SEANCE DU 7 FEVRIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 22, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 5
ter,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Dans l'article 144-2 du code de procédure pénale, les mots : "à l'égard d'un
enfant ayant sa résidence habituelle chez lui et dont l'âge est inférieur à dix
ans" sont remplacés par les mots : "exclusive à l'égard d'un enfant âgé de
seize ans au plus ayant chez lui sa résidence". »
La parole et à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il s'agit également d'une mesure de coordination.
La proposition de loi modifie les règles pour le placement en détention
provisoire des parents d'enfant de moins de dix ans. Il convient de faire de
même pour le placement sous surveillance électronique au titre de la détention
provisoire.
L'amendement supprime aussi la notion de résidence habituelle, dont on a déjà
dit qu'elle était en train de disparaître du code civil dans le cadre de la
proposition de loi que nous étudierons après ce texte.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Dans le texte de Julien Dray, qui est corroboré par le
rapport de Christine Lazerges, on a souhaité limiter la contrainte procédurale
que représente la fameuse enquête concernant les enfants pour éviter, comme
vous l'avez dit tout à l'heure, que quelqu'un ne se serve de cette situation
alors que ce n'est pas utile. On a donc remis l'enfant au coeur du dispositif
en demandant qu'il soit protégé, y compris jusqu'à l'âge de seize ans.
Vous proposez la même disposition pour la libération conditionnelle et pour le
bracelet électronique. Je vous rappelle que, pour permettre à une personne
d'obtenir le placement sous surveillance électronique ou une libération
conditionnelle, le juge qui est chargé d'examiner la demande doit prendre en
compte - c'est une disposition qui existe déjà dans notre code - l'existence
des liens familiaux, le déroulement de la vie familiale, y compris s'il y a les
deux parents, la scolarisation des enfants et leurs éventuels besoins, afin de
pouvoir se forger une opinion.
Je crois qu'avec cet amendement on sort du sujet. En outre, les mesures
proposées contribuent à réduire cette belle adaptation qu'est le choix du
bracelet électronique ou de la libération conditionnelle. Compte tenu de la
législation en vigueur, il vaut mieux laisser les choses en l'état.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je souhaite dissiper un malentendu : c'est un amendement de
coordination...
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Non !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Si, pardonnez-moi, madame la ministre ! N'est-il pas curieux
de prendre en compte, pour accorder le bénéfice de la liberté, le fait d'avoir
un enfant de moins de seize ans, dont il faudrait évidemment assumer la
responsabilité, et de se montrer plus sévère pour les autres dispositions ?
Cela n'a pas de sens ! Ce n'est pas une affaire fondamentale, mais une
harmonisation en la matière me paraît préférable.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
S'agissant du placement sous surveillance électronique,
l'article 144-2 du code de procédure pénale dispose : « Le juge des libertés et
de la détention prend en considération la situation familiale de l'intéressé,
notamment lorsque celui-ci exerce l'autorité parentale à l'égard d'un enfant
ayant sa résidence habituelle chez lui et dont l'âge est inférieur à dix ans ».
J'ai l'impression que c'est l'âge qui vous a posé problème, monsieur le
rapporteur.
En fait, si vous reprenez l'ensemble des textes, il apparaît que les critères
qui sont pris en compte pour la libération conditionnelle ou pour le bracelet
électronique sont plus larges que la simple existence, si je peux me permettre
ce terme un peu dur concernant un enfant, d'un enfant de moins de seize ans ;
c'est l'ensemble de la situation familiale qui est considérée. Par exemple,
pourra être pris en compte, au bout de quelques années, le fait que, vivant
avec un de leurs parents, les enfants sont en difficulté. Ce sera un élément
qui déterminera la décision de placement en liberté conditionnelle ou sous
bracelet électronique.
Par conséquent, avec les mesures que vous proposez, vous réduisez les critères
qui permettront au juge de se prononcer.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Non, je les élargis !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Vous les réduisez puisque c'est l'ensemble de la
situation familiale que nous proposons de considérer.
Soyons encore plus clairs : il est possible d'obtenir un placement en
libération conditionnelle ou sous surveillance électronique, même s'il y a un
conjoint, parce que l'on estimera que la famille se portera mieux si
l'interessé se trouve non pas en prison mais placé sous surveillance
électronique. Ce n'est donc plus le fait de l'autorité parentale exclusive qui
aura déterminé la décision. D'ailleurs, l'autorité parentale exclusive n'est
pas prise en compte dans le code.
