'on
pouvait faire appel sur les intérêts civils, le parquet deviendrait alors
inutile et, surtout, il serait fait appel des décisions systématiquement. Car
si l'intéressé ou le parquet ne font pas appel, ce sera la victime qui le fera.
Il y aura toujours quelqu'un de mécontent !
Par conséquent, mon cher collègue, ce n'est pas en proposant de telles mesures
et en mélangeant les genres que vous parviendrez à alléger la tâche de la
victime.
Toutefois, j'ai remarqué qu'à l'instar des amendements de M. Cointat, ces deux
amendements, comme ceux que vous avez déposés par ailleurs, ont pour objet de
soulever un problème.
(M. Michel Charasse s'exclame.)
Ensuite, vous avez
la sagesse de les retirer, ce dont je vous remercie. Je vous suggère donc, à
titre personnel - je ne parle pas au nom du groupe - de retirer ces deux
amendements.
M. le président.
Accédez-vous à la demande de M. Dreyfus-Schmidt, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
Puisque je retire trop souvent mes amendements, ceux-là, je les maintiens !
(Sourires.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 95.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 96.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre V
Disposition relative à l'application des peines
Article additionnel avant l'article 28