SEANCE DU 7 FEVRIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle porte sur les équilibres
mondiaux, sur notre volonté de faire preuve d'humanité et, en toile de fond,
sur la sécurité internationale.
Monsieur le Premier ministre, l'Afrique est un continent de plus en plus
pauvre. Une étude toute récente de l'Organisation de coopération et de
développement économiques, l'OCDE, fait ainsi état d'une croissance en baisse,
d'une part dans les échanges mondiaux très faible et de besoins financiers
importants.
La part de l'Afrique dans la richesse mondiale a diminué d'un tiers entre 1995
et 2000, et la misère s'aggrave. Certes, nous comprenons bien, monsieur le
Premier ministre, que vous succombiez à la tentation des effets
d'annonce,...
M. Paul Raoult.
Le Premier ministre est sérieux !
M. Francis Grignon.
... lorsque vous déclarez, à la suite du forum de Porto Alegre, qu'il faut
accroître l'aide apportée au tiers-monde. Qui ne serait d'accord avec cette
affirmation ?
Il est certain qu'une aide, à condition qu'elle soit bien ciblée et bien
suivie, est un gage de développement de la démocratie pour ces pays, de progrès
social pour leurs populations et de sécurité globale pour tous.
Mais, lorsque l'on examine votre politique budgétaire, force est de constater
que vous avez réduit de moitié, depuis votre arrivée au pouvoir, le montant de
l'aide au développement fournie par notre pays.
(Protestations sur les
travées socialistes. - Marques d'approbation sur les travées du RPR.)
M. Charles Revet.
C'est la vérité !
M. Adrien Gouteyron.
Voyez le rapport Charasse !
M. Francis Grignon.
Alors, que croire : vos déclarations, monsieur le Premier ministre, ou les
chiffres officiels du budget de la France ?
M. Adrien Gouteyron.
Le rapport Charasse !
M. Francis Grignon.
Nous sommes impatients de vous entendre résoudre devant nous cette
contradiction.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin,
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
sénateur, je voudrais d'abord exprimer ma satisfaction devant le consensus qui
se manifeste à propos de la nécessité de l'aide publique au développement,
singulièrement au profit de l'Afrique, qui est évidemment un continent en
difficulté.
Ce consensus n'a pas toujours existé...
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... et, voilà quelques années, des voix s'élevaient
dans les deux assemblées, sur certaines travées, pour dénoncer le « gaspillage
» de l'aide publique au développement.
(Protestations sur les travées du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Henri Weber.
Ces voix venaient de droite !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Il est vrai que, si l'on compare le montant des sommes
investies aux résultats obtenus, notamment en matière de lutte contre la
pauvreté, le compte n'y est pas. La question du volume de l'aide se pose donc,
ainsi que celle de son efficacité.
S'agissant du volume, d'une manière globale, l'aide publique mondiale au
développement a beaucoup diminué ces dernières années. Elle a atteint en
moyenne 0,22 % du PIB pour les pays de l'OCDE. En ce qui concerne la France, ce
pourcentage s'élevait à 0,64 % en 1994 : ce fut une sorte de sommet, mais il
est vrai que, à cette époque, nous devions aider l'Afrique à supporter les
conséquences de la dévaluation du franc CFA. Ensuite, le recul a été de 30 %
entre 1994 et 1997, avant d'être freiné à compter de 1998. Le montant de notre
aide publique a été stabilisé en 1999, pour représenter 0,32 % du PIB à la fin
de l'année 2000. Entre-temps, une baisse statistique de 0,05 point est
intervenue, correspondant à la sortie de l'aide aux territoires d'outre-mer de
la statistique. Cela signifie que le pourcentage que j'évoquais atteindrait, si
cette mesure n'avait pas été prise, 0,37 %, mais je n'entrerai pas davantage
dans les détails.
Je ferai simplement observer que les chiffres constatés à la fin de 2001
indiquent, comme nous l'avions annoncé, une remontée de l'aide publique au
développement,...
M. Henri Weber.
Eh oui, messieurs !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
... en raison à la fois de l'effacement de la dette,
qui commence à produire ses effets, d'une meilleure efficacité du fonds
européen de développement - nous touchons là les premiers dividendes de la
réforme du fonctionnement de ce fonds conduite sous présidence française et
adoptée en novembre 2000 - et, enfin, de la mise en place des fonds mondiaux
contre le sida et pour la protection de l'environnement.
D'ores et déjà, nous savons que nous observerons une nouvelle progression à la
fin de 2002, ce qui replacera la France nettement en tête des pays du G 7 à cet
égard.
M. Paul Raoult.
Très bien !
M. Charles Josselin,
ministre délégué.
Il reste que l'efficacité de l'aide dépend aussi d'un
certain nombre de procédures. Ainsi, M. Lionel Jospin a demandé à M. Hubert
Védrine et à moi-même d'entreprendre une importante réforme de la coopération
française, afin de donner plus de transparence à notre politique dans ce
domaine. A cette fin, nous avons mis en place des outils spécifiques - je pense
ici au fonds de solidarité prioritaire - et rénové l'Agence française de
développement. Le prochain comité interministériel de la coopération
internationale et du développement, qui se réunira dans quelques jours sous la
présidence de M. le Premier ministre, s'attachera à améliorer encore le
fonctionnement de ces différents moyens d'intervention.
L'effort doit cependant être mieux partagé, et la France plaide en ce sens.
Nous devrons sans doute inventer de nouveaux outils. A Monterrey, nous
proposerons ainsi, notamment, d'instituer des taxations internationales, afin
d'obliger chaque Etat à prendre sa part dans le nécessaire effort à consentir,
en particulier en faveur de l'Afrique.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
NIVEAU DE PRESSION FISCALE SUR LES ENTREPRISES