Par conséquent, vous restreignez les critères s'agissant de l'autorité
parentale exclusive et vous les élargissez en ce qui concerne l'âge de
l'enfant. C'est donc une coordination qui réduit les possibilités du juge
puisque la présence d'un conjoint lui interdirait le placement sous bracelet
électronique ou la libération conditionnelle.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Il est précisé : « notamment » !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Justement, laissons ce terme « notamment » ! En effet,
même s'il n'y a pas d'enfant dans la famille, si le conjoint est malade ou en
très grande difficulté, par exemple, et même si l'enfant a plus de seize ans,
le juge peut être conduit à placer une personne sous bracelet électronique
parce qu'il estime que c'est mieux pour tout le monde, aussi bien pour la
famille que pour la société.
Vous proposez des dispositions plus rigides.
(M. le rapporteur fait un
signe de dénégation.)
Dans ce cas, l'amendement est mal rédigé !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 22, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 5
ter.
L'amendement n° 23, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 5
ter,
insérer un article additionel ainsi rédigé
:
« Dans le premier alinéa de l'article 729-3 du code de la procédure pénale,
les mots : "sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence
habituelle" sont remplacés par les mots : "exclusive sur un enfant âgé de seize
ans au plus ayant chez ce parent sa résidence". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La proposition de loi modifie les règles applicables aux
parents de jeunes enfants pour la détention provisoire. Il s'agit encore de
coordination : il convient de procéder de même pour la libération
conditionnelle, de telle sorte que les dispositions puissent rester
cohérentes.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
En fait, dans l'amendement n° 23, la problématique est
similaire à celle de l'amendement n° 22. En l'espèce, est en cause la
disposition relative à la libération conditionnelle.
Je rappelle que, au titre des dispositions générales, l'article 729 du code de
procédure pénale dispose : « La libération conditionnelle tend à la réinsertion
des condamnés et à la prévention de la récidive. Les condamnés... peuvent
bénéficier d'une libération conditionnelle s'ils manifestent des efforts
sérieux de réadaptation sociale », réadaptation qui s'apprécie selon différents
critères, parmi lesquels figure « leur participation essentielle à la vie de
famille ».
En principe, la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée
de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine
restant à subir. Par dérogation à ces dispositions, l'article 729-3 a prévu que
la libération conditionnelle pouvait être accordée, sans condition de délai,
pour tout condamné qui doit purger une peine inférieure ou égale à quatre ans,
s'il « exerce l'autorité parentale à l'égard d'un enfant ayant sa résidence
habituelle chez lui et dont l'âge est inférieur à seize ans », et réserve faite
des personnes condamnées pour un crime ou un délit commis sur un mineur.
Cette disposition ouvre une faculté, et elle n'est assortie d'aucune
contrainte pour le juge. Là encore, je ne vois pas l'opportunité de la
restreindre aux seuls cas où l'intéressé exercerait seul l'autorité parentale
sur ses enfants. Nous allons donner une contrainte au juge, qui n'en avait
pas.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 23.
M. Laurent Béteille.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille.
La disposition qui a été votée par l'Assemblée nationale n'est pas applicable
dans la mesure où la notion de résidence habituelle va disparaître du code
civil. Il fallait donc bien trouver une autre rédaction !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 23, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 5
ter.
L'amendement n° 24, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Après l'article 5
ter
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Après la première phrase du premier alinéa de l'article 626-3 du code de
procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "Sept magistrats
suppléants sont désignés dans les mêmes conditions". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement a pour objet d'aider les magistrats. C'est un
détail matériel, mais il a son importance.
La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits
des victimes a institué une procédure de réexamen des condamnations pénales
lorsque la France est condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme.
Les demandes de révision sont adressées à une commission qui est composée de
sept magistrats de la Cour de cassation, chacune des chambres devant être
représentée par l'un de ses membres.
Cela pose à l'évidence un problème matériel de fonctionnement à la cour.
Celle-ci m'a indiqué qu'il serait souhaitable, pour le bon fonctionnement de la
procédure, que des suppléants puissent être désignés.
Tel est l'objet de cet amendement, qui ne pose pas de problème fondamental de
conscience.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux
Je ne nie pas l'utilité que pourrait avoir une telle
disposition. Je constate cependant qu'elle n'a aucune relation avec l'objet de
la présente proposition de loi.
M. Jean-Jacques Hyest.
Comme si c'était la première fois !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Pour cette raison, je suis défavorable à l'amendement
n° 24.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je souhaite apporter une petite précision : cet amendement a
tout de même un rapport avec la proposition de loi, puisque c'est la loi
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des
victimes qui a créé cette possibilité d'appel !
