SEANCE DU 7 FEVRIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Barbier.
M. Gilbert Barbier.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Madame la ministre, notre système de soins traverse aujourd'hui une grave
crise, comme en témoignent les grèves et les mouvements revendicatifs qui se
multiplient et touchent à la fois les soins de ville et les établissements de
santé.
La situation, qui aurait nécessité une mise en perspective et une vraie
réflexion, a été, depuis 1997, pilotée à vue. En se contentant d'éteindre les
incendies au fur et à mesure qu'ils s'allumaient, le Gouvernement s'est exposé
à en voir naître de nouveaux, comme le montre bien la situation actuelle.
Malgré l'accord conclu entre les caisses d'assurance maladie et le syndicat
minoritaire, cet accord portant la consultation à 18,50 euros à compter du 1er
février, la fièvre qui s'est emparée des médecins généralistes depuis la
mi-novembre ne retombe pas.
M. Gérard Cornu.
Et le Gouvernement casse le thermomètre !
M. Gilbert Barbier.
Après celle du 23 janvier, de nouvelles « journées sans toubib » sont prévues
les 15, 16 et 17 février.
De leur côté, les infirmières, en grève pour une revalorisation de leurs
tarifs, ne désarment pas et appellent à l'application d'honoraires libres dès
le 13 février. Vous nous avez annoncé ce matin que vous alliez faire quelque
chose.
(Ah ! sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
Par ailleurs, tandis que les chirurgiens-dentistes ont entamé, vendredi
dernier, une grève des extractions dentaires, les gynécologues, les
anesthésiologistes et les pédiatres ont annoncé un arrêt total d'activité à
compter du début du mois de mars.
Les personnels hospitaliers ont, eux aussi, manifesté des inquiétudes
légitimes, notamment à l'occasion du passage aux 35 heures, pour lequel les
moyens nécessaires n'ont pas été véritablement donnés aux établissements de
santé.
Madame le ministre, quelle est votre réponse face au désarroi profond de tous
ces hommes et de toutes ces femmes qui font de notre système de soins le
meilleur au monde ?
Est-ce le limogeage du directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie
des travailleurs salariés, la CNAMTS ? Il est vrai que les jours de M. Johannet
étaient comptés depuis son refus d'appliquer un accord conclu avec les
kinésithérapeutes !
Quelles instructions donnerez-vous aux caisses concernant les dépassements
d'honoraires déjà pratiqués par certains médecins et certaines infirmières
libérales ? Allez-vous les poursuivre comme de vulgaires délinquants ?
En écho à l'intervention d'un collègue socialiste, vous vous êtes, ce matin
encore, lancée dans une comparaison pitoyable des revenus respectifs des
coiffeurs, des plombiers et des médecins.
(Protestations sur les travées socialistes.)
M. Didier Boulaud.
Pitoyable ? Il ne faut pas aller trop loin !
M. Alain Gournac.
Oui, c'était pitoyable !
M. Paul Raoult.
C'est vous qui êtes pitoyable : vous donnez l'exemple !
M. le président.
Mon cher collègue, veuillez maintenant poser votre question.
M. Gilbert Barbier.
Pourquoi dresser les citoyens les uns contre les autres et vouloir à tout prix
faire passer les professionnels de santé, et principalement les médecins, pour
des nantis ?
(Exclamations sur les travées socialistes.)
Comptez-vous ouvrir enfin une véritable concertation avec l'ensemble des
professionnels de santé dans le cadre d'une réflexion globale sur le système de
soins ? Combien de temps allez-vous faire de la désinvolture et de
l'autoritarisme votre méthode de gouvernement ?
(Applaudissements sur
certaines travées du RDSE, sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Didier Boulaud.
Le Juppé nouveau est arrivé !
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, il est vrai que les professionnels libéraux,
depuis un certain temps, éprouvent un malaise profond ; il est ancien. C'est
précisement parce que le Gouvernement en a pris la mesure qu'il a provoqué la
réunion d'un « Grenelle de la santé » entre le 15 janvier et le 12 juillet
2001, dates des deux réunions plénières. Dans l'intervalle, une multitude de
réunions se sont tenues sous l'égide de M. Kouchner et de moi-même, avec nos
services. Un rapport a, par ailleurs, été commandé à quatre sages.
M. Charles Revet.
Il n'en est pas sorti grand-chose !
M. Gérard Cornu.
Paroles, paroles, paroles !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Tout ce travail, extrêmement
intense, qui s'est déroulé sur six mois, a abouti au dépôt de treize
propositions qui ont d'ailleurs été consacrées dans la loi par le Parlement
lors de l'examen soit du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
soit du projet de loi relatif à la modernisation sociale - c'est la réforme des
études médicales - soit du projet de loi relatif aux droits des malades et à la
qualité du système de santé, que le Sénat a adopté cette nuit.
Au nombre des mesures que nous avons prises depuis cinq ans, je citerai,
notamment, des revalorisations substantielles des rémunérations de tous les
professionnels.
M. Alain Gournac.
C'est pour cette raison qu'ils manifestent !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Peut-être ces revalorisations
ne correspondent-elles pas exactement aux demandes qui ont été formulées -
c'est vrai, en particulier, pour les médecins - mais elles marquent un progrès
tout à fait substantiel.
Pour les médecins généralistes, par exemple, l'accord qui vient d'être conclu
avec la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, représente des
augmentations d'honoraires de 2 300 francs par mois, la première année, et, au
bout de trois ans, d'un SMIC par mois.
Puisque vous faisiez allusion à la hiérarchie des rémunérations, il est normal
que les médecins, qui ont suivi huit à dix ans d'études supérieures, gagnent
davantage que des personnes qui n'ont pas fait ces études.
Vous avez cité ce matin, lors de l'examen de la proposition de loi portant
rénovation des rapports conventionnels entre les professions de santé libérales
et les organismes d'assurance maladie, les plombiers et les coiffeurs.
J'ai rappelé, à cette occasion, l'analyse que fait l'INSEE des rémunérations
des professions indépendantes, pour montrer précisément qu'il y avait un écart
justifié, au bénéfice des médecins,...
M. Alain Gournac.
Pas toujours !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... qui ont fait de longues
études par rapport à d'autres professionnels, et qu'il était donc inexact de
prétendre, comme vous l'aviez fait, que les médecins gagnaient moins que les
plombiers ou les artisans coiffeurs.
M. Gérard Cornu.
Le plombier, c'est 250 francs la visite !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'agissant de l'augmentation
des rémunérations, il faut souligner que, pour les médecins généralistes, nous
avons engagé un travail de fond et des réformes structurelles pour améliorer
les conditions d'exercice de leur métier, notamment en permettant une
diminution des heures effectuées.
M. Alain Gournac.
C'est un peu long !
M. le président.
Madame le ministre, vous avez épuisé le temps qui vous était imparti.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ce sont toutes ces mesures qui
ont été votées par le Parlement que nous mettons aujourd'hui en oeuvre.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste, républicain et citoyen.)
GRÈVE DES MÉDECINS