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Nous sommes donc en plein dans le sujet.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et il faut bien que cela fonctionne !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la
proposition de loi, après l'article 5
ter.
L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Masson, Pierre André, Béteille,
Calméjane, Cointat, Cornu, Del Picchia, Doublet, Eckenspieller, Fournier, de
Gaulle, Ginésy, Gruillot, Guené, Lassourd, Loueckhote, Marest, Miraux et
Natali, Mme Olin, MM. Reux et Rispat, Mme Rozier, MM. Souvet, Trillard et Vial,
est ainsi libellé :
« Après l'article 5
ter
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Les fonctionnaires des services actifs de la police nationale, lorsqu'ils
agissent revêtus de leur uniforme ou, si leur statut prévoit une tenue civile,
porte un signe distinctif permettant de les identifier sans difficulté,
peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer la
force armée dans les cas suivants :
« - lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou
lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;
« - lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les
postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est
telle qu'elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes ;
« - lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de «
halte police » faite à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs
investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des
armes ;
« - lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou
autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre
d'arrêt. Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens
appropriés tels que herses, hérissons, câbles pour immobiliser les moyens de
transport quand les conducteurs ne s'arrêtent pas à leur sommation. »
La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat.
Nous vivons des moments difficiles, du fait d'une session raccourcie à
l'extrême en raison d'événements fondamentaux et de portée nationale qui vont
se produire dans quelques semaines. Nous sommes donc obligés de prendre des
mesures d'exception dans une situation d'exception.
Le Gouvernement a, d'ailleurs à plusieurs reprises, déposé des amendements qui
auraient mérité des projets de loi à part entière, et ce précisément pour tenir
compte du temps compté. Tel est le contexte dans lequel s'inscrit le dépôt de
cet amendement.
Il s'agit simplement de faire en sorte qu'il n'y ait pas de discriminations
sur le territoire national en matière de sécurité en donnant à la police les
mêmes moyens qu'à la gendarmerie.
Nous savons que, malheureusement, les zones les plus difficiles et les plus
sensibles, pour la plupart, relèvent de la compétence des services de police.
Or ces derniers sont démunis par rapport aux services homologues de la
gendarmerie, ce qui n'est pas normal.
Cet amendement n'a donc comme objet que d'uniformiser les moyens mis en place
en matière de sécurité sur le territoire national. Certes, il ne fait pas à lui
seul une politique de sécurité, mais il peut en représenter l'un des aspects,
et un aspect non négligeable. En effet, si l'on veut agir, encore faut-il
prendre les mesures susceptibles d'avoir des résultats concrets.
Cet amendement n'est pas une nouveauté. En effet, le Sénat, à l'occasion de la
discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, a récemment
voté, sur proposition de notre excellent collègue Michel Charasse, un texte
quasiment identique. J'ose espérer que le Sénat sera logique avec lui-même, en
acceptant cet amendement aujourd'hui.
Pourquoi sommes-nous obligés de le présenter à nouveau ? Tout simplement parce
que la commission mixte paritaire qui s'est réunie sur ledit projet de loi ne
l'a pas retenu et qu'il y a urgence. Car, faut-il le redire, mes chers
collègues, les Français ont peur. L'insécurité grandit dans notre pays. Même si
j'ai entendu, à l'occasion des questions d'actualité, le Gouvernement nous dire
que, finalement, ce n'était pas très grave, que tout allait bien, les Français
ont peur ! Prenons donc des mesures. J'espère, madame le ministre, que vous
allez appuyer cet amendement.
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
La commission a considéré que cet amendement soulevait
manifestement une question grave et importante, mais, à une courte majorité, il
est vrai, elle a estimé qu'elle était insuffisamment informée sur le sujet, que
ce problème, délicat, exigeait que l'on procède au minimum à des auditions
approfondies et que l'on ne pouvait pas examiner le dispositif à l'occasion de
la discussion de ce qui est un cavalier par rapport à la proposition de loi.
Aussi, et je rassure sur ce point les auteurs de l'amendement, sans
méconnaître l'intérêt de cette proposition, ni son probable bien-fondé, elle a
estimé qu'elle ne pouvait pas l'examiner en l'état et souhaité le retrait de
cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je fais miens les arguments de M. le rapporteur,
notamment pour ce qui est du temps nécessaire à l'étude approfondie de la
question.
On a rappelé l'origine de la différence actuelle : en milieu urbain, l'usage
des armes à feu était pratiquement impossible. De nos jours, les situations ont
évolué.
Reste que les gendarmes sont des militaires, pas les policiers. Quant aux
sommations, car, malheureusement, il ne saurait être question de nier la
réalité de la violence, il faut savoir que certains délinquants n'hésitent pas
à tirer : peut être, justement, tireront-ils encore plus facilement.
Telles sont les multiples questions qui se posent, et qui méritent vraiment
que l'on entende, en particulier, les représentants des forces de police, qui
sont très partagés sur ce type de disposition. C'est pourquoi je me range à
l'avis de la commission.
M. le président.
Monsieur Cointat, l'amendement est-il maintenu ?
M. Christian Cointat
Monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, j'avais effectivement
l'intention de répondre à votre attente. Mais il se trouve que,
malheureusement, la séance a été suspendue, ce qui m'a donné le temps de la
réflexion.
Non, vraiment, je crois que le peuple de France ne veut pas ce retrait. Il en
a assez des mots, il en a assez des belles paroles, il veut des actes ! On ne
peut pas dire que l'on veut la sécurité et continuer à refuser les mesures qui
conviennent.
Certes, ce n'est qu'une petite mesure, mais il faut bien un premier pas dans
cette direction. Nous ne pouvons pas être crédibles comme législateurs si nous
demandons toujours à étudier et à approfondir les questions. Il y a des moments
où il faut savoir prendre les décisions parce que l'urgence le commande. Et le
dispositif proposé n'a rien d'étonnant : il s'agit simplement de faire
confiance à nos forces de l'ordre.
Ou bien les gendarmes sont les seuls à être crédibles, et on doit alors leur
donner compétence sur la totalité du territoire.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ils l'ont déjà !
M. Christian Cointat.
Ou bien les policiers sont crédibles, et on doit leur accorder les mêmes
moyens qu'aux gendarmes. Ou bien ils ne sont pas crédibles, et il faut alors
les désarmer !
Dans ces conditions, je suis désolé, mais je dois maintenir l'amendement,
parce que la sécurité le commande et que les Français l'attendent !
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Mon cher collègue, la suspension de séance était non pas malheureuse mais
nécessaire, y compris pour votre réflexion !
(Sourires.)
M. Christian Cointat.
Tout à fait !
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Monsieur le sénateur, je l'ai dit et je le redis, le
problème que vous soulevez avec tant de conviction mérite évidemment
considération. Mais sachez que beaucoup de policiers s'opposent à cette
disposition, et ce pour une raison simple : malheureusement, vous avez raison
sur un point, certains délinquants sont armés et, compte tenu des sommations,
risquent d'être incités à tirer beaucoup plus tôt, beaucoup plus vite, mettant
ainsi en danger les policiers eux-mêmes. Si vous rencontrez des membres des
forces de l'ordre, ils vous le diront.
(Protestations sur les travées du
RPR.)
M. Robert Del Picchia.
Ils ont peur ?
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
D'être tués, oui ! Personne ne souhaite être tué, bien
évidemment ! Lorsque des policiers vous tiennent ce discours, la moindre des
choses est de prendre en compte ce qu'ils disent et effectivement de travailler
avec eux sur cette question du recours aux armes à feu.
Je fais confiance aux policiers de mon pays quand ils développent ce type
d'argument. Je crois qu'il faut les entendre et travailler ce dossier.
M. René Garrec,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je demande
la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Mon cher collègue, nous avons eu
tout à l'heure ce débat en commission des lois. Tous, pratiquement, nous avons
reconnu qu'il y avait un vrai problème de sécurité dans notre pays, qui se pose
peut-être plus en zones urbaines qu'en zones rurales.
Nous avons, de par notre histoire, des militaires qui opèrent en zones rurales
et qui, en tant que militaires, ont la possibilité de tirer plus facilement que
les policiers, qui, eux, sont des civils.
Quant au problème de fond, celui de la sécurité sur le territoire national, un
problème grave et sérieux, il mérite d'être posé et étudié. Nous étions
convenus que vous pouviez le poser, aussi, mais nous avions conclu aussi que
nous ne pouvions pas le traiter à l'occasion d'un cavalier. Nous avons besoin
de la sérénité nécessaire pour embrasser tous les aspects de la question, au
nom de l'intérêt général.
Mon cher collègue, ce soir, vous avez dit ce que vous pensiez. Vous avez,
d'ailleurs, des amis qui vous soutiennent dans cet hémicycle. Il était opportun
de soulever le problème, mais ce n'est pas le moment d'aller au-delà.
C'est pourquoi la commission, à une majorité, comme dirait mon ami Jean-Pierre
Schosteck, « raisonnable »,
(Sourires)
mais tout de même à la majorité, s'est déclarée hostile, dans
l'état actuel des choses et dans les circonstances présentes, à ce que nous
votions sur ce texte. Comme M. le rapporteur, tout à l'heure, je souhaite que
vous retiriez cet amendement, sachant que la question est maintenant pleinement
et clairement posée.
M. Christian Cointat.
Je le maintiens !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25 rectifié.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le problème est bien réel, et
aucun d'entre nous ne peut revendiquer le privilège ou le monopole d'être celui
qui défend la sécurité des Français contre les autres, qui y seraient, eux,
indifférents. Aucun !
Il est vrai aussi que l'amendement qui nous est présenté vient, dans cette
discussion, comme un cavalier : il n'a de lien ni avec la présomption
d'innocence ni avec les droits des victimes.
Successivement, M. le rapporteur et M. le président de la commission ont
reconnu l'importance considérable, pour la nation, de cette question de
l'identité de condition des policiers et des gendarmes au regard de l'usage des
armes. Ce n'est pas nouveau. Nous le savons tous.
J'admets volontiers que la situation présente appelle réflexion, ce qui
interdit, surtout s'agissant de cette question, toute précipitation. Je
souhaite vivement que nous soyons saisis sans délai de la question et, au-delà,
des problèmes beaucoup plus importants encore de la coordination, voire de
l'unification des forces de sécurité.
M. Jean-Jacques Hyest.
Vraiment ?
M. Robert Badinter.
On ne pourra plus longtemps se dérober, me semble-t-il, face à cette question.
Pour l'heure, et pour ce qui concerne ce seul dispositif, il nous faudrait
nécessairement entendre le ministre de l'intérieur, les directeurs respectifs
de la police judiciaire et de la gendarmerie, avec tous ceux qui sont
susceptibles de nous éclairer sur ce que cela implique réellement sur le
terrain.
Je ne crois pas que nous puissions, en conscience, nous prononcer simplement
parce que l'on nous dit qu'il faut agir et envoyer des signaux forts, quand il
s'agit d'une mesure qui concerne véritablement ce qu'il y a de plus important
pour les forces de sécurité, c'est-à-dire le recours aux armes à feu.
C'est une très grande question dans la République, et elle se pose depuis fort
longtemps déjà. Il faut absolument l'étudier, mais certainement pas la traiter
à vingt-deux heures quarante, à l'occasion de l'examen d'un cavalier.
M. Robert Del Picchia.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Del Picchia.
M. Robert Del Picchia.
Je ne voulais pas intervenir, mais je vous ai tous écoutés et je me pose
quelques questions. Je vous les soumets, madame la ministre.
Vous nous dites que les policiers ont peur. Tout d'abord, je pense que ce
sentiment n'est pas unanimement partagé par toute la police. Certains policiers
ont peut-être parfois peur à juste titre et craignent que l'« on » hésite
d'autant moins à tirer sachant que, en face, les policiers risquent de tirer.
Je l'admets. Mais alors, qu'en est-il des gendarmes ? On accepte très bien que
les gendarmes n'aient pas peur. Pourtant, ce sont les mêmes hommes, ils ont
chacun une arme, ils exercent dans des conditions très semblables.
Mais je m'interroge : n'aurait-on pas confiance dans les policiers ? Ne
sont-ils pas suffisamment formés ? Si oui, il faut le reconnaître et ne pas
leur fournir une arme.
Oui, on peut très bien tirer sur les policiers en les voyant avec une arme. Le
problème est exactement le même pour les gendarmes. C'est pourquoi je ne
comprends pas cette position qui veut que l'on fasse une différence entre
gendarmes et policiers.
Peut-être n'est-ce ni le lieu ni le moment. Peut-être faudrait-il procéder à
des auditions. Cela étant, il y a quelques jours à peine, le Sénat a adopté
l'amendement de Michel Charasse qui allait exactement dans le même sens. Nous
ne faisons que le reprendre. Or on nous oppose, aujourd'hui, que ce n'est pas
le moment. Expliquez-moi la différence entre les deux !
De surcroît, M. Cointat l'a dit, il y a urgence. Peut-être n'allons-nous pas,
ce soir, trouver la solution miracle. D'ailleurs, nous savions très bien, en
déposant cet amendement, qu'il n'irait pas très loin. Mais du moins
pouvons-nous envoyer un signal fort, dans la continuité de ce qu'a déjà adopté
le Sénat.
Monsieur le président, passons au vote, et nous verrons bien !
M. Laurent Béteille.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Béteille.
M. Laurent Béteille.
Les gendarmes sont effectivement des militaires. Ils ont une importante
tradition militaire.
M. Jean-Jacques Hyest.
Et des obligations !
M. Laurent Béteille.
Sous l'Empire, les légions de gendarmeries se sont battues sur des territoires
européens. A l'époque, la gendarmerie faisait partie intégrante des régiments
de l'armée française et se comportait comme les autres régiments. Je ne suis
pas certain que ces références historiques aient aujourd'hui une grande
valeur.
Nous sommes confrontés à une montée de la délinquance qui devient de plus en
plus préoccupante. Non seulement les chiffres de la délinquance augmentent,
mais celle-ci devient de plus en plus violente. Les délinquants n'hésitent pas
à tirer, que ce soit sur les convoyeurs de fonds ou les policiers. Ils ne font
pas de sommations.
Je ne pense pas que l'évolution de la législation sur l'utilisation des armes
par les policiers change en quoi que ce soit le comportement de délinquants
qui, d'ores et déjà, n'hésitent pas à mettre en péril la vie des policiers.
Nous avons aujourd'hui un problème à résoudre et il n'est pas nouveau. Ce
n'est pas le moment, nous dit-on, il faut y réfléchir, auditionner le ministre
de l'intérieur. Or, nous avons débattu de ce problème lors de l'examen du
projet de loi relatif à la démocratie de proximité. La réflexion dans cette
assemblée a déjà eu lieu nous sommes donc en mesure de prendre des
décisions.
Historiquement, nous avons les gendarmes d'un côté, les policiers de l'autre.
Or, ils rendent aujourd'hui les mêmes services, on ne peut donc se permettre de
considérer les policiers comme des sous-gendarmes. Il n'est pas logique de
prendre des mesures différentes pour les uns et pour les autres.
Afin de résoudre les problèmes de sécurité auxquels nous sommes confrontés, je
pense qu'il convient d'adopter cette mesure.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Je serai brève pour ne pas prolonger les débats à cette
heure tardive, même s'il s'agit d'un sujet très lourd. Je n'ai pas dit que les
policiers avaient peur. Il ne faut pas dire cela. Nos policiers n'ont pas peur,
même s'ils ont vécu des événements tragiques, en particulier cette année. Le
sujet n'est pas là.
Il faut définir leur demande. Le ministre de l'intérieur et moi-même avons
beaucoup discuté avec les policiers lorsque nous avons reçu l'ensemble des
syndicats. Peut-être faites-vous référence, comme certains policiers l'on fait,
à de récentes gardes à vue de policiers ! Il ne faut pas se cacher derrière
certains arguments.
Les policiers ont essentiellement demandé une meilleure protection juridique
et une meilleure assistance dans de telles situations. Il n'ont pas demandé à
être alignés sur les « gens d'armes », militaires qui ont une formation et un
encadrement différents, une autre façon d'intervenir.
Cela doit faire l'objet d'une discussion avec le ministre de l'intérieur et
l'ensemble des représentants des policiers. S'il y a un problème, essayons de
le régler, mais sérieusement, en travaillant. Il est vrai que, les policiers et
les gendarmes ne relevant ni de la même formation ni du même encadrement, il y
aurait beaucoup de travail annexe à réaliser.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Effectivement, le Sénat a voté un amendement de M. Charasse, mais il n'était
pas du tout de même nature. Là, vous appliquez, et je ne suis pas sûr que ce
soit avec une totale fidélité, le règlement d'emploi des armes sans
autorisation de l'autorité judiciaire par les gendarmes.
Monsieur le président, je le rappelle, nous avons discuté longuement de la
démocratie de proximité, mais, quelques semaines auparavant, nous discutions de
la sécurité au quotidien et c'était l'occasion de poser le problème.
Nous ne sommes pas forcément en état de résoudre la question de l'usage des
armes par les policiers, mais je tiens à dire que la nature de la gendarmerie,
son organisation ne peuvent pas être comparées à celles de la police, et
réciproquement. Contrairement à certains, je souhaite que mon pays garde ses
deux forces de police, différentes pour des raisons de police judiciaire et
pour tout un tas d'autres raisons. L'histoire de notre pays doit nous rappeler
qu'il n'est peut-être pas bon qu'il y ait une seule force de police.
Les policiers se demandent pourquoi il ne sont pas traités comme les
gendarmes. Je suis désolé, mais une compagnie de gendarmes mobiles n'a rien à
voir avec une BAC - brigade anti-criminalité : les responsabilités ne sont pas
les mêmes, la formation non plus !
Il convient peut-être de modifier les textes, mais assimiler les policiers aux
gendarmes ne me paraît pas souhaitable. La gendarmerie nationale, dans sa
composante territoriale, mais aussi dans sa composante mobile, n'a pas les
mêmes fonctions que la police nationale. Je ne prétends pas que les policiers
sont des sous-gendarmes, ni l'inverse : je crois l'avoir prouvé !
Monsieur le président, il me semble prématuré de trancher la question. On ne
peut pas souhaiter oeuvrer pour la sécurité et élaborer un texte qui n'est ni
pertinent ni applicable. Je regrette vivement que nous n'ayons pas discuté de
ce problème à l'occasion de l'examen de la loi relative à la sécurité
quotidienne ! De surcroît, monsieur le président, je ne suis pas porté à
laisser croire que je règle les problèmes parce que j'ai voté un amendement.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Pierre Fauchon.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fauchon.
M. Pierre Fauchon.
Monsieur le président, je suis de ceux, sans doute peu nombreux dans cette
salle, qui ont été amenés à donner l'ordre à des forces d'employer leurs armes.
C'est une épreuve que l'on n'oublie pas, d'autant plus que l'emploi qui en est
fait n'est pas toujours celui auquel on s'attendait. C'est donc, comme on l'a
dit, une matière infiniment délicate, et je sais de quoi je parle !
J'observe que la rédaction qui nous est proposée est un peu surprenante et
qu'elle mériterait un examen plus approfondi. Je m'empresse de dire que, sur le
fond, je comprends parfaitement la démarche de nos collègues qui en ont assez.
Je comprends à « 150 % » le mouvement qui les anime, mais je demande, avec le
rapporteur et avec d'autres, qu'on y réfléchisse.
Les problèmes de rédaction sont considérables. Que signifie, par exemple, que
les fonctionnaires des services actifs peuvent « déployer » la force armée ?
Vous voulez sans doute dire « employer ». En outre, « la force armée » signifie
certainement « employer les armes ». Il faudrait corriger, parce que « déployer
la force armée », c'est autre chose.
Deux hypothèses, au moins, sont un peu surprenantes, notamment s'agissant du
troisième alinéa de l'article. Nous sommes dans une hypothèse offensive,
puisqu'il s'agit de résistance. Est-ce « Fort Chabrol », est-ce qu'on attaque ?
Je ne sais pas d'où est issue cette rédaction, peut-être d'anciens règlements
militaires, mais il faudrait y travailler.
Quant au quatrième alinéa, toute personne cherchant à échapper à une
investigation pourra-t-elle se voir tirer dessus ?
J'étudie très sérieusement votre proposition, mes chers collègues, car je
souhaite effectivement, s'il y a une lacune, que nous puissions la combler le
plus vite possible. Je me heurte cependant à des difficultés
rédactionnelles.
Je vous supplie de retirer cet amendement. Je n'ai pas qualité pour vous le
demander, mais je vous ai dit à quel point je me sens concerné par ce problème.
Je suis gêné, chers amis, de penser que nous risquons de nous diviser sur cette
affaire, alors que nous ne sommes pas fondamentalement en désaccord.
Pour toutes ces raisons, je me permets de souhaiter que l'amendement soit
retiré et que la commission des lois prenne la résolution ferme d'instruire
cette affaire sans délai.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. René Garrec,
président de la commission des lois.
Mes chers collègues, j'ignore si
vous avez déjà eu peur. Moi, j'ai eu peur en Algérie. J'ai tenu bon parce que
j'avais des gens à commander. J'ai débarqué dans un monde violent au sein d'une
unité de choc. Ce n'était pas facile.
Je voudrais d'ailleurs faire remarquer qu'il y avait des gendarmes. Ils
n'étaient pas sur les pitons, comme nous, mais en bas, en uniforme, et ils se
faisaient tuer, ou plutôt assassiner, parce qu'ils étaient seuls.
Aujourd'hui, les gendarmes ont le droit de tirer. Pourtant, ils se sont fait
assassiner par des Basques sur de petites routes. Le problème de la sécurité de
ce pays est tel qu'on ne peut pas utiliser des termes militaires, comme l'a
souligné M. Fauchon.
C'est ce qu'on m'a appris à Cherchell. Je peux résister, si j'ai les troupes
pour le faire. J'ai vécu cela. Il m'est arrivé de commander parce que mon
capitaine ainsi que le lieutenant le plus ancien étaient mort. Je me suis
trouvé à la tête de 85 hommes, à 1 500 mètres d'altitude et à vingt-quatre
heures à pied d'une route praticable.
Pour tout ce qui touche à la sécurité, on ne peut pas dire qu'on fera du
maintien de l'ordre avec des armes.
La grande force du ministre de l'intérieur de la France, en 1968, est d'avoir
tenu le pays sans qu'il y ait eu de mort.
Si vous n'avez jamais eu peur, je peux vous dire que, dans les embuscades,
cela m'est arrivé. Je ne suis pas particulièrement courageux. Avoir peur, ce
n'est pas dramatique, cela peut arriver à tout le monde. Nous aurons tous peur
de quelque chose un jour ou l'autre. La peur est une réalité.
Turenne disait qu'il tremblait lorsque le combat approchait, et cela m'a
toujours frappé : « Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage
si tu savais où je vais te mener. »
Avoir peur est normal. Je suis persuadé que nos gendarmes et nos policiers ont
peur, parfois. Ce n'est pas un phénomène courant, qui les domine, mais ce sont
des hommes et, comme les autres, ils peuvent avoir des faiblesses.
Lorsqu'on est trois ou quatre face à quelques centaines de personnes
menaçantes, il est normal d'avoir peur. A ce moment-là, lorsqu'on a une arme,
la tendance naturelle est de la prendre et de s'en servir.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Très bien !
M. Christian Cointat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les interventions précédentes. Je n'ai pas
la liberté d'agir, dans la mesure où je ne suis qu'un des cosignataires de cet
amendement et que l'affaire est importante.
Je sais bien que l'on peut toujours faire mieux, mais n'oubliez pas que le
mieux est l'ennemi du bien.
M. Jean-Jacques Hyest.
On fera mieux au mois de mai !
M. Christian Cointat.
Les Français attendent des décisions tout de suite.
Mme Nicole Borvo.
Quelle réponse décevante !
M. Christian Cointat.
J'ai écouté, comme toujours avec beaucoup d'intérêt, M. Badinter : il me
faisait penser à Honoré de Balzac disant qu'il avait fait un délicieux voyage
embarqué sur un mot.
Malheureusement, ce n'est pas de mots que la France a besoin, mais de
décisions, et de décisions sages.
Au contraire, je vous fais la proposition suivante : adoptons cet amendement,
dans la logique de ce que nous avons fait en votant l'amendement de M.
Charasse, dont l'objet était identique.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'était pas le même !
M. Christian Cointat.
Je tiens à préciser que l'auteur, selon ses propos, n'a fait que reprendre,
pour l'essentiel, les termes du décret de 1903 concernant la gendarmerie. S'il
est bon pour un corps d'élite, il peut l'être pour un autre. A ma connaissance,
depuis 1903, il n'y a eu, ni sur le plan grammatical, ni sur le plan politique,
de problème particulier ou de déficience.
Par conséquent, la rédaction de cet amendement me semble satisfaisante, et
puisque nos concitoyens veulent que nous cessions de parler et que nous
prenions des mesures, je vous propose, mes chers collègues, de le voter. Lors
de la réunion de la commission mixte paritaire, je sais que M. le rapporteur et
M. le président de la commission sauront agir comme il convient pour trouver la
solution qu'attendent les Français.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur Cointat, il serait désolant que les Français attendent que nous
résolvions les problèmes de sécurité par le biais de cet amendement !
Ce débat me conforte dans l'idée que l'examen de cette proposition de loi
permet d'offrir à certains une tribune...
M. Jean-Jacques Hyest.
Le Parlement est fait pour cela !
Mme Nicole Borvo.
... où ils peuvent tenir des propos n'ayant rien à voir avec le sujet qui nous
occupe. Cela me semble très regrettable !
Cela étant, je ne redirai pas ce qui a déjà été excellemment formulé. La
question de l'unification des règles régissant la police et la gendarmerie
mérite à l'évidence un large débat.
J'estime en tout cas que les dispositions actuellement en vigueur relatives à
l'utilisation des armes par la police protègent plutôt celle-ci et qu'il serait
choquant de décider, à vingt-trois heures, au détour du vote d'un amendement,
et sans avoir consulté les policiers, de les aligner sur celles qui valent pour
la gendarmerie. Soyons donc raisonnables !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 6